Archive pour EZLN anticolonialisme chiapas

Et pendant ce temps là… la guerre de l’eau continue de faire rage… (CNI-EZLN)

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, colonialisme, crise mondiale, démocratie participative, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, politique et social, résistance politique, société des sociétés, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , on 4 décembre 2020 by Résistance 71

La guerre de l’eau fait rage, marchandisation à l’extrême de la vie sur cette planète. Plus que grand temps de dire NON ! Ensemble !
Solidarité, Entraide, Coopération, Fraternité
A bas la marchandise et l’État ! Vive la Commune Libre de notre humanité réalisée !
~ Résistance 71 ~

POUR LA VIE ET CONTRE L’ARGENT

LE CNI-CIG ET L’EZLN APPELLENT À LA SOLIDARITE AVEC LE FRONT DES PEUPLES EN DÉFENSE DE LA TERRE ET DE L’EAU DES ÉTATS DE MORELOS, PUEBLA ET TLAXCALA.

Novembre 2020

Source du communiqué en français :

http://enlacezapatista.ezln.org.mx/2020/11/30/pour-la-vie-et-contre-largent-le-cni-cig-et-lezln-appellent-a-la-solidarite-avec-le-front-des-peuples-en-defense-de-la-terre-et-de-leau-des-etats-de-morelos-puebla/?utm_source=feedburner&utm_medium=email&utm_campaign=Feed%3A+EnlaceZapatista+%28Enlace+Zapatista%29

Au peuple du Mexique,

Aux peuples du monde,

A la Sexta nationale et internationale,

Aux médias,

Nous, Congrès national indigène – Conseil indigène de gouvernement et EZLN, dénonçons la lâche expulsion des compañeros du campement en résistance de San Pedro Apatlaco, dans l’État du Morelos, perpétrée par la Garde nationale à l’aube du 23 novembre dans le but de reprendre illégalement la construction du conduit qui détourne l’eau de la rivière Cuautla vers la centrale thermoélectrique de Huexca.

Avec quel cynisme le gouvernement néo-libéral, qui prétend diriger ce pays, obéit à ses patrons qui sont le grand capital, avec quel cynisme les forces armées, sous les ordres du contremaître, agressent les peuples pour livrer l’eau du Cuautla, volée aux villages paysans de la région d’Ayala, aux entreprises qui profitent du Plan Intégral Morelos (PIM), telles que Elecnor et Enagasa, à qui on a donné en concession le gazoduc ; Bonatti et Abengoa, entreprises de construction du gazoduc et de la centrale thermoélectrique à Huexca ; et celles qui profiteront de la consommation de gaz, comme Saint Gobain, Nissan, Burlington, Continental et Gas Natural del Noreste.

Avec le PIM, les forces armées et le gouvernement néo-libéral, utilisant des survols militaires, progressent dans la répression et l’imposition de l’infrastructure énergétique en s’appuyant sur la destruction et la spoliation du territoire des peuples originaires afin de rendre possible, au prix du sang des nôtres comme le compañero Samir Flores Soberanes, l’exploitation de la nature. Tout cela pour que les patrons du capital transnational détruisent les monts avec leurs concessions minières et qu’ils s’emparent de l’eau au bénéfice des corridors industriels de Cuautla, Yecapixtla, Cuernavaca et de toute la région, dans les États de Morelos, Puebla et Tlaxcala. Avec quel cynisme et quelle impunité le contremaître, qui doit diriger le gouvernement fédéral, ordonne de piétiner le soi-disant état de droit, violant les 8 suspensions judiciaires des chantiers de l’aqueduc destiné à voler l’eau polluée par la centrale thermoélectrique de Huexca, ainsi que deux autres suspensions de plus contre le gazoduc sur les flancs du volcan sacré Popocatepetl, et contre la pollution du fleuve Cuautla, dans le cadre du Projet intégral Morelos.

Au vu de ce qui a été dit antérieurement et au vu de la tension croissante et de la violation de l’état de droit, nous rendons le mauvais gouvernement fédéral et le mauvais gouvernement de l’État du Morelos responsables de toute agression ou attentat perpétré contre les compañeros et compañeras qui luttent et résistent contre ce mégaprojet mortifère. Nous appelons tout particulièrement à la solidarité avec le Front des peuples en défense de la terre et de l’eau des États de Morelos, Puebla et Tlaxcala.

Bien à vous,

Novembre 2020.

Pour la reconstitution intégrale de nos peuples

Jamais plus un Mexique sans Nous

Congrès national indigène – Conseil indigène de gouvernement

Armée zapatiste de libération nationale

Mexique, novembre 2020

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et aussi…

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

+

4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

Par delà tous les antagonismes induits… La marche zapatiste sur les 5 continents en 2021 pour une société des sociétés

Posted in actualité, altermondialisme, colonialisme, crise mondiale, démocratie participative, gilets jaunes, guerres imperialistes, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, pédagogie libération, politique et social, résistance politique, société des sociétés, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , on 14 octobre 2020 by Résistance 71

Pour la vie, les Zapatatistes parcoureront les cinq continents

“Une montagne en haute mer”


Communiqué du Comité clandestin révolutionnaire indigène
Commandement général de l’Armée zapatiste de libération nationale


Mexique, 5 octobre 2020


Source: 
https://www.lavoiedujaguar.net/Sixieme-partie-Une-montagne-en-haute-mer

Au Congrès national indigène – Conseil indigène de gouvernement,
À la Sexta nationale et internationale,
Aux réseaux de résistance et de rébellion,
Aux personnes honnêtes qui résistent dans tous les coins de la planète,

Sœurs, frères, sœurs-frères,

Compañeras, compañeros, compañeroas,

Nous, peuples originaires de racine maya et zapatistes, vous saluons et vous disons que ce qui est venu à notre pensée commune, d’après ce que nous voyons, entendons et sentons.

Un. Nous voyons et entendons un monde malade dans sa vie sociale, fragmenté en millions de personnes étrangères les unes aux autres, s’efforçant d’assurer leur survie individuelle, mais unies sous l’oppression d’un système prêt à tout pour étancher sa soif de profits, même alors qu’il est clair que son chemin va à l’encontre de l’existence de la planète Terre.

L’aberration du système et sa stupide défense du « progrès » et de la « modernité » volent en éclat devant une réalité criminelle : les féminicides. L’assassinat de femmes n’a ni couleur ni nationalité, il est mondial. S’il est absurde et déraisonnable que quelqu’un soit persécuté, séquestré, assassiné pour sa couleur de peau, sa race, sa culture, ses croyances, on ne peut pas croire que le fait d’être femme signifie une sentence de marginalisation et de mort.

En une escalade prévisible (harcèlement, violence physique, mutilation et assassinat), cautionnée par une impunité structurelle (« elle le méritait », « elle avait des tatouages », « qu’est-ce qu’elle faisait à cet endroit à cette heure-là ? », « habillée comme ça, il fallait s’y attendre »), les assassinats de femmes n’ont aucune logique criminelle si ce n’est celle du système. De différentes strates sociales, d’âges qui vont de la petite enfance à la vieillesse et dans des géographies éloignées les unes des autres, le genre est la seule constante. Et le système est incapable d’expliquer pourquoi cela va de pair avec son « développement » et son « progrès ». Dans l’indignante statistique des morts, plus une société est « développée », plus le nombre des victimes augmente dans cette authentique guerre de genre.

Et la « civilisation » semble dire aux peuples originaires : « La preuve de ton sous-développement, c’est ton faible taux de féminicides. Ayez vos mégaprojets, vos trains, vos centrales thermoélectriques, vos mines, vos barrages, vos centres commerciaux, vos magasins d’électroménager — avec chaîne de télé inclue —, et apprenez à consommer. Soyez comme nous. Pour payer la dette de cette aide progressiste, vos terres, vos eaux, vos cultures, vos dignités ne suffisent pas. Vous devez compléter avec la vie des femmes. »

Deux. Nous voyons et nous entendons la nature mortellement blessée, qui, dans son agonie, avertit l’humanité que le pire est encore à venir. Chaque catastrophe « naturelle » annonce la suivante et fait oublier, de façon opportune, que c’est l’action d’un système humain qui la provoque.

La mort et la destruction ne sont plus une chose lointaine, qui s’arrête aux frontières, qui respecte les douanes et les conventions internationales. La destruction dans n’importe quel coin du monde se répercute sur toute la planète.

Trois. Nous voyons et nous entendons les puissants se replier et se cacher dans les prétendus États nationaux et leurs murs. Et, dans cet impossible saut en arrière, ils font revivre des nationalismes fascistes, des chauvinismes ridicules et un charabia assourdissant. C’est là où nous apercevons les guerres à venir, celles qui s’alimentent d’histoires fausses, vides, mensongères et qui traduisent nationalités et races en suprématies qui s’imposeront par voie de mort et de destruction. Les différents pays vivent la bataille entre les contremaîtres et ceux qui aspirent à leur succéder, qui occulte le fait que le patron, le maître, le donneur d’ordre, est le même et n’a d’autre nationalité que celle de l’argent. Tandis que les organismes internationaux languissent et se convertissent en simples appellation, des pièces de musée… ou même pas.

Dans l’obscurité et la confusion qui précèdent ces guerres, nous entendons et nous voyons l’attaque, l’encerclement et la persécution de toute lueur de créativité, d’intelligence et de rationalité. Face à la pensée critique, les puissants demandent, exigent et imposent leurs fanatismes. La mort qu’ils sèment, cultivent et récoltent n’est pas seulement la mort physique ; elle inclut aussi l’extinction de l’universalité de l’humanité elle-même — l’intelligence —, ses avancées et ses succès. De nouveaux courants ésotériques, laïcs ou non, déguisés en modes intellectuelles ou en pseudosciences renaissent ou sont créés ; et on prétend soumettre les arts et les sciences à des militantismes politiques.

Quatre. La pandémie du Covid 19 a non seulement montré les vulnérabilités de l’être humain, mais aussi la cupidité et la stupidité des différents gouvernements nationaux et de leurs supposées oppositions. Des mesures du plus élémentaire bon sens ont été sous-estimées, le pari étant toujours que la pandémie allait être de courte durée. Quand la présence de la maladie s’est prolongée de plus en plus, les chiffres ont commencé à se substituer aux tragédies. La mort s’est ainsi convertie en un nombre qui se perd quotidiennement parmi les scandales et les déclarations. Une sinistre comparaison entre nationalismes ridicules. Le pourcentage de strikes et de home runs qui détermine quelle équipe de base-ball, ou quelle nation, est meilleure ou pire.

Comme il a été précisé dans l’un des textes précédents, au sein du zapatisme nous optons pour la prévention et l’application de mesures sanitaires qui, en leur temps, ont fait l’objet de consultation avec des scientifiques femmes et hommes qui nous ont orientés et nous ont offert leur aide sans hésiter. Nous, peuples zapatistes, leur en sommes reconnaissants et nous avons voulu le montrer. À six mois de la mise en œuvre de ces mesures (masques ou leur équivalent, distance entre personnes, arrêt des contacts personnels directs avec des zones urbaines, quarantaine de quinze jours pour qui a pu être en contact avec des personnes infectées, lavages fréquent à l’eau et au savon), nous déplorons le décès de trois compagnons qui ont présenté deux symptômes ou plus associés au Covid 19 et qui ont été en contact direct avec des personnes infectées.

Huit autres compañeros et une compañera, qui sont morts durant cette période, ont présenté un des symptômes. Comme nous n’avons pas la possibilité de faire des tests, nous présumons que la totalité des douze compañer@s sont morts du dit coronavirus (des scientifiques nous ont recommandé de supposer que tout problème respiratoire serait dû au Covid 19). Ces douze disparitions sont de notre responsabilité. Ce n’est ni la faute de la 4T [1] ou de l’opposition, des néolibéraux ou des néoconservateurs, des chairos ou des fifis [2], de conspirations ou de complots. Nous pensons que nous aurions dû prendre encore plus de précautions.

À l’heure actuelle, du fait de la disparition de ces douze compañer@s, nous avons amélioré dans toutes les communautés les mesures de prévention, maintenant avec le soutien d’organisations non gouvernementales et de scientifiques qui, à titre individuel ou en tant que collectif, nous orientent sur la façon d’affronter plus fermement une possible nouvelle vague. Des dizaines de milliers de masques (conçus spécialement pour éviter qu’un probable porteur ne contamine d’autres personnes, peu coûteux, réutilisables et adaptés aux circonstances) ont été distribués dans toutes les communautés. D’autres dizaines de milliers sont produits dans les ateliers de broderie et de couture des insurgé·e·s et dans les villages. L’usage massif de masques, les quarantaines de deux semaines pour qui pourrait avoir été infecté, la distance et le lavage régulier des mains et du visage à l’eau et au savon, et la limitation autant que possible des déplacements dans les villes sont les mesures recommandées y compris aux frères et sœurs des partis pour stopper l’expansion des contagions et permettre de maintenir la vie communautaire.

Le détail de ce qu’a été et est notre stratégie pourra être consulté en temps voulu. Pour le moment nous disons, avec la vie qui palpite dans nos corps, que selon notre évaluation (sur laquelle probablement nous pouvons nous tromper), le fait d’affronter la menace en tant que communauté, et non comme un problème individuel, et de faire porter notre effort principal sur la prévention nous permet de dire, en tant que peuples zapatistes : nous sommes là, nous résistons, nous vivons, nous luttons.

Et maintenant, dans le monde entier, le grand capital veut que les personnes retournent dans les rues pour assumer à nouveau leur condition de consommateurs. Parce que qui le préoccupe, ce sont les problèmes du Marché : la léthargie de la consommation de marchandises.

Il faut reprendre les rues, oui, mais pour lutter. Parce que, nous l’avons dit auparavant, la vie, la lutte pour la vie, n’est pas une question individuelle, mais collective. On voit maintenant que ce n’est pas non plus une question de nationalités, elle est mondiale.

Nous voyons et entendons bien des choses à ce sujet. Et nous y pensons beaucoup. Mais pas seulement…

Cinq. Nous entendons et voyons aussi les résistances et les rébellions qui, même réduites au silence ou oubliées, n’en sont pas moins des clefs, des pistes d’une humanité qui se refuse à suivre le système dans sa marche précipitée vers l’effondrement : le train mortel du progrès qui avance, arrogant et impeccable, vers le gouffre. Tandis que le chauffeur oublie qu’il n’est qu’un employé parmi d’autres et croit, ingénument, que c’est lui qui décide de la route à suivre, alors qu’il ne fait que suivre la prison des rails vers l’abîme.

Résistances et rébellions qui, sans oublier les pleurs dus aux disparus, s’efforcent de lutter pour ce qu’il y a de plus subversif — qui le dirait — dans ces mondes divisés entre néolibéraux et néoconservateurs : la vie.

Rébellions et résistances qui comprennent, chacune selon sa façon, son temps et sa géographie, que les solutions ne se trouvent pas dans la foi en les gouvernements nationaux, qu’elles ne se génèrent pas à l’abri des frontières et ne revêtent ni drapeaux ni langues différentes.

Résistances et rébellions qui nous apprennent à nous, femmes, hommes, femmes-hommes zapatistes, que les solutions pourraient se trouver en bas, dans les sous-sols et les recoins du monde. Et non dans les palais gouvernementaux. Et non dans les bureaux des grandes corporations.

Résistances et rébellions qui nous montrent que, si ceux d’en haut rompent les ponts et ferment les frontières, il nous reste à naviguer sur les fleuves et les mers pour nous rencontrer. Que le remède, s’il y en a un, est mondial, et qu’il a la couleur de la terre, du travail qui vit et meurt dans les rues et les quartiers, dans les mers et les cieux, dans les montagnes et dans leurs entrailles. Que, comme le maïs originaire, ses couleurs, ses tonalités et ses sons sont multiples.

Nous voyons et nous entendons tout cela, et plus. Et nous nous voyons et nous nous entendons tels que ce que nous sommes : un nombre qui ne compte pas. Parce que la vie n’importe pas, ne fait pas vendre, elle n’est pas une nouvelle, elle ne tient pas dans les statistiques, ne se compare pas dans les enquêtes, n’est pas évaluée dans les réseaux sociaux, ne provoque pas, ne représente pas un capital politique, le drapeau d’un parti, un scandale à la mode. À qui importe qu’un petit, un tout petit groupe de gens originaires, d’indigènes, vive, c’est-à-dire lutte ?

Parce qu’il s’avère que nous vivons. Que malgré les paramilitaires, les pandémies, les mégaprojets, les mensonges, les calomnies et les oublis, nous vivons. C’est-à-dire nous luttons.

Et c’est à quoi nous pensons : nous continuons à lutter. C’est-à-dire nous continuons à vivre. Et nous pensons que, durant toutes ces années, nous avons reçu l’embrassade fraternelle de personnes de notre pays et du monde entier. Et nous pensons que, si ici la vie résiste et, non sans difficultés, fleurit, c’est grâce à ces personnes qui ont affronté les distances, formalités, frontières et différences de cultures et de langues. Grâce à elles, eux, elles-eux — mais surtout à elles —, qui ont bravé et vaincu les calendriers et les géographies.

Dans les montagnes du Sud-Est mexicain, tous les mondes du monde ont trouvé, et trouvent, une écoute dans nos cœurs. Leur parole et leur action ont été l’aliment pour la résistance et la rébellion, qui ne sont autres que la continuation de celles de nos prédécesseurs.

