Archive pour décembre, 2017

Petit bilan 2017

Posted in actualité, altermondialisme, Internet et liberté, média et propagande, militantisme alternatif, pédagogie libération, philosophie, politique et social, politique française, résistance politique, société libertaire, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , on 30 décembre 2017 by Résistance 71

 

 

 

Résistance 71

 

30 décembre 2017

 

2017 fut une année intéressante en bien des points. Elle marqua le coup d’arrêt à l’impérialisme occidental en Syrie avec la défaite de l’armée mercenaire pseudo-djihadiste de l’empire que fut et est toujours l’EIIL/Daesh, même si ses cadres furent et sont toujours régulièrement évacués par les Yankees avant qu’ils ne soient exterminés avec leur chair à canon de terrain et afin d’être réemployés ailleurs au profit des oligarques (Afghanistan, Causase etc…).

2017 a vu la marionnette Donnie “mains d’enfants” Trump abattre une partie de ses cartes et montrer au monde qu’il pédale à 100% pour le sionisme et l’extension du “grand israël” au Moyen-Orient. Ceci ne devant être une surprise pour personne.

2017 a vu la France se doter d’un nouveau monarque, Macron, pathétique pantin mis en place par les conseils d’administration des grandes banques et de CAC40 pour mieux siphonner ce qu’il reste à voler et finir de mettre le peuple à genoux. Il est la 3ème vague destructrice après sarko et hollande, il est la 3ème lame du rasoir qui tond les moutons…

2017 a vu une partie de la blogosphère “dissidente” tant anglophone que francophone partir en sucette.

2017 nous a vu publier notre “Manifeste pour la société des sociétés” que nous avons rédigé afin d’aider à peut-être faire passer plus de personnes en mode de vision panoramique et d’activité politique efficace. Nous avions dit en 2016 que ceci constituait un de nos grands projets pour l’année et nous sommes ravis d’avoir pu mener cet objectif à bien en espérant que cela aide à pousser pour une vision plus synthétique des choses menant à des solutions politiques concrètes sur la voie affirmant qu’”il n’y a pas de solutions au sein du système, qu’il n’y en a jamais eu et qu’il ne peut pas y en avoir”…

En ce qui concerne la fréquentation du blog en 2017 elle fut en baisse dûe en partie à la mascarade de censure de la blogosphère alternative par ces géants aux pieds d’argile que sont ces merdias de masse, qui n’en finissent plus de trembler sur leur base mensongère et obsolète et d’en mourir, mais aussi peut-être par lassitude d’un certain lectorat, tandis qu’un autre se renforçait, se consolidait et renforçait ses convictions face à la censure et la montée perceptible de l’oppression dans l’empire et ses pays satellites dont la France fait partie, comme 5ème roue du carrosse.

En 2017, la vaste majorité de nos lecteurs proviennent de France métropolitaine, puis du Canada, de Belgique, d’Algérie, de Suisse et de l’Afrique francophone en général, avec une mention spéciale pour le Cameroun et le Sénégal.

Quels furent les articles les plus lus en 2017 sur Résistance 71?

Top 5:

1- Oligarchie financière, les huit familles derrière le cartel banquier international (Dean Henderson)

2- Un monde sans cancer, l’histoire du laétrile, vitamine B17 (G.Edward Griffin)

3- De la mythologie au mensonge: l’Egypte antique n’a connu ni pharaons ni Israélites (Dr Ashraf Ezzat)

4- Bilderberg 2016, la liste des participants français (Résistance 71)

5- Voter c’est se soumettre (Anarchix, mars 2010)

En 2017 et grâce à Jo de JBL1960 à l’enthousiasme créateur infatigable, nous avons augmenté notre volume de publications sous format PDF, plus facile à télécharger et à imprimer pour lire à son aise hors écran. Nous encourageons à imprimer ces textes et à les donner autour de soi.

Nous en profitons pour donner une mention spéciale à notre “Manifeste pour la société des sociétés”, qui parut le 15 octobre 2017, c’est à dire il y a à peine 2 mois et demi et est rentré dans le top 3 des téléchargements PDF. Nous sommes à la fois surpris de cette avancée rapide et ravis de voir que de plus en plus de gens, par bouche à oreille, par lien transmis, s’intéressent et lisent ce document de 66 pages que nous avons voulu le plus compact et facile de compréhension possible afin de toucher la plus vaste audience possible. Merci a vous tous de le lire et de le diffuser sans aucune modération comme il se doit. La traduction anglaise du manifeste va sans doute démarrer dans le courant 2018.

