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5ème assemblée du Conseil National Indigène et Conseil Indigène de gouvernement, déclaration conjointe de janvier 2021

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Déclaration conjointe de la 5ème assemblée du Conseil National Indigène (CNI) et du Conseil Indigène de Gouvernement (CIG)

 

CNI / CIG

 

Janvier 2021

 

Source :
https://www.lavoiedujaguar.net/Declaration-de-la-Cinquieme-Assemblee-conjointe-du-Congres-national-indigene-et

 

À l’Armée zapatiste de libération nationale
Aux peuples du monde
Aux personnes qui luttent sur les cinq continents
Frères, sœurs, compañer@s,

Frères et sœurs du monde entier, nous vous saluons, nous qui conformons le Congrès national indigène. Nous sommes des peuples et des communautés qui habitaient déjà nos terres et nos territoires avant l’imposition de ce qu’on appelle l’État mexicain, nous avons non seulement notre propre langue et notre façon de nous habiller, mais aussi une forme de gouvernement, une façon de voir, de comprendre et de vivre le monde différente de celle du monde capitaliste, qui voit tout comme une marchandise. Nous sommes des peuples qui aiment la terre, les montagnes, les eaux, les collines, les oiseaux et tous les êtres vivants qui habitent notre mère la terre. Pour nous la vie est sacrée, nous la vénérons. Au cours des ans, les donneurs d’ordres, ceux qui ont pour but de dominer et d’exploiter, ont voulu en finir avec nous, détruire notre culture et notre territoire. Nous sommes une histoire de dépossession, de résistance et de rébellion, et aujourd’hui, après plus de cinq cents ans de conquête et de guerre, nous sommes en danger d’extinction, avec le monde entier.

Frères et sœurs zapatistes, frères et sœurs aîné·e·s, comme toujours vos paroles et vos initiatives créent une lumière d’espoir et un chemin pour nos peuples. Les mégaprojets, les sociétés transnationales, le crime organisé en coordination avec le gouvernement nous envahissent toujours plus pour exploiter et détruire notre territoire, pour détruire la vie. Les paroles mensongères de López Obrador et sa soi-disant Quatrième Transformation cherchent à créer un mur qui cache la guerre qui fait rage contre les peuples et la vie de la Terre Mère, à nous isoler et à nous présenter comme les adversaires du progrès, accusation que les gouvernements antérieurs ont déjà utilisée mais qui prend aujourd’hui un tour plus destructeur. Notre parole, notre réalité, la guerre que nous vivons ne parvient pas à tous les cœurs auxquels elle devrait parvenir, car non seulement nous défendons notre territoire, mais avec lui nous défendons la vie de la Terre Mère et l’avenir de l’humanité. Toute la force du capital, de l’État et du crime organisé s’exerce sur nos peuples, nous divisant, nous dépossédant, nous menaçant, nous emprisonnant, nous assassinant.

Nous, Front des peuples en défense de la terre et de l’eau des État de Morelos, Puebla et Tlaxcala qui fait partie du CNI-CIG, nous vivons la même guerre de mégaprojets que vivent nos frères et sœurs sur tout le territoire national. Le Projet intégral de Mort appelé Projet intégral Morelos a été imposé principalement pour bénéficier aux compagnies minières, en dehors de toute légalité : il ignore et en viole les recours judiciaires suspensifs, utilise la Garde nationale pour réaliser la construction de l’aqueduc et imposer des consultations indigènes qui violent nos droits fondamentaux. L’enquête sur le meurtre de Samir, loin d’aboutir, met en évidence la relation qui existe entre les services du procureur général de l’État et le crime organisé. En résumé, nous vivons la même guerre d’extermination que le reste de nos compañer@s du CNI et d’autres peuples, villes et secteurs frères. Cependant, l’attaque du grand capital et du gouvernement et l’assassinat de notre frère Samir ne mettent pas fin à notre résistance, au contraire, nous continuerons à lutter jusqu’à ce que la vie triomphe de la mort, avec nos armes les plus puissantes : la dignité, la résistance et la rébellion.

L’imposition du Train maya, qui s’accompagne de la construction de quinze centres urbains, du Corridor interocéanique Salina Cruz – Coatzacoalcos, qui prévoit dix corridors urbano-industriels, de l’Aéroport international de Mexico – Parc écologique Lac Texcoco et du Projet intégral Morelos, vise à réorganiser le pays en fonction des intérêts économiques du grand capital. Il est également très grave qu’on projette de construire, au profit de diverses entreprises étrangères, trois centrales thermoélectriques — dont l’une est déjà achevée —, un réseau de gazoducs et un mégacentre de stockage de combustible dans le bassin du Río Santiago, au sud de Guadalajara, qui, de plus, se trouve dans l’une des régions les plus polluées du pays ; s’y ajoute le projet du Canal Centenario, auquel travaille actuellement la Garde nationale, visant à connecter les fleuves San Pedro et Santiago au Nayarit. L’exploitation minière à ciel ouvert menace également des centaines de territoires de peuples indigènes en utilisant la même formule, procédé de division, de dépossession et de destruction de nos communautés.

Tous ces projets sont précédés d’infrastructures routières et hydrauliques, d’un grand nombre de parcs éoliens et photovoltaïques, ainsi que de centrales hydroélectriques, thermoélectriques et de centrales à gaz qui envahissent illégalement les territoires de nos peuples et dont beaucoup n’ont même pas d’autorisation d’impact environnemental ; ils prévoient l’occupation de milliers et de milliers d’hectares et le changement d’usage des terres des ejidos, des communautés et des peuples indigènes, sans tenir compte de l’autodétermination des peuples sur leur territoire.

Ces grands mégaprojets et toute la dépossession et l’exploitation provoquées par le modèle extractiviste du gouvernement fédéral sont protégés par la militarisation de tout le pays et de la sécurité publique, qui, selon les paroles trompeuses de López Obrador, a maintenant avancé alors que sous les gouvernements précédents une grande partie de la société y était opposée, sans que disparaissent le précédent et la situation réelle de violation systématique des droits de l’homme par les contingents militaires, souvent en collusion avec le crime organisé. La guerre contre les peuples pour imposer des mégaprojets est évidente quand l’armée se voit confier des travaux comme le Train maya ou l’aéroport de Santa Lucia, projets auxquels nous nous opposons catégoriquement.

Dans tout ce processus de recolonisation de nos territoires, l’Institut national des peuples indigènes, une imposition de plus du mauvais gouvernement de la Quatrième Transformation, a effectué les tâches que réalisait l’ancien indigénisme du régime du PRI : médiatiser, manipuler, fragmenter, diviser nos peuples et nos communautés, servir le contremaître en poste, valider ses mégaprojets, se prêter à de fausses cérémonies officialistes qui offensent notre Terre Mère et participer aux stratégies de contre-insurrection et à la prétendue « ingénierie des conflits ». Face à cela, la communauté otomi habitant Mexico a occupé les installations de cet institut pour exiger, au-delà du droit légitime au logement, le respect et la reconnaissance de l’autodétermination des peuples sur leur territoire.

La pandémie de Covid-19 est, comme l’a dit le gouvernement menteur de López Obrador, « tombée à pic » pour imposer les mégaprojets et la militarisation du pays ; la majorité de la population étant démobilisée, la pandémie contribue elle aussi à la guerre d’extermination contre nos peuples, chez lesquels les services de santé et les moyens économiques sont très limités et dans de nombreux cas nuls.

Nous voyons qu’il s’agit d’une crise globale et civilisationnelle jamais vue auparavant qui oblige l’humanité entière à détruire ce système capitaliste et patriarcal actuel, responsable de la destruction de la nature, qui se base sur l’exploitation et la dépossession sans cesse croissantes de millions et de millions d’êtres humains. Un système qui, pour générer profits et richesses, s’appuie sur le crime organisé, sur les guerres, sur les épidémies et les pandémies.

C’est pourquoi, en tant que Congrès national indigène – Conseil indigène de gouvernement et en tant que Front des peuples pour la défense de la terre et de l’eau des États de Morelos, Puebla et Tlaxcala, réunis en cette Cinquième Assemblée conjointe du Congrès national indigène et du Conseil indigène de gouvernement, nous adoptons les accords suivants :

ACCORDS

Un. Nous, peuples, organisations, collectifs et personnes du monde entier, souscrivons à la Déclaration pour la vie émise par l’Armée zapatiste de libération nationale, en nous engageant à renforcer nos luttes pour la défense de la vie dans nos territoires et en ouvrant l’écoute, l’organisation et la parole à nos sœurs et frères du Mexique et du monde entier qui luttent contre ce système capitaliste et patriarcal dans le but de le faire disparaître.

Deux. À participer directement, selon les critères que nous avons définis dans cette assemblée, par une délégation du CNI-CIG et du FPDTA-MPT, au côté de l’EZLN, à la tournée en Europe proposée par nos sœurs, frères, compañer@s de l’EZLN et du monde entier de juillet à octobre 2021 et, dans la mesure de nos possibilités, à celles qui seront réalisées ultérieurement en Asie, en Afrique, en Océanie et en Amérique.

Trois. À mener des actions pour la vie, contre les mégaprojets et en mémoire de notre frère Samir Flores Soberanes du 19 au 21 février, à deux ans de son lâche assassinat. À lancer un appel à nos frères et sœurs et aux compañer@s du Mexique et du monde entier pour qu’ils mènent des actions aux mêmes dates.

Quatre. Nous exigeons l’arrêt des attaques et du harcèlement des communautés zapatistes ; la libération immédiate de nos frères Fredy García Ramírez, porte-parole de l’organisation Codedi d’Oaxaca, et Fidencio Aldama, membre de la tribu yaqui ; ainsi que la liberté de nos frères Adrian Gomez Jimenez, German López Montejo et Abraham López Montejo, membres de l’organisation La Voz Verdadera del Amate, Marcelino Ruiz Gomez, membre de Viniketik en Resistencia, ainsi que celle d’Osman Alberto Espinales Rodríguez et de Pedro Trinidad Cano Sanchez, injustement emprisonnés dans les prisons de San Cristóbal de Las Casas et de Comitán, au Chiapas ; halte à l’assassinat de nos frères du Cipog-EZ ; présentation en vie du frère Sergio Rivera Hernández, membre de l’organisation MAIZ dans la Sierra Negra de Puebla, des 43 étudiants d’Ayotzinapa et de tous les disparus et disparues.

Respectueusement

Janvier 2021.

Pour la reconstitution intégrale de nos peuples
Plus jamais un Mexique sans nous

Congrès national indigène – Conseil indigène de gouvernement

Front des peuples en défense de la terre et de l’eau des États de Morelos, Puebla et Tlaxcala

= = =

Lectures complémentaires :

Ricardo Florès Magòn (Textes choisis)

Chiapas, feu et parole d’un peuple qui gouverne et un gouvernement qui obéit

Réseau de Résistance et de Rébellion International du Chiapas aux Gilets Jaunes

Raoul Vaneigem : « Appel à la vie contre la tyrannie étatique et marchande » (extraits)

Résistance 71 : Du chemin de la société vers son humanité réalisée

 

Résistance au colonialisme : 5ème AG du Conseil National Indigène CNI/EZLN

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Convocation à la 5ème assemblée générale du Conseil National Indigène 

 

CNI / EZLN

 

22 décembre 2020

 

Source de l’article en français:
https://www.lavoiedujaguar.net/Convocation-a-la-Cinquieme-Assemblee-nationale-du-Congres-national-indigene

 

Nous, peuples, nations, tribus et quartiers originaires qui constituons le Congrès national indigène, le Conseil indigène de gouvernement et l’Armée zapatiste de libération nationale, alors que nous nous confrontons à la maladie de notre Mère Terre qui s’est traduite en une grave pandémie frappant la vie et l’économie de nos communautés et le monde entier, nous nous faisons entendre dans la voix des peuples originaires qui crient depuis les géographies où ils luttent et résistent contre la guerre capitaliste visant à l’appropriation des territoires indigènes et paysans par d’agressives politiques d’extraction d’un bout à l’autre de la géographie nationale, par des mégaprojets de mort appelés Couloir interocéanique dans les États d’Oaxaca et de Veracruz, Projet intégral Morelos dans les États de Morelos, Puebla et Tlaxcala, Train maya dans les États du sud-est du Mexique ou Aéroport international de Mexico dans le centre du pays, par la mise en œuvre d’un ensemble de politiques et de mécanismes pour la continuation du « libre commerce » subordonné aux États-Unis et au Canada, pour contenir la migration et pour empêcher ou affaiblir l’organisation et la résistance de nos peuples en supplantant les autorités traditionnelles et en réalisant des simulacres de consultation indigène.

Il s’agit de politiques et de mégaprojets impulsés par le gouvernement néolibéral de la Quatrième Transformation au service des grands capitaux mondiaux contre l’organisation autonome de nos peuples, et ce en s’appuyant sur la militarisation, la mise en place de la Garde nationale et la militarisation de tout le territoire national, la complicité État cartels criminels, la création de programmes visant à briser l’organisation communautaire comme le programme Sembrando Vida (Semant la vie) et l’approbation de lois favorables aux grands consortiums transnationaux comme la Loi fédérale pour le développement et la protection du maïs natif.

Le CNI et le CIG — avec les communautés zapatistes —, en tant que congrès quand nous sommes ensemble et en tant que réseau quand nous sommes séparés, nous sommes cette parole collective que non seulement nous faisons nôtre, mais aussi dans et avec laquelle nous nous entrelaçons, déterminés à accroître notre résistance autant que s’accroîtra la menace capitaliste contre la vie.

