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Résistance peuples natifs : La lutte maya contre les projets de destruction au Mexique du sud-est

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, colonialisme, démocratie participative, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, média et propagande, militantisme alternatif, pédagogie libération, politique et lobbyisme, politique et social, résistance politique, société des sociétés, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , on 6 février 2020 by Résistance 71

“Il y a des connexions philosophiques entre les sociétés indigènes et quelques sensibilités anarchistes sur l’esprit de la liberté et les idéaux pour une bonne société. Des idées critiques parallèles et des visions d’un futur post-impérialiste ont bien été notées par quelques penseurs, mais quelque chose qu’on pourrait appeler ‘anarcho-indigénisme’ doit toujours se développer en une philosophie et une pratique cohérentes. Il y a également une grande similitude entre les façons de voir le monde des anarchistes et des peuples autochtones: un rejet des alliances avec des systèmes légalisés, centralisés d’oppression et une non-participation aux institutions qui structurent la relation coloniale, ainsi que la croyance d’amener le changement par l’action directe et la résistance au pouvoir d’état.”
~ Taiaiake Alfred, professeur sciences politiques, Mohawk ~

 


5 territoires mayas en lutte…

 

L’avenir de l’humanité passe par les peuples occidentaux émancipés de l’idéologie et de l’action coloniales, se tenant debout, main dans la main avec les peuples autochtones de tous les continents pour instaurer l’harmonie de la société des sociétés sur terre. Il n’y a pas de solutions au sein du système, n’y en a jamais eu et n’y en aura jamais !

~ Résistance 71 ~

 

Il n’y a rien de “Maya” au sujet du “train maya” du Mexique

 

Alexandre Gorski & Pedro Uc Be

 

31 janvier 2020

 

url de l’article original:

https://roarmag.org/essays/there-is-nothing-mayan-about-mexicos-mayan-train/

 

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

 

Lorsque Andrés Manuel López Obrador (AMLO) assuma la présidence du Mexique le 1er décembre 2018, il permit au pays une transformation et une fin à la politique néolibérale qui a mené à une grave crise multi-face au Mexique, crise à laquelle doit faire face la société mexicaine aujourd’hui. Afin de réaliser ses promesses de progrès économiques et sociaux, AMLO et son administration ont développé une infrastructure politique qui focalise sur les soi-disants mega-projets: des aventures affairistes gigantesques et complexes qui restructureraient des régions entières du Mexique afin de les ouvrir au marché national et international et pour intégrer les populations locales à l’économie capitaliste.

Il y a trois projets qui sortent de l’ordinaire en particulier:

Premièrement, le Tren Maya, une ligne de chemin de fer de plus de 1500 km qui a pour intention de rendre accessible au tourisme de masse les régions appauvries du sud-est mexicain comme les états du Chiapas, de Tabasco, Campeche, le Yucatan et le Quintana Roo.

Deuxièmement, Le Corredor Transistmico, un lien entre les océans Atlantique et Pacifique le long de l’isthme de Tehuantepec, au travers du développement de lignes de chemin de fer, de centres logistiques et de ports, supposés faire du Mexique un havre du commerce international.

Et troisièmement,  le Proyecto Integral Morelos, qui consiste en de variées centrales énergétiques au gaz naturel et qui est supposé fournir en énergie le couloir industriel central du Mexique.

Alors que les entreprises internationales applaudissent ces politiques, des organisations indigènes d’en-bas à gauche comme le Congreso Nacional Indígena (CNI) et l’Ejército Zapatista de Liberación Nacional (EZLN) s’opposent intensément à celles-ci, car elles craignent la destruction plus avant des ressources naturelles et n’y voient en fait aucun bénéfice pour les populations qui en seront affectées.

A ce sujet et plus encore, le magazine ROAR a discuté avec Pedro Uc Be, poète et activiste maya, qui vit dans l’état du Yucatan au sud-est du Mexique et qui est membre d’une organisation indigène l’Asamblea de Defensores del Territorio Maya Múuch’ Xíinbal’ et qui est un délégué pour le Conseil National Indigène (CNI). Il est un défenseur actif des territoires indigènes depuis plusieurs décennies.

Alexandre Gorski : Pedro, pour vous et votre organisation, les mega-projets mis en avant pas l’administration du président AMLO ne constituent rien de nouveau. Vous défendez vos territoires depuis plusieurs décennies contre les entreprises multinationales et leurs intentions de déposséder les communautés indigènes. Pouvez-vous nous parler de votre travail et comment tout cela est en lien avec l’identité Maya ?

Pedro Uc Be: Depuis plus de 30 ans nous avons accompagné bien des communautés mayas différentes de la péninsule du Yucatan dans leur voyage. Ce qui veut dire que nous avons fomenté une sorte de réflexion avec elles autour des valeurs de notre culture, autour de l’importance de notre langage et autour de la situation de notre identité, qui a tout à voir avec notre mode de vie, nos formes d’organisation, nos modes vestimentaires et notre sytème relationnel mais avant toute chose, notre amour de cette terre et de tout ce qui existe dans la nature.

Ceci a été un effort long et très difficile, essentiellement parce que la culture maya a été dévastée par des siècles d’exploitation et d’oppression. Spécifiquement depuis la guerre Caste du Yucatan qui vit une longue confrontation des peuples natifs mayas avec les colons d’origine européenne ; cette guerre dura de 1847 à 1901, notre culture a été marginalisée et supprimée par l’état. Bon nombre de nos ancêtres furent vendus comme esclaves à Cuba et de nombreux autres moururent de faim dans ce qui est connu aujourd’hui comme l’état de Quintana Roo. Ceux qui survécurent dans la péninsule du Yucatan sont les assimilés esclaves travaillant dans les haciendas des grands propriétaires terriens.

Cette défaite politique, militaire et culturelle a rendu très difficile pour les peuples mayas de retrouver leur conscience, leur identité et leurs valeurs en tant que culture.

Depuis lors, tous les gouvernements ont pris part à l’établissement d’une politique clientéliste ciblant les peuples mayas, avec par exemple des programmes sociaux afin de les maintenir asservis et subordonnés. Ces dernières décennies, ceci fut toujours lié à la dépossession massive des terres indigènes par les grandes entreprises transnationales.

Quels types de projets ces entreprises ont-elles essayé d’installer sur la péninsule du Yucatan ?

Des fermes porcines, des parcs énergétiques éoliens et photovoltaïques, du tourisme a grand impact, des plantations de soja transgénique (OGM), pour n’en nommer que quelques uns. Ces projets ont tous une chose en commun : L’occupation hostile des terres mayas de la péninsule du Yucatan. Ces projets de développement sont à terme très dangereux pour la vie des communautés, parce que celles-ci se retrouvent déplacées de leur endroit d’origine et séparées de leurs terres ancestrales. Ces projets ont non seulement un impact environnemental, mais ils ont aussi un impact social, culturel et linguistique.

Beaucoup argumentent que ces projets représentent en fait l’opportunité pour les peuples indigènes et leurs communautés de dépasser le stade de la pauvreté, de la marginalisation et de pouvoir s’intégrer dans l’économie nationale.

Dans la réalité, les Mayas ne voient aucun avantage dans ces projets. Nous pouvons dire ceci avec assurance, parce que nous avons déjà vu ce scénario auparavant. A chaque fois la propagande des entreprises coloniales et de l’état affirme que les peuples indigènes vont bénéficier et qu’ils vont amener le développement dans leur communauté. Ils disent qu’ils vont créer beaucoup de travail, que le niveau de vie va s’améliorer etc, etc…

Le discours est toujours très élaboré et il n’y a rien de nouveau dans son contenu. Mais au bout du compte, les bénéfices politiques et économiques ont toujours été du côté des envahisseurs, jamais du notre.

Quel rôle joue le gouvernement dans la mise en place de ces politiques infrastructurelles ?

Théoriquement, le gouvernement a l’obligation de faire une enquête sur l’impact social, environnemental et culturel de ces projets. Mais dans la pratique, nous avons été les témoins d’une vaste corruption des autorités locales, régionales et fédérales. Il est devenu très clair qu’il existe un arrangement commercial entre le gouvernement et les grandes entreprises parties-prenantes des projets.