Des personnes suivant la voie des sciences et des arts ont trouvé le moyen de nous embrasser et nous encourager, même si c’était à distance. Des journalistes, fifis ou non, qui ont relaté la misère et la mort d’avant, la dignité et la vie de toujours. Des personnes de toutes les professions et métiers qui, beaucoup pour nous, peut-être un peu pour elles-eux, ont été là, sont là.

Et nous pensons à tout cela dans notre cœur collectif, et il est venu à notre pensée qu’il est grand temps que nous, femmes, hommes, femmes-hommes zapatistes, répondions à l’écoute, la parole et la présence de ces mondes. Ceux proches et ceux lointains dans la géographie.

Six. Et nous avons décidé ceci :

Qu’il est temps à nouveau que les cœurs dansent, et que leur musique et leurs pas ne soient pas ceux de la lamentation et de la résignation.

Que diverses délégations zapatistes, hommes, femmes et femmes-hommes de la couleur de notre terre, iront parcourir le monde, chemineront ou navigueront jusqu’à des terres, des mers et des cieux éloignés, cherchant non la différence, non la supériorité, non la confrontation, et moins encore le pardon et la compassion.

Nous irons à la rencontre de ce qui nous rend égaux.

Non seulement l’humanité qui anime nos peaux différentes, nos façons distinctes, nos langues et couleurs diverses. Mais aussi, et surtout, le rêve commun que nous partageons en tant qu’espèce depuis que, dans l’Afrique qui pourrait sembler lointaine, nous nous sommes mis en marche depuis le giron de la première femme : la recherche de la liberté qui a impulsé ce premier pas… et qui est toujours en marche.

Que la première destination de ce voyage planétaire sera le continent européen.

Que nous naviguerons vers les terres européennes. Que nous partirons et que nous appareillerons depuis les terres mexicaines, au mois d’avril de l’année 2021.

Qu’après avoir parcouru différents recoins de l’Europe d’en bas et à gauche, nous arriverons à Madrid, la capitale espagnole, le 13 aout 2021 — cinq cents ans après la prétendue conquête de ce qui est aujourd’hui Mexico. Et que, tout de suite après, nous reprendrons la route.

Que nous parlerons au peuple espagnol. Non pas pour menacer, reprocher, insulter ou exiger. Non pas pour exiger qu’il nous demande pardon. Non pas pour les servir ni pour nous servir.

Nous irons dire au peuple d’Espagne deux choses simples :

Un. Qu’ils ne nous ont pas conquis. Que nous sommes toujours en résistance et en rébellion.

Deux. Qu’ils n’ont pas à demander qu’on leur pardonne quoi que ce soit. Ça suffit de jouer avec le passé lointain pour justifier, de façon démagogique et hypocrite, les crimes actuels et qui continuent : l’assassinat de lutteurs sociaux, comme le frère Samir Flores Soberanes, les génocides que cachent des mégaprojets conçus et réalisés pour contenter le puissant — celui-là même qui sévit dans tous les coins de la planète —, l’encouragement par le financement et l’impunité des paramilitaires, l’achat des consciences et des dignités pour trente deniers.

Nous, hommes, femmes, femmes-hommes zapatistes, nous NE voulons PAS revenir à ce passé, ni seuls ni encore moins en compagnie de qui veut semer la rancœur raciale et prétend alimenter son nationalisme réchauffé avec la supposée splendeur d’un empire, celui des Aztèques, qui a crû au prix du sang de leurs semblables, et qui veut nous convaincre qu’avec la chute de cet empire nous, peuples originaires de ces terres, avons été vaincus.

Ni l’État espagnol ni l’Église catholique n’ont à nous demander pardon de quoi que ce soit. Nous ne nous ferons pas l’écho des charlatans qui se valent de notre sang et ainsi cachent que leurs mains en sont tachées.

De quoi l’Espagne va-t-elle nous demander pardon ? D’avoir enfanter Cervantès ? José Espronceda ? León Felipe ? Federico García Lorca ? Manuel Vázquez Montalbán ? Miguel Hernández ? Pedro Salinas ? Antonio Machado ? Lope de Vega ? Bécquer ? Almudena Grandes ? Panchito Varona, Ana Belén, Sabina, Serrat, Ibañez, Llach, Amparanoia, Miguel Ríos, Paco de Lucía, Victor Manuel, Aute toujours ? Buñuel, Almodóvar et Agrado, Saura, Fernán Gómez, Fernando León, Bardem ? Dalí, Miró, Goya, Picasso, Le Greco et Velázquez ? Une des meilleures parts de la pensée critique mondiale, sous le sceau du Ⓐ libertaire ? L’exil ? Le frère maya Gonzalo Guerrero ?

De quoi va nous demander pardon l’Église catholique ? De la venue de Bartolomé de las Casas ? De don Samuel Ruiz García ? D’Arturo Lona ? De Sergio Méndez Arceo ? De la sœur Chapis ? Des présences des prêtres, sœurs religieuses et séculaires qui ont cheminé au côté des peuples originaires sans les diriger ni les supplanter ? De ceux qui risquent leur liberté et leur vie pour défendre les droits humains ?

En l’année 2021 il y aura vingt ans de la Marche de la couleur de la terre, celle que nous avons réalisée avec les peuples frères du Congrès national indigène pour exiger une place dans cette nation qui maintenant est en train de s’effondrer.

Vingt ans après nous naviguerons et marcherons pour dire à la planète que, dans le monde que nous sentons dans notre cœur collectif, il y a de la place pour toutes, tous, tou·te·s. Purement et simplement parce que ce monde n’est possible que si toutes, tous, tou·te·s, nous luttons pour le construire.

Les délégations zapatistes seront conformées en majorité de femmes. Non seulement parce qu’elles veulent ainsi rendre l’embrassade qu’elles ont reçue dans les rencontres internationales précédentes. Mais aussi, et surtout, pour que nous, hommes zapatistes, manifestions clairement que nous sommes ce que nous sommes, et que nous ne sommes pas ce que nous ne sommes pas, grâce à elles, à cause d’elles et avec elles.

Nous invitons le CNI-CIG à former une délégation pour nous accompagner et qu’ainsi notre parole soit plus riche pour l’autre qui lutte au loin. Nous invitons en particulier une délégation des peuples qui portent haut le nom, l’image et le sang du frère Samir Flores Soberanes, pour que leur douleur, leur rage, leur lutte et leur résistance parvienne plus loin.

Nous invitons ceux qui ont pour vocation, engagement et horizon les arts et les sciences à accompagner, à distance, nos navigations et notre marche. Et qu’ainsi ils nous aident à diffuser qu’en ceux-ci, les sciences et les arts, existe la possibilité non seulement de la survie de l’humanité, mais aussi celle d’un monde nouveau.

En résumé : nous partons pour l’Europe au mois d’avril de l’année 2021. La date et l’heure ? Nous ne le savons pas… encore.

Compañeras, compañeros, compañeroas,

Sœurs, frères et sœurs-frères,

Ceci est notre détermination :

Face aux trains puissants, nos canots.

Face aux centrales thermoélectriques, les petites lumières que nous, femmes zapatistes, avons données à garder aux femmes qui luttent dans le monde entier.

Face aux murs et frontières, notre navigation collective.

Face au grand capital, une parcelle de maïs en commun.

Face à la destruction de la planète, une montagne naviguant au point du jour.

Nous sommes zapatistes et porteur·se·s du virus de la résistance et de la rébellion. En tant que tels, nous irons dans les cinq continents.

C’est tout… pour l’instant.

Depuis les montagnes du Sud-Est mexicain.

Au nom des femmes, des hommes et des autres zapatistes.

Sous-commandant insurgé Moisés

Mexique, octobre 2020.

P-S : Oui, c’est la sixième partie et, comme le voyage, elle continuera en sens inverse. C’est-à-dire que la suivra la cinquième partie, puis la quatrième, ensuite la troisième, elle continuera avec la deuxième et finira avec la première.

Traduit de l’espagnol (Mexique)

par Joani Hocquenghem

Texte d’origine :

Enlace Zapatista

Notes

[1] López Obrador présente le projet de son propre gouvernement comme celui de la « Quatrième Transformation » : 4T ; il suppose ainsi l’inscrire dans l’histoire révolutionnaire du Mexique : le premier moment étant celui de l’Indépendance, en 1810 ; le deuxième, celui de la Réforme (séparation de l’Église et de l’État), au milieu du XIXe siècle ; le troisième, celui de la révolution de 1910 (NdT).

[2] Chairos : suivistes, l’expression a été employée en particulier pour les inconditionnels de López Obrador ; fifis : gens chics, BCBG (NdT).

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5 textes pour comprendre et éradiquer le colonialisme

« Païens en terre promise, décoder la doctrine chrétienne de la découverte », Steven Newcomb, 2008

« Comprendre le système de l’oppression coloniale par mieux le démonter », Steven Newcomb

« Comprendre le système de l’oppression coloniale pour mieux le démonter », Peter d’Errico

« Effondrer le colonialisme », Résistance 71

« Nous sommes tous des colonisés ! », Résistance 71

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

+

4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie


La marche vers la société des sociétés

Résistance politique : Déclaration EZLN 1er janvier 2020… 26 ans de guerre contre l’oubli

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, colonialisme, crise mondiale, démocratie participative, gilets jaunes, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, politique et social, résistance politique, société des sociétés, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , on 6 janvier 2020 by Résistance 71

 

 

Paroles du comité révolutionnaire indigène clandestin du commandement général de l’Armée Nationale de Libération Zapatiste (EZLN) à l’occasion du 26ème anniversaire du début de la guerre contre l’oubli

 

Subcommandante Moisès, EZLN

 

1er janvier 2020

 

Bonsoir, bonjour, bonne nuit et aube à toutes, à tous et à tou*te*s,

Compañeras et compañeros bases d’appui zapatistes,

Compañeros et compañeras commandantes et commandants zapatistes,

Autorités autonomes zapatistes,

Compañeras et compañeros miliciens, miliciennes, insurgées et insurgés,

Congrès national indigène – Conseil indigène de gouvernement,

Sexta nationale et internationale,

Réseaux de résistance et de rébellion,

Sœurs et frères du Mexique et du monde,

Par ma voix parle la voix de l’Armée zapatiste de libération nationale.

« Canek a dit :

Dans un livre que j’ai lu, qu’autrefois dans les temps anciens les seigneurs ont voulu former des armées pour défendre les terres qu’ils gouvernaient.

Ils ont d’abord convoqué les hommes les plus cruels car ils supposaient qu’ils étaient accoutumés au sang ; et ainsi ils ont recruté leurs troupes parmi les gens des prisons et des abattoirs.

Mais il est bientôt arrivé que, lorsque ces gens se sont trouvés face à l’ennemi, ils ont pâli et jeté leurs armes.

Ils ont alors pensé aux plus forts : aux travailleurs des carrières et aux mineurs.

Ils leur ont donné des armures et des armes lourdes.

Ainsi ils les ont envoyés se battre.

Mais il est arrivé que la seule présence de l’adversaire a rendu leurs bras faibles et leurs cœurs défaillants.

Puis ils ont recouru, sur de bons conseils, à ceux qui, sans être sanguinaires ni forts, étaient courageux et avaient quelque chose à défendre en justice : comme la terre qu’ils travaillent, la femme avec laquelle ils dorment et les enfants dont la grâce les réjouit.

C’est ainsi que, le moment venu, ces hommes se sont battus avec une telle fureur qu’ils ont dispersés leurs adversaires et se sont libérés à jamais de leurs menaces et de leurs discordes. »

Sœurs, frères,

Il y a vingt-six ans, un soir comme celui-ci, nous sommes descendus de nos montagnes vers les grandes villes pour défier le puissant.

Nous n’avions alors rien d’autre que notre mort.

Une mort double, car nous mourions de la mort et nous mourions de l’oubli.

Et nous avons dû choisir.

Choisir entre mourir comme des animaux ou mourir comme des êtres humains qui se battent pour la vie.

Alors le jour s’est levé sur ce 1er janvier avec le feu dans nos mains.

Le puissant que nous affrontions alors était le même qui nous méprise aujourd’hui.

Il avait un autre nom et un autre visage, mais il était et il est toujours le même aujourd’hui.

Il s’est passé alors ce qui s’est passé et s’est ouvert un espace pour la parole.

Nous avons alors ouvert notre cœur au cœur frère et compagnon.

Et notre voix a trouvé soutien et réconfort dans toutes les couleurs du monde d’en bas.

Le puissant a triché, il a joué un tour, il a menti et il a suivi son plan pour nous détruire.

Tout comme le fait le puissant d’aujourd’hui.

Mais nous avons résisté et brandi bien haut le drapeau de notre rébellion.

Avec l’aide de toutes les couleurs du monde entier, nous avons commencé à construire un projet de vie dans ces montagnes.

Persécutés par la force et le mensonge du puissant, alors comme maintenant, nous nous sommes obstinés tenacement à construire quelque chose de nouveau.

Nous avons connu des échecs et des erreurs, c’est vrai.

Nous en ferons sûrement d’autres sur notre long chemin.

Mais nous ne nous sommes jamais rendus.

Nous ne nous sommes jamais vendus.

Nous n’avons jamais capitulé.

Nous avons cherché toutes les voies possibles pour que la parole, le dialogue et l’accord soient les voies pour construire la paix avec justice et dignité.

Mais, alors comme maintenant, le puissant a fait la sourde oreille et s’est caché derrière le mensonge.

Comme pour le puissant de maintenant, le mépris a été et est encore l’arme qui accompagne ses militaires, policiers, gardes nationaux, paramilitaires et programmes anti-insurrectionnels.

Tous les puissants, ceux qui ont été en place et ceux de maintenant, ont fait la même chose.

Autrement dit, ils ont essayé et essayent de nous détruire.

Et chaque année tous les puissants se consolent et se font des illusions en pensant qu’ils en ont fini avec nous.

Ils disent qu’il n’y a plus de zapatistes.

Que nous ne sommes plus que très peu en résistance et en rébellion.

Qu’il ne reste peut-être plus qu’un seul zapatiste.

Et ils célèbrent chaque année leur victoire.

Et chaque année, les puissants se félicitent en disant qu’ils en ont fini avec les rébellions indigènes.

Que nous sommes déjà vaincus, disent-ils.

Mais chaque année, nous, zapatistes, nous nous montrons et nous crions :

Nous sommes là !

Et nous sommes de plus en plus nombreux.

Comme toute personne au cœur honnête peut le voir, nous avons un projet de vie.

Dans nos communautés fleurissent les écoles et les hôpitaux.

Et la terre est travaillée collectivement.

Et nous nous soutenons collectivement.

Nous sommes donc une communauté.

Une communauté de communautés.

Les femmes zapatistes ont leur propre voix, leur propre chemin.

Et leur destin n’est pas la mort violente, l’enlèvement, l’humiliation.

L’enfance et la jeunesse zapatistes ont santé, éducation et différentes options d’apprentissage et de diversion.

Nous conservons et défendons notre langue, notre culture, notre façon de faire.

Et nous accomplissons tenacement notre devoir de peuples gardiens de la Terre Mère.

Tout cela a été possible grâce à l’effort, au sacrifice et au dévouement des peuples organisés.

Et tout cela a été possible grâce au soutien d’individus, de groupes, de collectifs et d’organisations du monde entier.

Avec eux, elles, elleux, nous nous sommes engagés à construire la vie avec leur soutien.

Ainsi nous pouvons dire sans honte que nos avancées, nos réalisations, nos victoire se doivent à leur soutien et à leur aide.

Les erreurs, les revers et les échecs sont de notre seule responsabilité.

Mais, de même que notre vie a avancé et grandi, la force de la bête qui veut tout manger et tout détruire elle aussi a grandi.

La machine de mort et de destruction qu’on appelle le système capitaliste a grandi elle aussi.

Et la faim de la bête n’est pas rassasiée.

Elle est prête à tout pour son profit.

Peu lui importe de détruire la nature, des peuples entiers, des cultures millénaires, des civilisations entières.

La planète elle-même est détruite par les attaques de la bête.

Mais l’hydre capitaliste, la bête destructrice, cherche d’autres noms pour se cacher, attaquer et vaincre l’humanité.

Et un de ces noms derrière lesquels se cache la mort est « mégaprojet ».

« Mégaprojet » signifie détruire un territoire entier.

Tout.

L’air, l’eau, la terre, les gens.

Avec le mégaprojet, la bête ne fait qu’une bouchée des villages entiers, des montagnes et des vallées, des rivières et des lacs, des hommes, des femmes, des autr@s, des petits garçons et petites filles.

Et une fois qu’elle a fini de détruire, la bête va ailleurs en faire autant.

Et la bête qui se cache derrière les mégaprojets a sa ruse, son mensonge, sa tricherie pour convaincre.

La bête dit que c’est pour le progrès.

Elle dit que, grâce à ces mégaprojets, les gens auront un salaire et les nombreux avantages de la modernité.

Et sur ce discours de progrès et de modernité nous voulons nous rappeler ici un compañero du Congrès national indigène qui a été assassiné cette année : notre frère et compañero Samir Flores Soberanes.

Et nous nous souvenons de lui parce qu’il se demandait et demandait pour qui est ce progrès dont on parle tant.

Autrement dit notre frère Samir demandait où va cette route qu’ils appellent « progrès », ce nom que porte comme une enseigne la bête des mégaprojets.

Et il se répondait que cette route mène à la destruction de la nature et à la mort des communautés originaires.

