Plus on lit ce texte et plus il nous fait réfléchir… A diffuser comme antidote à la toxicité étatico-marchande arrivant à son summum de nuisance et de destruction mais aussi à sa fin programmée dans sa propre existence.
~ Résistance 71 ~
“De la même façon qu’il y a une mondialisation néolibérale, il y a aussi une mondialisation de la rébellion.”
“Se battre contre le capitalisme dans sa phase néolibérale, c’est se battre pour l’humanité.”
~ 6ème déclaration zapatiste, 2005 ~
“Après avoir souffert au-delà de la souffrance, la nation rouge se relèvera de nouveau et ce sera alors une bénédiction pour un monde devenu bien malade. Un monde empli de promesses brisées, d’égoïsme et de séparations. Un monde se languissant de lumière. Je vois une époque de sept générations lorsque toutes les couleurs de l’humanité se rassembleront sous l’arbre sacré de la vie et la terre entière redeviendra de nouveau un cercle unique. Ce jour là, il y aura ceux parmi les Lakota qui porteront la connaissance et la compréhension de l’unité parmi tous les êtres vivants et les jeunes gens blancs viendront vers ceux de mon peuple pour leur demander de leur dispenser leur sagesse. Je salue la lumière dans tes yeux, là où réside l’univers entier. Car quand tu es au centre de toi-même et que je suis également en cet endroit en mon sein, alors nous sommes un.”
~ Tasunke Witko, Crazy Horse, Cheval Fou, chef de guerre Oglala, Sioux ~
…Ceci est une transmission depuis un futur qui n’existera jamais, d’un peuple qui n’existe pas…
Repenser l’apocalypse : un manifeste indigène anti-futuriste
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“La fin est proche. Ou est-elle venue et repartie auparavant ?
~ un ancêtre ~
Indigenous Action Media
Mars 2020
Traduit de l’anglais par Résistance 71
Mai 2024
Pourquoi peut-on imaginer la fin du monde et pas celle du colonialisme ?
Nous vivons le futur d’un passé qui n’est pas le notre.
C’est une histoire de fantasmagories utopiques et d’idéalisation apocalyptique.
C’est un ordre social global pathogène de futurs imaginés, fondé sur le génocide, la mise en esclavage, l’écocide et la ruine totale.
Quelles conclusions devons-nous apporter à un monde construit d’ossements et de métaphores vides de sens ? Un monde de fins fétichisées calculées parmi la fiction collective de spectres virulents. De tomes religieux à un spectacle scientifique fictionnalisé, chaque ligne du temps imaginée, construire de manière si prévisible ; un commencement, un milieu et ultimement, une fin.
Inévitablement dans ce narratif, il y a un protagoniste combattant un Autre ennemi (une appropriation générique d’une spiritualité africaine / haïtienne, un zombie) et attention : ce n’est ni vous ni moi. Tant de gens sont avidement prêts à être les derniers survivants d’une “Zombies Apocalypse”. Mais ce sont des métaphores interchangeables, ce zombie / Autre, cette apocalypse.
Ces métaphores vides, cette linéarité, n’existent que dans les langues de cauchemars, elles sont parties de l’imagination d’apocalypse et d’une impulsion.
Cette “façon de vivre”, cette “culture”, est une domination qui consomme tous ses propres bénéfices. C’est un ré-agencement économique et politique pour être dans le moule d’une réalité reposant sur les piliers de la concurrence, de la propriété et du contrôle à la poursuite du profit et de l’exploitation permanente. Il professe la “liberté”, pourtant son fondement, sa fondation se situe sur un sol volé alors que sa structure même est construite par des vies volées.