Le top 5 de nos PDF pour 2017:

1- Dr Ashraf Ezzat, l’Egypte antique n’a connu ni pharaons ni israélites

2- Un monde sans cancer, histoire de la Vit. B17 (G. Edward Griffin)

3- Manifeste de la société des sociétés (Résistance 71 )

4- Païens en terre promise, décoder la doctrine chrétienne de la découverte (Steven Newcomb)

5- Meurtre par décret (Kevin Annett)

[Notons ici que les 5ème, 6ème et 7ème position se tiennent en quelques dizaines de téléchargements… 6ème position: Kaianerekowa, la Grande Loi de la Paix (constitution de la confédération iroquoise) et 7ème position: Petit précis sur l’État, la société et la désobéissance civile (Résistance 71 ) ]

A noter également que sur le dernier trimestre, notre Manifeste est passé #1 des téléchargements, devant tous les autres classiques. Nous en sommes à la fois surpris et bien entendu ravis.

Il ne nous reste plus qu’à vous remercier toutes et tous pour votre fidélité, conviction et soutien. Comme nos lecteurs le savent depuis maintenant plus de 7 ans, nous ne vendons rien, ne gagnons aucun argent avec ce blog. Notre seul objectif est de faire prendre conscience au plus de gens possible que bien que la situation soit difficile, elle n’est en rien inéluctable et que solution il y a pourvu qu’on la (les) cherche en dehors du système étatico-capitaliste exploiteur, criminel et obsolète. Nous pensons que tout ce qui est publié, créé, n’appartient plus à ses créateurs, mais entre de plein pied dans le patrimoine total de l’humanité, devant être consultable par tout le monde, gratuitement. Notre blog répond à cette démarche et cette demande croissante de lectures politiquement valides et complémentaires.

L’heure est venue d’abandonner les antagonismes et de nous unifier dans notre complémentarité. Commençons à mettre en place la société des sociétés en changeant notre attitude envers l’état et les institutions toutes plus obsolètes les unes que les autres.

Nos vœux 2018 à suivre… A bientôt et merci encore à toutes et à tous.

Résistance politique: Seconde bonne nouvelle en provenance de la Palestine occupée… Yanks et entité sioniste quittent l’UNESCO !

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Les Etats-Unis et Israël quittent l’UNESCO… Bon vent et bon débarras !

 

Jeremy Salt

 

29 décembre 2017

 

Source de l’article en français:

http://chroniquepalestine.com/etats-unis-israel-quittent-unesco-bon-debarras/

 

Main dans la main, les États-Unis et Israël ont décidé de quitter l’UNESCO. On ne pouvait rien espérer de mieux ! Deux états voyous dirigés par deux dangereux bouffons ! Deux États qui ont semé une violence inouïe au Moyen-Orient depuis l’implantation d’ « Israël » en Palestine.

En plus de la Palestine, les États-Unis ont lancé des guerres génocidaires contre trois pays depuis 1990, l’Irak (deux fois), la Libye et la Syrie, et ils continuent de soutenir l’Arabie Saoudite dans sa guerre tout aussi génocidaire contre le Yémen.

Quant à Israël, vivre en permanence en dehors du droit international est une condition nécessaire à son existence. Ce pays aurait dû être exclu de l’ONU il y a longtemps, ou, au moins, suspendu jusqu’ à ce qu’il change de comportement. Après tout, quel club continue d’accepter un adhérent qui n’obéit pas aux règles, qui a été mis en garde une fois, une, deux, trois, voire 50 fois, mais refuse toujours d’obéir aux règles? Mais Israël n’a pas à modifier ses manières pour rester membre de la « communauté internationale » parce qu’un autre État qui ne respecte pas davantage les règles, ni même le droit international, les États-Unis, le protège à tous les niveaux et de toutes les manières, provoquant ainsi toujours plus de violence.