Par exemple: Les agences gouvernementales font de fausses enquêtes sur l’impact environnemental dont les résultats sont toujours à l’avantage des entreprises. Ceci manipule l’opinion publique et rend plus facile pour ces entreprises le processus de déposséder nos communautés de nos terres et de faire ce qu’elles veulent afin d’accumuler toujours plus de capital. Au bout du compte, il existe une complicité aux trois niveaux de gouvernement avec les entreprises transnationales.

Qu’en est-il de la société civile ? Les mouvements indigènes travaillent-ils avec les ONG afin de se défendre contre cette attaque ?

Oui, mais il y a aussi eu des difficultés. Beaucoup de ces ONG qui se sont déclarées solidaires des communautés indigènes n’ont pas réellement la volonté de confronter les violations systémiques qui se déroulent sur nos territoires. Elles ne font que des enquêtes, des rapports, écrivent des documents. Cette information est sans nulle doute utile pour notre lutte, mais ce n’est pas suffisant. Nous devons nous organiser quotidiennement pour lutter contre ces projets.

Nos communautés ne sont pas organisées comme entités légales (NdT: du point de vue de la législation coloniale s’entend…) Nous sommes des autochtones nous rassemblant, réfléchissant et résistant collectivement contre ce système qui ne fait que nous apporter mort et destruction.

Quels sont les modes de votre résistance ?

Le point clef pour nous est l’information et l’organisation. Dans nos communautés, mais aussi en tant que société à part entière. De plus, npus avons aussi utilisé des moyens légaux pour défier certains projets. Nous avons réussi à stopper certaines entreprises d’installer des projets de “développement” sur nos terres. Et c’est précisément ce qui ennuie beaucoup ces entreprises. Les menaces et les campagnes de désinformation sur nos luttes montrent bien que les capitalistes sont bien ennuyés  et inquiets et ils ont vu qu’il y avait une résistance déterminée sur notre territoire.

Maintenant, le Tren Maya menace une fois de plus l’intégrité territoriale des communautés indigènes de la péninsule du Yucatan. Comment évaluez-vous ce projet ? 

Le “Train Maya” est une agression rien qu’avec son nom. Il n’y a absolument rien de “maya” à son sujet. Et même si ce train est un des projets phares de l’administration couramment en place, il n’y a aucune information fiable sur l’impact exercé sur les communautés impliquées.

Ce que nous savons jusqu’ici du projet n’est que ce que la propagande de l’autorité compétente nous a présenté, le Fondo Nacional de Fomento al Turismo (Fonatur) ; c’est ce qu’on veut nous faire croire. Ils disent que ce train sera pour les touristes et pour les marchandises. Cela veut dire: pas pour les peuples mayas. Parce que nos communautés appauvries n’ont pas les moyens de voyager, encore moins dans ce type de train. Nous n’avons pas non plus d’usines, nous n’avons donc pas du tout besoin de trains de marchandises.

Mais le problème n’est pas juste le train. D’après le Fonatur, le gouvernement planifie de construire des villes à chaque arrêt de train, villes de 50 000 habitants. En premier lieu, ceci va mener à une urbanisation incontrôlée, qui ne bénéficiera qu’aux entreprises immobilières et aux gouvernements locaux totalement corrompus. Les effets sur l’écosystème seront absolument négatifs. Jusqu’ici il n’y a eu absolument aucune étude indépendante sur l’impact régional de ce projet. Secundo, nous avons vu ce qui est arrivé à Cancun et à la Riviera Maya, où le tourisme de masse a mené à des situations d’extrême violence et de dégradation sociale. Nous ne voulons en rien vivre de la sorte.

C’est pourquoi pour nous, ce Tren Maya menace absolument tout : notre mode de vie traditionnel, notre culture, notre langage, notre nature et ainsi notre futur en tant que peuple Maya.

Le 15 décembre 2019, le gouvernement a conduit une consultation sur le Tren Maya, qui ne fut pas seulement critiquée par les opposants au projet mais aussi par l’ONU et plusieurs organisations des droits de l’Homme. Que s’est-il passé ?

La consultation gouvernementale par voie électorale [referendum] fut une véritable moquerie du peuple maya. Comme toutes les consultations jamais faites par quelque gouvernement que ce soit sur la péninsule du Yucatan lorsqu’il s’agit de la question de ces mega-projets.

D’abord le bulletin de vote contient seulement une longue liste de bénéfices et est totalement silencieux au sujet de tout impact négatif possiblement anticipable. Ensuite, seulement un peu plus de 90 000 personnes participèrent à cette consultation , même par 3% de “l’électorat”. La très grande abstention reflète très bien l’opposition de la vaste majorité des Mayas à ce projet. Finalement, il n’y a eu aucune participation effective des femmes indigènes, parce que dans beaucoup de communautés, seulement les “autorités” furent appelées à voter et celles-ci sont essentiellement mâles, il y a de plus eu une longue liste d’irrégularités pendant le processus électoral, allant des menaces aux intimidations.

Bref, cette consultation était une farce. Une justification d’une décision qui avait déjà été prise par le gouvernement. Comme l’écrivain colombien Gabriel Garcia Marquez l’écrivit, “une chronique d’une mort annoncée”.

Une des stratégies employée par les gouvernements et les entreprises dans le contexte de ces mega projets est la division des communautés en lutte. De quoi avez-vous été témoin en ce sens ?

Il y a toujours l’intention de nous diviser. En fin de compte, ceci est la base de tout gouvernement: diviser pour mieux régner. Maintenant, avec tout ce qui s’est passé, il y a des problèmes dans nos communautés. Il y a des confrontations et des conflits. On constate une blessure dans la fabrique sociale due aux confrontations entre des gens qui veulent préserver leurs terres et ceux qui veulent le donner au gouvernement et les entreprises transnationales.

Vous avez parlé de menaces contre les critiques de Tren Maya dans le contexte de cette consultation par les urnes. Vous avez été vous-même ciblé, pouvez-vous nous en parler ?

Deux jours après la consultation / referendum, j’ai reçu un message via WhatsApp. J’y fus menacé de mort dans un langage vulgaire si je n’arrêtais pas de perturber les intérêts des développeurs du projet. Ils me donnaient 48 heures pour déguerpir et arrêter tout ce que je faisais ou alors ils allaient me tuer.

Nous, en tant qu’organisation, avons fait face à de nombreuses menaces et les avons toujours rendues publiques, car nous pensons que les gens doivent le savoir. Heureusement, la nouvelle se répand rapidement et il y a une énorme solidarité dans les déclarations en notre faveur. Nous avons déposé plainte devant le mécanisme de l’autorité et avons averti des journalistes et des associations des droits de l’Homme. Maintenant, à cause de cette pression sociale la police de l’état et fédérale patrouille devant ma maison et la maison de mon fils qui a aussi été menacé. Ils m’ont aussi donné un bouton d’alarme si quoi que ce soit se produisait.

Pensez-vous qu’un dialogue avec le gouvernement d’Obrador est toujours possible ?

Je pense que le gouvernement en ce moment, à cause de ses obligations avec la caste affairiste, n’est pas vraiment disponible pour discuter. L’administration d’AMLO a été très insensible à notre égard et nous a disqualifié en en comparant nos critiques avec une opposition d’extrême-droite. AMLO lui-même nous a dit que nous étions des “extrémistes” des “ultras” Il a aussi nié que ces projets étaient des projets néo-libéraux. Il dit que ce sont des mesures sociales. Mais nous voyons bien que le projet de Tren Maya n’est qu’une continuation des politiques néo-libérales et que bon nombre des membres du gouvernement AMLO sont des anciens membres de partis politiques de droite comme le PRI (Parti Révolutionnaire Instutionnel) et le PAN (Parti d’Action Nationale) . Donc, si vous cherchez des réactionnaires, faut regarder du côté du gouvernement, pas du nôtre.

Donc non, je ne pense pas qu’il puisse y avoir un dialogue sérieux. Nous allons continuer de nous organiser et de dénoncer tous les abus du gouvernement et des entreprises transnationales. En temps et en heure, si l’assemblée le veut, nous prendrons aussi des mesures légales envers Tren Maya.

Vous n’êtes pas seulement un activiste pour la défense des terres autochtones, mais vous êtes aussi un écrivain accompli, un poète et un professeur de la langue maya. Quel rôle jouent la culture et les arts dans la résistance indigène ?