C’est cette “culture” qui doit toujours avoir un Autre Ennemi, à blâmer, à réclamer, à affronter, à réduire en esclavage, à assassiner. Un ennemi sous-homme que n’importe quel et toute forme de violence extrême n’est pas seulement permise d’utiliser contre, mais attendue. Si elle n’a pas d’Autre immédiat, elle se dépêche d’en fabriquer un. Cet Autre n’est pas créé de la peur mais sa destruction en émane. Cet Autre est constitué d’axiomes apocalyptiques et de misère permanente. Cette autre chose, cette maladie weitko, est peut-être le mieux symptomatisé dans son plus simple stratagème :
Ils sont sales, ne méritent pas de vivre. Ce sont des incapables, des bons à rien fainéants. Ils sont aléatoires. Ce sont des non-croyants, des païens. Ils n’ont aucune valeur. Ils sont faits pour notre bénéfice. Ils détestent notre liberté. Ce sont des ignorants, des ignares. Ce sont des nègres, des indigènes, des pédés. Ce sont des moins que rien. Ils sont contre nous, jusqu’à ce que finalement, ils n’existent plus. Dans ce constant mantra de violence recadrée, c’est eux ou vous. C’est l’Autre qui est sacrifié pour une continuité immortelle et cancéreuse. C’est l’Autre qui est empoisonné, qui est bombardé, laissé en silence sous les ruines et les gravas. Cette façon de n’être pas, qui a infecté tous les aspects de notre vie, qui est responsable de l’annihilation de nombreuses autres espèces, de l’empoisonnement de nos océans, de l’air, de la terre, les coupes franches et abattage de forêts entières, l’incarcération de masse, la possibilité technologique d’une guerre apocalyptique et tous les problèmes de pollution, ceci est la politique mortifère du capitalisme, c’est une pandémie.
« Cher colonisateur, ton futur est fini. » (un ancêtre)
Une fin qui est venue auparavant
L’invasion physique, mentale, émotionnelle et spirituelle de nos terres, corps et esprits pour s’installer et exploiter, est le colonialisme. Des navires ont fait voile sur des vents empoisonnés et des marées écarlates à travers les océans ont poussé d’un souffle court et l’impulsion au sondage, des millions et des millions de vies furent éteintes avant même qu’ils puissent nommer leur ennemi. 1492, 1918, 2020…
Les couvertures infectées de variole en guerre biologique, le massacre généralisé de notre membre de la famille le bison des grandes plaines, la ruine des rivières donneuses de vie, l’incendie d’une terre immaculée, les marches forcées, les traités scélérats, l’emprisonnement dans les camps / réserves, l’éducation coercitive par l’abus, le viol et la violence. Le train train quotidien post guerre, post-génocide, l’humiliation post-coloniale des forts et notre lent suicide de masse sur l’autel du capitalisme : travail, salaire, impôt, loyer, boire, manger, dormir, baiser, se reproduire, prendre sa retraite et mourir. C’est sur le bord de la route, en vente dans les marchés indiens, servir les boissons au casino, refaire le stock. De bons Indiens derrière, vous.
Ce sont les cadeaux de destinées manifestes infestées et infectieuses. C’est cet imaginaire futur que nos geôliers voudraient nous faire perpétuer, nous faire prendre part. L’imposition sans pitié de ce monde mort fut motivé par une utopie idéalisée comme Charnel House, ce fut “pour notre bien”, imposer un autre passé et avec lui, un autre futur.
Ce sont les idéaux apocalyptiques des abuseurs, des tortionnaires, des racistes et du système patriarcal. La foi aveugle doctrinaire de ceux qui ne peuvent voir la vie qu’au travers d’un prisme, un caleïdoscope cassé d’une guerre total et sans fin.
C’est une apocalypse qui colonise notre imagination et détruit notre passé et notre futur simultanément. C’est une lutte pour dominer le sens et toute l’existence de l’humain. C’est le futurisme du colonisateur, du capitaliste. C’est en même temps chaque futur qui fut jamais volé par le pilleur, le va t’en guerre et le violeur.
Ça a toujours été une question d’existence et de non-existence. C’est l’apocalypse actualisée. Et avec la seule certitude d’avoir une fin mortifère, le colonialisme est un fléau une peste bubonique.
Nos ancêtres comprirent que cette façon d’être ne pouvait pas être raisonnée ni qu’on ne pouvait négocier avec elle. Que cela ne pouvait pas être tempéré ni récupéré. Ils avaient compris que cet apocalypse n’existe qu’en absolus.