Car pour nos peuples il n’y a pas de possibilité de nous rendre, de nous vendre ou de capituler quand ce sont la Mère Terre et la vie dont gouvernements, entreprises, militaires et cartels de drogues veulent faire le butin de leur vol et ;

Considérant que :

1. La répression, les menaces, la formation de groupes de choc et la criminalisation s’intensifient contre les communautés qui résistent au Projet intégral Morelos que le mauvais gouvernement fédéral a décidé d’imposer illégalement en utilisant son groupe armé de choc appelé Garde nationale, et malgré cela, l’héritage héroïque de Samir Flores Soberanes reste vivant parmi les sœurs et frères du Front des peuples en défense de la terre et de l’eau des États de Morelos, Puebla et Tlaxcala qui ne se rendent pas, ne se vendent pas et ne capitulent pas ;

2. La guerre contre les communautés autonomes et les communautés des peuples originaires du CNI dans l’État du Chiapas s’exacerbe, tandis que les gouvernements garantissent l’impunité des groupes paramilitaires, financés par eux, qui attaquent jour et nuit les peuples et communautés sœurs ;

3. Le mauvais gouvernement fédéral et ses forces armées, en alliance cynique avec les obscurs intérêts économiques qui spéculent sur l’appropriation du territoire des peuples indigènes et paysans, sème la peur et la terreur en violant systématiquement les lois, verdicts et suspensions judiciaires pour imposer ses mégaprojets qui livrent le territoire du pays aux intérêts économiques transnationaux ;

4. La résistance et la rébellion s’accroissent dans la géographie des peuples originaires car s’accroissent aussi le pillage et la répression violente de la part du mauvais gouvernement à tous ses niveaux, en complicité avec des groupes paramilitaires et narco-paramilitaires, qui rendent possibles ses projets d’extractions polluants, et y compris dans les grandes villes, nos peuples résistent, comme le démontre la communauté otomí habitant Mexico ;

5. Depuis les luttes que nous sommes, nous, peuples originaires, voyons que dans le monde s’allument des espoirs face à cette guerre qui est la même, et depuis des géographies lointaines nous nous tournons vers ceux-ci, c’est-à-dire vers la lutte pour la vie, qui devient une langue où nous nous voyons les uns les autres et ;

6. Il existe la convocation zapatiste au lancement au mois d’avril 2021 d’une tournée planétaire commençant par le continent européen, pour laquelle le CNI est invité à former une délégation qui accompagne ce cheminement et porte notre parole collective ;

Nous convoquons

les délégué·e·s et les conseillères et conseillers du CNI-CIG pour qu’ils assistent à la

Cinquième Assemblée nationale du Congrès national indigène
et du Conseil indigène de gouvernement

qui aura lieu à :

« La Quinta Piedra », territoire récupéré du peuple nahua de l’ejido Tepoztlán, dans l’État de Morelos
les 23 et 24 janvier 2021

Selon le programme suivant :

23 janvier

Inauguration

Commissions de travail :

  • Bilan du pillage et de la guerre capitaliste contre nos peuples
  • Proposition pour la participation d’une délégation du CNI-CIG à la tournée planétaire zapatiste

24 janvier

Session plénière ouverte :

  • Conclusion des commissions de travail
  • Accords et résolutions
  • Communiqué public
  • Clôture

Note 1 : Compte tenu des circonstances sanitaires actuelles, nous invitons à nommer un·e ou deux délégué·e·s par peuple, communauté ou organisation indigène, selon le cas, afin de réaliser une assemblée amplement représentative mais moins nombreuse. Celles et ceux qui y assisteront devront respecter les mesures d’utilisation de masques, de saine distance, de lavage fréquent des mains et du visage. Et celles qui pourront être prises sur place.

Note 2 : Celles et ceux qui ne sont pas délégué·e·s ou conseillers et conseillères du CNI ou du CIG ne pourront assister à l’assemblée que sur invitation de la Commission de coordination et suivi.

Respectueusement

Décembre 2021

Pour la reconstitution intégrale de nos peuples
Jamais plus un Mexique sans nous

Congrès national indigène – Conseil indigène de gouvernement
Armée zapatiste de libération nationale

Traduit de l’espagnol (Mexique)

par Joani Hocquenghem

Texte d’origine :

Enlace Zapatista

= = =

Lectures complémentaires :

Notre page « Réseau de Résistance et de Rébellion International » 3RI

5 textes pour comprendre et éradiquer le colonialisme

« Païens en terre promise, décoder la doctrine chrétienne de la découverte », Steven Newcomb, 2008

« Comprendre le système de l’oppression coloniale par mieux le démonter », Steven Newcomb

« Comprendre le système de l’oppression coloniale pour mieux le démonter », Peter d’Errico

« Effondrer le colonialisme », Résistance 71

« Nous sommes tous des colonisés ! », Résistance 71

 

Par delà tous les antagonismes induits… La marche zapatiste sur les 5 continents en 2021 pour une société des sociétés

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Pour la vie, les Zapatatistes parcoureront les cinq continents

“Une montagne en haute mer”


Communiqué du Comité clandestin révolutionnaire indigène
Commandement général de l’Armée zapatiste de libération nationale


Mexique, 5 octobre 2020


Source: 
https://www.lavoiedujaguar.net/Sixieme-partie-Une-montagne-en-haute-mer

Au Congrès national indigène – Conseil indigène de gouvernement,
À la Sexta nationale et internationale,
Aux réseaux de résistance et de rébellion,
Aux personnes honnêtes qui résistent dans tous les coins de la planète,

Sœurs, frères, sœurs-frères,

Compañeras, compañeros, compañeroas,

Nous, peuples originaires de racine maya et zapatistes, vous saluons et vous disons que ce qui est venu à notre pensée commune, d’après ce que nous voyons, entendons et sentons.

Un. Nous voyons et entendons un monde malade dans sa vie sociale, fragmenté en millions de personnes étrangères les unes aux autres, s’efforçant d’assurer leur survie individuelle, mais unies sous l’oppression d’un système prêt à tout pour étancher sa soif de profits, même alors qu’il est clair que son chemin va à l’encontre de l’existence de la planète Terre.

L’aberration du système et sa stupide défense du « progrès » et de la « modernité » volent en éclat devant une réalité criminelle : les féminicides. L’assassinat de femmes n’a ni couleur ni nationalité, il est mondial. S’il est absurde et déraisonnable que quelqu’un soit persécuté, séquestré, assassiné pour sa couleur de peau, sa race, sa culture, ses croyances, on ne peut pas croire que le fait d’être femme signifie une sentence de marginalisation et de mort.

En une escalade prévisible (harcèlement, violence physique, mutilation et assassinat), cautionnée par une impunité structurelle (« elle le méritait », « elle avait des tatouages », « qu’est-ce qu’elle faisait à cet endroit à cette heure-là ? », « habillée comme ça, il fallait s’y attendre »), les assassinats de femmes n’ont aucune logique criminelle si ce n’est celle du système. De différentes strates sociales, d’âges qui vont de la petite enfance à la vieillesse et dans des géographies éloignées les unes des autres, le genre est la seule constante. Et le système est incapable d’expliquer pourquoi cela va de pair avec son « développement » et son « progrès ». Dans l’indignante statistique des morts, plus une société est « développée », plus le nombre des victimes augmente dans cette authentique guerre de genre.

Et la « civilisation » semble dire aux peuples originaires : « La preuve de ton sous-développement, c’est ton faible taux de féminicides. Ayez vos mégaprojets, vos trains, vos centrales thermoélectriques, vos mines, vos barrages, vos centres commerciaux, vos magasins d’électroménager — avec chaîne de télé inclue —, et apprenez à consommer. Soyez comme nous. Pour payer la dette de cette aide progressiste, vos terres, vos eaux, vos cultures, vos dignités ne suffisent pas. Vous devez compléter avec la vie des femmes. »

Deux. Nous voyons et nous entendons la nature mortellement blessée, qui, dans son agonie, avertit l’humanité que le pire est encore à venir. Chaque catastrophe « naturelle » annonce la suivante et fait oublier, de façon opportune, que c’est l’action d’un système humain qui la provoque.

La mort et la destruction ne sont plus une chose lointaine, qui s’arrête aux frontières, qui respecte les douanes et les conventions internationales. La destruction dans n’importe quel coin du monde se répercute sur toute la planète.

Trois. Nous voyons et nous entendons les puissants se replier et se cacher dans les prétendus États nationaux et leurs murs. Et, dans cet impossible saut en arrière, ils font revivre des nationalismes fascistes, des chauvinismes ridicules et un charabia assourdissant. C’est là où nous apercevons les guerres à venir, celles qui s’alimentent d’histoires fausses, vides, mensongères et qui traduisent nationalités et races en suprématies qui s’imposeront par voie de mort et de destruction. Les différents pays vivent la bataille entre les contremaîtres et ceux qui aspirent à leur succéder, qui occulte le fait que le patron, le maître, le donneur d’ordre, est le même et n’a d’autre nationalité que celle de l’argent. Tandis que les organismes internationaux languissent et se convertissent en simples appellation, des pièces de musée… ou même pas.

Dans l’obscurité et la confusion qui précèdent ces guerres, nous entendons et nous voyons l’attaque, l’encerclement et la persécution de toute lueur de créativité, d’intelligence et de rationalité. Face à la pensée critique, les puissants demandent, exigent et imposent leurs fanatismes. La mort qu’ils sèment, cultivent et récoltent n’est pas seulement la mort physique ; elle inclut aussi l’extinction de l’universalité de l’humanité elle-même — l’intelligence —, ses avancées et ses succès. De nouveaux courants ésotériques, laïcs ou non, déguisés en modes intellectuelles ou en pseudosciences renaissent ou sont créés ; et on prétend soumettre les arts et les sciences à des militantismes politiques.

Quatre. La pandémie du Covid 19 a non seulement montré les vulnérabilités de l’être humain, mais aussi la cupidité et la stupidité des différents gouvernements nationaux et de leurs supposées oppositions. Des mesures du plus élémentaire bon sens ont été sous-estimées, le pari étant toujours que la pandémie allait être de courte durée. Quand la présence de la maladie s’est prolongée de plus en plus, les chiffres ont commencé à se substituer aux tragédies. La mort s’est ainsi convertie en un nombre qui se perd quotidiennement parmi les scandales et les déclarations. Une sinistre comparaison entre nationalismes ridicules. Le pourcentage de strikes et de home runs qui détermine quelle équipe de base-ball, ou quelle nation, est meilleure ou pire.

Comme il a été précisé dans l’un des textes précédents, au sein du zapatisme nous optons pour la prévention et l’application de mesures sanitaires qui, en leur temps, ont fait l’objet de consultation avec des scientifiques femmes et hommes qui nous ont orientés et nous ont offert leur aide sans hésiter. Nous, peuples zapatistes, leur en sommes reconnaissants et nous avons voulu le montrer. À six mois de la mise en œuvre de ces mesures (masques ou leur équivalent, distance entre personnes, arrêt des contacts personnels directs avec des zones urbaines, quarantaine de quinze jours pour qui a pu être en contact avec des personnes infectées, lavages fréquent à l’eau et au savon), nous déplorons le décès de trois compagnons qui ont présenté deux symptômes ou plus associés au Covid 19 et qui ont été en contact direct avec des personnes infectées.

Huit autres compañeros et une compañera, qui sont morts durant cette période, ont présenté un des symptômes. Comme nous n’avons pas la possibilité de faire des tests, nous présumons que la totalité des douze compañer@s sont morts du dit coronavirus (des scientifiques nous ont recommandé de supposer que tout problème respiratoire serait dû au Covid 19). Ces douze disparitions sont de notre responsabilité. Ce n’est ni la faute de la 4T [1] ou de l’opposition, des néolibéraux ou des néoconservateurs, des chairos ou des fifis [2], de conspirations ou de complots. Nous pensons que nous aurions dû prendre encore plus de précautions.

À l’heure actuelle, du fait de la disparition de ces douze compañer@s, nous avons amélioré dans toutes les communautés les mesures de prévention, maintenant avec le soutien d’organisations non gouvernementales et de scientifiques qui, à titre individuel ou en tant que collectif, nous orientent sur la façon d’affronter plus fermement une possible nouvelle vague. Des dizaines de milliers de masques (conçus spécialement pour éviter qu’un probable porteur ne contamine d’autres personnes, peu coûteux, réutilisables et adaptés aux circonstances) ont été distribués dans toutes les communautés. D’autres dizaines de milliers sont produits dans les ateliers de broderie et de couture des insurgé·e·s et dans les villages. L’usage massif de masques, les quarantaines de deux semaines pour qui pourrait avoir été infecté, la distance et le lavage régulier des mains et du visage à l’eau et au savon, et la limitation autant que possible des déplacements dans les villes sont les mesures recommandées y compris aux frères et sœurs des partis pour stopper l’expansion des contagions et permettre de maintenir la vie communautaire.

Le détail de ce qu’a été et est notre stratégie pourra être consulté en temps voulu. Pour le moment nous disons, avec la vie qui palpite dans nos corps, que selon notre évaluation (sur laquelle probablement nous pouvons nous tromper), le fait d’affronter la menace en tant que communauté, et non comme un problème individuel, et de faire porter notre effort principal sur la prévention nous permet de dire, en tant que peuples zapatistes : nous sommes là, nous résistons, nous vivons, nous luttons.

Et maintenant, dans le monde entier, le grand capital veut que les personnes retournent dans les rues pour assumer à nouveau leur condition de consommateurs. Parce que qui le préoccupe, ce sont les problèmes du Marché : la léthargie de la consommation de marchandises.

Il faut reprendre les rues, oui, mais pour lutter. Parce que, nous l’avons dit auparavant, la vie, la lutte pour la vie, n’est pas une question individuelle, mais collective. On voit maintenant que ce n’est pas non plus une question de nationalités, elle est mondiale.

Nous voyons et entendons bien des choses à ce sujet. Et nous y pensons beaucoup. Mais pas seulement…

Cinq. Nous entendons et voyons aussi les résistances et les rébellions qui, même réduites au silence ou oubliées, n’en sont pas moins des clefs, des pistes d’une humanité qui se refuse à suivre le système dans sa marche précipitée vers l’effondrement : le train mortel du progrès qui avance, arrogant et impeccable, vers le gouffre. Tandis que le chauffeur oublie qu’il n’est qu’un employé parmi d’autres et croit, ingénument, que c’est lui qui décide de la route à suivre, alors qu’il ne fait que suivre la prison des rails vers l’abîme.

Résistances et rébellions qui, sans oublier les pleurs dus aux disparus, s’efforcent de lutter pour ce qu’il y a de plus subversif — qui le dirait — dans ces mondes divisés entre néolibéraux et néoconservateurs : la vie.

Rébellions et résistances qui comprennent, chacune selon sa façon, son temps et sa géographie, que les solutions ne se trouvent pas dans la foi en les gouvernements nationaux, qu’elles ne se génèrent pas à l’abri des frontières et ne revêtent ni drapeaux ni langues différentes.

Résistances et rébellions qui nous apprennent à nous, femmes, hommes, femmes-hommes zapatistes, que les solutions pourraient se trouver en bas, dans les sous-sols et les recoins du monde. Et non dans les palais gouvernementaux. Et non dans les bureaux des grandes corporations.

Résistances et rébellions qui nous montrent que, si ceux d’en haut rompent les ponts et ferment les frontières, il nous reste à naviguer sur les fleuves et les mers pour nous rencontrer. Que le remède, s’il y en a un, est mondial, et qu’il a la couleur de la terre, du travail qui vit et meurt dans les rues et les quartiers, dans les mers et les cieux, dans les montagnes et dans leurs entrailles. Que, comme le maïs originaire, ses couleurs, ses tonalités et ses sons sont multiples.

Nous voyons et nous entendons tout cela, et plus. Et nous nous voyons et nous nous entendons tels que ce que nous sommes : un nombre qui ne compte pas. Parce que la vie n’importe pas, ne fait pas vendre, elle n’est pas une nouvelle, elle ne tient pas dans les statistiques, ne se compare pas dans les enquêtes, n’est pas évaluée dans les réseaux sociaux, ne provoque pas, ne représente pas un capital politique, le drapeau d’un parti, un scandale à la mode. À qui importe qu’un petit, un tout petit groupe de gens originaires, d’indigènes, vive, c’est-à-dire lutte ?

Parce qu’il s’avère que nous vivons. Que malgré les paramilitaires, les pandémies, les mégaprojets, les mensonges, les calomnies et les oublis, nous vivons. C’est-à-dire nous luttons.