Je vois le rôle de la culture, de la littérature et de la poésie comme fondamental. L’art ne peut pas être étranger à ce qui se passe dans nos communautés. a littérature qui ne dénonce pas la douleur que nous vivons quotidiennement peut difficilement être de la littérature. Mais il faut aussi dire que l’amour de la nature et de l’être humain est inhérent à la littérature et à toute forme d’expression artistique. Obtenir des formes de beauté dans la construction et l’exposition du monde devant cette bien triste réalité fait aussi partie de notre lutte pour la vie.

Nous ne nous battons pas pour des intérêts particuliers, nous combattons pour la nature elle-même. Et nous faisons cela aussi au ravers de la poésie, de la littérature, de la musique ou du théâtre, parce que l’art est un couloir de partage, de sentiment et de réflexion.

= = =

Lectures complémentaires :

Nous_sommes_tous_des_colonisés (PDF)

Pierre_Clastres_De l’ethnocide

Pierre_Clastres_Echange-et-pouvoir-philosophie-de-la-chefferie-indienne

3ri-et-societe-des-societes-du-chiapas-zapatistes-aux-gilets-jaunes-en-passant-par-le-rojava-fevrier-2019

Paulo_Freire_La_pedagogie_des_opprimes

Chiapas-Feu-et-Parole-dun-Peuple-qui-Dirige-et-dun-Gouvernement-qui-Obeit

Aime_Cesaire_Discours_sur_le_colonialisme

Ricardo_Flores_Magon_Textes_Choisis_1910-1916

Marshall-Sahlins-La-nature-humaine-une-illusion-occidentale-2008

James_C_Scott_L’art_de_ne_pas_être_gouverné

Manifeste pour la Société des Sociétés

Comprendre-le-systeme-legal-de-loppression-coloniale-pour-mieux-le-demonter-avec-peter-derrico1

Comprendre-le-systeme-legal-doppression-coloniale-pour-mieux-le-demonter-avec-steven-newcomb1

Un_manifeste_indigène_taiaiake_alfred

6ème_déclaration_forêt.lacandon

La Grande Loi du Changement (Taiaiake Alfred)

petit_precis_sur_la_societe_et_letat

si-vous-avez-oublie-le-nom-des-nuages-vous-avez-oublie-votre-chemin

 

Notre page « Réseau de Résistance et de Rébellion (3RI) International »

 

« Quand nous disons aux colons: ‘rendez-le’, voulons-nous dire que nous voulons qu’ils nous rendent le pays et qu’ils s’en aillent ? Non. Ceci n’est pas la vision de nos peuples. Lorsque nous disons ‘rendez-le’, nous parlons de ce que les colons établis montrent du respect pour ce que nous partageons, la terre et ses ressources et corrigent les torts en nous offrant la dignité et la liberté qui nous sont dûes et nous rendent notre pouvoir et suffisamment de terre pour que nous soyions totalement auto-suffisant en tant que nations… […] La restitution est purification. […] Il est impossible de soit transformer la société coloniale de l’intérieur de ses institutions ou de parvenir à la justice et à une coexistence pacifique sans transformer fondamentalement les institutions de la société coloniale elles-mêmes. Simplement, les entreprises impérialistes opérant sous le déguisement d’états démocratiques libéraux (NdT: USA, Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Mexique, tous les pays d’Amériques centrale et du sud pour les entreprises coloniales…) sont par construction et culture, incapables de relations justes et pacifiques avec les peuples autochtones. Le changement ne se produira que lorsque les colons seront forcés à reconnaître ce qu’ils sont, ce qu’ils ont fait et ce qu’ils ont hérité ; alors seulement ils ne pourront plus fonctionner comme des coloniaux et commenceront à respecter les autres personnes et à les considérer comme des êtres humains… »
~ Taiaiake Alfred, professeur de science politique, université de Victoria, CB, Canada, nation Mohawk, 2009 ~

 

Résistance politique: propositions de l’EZLN pour un Réseau de Résistance et de Rébellion international contre la société marchande…

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, colonialisme, démocratie participative, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, politique et lobbyisme, politique et social, résistance politique, société libertaire, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , , , , , , on 27 septembre 2018 by Résistance 71

Résistance 71 se joint à la proposition de l’EZLN du Chiapas d’internationaliser et de coordonner les mouvements de résistance à la dictature de la marchandise qui croît de jour en jour dans sa répression et sa violence systémique partout dans le monde. 

Nous traduirons, publierons et agirons en accord avec le Réseau de Résistance et de Rébellion et participerons à notre humble niveau à l’éveil de la conscience politique du plus de personnes possible dans nos entourages et au-delà. 

Nous avons dit et avons répété depuis bien longtemps que l’avenir de l’humanité passe par la prise de conscience définitive occidentale de la criminalité du système qu’elle a contribué à mettre en place et à faire perdurer au fil des siècles, pour que “l’Homo occidentalis” se tienne enfin main dans la main avec ses compagnons natifs opprimés, afin d’œuvrer dans la complémentarité culturelle et mettre en place une société des sociétés seule capable de servir l’intérêt général en éradiquant  la possibilité d’existence même d’une société politiquement divisée et donc intrinsèquement inégalitaire et oppressive.

Il n’y a pas de solutions au sein du système, il n’y en a jamais eu et ne saurait y en avoir, c’est devenu une évidence. Agissons en conséquence, ensemble, au-delà de la division et de l’antagonisme induits et entretenus par l’oligarchie transnationale du culte de la marchandise.

Nous sommes tous inter-reliés et complémentaires dans le fonctionnement du grand tout naturel planétaire. L’heure est à l’Union et au lâcher-prise de l’illusion étatico-capitaliste qui ne fait que nous diviser et ne pourra que continuer à nous diviser !

~ Résistance 71 ~

« En point de départ, je suggèrerais de conceptualiser ce qu’on pourrait appeler l’anarcho-indigénisme […] Le mot indigène qui évoque l’enracinement spirituel et culturel dans cette terre et la lutte pour la justice et la liberté d’Onkwe’hon:weh ; combiné au mouvement politique et philosophique qui est fondamentalement anti-institutionnel, radicalement démocratique et dévoué à prendre action afin d’amener le changement: l’anarchisme. »
~ Taiaiake Alfred, professeur de science politique, Université Victoria, 2005 ~

“Sur le continent des Amériques et en Europe, l’oppression que nous subissons est la même.
Les couleurs, les langues et les cultures varient, mais l’oppression est constante.
C’est pour cela que nous, Zapatistes, sommes avec vous aujourd’hui.
C’est pour cela que vous êtes avec nous aujourd’hui.
Parce que nous ne voulons plus de ce type de monde.
Nous ne voulons plus que le crime soit célébré.
Nous ne voulons plus que le mensonge soit traité somme une vertu.
Parce que nous ne voulons plus que d’autres nous imposent leur façon d’être et leur mode de pensée.
Nous voulons être libres.
Et le seul moyen de l’être est de l’être ensemble. Voilà pourquoi nous voulons de la liberté dans la solidarité…
Nous ne nous en irons pas.
Nous ne serons plus silencieux.
Nous nous tiendrons debout.
Nous lutterons.
Nous construirons un autre monde.
Bien meilleur.
Bien plus vaste.
Un monde dans lequel tous les mondes trouveront leur place.
Rebelles, frères et sœurs d’Europe…
Nous sommes heureux de marcher avec vous aujourd’hui.
Nous vous remercions de l’espace et de la voix que vous donnez aux Zapatistes.
Le pont que vous avez construit de vos cœurs a franchi l’océan…
Vos rêves sont entendus bien loin d’ici.
Nous nous en faisons l’écho, tous ceux en lutte et en rébellion s’en font l’écho.
Parce qu’à travers le monde, tous les partagent.”
~ SCI Marcos, septembre 1997 ~

 

 

Pour un Réseau de Résistance et Rébellion 

propositions de l’EZLN

 

EZLN

 

mardi 25 septembre 2018, par EZLN, SCI Galeano, SCI Moisés

 

Source en français:

https://www.lavoiedujaguar.net/Pour-la-construction-d-un-Conseil-qui-integre-les-luttes-de-tous-les-opprimes

 

Lors de la Rencontre des réseaux d’appui au Conseil indigène de gouvernement, dans le caracol de Morelia, en août 2018, l’EZLN a présenté un long texte en trois parties développant une analyse de la situation au Mexique et dans le monde. Dans sa partie finale, il formule des propositions de portée internationale pour poursuivre et amplifier le processus engagé avec le Conseil indigène de gouvernement.