Alors il a dit clairement qu’il n’était pas d’accord, et il s’est organisé avec ses compañeras et compañeros, et a résisté, et n’a pas eu peur.

Et c’est pourquoi le puissant qui est en place maintenant l’a fait tuer.

Il a été assassiné par le mauvais gouvernement parce que le travail de contremaître du mauvais gouvernement est de veiller à ce que la bête, le puissant, obtienne son profit.

Regardez et écoutez : le premier à saluer les mégaprojets et à dire qu’ils sont bons, c’est le grand capital, le grand patron.

Et il a le cœur content, le grand capitaliste, parce qu’avec les mégaprojets il va faire de gros profits.

Mais ni le contremaître ni le puissant ne disent clairement que ces mégaprojets vont semer la mort partout où ils avancent.

Il y a quelques jours, nos sœurs zapatistes ont organisé une Rencontre internationale de femmes qui luttent.

Elles nous disent, nous parlent, nous enseignent, nous éduquent avec ce qu’elles ont vu et entendu dans cette rencontre.

Et ce qu’elles nous montrent est comme un enfer pour les femmes et les enfants.

Elles nous parlent de meurtres, de disparitions, de viols, de mépris et de violence diabolique.

Et toute cette horreur se produit dans le progrès et ce qu’ils appellent la civilisation moderne.

Et il y a quelques jours, nous étions aussi avec les peuples compañeros du Congrès national indigène – Conseil indigène de gouvernement.

Et nous étions aussi au Forum pour la défense du territoire et de la Terre Mère.

Et dans ces rencontres, nous avons écouté avec inquiétude ce qu’ils racontent.

Et ils nous parlent de villages désertés, de leurs habitants expulsés.

De tueries des délinquants, parfois illégales et parfois légales. En d’autres termes, il n’est pas rare que ce soit les gouvernements eux-mêmes qui font ces atrocités.

De petites filles et petits garçons victimes d’abus et vendus comme des animaux.

De jeunes hommes et femmes dont la vie a été détruite par les drogues, la délinquance et la prostitution.

De commerces subissant des extorsions, de la part parfois de voleurs et parfois de fonctionnaires.

De sources polluées.

De lacs et de lagunes asséchés.

De rivières qui charrient des ordures.

De montagnes détruites par les mines.

De forêts rasées.

D’espèces animales en extinction.

De langues et de cultures assassinées.

De paysannes et de paysans qui avant travaillaient leurs propres terres, et qui maintenant sont des péons qui travaillent pour un patron.

Et de la Mère Terre qui meurt.

Alors, en tant que zapatistes que nous sommes, nous disons clairement que seul un imbécile peut dire que les mégaprojets sont bons.

Un imbécile ou un être malveillant et rusé qui sait qu’il ment et peu lui importe que sa parole cache la mort et la destruction.

Alors le gouvernement et tous ses défenseurs devraient dire clairement ce qu’ils sont : si ce sont des imbéciles ou des menteurs.

Il y a un an, en décembre 2018, le contremaître qui commande maintenant l’hacienda qui s’appelle « Mexique » a fait un simulacre pour demander la permission de la Terre Mère de la détruire.

Alors il s’est trouvé quelques personnes déguisés en Indiens et ils ont posé sur la terre un poulet, une boisson et des tortillas.

Ainsi le contremaître croit que la Terre Mère lui donne la permission de la tuer et de faire un train qui devrait porter le nom de famille du contremaître.

Il le fait parce qu’il méprise les peuples originaires et parce qu’il méprise la Terre Mère.

Et de plus, le contremaître ne s’en tient pas là, il a aussi défié tous les peuples indiens et dit que peu lui importait ce que nous pensons et ressentons, que « cela plaise ou non » aux indigènes, il va faire ce que lui a ordonné son patron, c’est-à-dire le puissant, c’est-à-dire le grand capital.

Tout comme les contremaîtres du temps de Porfirio Díaz.

C’est ce qu’il a dit, et c’est ce qu’il dit, car il y a quelques semaines il a fait un autre simulacre, une prétendue consultation où il a seulement informé qu’il y a beaucoup de bonnes choses dans les mégaprojets, mais il n’a rien dit de tous les malheurs qu’entraînent ces mégaprojets pour les gens et la nature.

Et de toute façon, seules quelques personnes ont participé à cette consultation pour dire qu’elles voulaient les mégaprojets.

Si c’est ainsi qu’il méprise les pensées et les sentiments des gens, alors il va mépriser tout autant la nature et les villages.

Et il le fait parce que son patron n’a rien à faire des gens ou de la nature, il ne se soucie que de ses profits.

« Que cela leur plaise ou non », dit le gouvernement.

Ça veut dire « que vous soyez vivants ou morts », on va le faire.

Et nous, les peuples zapatistes, nous l’entendons comme un défi, comme s’il disait qu’il a la force et l’argent, et à voir qui s’oppose à son mandat.

Il dit que ce qui va se faire, c’est ce qu’il dit, pas ce que disent les peuples, et que peu lui importe leurs raisons.

Alors nous, les peuples zapatistes, nous relevons notre part de ce défi.

Et nous savons que le contremaître actuel des puissants nous pose certaines questions.

Autrement dit, il nous demande ceci :

« Les peuples zapatistes sont-ils prêts à perdre tout ce qu’ils ont avancé avec leur autonomie ? »

« Les peuples zapatistes sont-ils prêts à subir des disparitions, des emprisonnements, des assassinats, des calomnies et des mensonges pour défendre la terre qu’ils gardent et dont ils prennent soin, la terre où ils naissent, élèvent leurs enfants, croissent, vivent et meurent ?

Et avec ces questions, le contremaître et ses gardes nous donnent le choix « vivants ou morts, mais il faut obéir ».

En d’autres termes, il nous demande si nous sommes prêts à mourir en tant que société alternative, en tant qu’organisation, en tant que peuples originaires aux racines mayas, en tant que gardiens de la Terre Mère, en tant qu’individus et individues zapatistes.

Alors nous, peuples zapatistes, nous continuons notre façon d’être et notre calendrier.

Dans nos montagnes, nous avons fait l’offrande à la Terre Mère.

Au lieu de boisson, nous lui avons donné à boire le sang de nos morts dans la lutte.

Au lieu de poulet, nous lui avons offert notre chair.

Au lieu de tortillas, nous avons fait l’offrande de nos os, car nous sommes faits de maïs.

Et nous avons fait cette offrande non pour demander à la terre la permission de la détruire, ou de la vendre, ou de la trahir.

Nous avons fait cette offrande seulement pour avertir la Terre Mère que nous la défendrons.

Nous la défendrons jusqu’à la mort si nécessaire.

Et alors nous avons compté le nombre de personnes qu’il faut pour défendre la terre.

Et il s’est avéré qu’il suffit d’une seule personne zapatiste.

Il suffit d’une femme zapatiste, ou un homme zapatiste, ou un*e zapatiste, qu’il soit vieux, ou jeune, ou enfant.

Il suffit qu’une personne zapatiste s’obstine à défendre la terre pour qu’elle, notre mère, sache qu’elle n’est pas seule et abandonnée.

Il suffit qu’une personne s’obstine dans la résistance et la rébellion.

Alors nous sommes allés chercher dans le cœur collectif que nous sommes.

Nous cherchons seulement une personne qui soit zapatiste et qui soit prête à tout.

À tout.

Et nous avons trouvé non une, ni deux, ni cent, ni mille, ni dix mille, ni cent mille.

Nous avons trouvé tout ce qui s’appelle Armée Zapatiste de Libération Nationale, prête à tout pour défendre la terre.

Alors nous avons la réponse à la question que nous pose le contremaître.

Et la réponse est :

« Oui, nous sommes prêts à disparaître comme proposition d’un nouveau monde. »

« Oui, nous sommes prêts à être détruits en tant qu’organisation. »

« Oui, nous sommes prêts à être anéantis en tant que peuples originaires aux racines mayas. »

« Oui, nous sommes prêts à mourir en tant que gardiens et gardiennes de la terre. »

« Oui, nous sommes prêts à être battus, emprisonnés, séquestrés et assassinés en tant qu’individus zapatistes. »

Ainsi le contremaître a sa réponse.

Mais comme c’est notre façon d’être, à nous zapatistes, notre réponse comporte aussi une question que nous posons aux contremaîtres :

« Les mauvais gouvernements sont-ils prêts à essayer de nous détruire À TOUT PRIX, à nous battre, à nous emprisonner, à nous faire disparaître et à nous assassiner ? »

Sœurs, frères, frères*sœurs,

Compañeros, compañeras et compañeroas,

Vous vous appelons,

En tant que Congrès national indigène – Conseil indigène de gouvernement,

En tant qu’individus, groupes, collectifs et organisations de la Sexta nationale et internationale…

En tant que réseaux de résistance et de rébellion…

En tant qu’êtres humains…

À vous demander à quoi vous êtes prêts, prêtes et prêt*e*s pour arrêter la guerre menée contre l’humanité, chacun dans sa propre géographie, son propre calendrier et à son propre mode.

Et quand vous aurez votre réponse selon votre pensée, faites-la connaître aux patrons et contremaîtres.

Tous les jours et en tous lieux, la bête pose à l’humanité la même question.

Il ne manque que la réponse.

C’est tout.

Depuis les montagnes du Sud-Est mexicain.

Au nom des femmes, hommes et autres zapatistes.

Sous-commandant insurgé Moisés.

Mexique, 31 décembre 2019 – 1er janvier 2020.

Source:

https://www.lavoiedujaguar.net/Paroles-du-Comite-clandestin-revolutionnaire-indigene-Commandement-general-de-l

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Lectures complémentaires:

Murray_Bookchin_Ecologie_Sociale_1982

Voline_La_synthese_anarchiste

Murray_Bookchin_Ecoute_Camarade

Murray_Bookchin_Le_municipalisme_libertaire

Guy_Debord_La_societe_du_spectacle

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

TAZ_Fr

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

Nous_sommes_tous_des_colonisés (PDF)

Pierre_Clastres_Echange-et-pouvoir-philosophie-de-la-chefferie-indienne

Leducation-comme-pratique-de-la-liberte_Paulo_Freire_1965

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

3ri-et-societe-des-societes-du-chiapas-zapatistes-aux-gilets-jaunes-en-passant-par-le-rojava-fevrier-2019

Paulo_Freire_La_pedagogie_des_opprimes

Chiapas-Feu-et-Parole-dun-Peuple-qui-Dirige-et-dun-Gouvernement-qui-Obeit

Ricardo_Flores_Magon_Textes_Choisis_1910-1916

James_C_Scott_L’art_de_ne_pas_être_gouverné

Manifeste pour la Société des Sociétés

Un monde sans argent: le communisme

6ème_déclaration_forêt.lacandon (Zapatista)

 

Analyse politique: Les Mayas zapatistes nous montrent la voie… Du feu à la parole, entretien avec Jérôme Baschet

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A lire en complément:

Manifeste de la societe des societes

40ans_Hommage_Pierre_Clastres

6ème_déclaration_forêt.lacandon

la-sixta

 

Entretien avec Jérôme Baschet sur l’expérience zapatiste d’autogouvernement

mercredi 3 janvier 2018, par Alizé Lacoste Jeanson, Jérôme Baschet

Source: https://www.lavoiedujaguar.net/Entretien-avec-Jerome-Baschet-sur-l-experience-zapatiste-de-l-autonomie

Le Comptoir : Vous êtes historien, enseignant à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) de Paris jusqu’en 2016 et à l’Université autonome du Chiapas à San Cristóbal de Las Casas encore aujourd’hui, où vous vivez depuis 1997. Qu’est-ce qui vous a amené au Mexique, et quel est votre rôle à l’université de San Cristóbal de Las Casas ?

Jérôme Baschet : C’est en effet une trajectoire de vingt ans, pendant laquelle j’ai mené en parallèle mon intérêt pour les dynamiques contemporaines au Mexique et mon enseignement et mes recherches comme historien du Moyen Âge. Mais le déplacement progressif de l’équilibre entre ces deux versants de mon activité m’a conduit, il y a un an, à mettre fin à mon enseignement à l’EHESS, à Paris. C’est vous dire dans quel sens penche la balance…

Comment liez-vous votre recherche d’historien à l’actualité du zapatisme auquel vous avez consacré quatre ouvrages ?

Je dirais surtout que mon expérience au Chiapas a complètement transformé mon travail comme historien. Enseigner le Moyen Âge européen à des étudiants mexicains a été pour moi l’occasion de repenser cette période à partir de ses prolongements outre-Atlantique, dans les structures du monde colonial qui resteraient incompréhensibles si l’on ne prenait en compte le rôle que l’Église a joué dans leur consolidation. Sur des points plus spécifiques, la connaissance des conceptions des peuples mayas a constitué un point d’appui important pour l’étude comparée des conceptions de la personne humaine et pour atteindre, par différence, une meilleure compréhension des représentations propres à l’Occident médiéval (c’est ce à quoi est consacré Corps et âmes. Une histoire de la personne au Moyen Âge, publié l’an dernier et qui comporte un versant comparatiste).

Enfin, l’inspiration zapatiste m’est apparue d’emblée très féconde, bien sûr dans une perspective politique, mais aussi d’un point de vue historiographique. On peut y découvrir de riches filons pour reprendre l’examen de nos conceptions de l’histoire et de la temporalité, et notamment pour lutter contre la tyrannie du présent, qui s’impose dans notre monde toujours plus pressé, en manque de temps et soumis à la dictature de l’urgence. C’est ce que les historiens ont pris l’habitude de dénommer « présentisme » et que les zapatistes identifient comme le règne d’un « présent perpétuel ». C’est à en préciser les caractéristiques et à explorer les chemins qui permettent d’en sortir qu’est consacré mon prochain livre, qui paraîtra au début de l’année prochaine et qui, une fois encore, trouve son appui principal dans l’expérience zapatiste.

Comme pour la problématique de la tyrannie du présent, il semble que le mouvement zapatiste intègre des constructions théoriques et trouve les moyens de lutter par la pratique quotidienne. Est-ce que cela provient des années de clandestinité durant lesquelles les zapatistes de l’EZLN (Armée zapatiste de libération nationale) se sont intégrés aux communautés pour s’en inspirer ?

En effet, l’EZLN a été fondée, en 1983, comme un foyer de guérilla guévariste relativement classique. Pour de multiples raisons, elle s’est rapidement transformée en organisation armée des communautés indiennes. Cette organisation n’est pas restée extérieure au monde indigène ; elle s’est « indianisée ». Les militants formés au marxisme-léninisme racontent leur expérience comme une heureuse défaite, au cours de laquelle leur vision du monde initiale, carrée et pétrie de certitudes, s’est retrouvée « toute cabossée ». C’est sans doute cette expérience initiale qui a amorcé un profond et constant processus d’autotransformation, dans lequel c’est, le plus souvent, l’expérience concrète qui prime. Ce qui n’empêche pas l’EZLN d’être dotée d’une notable créativité théorique.

Dans l’expérience zapatiste, le rapport entre théorie et pratique me semble bien exprimé par l’expression qui invite à caminar preguntando [avancer en posant des questions]. C’est le refus des postures dogmatiques et avant-gardistes, sûres de savoir où guider les « masses ». Il faut avancer sans certitude et sans garantie. C’est la force des questions qui se posent à chaque pas qui permet d’ouvrir un chemin qui n’est pas tracé d’avance.

« Les théories non seulement ne doivent pas s’isoler de la réalité, mais doivent chercher en elles les leviers qui leur sont parfois nécessaires quand elles se retrouvent dans une impasse conceptuelle. Les théories rondes, complètes, achevées, cohérentes, sont parfaites pour présenter un examen professionnel ou remporter un prix, mais généralement elles sont réduites en miettes au premier coup de vent de la réalité. » Sous-commandant Marcos, « Sentir le rouge », Saisons de la digne rage (Climats, 2009)

Pouvez-vous nous décrire le rapport de forces au moment de l’insurrection du 1er janvier 1994 ?

L’essor de l’EZLN au Chiapas a été impressionnant pendant les années de clandestinité. Dans la région que l’on appelle la « forêt Lacandone », presque tous les villages étaient devenus zapatistes. Leur implantation était également forte dans les hauts plateaux du Chiapas, région où se trouve San Cristóbal de Las Casas, la capitale historique de l’État. Ce sont probablement des centaines de milliers d’Indiens qui ont pris part, directement ou indirectement, au soulèvement lors duquel quatre villes du Chiapas ont été occupées par l’EZLN, sans compter les nombreuses organisations qui, sans être zapatistes, ont profité du soulèvement pour se mobiliser et notamment pour lancer leurs propres occupations de terres.

S’agissant des zapatistes, leur équipement militaire était des plus rudimentaires (de simples fusils de chasse pour certains) ; le rapport de forces avec l’armée fédérale mexicaine était, sur ce plan, des plus déséquilibrés. Mais la connaissance du terrain et l’intégration avec les communautés indiennes ont toutefois constitué des facteurs favorables ; lorsque l’armée fédérale, en février 1995, a lancé une offensive visant à éliminer tous les dirigeants de l’EZLN, elle a échoué. Surtout, en position d’infériorité sur le plan militaire, la justesse des causes défendues par l’EZLN a suscité une énorme solidarité au plan national, et aussi international ; c’est très certainement ce qui a permis au zapatisme de poursuivre son chemin jusqu’à aujourd’hui.