Et c’est à quoi nous pensons : nous continuons à lutter. C’est-à-dire nous continuons à vivre. Et nous pensons que, durant toutes ces années, nous avons reçu l’embrassade fraternelle de personnes de notre pays et du monde entier. Et nous pensons que, si ici la vie résiste et, non sans difficultés, fleurit, c’est grâce à ces personnes qui ont affronté les distances, formalités, frontières et différences de cultures et de langues. Grâce à elles, eux, elles-eux — mais surtout à elles —, qui ont bravé et vaincu les calendriers et les géographies.

Dans les montagnes du Sud-Est mexicain, tous les mondes du monde ont trouvé, et trouvent, une écoute dans nos cœurs. Leur parole et leur action ont été l’aliment pour la résistance et la rébellion, qui ne sont autres que la continuation de celles de nos prédécesseurs.

Des personnes suivant la voie des sciences et des arts ont trouvé le moyen de nous embrasser et nous encourager, même si c’était à distance. Des journalistes, fifis ou non, qui ont relaté la misère et la mort d’avant, la dignité et la vie de toujours. Des personnes de toutes les professions et métiers qui, beaucoup pour nous, peut-être un peu pour elles-eux, ont été là, sont là.

Et nous pensons à tout cela dans notre cœur collectif, et il est venu à notre pensée qu’il est grand temps que nous, femmes, hommes, femmes-hommes zapatistes, répondions à l’écoute, la parole et la présence de ces mondes. Ceux proches et ceux lointains dans la géographie.

Six. Et nous avons décidé ceci :

Qu’il est temps à nouveau que les cœurs dansent, et que leur musique et leurs pas ne soient pas ceux de la lamentation et de la résignation.

Que diverses délégations zapatistes, hommes, femmes et femmes-hommes de la couleur de notre terre, iront parcourir le monde, chemineront ou navigueront jusqu’à des terres, des mers et des cieux éloignés, cherchant non la différence, non la supériorité, non la confrontation, et moins encore le pardon et la compassion.

Nous irons à la rencontre de ce qui nous rend égaux.

Non seulement l’humanité qui anime nos peaux différentes, nos façons distinctes, nos langues et couleurs diverses. Mais aussi, et surtout, le rêve commun que nous partageons en tant qu’espèce depuis que, dans l’Afrique qui pourrait sembler lointaine, nous nous sommes mis en marche depuis le giron de la première femme : la recherche de la liberté qui a impulsé ce premier pas… et qui est toujours en marche.

Que la première destination de ce voyage planétaire sera le continent européen.

Que nous naviguerons vers les terres européennes. Que nous partirons et que nous appareillerons depuis les terres mexicaines, au mois d’avril de l’année 2021.

Qu’après avoir parcouru différents recoins de l’Europe d’en bas et à gauche, nous arriverons à Madrid, la capitale espagnole, le 13 aout 2021 — cinq cents ans après la prétendue conquête de ce qui est aujourd’hui Mexico. Et que, tout de suite après, nous reprendrons la route.

Que nous parlerons au peuple espagnol. Non pas pour menacer, reprocher, insulter ou exiger. Non pas pour exiger qu’il nous demande pardon. Non pas pour les servir ni pour nous servir.

Nous irons dire au peuple d’Espagne deux choses simples :

Un. Qu’ils ne nous ont pas conquis. Que nous sommes toujours en résistance et en rébellion.

Deux. Qu’ils n’ont pas à demander qu’on leur pardonne quoi que ce soit. Ça suffit de jouer avec le passé lointain pour justifier, de façon démagogique et hypocrite, les crimes actuels et qui continuent : l’assassinat de lutteurs sociaux, comme le frère Samir Flores Soberanes, les génocides que cachent des mégaprojets conçus et réalisés pour contenter le puissant — celui-là même qui sévit dans tous les coins de la planète —, l’encouragement par le financement et l’impunité des paramilitaires, l’achat des consciences et des dignités pour trente deniers.

Nous, hommes, femmes, femmes-hommes zapatistes, nous NE voulons PAS revenir à ce passé, ni seuls ni encore moins en compagnie de qui veut semer la rancœur raciale et prétend alimenter son nationalisme réchauffé avec la supposée splendeur d’un empire, celui des Aztèques, qui a crû au prix du sang de leurs semblables, et qui veut nous convaincre qu’avec la chute de cet empire nous, peuples originaires de ces terres, avons été vaincus.

Ni l’État espagnol ni l’Église catholique n’ont à nous demander pardon de quoi que ce soit. Nous ne nous ferons pas l’écho des charlatans qui se valent de notre sang et ainsi cachent que leurs mains en sont tachées.

De quoi l’Espagne va-t-elle nous demander pardon ? D’avoir enfanter Cervantès ? José Espronceda ? León Felipe ? Federico García Lorca ? Manuel Vázquez Montalbán ? Miguel Hernández ? Pedro Salinas ? Antonio Machado ? Lope de Vega ? Bécquer ? Almudena Grandes ? Panchito Varona, Ana Belén, Sabina, Serrat, Ibañez, Llach, Amparanoia, Miguel Ríos, Paco de Lucía, Victor Manuel, Aute toujours ? Buñuel, Almodóvar et Agrado, Saura, Fernán Gómez, Fernando León, Bardem ? Dalí, Miró, Goya, Picasso, Le Greco et Velázquez ? Une des meilleures parts de la pensée critique mondiale, sous le sceau du Ⓐ libertaire ? L’exil ? Le frère maya Gonzalo Guerrero ?

De quoi va nous demander pardon l’Église catholique ? De la venue de Bartolomé de las Casas ? De don Samuel Ruiz García ? D’Arturo Lona ? De Sergio Méndez Arceo ? De la sœur Chapis ? Des présences des prêtres, sœurs religieuses et séculaires qui ont cheminé au côté des peuples originaires sans les diriger ni les supplanter ? De ceux qui risquent leur liberté et leur vie pour défendre les droits humains ?

En l’année 2021 il y aura vingt ans de la Marche de la couleur de la terre, celle que nous avons réalisée avec les peuples frères du Congrès national indigène pour exiger une place dans cette nation qui maintenant est en train de s’effondrer.

Vingt ans après nous naviguerons et marcherons pour dire à la planète que, dans le monde que nous sentons dans notre cœur collectif, il y a de la place pour toutes, tous, tou·te·s. Purement et simplement parce que ce monde n’est possible que si toutes, tous, tou·te·s, nous luttons pour le construire.

Les délégations zapatistes seront conformées en majorité de femmes. Non seulement parce qu’elles veulent ainsi rendre l’embrassade qu’elles ont reçue dans les rencontres internationales précédentes. Mais aussi, et surtout, pour que nous, hommes zapatistes, manifestions clairement que nous sommes ce que nous sommes, et que nous ne sommes pas ce que nous ne sommes pas, grâce à elles, à cause d’elles et avec elles.

Nous invitons le CNI-CIG à former une délégation pour nous accompagner et qu’ainsi notre parole soit plus riche pour l’autre qui lutte au loin. Nous invitons en particulier une délégation des peuples qui portent haut le nom, l’image et le sang du frère Samir Flores Soberanes, pour que leur douleur, leur rage, leur lutte et leur résistance parvienne plus loin.

Nous invitons ceux qui ont pour vocation, engagement et horizon les arts et les sciences à accompagner, à distance, nos navigations et notre marche. Et qu’ainsi ils nous aident à diffuser qu’en ceux-ci, les sciences et les arts, existe la possibilité non seulement de la survie de l’humanité, mais aussi celle d’un monde nouveau.

En résumé : nous partons pour l’Europe au mois d’avril de l’année 2021. La date et l’heure ? Nous ne le savons pas… encore.

Compañeras, compañeros, compañeroas,

Sœurs, frères et sœurs-frères,

Ceci est notre détermination :

Face aux trains puissants, nos canots.

Face aux centrales thermoélectriques, les petites lumières que nous, femmes zapatistes, avons données à garder aux femmes qui luttent dans le monde entier.

Face aux murs et frontières, notre navigation collective.

Face au grand capital, une parcelle de maïs en commun.

Face à la destruction de la planète, une montagne naviguant au point du jour.

Nous sommes zapatistes et porteur·se·s du virus de la résistance et de la rébellion. En tant que tels, nous irons dans les cinq continents.

C’est tout… pour l’instant.

Depuis les montagnes du Sud-Est mexicain.

Au nom des femmes, des hommes et des autres zapatistes.

Sous-commandant insurgé Moisés

Mexique, octobre 2020.

P-S : Oui, c’est la sixième partie et, comme le voyage, elle continuera en sens inverse. C’est-à-dire que la suivra la cinquième partie, puis la quatrième, ensuite la troisième, elle continuera avec la deuxième et finira avec la première.

Traduit de l’espagnol (Mexique)

par Joani Hocquenghem

Texte d’origine :

Enlace Zapatista

Notes

[1] López Obrador présente le projet de son propre gouvernement comme celui de la « Quatrième Transformation » : 4T ; il suppose ainsi l’inscrire dans l’histoire révolutionnaire du Mexique : le premier moment étant celui de l’Indépendance, en 1810 ; le deuxième, celui de la Réforme (séparation de l’Église et de l’État), au milieu du XIXe siècle ; le troisième, celui de la révolution de 1910 (NdT).

[2] Chairos : suivistes, l’expression a été employée en particulier pour les inconditionnels de López Obrador ; fifis : gens chics, BCBG (NdT).

= = =

5 textes pour comprendre et éradiquer le colonialisme

« Païens en terre promise, décoder la doctrine chrétienne de la découverte », Steven Newcomb, 2008

« Comprendre le système de l’oppression coloniale par mieux le démonter », Steven Newcomb

« Comprendre le système de l’oppression coloniale pour mieux le démonter », Peter d’Errico

« Effondrer le colonialisme », Résistance 71

« Nous sommes tous des colonisés ! », Résistance 71

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

+

4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie


La marche vers la société des sociétés

Communiqué du Comité National Indigène suite à une attaque paramilitaire au Chiapas (CNI)

Posted in 3eme guerre mondiale, actualité, altermondialisme, colonialisme, crise mondiale, démocratie participative, gilets jaunes, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, politique et social, résistance politique, société des sociétés, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , on 1 octobre 2020 by Résistance 71

 

 

Attaque paramilitaire contre l’ejido Tila au Chiapas 

Communiqué du Congrès national indigène

 

CNI

 

26 septembre 2020

 

Source :

https://www.lavoiedujaguar.net/Attaque-paramilitaire-contre-l-ejido-Tila-au-Chiapas-Communique-du-Congres

 

Au peuple du Mexique

Aux peuples du monde,

À la Sexta nationale et internationale,

Aux médias,

C’est avec douleur et rage que nous dénonçons la lâche attaque au cours de laquelle a été assassiné le compañero Pedro Alejandro Jiménez Pérez de l’ejido Tila, au Chiapas, le 11 septembre dernier, lorsque la population de Tila a été attaquée à l’arme lourde par le groupe paramilitaire « Paz y Justicia », associé à des personnes liées à la mairie. Suivant l’accord de l’assemblée générale, la population allait libérer les blocages que ces groupes avaient installés sur les accès à la municipalité dans le but d’encercler notre village, là où les paramilitaires avaient détruit un portail de sécurité, le 25 août dernier [1].

En plus du compañero Pedro Alejandro, assassiné durant cette attaque, ont également été blessés par balles Medardo Pérez Jiménez, Ángel Vázquez Ramírez et Jaime Lugo Pérez.

Nous dénonçons le fait que le chef paramilitaire Arturo Sánchez Sánchez, son fils Francisco Arturo Sánchez Martínez ainsi que le président municipal Limber Gregorio Gutiérrez Gómez se sont consacrés à renforcer et à promouvoir l’action de groupes armés pour mettre fin à l’autonomie de l’ejido Tila. Ils veulent le dépouiller au profit d’un prétendu « fonds légal », afin d’y installer leur centre de corruption et de pourriture et d’ouvrir la porte au contrôle narco-paramilitaire [2].

Par le biais de la dépossession territoriale et avec le soutien des trois niveaux du mauvais gouvernement, ils voudraient mettre fin à l’autonomie qui a tant coûté au peuple chol de Tila, lequel est et sera pleinement reconnu par le Congrès national indigène et le Conseil indigène de gouvernement.

Ces attaques sont à resituer dans le contexte d’une activité accrue des groupes armés et d’une prolifération des paramilitaires autour des communautés composant le Congrès national indigène au Chiapas et autour des bases de soutien de l’Armée zapatiste de libération nationale, et visent à encercler, terroriser, déplacer et démanteler les peuples organisés.

Le parti Morena-Verde-PRI, qui n’en forme en réalité qu’un seul, s’est consacré à soutenir la violence, à semer la division, à armer les ennemis du peuple et à annoncer, par ses lâches attaques, l’intensification de la guerre ; elle vise à mettre fin à la vie collective des peuples et à en finir avec la digne résistance qui protège notre Terre Mère. Et, en tant que Congrès national indigène – Conseil indigène de gouvernement, nous agirons en conséquence et en solidarité avec l’ejido Tila.

Nous dénonçons la complicité cynique du gouvernement de l’État et du gouvernement fédéral, qui sont responsables de la violence croissante, et nous appelons le peuple du Mexique et les peuple du monde à se faire entendre pour arrêter la tragédie qui s’annonce.

Bien à vous

Septembre 2020

Pour la reconstitution intégrale de nos peuples
Jamais plus un Mexique sans nous
Congrès national indigène – Conseil indigène de gouvernement

Traduction collective et notes : CSPCL

Source : Congreso Nacional Indígena

13 septembre 2020.

Site de la Otra Tila


… y el mundo !

Notes

[1] Après avoir détruit la présidence municipale de Tila le 25 décembre 2015 et chassé les partis politiques électoraux de leur territoire, les membres de l’ejido Tila, propriétaires légitimes des 5 000 hectares de terres du village et des champs environnants, ont dû faire face à de nombreuses menaces de répression armée. C’est suite à celles-ci et à la situation particulière due à l’épidémie de Covid que des portails de sécurité avaient récemment été mis en place par la population aux différentes entrées du bourg.

[2] Bien que le territoire de l’ejido chol de Tila, composé de plus de 5 000 hectares, soit reconnu par le gouvernement fédéral mexicain depuis 1934, la municipalité locale (métisse), auparavant située dans le bourg voisin de Petalcingo, a cherché depuis les années 1960 à faire reconnaître sa souveraineté juridique sur le cadastre du bourg de Tila et de ses alentours, s’arrogeant illégalement le droit d’émettre des titres de propriété privée et y faisant payer des impôts de propriété foncière, alors que ces terres entrent normalement sous la souveraineté juridique et agraire de l’ejido.