C’est cet extrait qui est traduit ici.

(…)

Nous pensons que nous devons continuer aux côtés des peuples originaires.

Peut-être que certains parmi les réseaux [d’appui au Conseil indigène de gouvernement (CIG)] pensent encore que nous apportons un appui aux peuples originaires. Ils vont se rendre compte, à mesure que le temps va passer, que c’est le contraire : ce sont eux qui vont nous aider avec leur expérience et leurs formes d’organisation, c’est-à-dire que c’est nous qui allons apprendre. Car si quelqu’un est expert en matière de tourmentes ce sont bien les peuples originaires — ils ont été attaqués de tant de manières et ils sont toujours là, ou plutôt, nous sommes toujours là.

Mais nous pensons aussi — et vous le disons très clairement, compañer@s — que cela ne suffit pas, que nous devons intégrer à notre horizon l’ensemble de nos réalités avec leurs douleurs et leurs rages, c’est-à-dire que nous devons cheminer vers l’étape suivante : la construction d’un Conseil qui intègre les luttes de tous les opprimés, ceux qui sont traités comme des déchets, les disparues et les assassinées, les prisonniers politiques, les femmes agressées, l’enfance prostituée, de tous les calendriers et de toutes les géographies qui tracent une carte impossible pour les lois des probabilités, les enquêtes et les votes : la carte contemporaine des rébellions et des résistances sur la planète entière.

Si vous et nous, ensemble, allons défier la loi des probabilités qui dit qu’il n’y a aucune chance, ou très peu, que nous réussissions, si nous allons défier les enquêtes, les millions de votes, et tous ces chiffres que le Pouvoir accumule pour que nous nous rendions ou pour que nous nous évanouissions, alors nous devons faire que le Conseil devienne plus grand.

Pour le moment, ce n’est qu’un point de vue que nous exprimons ici, mais nous voulons construire un Conseil qui n’absorbe ni n’annule les différences, et qui au contraire permette de les renforcer dans le cheminement avec d’autres qui partagent le même effort.

Selon un tel raisonnement, ces paramètres ne devraient pas avoir pour limite la géographie imposée par les frontières et les drapeaux : il faudrait donc viser qu’il devienne international.

Ce que nous proposons, c’est non seulement que le Conseil indigène de gouvernement cesse d’être indigène, mais aussi qu’il cesse d’être national.

C’est pourquoi, nous les zapatistes — hommes, femmes et différents — proposons de soumettre à une consultation, outre l’ensemble des propositions formulées durant cette rencontre, ce qui suit :

1. Réaffirmer notre appui au Congrès national indigène et au Conseil indigène de gouvernement.

2. Créer et maintenir des canaux de communication ouverts et transparents entre nous qui nous sommes connus durant le cheminement du Conseil indigène de gouvernement et de sa porte-parole.

3. Commencer ou continuer l’analyse-évaluation de la réalité dans laquelle nous nous mouvons, en produisant et en partageant ces analyses et évaluations, ainsi que les propositions d’action coordonnées qui en découlent.

4. Nous proposons le dédoublement des réseaux d’appui au CIG afin que, sans abandonner l’appui aux peuples originaires, notre cœur s’ouvre aussi aux rébellions et résistances qui émergent et persévèrent là où chacun se trouve, dans les campagnes ou dans les villes, sans qu’importent les frontières.

5. Commencer ou continuer la lutte qui vise à rendre plus grandes les revendications et la nature du Conseil indigène de gouvernement, de façon à ce qu’il ne se limite pas aux peuples originaires et incorpore les travailleurs des campagnes et des villes, ainsi que tous ceux qui sont traités comme des déchets mais qui ont une histoire et une lutte propres, c’est-à-dire une identité.

6. Commencer ou continuer l’analyse et la discussion qui vise à faire naître une coordination ou une fédération de réseaux, qui évite toute direction centralisée et verticale, et qui fortifie l’appui solidaire et la fraternité entre ceux qui la forment.

7 et dernier. Célébrer une réunion internationale de réseaux, quelle que soit la façon dont ils s’appellent — quant à nous, nous proposons que, pour le moment nous nous appelions Réseau de Résistance et Rébellion… et, à la suite, chacun son nom —, en décembre de cette année, après avoir analysé et évalué ce que décideront et proposeront le Congrès national indigène et le Conseil indigène de gouvernement (lors de leur réunion, en octobre prochain) et aussi afin de connaître les résultats de la consultation à laquelle la présente réunion appelle. Pour cette rencontre, nous mettons à disposition, si cela vous paraît pertinent, un espace dans l’un des caracoles zapatistes.

Notre appel n’est pas seulement adressé aux peuples originaires, mais à toutes celles, à tous ceux et à toutes celleux qui se rebellent et résistent dans tous les recoins du monde. À ceux qui défient les schémas tout faits, les règles, les lois, les préceptes, les chiffres et les pourcentages.

(…)

Depuis les montagnes du Sud-Est mexicain,
sous-commandant insurgé Moisés, sous-commandant insurgé Galeano
Mexique, août 2018.

Lectures complémentaires:

Marshall-Sahlins-La-nature-humaine-une-illusion-occidentale-2008

James_C_Scott_L’art_de_ne_pas_être_gouverné

Manifeste pour la Société des Sociétés

L’anarchisme-africain-histoire-dun-mouvement-par-sam-mbah-et-ie-igariwey

Comprendre-le-systeme-legal-doppression-coloniale-pour-mieux-le-demonter-avec-steven-newcomb1

Que faire ?

Effondrer le colonialisme

40ans_Hommage_Pierre_Clastres

Un_manifeste_indigène_taiaiake_alfred

6ème_déclaration_forêt.lacandon

petit_precis_sur_la_societe_et_letat

Païens en terre promise, décoder la doctrine chrétienne de la découverte

Appel au Socialisme Gustav Landauer


SCI Marcos/Galeano

 

Résistance au colonialisme: Déclaration du Congrès National Indigène et de l’EZLN (Trump ou pas…)

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, colonialisme, démocratie participative, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, police politique et totalitarisme, politique et lobbyisme, politique et social, résistance politique, société libertaire, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , on 9 novembre 2016 by Résistance 71

QUE TREMBLE LA TERRE JUSQUE DANS SES ENTRAILLES [1]

Déclaration du Congrès National Indigène et de l’EZLN
(Octobre 2016)

2 novembre 2016

Source en français: Comité de Solidarité avec les Peuples du Chiapas en Lutte (CSPCL)

http://cspcl.ouvaton.org/spip.php?article1239

 

Aux peuples du monde

Aux médias libres

A la Sexta Nationale et Internationale

Convoqués pour la commémoration du 20e anniversaire du Congrès National Indigène et de la vive résistance des peuples, nations et tribus originaires de ce pays le Mexique, et qui parlentamuzgo, binni-zaá, chinanteco, chol, chontal de Oaxaca, coca, náyeri, cuicateco, kumiai, lacandón, matlazinca, maya, mayo, mazahua, mazateco, mixe, mixteco, nahua, ñahñu, ñathô, popoluca, purépecha, rarámuri, tlapaneco, tojolabal, totonaco, triqui, tzeltal, tsotsil, wixárika, yaqui, zoque, chontal du Tabasco ainsi que des frères aymara, catalan, mam, nasa, quiché ettacana, nous disons avec fermeté que notre lutte est en bas et à gauche, que nous sommes anticapitalistes et qu’est venu le temps des peuples, le temps de faire vibrer ce pays avec le battement ancestral du coeur de notre terre-mère.

C’est ainsi que nous nous sommes réunis pour célébrer la vie durant le Cinquième Congrès National Indigène qui a eu lieu du 9 au 14 octobre 2016 au CIDECI-UNITIERRA, Chiapas, là où encore une fois nous nous rendons compte de l’aggravation de la spoliation et de la répression qui n’ont pas cessées depuis 524 années quand les puissants ont initié une guerre ayant pour but d’exterminer ceux qui sommes de la terre et qui, étant ses enfants, n’avons pas permis sa destruction et sa mort au profit de l’ambition capitaliste qui ne connaît pas de but autre que cette même destruction. La résistance pour continuer à construire la vie, aujourd’hui se fait parole, apprentissage et accords.