Nos ancêtres ont rêvé contre la fin du monde
Bien des mondes sont partis avant celui-ci. Nos histoires traditionnelles sont étroitement imbriquées avec la fabrique même de la naissance et de la fin des mondes. Au travers de ces cataclysmes, nous avons appris bien des leçons qui ont façonné qui nous sommes et comment nous devons nous comporter les uns avec les autres. Nos façons d’être sont informées en trouvant l’harmonie par et de la destruction des mondes. L’ellipse. Naissance. Mort. Renaissance.
Nous avons une méconnaissance des histoires sur les histoires du monde qui fait partie de nous. C’est la langue du cosmos, il parle en prophéties longuement gravées dans les cicatrices d’où rêvèrent nos ancêtres. C’est la danse des fantômes (Ghostdance), les 7 feux, la naissance du bison blanc, la 7ème génération, ce sont les 5 soleils, ceci est écrit dans la pierre près d’Oraibi et au-delà. Ces prophéties ne sont pas juste prédictives, elles ont aussi été des diagnostiques et des instructions.
Nous sommes les rêveurs rêvés par nos ancêtres. Nous avons traversé tout le temps entre les respirations de nos rêves. Nous existons en unité avec nos ancêtres et les générations non-nés. Notre futur tient dans nos mains. C’est notre mutualité et notre inter-dépendance. C’est notre famille. Ce sont les plis de nos mémoires, consciemment pliées par nos ancêtres. C’est notre temps-rêve collectif et c’est maintenant. Autrefois, demain, hier.
L’imagination anti-coloniale n’est pas une réaction subjective aux futurismes coloniaux, c’est un futur anti-occupation. Nos cycles de vies ne sont pas linéaires, notre futur existe sans temps. C’est un rêve, vierge, non-colonisé.
Ceci est l’anti-futur indigène
Nous ne sommes pas préoccupées de la façon dont nos ennemis nomment leur monde mort ni comment ils nous reconnaissent ou voient ces terres. Nous ne sommes pas préoccupés à refaire leurs façons de gérer, de contrôler ou d’honorer leurs accords ou traités morts. Ils ne seront pas obligés de terminer la destruction que leur monde a jeté sur nous. Nous ne les supplions pas de mettre un terme à toutes les pollutions, car ceci est la conclusion de leur impératif apocalyptique et leur vie est construite sur la mort de la Terre-Mère. Nous enterrons l’aile droite et l’aile gauche ensemble sous cette terre qu’ils sont si avides de consumer (NDT : et de consommer…). La conclusion de la guerre idéologique de politiques coloniales est que les peuples indigènes perdent toujours, à moins que nous nous perdions nous-mêmes.
Les capitalistes et les colonisateurs / colons ne vont pas nous mener vers les futurs morts.
L’idéalisation apocalyptique est une prophétie auto-réalisatrice. C’est le monde linéaire finissant de l’intérieur. La logique apocalyptique existe dans une zone émotionnellement, spirituellement, mentalement morte, qui se cannibalise aussi elle-même. La mort se lève pour consumer toute vie.
Notre monde vit quand leur monde cesse d’exister.
En tant qu’anti-futuristes indigènes, nous sommes la conséquence de l’histoire du futur du colonisateur. Nous sommes la conséquence de leur guerre contre la Terre-Mère. Nous ne permettrons pas au spectre du colon, aux fantômes du passé de hanter les ruines de ce monde. Nous sommes l’actualisation de nos prophéties. Nos prophéties devenues réalité. Ceci est le ré-émergence du monde des cycles. Ceci est notre cérémonie.
Entre des ciels silencieux. Le monde respire de nouveau et la fièvre tombe.
La terre est tranquille, attendant que nous écoutions.
Quand il y a moins de distractions, nous allons à l’endroit d’où nos ancêtres ont émergé, ainsi que leur voix, notre voix.
Il y a ici un chant plus vieux que les mots, il guérit plus profondément que la lame du colonisateur puisse jamais couper.
Et là, notre voix. Nous fûmes toujours des guérisseurs. Ceci est la toute première médecine.