Ce conflit entre administration métisse et indigène a également de fortes répercussions économiques, car Tila est un haut-lieu de pèlerinage dans toute la région, du fait de la présence d’un « Christ noir » et de la croyance en différents miracles locaux. La multiplication des commerces, hôtels, débits de boisson et autres négoces tenus par les caciques à la tête du pouvoir municipal a entraîné des tensions chaque fois plus fortes durant les trente dernières années, aboutissant à l’expulsion et à la destruction du palais municipal par la population en 2015, ainsi qu’à la mise en place d’un gouvernement local fondé sur les us et coutumes indigènes. La reste du territoire municipal, bien plus vaste que l’ejido, est plus ou moins gouverné depuis par le bourg de Nuevo Limar situé dans les terres basses, où règnent les éleveurs et qui fut longtemps un fief du groupe paramilitaire « Paz y Justicia ».

= = =

5 textes pour comprendre et éradiquer le colonialisme

« Païens en terre promise, décoder la doctrine chrétienne de la découverte », Steven Newcomb, 2008

« Comprendre le système de l’oppression coloniale par mieux le démonter », Steven Newcomb

« Comprendre le système de l’oppression coloniale pour mieux le démonter », Peter d’Errico

« Effondrer le colonialisme », Résistance 71

« Nous sommes tous des colonisés ! », Résistance 71

Il n’y a pas de solution au sein du système, n’y en a jamais eu et ne saurait y en avoir !

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

+

4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

 


¡Ya Basta!

 

Guerres colonialistes: Déclaration du CNI-EZLN sur les peuples originels en lutte

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, colonialisme, démocratie participative, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, police politique et totalitarisme, politique et lobbyisme, politique et social, résistance politique, société des sociétés, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , on 12 novembre 2019 by Résistance 71


CNI-EZLN / Gilets Jaunes : Même combat !
Nous sommes tous des colonisés !

 

Déclaration jointe du Congrès National Indigène CNI-CGI et de l’EZLN sur les agressions récentes des capitalistes, de leurs gouvernements et de leurs cartels contre les peuples originels du Mexique

Aux peuples du monde
Aux réseaux de résistance et de rébellion
Aux membres nationaux et internationaux de la Sixième
A la presse :

Nous les peuples, nations, tribus et barrios du Congrès National Indigène et du Conseil de Gouvernance Indigène ainsi que l’Armée Zapatiste de Libération Nationale, condamnons les évènements suivants:

Nous dénonçons les attaques sur les communautés natives de Nahua de San Mateo Cuanala San Lucas Nextetelco, San Gabriel Ometoxtla, Santa María Zacatepec, et de José Ángeles voisinage de la municipalité de Juan C. Bonilla. Le 30 octobre courant, la police fédérale mexicaine, la police de l’état de Puebla et la Garde Nationale ont frappé et ont tiré des balles en caoutchouc sur les membres de la communauté, incluant des femmes et des enfants ainsi que des personnes âgées.

Cette répression fut appliquée sur nos compagnons dans un effort de pousser de l’avant l’empoisonnement de la rivière Metlapanapa au sein d’un projet de construction d’égoûts pour la zone industrielle de Huejotzingo, Puebla, connue sous le nom de “cité du textile”. Ceci fait aussi partie d’un projet géant d’infrastructure urbano-industrielle connu sous le nom de “Projet Intégré Morelos”, qui a déjà coûté la vie à notre compañero Samir Flores.

Nous condamnons la lâche attaque du 3 novembre sur Wixarika et Tepehuana de la communauté de San Lorenzo de Azqueltán, municipality of Villa Guerrero, Jalisco, par les propriétaires terriens Fabio Ernesto Flores Sánchez (alias La Polla), Javier Guadalupe Flores Sánchez, et Mario Flores, accompagnés de trois camions pleins d’individus armés agissant en totale impunité. Ils ont monté une embuscade et battu des membres de la communauté et des autorités locales, blessant grièvement nos compañeros Ricardo de la Cruz González, Noé Aguilar Rojas, et Rafael Reyes Márquez, qui sont toujours à l’hôpital.

Ces tentatives d’assassinat qui ont été commises en toute impunité, ont l’intention de mettre un coup d’arrêt à la digne lutte historique de ces communautés à défendre leurs terres. Cette terre est convoitée par ceux qui, parce qu’ils ont de l’argent, pensent qu’ils sont les propriétaires de la région et ils ont de longue date été dépendant de la complicité du gouvernement, qui lui veut offrir ces terres communales pour des millions de dollars de contrats ainsi qu’effacer de l’histoire le peuple Tepecano.

Nous demandons le retour en sécurité de nos compañeros Carmelo Marcelino, Chino et Jaime Raquel Cecilio du Frente Nacional por la Liberación de los Pueblos (Front de Libération Nationale des Peuples) de l’état de Guerrero qui ont disparu le 22 octobre alors qu’ils revenaient d’Acapulco vets Huamuchapa. Ce crime est l’acte le plus récent de la criminalisation, de la persécution, des meurtres et de la disparition de tous ceux de l’état de Guerrero et à travers le Mexique, qui luttent pour la protection des territoires indigènes contre la dévastation capitaliste.

Nous dénonçons également la disparition depuis plusieurs heures entre les mains de la police d’Oaxaca, de notre compagnon Fredy Garcia du Comité de Defensa de Derechos Indígenas après qu’il fut convoqué pour une réunion avec des fonctionnaires du gouvernement. La police a accusé de manière absurde Garcia dans une tentative de le criminaliser ainsi que le comité et leur digne lutte contre la répression et la dépossession capitalistes. Nous demandons la libération immédiate et sans condition de notre compañero Fredy Garcia !

Les capitalistes, leurs cartels et leurs gouvernements utilisent des groupes armés, que ce soit de la police ou de l’armée du mauvais gouvernement, des troupes paramilitaires ou le crime organisé, pour imposer mort et dépossession sur les peuples originels. Pour nos peuples, tout ceci veut dire violence, terreur, et rage ; pour eux, cela veut dire impunité et la garantie que leurs crimes contre des peuples entiers se transformeront en purs profits et bénéfices.

Dans l’attente,

Novembre 2019

Pour la totale reconstituion de nos peuples

Plus jamais un Mexique sans nous !

National Indigenous Congress
Indigenous Governing Council
Zapatista Army for National Liberation

= = =

Lectures complémentaires:

Nous_sommes_tous_des_colonisés (PDF)

Pierre_Clastres_De l’ethnocide

Pierre_Clastres_Echange-et-pouvoir-philosophie-de-la-chefferie-indienne

3ri-et-societe-des-societes-du-chiapas-zapatistes-aux-gilets-jaunes-en-passant-par-le-rojava-fevrier-2019

Paulo_Freire_La_pedagogie_des_opprimes

Chiapas-Feu-et-Parole-dun-Peuple-qui-Dirige-et-dun-Gouvernement-qui-Obeit

Aime_Cesaire_Discours_sur_le_colonialisme

Ricardo_Flores_Magon_Textes_Choisis_1910-1916

Manifeste pour la Société des Sociétés

Comprendre-le-systeme-legal-de-loppression-coloniale-pour-mieux-le-demonter-avec-peter-derrico1

Comprendre-le-systeme-legal-doppression-coloniale-pour-mieux-le-demonter-avec-steven-newcomb1

Meurtre par décret le crime de génocide au Canada

Un_manifeste_indigène_taiaiake_alfred

6ème_déclaration_forêt.lacandon

kaianerekowa Grande Loi de la Paix

La Grande Loi du Changement (Taiaiake Alfred)

Païens en terre promise, décoder la doctrine chrétienne de la découverte

 

Gilets Jaunes !… D’autres combattants pour l’émancipation périssent, solidarité internationale suite au communiqué sur l’assassinat de membres du CNI au Mexique… (EZLN)

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, colonialisme, crise mondiale, démocratie participative, France et colonialisme, gilets jaunes, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, militantisme alternatif, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, politique et lobbyisme, politique et social, résistance politique, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , , , , , on 7 Mai 2019 by Résistance 71

En accord avec le Réseau de Résistance et de Rébellion International (3RI) mis en place par les Zapatista du Chiapas, nous réitérons ce que nous avons dit à maintes reprises:

« L’avenir de l’humanité passe par les peuples occidentaux émancipés de l’idéologie et de l’action coloniales, se tenant debout, main dans la main avec les peuples autochtones de tous les continents pour instaurer l’harmonie de la société des sociétés sur terre. Il n’y a pas de solutions au sein du système, n’y en a jamais eu et n’y en aura jamais ! »

Gilets Jaunes, Zapatistes du Chiapas, Communes Libres d’Oaxaca et du Rojava, peuple de Zomia, Palestiniens, peuples africains opprimés, Amérindiens, Kanaks, Aborigènes d’Australie, Maoris et tous les peuples colonisésMême combat !

Parce que nous sommes tous colonisés!

Lâchons prise des antagonismes induits et mettons en place la société des sociétés, celle des communes libres confédérées ayant abandonné la dictature étatico-marchande pour enfin devenir une humanité achevée, non aliénée, émancipée du chaos de la division.

~ Résistance 71 ~

 

 

Communiqué du CNI-CIG et de l’EZLN sur le lâche enlèvement et l’assassinat de compañeros du conseil populaire indigène Emiliano Zapata de la province mexicaine de Guerrero

 

EZLN, CNI, CGI

 

6 mai 2019

 

Source:

http://enlacezapatista.ezln.org.mx/2019/05/05/communique-from-the-cni-cig-and-the-ezln-on-the-cowardly-kidnapping-and-murder-of-companeros-from-the-emiliano-zapata-popular-indigenous-council-of-guerrero-2/?utm_source=feedburner&utm_medium=email&utm_campaign=Feed%3A+EnlaceZapatista+%28Enlace+Zapatista%29

 

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

 

Le Congrès National Indigène (CNI), le Conseil de Gouvernement Indigène (CGI) et l’Armée Zapatiste de Libération Nationale (EZLN) condamnent avec rage et douleur l’enlèvement et les assassinats de José Lucio Bartolo Faustino, membre du CGI de la communauté indigène Nahua de Xicotlán et de Modesto Verales Sebastián, délégué du CNI de Nahua. Tous deux faisaient partie du Conseil Indigène Populaire Emiliano Zapata qui est membre du CNI-CGI. Le crime a été commis par des groupes paramilitaires du cartel de la drogue qui opèrent depuis la municipalité de Chilapa de Alvarez et qui sont protégés par l’armée mexicaine ainsi que par les polices municipales et d’état.

Le 4 mai à 15H00, nos compañeros étaient à une réunion avec d’autres membres des conseils à Chilpancingo, Guerrero. Sur le chemin du retour vers leur communauté, ils furent enlevés et assassinés par ces groupes liés au narco-trafic qui agissent en toute impunité et sous la totale protection du mauvais gouvernement qui prétend adresser les demandes de sécurité et de justice des communautés indigènes. Ces communautés dénoncent depuis bien longtemps la manière dont le criminel Celso Ortega exerce et déchaîne la violence contre elles. Il convient de dire que les communautés ont depuis des années organisés leur propre police afin de pouvoir résister à la violence, l’extorsion, les menaces et la culture de la drogue qui sont imposés par deux entités criminelles dans la région de Los Ardillos et de Los Rojos. Ces deux groupes narco-criminels contrôlent les présidences des conseils municipaux de toute la région et sont protégés à la fois par l’armée mexicaine et les polices municipales et fédérales. A un moment ils parvinrent même à faire élire un de leurs leaders comme président du congrès de l’état de Guerrero.

Nous tenons pour responsables les trois niveaux de mauvais gouvernement pour ce crime lâche et odieux car ils sont coupables d’avoir réprimé notre peuple dans l’organisation de la défense de ses territoires. Nous tenons aussi pour responsable le mauvais gouvernement pour la sécurité de nos frères et sœurs des conseils indigènes.

En tant que CNI-CGI et EZLN nous envoyons toutes nos condoléances et notre solidarité vers les familles des compañeros assassinés et nous partageons avec elles la motivation de continuer sur la voie de l’autonomie et de la dignité que nos compagnons assassinés ont si vaillamment représentées. Ils sont des exemples pour toutes et tous.

Nous dénonçons sans réserve aucune l’intensification de la répression néolibérale contre les peuples, nations et tribus originels qui ne consentent en rien à ce projet de mort dans l’état de Guerrero et de fait dans tout le Mexique, ainsi que la violence utilisée pour nous imposer ces projets et la répression, les enlèvements, les disparitions et les assassinats de ceux d’entre nous qui ont décidé de semer les graines d’un nouveau monde depuis les espaces géographiques indigènes que nous sommes et où nous vivons.

Nous demandons justice pour nos compañeros

Dans l’attente…

Mai 2019

Pour la totale reconstructions de nos peuples

Plus jamais un Mexique sans nous

National Indigenous Congress

Indigenous Governing Council

Zapatista Army for National Liberation

= = =

Lectures complémentaires:

Paulo_Freire_Extension ou Communication

Leducation-comme-pratique-de-la-liberte_Paulo_Freire_1965

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Effondrer-les-empires-coloniaux-par-apostasie-collective-de-jo-busta-lally

3ri-et-societe-des-societes-du-chiapas-zapatistes-aux-gilets-jaunes-en-passant-par-le-rojava-fevrier-2019

Paulo_Freire_La_pedagogie_des_opprimes

Aime_Cesaire_Discours_sur_le_colonialisme

Chiapas-Feu-et-Parole-dun-Peuple-qui-Dirige-et-dun-Gouvernement-qui-Obeit

Ricardo_Flores_Magon_Textes_Choisis_1910-1916

James-C-Scott-Contre-le-Grain-une-histoire-profonde-des-premiers-etats

James_C_Scott_L’art_de_ne_pas_être_gouverné

Manifeste pour la Société des Sociétés

Comprendre-le-systeme-legal-de-loppression-coloniale-pour-mieux-le-demonter-avec-peter-derrico1

Comprendre-le-systeme-legal-doppression-coloniale-pour-mieux-le-demonter-avec-steven-newcomb1

Effondrer le colonialisme

40ans_Hommage_Pierre_Clastres

6ème_déclaration_forêt.lacandon

confederalisme_democratique

Païens en terre promise, décoder la doctrine chrétienne de la découverte

 

Résistance et nouveau paradigme politique: L’esprit zapatiste

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, colonialisme, crise mondiale, démocratie participative, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, politique et social, résistance politique, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , on 13 février 2018 by Résistance 71

A lire également complémentarité oblige:

Manifeste de la societe des societes

effondrer le colonialisme

6ème_déclaration_forêt.lacandon

 

El votàn Zapata

 

Georges Lapierre

 

Octobre 2017

 

Source: https://www.lavoiedujaguar.net/El-Votan-Zapata

 

Dans un recoin du Mexique, le peuple zapatiste s’est soulevé en armes le 1er janvier de l’année 1994. Il était animé par un esprit, el votán Zapata. El votán Zapata c’est seulement l’esprit prophétique. Mais cet esprit prophétique n’est pas celui d’un homme, d’un individu, d’un prophète marchant à la tête de son peuple et faisant en sorte que les eaux se retirent devant lui. Le sous-commandant Moisés n’est pas lui-même prophète, ce nom ou ce surnom est seulement le signe de la prophétie, celui d’un monde à venir et à construire : « Votre jour était notre nuit, notre jour sera votre nuit. » Ce n’est pas non plus l’esprit révolutionnaire et religieux. Ce n’est pas annoncer ce qui va nécessairement arriver ; c’est s’engager dans ce qui advient, ne pas annoncer le mouvement, mais devenir mouvement, épouser son propre mouvement, redevenir humain en quelque sorte ; l’esprit prophétique est tout simplement l’esprit pragmatique, il est se réalisant.