L’UNESCO a fait de son mieux pour protéger le patrimoine culturel palestinien. Rien de ce qui n’est pas juif n’a d’intérêt pour les Sionistes et il y a si peu de traces juives en Palestine que la Palestine musulmane et chrétienne a été ravagée, pas une seule fois (1948) ou deux fois (1967), mais sans arrêt. La destruction de la Palestine est la condition nécessaire à la création de l’ « État juif » de Netanyahou. C’est tout ou rien: il ne peut y avoir de compromis, ni d’alternative. Les Palestiniens ont proposé plusieurs options, un État séculier, deux États vivant côte à côte, mais la seule option acceptable pour Israël, c’est toute la Palestine pour nous et rien pour vous.

L’élimination des Palestiniens en 1948 s’est accompagnée de la destruction de près de 500 villages ou hameaux palestiniens, en dépit de leur valeur historique et culturelle. D’autres destructions ont suivi celles de 1967, à commencer par la démolition du quartier de Magharibah en 1967 pour faire place à une « plaza » autour de Haram al Sharif (dôme du Rocher), et se sont poursuivies dans les années suivantes. La guerre a également permis de chasser d’autres Palestiniens de leur patrie, plus précisément, cette fois-ci, de Cisjordanie, où beaucoup s’étaient réfugiés pendant l’agression sioniste de 1948.

La guerre a été une autre occasion de repousser la Palestine plus loin dans l’histoire en détruisant toutes les preuves matérielles de présence palestinienne, ce qui permet aux sionistes de dire: « Quelle Palestine? Il n’y a jamais eu de Palestine ici. » C’est d’ailleurs en fait ce qu’ils disent depuis le début, sans convaincre qui que ce soit en dehors de leurs propres rangs parce que les Palestiniens ne sont pas partis, parce que leur nombre augmente (il y a peut-être maintenant plus de Palestiniens entre la Méditerranée et le Jourdain que de colons sionistes) et parce que trop de traces de leur histoire peuvent encore se voir dans le paysage. Et si le danger qui menace Al Aqsa qui resplendit sur Jérusalem, est si grand, c’est parce que l’esplanade des Mosquée est le symbole éclatant des mensonges que racontent les sionistes.

A ce propos, il est tout à la fois incompréhensible et frustrant pour les sionistes que, malgré le demi-siècle, de fouilles intensives qu’ils mènent sous et autour d’Haram al Sharif, ils n’aient trouvé aucun objet prouvant qu’il y a bien eu un temple là. On trouve aujourd’hui des ruines et des vertiges d’époques beaucoup plus anciennes dans le monde. La Turquie en est pleine : le temple de Gobeklitepe, dans le sud-est de la Turquie, est vieux de 12 000 ans. Comment se fait-il alors qu’il ne reste rien de la structure grandiose qui aurait été construite par Salomon, là où se trouve actuellement l’esplanade d’Al Aqsa? La Bible parle d’un bâtiment de plus de 60 mètres de haut, une construction de bois (les cèdres du Liban) et d’énormes blocs de pierre. Des matériaux similaires auraient été utilisés dans la construction du second temple, achevé en 515 avant JC. et détruit par les Romains en 70 après JC. On dit qu’il aurait eu les mêmes dimensions massives et pourtant rien n’a été trouvé, aucun vestige des colonnades ou des piliers, aucun bol votif, absolument rien ; cela signifie que si le temple se trouvait bien sur ce site, sa description biblique était terriblement exagérée (ce qui n’est pas surprenant dans un livre plein d’exagérations fantastiques).

[Note de Résistance 71: A lire en complément sur le sujet évoqué par l’auteur ci-dessus:

Ashraf Ezzat Mythe Biblique ]

De plus, les Sionistes d’aujourd’hui ne sont liés à l’ancien Israël que par leur religion. Leurs premiers colons n’avaient aucun lien vivant avec la terre et aucun lien ethnique avec les gens qui y vivaient. Les sionistes s’appuient sur la relation vivante des Juifs avec la Palestine au cours des siècles mais se gardent bien de dire que les Juifs qui étaient là quand leurs ancêtres sont arrivés considéraient le sionisme comme une hérésie. L’affirmation de Netanyahou selon laquelle Jérusalem est la capitale d’Israël depuis 3000 ans ne pouvait convaincre que les idiots, vu qu’Israël n’a que 70 ans et que le dernier État juif de Palestine s’est effondré au sixième siècle avant JC.

De toute façon et quoi qu’il en soit, une ancienne présence juive en Palestine ne saurait justifier la destruction de ce qui était là quand les colons sionistes sont arrivés à la fin du XIXe siècle.