Dans nos villages nous nous construisons chaque jour dans les résistances pour bloquer la tempête et l’offensive capitaliste qui ne cesse pas, mais devient au contraire chaque jour plus agressive et s’est convertie en une menace civilisationnelle, non seulement pour les peuples indigènes et paysans, mais aussi pour les peuples des villes qui doivent eux aussi créer des formes dignes et rebelles pour ne pas être assassinés, spoliés, contaminés, rendus malades, réduits en esclavage, séquestrés ou victimes de disparition forcée. Depuis nos assemblées communautaires nous avons décidé, expérimenté et construit nos destins depuis des temps immémoriaux, et c’est en ça que maintenir nos formes d’organisation et de défense de notre vie collective n’est pas possible autrement que par la rébellion face aux mauvais gouvernements, leurs entreprises et leur crime organisé.

Nous dénonçons que :

  1. Chez le peuple Coca, état de Jalisco, l’entrepreneur Guillermo Moreno Ibarra a envahi 12 hectares de forêt dans la hameau appelé El Pandillo, de mèche avec les institutions agraires, enutilisant la criminalisation de ceux qui luttent, ce qui a entrainé que 10 habitants soient convoqués par la justice durant 4 ans. Le mauvais gouvernement est en train d’envahir l’île de Mezcala qui est terre sacrée communale, tout en refusant dans le même temps de reconnaître le peuple coca dans la législation indigène de l’état, avec comme objectif de les effacer de l’histoire.
  2. Les peuples Otomi Ñhañu, Ñathö, Hui hú, et Matlatzinca de l’état de Mexico et du Michoacán sont en train d’être attaqués par le biais de l’imposition du méga-projet de construction de l’autoroute privée Toluca-Naucalpan et du train interurbain, détruisant maisons et lieux sacrés, achetant les consciences et falsifiant les assemblées communales avec la présence de la police, en plus des recensements truqués des membres des terres communales qui permettent de supplanter la voix de tout un peuple, de la privatisation et de la spoliation de l’eau et du territoire sur le volcan Xinantlécatl, plus connu sous le nom de Nevado de Toluca, auquel les mauvais gouvernements retirent la protection qu’eux-mêmes avaient mis en place pour les offrir aux entreprises touristiques. On sait que l’intérêt qui se cache derrière tous ces projets est de spolier l’eau et la vie de la région. Dans la zone du Michoacán l’identité est niée au peuple otomí, tandis qu’un groupe de gendarmes est entré dans la région pour garder les collines, interdisant aux indigènes de s’y rendre et de couper du bois.
  3. Quant aux peuples originaires résidents de la ville de México, ils se font spolier des territoires qu’ils ont conquis afin de pouvoir gagner leur vie en travaillant, en leur volant leurs marchandises et en utilisant la force policière. On les méprise et les réprime pour porter leurs habits et pratiquer leur langues, en plus du fait qu’on les criminalise en les accusant de vendre de la drogue.
  4. Le territoire du Peuple Chontal d’Oaxaca est envahi par les concessions minières qui démantèlent les terrains communaux, ce qui affectera 5 communautés, leurs habitants et leurs ressources naturelles.
  5. Chez le Peuple Maya de la péninsule du Campeche, Yucatan et Quintana Roo, des terres sont spoliées pour la culture de soja transgénique et de palme africaine, la contamination des nappesphréatiques par des produits chimiques agricoles, la construction de parcs éoliens, de fermes solaires, les projets d’écotourisme et d’entreprises immobilières. Ils sont de la même manière en résistance contre les tarifs élevés de l’électricité, ce qui a entraîné harcèlement et mandats d’arrêt. A Calakmul, Campeche, 5 communautés ont été expulsées par l’imposition d’aires naturelles protégées, les compensations pour les services écosystémiques et la fixation du carbone. A Candelaria, Campeche la lutte continue pour obtenir la certitude de la possession de la terre. Dans les 3 états une forte criminalisation est à l’oeuvre contre ceux qui défendent le territoire et les ressources naturelles.
  6. Quant au peuple Maya du Chiapas, Tzotzil, tzeltal, tojolabal, chol et Lacandón, on continue de les spolier de leurs territoires pour privatiser les ressources naturelles, ce qui a entrainé desemprisonnements et des assassinats de ceux qui défendent le droit à rester sur leur territoire. Ils sont discriminés et constamment réprimés lorsqu’ils se défendent et s’organisent pour continuer à construire leur autonomie, ce qui augmente les violations des droits de l’homme procédées par les forces de police. Il existe des campagnes de fragmentation et de division au sein des organisations, tout comme les assassinats de compañeros qui ont défendu leur territoire et leurs ressources naturelles à San Sebastián Bachajón. Les mauvais gouvernements continuent d’essayer de détruire l’organisation des communautés bases de soutien de l’EZLN, et d’assombrir l’espoir qui émane d’elles et qui offre une lumière à tout le monde.
  7. Le peuple Mazateco de Oaxaca a été envahi par des propriétés privées, où le territoire et la culture sont exploités pour le tourisme, comme la nomination de Huautla de Jiménez au titre de “Village Magique” pour rendre légale la spoliation et la commercialisation des savoirs ancestraux, cela accompagné de concessions minières et d’exploration de spéléologues étrangers dans les grottes existantes. Tout ceci imposé par un harcèlement croissant de la part des trafiquants de drogue et par la militarisation du territoire. Les féminicides et les viols des femmes dans la régionsont en augmentation, toujours avec la complicité par omission des mauvais gouvernements.
  8. Quant aux peuples Nahua et Totonaca de Veracruz et Puebla, ils s’affrontent aux fumigations aériennes qui rendent malades nos peuples. Il y a l’exploration et l’exploitation de minérais et d’hydrocarbures par le biais de la fracturation hydraulique et 8 sources sont en danger à cause de nouveaux projets qui contaminent les rivières.
  9. Les peuples Nahua et Popoluca du sud de Veracruz affrontent le harcèlement du crime organisé et subissent les risques de la destruction territoriale et de la disparition en tant que peuple du fait des menace de l’exploitation minière, des éoliennes et par dessus tout de l’exploitation des hydrocarbures à travers le fracking [fracturation hydraulique].
  10. Le Peuple Nahua, situé dans les états de Puebla, Tlaxcala, Veracruz, Morelos, Etat de Mexico, Jalisco, Guerrero, Michoacan, San Luis Potosi et dans la ville de México fait face à une lutte constante pour contenir l’avancée dudit “Projet Intégral Morelos”, qui comprend des gazoducs, des aqueducs et une centrale thermoélectrique. Les mauvais gouvernements désireuxd’arrêter la résistance et la communication des peuples, cherche à spolier la radio communautaire d’Amiltzingo, dans le Morelos. De même, la construction du Nouvel Aéroport de la Ville de México et les chantiers complémentaires menacent les territoires aux alentours du lac de Texcoco et du bassin de la vallée de México, principalement Atenco, Texcoco et Chimalhuacán. Tandisque dans le Michoacán, le peuple nahua fait face au saccage de ses ressources naturelles et minérales par des tueurs à gage accompagnés par la police ou l’armée et par la militarisation et laparamilitarisation de leurs territoires. Tenter d’arrêter cette guerre a entrainé l’assassinat, la persécution, l’emprisonnement et le harcèlement des leaders communautaires.
  11. Le peuple Zoque d’Oaxaca et du Chiapas fait face à l’invasion par des concessions minières et de supposée propriétés privées sur des terres communales de la région des Chimalapas ; également à trois centrales hydroélectriques et à l’extraction d’hydrocarbures par fracking. Il y a des zones-couloirs dédiées à l’élevage et en conséquence la coupe excessive des forêts pour en faire des prairies. Des semences transgéniques sont également cultivées. Dans le même temps il existe des migrants zoques dans différents états du pays qui reconstituent leur organisation collective.
  12. Le Peuple Amuzgo du Guerrero fait face à la spoliation de l’eau de la rivière San Pedro pour des zones résidentielles et pour l’approvisionnement de la ville d’Ometepec. Leur radio communautaire a été l’objet d’une persécution et de harcèlements constants.
  13. Le peuple Raramuri de Chihuahua subit la perte de surfaces de culture pour construire des routes, l’aéroport de Creel et le gazoduc qui arrive des Etats-Unis jusqu’à Chihuahua, en plus del’existence de projets miniers japonais, de barrages et du tourisme.
  14. Le peuple Wixárika de Jalisco, Nayarit et Durango se confronte à la destruction et la privatisation de leurs lieux sacrés dont dépendent tous leurs milieux sociaux, politiques et familiaux, àla spoliation de leurs terres communales au bénéfice de caciques, qui profitent de l’incertitude sur les limites entre les états de la République, et les campagnes de division orchestrées depuis les mauvais gouvernements.
  15. Le peuple Kumiai de Basse Californie continue de lutter pour la reconstitution de ses territoires ancestraux, contre les invasions de particuliers, la privatisation de leurs lieux sacrés et l’invasion des territoires par des gazoducs et des autoroutes.
  16. Le Peuple Purépecha du Michoacán a comme problème la déforestation, exercée grâce à la complicité entre les mauvais gouvernements et les groupes narcos-paramilitaires qui saccagent les forêts et les bois. Pour eux l’organisation souterraine des communautés est un obstacle au saccage.
  17. Chez le peuple Triqui de Oaxaca la présence des partis politiques, de sociétés minières, de paramilitaires et des mauvais gouvernements encouragent la désintégration des liens communautaires en vue du pillage de leurs ressources naturelles.
  18. Quant au peuple Chinanteco de Oaxaca, ils détruisent leurs formes d’organisation communautaire avec la répartition agraire, l’imposition des mécanismes de paiements pour les servicesenvironnementaux, pour la capture de carbone et l’écotourisme. Une autoroute à 4 voies est projetée qui traverse le territoire et le divise. Sur les rivières Cajono et Usila, les mauvais gouvernements ont projeté trois barrages qui auront des impacts sur les peuples chinantèques et zapotèques. Il y a des concessions minières et l’exploration de puits de pétrole.
  19. Le peuple Náyeri de Nayarit fait face à l’invasion et la destruction de leurs territoires sacrés sur le site dénommé Muxa Tena sur la Rivière San Pedro via le projet hydroélectrique Las Cruces.
  20. Le Peuple Yaqui de Sonora maintient la lutte sacrée contre le gazoduc qui traversera son territoire et en défense des eaux du fleuve Yaqui que les mauvais gouvernements ont décidé de faire venir jusqu’à la ville de Hermosillo, état de Sonora, malgré les décisions de justice et les recours internationaux qui ont fait la démonstration de la légalité et la légitimité de leurs arguments. Cela en s’appuyant sur la criminalisation et le harcèlement contre les autorités et les portes-paroles de la tribu Yaqui.
  21. Les peuples Binizza et Ikoot s’organisent et s’articulent pour contenir l’avancée des projets éoliens, miniers et hydroélectriques, des barrages et des gazoducs, spécialement dans la zone appelée Zone Économique Spéciale de l’isthme de Tehuantepec, et des infrastructures qui menacent le territoire et l’autonomie des peuples dans l’Isthme de Tehuantepec, qui sont qualifiés detalibans de l’environnement et de talibans des droits indigènes selon les paroles exprimées par l’Association Mexicaine de l’Énergie en référence à l’ Assemblée Populaire du Peuple Juchiteco.
  22. Le peuple Mixteco de Oaxaca subit la spoliation de son territoire agraire affectant du même coup ses us et coutumes via des menaces, des assassinats et des emprisonnements qui cherchent à faire taire les voix des mécontents, tout en promouvant des groupes paramilitaires armés par les mauvais gouvernements, comme c’est le cas pour San Juan Mixtepec, état de Oaxaca.
  23. Les peuples Mixteco, Tlapaneco et Nahua de la montagne et de la côte du Guerrero font face à l’imposition de mégaprojets miniers soutenus par le narcotrafic, ses paramilitaires et les mauvais gouvernement, qui se disputent entre eux les territoires des peuples originaires.
  24. Le mauvais gouvernement mexicain continue de mentir et d’essayer d’occulter sa décomposition et sa responsabilité absolue dans la disparition forcée des 43 étudiants de l’école normale rurale Raúl Isidro Burgos d’Ayotzinapa, Guerrero.
  25. L’Etat maintient séquestré les compañeros Pedro Sánchez Berriozábal, Rómulo Arias Míreles, Teófilo Pérez González, Dominga González Martínez, Lorenzo Sánchez Berriozábal et Marco Antonio Pérez González originaires de la communauté Nahua de San Pedro Tlanixco dans l’état de Mexico, le compañero zapotèque de la région Loxicha Álvaro Sebastián, les compañeros Emilio Jiménez Gómez et Esteban Gómez Jiménez, prisonniers originaires de la communauté de Bachajón, Chiapas, les compañeros Pablo López Álvarez, ainsi que Raúl Gatica García et Juan Nicolás López du Conseil Indigène et Populaire de Oaxaca Ricardo Flores Magón, maintenus en exil. Récemment un juge a dicté une sentence de 33 ans de prison contre le compañero Luis Fernando Sotelo pour avoir exigé la présentation en vie des 43 étudiants disparus d’Ayotzinapa, et sont maintenus séquestrés les compañeros Samuel Ramírez Gálvez, Gonzalo Molina González et Arturo Campos Herrera de la CRAC- PC (Coordination Régionale des Autorités Communautaires-Police Communautaire). Tout comme des centaines de prisonniers indigènes et non indigènes sont maintenus emprisonnés dans tout le pays pour défendre leurs territoires et exiger justice.
  26. Chez le peuple Mayo le territoire ancestral est menacé par des projets routiers visant à joindre Topolobampo avec l’état du Texas, Etats-Unis ; au moment même où d’ambitieux projets touristiques se dessinent dans la région de Barranca del Cobre.
  27. La nation Dakota voit son territoire sacré être envahi et détruit par des gazoducs et des oléoducs, raison pour laquelle un blocage permanent est maintenu pour protéger ce qui leur appartient.