Cet esprit pragmatique ou prophétique est celui des Indiens zapatistes, il n’est pas nécessairement le nôtre, nous pouvons même nous sentir exclus. Les zapatistes ne cherchent pas à imposer leur point de vue sur le monde comme point de vue unique sur le monde. Chacun est appelé à s’organiser à sa manière, selon son propre point de vue. C’est une cosmovision à rebrousse-poil de la nôtre (a contrapelo) et, représentant une véritable déflagration de nos certitudes les plus enfouies, elle ébranle notre subjectivité la plus profonde. Ne sommes-nous pas les enfants d’une civilisation qui s’impose comme point de vue unique sur le monde, celui des marchands ? Et faire la révolution ne serait-ce pas imposer un autre point de vue tout aussi unique sur le monde ? La vision que nous proposent les zapatistes, celle d’un monde qui contiendrait plusieurs mondes, prend à rebours la conception marxiste de la révolution à laquelle nous restons encore trop souvent attachés, quoi que nous en disions, dans les profondeurs de notre être, dans les profondeurs de ce que nous sommes. Les zapatistes portent la critique au cœur de notre monde, ils n’opposent pas un point de vue unique à un point de vue unique, un universalisme à un universalisme. Cette idée de pluralité (ou de « pluriversalité ») marque véritablement une rupture, c’est comme une grenade à fragmentations lancée au centre de l’unicité, en plein milieu de l’Un, de l’Unique !

La résistance des peuples face à l’hégémonie capitaliste est bien réelle. Cette résistance est une critique réelle du monde marchand, mais elle reste statique, elle fait du surplace, elle peut bien s’organiser et se construire, mais elle reste bloquée à la défense d’un mode de vie, elle s’attarde seulement à défendre son point de vue, elle n’est pas porteuse de l’idée qui lui permettrait d’aller au-delà de ce qu’elle défend, elle n’est pas animée par l’esprit prophétique, par le souffle qui met en branle le mouvement, l’ollin. El votán Zapata est ce souffle. L’idée de pluriversalité est ce souffle, elle est en porte-à-faux avec celle d’un monde unique et universel, elle offre un véritable changement de perspective : il n’y a pas un point de vue unique et universel sur l’homme et le monde, mais différents points de vue, c’est-à-dire différents modes de vie, qui sont différents modes d’adaptations aux milieux géographiques : l`humain naît de la diversité.

Le cinquième Congrès national indigène s’est ouvert sur un coup de théâtre dont les échos et le bruit vont alimenter la rumeur pendant un certain temps et hanter les têtes fragiles. La pièce a commencé le premier jour de la rencontre, lundi, et à huis clos. Elle se jouait entre les délégués du CNI et la comandancia de l’EZLN au grand complet ; et impossible de s’approcher de l’auditorium pour écouter aux portes !

Pourtant vers cinq heures de l’après-midi, tous ont dû sortir pour aller manger et, malgré un cordon de sécurité qui nous interdisait de les rejoindre, le secret, tout relatif, des délibérations a filtré et notre curiosité a été satisfaite. Enfin nous avons fini par savoir ce qui se tramait et ce qui pouvait bien les retenir pour un débat si long et si intense ! D’ailleurs ce débat, tout particulièrement animé, n’était pas terminé et il allait reprendre après le repas pour se poursuivre jusqu’au soir.

Mais qu’est-ce qui pouvait bien susciter une telle discussion ?

Profitant d’une ouverture de la future élection présidentielle, sous certaines conditions [1], à des candidats indépendants, la comandancia avait proposé aux délégués du CNI de présenter une candidate à l’élection présidentielle de 2018. Une telle proposition, prenant à contre-pied les convictions les plus affirmées concernant le rejet des partis et, plus généralement, de la politique, a dérouté bien des gens et suscité un lever de boucliers, non seulement parmi les délégués, mais aussi parmi les adhérents à la Sexta présents à ce rendez-vous. Les zapatistes seraient-ils retombés dans leur travers et leurs vieux démons, plus exactement, leur vieux démon au singulier : le ou la politique ?

Ce cinquième Congrès national indigène eut lieu au Cideci-Unitierra, San Cristóbal de Las Casas, Chiapas, du 9 au 14 octobre 2016. Nous sommes maintenant en octobre 2017, un an exactement s’est écoulé, et sans doute beaucoup d’encre, depuis l’annonce de la participation du Congrès national indigène à l’élection de 2018 : le Conseil indigène de gouvernement (CIG) est constitué. Il est formé de couples (une conseillère, un conseiller) nommés par leurs assemblées (communales, régionales ou de quartiers) et en tenant compte de la répartition géographique des peuples indiens dans tout le Mexique. Il y a actuellement environ 141 conseillères et conseillers (de 35 peuples et de 62 régions) et à l’heure où j’écris, ils rendent visite avec d’autres délégués aux cinq caracoles zapatistes. La porte-parole de ce Conseil indigène de gouvernement, et qui sera candidate à l’élection présidentielle de 2018, est désignée, il s’agit d’une jeune femme indienne Maria de Jesús Patricio Martínez, Marichuy, qui fait partie du Congrès national indigène (CNI) depuis 1996. Elle vient de faire enregistrer sa précandidature à l’INE (Institut national électoral). Actuellement elle participe à la tournée et elle est reçue par les conseils de bon gouvernement dans les caracoles des zones zapatistes.

« Considérant que l’offensive contre les peuples ne cessera pas mais qu’elle augmentera jusqu’à ce que la dernière trace de ce que nous sommes en tant que peuples porteurs d’un profond mécontentement, se métamorphosant aussi en de nouvelles et diverses formes de résistances et de rébellions, le cinquième Congrès national indigène a décidé d’initier une consultation ; cette consultation auprès de nos peuples a pour fin d’abattre d’en bas le pouvoir que ceux d’en haut nous imposent, nous apportant un panorama de mort, de violence, de pillage et de destruction. » (Communiqué du CNI suite à ce cinquième Congrès national intitulé « Que retiemble en sus centros la tierra » [2].)

Comment entendre cette initiative zapatiste ? Ou, plus précisément, comment faire entendre cette initiative à des Européens, à des gens qui sont comblés de marchandises et qui vivent dans le royaume merveilleux de Walt Disney ?

El votán Zapata est l’esprit qui ne meurt jamais ou, plus exactement, qui meurt et qui toujours renaît. C’est l’esprit de révolte, l’esprit rebelle, l’esprit du guerrier qui sourd de la montagne et qui s’étend dans la vallée, c’est l’esprit des hautes plaines et des déserts arides, c’est l’esprit sioux, l’esprit apache, l’esprit Zapata. Il touche à l’imaginaire d’un peuple ou des peuples, il se confond donc avec la réalité, une autre réalité que celle que nous connaissons, nous qui nous nous mouvons dans le monde de l’apparence. Les jeunes, parfois la saisissent ou les rêveurs, les poètes, les voyants et les voyous, les suicidés de la société. Les zapatistes nous plongent au cœur de la réalité, au cœur de notre époque, au cœur de notre temps, au cœur du Mexique contemporain, au cœur de la guerre. Pouvons-nous entendre cela ?

Sous le fallacieux prétexte de faire la guerre au narcotrafic, l’État mexicain, appuyé par les États-Unis (cf. plan Mérida) et soutenu par l’Europe des banquiers et des marchands, mène, depuis plus de dix ans, une guerre contre-insurrectionnelle d’une ampleur inouïe [3]. Il s’agit de faire place nette aux multinationales et à leurs projets « extractivistes » (mines, pétrole, monoculture, déforestation) et d’infrastructures (ports, barrages, voies de communication), et d’en finir une bonne fois pour toutes avec la résistance des peuples et, plus généralement, de la population, à cette nouvelle occupation de leur territoire et à cette mainmise sur leur vie. Cette guerre vise principalement les peuples qui vivent encore sous le régime ou sous le modèle communaliste, il s’agit de détruire leur capacité à reproduire leur vie communale, réduisant ainsi à néant leur possibilité d’exister en marge d’un capitalisme triomphant. C’est que, d’une part, leur résistance était, en soi, une critique réelle, effective, du capitalisme, la seule véritable critique du capitalisme, et que, d’autre part, le capitalisme en tant qu’aliénation de la pensée se nourrit de tout ce qui n’est pas aliéné, il se nourrit de toutes les formes de vie qui reposent sur une conception de l’échange autre que celle du marchand.

Plus qu’une offensive étatique, nous sentons bien que nous avons affaire à une offensive d’une tout autre dimension, celle d’un état d’esprit, d’un point de vue totalitaire sur le monde, d’une idéologie, celle d’Ubu roi. Les pataphysiciens pouvaient bien rigoler et faire preuve d’un humour décapant, leur lucidité annonçait l’horreur d’aujourd’hui : le pouvoir sans borne de l’individualisme conquérant et triomphant, s’érigeant sur des monceaux de cadavres. Et nous voyons les militaires, les policiers, les paramilitaires et les parapoliciers des cartels de la drogue unir leurs forces pour faire disparaître les personnes jugées indésirables, assassiner, massacrer, torturer, et semer la terreur dans les villages et les quartiers populaires. Sous la pression « géologique » d’un marché planétaire, nous assistons dans les entrailles du pays à une recomposition de la classe sociale qui gouverne le Mexique. Rien n’arrête ce mouvement aveugle, puissant et obstiné : s’appuyer sur cette complicité occulte de classe pour s’enrichir au plus vite et par tous les moyens. Parfois des scandales éclatent et des gouverneurs trop pressés et trop gourmands se font prendre la main dans le sac, toujours trop tard, entre-temps, ils ont pu, avec l’appui de tout l’appareil d’État et la complicité des bandes criminelles, mettre à feu et à sang toute une région. Cette classe sociale se reconstitue en s’appuyant sur le trafic de l’amapola (opium) ; ce trafic lui apporte des sommes considérables lui permettant d’étendre ses ramifications en profondeur et de prendre peu à peu le contrôle de l’ensemble de l’activité marchande du pays. Telle est la réalité du Mexique aujourd’hui, et cette réalité est celle d’une guerre sociale à outrance. La disparition de 43 étudiants de l’école rurale d’Ayotzinapa et l’assassinat de six personnes à Iguala (Guerrero) dans la nuit du 26 au 27 septembre 2014 montrent à l’évidence cette complicité d’intérêts qui définit une classe sociale : sous le regard de l’armée et avec la participation active des forces fédérales, la police municipale d’Iguala a pu enlever 43 étudiants et les faire disparaître [4], puis un commando a pu assassiner six personnes et se lancer à une chasse à l’homme avant de torturer à mort [5], pour l’exemple, un normalien. Cette même police municipale s’était livrée pendant des années à l’extorsion, la prise d’otages et l’assassinat en toute impunité.

C’est au sein d’un tel contexte social et politique qui s’annonçait dès la fin du XXe siècle, que sont apparus sur la scène publique, en janvier 1994, les zapatistes. Et ils y sont toujours ! Qui sont-ils ? Serait-ce Defensa Zapatista, cette gamine à la langue bien pendue capable même d’en remontrer au fameux sous-commandant Galeano ex-subcomandante Marcos ? Oui, oui, c’est bien possible. Ce sont en premier lieu des Indiens, c’est-à-dire des personnes qui se définissent par une culture qui leur est propre et qui repose sur un vivre ensemble autour d’un bien commun ; cette culture s’oppose en tout point à la civilisation occidentale, chrétienne et capitaliste, qui privilégie l’individualisme marchand au détriment de la communalité et de l’intérêt commun. Ensuite ce sont des Indiens en guerre contre un système, ledit système capitaliste qui repose sur la spéculation concernant les échanges marchands à venir. Dans el votán Zapata, Zapata n’incarne pas l’esprit de la guerre en tant qu’individu, il incarne l’esprit de la lutte en tant qu’être collectif, c’est le peuple en arme, le peuple en guerre, le peuple qui se soulève. Il est véritablement l’être du peuple indien en guerre. Et c’est bien ce que sont actuellement les zapatistes dans ce recoin du Sud-Est mexicain. Ils ne font pas la guerre avec des bombes, des avions, des hélicoptères, ils n’en ont pas les moyens, mais cela ne signifie pas qu’ils ne sont pas en guerre contre tout un monde et que tout un monde ne leur fait pas la guerre. Dans ce jeu de la guerre, la puissance de feu et de destruction est du côté de l’Empire, qui hésite jusqu’à présent à s’en servir par crainte d’une réaction de la société mexicaine et internationale qu’il ne maîtriserait pas ou qu’il maîtriserait mal [6], mais il reste à l’affût de la moindre provocation qui justifierait un massacre de la population en lutte ; du côté zapatiste, à partir de cette situation en équilibre précaire à laquelle je viens de faire allusion, il leur reste l’intelligence stratégique leur permettant de sortir de l’isolement social dans lequel ils sont maintenus (ou dans lequel on cherche à les maintenir).

L’existence des zapatistes ne tient qu’à leur détermination de guerriers ; que cette détermination se relâche, et ils seront emportés comme fétus de paille. Les États-Unis, la CIA et le gouvernement du Mexique ont surtout cherché à isoler les zapatistes ; cette guerre dite de basse intensité consiste principalement pour ces stratèges à tenter de réduire l’influence zapatiste et à la maintenir dans des limites qu’ils jugent acceptables et surtout contrôlables. Ils ont ainsi mis en œuvre toute une politique d’assistance généralisée qui profite principalement à certains caciques indigènes et métis, et ont favorisé la création de groupes paramilitaires locaux fortement armés et instruits à la lutte antiguérilla par les militaires eux-mêmes. Cette politique a été intense et visible surtout au début avec des conséquences tragiques comme l’assassinat programmé de 45 personnes à Acteal en décembre 1997, elle s’est poursuivie, mais plus discrètement, jusqu’à nos jours. Pour reprendre avec une intensité accrue aujourd’hui en réponse à la dernière initiative zapatiste.

Face à cette situation, les zapatistes ont riposté dans deux directions : ils ont cherché à rompre l’état de siège dans lequel le gouvernement voulait les maintenir, ce fut le sens de l’« autre campagne » en 2006, qui s’est déroulée au moment de l’élection présidentielle marquée par la victoire très contestable de Felipe Calderón, représentant de la droite, sur López Obrador, représentant de la gauche progressiste. L’année 2006 fut aussi marquée par la terrible répression des opposants à l’aéroport à Atenco, où nous pouvons voir comme une menace et comme la violente réaction de l’État mexicain, tous partis confondus, à l’« autre campagne » [7]. Parallèlement à cette direction, les zapatistes ont continué à renforcer intérieurement leur autonomie vis-à-vis de l’État mexicain. Ils ont ainsi abouti à la création de zones autonomes que je qualifierai d’irréductibles, ne laissant aucune prise sur eux, ne laissant pas la moindre ouverture entrebâillée par laquelle l’État mexicain pourrait s’immiscer petit à petit dans leur vie. Ils refusent tout subside de la part du gouvernement. Ce sont véritablement des zones autonomes incorruptibles, absolument imperméables à toute influence, à toute velléité d’influence ou de pression venues de l’extérieur. Ce sont bien les zapatistes qui décident à travers leurs assemblées de base dans un mouvement de va et vient continuel entre le Comité clandestin révolutionnaire et la population zapatiste.