Les Sionistes partagent avec les Croisés la distinction peu recommandable d’être responsables, en Palestine, de la plus grande œuvre de destruction de l’histoire moderne. Après avoir conquis la Palestine à la fin du XIe siècle, les Croisés massacrèrent ou chassèrent de Jérusalem tous les musulmans et les juifs. Le retour de la domination musulmane fut suivi, dès le début du XVIe siècle, par quatre siècles d’une longue paix ottomane jusqu’ à la prise de Jérusalem par les Britanniques en décembre 1917. Depuis lors, la Palestine n’a pas connu un seul jour de paix. La violence et la répression dont se sont rendus coupables les occupants britanniques ont été suivies par encore plus de violence, de répression et de dépossession du fait des Sionistes, et cela se poursuit aujourd’hui.

Jérusalem a toujours été une cible privilégiée. Les massacres et les saisies de biens palestiniens de 1948 ont recommencé après l’occupation de la moitié orientale de la ville en 1967, elle-même suivie d’une perpétuelle guerre démographique raciste menée en violation totale du droit international et des lois de n’importe quel pays qui se prétend civilisé. Ce que cela montre, c’est qu’Israël n’est pas un État moderne, mais une communauté tribale atavique qui vit selon ses propres normes brutales, en tout cas en ce qui concerne les Palestiniens, et qui est indifférente à ce que le reste du monde pense, quand elle ne se montre pas carrément insultante. Le fait que les Sionistes pensent qu’ils peuvent s’en tirer indéfiniment est un signe évident de leur folie et de leur délire.

Les États-Unis sont maintenant allés jusqu’à « reconnaître » Jérusalem comme la capitale d’Israël alors qu’en droit international Jérusalem est une ville occupée, et pas seulement la moitié orientale qui a été capturée par la force des armes et colonisée en violation directe du droit et des lois de la guerre. Commentant le vote de l’Assemblée générale des Nations Unies qui a rejeté la déclaration de Trump, Nikki Haley, l’ambassadrice américaine, a ouvertement menacé ceux qui avaient voté pour. Des noms ont été relevés et des châtiments seront infligés au moment opportun. En votant pour la résolution, les membres de l’ONU ont fait preuve d’un manque de respect pour les États-Unis, selon Haley : on pourrait se demander à quel moment les États-Unis ont eux-mêmes manifesté le moindre respect pour le droit international et le droit des membres de l’ONU à prendre des décisions indépendantes en vertu de ce même droit international!

La déclaration de Trump sur Jérusalem a fait l’effet d’une bombe dans tout le Moyen-Orient et chez les musulmans du monde entier. Il faut la saluer parce qu’elle arrache le dernier voile de l’imposture connue sous le nom de processus de paix. Le nez de Mahmoud Abbas a été mis dans son caca. Les gouvernements saoudien et qatari, qui traitaient en cachette avec les sionistes, ont dû s’aligner sur la question de Jérusalem. La déclaration de Trump a uni les musulmans au-delà de toutes leurs divisions.

Par eux-mêmes et tout seul, malgré le courage, la force et la fermeté dont ils ont toujours fait preuve, les Palestiniens n’auraient jamais pu vaincre leurs ennemis. Ils étaient bien trop puissants. Comme George Habash l’a écrit dans les années 1950, le chemin du retour vers la Palestine a toujours dû passer par le monde arabe qui s’étend maintenant, vu l’essor de l’Iran, à tout le monde islamique. Nasser a enflammé le peuple arabe dans les années 1950 et, à eux deux, le Hezbollah et l’Iran sont une fois de plus le fer de lance de l‘opposition aux États-Unis et à Israël, au point qu’Israël est maintenant bien engagé dans les préparatifs de la guerre destinée à les détruire une fois pour toutes.

C’est une guerre existentielle, une guerre pour sa survie, une guerre extrêmement violente, à laquelle Israël se prépare intensivement. Israël menace son ennemi de destruction totale et Hasan Nasrallah répond que le Hezbollah est prêt et a des missiles qui peuvent atteindre n’importe quel endroit de la Palestine occupée. La menace de guerre au Moyen-Orient n’a jamais été aussi grande, ses conséquences éventuelles n’ont jamais été aussi dramatiques pour ne pas dire cataclysmiques. Les conséquences de la déclaration de Trump étaient si faciles à prévoir qu’il semble vain de la qualifier de stupide. Peut-être avait-il pour but de déclencher la guerre avec l’Iran dont les États-Unis et Israël rêvent depuis longtemps.