Pour tout cela, nous réitérons que la protection de la vie et de la dignité, c’est à dire la résistance et la rébellion depuis en bas à gauche, est notre devoir auquel nous pouvons que répondre demanière collective. La rébellion donc, nous la construisons depuis nos petites assemblées dans des localités qui se joignent en de grandes assemblées communales, ejidales, de conseils de bon gouvernement, et en accords pris en tant que peuples, qui nous unissent sous une identité. A travers le partage, l’apprentissage et la construction de nous autres qui sommes le Congrès National Indigène, nous nous voyons et ressentons par le biais de nos douleurs, de nos mécontentements et de nos fondements ancestraux.

Pour défendre ce que nous sommes, notre cheminement et notre apprentissage se sont consolidés par le biais du renforcement des espaces collectifs où prendre des décisions, en recourant à des moyens juridiques nationaux et internationaux, à des actions de résistance civile pacifique, en mettant de côté les partis politiques qui n’ont généré que la mort, la corruption et l’achat des dignités, en faisant des alliances avec différents secteurs de la société civile, en fabriquant des moyens de communication à soi, des polices communautaires et des autodéfenses, desassemblées et des conseils populaires, des coopératives, l’exercice et la défense de la médecine traditionnelle, l’exercice et la défense de l’agriculture traditionnelle et écologique, les rituels etles cérémonies coutumières pour payer la terre-mère et continuer de cheminer avec elle et en elle, par la semence et la défense des graines natives, par des forums, des campagnes de diffusion et des activités socio-culturelles.

C’est cela le pouvoir d’en bas qui nous a maintenus vivants et c’est pour cela que commémorer la résistance et la rébellion, c’est aussi ratifier notre décision de continuer à être en vie en construisant l’espoir d’un futur possible uniquement sur les ruines du capitalisme.

Considérant que l’offensive contre les peuples ne cessera pas, mais qu’ils prétendent au contraire la faire croître jusqu’à en finir avec la dernière trace de ce que nous sommes en tant que peuples des villes et des campagnes, c’est porteurs de profonds mécontentements qui surgissent aussi sous des formes de résistances et de rébellion nouvelles, diverses et créatives, que ce Cinquième congrès national Indigène a fait le choix d’initier une consultation au sein de chacun de nos peuples pour démonter depuis le bas le pouvoir que d’en haut on nous impose et qui ne nous offre qu’un panorama fait de mort, de violence, de spoliation et de destruction.