N’importe quel quidam peut déclarer la guerre au capital, cela ne mange pas de pain, mais mener une guerre contre le capital, c’est une autre histoire et arriver à tenir pendant plus de vingt ans, c’est encore une autre histoire ! Nous éprouvons parfois quelques difficultés à saisir cet aspect d’une telle proposition : construire un autre monde. La mollesse d’une vie soumise nous interdit d’en percevoir toute la rigueur.

J’ai tracé d’une façon bien sommaire le cadre dans lequel s’inscrit l’initiative zapatiste de présenter une candidate indienne à l’élection présidentielle de 2018 : reprendre l’offensive là où l’État et l’ensemble des forces contre-insurrectionnelles ne l’attendent pas, l’élection présidentielle ; et mettre cette offensive sous le feu des projecteurs, sous les lumières d’une élection nationale, en plein jour en quelque sorte (alors que l’on pouvait s’attendre que cette offensive soit cachée, occultée, clandestine). Ensuite nous avons affaire à une candidate qui ne cherche pas à être élue, qui refuse l’argent de l’Institut national électoral, qui est la porte-parole d’un gouvernement déjà constitué : le Conseil indigène de gouvernement. On aura beau dire, c’est tout de même une manière de prendre tout le monde dominant, tous ceux d’en haut, à contre-pied et nous en revenons à l’art du football et à Defensa Zapatista. Voilà une femme indienne, qui selon les vues de ceux d’en haut, se trouve tout en bas de l’échelle sociale, qui va parler aux Mexicains, aux gens sans qualité, à ceux qui sont tout en bas, justement, et pour ne rien leur proposer : à eux de s’organiser, à eux de se défendre, à eux de réagir, ils n’ont rien à attendre d’elle, comme ils n’ont rien à attendre des autres candidats !

Comme dans toute initiative de ce genre, la part d’incertitude est grande, cette initiative se présente à la fois comme un pari et un défi. Elle est, dans le sens précis du terme, une provocation. Elle ne provoque pas, comme nous pourrions le croire, le gouvernement, ni les riches, ni cette classe de nouveaux riches qui se constitue, ni l’État mexicain, non, elle provoque la société mexicaine, elle provoque la population mexicaine, elle provoque les Mexicains. Confrontés au mal qui les touche, confrontés à un malheur commun, sauront-ils organiser et construire une réponse collective ou bien vont-ils opter pour un individualisme frileux et « sauve-qui-peut » sous la tutelle des gagnants ? Et nous ignorons comment les Mexicains vont réagir. Les zapatistes l’ignorent, mais le gouvernement aussi l’ignore et il s’inquiète, les riches aussi l’ignorent et ils s’inquiètent, la classe des nouveaux riches aussi, l’État aussi l’ignore. C’est un pari sur l’homme et la femme, c’est un pari sur nous-mêmes et sur notre futur.

¡Viva Zapata !

Notes

[1] Avoir le soutien de 1 % des électeurs (plus de 800 000 signatures de soutien) sur au moins dix-sept États et être majoritaire dans trois États. C’est loin d’être gagné !

[2] « Que tremble en ses centres la terre », paroles de l’hymne national mexicain reprises par le CNI comme titre pour le compte-rendu de ces journées.

[3] En 2014, le Mexique se trouvait en troisième position derrière la Syrie et l’Irak quant aux pertes civiles dues aux conflits armés (International Institute for Strategic Studies, 2015).

[4] Les plus hauts responsables de l’État savent très bien ce que sont devenus les 43 normaliens.

[5] Il fut écorché vif.

[6] En 1994, la société mexicaine avait manifesté massivement contre la guerre et la terrible répression dans laquelle s’était engagé le gouvernement, et des négociations pour la paix eurent lieu.

[7] Cette année allait aussi être marquée par la « commune » d’Oaxaca, vaste mouvement social de rejet du gouverneur et de ce qu’il pouvait bien représenter.

Communiqué du Conseil National Indigène et de l’EZLN (Chiapas, Mexique) juin 2017

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, colonialisme, guerres hégémoniques, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, politique et social, résistance politique, société libertaire, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , on 30 juin 2017 by Résistance 71

Précisions nécessaires et intéressantes du CNI sur la présentation de leur porte-parole aux élections présidentielles mexicaines de 2018… A suivre…

~ Résistance 71 ~

 

Voici venu le temps

 

Conseil National Indigène (CNI) et EZLN

 

27 juin 2017

 

url de l’article en français:

http://www.lavoiedujaguar.net/Voici-venu-le-temps 

 

Au peuple du Mexique

Aux peuples du monde

Aux médias

À la Sexta nationale et internationale

Depuis l’assemblée constitutive du Conseil indigène de gouvernement, où nous nous sommes donné rendez-vous, nous les peuples, communautés, nations et tribus du Congrès national indigène : Apache, Amuzgo, Chatino, Chichimèque, Chinantèque, Chol, Chontal d’Oaxaca, Chontal du Tabasco, Coca, Cuicatèque, Métis, Hñähñü, Ñathö, Ñuhhü, Ikoots, Kumiai, Lakota, Mam, Matlazinca, Maya, Mayo, Mazahua, Mazatèque, Me’phaa, Mixe, Mixe-Popoluca, Mixtèque, Mochó, Nahua ou Mexicain, Nayeri, Popoluca, Purépecha, Q’anjob’al, Rarámuri, Tének, Tepehua, Tlahuica, Tohono Odham, Tojolabal, Totonaque, Triqui, Tseltal, Tsotsil, Wixárika, Xi’iuy, Yaqui, Binniza, Zoque, Akimel O’otham, Comkaac, nous livrons au monde notre parole urgente.

La guerre que nous vivons et à laquelle nous sommes confrontés

Nous nous trouvons dans une époque lourdement chargée de violence, de peur, de deuil et de rage, en raison de l’exacerbation de la guerre capitaliste contre toutes et tous sur le territoire national. Nous voyons des femmes assassinées pour le fait d’être femmes, des enfants pour le fait d’être enfants, des peuples pour le fait d’être peuples.

La classe politique s’est obstinée à faire de l’État une entreprise qui vend la terre appartenant aux peuples originaires, aux paysans, aux gens des villes ; qui vend les personnes comme si c’était des marchandises que l’on tue et que l’on enterre en tant que matière première des cartels de la drogue ; qui les vend aux entreprises capitalistes pour qu’elles les exploitent jusqu’à ce qu’elles soient malades ou qu’elles meurent, et pour les vendre en morceaux sur le marché noir des organes.

La douleur des familles de disparus et leur détermination à les retrouver malgré l’acharnement des gouvernements pour qu’on ne les retrouve pas, par là aussi se révèle la pourriture qui commande dans ce pays.

Voilà le destin que ceux d’en haut construisent pour nous, comptant sur la destruction du tissu social. Ils détruisent ce que nous savons et qui fait de nous des peuples, des nations, des tribus, des quartiers et même des familles, pour nous isoler dans notre chagrin, pendant qu’ils renforcent leur mainmise sur des territoires entiers, dans les montagnes, dans les vallées, le long des côtes, dans les villes.

C’est la destruction que nous avons non seulement dénoncée, mais aussi affrontée durant vingt ans. Elle se transforme dans la majeure partie du pays en une guerre ouverte que les entreprises criminelles mènent avec la complicité assumée de tous les organes du mauvais gouvernement, de tous les partis politiques et de toutes les institutions. Tous ensemble, ils configurent le pouvoir d’en haut et sont l’objet du dégoût de millions de Mexicains des campagnes et des villes.

Au milieu de ce dégoût, ils continuent à nous dire de voter, de croire au pouvoir d’en-haut ; ils continuent à dessiner et à nous imposer notre destin.

Dans cette direction nous ne voyons grandir que la guerre, avec la mort à l’horizon et la destruction de nos terres, de nos familles, de notre vie ; avec la certitude absolue que ça deviendra pire, bien pire, pour tous et pour toutes.

Notre pari

Nous réitérons que c’est seulement dans la résistance et la rébellion que nous avons trouvé les chemins possibles pour continuer à vivre ; qu’en elles se trouvent les clés, non seulement pour survivre à la guerre que mène l’argent contre l’humanité et contre notre Terre-Mère, mais aussi pour renaître ensemble, avec chacune des graines que nous sèmerons, avec chaque rêve et avec chaque espoir qui se matérialise peu à peu sur de grandes régions au travers de formes autonomes de sécurité, de communication, de gouvernements propres assurant la protection et la défense des territoires. C’est pourquoi il n’y a pas d’autre chemin possible que celui qui se construit tout en bas, car en haut ce n’est pas notre chemin, c’est le leur, et nous les dérangeons.

Ces uniques alternatives, nées de la lutte de nos peuples, se trouvent dans les géographies indigènes de tout notre Mexique, et ensemble, nous sommes le Congrès national indigène, et nous avons décidé de ne pas attendre le désastre où nous conduisent inéluctablement les tueurs à gages capitalistes qui gouvernent, mais de passer à l’offensive et faire de cet espoir un Conseil indigène de gouvernement pour le Mexique, qui parie sur la vie depuis le bas et la gauche anticapitaliste, qui soit laïque, et qui réponde aux sept principes du « commander en obéissant » constituant notre garantie morale.

Aucune revendication de nos peuples, aucune détermination ni aucun exercice d’autonomie, aucun espoir devenu réalité n’a répondu aux temps et aux formes électorales que les puissants appellent démocratie. C’est pourquoi nous ne prétendons pas seulement leur arracher le destin qu’ils nous ont enlevé et qu’ils ont déshonoré, nous prétendons démonter ce pouvoir pourri qui est en train de tuer nos peuples et la Terre-Mère, et les seules brèches que nous avons trouvées pour libérer des consciences et des territoires en apportant consolations et espoir se trouvent dans la résistance et la rébellion.

Par accord de notre assemblée constitutive du Conseil indigène de gouvernement, nous avons décidé de nommer comme porte-parole notre compañera María de Jesús Patricio Martínez, du peuple nahuatl, dont nous chercherons à faire apparaître le nom sur les bulletins électoraux pour la présidence du Mexique de l’année 2018, qui sera porteuse de la parole des peuples formant le Conseil indigène de gouvernement, lui-même hautement représentatif de la géographie indigène de notre pays.

Et donc, nous ne cherchons pas à administrer le pouvoir, nous voulons le démonter depuis les brèches dont nous savons être capables.

Notre appel

Nous avons confiance en la dignité et l’honnêteté de ceux qui luttent ; des professeurs, des étudiants, des paysans, des ouvriers, des journaliers, et nous voulons que s’approfondissent les brèches façonnées par chacun d’eux en démontant de la plus petite à la plus grande échelle le pouvoir d’en haut. Nous voulons ouvrir tellement de brèches qu’elles en deviennent notre gouvernement anticapitaliste et honnête.

Notre appel va aux milliers de Mexicains et Mexicaines qui ont cessé de compter leurs morts et leurs disparus. Qui, dans le deuil et la souffrance, ont levé le poing et, avec la menace d’y laisser en échange leur propre vie, se sont élancés sans craindre la taille de l’ennemi, et ont vu que des chemins existent bel et bien, dissimulés sous la corruption, la répression, le mépris et l’exploitation.

Notre appel s’adresse à ceux qui croient en eux-mêmes, au compagnon qui se trouve à leur côté, en leur histoire et en leur futur. Il appelle à ne pas avoir peur de faire quelque chose de nouveau, car ce sentier est le seul qui donne de l’assurance à nos pas.

Notre appel vise à nous organiser dans tous les recoins du pays afin de réunir les éléments nécessaires pour que le Conseil indigène de gouvernement et notre porte-parole soit inscrite comme candidate indépendante à la présidentielle de ce pays et oui, leur gâcher leur fête fondée sur notre mort, et réaliser la nôtre, fondée sur la dignité, l’organisation, la construction d’un nouveau pays et d’un nouveau monde.

Nous convoquons tous les secteurs de la société à être attentifs aux étapes qui naîtront de l’accord et seront définis par le Conseil indigène de gouvernement à travers notre porte-parole. À ne pas nous rendre, ne pas nous vendre, ne pas dévier, ni nous fatiguer de tailler la flèche qui portera l’offensive de tous les peuples indigènes et non indigènes, organisés et non organisés, pour la pointer vers le véritable ennemi.

Depuis le Cideci-Unitierra,

San Cristóbal de Las Casas, Chiapas,

le 28 mai 2017.

Pour la revendication intégrale de nos peuples

Plus jamais un Mexique sans nous

Congrès national indigène
Armée zapatiste de libération nationale

Résistance politique pour une societé des sociétés: le Conseil National Indigène et l’heure des peuples…

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Voilà une source de départ de la société des sociétés… Que 2017 soit fructueuse ! Les nations indigènes nous montrent la voie (du jaguar… 😉 )

~ Résistance 71 ~

 

Es la hora de los pueblos

C’est l’heure des peuples

 

Georges Lapierre

 

6 janvier 2017

 

url de l’article en français:

http://www.lavoiedujaguar.net/Es-la-hora-de-los-pueblos

 

Es el momento de los pueblos, de sembrarnos y reconstruirnos.
 Es el momento de pasar a la ofensiva…

Le moment des peuples est venu, celui de semer ce que nous sommes et de nous reconstruire.
 C’est le moment de passer à l’offensive [1].