* Jeremy Salt a enseigné l’histoire moderne du Moyen-Orient à l’Université de Melbourne, à la Bosporus University à Istanbul et à la Bilkent University à Ankara pendant de nombreuses années. Parmi ses publications récentes son livre paru en 2008 : The Unmaking of the Middle East. A History of Western Disorder in Arab Lands (University of California Press).

Espoir de fin d’année en provenance de Palestine occupée…

Posted in actualité, colonialisme, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, militantisme alternatif, politique et lobbyisme, politique et social, résistance politique, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , on 30 décembre 2017 by Résistance 71

Terminons l’année 2017 sur une note d’espoir en provenance de la Palestine occupée où une partie de la jeunesse israélienne ouvre les yeux et agit pour être du bon côté de l’histoire… Quoi de plus beau que de voir les éléments internes à une dictature se soulever et entrer en dissidence ?…
2018 s’annonce être une année qui fera date, à suivre…
~ Résistance 71 ~

 

Des élèves israéliens refusent de servir leur armée en Cisjordanie occupée

Al Manar

30 décembre 2017

url de l’article en français: http://french.almanar.com.lb/717066

Des dizaines d’élèves israéliens de terminale ont affirmé dans une lettre qu’ils refusaient d’être enrôlés dans l’armée d’occupation israélienne après leur bac pour protester contre ce qu’ils qualifient de « mise en œuvre par l’armée d’une politique gouvernementale raciste qui viole les droits de l’Homme ».

La lettre, signée par 63 lycéens de tout le pays, est adressée au Premier ministre Benjamin Netanyahu, au ministre de la Défense Avigdor Liberman, au ministre de l’Education Naftali Bennett et au chef d’état-major de l’armée Gadi Eisenkot, rapporte la chaine d’information israélienne i24.

La missive appelle tous les lycéens israéliens à se joindre à eux et à refuser d’être enrôlés tant que la Cisjordanie continuera d’être « occupée ».

« L’armée met en œuvre une politique gouvernementale raciste qui viole les droits de l’homme fondamentaux et applique une loi pour les Israéliens et une autre loi pour les Palestiniens dans le même territoire », souligne la lettre.

« Toute une nation vit sous une incitation à la haine institutionnalisée et dirigée contre les Palestiniens des deux côtés de la Ligne Verte, et nous – jeunes hommes et femmes de différentes parties du pays et de différents milieux sociaux – refusons de croire à l’incitation systématique ou de prendre part à la politique oppressive du gouvernement », conclut la lettre.

Le refus de servir dans l’armée d’occupation est l’une des questions les plus controversées en ‘Israël’.

Selon le site d’information Ynet, les signataires prévoient de descendre dans la rue pour mobiliser davantage de lycéens.

Résistance politique au colonialisme: la vérité en face (Gilad Atzmon)

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« Depuis la fin des années 1970, deux tendances politiques majeures ont changé la façon dont nous interagissons, nous interprétons  nos environnements politique, social et culturel. L’une est le « politiquement correct » et l’autre est ‘l’identitaire' »
~ Gilad Atzmon, « Being in Time », 2017 ~

 

La vérité en face

 

Gilad Atzmon

 

23 décembre 2017

 

Source: http://www.gilad.co.uk/writings/2017/12/22/truth-in-your-face

 

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

 

Le site internet germanophone Muslim-Market m’a interviewé cette semaine au sujet du débat courant autour de ma récente apparence à la cérémonie du NRhZ, Nous avons discuté d’histoire, de l’holocauste, d’Israël, de la judéité…. Toutes ces choses que les Allemands préfèrent balayer sous le tapis.

http://www.muslim-markt.de/interview/2017/atzmon.htm

MM: Mr Atzmon, il y a eu pas mal d’âneries qui ont été écrites à votre sujet dans les médias occidentaux à cause de votre position très critique au sujet d’Israël. Nous voudrions utiliser cet entretien pour mieux comprendre votre opinion et pour rectifier le tir sur ces faux rapports vous concernant. Il est dit par exemple, que vous relativisez les crimes d’Hitler contre les juifs. Est-ce vrai ?