Au vu de tout ce qui a été dit précédemment, nous nous déclarons en assemblée permanente et nous consulterons chacune de nos géographies, de nos territoires et de nos cheminements au sujet de l’accord pris par ce cinquième CNI de nommer un conseil indigène de gouvernement dont la parole sera matérialisée par une femme indigène, déléguée du CNI en tant que candidate indépendante qui se présentera au nom du Congrès National Indigène et de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale durant le processus électoral de l’année 2018 pour la présidence de ce pays.

Nous ratifions que notre lutte n’est pas pour le pouvoir, nous ne le cherchons pas ; mais nous en appellerons aux peuples originaires et à la société civile pour nous organiser afin d’arrêter cette destruction et nous renforcer dans nos résistances et rébellions, c’est-à-dire dans la défense de la vie de chaque personne, famille, collectif, communauté ou quartier. Pour construire la paix et la justice, en retissant nos fils depuis le bas, depuis là où nous sommes ce que nous sommes.

C’est le temps de la dignité rebelle, le temps de construire une nouvelle nation pour et par toutes et tous, de renforcer le pouvoir d’en-bas et de gauche anticapitaliste, le temps que payent les coupables pour la douleur des peuples de ce Mexique multicolore.

Enfin, nous annonçons la création de la page officielle du CNI à l’adresse : www.congresonacionalindigena.org

Depuis le CIDECI-UNITIERRA, Chiapas, octobre 2016

Pour la reconstitution Intégrale de nos peuples

Jamais plus un Mexique sans nous

Congrès National Indigène

Armée Zapatiste de Libération Nationale

Notes

[1] note : « que retiemble en sus centros la tierra », extrait de la première strophe de l’hymne national mexicain

Résistance au colonialisme: Réponse de l’EZLN et du Sup Marcos/Galeano à l’avis de prescription du mandat d’arrêt mexicain à son encontre depuis 1995…

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Pourquoi ne vous auto-prescrivez-vous pas ceci ? [i]

Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN)

Mexique

Au ministère fédéral de la justice du Mexique:

Tout ce temps, les seuls terroristes ont été ceux qui, pour plus de 80 ans, ont si mal gouverné ce pays. Vous êtes simplement l’évier où les génocidaires viennent se laver les mains et ensemble vous avez converti le système judiciaire en une latrine bouchée pathétiquement conçue, le drapeau national en un rouleau de papier toilette réutilisable et le sceau national en un logo fait de malbouffe, fastfood non digérée. Tout le reste n’est que pur théâtre afin de simuler une justice là où il n’y a qu’impunité éhontée, de simuler un “gouvernement institutionnel” là où il n’y a rien de plus que dépossession et répression.

Alors, autoprescrivez-vous ceci: [IMAGE à voir sur l’article original, elle vaut le coup !…]

De 6 pieds sous terre.

Le décédé et regretté (ha!) SupMarcos

(signature)

Pourquoi tant de sérieux ?

J’adhère et souscrit ( et non pas prescrit/expire):

SupGaleano

(signature)

Autorisé par le commandement général de l’EZLN

Subcomandante Insurgente Moisés

(signature)

Mexique

Février 2016

P.S. Alors, ceci veut-il dire que Tampiqueño [ii] est maintenant libre de quitter la communauté et d’aller manger du crabe farci ? Il paiera la facture bien entendu, autrement oubliez. Il est donc libre maintenant de faire ce que tous les autres Mexicains peuvent faire ? C’est à dire que maintenant il est libre d’être exploité, moqué, escroqué, humilié, espionné, extorqué, kidnappé, assassiné et de souffrir toutes ces insultes à son intelligence par ceux qui disent et prétendent gouverner ce pays ? Je dis et demande çà parce que ce sont les seules choses que garantissent les “institutions” à tout citoyen de ce pays qui n’est pas d’en-haut.

[i] Ce communiqué est une réponse de l’EZLN à l’annonce récente faite par le ministère fédéral de la justice du Mexique et son conseil judiciaire qui a conclu que le mandat d’arrêt contre le Subcomandante Insurgente Marcos (d’alors) pour des actions provenant du soulèvement du 1er Janvier 1994, avait expiré (“se prescribe” en espagnol), par le fait de la clause de prescription de 20 ans des crimes dont il était accusé. Les accusations étaient: terrorisme, sédition, mutinerie, rébellion et conspiration.

L’EZLN ici joue sur le double sens du mot “prescribirse” (expire et prescrire). L’autorité judiciaire mexicaine dit que son mandat d’arrêt “se prescribe” (a expiré) et l’EZLN répond, “pourquoi ne pas vous “autoprescribirse” (auto-expirer/prescrire)….cela.”

[ii] “El Tampiqueño” est le nom donné par l’EZLN à la personne que le gouvernement mexicain proclama être en 1995 derrière le Subcomandante Insurgente Marcos.

Source: http://enlacezapatista.ezln.org.mx/2016/02/26/why-dont-you-self-prescribe-this/

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

Résistance politique: Soutenir les Zapatistes du Chiapas, s’inspirer de leur lutte universelle et adapter la méthode…

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Si nous sommes tous des colonisés, nous ne sommes pas, bien évidemment, tous des « zapatistes », des amérindiens ou des peuples autochtones de nations sous domination coloniale directe. Le message de lutte est universel à tous les peuples. La réalité pratique se doit d’être adaptée à l’environnement géographique et socio-politique de chacun des peuples concernés. Inspirons-nous du Chiapas et créons le confédéralisme démocratique en contre-pouvoir efficace au marasme systémique ambiant et sclérosé.

— Résistance 71 —

 

Chiapas

 

Alternative Libertaire

 

22 Octobre 2014

 

url de l’article:

http://www.alternativelibertaire.org/?Chiapas

 

Une compilation d’articles et de communiqués, ainsi que sur les luttes politiques au Mexique et des peuples indigènes du continent sud-américain. En rejoignant la « Sexta » des Zapatistes, Alternative libertaire entend défendre l’autonomie des peuples et les expériences d’auto-organisation et d’autogestion.

Le soulèvement

Le soulèvement zapatiste du 1er janvier 1994 a permis de mettre en lumière des problématiques sociales et politiques propres aux peuples indigènes, du Mexique comme d’ailleurs. Usage du territoire, représentation politique, perte des cultures, discrimination raciale, ces thèmes se sont retrouvés sur le devant de la scène mexicaine et internationale, et le soulèvement a provoqué ou renforcé de nombreux autres mouvements indigènes, ainsi que suscité une grande vague de solidarité internationale.

Les relations développées avec la société civile mexicaine et internationale, ainsi que l’intense préparation politique des zapatistes pendant les dix ans précédents le soulèvement, ont débouché sur un mouvement avec une forte capacité organisationnelle, un large soutien populaire, et un discours inspirateur pour de nombreuses luttes. Le discours anticapitaliste, les pratiques horizontales, les revendications d’autonomie, ont participé entre autres à populariser ce mouvement dans les milieux libertaires du monde entier.

Le but n‘est pas de retracer ici l’histoire du mouvement, mais de voir où il se situe aujourd’hui et ce qu’il peut nous apporter dans nos luttes.

Un nouveau cycle du mouvement zapatiste

Dès la fin des combats de 1994, l’EZLN à tissé des liens avec la société civile mexicaine et les mouvements altermondialistes au travers des marches du Chiapas jusqu’à Mexico ou de rencontres internationales sur leur territoire. Dans le même temps les zapatistes ont organisé leur autonomie dans les « territoires récupérés » lors de l’insurrection. Après deux années d’intense travail avec la société civile mexicaine et internationale (autour de la 6ème déclaration) en 2006 et 2007, ils et elles se sont concentré-e-s sur le développement de leurs capacités productives, politiques, sociales.

Vous êtes en territoire rebelle zapatiste. Ici le peuple commande et le gouvernement obéit.

Le « pouvoir » de l’EZLN (Armée Zapatiste de Libération Nationale) a été transmis à des instances civiles, les Juntas de buen gobierno (conseils de bon gouvernement), et de nombreux projets d’éducation, de santé, d’agriculture, de communication ont été mis en place ou renforcés. Les conditions de vie des communautés zapatistes se sont améliorées, malgré la répression constante du mouvement de la part des gouvernements local et fédéral. Les médias et nombre de mouvements politiques hostiles aux zapatistes ont profité de ce moment de moindre visibilité pour déclarer la disparition du mouvement. Mais le déclenchement d’une nouvelle phase de mobilisation depuis décembre 2012 leur a donné tort.