C’est l’heure des peuples ou de nos peuples, affirme le Congrès national indigène, c’est vite dit et pourtant… Comme si nous nous trouvions au début d’une aventure, sur la ligne d’un départ, nous ne savons pas encore où cela va nous mener, cette entrée dans l’action, ce commencement à être, cette affirmation de ce que nous sommes, de ce que nous aimons, de ce que nous voulons, de nos désirs, de nos souhaits : se mettre en mouvement, les premiers pas, la première parole, dans le sens où l’entendent les Kanak, le premier acte d’une aventure qui consiste à construire un autre monde, une alternative au capitalisme, un monde qui contiendrait d’autres mondes, d’autres vies, d’autres modes de vie. Il faut bien commencer, sans doute allons-nous trébucher au premier pas, pour nous relever ou pour ne pas nous relever. Nous n’avons pas une idée bien définie de ce que nous cherchons, ce n’est pas une idéologie qui nous anime, mais le refus d’être emportés par cette tourmente dévastatrice de toute forme de vie sociale qu’est devenu notre présent. Nous ne partons pas de rien, nous ne partons pas du vide, de cette apesanteur sociale dans laquelle tournent les individus du premier monde, nous ne sommes pas des individus isolés, nous partons de ce que nous sommes encore, de ce qui nous constitue encore : un vivre ensemble, un savoir-vivre, une communauté de pensée. Nous partons de notre mémoire, de notre histoire, de nos nostalgies, de nos usages, de nos coutumes, ce que l’on appelle couramment la tradition. Nous nous appuyons sur quelques fondamentaux qui rendent possible un vivre ensemble : la prise en commun des décisions touchant la collectivité, c’est le rôle de l’assemblée, elle est souveraine, incontournable. Aucune décision nous concernant ne peut venir d’ailleurs, d’en haut, pour nous être imposée contre notre volonté. À cela, nous pouvons ajouter un autre élément, le dialogue, le va-et-vient incessant entre les institutions collectives et l’assemblée ou les différentes assemblées communautaires. Le Conseil indigène de gouvernement reposera sur ce va-et-vient, sur un continuel dialogue entre les déléguées et délégués qui composent ce Conseil de gouvernement et les différentes assemblées communautaires qui les ont désignés.

Du 29 décembre au 1er janvier 2017 eut lieu la deuxième étape du Congrès national indigène. Cette rencontre s’est tenue au Cideci de San Cristóbal de Las Casas. Y étaient invités les délégués des peuples consultés au sujet de la constitution d’un Conseil indigène et de la participation d’une candidate indienne à l’élection présidentielle de 2018. Le Congrès National Indigène s’est ainsi trouvé subitement grossi de tous ces délégués issus des 43 peuples et des 523 communautés qui ont pu être consultés dans 25 États de la République mexicaine — ce qui n’a pas été sans poser quelques problèmes de préséance, mal réglés, à mon sens, par la distinction entre délégués participants et délégués observateurs. Tous ces mandataires ont bien précisé qu’ils ne voulaient pas de partis politiques ni de programmes de gouvernement sur leurs territoires, mais qu’ils retenaient la proposition de l’EZLN et du CNI de former un Conseil indigène de gouvernement, dont le porte-parole serait une candidate indienne à la présidence de la République. « Il n’est pas dans nos intentions de batailler avec les partis politiques et toute la classe politique… Nous ne prétendons pas rivaliser avec eux. Nous ne sommes pas du même monde… Nous ne sommes pas leurs paroles mensongères et perverses. Nous sommes la parole collective venue d’en bas, à gauche, celle qui secoue le monde…
Pretendemos sacudir la conciencia de la nación, que en efecto pretendemos que la indignación, la resistencia y la rebeldía figuren en las boletas electorales de 2018. Nous prétendons secouer la conscience de la nation, nous prétendons, en effet, que l’indignation, la résistance et la rébellion figurent dans les bulletins électoraux de 2018. » Il fut aussi précisé le premier jour, au cours de la lecture des accords, qu’il ne fut pas toujours possible de réaliser cette consultation à cause de l’insécurité due à la présence des narcotrafiquants. Il y eut tout de même 430 actes signés par les communautés approuvant l’initiative de l’EZLN et du CNI. Entre janvier et mai, d’autres actes d’approbation devraient parvenir au CNI.

Il devait y avoir entre 700 et 1 000 délégués, qui ont fait le voyage depuis le Nord désertique du Mexique jusqu’aux montagnes pleines de brouillard du Sud-Est mexicain ; aussi bien ceux qui, comme les Yaquis du Sonora, les Wixáritari de Jalisco, les Purhépechas de Cherán ou les Nahua d’Ostula dans le Michoacán, ont marqué l’histoire récente des luttes indiennes pour l’autonomie que tous ceux qui s’organisent et qui résistent obstinément, au quotidien, pour défendre leur territoire, leur coin de vie, face aux grands projets multinationaux, des chauffeurs indigènes des taxis de Xochimilco ou des vendeurs ambulants de la capitale aux déléguées et délégués des villages perdus dans les montagnes de la Sierra Sur de l’Oaxaca. Tous sont appelés à désigner les membres, femmes et hommes, qui formeront le Conseil national indigène de gouvernement ainsi que la future candidate, qui sera la voix de ce Conseil lors de la compétition électorale de 2018. Cette prochaine étape du cinquième Congrès national indigène aura lieu le 27 et 28 mai.

Au cours de cette rencontre, un contraste a pu se faire jour entre différentes attitudes, entre l’éthique qui préside aux rapports entre les gens dans les petites communautés campagnardes, marquée par le respect mutuel, l’attention, la patience et l’écoute, et l’individualisme caractérisé par le machisme, l’irrespect et le goût pour le pouvoir, avec ce qu’il suppose de petits secrets, de commandements et de passe-droits. Sans aucun doute, les peuples indigènes sauront se garder de l’intrusion dans leur projet d’attitudes et de comportements contraires à l’éthique dont ils sont porteurs. Au-delà de présenter un mode de gouvernement respectueux des vœux de la population, ils proposent aussi, et surtout, une éthique de vie, une manière d’être ensemble reposant sur un certain nombre de règles acquises dès l’enfance, reconnues et assimilées par tous — pour former ainsi une communauté de pensée. L’art du bon gouvernement repose d’ailleurs sur cet art de vivre en collectivité, il en est l’émanation. Cette éthique sourd de la vie communautaire, de la réciprocité des échanges et de la reconnaissance mutuelle (en tant que sujet social).

Le samedi 31 fut consacré à une discussion en groupes réduits (trois tables de discussion) sur deux sujets : les chemins du Congrès national indigène face à la spoliation, au dédain, à l’exploitation capitaliste, et le renforcement de nos résistances et de nos rébellions. C’est le premier thème de discussion, le second portant sur les étapes pour la constitution du Conseil indigène de gouvernement pour le Mexique et la nomination de la candidate pour 2018. La fin de la journée fut consacrée à la synthèse des réponses apportées à ces deux questions. Deux phénomènes préoccupent au plus haut point les peuples indiens : l’activité minière et les projets de mines à ciel ouvert des entreprises transnationales, soutenus et imposés par le gouvernement ; et, dans ce domaine, la militarisation du pays, reconnue tout dernièrement par une loi votée par le Parlement, est des plus inquiétantes (l’armée mexicaine aura désormais pour tâche de protéger et de défendre les intérêts des multinationales et les capitaux engagés au Mexique). L’autre phénomène particulièrement préoccupant est l’extension de la culture et du trafic de la drogue, qui, si elle offre des débouchés commerciaux aux petits paysans, favorise, avec la complicité du pouvoir politique (des pouvoirs politiques, devrai-je dire), la constitution de bandes armées à caractère paramilitaire.

Il est encore trop tôt pour entreprendre une analyse critique des courants souterrains qui parcourent ce mouvement naissant, lui conférant force ou faiblesse. Cependant je me permettrai deux remarques, l’une concernant son implication dans la société mexicaine, l’autre touchant le pragmatisme du mouvement zapatiste. La société mexicaine se trouve dans une position des plus ambiguës : elle est emportée par un mouvement général de décomposition sociale accompagné d’une ouverture sur le monde prestigieux et enchanteur de la marchandise, cet accès soudain à la marchandise venant compenser dans une certaine mesure la perte des valeurs sociales. Le temps passé à gagner de l’argent, à travailler, donc, devient du temps perdu pour le plaisir de se retrouver. Je sens la société mexicaine hésitante, comme assise entre deux options : le goût pour la fête, la dépense somptuaire, la rencontre, la musique, la poésie, la danse, entraînant dans son sillage une activité effrénée, c’est un versant ; l’autre versant consiste à trouver de l’argent, travailler, s’exiler, ou survivre dans un état de manque permanent, frôlant la pauvreté et la misère, la cigale devant se faire fourmi si elle veut continuer à chanter. La société mexicaine peut avoir le sentiment, justifié, de se trouver coincée entre le chant de sirènes des marchandises, pour beaucoup inaccessibles, et le désenchantement permanent d’une vie sociale de plus en plus appauvrie. L’appel du CNI pourrait, non seulement, « secouer la conscience nationale », comme il est dit dans le communiqué, mais, plus fondamentalement, l’état de torpeur hypnotique dans lequel se trouve la société mexicaine.

Le mouvement zapatiste, quant à lui, semble avoir laissé de côté toute idéologie, il n’a pas abandonné pour autant la critique de ce qu’il appelle le système capitaliste, c’est toujours l’idée, ou, plutôt, le souhait qui l’anime, mais cette critique se fait pragmatique, elle s’accroche à ce qui existe, aux autres mondes, aux autres modes de vie, aux autres réalités sociales qui existent encore et qui, du simple fait de leur existence, sont une critique du « système-monde » capitaliste. Il ne s’agit pas de proposer ou d’imposer un modèle abstrait de gouvernement selon l’idée que l’on peut se faire d’un bon gouvernement, mais de partir d’un modèle existant, qui a fait ses preuves et qui a donné satisfaction. Les zapatistes partent de ce qu’ils ont construit à partir de ce qui existait déjà : la forme d’autogouvernement des communautés indiennes tzotziles, tzeltales, choles, tojolabales, mames et métisses du Chiapas. Ils ne proposent pas l’inconnu mais le déjà connu de la société autochtone, dont est en grande partie issue la société mexicaine, un retour aux sources vives de la société mexicaine, en quelque sorte. Ce pragmatisme les conduit à avoir une intelligence stratégique de la réalité ; ils ne se présentent pas comme une avant-garde révolutionnaire mais comme des hommes et des femmes engagés dans une guerre sociale terrible opposant, sur toute la planète, l’humain aux forces d’extermination représentées par le « système-monde » capitaliste.

Oaxaca, le 4 janvier 2017,

Georges Lapierre, avec la collaboration de Luna,
 déléguée de l’assemblée régionale chontale.

Notes

[1] Se reporter aux dernières déclarations du CNI, ¡Y retembló ! Informe desde el epicentro, diffusées par le CSPCL

Résistance au colonialisme: Déclaration du Congrès National Indigène et de l’EZLN (Trump ou pas…)

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QUE TREMBLE LA TERRE JUSQUE DANS SES ENTRAILLES [1]

Déclaration du Congrès National Indigène et de l’EZLN
(Octobre 2016)

2 novembre 2016

Source en français: Comité de Solidarité avec les Peuples du Chiapas en Lutte (CSPCL)

http://cspcl.ouvaton.org/spip.php?article1239

 

Aux peuples du monde

Aux médias libres

A la Sexta Nationale et Internationale

Convoqués pour la commémoration du 20e anniversaire du Congrès National Indigène et de la vive résistance des peuples, nations et tribus originaires de ce pays le Mexique, et qui parlentamuzgo, binni-zaá, chinanteco, chol, chontal de Oaxaca, coca, náyeri, cuicateco, kumiai, lacandón, matlazinca, maya, mayo, mazahua, mazateco, mixe, mixteco, nahua, ñahñu, ñathô, popoluca, purépecha, rarámuri, tlapaneco, tojolabal, totonaco, triqui, tzeltal, tsotsil, wixárika, yaqui, zoque, chontal du Tabasco ainsi que des frères aymara, catalan, mam, nasa, quiché ettacana, nous disons avec fermeté que notre lutte est en bas et à gauche, que nous sommes anticapitalistes et qu’est venu le temps des peuples, le temps de faire vibrer ce pays avec le battement ancestral du coeur de notre terre-mère.

C’est ainsi que nous nous sommes réunis pour célébrer la vie durant le Cinquième Congrès National Indigène qui a eu lieu du 9 au 14 octobre 2016 au CIDECI-UNITIERRA, Chiapas, là où encore une fois nous nous rendons compte de l’aggravation de la spoliation et de la répression qui n’ont pas cessées depuis 524 années quand les puissants ont initié une guerre ayant pour but d’exterminer ceux qui sommes de la terre et qui, étant ses enfants, n’avons pas permis sa destruction et sa mort au profit de l’ambition capitaliste qui ne connaît pas de but autre que cette même destruction. La résistance pour continuer à construire la vie, aujourd’hui se fait parole, apprentissage et accords.

Dans nos villages nous nous construisons chaque jour dans les résistances pour bloquer la tempête et l’offensive capitaliste qui ne cesse pas, mais devient au contraire chaque jour plus agressive et s’est convertie en une menace civilisationnelle, non seulement pour les peuples indigènes et paysans, mais aussi pour les peuples des villes qui doivent eux aussi créer des formes dignes et rebelles pour ne pas être assassinés, spoliés, contaminés, rendus malades, réduits en esclavage, séquestrés ou victimes de disparition forcée. Depuis nos assemblées communautaires nous avons décidé, expérimenté et construit nos destins depuis des temps immémoriaux, et c’est en ça que maintenir nos formes d’organisation et de défense de notre vie collective n’est pas possible autrement que par la rébellion face aux mauvais gouvernements, leurs entreprises et leur crime organisé.