Atzmon: Je serai le plus clair possible. Pour commencer, je suis la cible d’une campagne de diffamation parce que j’ai étendu ma critique d’Israël au delà des limites de la simple critique politique ou de la dénonciation du “sionisme”.

J’ai compris que comme Israël se définit elle-même comme étant “l’état juif”, alors nous devions savoir ce que ce mot en “j” veut dire: qui sont les juifs ? Qu’est-ce que le judaïsme et la judéité ? Tandis que les juifs israéliens ont une relative bonne compréhension de ces 3 concepts et du comment ils sont inter-reliés avec le sionisme, avec la politique israélienne et l’existence même israélienne, les juifs de la diaspora et la gauche juive en particulier, préfèrent maintenir ces notions dans le flou artistique et dans la confusion.

Voilà la raison essentielle de cette campagne de diffamation contre moi. J’ai fait bouger le discours au delà du banal “sionisme contre anti-sionisme”. Ceux qui suivent mon travail comprennent que creuser dans la judéité, l’idéologie se tenant au cœur du concept de “peuple élu”, dont le sionisme n’est juste qu’un symptôme, fournit bien des réponses. De plus, si j’ai raison, cela peut bien suggérer que le mouvement de solidarité a été détourné depuis des décennies et n’a rien donné comme résultat pour une bonne raison. Je dois aussi dire que dans mon travail je n’ai jamais critiqué les juifs en tant que personnes ni comme race, ni biologiquement, ni ethniquement. Je me réfreine aussi de traiter du judaïsme (la religion). Je me restreins à la critique de l’idéologie, de la politique et de la culture.

MM: … Qu’en est-il de l’holocauste?

Atzmon: Ma position au sujet de l’holocauste est très claire. J’argumente que l’histoire est une tentative de narrer la passé alors que nous avançons dans le temps. Ainsi, le discours historique doit demeurer ouvert et dynamique, ouvert au changement et à la révision des données. J’affirme que l’histoire est essentiellement une aventure révisionniste. (NdT: les historiens Howard Zinn et Antony Sutton pensaient exactement la même chose…) Je suis donc contre toutes les lois sur l’histoire (la Nakba, le génocide arménien, l’holocauste etc) Comme bien d’autres érudits, je constate que l’holocauste a été transformé en une religion. C’est devenu un dogme. Il a perdu ses qualités réflexives universelles, ce n’est plus que le sujet d’un message éthique. Donc, si l’holocauste est une nouvelle religion, tout ce que je demande est le droit d’être un athée la concernant.

Pour répondre à votre question, la notion de “relativisation de l’holocauste” est en elle-même une notion idiote ou absurde. L’histoire est une aventure relative. Nous saisissons le passé en, par exemple, mettant au même niveau Hitler et Staline. Nous examinons la différence entre le nettoyage ethnique commis par le IIIème Reich et celui en Palestine effectué par Israël.

C’est pourquoi demander d’arrêter de penser au passé en termes relatifs est en soi une demande religieuse dogmatique, demandant également une adhésion aveugle aux thèses présentées. Je ne vais pas baisser pavillon devant une règle aussi irrationnelle et personne ne devrait le faire.

MM: Vous avez dit que vous étiez fier d’être un juif s’auto-détestant. Pourquoi ne vous convertissez-vous pas à une autre religion comme vous avez déjà changé de citoyenneté ?

Atzmon: Pour commencer, je ne discute pas de mes affaires religieuses personnelles en public, mais je peux vous assure que je n’ai plus été juif depuis bien des années. Je ne suis pas le genre de personne qui peut rejoindre facilement une religion organisée, mais j’aime bien suivre la leçon eucuménique de Jésus, mais je le fais à ma façon. J’ai appris à aimer mes voisins, et de rechercher la vérité et la paix. Ceci constitue mon djihad personnel.

MM: Il y a un grand nombre de juifs, y compris en Israël, qui résistent la politique d’occupation. Par exemple, nous avons eu l’honneur de nous entretenir avec le militant pacifiste le professeur Nurit Peled-Elhanan. Votre critique d’Israël et de sa société est dépeinte de manière identique dans les médias. Votre vision ratisse t’elle si large ?