Enfin, puisque vous me posez une question sur « le rapport de forces », j’ajouterai que les zapatistes ont souvent dit, avec l’humour qui les caractérise, qu’ils disaient « merde au rapport de forces ». Une manière de signaler que s’ils avaient attendu que le rapport de forces leur soit favorable, ils n’auraient jamais rien entrepris…

Comment résumer les presque dix années de combat politique au niveau local et national qui ont suivi, jusqu’à la création des Caracoles (escargots en espagnol, qui désignent les bâtiments où se prennent les décisions pour chaque zone) en 2003 ?

Les zapatistes eux-mêmes ont souvent divisé cette histoire en deux parties : le feu et la parole. Elles sont très inégales en durée. Le feu des fusils a retenti pendant douze jours seulement. Puis, les zapatistes ont accepté le cessez-le-feu exigé par la population mexicaine et proposé par le gouvernement. S’est alors ouverte l’étape de la parole. Des « dialogues » ont eu lieu avec le gouvernement fédéral, dans la cathédrale de San Cristóbal d’abord, sous les auspices de l’évêque Samuel Ruiz, puis dans la petite ville de San Andrés Sakamch’en de los Pobres, où les délégations zapatiste et gouvernementale signent une première série d’accords portant sur les droits et la culture indigènes, en 1996. À partir de là, en même temps qu’ils poursuivaient le dialogue avec la « société civile » mexicaine et internationale (à travers toute une série d’initiatives, comme la Rencontre intercontinentale pour l’humanité et contre le néolibéralisme, à l’été 1996), les zapatistes n’ont eu de cesse de lutter pour obtenir la transcription constitutionnelle des Accords de San Andrés, ce que le président d’alors, Ernesto Zedillo, a refusé. Obtenir cette reconnaissance constitutionnelle était l’objectif de la Marche de la couleur de la terre jusqu’à Mexico, en 2001, qui a permis de plaider en sa faveur à la tribune du Parlement. Mais en vain. Une nouvelle rupture est alors intervenue : tirant les conclusions de l’échec d’un chemin très légaliste, les zapatistes décident de mettre en pratique, dans les faits, l’autonomie reconnue aux peuples indiens dans les Accords de San Andrés, à défaut d’en avoir obtenu la reconnaissance constitutionnelle. C’est le début d’une nouvelle étape, qui dure jusqu’à aujourd’hui.

Comment s’est traduite cette autonomie sur la prise de décisions collectives et à quelle échelle ?

C’est un véritable système politique d’auto-gouvernement qui s’est mis en place, sur un territoire assez ample, de l’ordre d’une région comme la Bretagne. Il se développe à trois échelles. D’abord, les communautés, c’est-à-dire les villages, qui, dans la tradition indienne, ont leur assemblée, qui est le lieu de parole et d’élaboration des décisions collectives. Puis les communes autonomes, qui ont commencé à se constituer à partir de 1994 et qui sont aujourd’hui au nombre de vingt-sept (une commune, au Mexique, c’est très grand ; cela peut représenter des dizaines de villages, voire une centaine). Enfin, en 2003, les zapatistes ont créé cinq conseils de bon gouvernement, qui sont des instances régionales qui coordonnent l’action de plusieurs communes.

À chacun de ces trois niveaux, il y des assemblées et des délégués élus pour des mandats non renouvelables, révocables à tout moment, sans salaire ou avantage matériel (ce qui fait une différence considérable avec les structures institutionnelles au Mexique). Ces fonctions sont conçues comme des « charges », dans une véritable éthique du service rendu à la communauté et un souci concret d’opérer une dispersion des fonctions politiques, qui sont effectivement partagées entre tous, hommes et femmes, acteurs ordinaires de la vie collective. Malgré des manquements et des défauts toujours à corriger, on peut bien dire que, dans l’autonomie, « le peuple dirige et le gouvernement obéit », comme on peut le lire sur les panneaux placés à l’entrée des territoires zapatistes.

La manière de prendre les décisions ne peut évidemment pas être la même aux trois niveaux. Au niveau de la communauté, l’assemblée, une instance traditionnelle, est le lieu de prise de décision ; même s’il existe aussi un représentant communautaire élu qui joue un certain rôle. Au niveau de la commune, le conseil municipal interagit avec l’assemblée municipale. De même au niveau de la région, le conseil de bon gouvernement soumet ses propositions à l’assemblée régionale, qui se réunit plus rarement : les propositions peuvent être approuvées s’il y a un accord suffisant ; sinon, les représentations des communautés sont chargées de soumettre le projet à discussion dans les villages et reviennent à l’assemblée suivante avec leur accord, leur refus ou des propositions d’amendement ; on réalise alors un nouveau projet, qui peut être approuvé directement ou bien être à nouveau renvoyé pour discussion dans les villages. Cela peut paraître long, mais c’est la condition pour qu’un projet, véritablement discuté et approprié par tous et toutes, ait quelque chance d’être convenablement mis en pratique.

Y a-t-il eu, ou y a-t-il encore, des résistances au niveau local ?

Les difficultés sont immenses et les conditions dans lesquelles se déploie l’autonomie très précaires. De fait, il a fallu une détermination considérable et une énorme capacité de résistance pour en arriver là où en sont aujourd’hui les zapatistes. Ils ont d’abord fait face aux attaques de l’armée fédérale, puis des groupes paramilitaires, qui, à partir de 1996, ont constitué la principale stratégie du gouvernement mexicain pour se débarrasser des zapatistes. Le résultat : des dizaines de milliers de déplacés et le massacre d’Acteal, en 1997, où quarante-cinq hommes, femmes et enfants ont été assassinés. Depuis les années 2000, les gouvernements ont opté pour d’autres formes de division au sein des villages indiens. D’une part, ils cherchent à attirer les zapatistes hors de l’organisation en faisant miroiter l’argent des « programmes sociaux » qui sont autant de moyens de contrôle de la population. De l’autre, ils encouragent des groupes non zapatistes à s’emparer des terres des zapatistes, en échange d’appui pour des projets productifs. Les familles zapatistes sont parfois chassées de leurs maisons, leurs biens incendiés, et en 2014, le maestro zapatiste Galeano a été assassiné à La Realidad.

Qu’en est-il de l’autonomie alimentaire, énergétique et au niveau de l’éducation et de la santé ?

L’autonomie n’est pas l’autarcie : il ne s’agit pas du tout de se refermer sur soi, comme en témoignent les nombreuses initiatives nationales et internationales que les zapatistes multiplient en parallèle à la construction de l’autonomie.

Bien entendu, l’autosuffisance alimentaire est importante. Les zapatistes y parviennent pour les produits essentiels. Ils cultivent aussi du café, sur de petites parcelles familiales, qui est commercialisé par des coopératives et des réseaux de distribution solidaire (au Mexique, dans plusieurs pays d’Amérique et d’Europe). La vente du café permet aux familles zapatistes de se procurer les biens élémentaires qui ne sont pas produits dans les communautés.

En matière d’énergie, l’autonomie est moins avancée, mais il est assez répandu au Mexique, et surtout dans un État comme le Chiapas où se trouvent les principaux barrages hydroélectriques du pays, de lutter contre les tarifs élevés de l’électricité en faisant des branchements sauvages et en les défendant contre les fonctionnaires de l’entreprise productrice.

C’est en matière de santé et d’éducation que l’autonomie a le plus avancé. Les zapatistes ont mis en place leur propre système de santé, avec des cliniques dans chaque région, des microcliniques dans les communes et des « promoteurs de santé » dans les villages. Pour l’éducation, ils ont construit des centaines d’écoles, primaires et secondaires, formé des centaines d’enseignants et conçu un projet éducatif propre, adapté à leur culture, à leur horizon politique et à leur intérêt pour les luttes de tous les peuples du monde. À noter aussi que les conseils autonomes rendent la justice, une justice autre, de médiation et sans recours à la prison, à laquelle les non-zapatistes ont aussi volontiers recours.

Tout cela fonctionne évidemment sans la moindre aide gouvernementale (les zapatistes se refusent à recourir au moindre argent venant des instances constitutionnelles). Il est très intéressant de voir que l’ensemble du système de santé et d’éducation fonctionne sans recourir au salaire. Bon nombre d’enseignants restent paysans et cultivent leurs propres terres pendant les pauses du calendrier scolaire, et ils bénéficient de l’engagement de la communauté de les aider à les cultiver ou de subvenir à leurs besoins. Pour la santé, ce sont surtout des formes de travail collectif auxquelles tous collaborent qui permettent de faire fonctionner les cliniques. On a donc des formes d’organisation collective qui s’efforcent d’échapper aux catégories capitalistes du salaire et de l’argent.

Peut-on dire qu’en pratique il y a eu sécession entre le Chiapas et l’État mexicain ? Comment qualifier leurs relations ?

Sécession, au sens de ne plus collaborer avec les institutions de l’État, de s’en séparer presque complètement, oui, assurément. Mais pas du tout au sens d’un processus dont l’objectif serait de se rendre indépendant du Mexique. Les zapatistes se sentent mexicains et affichent volontiers leur nationalisme. L’autonomie, telle qu’ils l’entendent, n’est pas un projet indépendantiste. C’est une conception du politique qui se construit sans l’État, ou si l’on veut, contre l’État, au sens de Pierre Clastres.

On peut donc parler de sécession, mais aussi de destitution, au sens de ce qui rend le pouvoir inutile. De fait, dans leurs territoires, les zapatistes ont œuvré — c’est-à-dire lutté durement — pour rendre les institutions mexicaines parfaitement inutiles (même si, comme on l’a vu, celles-ci ne se laissent évidemment pas faire). La destitution suppose donc la résistance, la lutte contre, mais aussi un art de faire croître des formes d’organisation propres, pour que puissent se déployer les manières de vivre que les gens considèrent leurs. On peut, si l’on veut, appeler cela destitution ou sécession ; mais aussi autonomie, comme le font les zapatistes. Entendue en son sens politique radical, antiétatique, l’autonomie est une notion forte.

Alors que l’autonomisation semble être un moyen et une fin qui porte ses fruits au Chiapas, pensez-vous qu’il faut encore tenter de résister à l’emprise du capitalisme au niveau international, en prenant part ou en perturbant les réunions internationales du type COP (Conférences des parties) ou celle de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) en ce moment [10-13 décembre 2017], comme le fait la Via Campesina par exemple ? Ou faut-il plutôt envisager, comme ce qui a lieu de manière plus ou moins désordonnée avec les ZAD, une réappropriation des territoires zone par zone, qui s’accompagne d’une reprise en main des capacités de décision et de gestion au niveau local ?

Une construction territorialisée de l’autonomie me semble en effet pouvoir porter ses fruits, comme au Chiapas ou sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes et ailleurs. Mais elle ne peut être une fin en soi (il faut d’ailleurs dire, au passage, qu’une politique de l’autonomie ne peut avoir de fin, au sens où elle ne peut jamais prétendre être pleinement réalisée). Tant qu’elle reste un espace qui tente de se libérer au milieu de la marée noire capitaliste, une expérience d’autonomie est nécessairement limitée, agressée, minée de l’intérieur… Alors oui, bien sûr, il faut s’affronter à l’emprise du capitalisme à une échelle internationale, même si les actions réalisées à l’occasion des sommets et rencontres internationales ne sont pas les seules possibles.

Pour revenir aux zapatistes, ils consacrent beaucoup d’énergie à la construction de l’autonomie, mais aussi à la mise en œuvre d’initiatives nationales (comme en ce moment, la formation d’un Conseil indien de gouvernement au niveau national et la tentative d’inscrire sa porte-parole comme candidate indépendante à l’élection présidentielle de 2018) et à l’organisation de rencontres internationales. Il y a eu la rencontre dite « intergalactique » de 1996, mais aussi, entre autres, le Festival mondial de la digne rage en 2008, le Festival mondial des résistances et des rébellions en 2014, les rencontres consacrées aux arts et aux sciences, en 2016 et 2017, ou encore le séminaire international « La pensée critique face à l’hydre capitaliste », en mai 2015 (les interventions de l’EZLN à ce séminaire sont devenues un livre, qui sera bientôt disponible en français). Le titre de cette dernière rencontre suggère, à lui seul, que nous avons un ennemi global commun, dont la puissance destructrice redoutable (mais pas invincible) se fait sentir sur l’ensemble de la planète ; et face à cet ennemi notre objectif ne peut être que de l’affronter (avec intelligence) et de faire en sorte qu’il soit vaincu. En outre, les zapatistes ont appelé, depuis 2005 et sous une forme renouvelée depuis 2013, à la constitution d’un réseau planétaire de luttes et de résistances, qu’ils appellent la Sexta.

Bref, nous ne devrions pas opposer, comme deux termes entre lesquels il faudrait choisir, les expériences de construction territorialisée et la perspective d’une lutte plus ample contre le capitalisme. Construire (territorialement) et attaquer (l’ennemi global) ne peuvent qu’aller de pair. Construire des lieux et des expériences qui donnent consistance à ce que nous voulons est une base indispensable, mais le risque est de s’enfermer dans des îlots et de s’isoler, ce qui serait une option de courte vue et bien illusoire. Ne serait-ce que pour se maintenir, les expériences territorialisées doivent chercher à tisser des liens au-delà d’elles, à contribuer aux autres luttes et au renforcement de la capacité globale d’action contre l’hydre capitaliste.

Pensez-vous que le succès du zapatisme soit lié à l’histoire du Mexique et à la présence de communautés aux traditions encore fortes au Chiapas ou estimez-vous au contraire qu’il y a des raisons d’espérer qu’on puisse s’autonomiser et rendre l’État inutile ailleurs ?

Il y a certes des particularités liées notamment à l’impact historique de la Révolution mexicaine ; et le maintien de formes de vie communautaires n’ayant pas été détruites par la guerre totale que le monde de l’Économie mène contre tout ce qui ne répond pas à ses normes est assurément un avantage. Pour autant, il serait erroné de penser que ce qu’ont fait les zapatistes serait venu naturellement ou facilement : il a fallu construire la force collective nécessaire pour se dresser — au pire moment du triomphe néolibéral — contre un état de fait implacable et contre un rapport de forces qui semblait éminemment défavorable.

Si les zapatistes se gardent bien d’ériger leur expérience en modèle et soulignent qu’elle n’est pas reproductible telle quelle, il me semble que la logique de l’autonomie n’est pas du tout spécifique aux peuples indiens ou au Mexique. L’idée d’une politique non étatique, dont le principe consiste à éprouver que nous sommes capables de nous gouverner nous-mêmes, est enracinée dans les expériences historiques de très nombreuses régions du monde. S’il y a bien quelque chose à célébrer, en ce centenaire de la Révolution russe, c’est la lutte anonyme de tous ceux et celles qui ont inventé et donné corps aux conseils (soviets) paysans, ouvriers et de soldats, qui auraient pu constituer une forme non étatique d’autogouvernement populaire. Bien d’autres expériences pourraient être citées, des communes d’Aragon et Catalogne en 1936-1937 au Kurdistan actuel. En Europe aujourd’hui, les expériences sont plus restreintes, mais elles ne sont pas inexistantes. Ce qui se joue sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, ou dans d’autres espaces parfois urbains, comme le quartier libre des Lentillères à Dijon, est, pour cela, d’une grande importance. Développer ces capacités à faire par nous-mêmes, à nous gouverner nous-mêmes, c’est faire un pas qui donne consistance à l’autonomie et tend à rendre inutile le pouvoir d’État. Mais il ne faut pas oublier que notre ennemi est plus vaste encore : c’est le monde de l’Économie. De fait, l’autonomie n’a de sens que si elle permet de faire croître des manières de vivre que nous éprouvons comme nôtres, c’est-à-dire qui sont à la fois exemptes de la dépossession étatique et de l’hétéronomie de la marchandise.

Communiqué EZLN et Conseil National Indigène janvier 2017

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, colonialisme, démocratie participative, guerres imperialistes, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, politique et social, résistance politique, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , , , on 11 janvier 2017 by Résistance 71

Décision politique très intéressante dans un contexte politique mexicain très particulier.
Notre position: cela peut s’avérer être une expérience intéressante, mais cela peut aussi être la source de l’infiltration, de la discorde et de la destruction étatique, l’histoire nous enseigne que toutes les expériences anarchistes d’accoquinage avec l’État et ses institutions se sont mal terminées. Nous sommes donc sceptiques et prudents, mais en même temps avons une grande confiance dans l’analyse et l’action (praxis) zapatiste. A suivre donc avec intérêt dans le courant de cette année…

~ Résistance 71 ~

 

Et elle a tremblé, rapport depuis l’épicentre

 

EZLN &CNI

 

10 janvier 2017

 

url de l’article en français:

http://enlacezapatista.ezln.org.mx/2017/01/10/et-elle-a-tremble-rapport-depuis-lepicentre/?utm_source=feedburner&utm_medium=email&utm_campaign=Feed%3A+EnlaceZapatista+%28Enlace+Zapatista%29

 

Aux Peuples Originaires du Mexique

À la Société Civile du Mexique et du Monde

À la Sexta Nationale et Internationale

Aux Médias de Communication Libres

Frères, sœurs

Le moment des peuples est venu, de semer ce que nous sommes et de nous reconstruire. Le moment est venu de passer à l’offensive et voici l’accord qui se dessine sous nos yeux, dans les individus, dans les communautés, dans les peuples, dans le Congrès National Indigène ; le temps est venu que la dignité gouverne ce pays et ce monde et qu’à son passage fleurisse la démocratie, la liberté et la justice.