Le colonialisme est un fléau, une peste bubonique, le capitalisme est une pandémie. Ces systèmes sont anti-vie, ils ne se soigneront jamais. Nous ne permettrons pas que ces systèmes malades, pourris, corrompus, récupèrent. Nous croîtrons et continuerons de croître.
Nous sommes les anticorps
Addendum:
Dans notre passé / votre futur, ce furent les attaques non-linéaires, non-systémiques sur une infrastructure vulnérable comme les commodités de carburant, les couloirs de transport, la grille énergétique, les systèmes de communication et plus, qui rendirent le colonialisme d’occupation impossible sur ces terres.
- Notre organisation est cellulaire, elle ne demande aucun mouvement formel
- La cérémonie fut/est notre libération, notre libération fut/est cérémonie
- Nous honorons nos enseignements sacrés, nos ancêtres et les générations à venir
- Nous n’avons pris crédit de rien. Nous n’avons pas issus de communiqués. Nos actions furent et sont notre propagande
- Nous avons célébré la mort de la solidarité gauchiste et son romantisme myope et apocalyptique
- Nous n’avons rien demandé aux capitalistes et aux colons occupants
= = =
“En se présumant eux-mêmes inconsciemment d’avoir de droit un pouvoir mental de juger les “païens”, les chrétiens furent capables d’affirmer que les Indiens n’avaient pas le droit de continuer de vivre leur mode de vie libre et indépendant. Sur la base biblique que le peuple élu possède la tâche providentielle de soumettre la Terre et d’exercer une domination sur tout être vivant, les chrétiens se considéraient eux-mêmes comme un peuple élu ayant l’obligation divine de “sauver” les païens et leurs nations en les subjuguant, ce qui fut référé par le doux euphémisme de les “civiliser”. Ceci devait être accompli en brisant les nations païennes pour ensuite tourner leurs membres en des individus chrétiens qui deviendraient, par le moyen d’une assimilation graduelle, soit des sujets d’une monarchie chrétienne européenne ou des citoyens d’un état européen chrétien. De ce point de vue, les païens sont destinés par dieu à être sauvés et réduits à la “civilisation” européenne chrétienne.”
~ Steven Newcomb, 2008 ~
“La révolution anarchiste est aujourd’hui la révolution naturelle, celle qui ne peut pas se laisser dériver ou confisquer par des groupes, factions ou partis, classes ou autorités.”
~ López Arangó ~
Enfance ruinée
Génération non-née
Demain, espoir temps
(Haïku, Resistance 71)
Textes connexes à lire et diffuser sur le sujet :
« Du chemin de la société vers son humanité réalisée » (Résistance 71)
« Kaianere’kowa, la Grande Loi de la Paix » des nations Haudenosaunee, XIIème siècle
« Païens en terre promise, décoder la doctrine chrétienne de la découverte » (Steven Newcomb)
« Effondrer le colonialisme » (Résistance 71)
« La voie Lakota et l’aventure Crazy Horse / Cheval Fou » (Joseph Marshall)
« Nous sommes tous des colonisés » (Résistance 71 )
Compilation pour une société des sociétés (Gustav Landauer)
Ericco Malatesta, écrits choisis
3 textes sur le peuple en arme
« EZLN, Chiapas, une communauté en arme » (Tikva Honig-Parnass)
« Si vous avez oublié le nom des nuages, vous avez oublié votre chemin » (Russell Means)
« Un manifeste indigène », Taiaiake Alfred (Mohawk)
« Wasase, La grande loi du changement » Taiaiake Alfred
« Echange et pouvoir de la chefferie indienne » (Pierre Clastres)
« Chiapas, feu et parole d’un peuple qui dirige et un gouvernement qui obéit » (EZLN)
« L’heure de la Commune des Communes a sonné ! » (Pierre Bance)
« Entretien avec des anarchistes du Rojava » (TA)
« Du Chiapas aux Gilets Jaunes en passant par le Rojava » (Résistance 71)
« Le communisme anarchiste » Sam Dolgoff
« L’art de ne pas être gouverné » James C. Scott
« L’après-histoire ou la révolution par le don » (Zénon)
« Effondrer le colonialisme par apostasie collective » (Jo Busta Lally)