Atzmon: Je ne suis pas d’accord avec cette description. J’ai beaucoup de respect pour quelques voix israéliennes dissidentes comme Schlomo Sand, Gideon Levy, Uri Avnery, Nurit Peled, Yaov Shamir, Israël Shamir, Israël Shahak et d’autres. Je me réfère occasionnellement à leur travail. J’ai été le premier en dehors d’Israël, à faire la revue du livre “L’invention du peuple juif” de Schlomo Sand. Comme je l’ai déjà mentionné, je ne critique pas le peuple ou la religion. Je ne critique que l’idéologie, la politique et la culture.

MM: En tant que soldat de l’armée israélienne, vous étiez au Liban et avez vu les camps de réfugiés palestiniens. Qu’est-ce que cette influence a eu sur votre développement ?

Atzmon: Ce fut le Liban en 1982 qui pour moi a rendu clair que j’avais très peu en commun avec mon propre peuple et que je devrais m’en aller tôt ou tard. Ce fut au Liban, après avoir vu les camps de réfugiés que j’ai saisi l’étendue du nettoyage ethnique qui s’est déroulé en Palestine en 1948. Au Liban, j’ai réalisé que le fait que je me situais dans un état juif sur la terre d’autres personnes me faisait traverser une ligne rouge éthique fondamentale. Vous devez bien comprendre qu’en 1982, en Israël, personne ne parlait de la Nakba. Là-bas, à ce moment là, j’ai vu de mes yeux de quelle manière le projet israélien était malfaisant.

MM: Il y a quelques jours, des soldats israéliens ont abattu un homme sévèrement handicapé dont les jambes avaient été amputées. Quel effet a une telle cruauté perpétrée par leur propre armée sur la population israélienne ?

Atzmon: Aussi loin que je sache, l’effet est minimum et c’est exactement là que commence ma recherche. Comment est-il possible qu’un peuple qui a tant souffert au travers de son histoire, puisse infliger tant de douleur aux autres ? Comment se fait-il que les opprimés deviennent les oppresseurs ? Comment est-il possible que juste 3 ans après la libération d’Auschwitz, l’état juif nouveau né se mette en phase de nettoyage ethnique de la Palestine ?

MM: Après tout ce qu’il s’est passé, pouvez-vous imaginer qu’un jour les juifs, les chrétiens et les musulmans puissent vivre en paix à Jérusalem ?

Atzmon: Ceci est de l’histoire pour vous. Le passé des juifs européens est une chaîne de désastres sans fin. Dans le monde musulman par contre, les juifs ont profité de la vie et ont prospéré. Il est plus que possible qu’assimiler culturellement et idéologiquement les juifs arabes avec les juifs ashkénazes puisse fournir toutes les réponses nécessaires, mais ceci est exactement le type même de recherche qu’on empêche d’effectuer.

MM: Discutons un peu de l’évènement de Berlin il y a quelques jours que certaines personnes ont essayé d’empêcher. Que fut votre impression de l’évènement et avez-vous été capable de diffuser votre message ?

Atzmon: Je pense que cet évènement fut incroyable. Il y a eu une très bonne participation. Vous pouviez y respirer l’esprit de la résistance. La foule était bigarrée. Beaucoup de jeunes. J’ai été estomaqué par le soutien que j’y ai reçu.

MM: Où trouvez-vous votre motivation pour votre engagement qui doit user nerveusement et votre multi-sacrifice pour la justice et la paix en Palestine ? Nous posons cette question pour encourager les autres qui abandonnent tôt ou tard devant la supériorité toute apparente de l’état sioniste.

Atzmon: Cela dépasse la Palestine maintenant. C’est la Syrie, la Libye l’Irak et cela s’étend avec ce qu’il se passe en Grèce, au Portugal et en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis et au delà. Maintenant nous sommes tous Palestiniens. Nous sommes tous opprimés par cela même qu’on nous interdit d’articuler.

Je vis sur cette planète comme tant d’autres personnes, je veux être émancipé. Je pense que la férocité de l’animosité contre moi suggère que quelques personnes quelque part, sont vraiment effrayées par mon message. Considérant le fait que je ne suis pas un personnage politique, ni un activiste, je prends tout ceci comme le fait qu’ils doivent avoir peur de mes pensées. C’est inquiétant, mais c’est aussi un compliment.

MM: Quels sont vos projets en cours ? Pouvons-nous attendre un autre livre ?

Atzmon: Je ne sais jamais ce qui va se passer, mais je peux vous dire cela peut être pas mal de choses, et rien d’ennuyeux.

MM: Mr Atzmon, nous vous remercions de l’amabilité que vous avez-eu de nous accorder cet entretien.