Nous annonçons que lors de la deuxième étape du Ve CNI, nous avons minutieusement évalué les résultats de la consultation des peuples que nous sommes, le Congrès National Indigène, qui a eu lieu les mois d’octobre, novembre et décembre 2016, résultats qui de toutes les manières, formes et langues qui nous représentent dans la géographie de ce pays, nous émettons les accords des assemblées communales, des terres collectives, des collectifs, municipales, intermunicipales et régionales, qui une fois de plus nous amène à comprendre et assumer avec dignité et révolte la situation que traverse notre pays, notre monde.

Nous saluons les messages de soutien, d’espoir et de solidarité qu’ont envoyés des intellectuels, des collectifs et des peuples qui reflètent l’espérance face à notre proposition que nous avons nommé « Que Tremble la Terre Jusque dans Ses Entrailles » et que nous avons rendue publique lors de la première étape du Ve CNI, nous saluons également les voix critiques, nombre d’entre elles avec des arguments fondemmentalement racistes, qui reflètent une indignation rageuse et le mépris à la pensée qu’une femme indigène prétende non seulement concourrir à l’élection présidentielle, mais envisager de changer réellement, depuis en-bas, ce pays endolori.

À eux tous, nous disons qu’en effet tremble la terre et nous avec elle, et que nous prétendons secouer la conscience de la nation, qu’en effet nous prétendons que l’indignation, la résistance et la rébellion figurent sur les bulletins électoraux de 2018, mais que notre intention n’est d’entrer en rien en compétition avec les partis et toute la classe politique qui nous doit encore beaucoup ; chaque mort, chaque disparu, chaque prisonnier, chaque expulsion, chaque répression et tout le mépris. Ne vous méprennez pas sur nous, nous ne prétendons pas rivaliser avec eux parce que nous ne sommes pas les mêmes, nous ne sommes pas leurs discours mensonger et pervers.

Nous somme la parole collective d’en-bas et à gauche, celle qui secoue le monde lorsque la terre tremble avec des épicentres d’autonomie, et qui nous rend si orgueilleusement différents que :

  1. Alors que le pays est submergé de peur et de terreur qui naissent des milliers de morts et de disparus, dans les municipalités de la montagne et de la côte du Guerrero, nos peuples ont créé les conditions pour la sécurité et la véritable justice ; à Santa Maria Ostula, Michoacan, le peuple Nahua s’est uni à d’autres communautés indigènes afin de maintenir la sécurité entre les mains des peuples, où l’épicentre de la résistance est l’assemblée communale de Ostula, garante de l’étique d’un mouvement qui a imbibé les municipalités de Aquila, Coahuayana, Chinicuila et Coalcomán. Sur le plateau purépecha la communauté de Cheran a démontré que par l’organisation, en sortant les politiciens de leurs structures du mauvais gouvernement et en exerçant leurs propres formes de sécurité et de gouvernement on peut non seulement construire la justice, mais aussi comme dans d’autres géographies du pays depuis en-bas, depuis la rébvellion se reconstruisent de nouveaux pactes sociaux, autonomes et justes, et nous ne cesserons pas de construire depusi en-bas, la vérité et la justice, niée pour les 43 étudiants de l’école normale d’Ayotzinapa, Guerrero, disparus, pour les 3 compagnons étudiants qui ont été assassinés et pour les compagnos nblessés, tous par le narco-gouvernement mexicain et ses forces répressives.

Pendant ce temps, les mauvais gouvernements criminalisent la lutte sociale, la résistance et la rébellion, persécutant, traquant, faisant disparaître, emprisonant et assassinant des hommes et des femmes accomplies qui luttent pour des causes justes.

  1. Alors que la destruction gagne tous les coins du pays, sans connaître de limites, éloignant l’appartenance à la terre et au sacré, le peuple Wixarika, avec les comités de défense de la vie et de l’eau de l’altiplano de la région de San Luis Potosi ont démontré que peuvent être défendus un territoire, son envoirronement et équilibres, en se basant sur la reconnaissance que nous ne formons qu’un avec la nature, avec une vision sacrée qui renouvelle chaque jour les liens ancestraux avec la vie, la terre, le soleil et les ancêtres, incluant 7 municipalités sur le territoire sacré cérémonial de Wirikuta à San Luis Potosi.
  2. Alors que les mauvais gouvernements déforment les politiques de l’État en matière éducative en la mettant au service des entreprises capitalistes afin que ça cesse d’être un droit, les peuples originaires créent des écoles primaires, des collèges, des lycées et des universités avec leurs propres systèmes éducatifs, basés sur la protection de note terre mère, la défense du territoire, la production, les sciences, les arts, sur nos langues et bien que la majorité des ces processus se développent sans soutien d’aucun niveau du mauvais gouvernement, ils sont au service de toutes et tous.
  3. Alors que les médias de communication à gages, porte-voix de ceux qui prostituent chacun des mots qu’ils répandent et qu’ils trompent les peuples du champ et de la ville en les endormant, faisant passer pour des déliquants ceux qui pensent et défendent ce qui leur appartient et sont toujours présentés commes des méchants, des vandales, des inadaptés. Alors que ceux qui vivent de l’ignorance et de l’aliénation sont présentés comme socialement bons, et ceux qui oppriment, répriment, exploitent et spolient sont toujours les bons, ceux qui méritent d’être respectés et qui gouvernent pour se servir. Et pendant que cela se passe, les peuples ont créé elurs propres médias de communication élaborant diverses formes afin que la conscience ne soit pas occulté par les mensonges que les capitalistes imposent, les utilisant en plus pour renforcer l’organisation d’en-bas, où naît la parole vraie.
  4. Alors que la « démocratie » représentative des partis politiques est devenue une façon de moquer la volonté populaire, où les votes s’achètent et se vendent comme une marchandise de plus et se manipulent par la pauvreté dans laquelle les capitalistes maintiennent les sociétés des champs et des villes, les peuples originaires continuent à prendre soin et à renforcer des formes de consensus et des assemblées en tant qu’organes de gouvernement où la voix de toutes et tous deviennent des accords profondément démocratiques, incluant des régions entières à travers des assemblées concernant les accords d’autres assemblées et ceux-ci à leur tour surgissant de la volonté profonde de chaque famille.
  5. Alors que les gouvernements imposent leurs décisions bénéficiant à quelques-uns, supplantant la volonté collective des peuples, criminalisant et réprimant ceux qui s’opposent à leurs projets de mort qu’ils imposent sur le sang de nos peuples, comme pour le Nouvel Aéroport de la Ville de Mexico, feignant de consulter pendant qu’ils imposent la mort, nous, peuples originaires, possédons les manières et les formes constante de consultation préalable, libre et informée pour des sujets, grands ou petits.
  6. Alors qu’à travers leurs privatisations les mauvais gouvernements remettent la souveraineté énergétique du pays à des intérêts étrangers et que les hausses du prix de l’essence dénoncent le mensonge capitaliste qui trace uniquement des voies inégalitaires, et que la réponse rebelle des peuples indigènes et non-indigènes du Mexique, que les puissants ne pourront ni occulter ni faire taire ; nous, les peuples, faisons front et luttons pour arrêter la destruction de nos territoires par le fracking, les parcs éoliens, les mines, les puits de pétrole, les gazoducs et les oléoducs dans des états tel le Veracruz, le Sonora, le Sinaloa, La Basse Californie, le Morelos, l’Oaxaca, le Yucatan et tout le territoire national.
  7. Alors que les mauvais gouvernements imposent une alimentation toxique et transgénique à tous les consommateurs des champs et des villes, les peuples Mayas maintiennent une lutte infatigable afin d’arrêter la culture de transgéniques dans la péninsule du Yucatan et dans tout le pays afin de conserver la richesse génétique ancestrale, qui, en plus, représente notre vie et l’organisation collective et la base de notre spiritualité.
  8. Alors que la classe politique ne fait que détruire et promettre, nous, les peuples, construisons non pour gouverner mais pour exister dans l’autonomie et la libre détermination.

Nos résistances et rébellions constituent le pouvoir d’en-bas, elles n’offrent ni promesses ni bons mots, mais des processus réels de transformation radicale où toutes et tous participent et qui sont tangibles dans les diverses et gigantesques géographies indigènes de cette antino. C’est pourquoi en tant que Congrès National Indigène, réuni pour ce Ve Congrès, 43 peuples de ce pays, nous nous sommes ACCORDÉS pour nommer un Conseil Indigène de Gouvernement avec des représentants, hommes et femmes, de chacun des peuples, tribus et nations qui le composent. Et que ce conseil se propose de gouverner ce pays. Et qui aura comme voix une femme indigène du CNI, c’est à dire ayant du sang indigène et une connaissance de sa culture. C’est à dire qui aura comme porte-parole une femme indigène du CNI qui sera candidate indépendante à la présidence du Mexique lors des élections de l’année 2018.

C’est pour ça que le CNI, en tant que Maison de Tous les Peuples, nous sommes les principes qui configure l’étique de notre lutte et dans laquelle tiennent tous les peuples origianires de ce pays, ces principes auxquels se réfèrent le Conseil Indigène de Gouvernement sont :

Obéir et non commander

Représenter et non supplanter

Servir et non se servir

Convaincre et non vaincre

Descendre et non monter

Proposer et non imposer

Construire et non détruire

C’est ce que nous avons inventé et réinventé non par goût, mais comme l’unique forme que nous avons de continuer à exister, c’est à dire ces nouveaux chemins sortis de la mémoire collective de nos propres formes d’organisation, qui sont les produits de la résistance et de la révolte, du faire front chaque jour à la guerre qui n’a jamais cessé et qui n’a jamais pu en finir avec nous. Dans ces formes il n’a pas seulement été possible de tracer la voie pour la reconstitution intégrale des peuples, mais aussi de nouvelles formes plus civilisées, des espoirs collectifs qui deviennent communautaires, municipales, régionales, d’état et qui apportent des réponses précises aux problèmes réels du pays, loin de la classe politique et de sa corruption.

Depuis ce Ve Congrès National Indigène nous appelons les peuples originaires de ce pays, aux collectifs de la Sexta, aux travailleurs et travailleuses, fronts et comités de lutte du champ et des villes, à la communauté étudiante, intellectuelle, artistique et scientifique, à la société civile non organisée et à toutes les personnes de coeur à serrer les rangs et passer à l’offensive, à démonter le pouvoir d’en-haut et nous reconstituer non seulement comme peuple, mais aussi comme pays, depuis en-bas et à gauche, à nous unir en une seule organisation où la dignité sera notre dernier mot et notre première action. Nous vous appelons à nous organiser et arrêter cette guerre, à ne pas avoir peur de nous construire et de nous semer sur les ruines laissées par le capitalisme.

C’est ce que nous demande l’humanité et notre mère qui est la terre, en cela nous découvrons qu’est venu le temps de la dignité rebelle que nous matérialiserons en convoquant une assemblée constitutive du Conseil Indigène de Gouvernement pour le Mexique au mois de Mai 2017 et dès ce moment-là, nous jeterons des ponts aux compañeros et compañeras de la société civile, lesmédias de communication et les peuples originaires afin de faire trembler la terre jusque dans ses entrailles, vaincre la peur et récupérer ce qui appartient à l’humanité, à la terre et aux peuples, pour la récuppération des territoires envahits ou détruits, pour le retour des disparus du pays, pour la liberté de toutes et tous les prisonniers politiques, pour la vérité et la justice pour les assassinés, pour la dignité du champ et de la ville. C’est à dire, n’ayez aucun doute, nous y allons pour tout, après tout nous savons que nous avons face à nous peut-être la dernière chance, en tant que peuples originaires et en tant que société mexicaine, de changer pacifiquement et radicalment nos propres formes de gouvernement, en faisant que la dignité soit l’épicentre d’un monde nouveau.

Depuis Oventik, Territoire Zapatiste, Chiapas, Mexique

Plus Jamais un Mexique Sans Nous

Congrès National Indigène

Armée Zapatiste de Libération Nationale

Résistance au colonialisme: Appeler un chat un chat au Chiapas… Le terrorisme d’état contre les enseignants au Mexique

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Notes sur la guerre contre les enseignants en résistance (l’heure de la police 3)

Juin 2016

Enlace Zapatista

url de l’article:

http://enlacezapatista.ezln.org.mx/2016/06/22/note-sur-la-guerre-contre-le-corps-enseignant-en-resistance-lheure-du-policier-3/

Note sur la guerre contre le corps enseignant en résistance:
(L’heure du policier 3).

Juin 2016.

Du cahier de notes du Chat-chien:

.- On ne sait pas dans le reste du pays, mais au Chiapas au moins, ceux d’en haut sont en train de perdre la guerre médiatique.

En milieu rural et urbain, nous avons vu des familles entières soutenir les enseignantEs. Et nous ne nous faisons pas référence à des soutiens du type: “Ce poing levé, oui il se voit”, “le peuple, uni, ne sera jamais vaincu”, et les slogans qui, malgré les distances entre les calendriers et les géographies sont toujours les mêmes, car en bas la solidarité continue à être un principe élémentaire. Si au cours des mobilisations antérieures des enseignantEs rebelles, la “citoyenneté” (ce terme qui occulte l’inégalité), se montrait excédée et offusquée, les choses ont  changé désormais.

Il y a chaque fois plus de familles qui viennent en aide aux enseignantEs, qui les aident pour leurs voyages et leurs manifestations, qui s’angoissent lorsqu’ils sont agresséEs, qui leur donnent à manger, à boire et leur proposent un abri. Il s’agit de familles qui, selon la taxonomie de la gauche électorale, seraient “abruties” par la télévision, “qui sont des grapilleuses de sandwichs”, “qui sont aliénées”, “qui n’ont pas de conscience”. Mais apparemment, la colossale campagne médiatique déployée contre le corps enseignant en résistance a échoué. Le mouvement de résistance contre la réforme éducative s’est transformé en un miroir pour toujours plus de vrais gens (c’est-à-dire pas ceux des organisations sociales et politiques, mais les gens ordinaires). Comme si, face à la tragédie qui vient, un sentiment collectif d’urgence était né. Comme si chaque coup de matraque, chaque bombe lacrymogène, chaque tir de flashball, chaque ordre d’arrestation étaient des slogans éloquents : “aujourd’hui c’est elle, c’est lui qu’on a attaqué ; demain ce sera ton tour”. C’est peut-être pour cela que derrière chaque professeur, il y a des familles entières qui sympathisent avec leur cause et avec leur lutte.

Pourquoi ? Pourquoi un mouvement qui a été férocement attaqué sur tous les fronts continue à grandir ? Pourquoi, si ce sont des “vandales”, des “fainéants”, des “terroristes”, des “corrompus”, des “opposants au progrès”, beaucoup de gens d’en bas, un certain nombre des classes moyennes, et même quelques-uns d’en haut, saluent même silencieusement le corps enseignant, qui défend ce que n’importe quelle personne défendrait ?

.- “La réalité c’est du mensonge”. C’est ce titre qui aurait pu faire la une du quotidien chiapanèque mal nommé “Cuarto Poder” [“Le quatrième pouvoir”] (un média nostalgique de l’époque des fincas et des seigneurs de la potence et du couteau), quand il “dénonçait” que la fête populaire du 9 juin dernier célébrée en soutien aux enseignantEs en résistance dans les rues de Tuxtla Gutiérrez, capitale du Chiapas, Etat du sud-est mexicain, était fausse. Parachicos, danseurs, musiciens, tenues traditionnelles, personnes en fauteuil roulant, marimbas, tambours, pipeaux et flûtes, le meilleur de l’art zoque et des milliers de personnes saluant la résistance des enseignantEs.  Une pancarte priant: “Merci maître, de m’apprendre à lutter” démontre la “réussite” de la guerre médiatique contre la CNTE. Une autre signalait: “je ne suis pas enseignant, mais je suis chiapanèque et je suis contre la réforme éducative”.

Mais celle qui a dérangé les directeurs de “Cuarto Poder”, c’était celle qui disait plus ou moins: “Si le Guëro Velasco, ils le foutent à gouverner dans le désert, il faut pas plus de quelques mois pour que le sable commence à manquer”. (Note de Résistance 71: Ceci ne peut que rappeler la formule de Coluche qui disait: “Y sont balèzes les technocrates, c’est des mecs.. tu leur donne le Sahara, dans un an ils importent du sable…”, comme quoi les grands esprits…)

.- Bon, 3 ans après la promulgation de la soi-disant “réforme éducative”, ce monsieur Nuño n’est toujours pas capable de présenter un argument éducatif quelconque, même minime, en faveur de son “programme d’ajustement du personnel”. Ses arguments ont été jusqu’à maintenant les mêmes que n’importe quel contremaître de l’époque de Porfirio Diaz: cris hystériques, coups, menaces, licenciements, emprisonnements. Les mêmes qu’emploieraient n’importe quel triste et gris prétendant à la police postmoderne.

.- Ils les ont déjà frappés, déjà gazés, déjà emprisonnés, déjà menacés, déjà virés injustement, déjà calomniés, ils ont déjà décrété de facto l’état de siège dans la ville de Mexico. Quoi de plus ? Qu’ils les fassent disparaître ? Qu’ils les assassinent ? Vraiment ? La réforme “éducative” naîtra sur le sang et les cadavres des enseignantes et enseignants? Ils vont remplacer les campements des enseignants par des campements de policiers et de militaires ? Les blocages de manif’ par des blocages avec des tanks et des baïonnettes ?