Le 21 Décembre 2012, environ 40.000 bases de apoyo (bases de soutien) zapatistes ont défilé silencieusement dans les cinq villes que l’EZLN avait prises par les armes le 1er janvier 1994. Le communiqué émis ce jour-là disait seulement « VOUS AVEZ ENTENDU ? C’est le son de votre monde en train de s’effondrer, C’est celui du notre qui resurgit. Le jour qui fut jour, était nuit, Et nuit sera le jour qui sera le jour. ».

Quelques jours après, l’EZLN a commencé à émettre des communiqués à un rythme soutenu, expliquant le relatif silence des années précédentes et la volonté de reprendre le travail de communication national et international, la nomination d’un nouveau subcomandante, et l’entrée dans une nouvelle phase de leur mouvement : « le temps du oui ». C’est-à-dire une phase de construction active d’une autre société et non plus de simple opposition ou résistance à la société existante. Puis, détaillant les premières étapes de cette nouvelle phase : 
 la escuelita (petite école), sorte d’université populaire organisée par les zapatistes dans leurs communautés depuis août 2013 jusqu’au début 2014 pour partager leur expérience avec des individu-e-s et des organisations sociales nationales et internationales qui les soutiennent. 
 la reprise d’un travail unitaire avec d’autres mouvements indigènes mexicains, notamment au travers de la Catedra Tata Juan Chavez des 17 et 18 août 2013.

Le moment d’entrée dans cette nouvelle phase de mobilisation répond à un contexte particulier.

D’une part, la généralisation de la violence. Le Mexique est devenu ces dernières années l’un des pays les plus violents au monde, avec le déclenchement de la « guerre contre le narcotrafic » sous le mandat du président Calderón (2006-2012) du PAN (Parti Action Nationale, droite conservatrice catholique), qui a fait 60 000 morts dont bon nombre de « dommages collatéraux ». Cette violence s’est ajoutée à la corruption et à l’autoritarisme de la classe politique mexicaine, détruisant encore plus le tissu social du pays, et masquant la répression (assassinats, disparitions, emprisonnements) dont souffrent les mouvements sociaux et indigènes.

D’autre part, le retour du PRI (Parti Révolutionnaire Institutionnel) au pouvoir. Le PRI a gouverné le Mexique pendant 70 ans d’affilés jusqu’à l’arrivée du PAN au pouvoir en 2000. Il symbolise la corruption, le clientélisme, la répression, le virage néolibéral, l’état mafieux (pratiques que le PAN a perpétuées avec plaisir), et son retour au pouvoir fin 2012 ne peut faire que craindre le pire.

Enfin, la mise en place de l’agenda néolibéral des élites nord-américaines. Intégration commerciale profitant aux multinationales, extraction sauvage des ressources naturelles, pillage des ressources biologiques, privatisations (éducation, énergie, etc.), aux conséquences socio-économiques désastreuses pour la majorité de la population, et notamment pour les peuples indigènes dépossédés de leurs territoires et de leurs cultures.

Un élément primordial dans cette nouvelle phase de mobilisation est aussi d’ordre culturel et spirituel. Le 21 décembre 2012 représente dans la cosmovision maya le passage à un nouveau cycle de leur calendrier, le 14eme Baktun, chaque baktun durant environ 394 ans. Cet aspect culturel a déterminé le choix de la date de la mobilisation du 21 décembre, et donne le sens du communiqué émis à cette occasion, l’entrée dans un nouveau cycle devant s’accompagner de l’entrée dans un autre modèle de société que les zapatistes s’efforcent de construire.

Plus récemment, suite à l’attaque du Caracol La Realidad et de l’assassinat du compa Galeano, perpétué par des paramilitaires, les zapatistes, par la voix du Sous-commandant Marcos, ont confirmé l’engagement dans cette nouvelle étape du mouvement. En effet, en décidant la « disparition » du personnage de Marcos, ils montrent au monde que leur mouvement est autogestionnaire et horizontal. L’évolution est notoire, comme le montre cet extrait du communiqué Ombre et Lumière de l’EZLN :

« Au cours de ce ces vingt dernières années, une relève complexe et à plusieurs niveaux s’est opérée au sein de l’EZLN. 
Certains n’ont vu que ce qu’il y avait de plus évident : la relève générationnelle. 
Aujourd’hui, en effet, ce sont celles et ceux qui étaient tout jeunes ou qui n’étaient pas encore nés au début de notre soulèvement qui luttent et conduisent la résistance. 
Cependant, certains lettrés n’ont pas eu conscience des autres relèves qui ont eu lieu : 
Une relève de classe : le passage d’une origine de la classe moyenne éclairée à une origine indigène paysanne. 
Une relève de race : de dirigeants métis, on est passé à des dirigeants nettement indigènes. 
Et le plus important, une relève dans la pensée. De l’avant-gardisme révolutionnaire, on est passé au « commander en obéissant » ; de la prise du Pouvoir d’en Haut à la création du pouvoir d’en bas ; de la politique professionnelle à la politique quotidienne ; des leaders aux communautés ; de la ségrégation de genre à la participation directe des femmes ; de la moquerie envers l’autre à la célébration de la différence. »

Aternative libertaire adhère à la Sexta, c’est-à-dire à la Sixième Déclaration de la Selva Lacandona, rédigée en 2005. Ce texte avait contribué à créer un nouveau réseau fédérant les groupes en lutte.

L’EZLN et le mouvement zapatiste ont montré au cours de ces dernières décennies qu’il n’y avait pas de fatalité dans ce monde dominé par le néolibéralisme, les injustices et les gouvernements à la botte des capitalistes. Même les plus pauvres, les plus oublié-e-s, peuvent se lever et crier Ya Basta ! Assez ! Et choisir une autre voie, basée sur la justice, la démocratie, la dignité, la solidarité, l’égalité.

Ce qu’ont réussi à construire les zapatistes depuis la création de l’EZLN représente une source d’optimisme et d’inspiration pour tous ceux et toutes celles qui luttent pour un monde meilleur. Les conditions politiques, sociales, culturelles, ne sont pas les mêmes en France et au Chiapas, et n’appellent pas les mêmes réponses, mais un désir commun doit nous animer, comme partout sur cette planète : reprendre le contrôle de nos vies. Et sur ce plan là, les zapatistes sont un exemple.

Alternative libertaire lutte depuis longtemps contre toutes les oppressions : capitaliste, étatique, patriarcale, raciste. Nous participons dans la mesure de nos capacités aux mouvements sociaux et aux luttes sur nos lieux de travail, et diffusons autant que possible nos idées communistes libertaires pour créer une société libre de toute forme de domination.

Depuis le soulèvement zapatiste, nous avons suivi avec intérêt et solidarité l’évolution de cette lutte, et l’avons diffusée dans les pages de notre journal. Mais nous n’avons jamais formalisé notre solidarité, ni n’avons participé aux rencontres et activités organisées par les zapatistes ou les mouvements de solidarité. Il est malheureusement difficile de s’engager sur tous les fronts. Mais aujourd’hui, alors que les conséquences économiques, sociales et écologiques du néolibéralisme se font de plus en plus dramatiques et irréversibles, il nous semble important de participer à la nouvelle dynamique que les zapatistes essayent d’impulser. C’est pourquoi nous avons décidé de rejoindre la Sexta Declaración de la Selva Lacandona.

Ces derniers mois, à l’occasion des 20 ans du soulèvement, nous avons participé dans différentes villes de France à des activités de solidarité en commun avec d’autres groupes et collectifs de soutien aux zapatistes, avec des débats publics, des repas de solidarité, et la participation à des rassemblements de soutien. Avec ces collectifs, nous tentons tant bien que mal d’apporter notre aide.

Nous souhaitons ainsi diffuser la lutte zapatiste et les revendications d’autonomie des peuples indigènes du Chiapas et d’ailleurs, et exiger l’application des accords de San Andres, la libération des prisonniers politiques et la fin du harcèlement militaire et de la violence politique dont sont trop souvent victimes les peuples du Chiapas et du reste du Mexique.