Nous dénonçons que :

  1. Chez le peuple Coca, état de Jalisco, l’entrepreneur Guillermo Moreno Ibarra a envahi 12 hectares de forêt dans la hameau appelé El Pandillo, de mèche avec les institutions agraires, enutilisant la criminalisation de ceux qui luttent, ce qui a entrainé que 10 habitants soient convoqués par la justice durant 4 ans. Le mauvais gouvernement est en train d’envahir l’île de Mezcala qui est terre sacrée communale, tout en refusant dans le même temps de reconnaître le peuple coca dans la législation indigène de l’état, avec comme objectif de les effacer de l’histoire.
  2. Les peuples Otomi Ñhañu, Ñathö, Hui hú, et Matlatzinca de l’état de Mexico et du Michoacán sont en train d’être attaqués par le biais de l’imposition du méga-projet de construction de l’autoroute privée Toluca-Naucalpan et du train interurbain, détruisant maisons et lieux sacrés, achetant les consciences et falsifiant les assemblées communales avec la présence de la police, en plus des recensements truqués des membres des terres communales qui permettent de supplanter la voix de tout un peuple, de la privatisation et de la spoliation de l’eau et du territoire sur le volcan Xinantlécatl, plus connu sous le nom de Nevado de Toluca, auquel les mauvais gouvernements retirent la protection qu’eux-mêmes avaient mis en place pour les offrir aux entreprises touristiques. On sait que l’intérêt qui se cache derrière tous ces projets est de spolier l’eau et la vie de la région. Dans la zone du Michoacán l’identité est niée au peuple otomí, tandis qu’un groupe de gendarmes est entré dans la région pour garder les collines, interdisant aux indigènes de s’y rendre et de couper du bois.
  3. Quant aux peuples originaires résidents de la ville de México, ils se font spolier des territoires qu’ils ont conquis afin de pouvoir gagner leur vie en travaillant, en leur volant leurs marchandises et en utilisant la force policière. On les méprise et les réprime pour porter leurs habits et pratiquer leur langues, en plus du fait qu’on les criminalise en les accusant de vendre de la drogue.
  4. Le territoire du Peuple Chontal d’Oaxaca est envahi par les concessions minières qui démantèlent les terrains communaux, ce qui affectera 5 communautés, leurs habitants et leurs ressources naturelles.
  5. Chez le Peuple Maya de la péninsule du Campeche, Yucatan et Quintana Roo, des terres sont spoliées pour la culture de soja transgénique et de palme africaine, la contamination des nappesphréatiques par des produits chimiques agricoles, la construction de parcs éoliens, de fermes solaires, les projets d’écotourisme et d’entreprises immobilières. Ils sont de la même manière en résistance contre les tarifs élevés de l’électricité, ce qui a entraîné harcèlement et mandats d’arrêt. A Calakmul, Campeche, 5 communautés ont été expulsées par l’imposition d’aires naturelles protégées, les compensations pour les services écosystémiques et la fixation du carbone. A Candelaria, Campeche la lutte continue pour obtenir la certitude de la possession de la terre. Dans les 3 états une forte criminalisation est à l’oeuvre contre ceux qui défendent le territoire et les ressources naturelles.
  6. Quant au peuple Maya du Chiapas, Tzotzil, tzeltal, tojolabal, chol et Lacandón, on continue de les spolier de leurs territoires pour privatiser les ressources naturelles, ce qui a entrainé desemprisonnements et des assassinats de ceux qui défendent le droit à rester sur leur territoire. Ils sont discriminés et constamment réprimés lorsqu’ils se défendent et s’organisent pour continuer à construire leur autonomie, ce qui augmente les violations des droits de l’homme procédées par les forces de police. Il existe des campagnes de fragmentation et de division au sein des organisations, tout comme les assassinats de compañeros qui ont défendu leur territoire et leurs ressources naturelles à San Sebastián Bachajón. Les mauvais gouvernements continuent d’essayer de détruire l’organisation des communautés bases de soutien de l’EZLN, et d’assombrir l’espoir qui émane d’elles et qui offre une lumière à tout le monde.
  7. Le peuple Mazateco de Oaxaca a été envahi par des propriétés privées, où le territoire et la culture sont exploités pour le tourisme, comme la nomination de Huautla de Jiménez au titre de “Village Magique” pour rendre légale la spoliation et la commercialisation des savoirs ancestraux, cela accompagné de concessions minières et d’exploration de spéléologues étrangers dans les grottes existantes. Tout ceci imposé par un harcèlement croissant de la part des trafiquants de drogue et par la militarisation du territoire. Les féminicides et les viols des femmes dans la régionsont en augmentation, toujours avec la complicité par omission des mauvais gouvernements.
  8. Quant aux peuples Nahua et Totonaca de Veracruz et Puebla, ils s’affrontent aux fumigations aériennes qui rendent malades nos peuples. Il y a l’exploration et l’exploitation de minérais et d’hydrocarbures par le biais de la fracturation hydraulique et 8 sources sont en danger à cause de nouveaux projets qui contaminent les rivières.
  9. Les peuples Nahua et Popoluca du sud de Veracruz affrontent le harcèlement du crime organisé et subissent les risques de la destruction territoriale et de la disparition en tant que peuple du fait des menace de l’exploitation minière, des éoliennes et par dessus tout de l’exploitation des hydrocarbures à travers le fracking [fracturation hydraulique].
  10. Le Peuple Nahua, situé dans les états de Puebla, Tlaxcala, Veracruz, Morelos, Etat de Mexico, Jalisco, Guerrero, Michoacan, San Luis Potosi et dans la ville de México fait face à une lutte constante pour contenir l’avancée dudit “Projet Intégral Morelos”, qui comprend des gazoducs, des aqueducs et une centrale thermoélectrique. Les mauvais gouvernements désireuxd’arrêter la résistance et la communication des peuples, cherche à spolier la radio communautaire d’Amiltzingo, dans le Morelos. De même, la construction du Nouvel Aéroport de la Ville de México et les chantiers complémentaires menacent les territoires aux alentours du lac de Texcoco et du bassin de la vallée de México, principalement Atenco, Texcoco et Chimalhuacán. Tandisque dans le Michoacán, le peuple nahua fait face au saccage de ses ressources naturelles et minérales par des tueurs à gage accompagnés par la police ou l’armée et par la militarisation et laparamilitarisation de leurs territoires. Tenter d’arrêter cette guerre a entrainé l’assassinat, la persécution, l’emprisonnement et le harcèlement des leaders communautaires.
  11. Le peuple Zoque d’Oaxaca et du Chiapas fait face à l’invasion par des concessions minières et de supposée propriétés privées sur des terres communales de la région des Chimalapas ; également à trois centrales hydroélectriques et à l’extraction d’hydrocarbures par fracking. Il y a des zones-couloirs dédiées à l’élevage et en conséquence la coupe excessive des forêts pour en faire des prairies. Des semences transgéniques sont également cultivées. Dans le même temps il existe des migrants zoques dans différents états du pays qui reconstituent leur organisation collective.
  12. Le Peuple Amuzgo du Guerrero fait face à la spoliation de l’eau de la rivière San Pedro pour des zones résidentielles et pour l’approvisionnement de la ville d’Ometepec. Leur radio communautaire a été l’objet d’une persécution et de harcèlements constants.
  13. Le peuple Raramuri de Chihuahua subit la perte de surfaces de culture pour construire des routes, l’aéroport de Creel et le gazoduc qui arrive des Etats-Unis jusqu’à Chihuahua, en plus del’existence de projets miniers japonais, de barrages et du tourisme.
  14. Le peuple Wixárika de Jalisco, Nayarit et Durango se confronte à la destruction et la privatisation de leurs lieux sacrés dont dépendent tous leurs milieux sociaux, politiques et familiaux, àla spoliation de leurs terres communales au bénéfice de caciques, qui profitent de l’incertitude sur les limites entre les états de la République, et les campagnes de division orchestrées depuis les mauvais gouvernements.
  15. Le peuple Kumiai de Basse Californie continue de lutter pour la reconstitution de ses territoires ancestraux, contre les invasions de particuliers, la privatisation de leurs lieux sacrés et l’invasion des territoires par des gazoducs et des autoroutes.
  16. Le Peuple Purépecha du Michoacán a comme problème la déforestation, exercée grâce à la complicité entre les mauvais gouvernements et les groupes narcos-paramilitaires qui saccagent les forêts et les bois. Pour eux l’organisation souterraine des communautés est un obstacle au saccage.
  17. Chez le peuple Triqui de Oaxaca la présence des partis politiques, de sociétés minières, de paramilitaires et des mauvais gouvernements encouragent la désintégration des liens communautaires en vue du pillage de leurs ressources naturelles.
  18. Quant au peuple Chinanteco de Oaxaca, ils détruisent leurs formes d’organisation communautaire avec la répartition agraire, l’imposition des mécanismes de paiements pour les servicesenvironnementaux, pour la capture de carbone et l’écotourisme. Une autoroute à 4 voies est projetée qui traverse le territoire et le divise. Sur les rivières Cajono et Usila, les mauvais gouvernements ont projeté trois barrages qui auront des impacts sur les peuples chinantèques et zapotèques. Il y a des concessions minières et l’exploration de puits de pétrole.
  19. Le peuple Náyeri de Nayarit fait face à l’invasion et la destruction de leurs territoires sacrés sur le site dénommé Muxa Tena sur la Rivière San Pedro via le projet hydroélectrique Las Cruces.
  20. Le Peuple Yaqui de Sonora maintient la lutte sacrée contre le gazoduc qui traversera son territoire et en défense des eaux du fleuve Yaqui que les mauvais gouvernements ont décidé de faire venir jusqu’à la ville de Hermosillo, état de Sonora, malgré les décisions de justice et les recours internationaux qui ont fait la démonstration de la légalité et la légitimité de leurs arguments. Cela en s’appuyant sur la criminalisation et le harcèlement contre les autorités et les portes-paroles de la tribu Yaqui.
  21. Les peuples Binizza et Ikoot s’organisent et s’articulent pour contenir l’avancée des projets éoliens, miniers et hydroélectriques, des barrages et des gazoducs, spécialement dans la zone appelée Zone Économique Spéciale de l’isthme de Tehuantepec, et des infrastructures qui menacent le territoire et l’autonomie des peuples dans l’Isthme de Tehuantepec, qui sont qualifiés detalibans de l’environnement et de talibans des droits indigènes selon les paroles exprimées par l’Association Mexicaine de l’Énergie en référence à l’ Assemblée Populaire du Peuple Juchiteco.
  22. Le peuple Mixteco de Oaxaca subit la spoliation de son territoire agraire affectant du même coup ses us et coutumes via des menaces, des assassinats et des emprisonnements qui cherchent à faire taire les voix des mécontents, tout en promouvant des groupes paramilitaires armés par les mauvais gouvernements, comme c’est le cas pour San Juan Mixtepec, état de Oaxaca.
  23. Les peuples Mixteco, Tlapaneco et Nahua de la montagne et de la côte du Guerrero font face à l’imposition de mégaprojets miniers soutenus par le narcotrafic, ses paramilitaires et les mauvais gouvernement, qui se disputent entre eux les territoires des peuples originaires.
  24. Le mauvais gouvernement mexicain continue de mentir et d’essayer d’occulter sa décomposition et sa responsabilité absolue dans la disparition forcée des 43 étudiants de l’école normale rurale Raúl Isidro Burgos d’Ayotzinapa, Guerrero.
  25. L’Etat maintient séquestré les compañeros Pedro Sánchez Berriozábal, Rómulo Arias Míreles, Teófilo Pérez González, Dominga González Martínez, Lorenzo Sánchez Berriozábal et Marco Antonio Pérez González originaires de la communauté Nahua de San Pedro Tlanixco dans l’état de Mexico, le compañero zapotèque de la région Loxicha Álvaro Sebastián, les compañeros Emilio Jiménez Gómez et Esteban Gómez Jiménez, prisonniers originaires de la communauté de Bachajón, Chiapas, les compañeros Pablo López Álvarez, ainsi que Raúl Gatica García et Juan Nicolás López du Conseil Indigène et Populaire de Oaxaca Ricardo Flores Magón, maintenus en exil. Récemment un juge a dicté une sentence de 33 ans de prison contre le compañero Luis Fernando Sotelo pour avoir exigé la présentation en vie des 43 étudiants disparus d’Ayotzinapa, et sont maintenus séquestrés les compañeros Samuel Ramírez Gálvez, Gonzalo Molina González et Arturo Campos Herrera de la CRAC- PC (Coordination Régionale des Autorités Communautaires-Police Communautaire). Tout comme des centaines de prisonniers indigènes et non indigènes sont maintenus emprisonnés dans tout le pays pour défendre leurs territoires et exiger justice.
  26. Chez le peuple Mayo le territoire ancestral est menacé par des projets routiers visant à joindre Topolobampo avec l’état du Texas, Etats-Unis ; au moment même où d’ambitieux projets touristiques se dessinent dans la région de Barranca del Cobre.
  27. La nation Dakota voit son territoire sacré être envahi et détruit par des gazoducs et des oléoducs, raison pour laquelle un blocage permanent est maintenu pour protéger ce qui leur appartient.

Pour tout cela, nous réitérons que la protection de la vie et de la dignité, c’est à dire la résistance et la rébellion depuis en bas à gauche, est notre devoir auquel nous pouvons que répondre demanière collective. La rébellion donc, nous la construisons depuis nos petites assemblées dans des localités qui se joignent en de grandes assemblées communales, ejidales, de conseils de bon gouvernement, et en accords pris en tant que peuples, qui nous unissent sous une identité. A travers le partage, l’apprentissage et la construction de nous autres qui sommes le Congrès National Indigène, nous nous voyons et ressentons par le biais de nos douleurs, de nos mécontentements et de nos fondements ancestraux.

Pour défendre ce que nous sommes, notre cheminement et notre apprentissage se sont consolidés par le biais du renforcement des espaces collectifs où prendre des décisions, en recourant à des moyens juridiques nationaux et internationaux, à des actions de résistance civile pacifique, en mettant de côté les partis politiques qui n’ont généré que la mort, la corruption et l’achat des dignités, en faisant des alliances avec différents secteurs de la société civile, en fabriquant des moyens de communication à soi, des polices communautaires et des autodéfenses, desassemblées et des conseils populaires, des coopératives, l’exercice et la défense de la médecine traditionnelle, l’exercice et la défense de l’agriculture traditionnelle et écologique, les rituels etles cérémonies coutumières pour payer la terre-mère et continuer de cheminer avec elle et en elle, par la semence et la défense des graines natives, par des forums, des campagnes de diffusion et des activités socio-culturelles.

C’est cela le pouvoir d’en bas qui nous a maintenus vivants et c’est pour cela que commémorer la résistance et la rébellion, c’est aussi ratifier notre décision de continuer à être en vie en construisant l’espoir d’un futur possible uniquement sur les ruines du capitalisme.

Considérant que l’offensive contre les peuples ne cessera pas, mais qu’ils prétendent au contraire la faire croître jusqu’à en finir avec la dernière trace de ce que nous sommes en tant que peuples des villes et des campagnes, c’est porteurs de profonds mécontentements qui surgissent aussi sous des formes de résistances et de rébellion nouvelles, diverses et créatives, que ce Cinquième congrès national Indigène a fait le choix d’initier une consultation au sein de chacun de nos peuples pour démonter depuis le bas le pouvoir que d’en haut on nous impose et qui ne nous offre qu’un panorama fait de mort, de violence, de spoliation et de destruction.

Au vu de tout ce qui a été dit précédemment, nous nous déclarons en assemblée permanente et nous consulterons chacune de nos géographies, de nos territoires et de nos cheminements au sujet de l’accord pris par ce cinquième CNI de nommer un conseil indigène de gouvernement dont la parole sera matérialisée par une femme indigène, déléguée du CNI en tant que candidate indépendante qui se présentera au nom du Congrès National Indigène et de l’Armée Zapatiste de Libération Nationale durant le processus électoral de l’année 2018 pour la présidence de ce pays.

Nous ratifions que notre lutte n’est pas pour le pouvoir, nous ne le cherchons pas ; mais nous en appellerons aux peuples originaires et à la société civile pour nous organiser afin d’arrêter cette destruction et nous renforcer dans nos résistances et rébellions, c’est-à-dire dans la défense de la vie de chaque personne, famille, collectif, communauté ou quartier. Pour construire la paix et la justice, en retissant nos fils depuis le bas, depuis là où nous sommes ce que nous sommes.

C’est le temps de la dignité rebelle, le temps de construire une nouvelle nation pour et par toutes et tous, de renforcer le pouvoir d’en-bas et de gauche anticapitaliste, le temps que payent les coupables pour la douleur des peuples de ce Mexique multicolore.

Enfin, nous annonçons la création de la page officielle du CNI à l’adresse : www.congresonacionalindigena.org

Depuis le CIDECI-UNITIERRA, Chiapas, octobre 2016

Pour la reconstitution Intégrale de nos peuples

Jamais plus un Mexique sans nous

Congrès National Indigène

Armée Zapatiste de Libération Nationale

Notes

[1] note : « que retiemble en sus centros la tierra », extrait de la première strophe de l’hymne national mexicain