.-Leçons pour Nuño sur le Terrorisme. La prise d’otage (la détention de membres de la direction de la CNTE, c’est ça et pas autre chose), pour n’importe quel terrorisme (celui de l’Etat et celui de ces miroirs fondamentalistes) est un moyen pour forcer à un dialogue et à une négociation. Nous ne savons pas si là-bas en haut, vous vous en êtes rendus compte ou non, mais il se trouve que c’est l’autre bord (le corps enseignant), le côté qui cherche le dialogue et la négociation. Ou bien le ministère de l’Education Publique se serait-il déjà affilié à ISIS [Daesh], et qu’il ne prend des otages que pour semer la terreur ?

.- Il y a une anecdote qui circule dans les services secrets gouvernementaux des grandes puissances. Elle raconte que pour gagner la bataille médiatique dans la guerre contre le Vietnam, les service secrets nord-américains créaient, c’est bien le mot, des scénarios de victoires fracassantes, de faiblesse chaque fois plus grande de l’ennemi, et de la force morale et matérielle de leurs propres troupes. Mais il se trouve que la stratégie baptisée “gagner les coeurs et les esprits”, qui devait à l’origine être livrée au Vietnam, due en fait être livrée dans les rues des grandes villes de l’Union Américaine. Après ce mois d’avril 1975 – qui remémorait la défaite à Playa Girón, dans la digne Cuba, durant le même mois, mais en 1961-, un fonctionnaire nord-américain avait affirmé: “le problème c’est que nous fabriquons tellement de mensonges pour les médias que nous finissons par les croire nous-mêmes. Nous avons créé une scénographie de victoire qui dissimulait notre défaite. Notre propre fracas a empêché que nous ne percevions les craquements de notre effondrement. Ce n’est pas mal de mentir, ce qui est mauvais c’est de croire à ses propres mensonges”. Bref, c’est sûr que nous, les femmes, les hommes zapatistes, on n’y connait pas grand chose sur les médias, mais depuis notre humble opinion, c’est un mauvais calcul que de mettre au-devant de la campagne médiatique d’une privatisation effrontée un contremaitre triste et gris qui veut être policier.

.- Initier à la science et à l’art l’enfance dans ces premiers pas, c’est cela que font les enseignants, enseignantes et enseignantEs.

Je donne foi.

Miaou-Ouaf.

 

Résistance politique: Visions d’espoir et de destruction en Amérique Centrale (Dean Henderson)

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¡Ya Basta!

 

Dean Henderson

 

15 Juillet 2015

 

url de l’article original:

http://hendersonlefthook.wordpress.com/2015/07/15/ya-basta/

 

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

 

Ma compagne et moi-même sommes juste revenus d’un mois de périple à travers le sud du Mexique, le Guatémala et le Bélize. Comme d’habitude, ceci fut moins des vacances qu’un parcours du combattant rempli de moments d’euphorie et de profonde tristesse.

Du bon côté des choses, les Zapatistes (EZLN) ont établi six zones autonomes où le gouvernement mexicain est occupé à construire de nouvelles lignes à haute tension, des écoles, des sytèmes d’eau potable et de drainage des eaux usées. Malgré n’avoir tiré que quelques coups de feu pendant leur siège de cinq grandes municipalités du Chiapas en 1994 en réponse à la mise en place des accords nord-américians de libre échange (NAFTA), la critique profonde, efficace et cohérente de l’EZLN du capitalisme néo-libéral a payé de véritables dividendes pour le peuple.

Leur message a résonné dans le monde entier alors qu’ils se retiraient dans la jungle de Lacandon. Après le massacre d’Ocosingo par l’armée mexicaine qui assassina 80 personnes, l’opinion publique mondiale s’est renforcée derrière ces rebelles à très vaste majorité indigènes (NdT: peuples descendants directement des Mayas), ce qui força le passage des accords de San Andreas.

D’un autre côté la Guatemalan National Revolutionary Unity (UNRG), qui vît le jour après le coup d’état de la CIA contre le nationaliste Jacobo Arbentz Guzman en 1954 au profit de l’entreprise américain United Fruit Company (aujourd’hui Chiquita dont les gros actionnaires étaient les frères Dulles, dont l’un était… le directeur de la CIA de l’époque), qui opérait dans les plateaux du nord-guatémaltèque depuis plus de 40 ans. L’UNRG luttait dans une guerilla contre les tristement célèbres “sept familles” qui possédaient 80% des terres arables du pays.

En 1996, les rebelles, en grande majorité de nations Maya, ont signé des accords de paix avec le gouvernement guatémaltèque. Et pourtant, quelques 20 ans plus tard, la même oligarchie demeure fermement en place tandis que la plupart des Guatémaltèques semblent être plus pauvres que jamais. Le président Otto Perez Molina est un diplômé de l’École des Amériques, incubatrice des escadrons de la mort des Etats-Unis (NdT: créés par la France lors de la bataille d’Alger en 1957 et dont les cadres de l’armée française enseignèrent les techniques à l’Escuola de las Americas gérée par le Pentagone et alors basée au Panama. Elle est aujourd’hui de retour dans l’état de Georgie, pas très loin de QG de Coca Cola… coïncidence ou pas ?…), qui a servi dans les sanguinaires Kaibiles entraînés par les israéliens et qui fut le directur du renseignement militaire guatémaltèque (bref, un bon larbin/bourreau du système). Il contrôle aussi (pour services rendus à l’empire…) la plus grosse brasserie du pays: Gallo.

En parallèle d’une pauvreté dévastatrice et d’une énorme disparité de revenus, se déroule une vaste pollution de ce qui était auparavant des lacs pristines au Guatémala ainsi que son réseau de rivières. Même le lac Atilan, autrefois un paradis des nations Kachiket et Tzutzil et de quelques hippies occidentaux, est maintenant une zone contaminée et le poisson ne peut plus y être mangé.

Mais il se passe des choses au Guatémala. Le vice-président a été viré sur accusations de corruption lorsque nous visitions le pays, des protestations grondent autour d’un mouvement qui cible ses demandes en attaquant les oligarques et le Volcan Fuego tremble. Avec 38% de la population guatémaltèque étant en dessous de l’âge de 14 ans, quelque chose doit et va se produire…

Le Bélize demeure un havre de transition des cargaisons de drogues pour la couronne britannique. Les familles des triades chinoises, fidèles à la couronne britannique au travers de leur histoire maçonique durant les guerres de l’opium, possèdent pratiquement toutes les affaires inhérentes ensemble avec des familles escrocs brahmanes d’Inde. Des expatriés continuent à acheter les terres, les Mennonites produisent presque toute la nourriture et les Mayas, Créoles et Garifuna se tapent tout le boulot et n’arrivent pas à joindre les deux bouts.

Le gouvernement a reçu des fonds de Petro Caribe du Vénézuéla, une initiative pour aider la région qui commença sous feu le président Hugo Chavez, mais l’argent est le plus souvent détourné par le gang de la drogue qui semble gouverner le Bélize, qui jusqu’en 1981 était connu sous le nom de Honduras Britannique. La reine Elisabeth II figure sur tous les billets du Dollar de Bélize.

Noua avons commencé notre boucle depuis Cancun et sommes retourné au Mexique via Chetumal. Les gens de la péninsule du Yucatan semblent être en meilleure condition qu’avant, mais la crise environnementale n’a pas épargné la Riviera Maya. Les plages de Cancun à Tulum sont recouvertes d’algues après que des années durant des égoûts furent déversés directement dans la Mer des Caraïbes.

Nous avons rencontré des gens très intéressants tout au au long de notre voyage, avons expérimenté une excellente cuisine et avons eu la chance de demeurer avec le superbe peuple Maya pendant près d’un mois ; mais la pauvreté, la corruption et la destruction de l’environnement dont nous fûmes les témoins demeureront dans nos cœurs et nos esprits et ne pourront que nous propulser dans la bataille ici, à la maison, dans le ventre même de la bête.

Ils sont en train de tuer les pauvres, ils sont en train de tuer la Terre-Mère.

Ya Basta!

Paroles et faits autogestionnaires: Comment en finir avec le processus électoral inique (EZLN)

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, écologie & climat, économie, colonialisme, démocratie participative, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, philosophie, politique et lobbyisme, politique et social, résistance politique, société libertaire, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , , , , , on 23 Mai 2015 by Résistance 71

Texte d’un porte-parole de ceux qui s’autogèrent et s’auto-déterminent dans le sud du Mexique depuis 1994. Sagesse autochtone et réalisme politique, que nous devrions absorber et adapter à nos vies. Pour que triomphent enfin “ceux d’en bas” pour l’égalité et la justice pour tous. Les paroles du sub Moisès sont d’or…

~ Résistance 71 ~

 

“Ce n’est plus d’être heureux que je souhaite maintenant, mais seulement d’être conscient.” (Albert Camus)

“Omettre ou minimiser ces voix de la résistance est créer l’idée que le pouvoir ne réside qu’avec ceux qui ont les armes, possèdent la richesse, les journaux et les stations de radio et télévision. Je désire montrer que les gens qui paraissent n’avoir aucun pouvoir, soient-ils des travailleurs, des gens de couleurs, des femmes, une fois qu’ils s’ORGANISENT et créent des mouvements, ont une voix qu’aucun gouvernement ne peut supprimer.” (Howard Zinn)

« Tout comme il y a une globalisation capitaliste néolibérale, il y a une globalisation de la rébellion. » (EZLN)

 

Au moment des élections organisez la résistance

 

Avril~Mai 2015

 

Par le Subcomandante Insurgente Moisés

Aux compas de la sixième:

 

url de l’article:

http://bsnorrell.blogspot.com/2015/05/zapatistas-in-times-of-elections.html?spref=bl

 

~ Traduction Résistance 71 ~

 

A ceux qui lisent ces mots parce qu’ils les intéressent, alors même qu’ils ne font pas partie de la 6ème:

Ces jours, à chaque fois que se produit ce qu’ils appellent un “processus électoral”, on entend et on voit les choses qui sortent immanquablement disant que l’EZLN appelle à l’abstention, que l’EZLN dit que les gens ne devraient pas voter. Ils disent cela et d’autres idioties, ces grosses têtes qui n’étudient pas l’histoire ni même n’essaient de comprendre quoi que ce soit. Et ils mettent même toutes ces absurdités dans les livres d’histoire et les biographies, ils font payer pour cela en plus. C’est à dire qu’ils font payer pour des mensonges. Comme les politiciens.

Bien sûr on sait qu’ils ne sont pas du tout intéressés en ces choses, que ceux d’en-haut inventent afin d’essayer de convaincre ceux d’en-bas qu’ils sont concernés à leur sujet.

En tant que Zapatistes, nous n’appelons pas les gens à ne pas voter, nous ne les appelons pas non plus à voter. En tant que Zapatistes, à chaque fois que nous en avons l’opportunité, nous disons aux gens qu’ils doivent s’organiser pour résister et pour lutter afin d’obtenir ce dont ils ont besoin.

Nous, comme bien des peuples originels de ces terres, savons déjà comment les partis politiques opèrent et c’est une mauvaise histoire de gens mauvais.

Et pour nous Zapatistes, ceci est une histoire appartenant déjà au passé.

Je pense que feu le père Juan Chavez Alonso a dit que les partis politiques séparent et divisent les gens, créant confrontation et conflits entre eux, même au sein des membres d’une même famille,

Et nous nous voyons ceci se produire encore et toujours.

Nous savons tous que dans beaucoup de communautés où nous vivons, il y a des gens qui ne sont pas Zapatistes et qui ne sont pas organisés, qui survivent en espérant que le mauvais gouvernement leur donnera quelques broutilles en échange de quelques photos pour la RP qui présente le gouvernement sous un bon jour.

Ainsi nous voyons qu’à chaque fois qu’il y a des élections, certains s’habillent en rouge, d’autres en bleu, d’autres encore en vert ou en jaune, certains en couleurs délavées etc… Et ils se battent entre eux ; parfois ils se battent entre membres d’une même famille. Pourquoi se disputent-ils ? Et bien ils se battent au sujet de qui va les diriger, d’à qui ils vont obéir, qui va leur donner des ordres.. Ils pensent que quelque soit la couleur qui gagne, les gens qui ont soutenu cette couleur vont recevoir plus. Nous voyons bien qu’ils disent qu’ils sont très au courant et décisifs dans leur choix de parti politique et parfois même ils se trucident pour une putain de couleur. C’est la même chose pour tous ceux qui veulent obtenir une position politique, peu importe qu’ils soient habillés en rouge, vert ou bleu ou même s’ils ont parfois une nouvelle couleur à faire valoir.

Et ils disent qu’ils appartiennent et viennent du peuple et donc que le peuple les soutient. Mais ils ne viennent pas du peuple, ils viennent des mauvais gouvernements qui un jour sont les représentants locaux et le jour suivant les leaders des syndicats, puis les fonctionnaires des partis et les présidents municipaux, c’est comme cela qu’ils fonctionnent, sautant d’une position à une autre et aussi souvent d’une couleur à une autre. Ce sont les mêmes personnes, avec les mêmes noms de famille comme toujours, les fils, petits-fils, oncles, neveux, parents, beaux-frères, petits-amis, amants, amis des mêmes tricheurs et des mêmes caïds de cour de récré, comme toujours. Ils disent toujours la même chose: qu’ils vont sauver les gens, que cette fois-ci ils vont faire attention et bien se comporter, qu’ils ne voleront pas trop, qu’ils vont aider ceux qui n’ont rien, qu’ils vont les sortir de la pauvreté…

Et puis, ils dépensent leur argent qui n’est bien sûr pas le leur mais celui qui vient des impôts, mais ces petites frappes et ces tricheurs ne dépensent pas tout cet argent pour aider ceux qui sont au fond du trou. Non, non. Ils le dépensent dans leur propagande politique, affichant posters et photos, faisant des pubs électorales à la radio à la télévision, mettant des pages de pub dans les journaux et les magazines et même passant des spots dans les cinémas.

Les gens dans les communautés qui sont des partidistas (personnes qui s’identifient à un parti politique) pendant le temps des élections sont très conscients de la couleur qu’ils supportent et dès qu’il devient clair qui a gagné, alors ils changent de couleur car ils croient qu’ils recevront aussi des dividendes pour leur “soutien”.

Supposez par exemple qu’ils reçoivent une télévision. Et bien, en tant que Zapatistes nous disons qu’on leur a donné une poubelle, parce qu’avec cette télé, ils vont recevoir une montagne d’ordure et de détritus.

Peu importe que les partis leur ont donné ce qui fut promis auparavant, maintenant ils ne vont rien leur donner du tout.

Et si les partis leur ont donné quoi que ce soit, ce fut pour les rendre encore plus fainéants. Ils ont oublié comment travailler la terre. Ils sont juste là, attendant le prochain chèque du gouvernement pour le dépenser en picole. Ils sont dans leurs maisons, se moquant de nous parce que nous cultivons la terre, tandis qu’ils s’assoient attendant tranquillement que leurs femmes ou leurs filles reviennent avec la pitance du gouvernement.

Il en est ainsi jusqu’au jour où la paie promise ne vient pas. Pas de préavis, ce n’est pas annoncé par la presse soudoyée, personne ne vient leur dire qu’ils sont leur propre sauveur. Il n’y a simplement plus de soutien, alors ces frères et sœurs comprennent qu’ils n’ont rien, qu’il n’y a plus d’argent pour la picole, mais qu’il n’y en a plus non plus pour le maïs, les haricots, le savon ou des sous-vêtements. Alors ils doivent retourner vers le petit lopin de terre fermière qu’ils avaient abandonné et qui est si rempli de mauvaises herbes qu’ils ne peuvent plus le traverser et parce qu’ils ont oublié comment travailler, bientôt leurs mains sont couvertes d’ampoules et ils ne peuvent plus tenir leur machette. Ils sont devenus inutiles à ce point en ne vivant que des subsides du gouvernement au lieu de travailler.

Ceci se produit déjà. Ils n’en parlent pas aux infos contrôlées de toutes façons par le mauvais gouvernement. Au contraire, les infos disent qu’il y a beaucoup de soutien et de subsides du gouvernement, mais rien ne vient pour les gens. Où va donc cet argent que le gouvernement dit qu’il dépense en subsides dans sa campagne contre la pauvreté ? Et bien nous savons déjà que ceux au dessus ont dit qu’il y allait avoir de moins en moins de sous, voire même plus du tout. Pensez-vous que si tous les paysans habitués aux subsides cessent de travailler cela va faire travailler ceux au dessus ? Non, non. Le mec plus haut est habitué à recevoir pour ne rien donner en échange. Il ne sait pas comment vivre honorablement de son travail, la seule chose qu’il connaisse est de vivre s’il a une position qui lui est assignée par son gouvernement.

Donc maintenant qu’il y a moins d’argent, il n’y a plus de distributions. Tout l’argent reste plus haut dans les échelons et ne redescend plus vers le bas. Le gouverneur prend sa part du butin, le juge également, puis la police, un peu va aux représentants locaux, un peu au président municipal, des miettes aux fiduciaires, des poussières au dirigeants syndicaux et il n’y a plus rien pour les partidistas et leurs familles.

Avant il y avait un petit quelque chose, maintenant, plus rien. “Que se passe t’il ?” demande le partidista. Il pense que c’est à cause de la couleur, que ça ne marche plus alors.. il essaie une autre couleur. Pareil. Dans leurs assemblées les partidistas sont en colère, ils crient, accusent, s’accusent les uns les autres de choses, ils s’appellent traîtres, s’invectivent, se traitent de vendus, de corrompus, mais en fin de compte c’est toujours ceux qui hurlent et ceux sur qui on crie qui sont les traîtres, les vendus et les corrompus.

Ainsi donc, ceux qu’ils appellent la base du parti perdent espoir, se font du souci et se sentent mal. Ils arrêtent de plaisanter parce qu’ils comprennent que dans les maisons des Zapatistes, il y a du maïs, des haricots, des légumes, il y a un peu d’argent pour des médicaments et des vêtements. Notre travail collectif nous aide à nous soutenir les uns les autres quand nous sommes dans le besoin. Il y a une clinique, il y a une école et ce n’est pas gràce au gouvernement qui ne nous aide en rien, Nous, par nous-mêmes nous sommes aidés les uns les autres en tant que compañeros et compañeras zapatistes de la 6ème.

Alors le frère partidista vient vers nous tout triste et nous demande ce qu’il doit faire, disant qu’il s’est fait baiser.

Savez-vous ce que nous lui disons alors:

Nous ne lui disons pas qu’il doit changer de parti, pour celui qui est maintenant le moindre mal.

Nous ne lui disons pas de voter.

Nous ne lui disons pas de ne pas voter.

Nous ne lui disons pas qu’il devrait devenir zapatiste, parce que nous savons tous déjà, au travers de notre propre histoire, que tout le monde n’a pas le cœur ni la force d’être un Zapatiste.

Nous ne nous moquons jamais de lui.

Nous lui disons qu’il doit simplement s’organiser.

“Alors que dois-je faire?” demande t’il.

Alors nous lui disons: “Tu vas voir par toi-même ce qu’il y a à faire, ce qui émerge de ton cœur et de ta tête, personne d’autre ne va te dire ce qu’il faut faire.”

Alors il dit: “La situation est vraiment, vraiment mauvaise.”

Nous ne lui mentons pas, ni ne lui faisons de grands discours, nous lui disons la simple vérité qui est: “Cela va empirer.”

– * –

On sait comment çà se passe.

Mais aussi, en tant que Zapatiste, nous savons très bien qu’il y a encore des gens dans d’autres parties de la ville et de la campagne qui se laissent piéger à devenir des partidistas.

Bien qu’être impliqué avec un parti semble être attractif parce que vous pouvez faire de l’argent sans travailler, sans être harassé de travail pour faire quelques sous ; mais ceux d’au-dessus trompent les gens. C’est leur boulot et c’est comme çà qu’ils survivent.

Nous voyons bien qu’il y a des gens qui y croient, que oui, maintenant la situation va s’améliorer que ce leader politique va arranger les choses et leurs problèmes, qu’il va bien se comporter, qu’il ne va pas trop voler, qu’il ne sera impliqués que dans quelques scandales seulement et que bon, ils doivent lui donner une chance…

Nous disons que tout ceci n’est que la petite histoire qui doit se produire. Que les gens doivent apprendre d’eux-mêmes que personne ne va résoudre leurs problèmes pour eux, et que bien au contraire nous devons prendre les affaires en main pour les résoudre nous-mêmes en tant que collectifs organisés.

Ce sont les gens qui créent les solutions, jamais les partis politiques ou les leaders.

Nous ne disons pas cela pour faire bien, parce que ça “sonne bien”. Nous disons cela parce que nous le voyons tous les jours dans la réalité, parce que nous le faisons déjà, ceci est notre quotidien.

– * –

On pourrait dire qu’il y a longtemps, avant qu’ils ne deviennent partie intégrante de l’appareil institutionnel, certains partidistas de la gauche cherchèrent à construire une conscience chez les gens. Qu’ils ne cherchaient pas le pouvoir au travers des élections, mais qu’ils désiraient faire bouger les gens pour qu’ils s’organisent, qu’ils luttent et changent le système. Pas seulement le gouvernement, mais le système dans son entièreté.

Pourquoi dis-je les partidistas de la gauche institutionnelle ? Et bien parce que nous savons qu’il y a des partis de gauche qui ne sont pas impliqués dans les affaires présentée ci-dessus, ils ont leur forme, mais ne se vendent pas, ni n’abandonnent, ni ne changent leur croyance que nous devons en finir avec le système capitaliste. Parce que nous savons et en tant que Zapatistes nous n’oublions pas, que l’histoire de la lutte d’en-bas est aussi écrite avec leur sang.

Mais l’argent est l’argent et au-dessus c’est au-dessus et les partidistas de la gauche institutionnelle ont changé leur façon de penser et maintenant ils recherchent des positions payées. C’est aussi simple que cela: le fric, ou en d’autres termes: la paye, le salaire.

Croyez-vous vraiment qu’il soit possible de créer une conscience politique en dédaignant, en humiliant et en calmomniant ceux d’en-bas ? En leur disant qu’ils ne sont qu’une bande de “bouffeurs de sandwich” qui ne pensent pas ? qu’ils sont ignorants ?

Pensez-vous vraiment pouvoir créer une conscience politique en demandant aux gens de voter pour vous tout en leur disant simultanément qu’ils sont des imbéciles qui se vendraient pour une télé ?

Pensez-vous créer une conscience politique si vous leur dites “Hé vous les partidistas de la gauche, ce tricheur et cette petite frappe qui dit être l’espoir pour le futur bossait pour une autre couleur auparavant et ce n’est qu’un rat”, alors les gens vous répondent que vous êtes vendu à Peña Nieto ?

Pensez-vous que vous créez de la conscience politique si vous mentez au peuple, leur disant que nous, les Zapatistes, disons de ne pas voter, parce que vous voyez que vous n’aurez peut-être pas assez d’électeurs dans vos registres, ou en d’autres termes, fini de payer et vous chercher quelqu’un sur qui rejeter le blâme ?

Pensez-vous créer de la conscience politique si vous avez maintenant les mêmes personnes bossant pour votre parti qui étaient avant des rouges, des bleus ou des jaunes ?

[…]

Si au Chiapas, Velasco frappe les gens de la main, ses partidistas frappent les gens alentours avec leur racisme non-voilé.

Il est très clair que la seule chose pour laquelle les partidistas créent de la conscience est qu’en plus d’être arrogants, ce sont aussi de parfaits imbéciles.

Que pensent-ils?

Qu’après avoir été insultés, trompés et calominiés, que les gens d’en-bas vont se mettre à genoux devant cette couleur politique, voter pour eux et implorer d’être sauvés ?

Ce que nous, Zapatistes, disons est ceci: Vous avez la preuve que pour être un politicien de parti d’en-haut, vous devez être sans honte, imbécile ou un criminel… ou les trois à la fois.

-*-

Nous, Zapatistes, disons que nous ne devrions pas être effrayés d’avoir le peuple qui gouverne. C’est la voie la plus saine et le plus juste. Parce que ce sont les gens eux-mèmes qui vont procéder au changement qui est vraiment nécessaire et cela est la seule façon pour qu’un nouveau système de gouvernement se mette à exister.

Ce n’est pas que nous ne savons ce que choisir un candidat ou des élections sont. Nous, les Zapatistes, avons un calendrier et une géographie différents pour le comment avoir des élections en territoire rebelle, en résistance.

Nous avons nos propres méthodes où les gens choisissent et cela se fait sans dépenser des millions, encore moins en produisant des tonnes de détritus en plastique, des bannières, photos, posters représentant des rats et des criminels.

Il est vrai que cela fait juste 20 ans que nous avons choisi notre système autonome, de manière véritablement démocratique. C’est comme cela que nous avons marché ensemble, dans la liberté que nous avons obtenue pour nous-mêmes et avec une “autre” justice d’un peuple organisé dans le processus du choix. Où tout le monde trouve un accord et organise le politique pour s’assurer que les gens obéissent à leur mandat. Où les gens s’organisent pour déterminer le travail qui sera effectué par les représentants. En d’autres termes: le peuple commande au gouvernement (NdT: Dans la plus pure tradition ancestrale amérindienne des sociétés à la chefferie sans pouvoir, où le chef est endetté vis à vis du peuple et n’est qu’un porte-parole sans aucun pouvoir, celui-ci étant dilué dans le peuple qui décide en assemblées…)

Le peuple s’organise en assemblées, où les gens commencent par exprimer leur avis, de là des propositions émergent sur un sujet donné et ces propositions sont étudiées en évaluant avantages et inconvénients, pour analyser ce qui est le mieux pour le bien commun. Avant de prendre une décision, les propositions sont renvoyées vers le peuple et l’assemblée pour être approuvées de façon à ce qu’une décision puisse être prise en accord avec la majorité des communautés (NdT: petite différence ici mais notoire avec les nations natives plus au nord du sous-continent où les décisions sont prises à l’unanimité…).

Ceci est la vie zapatiste dans les communautés. Ceci est une véritable culture.

Est-ce que cela vous semble lent ? C’est pourquoi nous disons que cela se fait en accord avec notre calendrier.

Pensez-vous que c’est parce que nous sommes des peuples indigènes ? C’est pourquoi nous disons que ceci est en accord avec notre géographie.

Il est vrai que nous avons commis bien des erreurs et avons connu bien des échecs. Et il est aussi vrai que nous en connaîtrons encore d’autres.

Mais ce sont NOS ECHECS.

Nous les commettons, nous en payons le prix.

Ce n’est pas comme dans les partis politiques où les leaders se plantent, où ils font même payer pour leurs erreurs et ce sont ceux du dessous qui paient les pots cassés.

Voilà pourquoi les élections qui pointent au moins de Juin ne nous concernent pas en quoi que ce soit.

Nous n’appelons pas les gens à voter, ni à ne pas voter. Cela ne nous intéresse tout simplement aucunement.

Mieux, cela ne nous inquiète nullement.

Pour nous, Zapatistes, ce qui nous intéresse est de savoir comment résister et confronter les têtes multiples du capitalisme et de son système qui nous exploite, nous opprime, nous réprime, nous fait disparaître et nous vole,

Le capitalisme n’opprime pas dans un seul endroit et d’une seule façon. Il vous opprime si vous êtes une femme, il vous opprime si vous êtes un col bleu ou un col blanc, il vous opprime si vous êtes un paysan, si vous êtes jeune, si vous êtes un enfant. Il vous opprime si vous êtes un enseignant, un élève, un étudiant, si vous êtes un artiste ; il vous opprime si vous pensez, si vous êtes humain, si vous êtes une plante, un animal, de l’eau ou la terre.

Il importe peu le nombre de fois où il le lave ou le parfume, le système capitaliste “dégouline de la tête aux pieds, de chaque pore de la peau, de sang et de saleté” (vous pouvez vous amuser à chercher qui a écrit cela et où…)

Ainsi notre idée n’est pas du tout de promouvoir le vote.

Ni de promouvoir l’abstention ou le vote blanc.

Ni de donner des recettes sur le comment confronter le capitalisme.

Ni d’imposer notre façon de penser aux autres.

Le séminaire est afin de voir les différentes têtes du système capitaliste, d’essayer de comprendre s’il y a de nouvelles façons de nous attaquer ou si les méthodes sont les mêmes qu’avant.

Si nous sommes intéressés par d’autres façons de penser, c’est afin de voir si nous avons raison sur ce que nous pensons qui arrive, qu’il va y a voir une crise économique terrible et dévastatrice qui va se connecter avec d’autres mauvaises choses et que cela occasionnera des dégàts énormes partout et à tout le monde, dans le monde entier.

S’il est vrai que cela arrive, ou que cela est déjà en train de se produire, nous devons penser pour savoir si cela marchera de continuer à faire les mêmes choses qui ont été faites avant.

Nous croyons que nous avons l’obligation de penser, d’analyser, de réfléchir, de critiquer, de trouver notre propre vitesse d’exécution, notre mode de fonctionnement, dans nos endroits et en notre temps.

Maintenant je demande à ceux d’entre vous qui lisent ceci: que vous votiez ou non, est-ce un mal de penser à ce qui se passe dans le monde dans lequel nous vivons, de l’analyser, de le comprendre ? Est-ce que penser de manière critique empêche de voter ou de s’abstenir de voter ? Est-ce que cela nous aide à nous organiser ou pas ?

– * –

Pour en finir avec les élections:

Pour que ce soit clair et que vous ne soyez pas induits en erreur par ce que nous disons et ne disons pas.

Nous comprenons qu’il y a ceux qui pensent que c’est possible de changer le système de l’intérieur par le vote dans les élections.

Nous disons que cela est difficile parce que c’est le même dominant qui organise les élections, qui décide qui seront les candidats, qui dit comment, quand et où voter, qui annonce qui a gagné et qui dit si les élections furent légales ou pas.

Mais eh, il y a des gens qui pensent que cela peut marcher. Okay, nous ne disons pas non, mais nous ne disons pas oui non plus.

Alors, votez pour une couleur ou un autre délavée, ou ne votez pas, ce que nous disons en revanche est que nous devons NOUS ORGANISER et prendre la décision de qui gouverne entre nos mains et les faire obéir au peuple !

Si vous avez déja décidé que vous n’irez pas voter, nous ne disons pas que c’est bien ou mal. Nous disons simplement que ce n’est pas suffisant, que vous devez vous organiser. Et bien sûr que vous devez vous préparer à ce qu’ils vous accusent pour les misères des partis de la gauche institutionnelle.

Si vous avez décidé que vous allez voter et aussi déjà pour qui, alors pareil, notre opinion est que ce n’est ni bien ni mal. Mais ce que nous disons clairement néanmoins est que vous devez vous préparer parce que vous allez être sérieusement en colère quand viendra le temps des fraudes et des trahisons de paroles données. Ceux du pouvoir sont des experts en triche. Ce qui va se passer a déjà été décidé par ceux d’en-haut.

Nous savons aussi qu’il y a des leaders qui mentent et trompent les gens. Ils disent qu’il n’y a que deux voies pour changer le système: la lutte électorale et la lutte armée.

Ils disent cela parce qu’ils sont ignotants et sans honte, ou les deux.

En premier lieu, ils ne se battent pas pour changer le système ou prendre le pouvoir, mais pour être au gouvernement. Ce n’est pas la même chose. Ils disent qu’une fois en place au gouvernement, ils feront les bonnes choses, mais ils font très attention de bien clarifier qu’ils ne vont pas changer les système, qu’ils vont juste se débarrasser de ce qui est mauvais.

Peut-être devraient-ils étudier un peu mieux et apprendre qu’être au gouvernement ne veut pas dire avoir le pouvoir.

Vous pouvez constater qu’ils ne réalisent pas que s’ils se débarrassaient des mauvaises parties du capitalisme, il n’y aurait alors plus de capitalisme et je vais vous dire pourquoi: parce que le capitalisme est l’exploitation de l’homme par l’homme et du grand nombre par le petit nombre. Même en incluant les femmes, c’est la même chose. C’est le système où les uns s’enrichissent du travail des autres. Si ces partidistas disent que cela est bien et qu’ils doivent juste faire attention que leurs élus ne poussent pas le bouchon trop loin, ok, laissez les dire.

Mais il y a plus que les deux voies décrites (la voie électorale et la voie armée) pour entrer au gouvernement. Ils oublient que le gouvernement peut tout aussi bien être acheté, pas seulement cela, mais peut-être ont-ils aussi oublié qu’il est parfaitement possible de gouverner sans même être au gouvernement.

Si ces gens disent que cela n’est possible qu’avec des armes ou des élections, la seule chose qu’ils nous disent en fait, est qu’ils ne connaissent rien à leur histoire, qu’il n’ont pas bien étudié, qu’ils n’ont aucune imagination et qu’ils n’ont aucune honte.

Ce serait suffisant pour eux de voir juste un peu de ce qu’il se passe en-bas. Mais leurs cous sont déjà courbaturés de trop regarder en haut.

C’est pourquoi nous, les Zapatistes, ne sommes jamais fatigués de dire organisez-vous, organisons-nous, chaque personne là où elle est, luttons et organisons-nous, travaillons pour nous organiser, commençons par penser comment commencer à nous organiser et rassemblons nous afin d’unifier nos organisations pour vivre dans un monde où le peuple commande et le “gouvernement” obéit.

En résumé, comme nous l’avons dit au préalable et nous le redisons maintenant: que vous votiez ou non… ORGANISEZ-VOUS

Et bien, nous, Zapatistes, pensons que nous devons avoir de bonnes idées afin de nous organiser. Ce qui revient à dire nous avons besoin de théorie, de pensée critique.

Avec la pensée critique, nous pouvons analyser les modes de l’ennemi, de celui qui nous opprime, nous exploite, nous réprime, nous méprise et nous vole.

Mais avec la pensée critique nous pouvons également analyser et critiquer notre propre chemin.

Pour cette raison, nous appelons toute la 6ème à se rassembler pour penser, analyser, théoriser et de voir comment nous voyons le monde, notre lutte et notre histoire.

Nous en appelons à ce que vous ayez vos propres séminaires et partagiez avec nous ce que vous y cultivez.

– * –

En tant que Zapatistes, nous allons continuer à nous gouverner nous-mêmes comme nous le faisons déjà, là où le peuple dirige et le gouvernement obéit.

Comme le disent si bien nos compañeros: Hay lum tujbil vitil ayotik. Ce qui veut dire: comme il est bon le chemin que nous empruntons.

Une autre: Nunca ya kikitaybajtic bitilon zapatista. Ce qui veut dire: nous ne cesserons jamais d’être zapatistes.

Encore une: Jatoj kalal yax chamon te yax voon sok viil zapatista. Même mort, on m’appelera toujours zapatiste.

Depuis les montagnes du sud-est mexicain.

Au nom de l’EZLN, des femmes, hommes, enfants et anciens de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (Ejercito Zapatista de Liberacion Nacionale)

Subcomandante Insurgente Moisés

Mexico, April-May of 2015.

[i] The text uses “cabrón,” like bully or asshole, and “cabra,” (literally “goat”), playing with the feminine form of gendered nouns in Spanish. We will use “cheats and bullies” throughout the rest of the translation for this phrase.

[ii] The text uses “compañeroas,” to give a range of possible gendered pronouns including male, female, transgender and others.

[iii] A reference to those who accept gifts or handouts—often a sandwich at a rally—from the political parties in return for support.

[iv] A reference to the slap Chiapas governor Manuel Velasco gave to an assistant at a December 9, 2014, public event, which was caught on camera.

[v] From Karl Marx’ Capital Volume 1, Chapter 31.

[vi] The text uses “unoas” (some) and “otroas,” (others) to give a range of possible gendered pronouns including male, female, transgender and others.

Résistance politique: Soutenir les Zapatistes du Chiapas, s’inspirer de leur lutte universelle et adapter la méthode…

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, colonialisme, démocratie participative, France et colonialisme, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, militantisme alternatif, N.O.M, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, philosophie, police politique et totalitarisme, politique et lobbyisme, politique et social, résistance politique, société libertaire, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , , on 4 novembre 2014 by Résistance 71

Si nous sommes tous des colonisés, nous ne sommes pas, bien évidemment, tous des « zapatistes », des amérindiens ou des peuples autochtones de nations sous domination coloniale directe. Le message de lutte est universel à tous les peuples. La réalité pratique se doit d’être adaptée à l’environnement géographique et socio-politique de chacun des peuples concernés. Inspirons-nous du Chiapas et créons le confédéralisme démocratique en contre-pouvoir efficace au marasme systémique ambiant et sclérosé.

— Résistance 71 —

 

Chiapas

 

Alternative Libertaire

 

22 Octobre 2014

 

url de l’article:

http://www.alternativelibertaire.org/?Chiapas

 

Une compilation d’articles et de communiqués, ainsi que sur les luttes politiques au Mexique et des peuples indigènes du continent sud-américain. En rejoignant la « Sexta » des Zapatistes, Alternative libertaire entend défendre l’autonomie des peuples et les expériences d’auto-organisation et d’autogestion.

Le soulèvement

Le soulèvement zapatiste du 1er janvier 1994 a permis de mettre en lumière des problématiques sociales et politiques propres aux peuples indigènes, du Mexique comme d’ailleurs. Usage du territoire, représentation politique, perte des cultures, discrimination raciale, ces thèmes se sont retrouvés sur le devant de la scène mexicaine et internationale, et le soulèvement a provoqué ou renforcé de nombreux autres mouvements indigènes, ainsi que suscité une grande vague de solidarité internationale.

Les relations développées avec la société civile mexicaine et internationale, ainsi que l’intense préparation politique des zapatistes pendant les dix ans précédents le soulèvement, ont débouché sur un mouvement avec une forte capacité organisationnelle, un large soutien populaire, et un discours inspirateur pour de nombreuses luttes. Le discours anticapitaliste, les pratiques horizontales, les revendications d’autonomie, ont participé entre autres à populariser ce mouvement dans les milieux libertaires du monde entier.

Le but n‘est pas de retracer ici l’histoire du mouvement, mais de voir où il se situe aujourd’hui et ce qu’il peut nous apporter dans nos luttes.

Un nouveau cycle du mouvement zapatiste

Dès la fin des combats de 1994, l’EZLN à tissé des liens avec la société civile mexicaine et les mouvements altermondialistes au travers des marches du Chiapas jusqu’à Mexico ou de rencontres internationales sur leur territoire. Dans le même temps les zapatistes ont organisé leur autonomie dans les « territoires récupérés » lors de l’insurrection. Après deux années d’intense travail avec la société civile mexicaine et internationale (autour de la 6ème déclaration) en 2006 et 2007, ils et elles se sont concentré-e-s sur le développement de leurs capacités productives, politiques, sociales.

Vous êtes en territoire rebelle zapatiste. Ici le peuple commande et le gouvernement obéit.

Le « pouvoir » de l’EZLN (Armée Zapatiste de Libération Nationale) a été transmis à des instances civiles, les Juntas de buen gobierno (conseils de bon gouvernement), et de nombreux projets d’éducation, de santé, d’agriculture, de communication ont été mis en place ou renforcés. Les conditions de vie des communautés zapatistes se sont améliorées, malgré la répression constante du mouvement de la part des gouvernements local et fédéral. Les médias et nombre de mouvements politiques hostiles aux zapatistes ont profité de ce moment de moindre visibilité pour déclarer la disparition du mouvement. Mais le déclenchement d’une nouvelle phase de mobilisation depuis décembre 2012 leur a donné tort.

Le 21 Décembre 2012, environ 40.000 bases de apoyo (bases de soutien) zapatistes ont défilé silencieusement dans les cinq villes que l’EZLN avait prises par les armes le 1er janvier 1994. Le communiqué émis ce jour-là disait seulement « VOUS AVEZ ENTENDU ? C’est le son de votre monde en train de s’effondrer, C’est celui du notre qui resurgit. Le jour qui fut jour, était nuit, Et nuit sera le jour qui sera le jour. ».

Quelques jours après, l’EZLN a commencé à émettre des communiqués à un rythme soutenu, expliquant le relatif silence des années précédentes et la volonté de reprendre le travail de communication national et international, la nomination d’un nouveau subcomandante, et l’entrée dans une nouvelle phase de leur mouvement : « le temps du oui ». C’est-à-dire une phase de construction active d’une autre société et non plus de simple opposition ou résistance à la société existante. Puis, détaillant les premières étapes de cette nouvelle phase : 
 la escuelita (petite école), sorte d’université populaire organisée par les zapatistes dans leurs communautés depuis août 2013 jusqu’au début 2014 pour partager leur expérience avec des individu-e-s et des organisations sociales nationales et internationales qui les soutiennent. 
 la reprise d’un travail unitaire avec d’autres mouvements indigènes mexicains, notamment au travers de la Catedra Tata Juan Chavez des 17 et 18 août 2013.

Le moment d’entrée dans cette nouvelle phase de mobilisation répond à un contexte particulier.

D’une part, la généralisation de la violence. Le Mexique est devenu ces dernières années l’un des pays les plus violents au monde, avec le déclenchement de la « guerre contre le narcotrafic » sous le mandat du président Calderón (2006-2012) du PAN (Parti Action Nationale, droite conservatrice catholique), qui a fait 60 000 morts dont bon nombre de « dommages collatéraux ». Cette violence s’est ajoutée à la corruption et à l’autoritarisme de la classe politique mexicaine, détruisant encore plus le tissu social du pays, et masquant la répression (assassinats, disparitions, emprisonnements) dont souffrent les mouvements sociaux et indigènes.

D’autre part, le retour du PRI (Parti Révolutionnaire Institutionnel) au pouvoir. Le PRI a gouverné le Mexique pendant 70 ans d’affilés jusqu’à l’arrivée du PAN au pouvoir en 2000. Il symbolise la corruption, le clientélisme, la répression, le virage néolibéral, l’état mafieux (pratiques que le PAN a perpétuées avec plaisir), et son retour au pouvoir fin 2012 ne peut faire que craindre le pire.

Enfin, la mise en place de l’agenda néolibéral des élites nord-américaines. Intégration commerciale profitant aux multinationales, extraction sauvage des ressources naturelles, pillage des ressources biologiques, privatisations (éducation, énergie, etc.), aux conséquences socio-économiques désastreuses pour la majorité de la population, et notamment pour les peuples indigènes dépossédés de leurs territoires et de leurs cultures.

Un élément primordial dans cette nouvelle phase de mobilisation est aussi d’ordre culturel et spirituel. Le 21 décembre 2012 représente dans la cosmovision maya le passage à un nouveau cycle de leur calendrier, le 14eme Baktun, chaque baktun durant environ 394 ans. Cet aspect culturel a déterminé le choix de la date de la mobilisation du 21 décembre, et donne le sens du communiqué émis à cette occasion, l’entrée dans un nouveau cycle devant s’accompagner de l’entrée dans un autre modèle de société que les zapatistes s’efforcent de construire.

Plus récemment, suite à l’attaque du Caracol La Realidad et de l’assassinat du compa Galeano, perpétué par des paramilitaires, les zapatistes, par la voix du Sous-commandant Marcos, ont confirmé l’engagement dans cette nouvelle étape du mouvement. En effet, en décidant la « disparition » du personnage de Marcos, ils montrent au monde que leur mouvement est autogestionnaire et horizontal. L’évolution est notoire, comme le montre cet extrait du communiqué Ombre et Lumière de l’EZLN :

« Au cours de ce ces vingt dernières années, une relève complexe et à plusieurs niveaux s’est opérée au sein de l’EZLN. 
Certains n’ont vu que ce qu’il y avait de plus évident : la relève générationnelle. 
Aujourd’hui, en effet, ce sont celles et ceux qui étaient tout jeunes ou qui n’étaient pas encore nés au début de notre soulèvement qui luttent et conduisent la résistance. 
Cependant, certains lettrés n’ont pas eu conscience des autres relèves qui ont eu lieu : 
Une relève de classe : le passage d’une origine de la classe moyenne éclairée à une origine indigène paysanne. 
Une relève de race : de dirigeants métis, on est passé à des dirigeants nettement indigènes. 
Et le plus important, une relève dans la pensée. De l’avant-gardisme révolutionnaire, on est passé au « commander en obéissant » ; de la prise du Pouvoir d’en Haut à la création du pouvoir d’en bas ; de la politique professionnelle à la politique quotidienne ; des leaders aux communautés ; de la ségrégation de genre à la participation directe des femmes ; de la moquerie envers l’autre à la célébration de la différence. »

Aternative libertaire adhère à la Sexta, c’est-à-dire à la Sixième Déclaration de la Selva Lacandona, rédigée en 2005. Ce texte avait contribué à créer un nouveau réseau fédérant les groupes en lutte.

L’EZLN et le mouvement zapatiste ont montré au cours de ces dernières décennies qu’il n’y avait pas de fatalité dans ce monde dominé par le néolibéralisme, les injustices et les gouvernements à la botte des capitalistes. Même les plus pauvres, les plus oublié-e-s, peuvent se lever et crier Ya Basta ! Assez ! Et choisir une autre voie, basée sur la justice, la démocratie, la dignité, la solidarité, l’égalité.

Ce qu’ont réussi à construire les zapatistes depuis la création de l’EZLN représente une source d’optimisme et d’inspiration pour tous ceux et toutes celles qui luttent pour un monde meilleur. Les conditions politiques, sociales, culturelles, ne sont pas les mêmes en France et au Chiapas, et n’appellent pas les mêmes réponses, mais un désir commun doit nous animer, comme partout sur cette planète : reprendre le contrôle de nos vies. Et sur ce plan là, les zapatistes sont un exemple.

Alternative libertaire lutte depuis longtemps contre toutes les oppressions : capitaliste, étatique, patriarcale, raciste. Nous participons dans la mesure de nos capacités aux mouvements sociaux et aux luttes sur nos lieux de travail, et diffusons autant que possible nos idées communistes libertaires pour créer une société libre de toute forme de domination.

Depuis le soulèvement zapatiste, nous avons suivi avec intérêt et solidarité l’évolution de cette lutte, et l’avons diffusée dans les pages de notre journal. Mais nous n’avons jamais formalisé notre solidarité, ni n’avons participé aux rencontres et activités organisées par les zapatistes ou les mouvements de solidarité. Il est malheureusement difficile de s’engager sur tous les fronts. Mais aujourd’hui, alors que les conséquences économiques, sociales et écologiques du néolibéralisme se font de plus en plus dramatiques et irréversibles, il nous semble important de participer à la nouvelle dynamique que les zapatistes essayent d’impulser. C’est pourquoi nous avons décidé de rejoindre la Sexta Declaración de la Selva Lacandona.

Ces derniers mois, à l’occasion des 20 ans du soulèvement, nous avons participé dans différentes villes de France à des activités de solidarité en commun avec d’autres groupes et collectifs de soutien aux zapatistes, avec des débats publics, des repas de solidarité, et la participation à des rassemblements de soutien. Avec ces collectifs, nous tentons tant bien que mal d’apporter notre aide.

Nous souhaitons ainsi diffuser la lutte zapatiste et les revendications d’autonomie des peuples indigènes du Chiapas et d’ailleurs, et exiger l’application des accords de San Andres, la libération des prisonniers politiques et la fin du harcèlement militaire et de la violence politique dont sont trop souvent victimes les peuples du Chiapas et du reste du Mexique.

Résistance politique: Rencontre EZLN et Congrès National Indigène au Chiapas… La résistance s’organise plus avant

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Rencontre de partage avec le Congrès national indigène

 

lundi 16 juin 2014, par SCI Moisés

 

Armée zapatiste de libération nationale. 
Mexique. 
29 mai 2014.

 

url de l’article en français:

http://www.lavoiedujaguar.net/Rencontre-de-partage-avec-le

En español:

http://enlacezapatista.ezln.org.mx/2014/05/30/comparticion-con-cni/

 

Au Congrès national indigène et aux peuples indigènes du Mexique, 
À la Sexta,

Compañeras et compañeros,

Recevez toutes et tous nos salutations zapatistes. Voici où nous en sommes de la rencontre de partage entre les peuples zapatistes et les peuples originaires du Congrès national indigène (CNI).

Premièrement. Les compañer@s du CNI que nous invitons à cette première session de partage sont les mêmes que ceux qui l’étaient déjà aux dates qui ont été suspendues.

Deuxièmement. Nouvelles dates et lieu de cette rencontre.

Lieu : Caracol de La Realidad.

Arrivée : samedi 2 et dimanche 3 août 2014. Ainsi pourront-ils se déplacer sans se presser et en faisant attention, pour arriver dans les meilleures conditions à La Realidad.

Partage : du lundi 4 au vendredi 8 août.

Résolutions et accords du partage : samedi 9 août.

Départ : dimanche 10 août

Troisièmement. Seuls les zapatistes et le Congrès national indigène sont concernés par cette rencontre. Personne d’autre ne sera admis, pas même les médias libres ou les compas de la Sexta.

Quatrièmement. La séance des résolutions et des accords de la rencontre, elle, sera ouverte aux compas de la Sexta et aux médias libres.

Cinquièmement. Tout ce qui concerne l’hébergement et la restauration de nos invités à la rencontre — c’est-à-dire les compañeras et compañeros du CNI — est pris en charge par les zapatistes.

Nous nous activons dès à présent pour que tout soit prêt, pour que nos compas du Congrès national indigène n’aient à souffrir ni de la pluie ni du soleil, et pour faire de notre mieux question alimentation.

Sixièmement. Nous appelons toute la Sexta nationale et internationale à donner un coup de main pour participer aux frais de déplacement de nos invités. Pour la plupart, ils vont venir de très loin et voyageront à leurs frais.

Dans presque tous les lieux où vivent et luttent ces compañeras et compañeros du CNI qui vont venir, il y a aussi des compas de la Sexta qui trouveront certainement comment réunir les ressources pour que les invité•e•s fassent bon voyage.

Nous, les peuples originaires, nous sommes les gardiens de la terre. La terre ne rémunère pas ceux qui la soignent et qui l’aiment, elle ne donne pas de postes au gouvernement, elle n’est pas aux informations, elle ne vote pas, elle ne donne pas de récompenses. La terre donne la vie, c’est tout.

Septièmement. C’est avec une grande douleur que nous avons appris qu’un compañero du Congrès national indigène, qui était venu à La Realidad pour prendre part à notre douleur et à notre rébellion, est mort dans un accident alors qu’il retournait à sa terre.

Ce compa décédé s’appelle David Ruiz García, du peuple originaire ñhañú, communauté San Francisco Xochicuatla, commune de Lerma, dans l’État de Mexico, Mexique.

Nous envoyons une grande accolade compañera à sa famille, à son peuple, et à ses compañeras et compañeros de lutte du CNI.

Ce compañero David n’est pas mort au cours d’une balade, mais en accomplissant son devoir : la mission que lui avaient donnée les compañeras et compañeros de son peuple et du Congrès national indigène était de se joindre à nous, les zapatistes, dans l’hommage à notre compa Galeano.

C’est pourquoi nous avons estimé que, pour honorer la mémoire de ce compañero, nous donnerons son nom à cette première rencontre de peuples originaires du Mexique et peuples zapatistes.

D’où le nom :

Rencontre de partage « Compañero David Ruiz Garcia » 
entre le Congrès national indigène et les peuples zapatistes.

C’est notre modeste hommage pour embrasser ce collègue et pour lui permettre de marcher encore une fois avec les peuples indigènes de notre pays, le Mexique.

C’est tout, compañeras et compañeros.

Depuis les montagnes du Sud-Est mexicain. 
Pour le Comité clandestin révolutionnaire indigène, 
Commandement général de l’Armée zapatiste de libération nationale, 
sous-commandant insurgé Moisés.

Dans La Réalité zapatiste. 
Mexique, mai 2014. 
Année 20 de la guerre contre l’oubli.

Traduit par h.g.

Source du texte d’origine : 
Enlace Zapatista