= = =

 

Facebook, réseaux sociaux et Nouvel Ordre Mondial… Éteignez vos portables et rallumez vos cerveaux !

Posted in actualité, altermondialisme, désinformation, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, ingérence et etats-unis, Internet et liberté, média et propagande, militantisme alternatif, N.O.M, neoliberalisme et fascisme, politique et lobbyisme, politique et social, résistance politique, sciences et technologies, technologie et totalitarisme, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , , on 29 décembre 2017 by Résistance 71

Nous l’avons déjà dit et le répèterons sans cesse: sortir de l’oppression oligarchique généralisée passe inévitablement pas sortir de ces merdes de “réseaux sociaux” qui ne sont que des machines à espionner et manipuler.

La mise en esclavage moderne est subtile, elle consiste à laisser les gens se mettre eux-mêmes les chaînes et les entretenir pour leurs maîtres ; ces chaînes aujourd’hui sont la dette, la dépendance envers la technologie, l’électronique et les gadgets parfaitement inutiles (comme fesse bouc, touiteur et autres inepties du style) et qui quand on analyse bien, comme le fait cet article, sont tous contrôlés en amont par la même clique de despotes et de malfaisants.

Pour ceux qui cherche toujours une résolution à prendre pour 2018, que pensez-vous de ceci: virez toutes ces merdes de votre vie, éteignez TV, portables et autres outils de propagande de masse et… rallumez votre cerveau.

Pensez à ceci: chaque information, chaque moment que vous passez sur ces pseudo-réseaux sociaux renforce vos chaînes ou crée de nouveaux maillons.

Pour résoudre un problème encore faut-il admettre qu’il y en ait un… Ce qui est décrit dans l’article ci-dessous n’est pas propre à l’Inde ou aux Etats-Unis, c’est partout !

Il est temps d’agir et pour bien des choses, l’action passe par un simple NON ! Réfléchissez et agissez !

Qu’on se le dise..

~ Résistance 71 ~

 

Comment une cellule secrète de Facebook manipule les opinions publiques

 

Shelley Kasli

 

28 décembre 2017

 

Source de l’article en français: http://www.voltairenet.org/article199197.html

 

Que peuvent bien avoir en commun : l’AfD (Alternative pour l’Allemagne), Rodrigo Duterte, Mauricio Macri, Narendra Modi, Barack Obama, le Parti national écossais et Donald Trump ? Ils ont tous basé leur campagne électorale sur les conseils avisés de Mark Zuckerberg. En s’appuyant sur le cas des élections en Inde, Shelley Kasli révèle la manière dont Facebook manipule les processus démocratiques.

Un article récent de Bloomberg a révélé comment une cellule secrète de Facebook a permis la création d’une armée de Trolls [1] à la faveur de nombreux gouvernements de par le monde, y compris en Inde, sous forme de propagande numérique visant à manipuler les élections [2].

Sous les projecteurs, suite au rôle qu’a joué son entreprise Facebook comme plate-forme de propagande politique, son co-fondateur, Mark Zuckerberg, a riposté, déclarant que sa mission transcendait les clivages partisans.

Mais il se trouve, en réalité, que Facebook n’est pas un simple spectateur en matière politique. Ce qu’il ne dit pas, c’est que sa compagnie travaille activement en collaboration avec des partis et des dirigeants incluant ceux qui utilisent la plate-forme pour étouffer leur opposition —parfois avec l’aide de nombreux Trolls qui propagent des contrevérités et des idéologies extrémistes [3].

Cette initiative est menée depuis Washington par une équipe très discrète de Facebook, spécialisée dans les questions de politique globale, avec à sa tête : Katie Harbath, l’ancien stratège numérique du camp Républicain qui a travaillé en 2008 sur la campagne présidentielle de l’ancien maire de New York, Rudy Giuliani, ainsi que sur les élections indiennes de 2014.

Depuis que Facebook a engagé Harbath pour diriger cette cellule secrète, trois années se sont écoulées, durant lesquelles son équipe a voyagé aux quatre coins de la planète (notamment en Inde). Elle a aidé des dirigeants politiques en mettant à leur disposition les puissants outils numériques de la compagnie prenant la forme d’une véritable armée de Trolls à des fins de propagande.

En Inde, et dans de nombreux autres pays, les employés de cette cellule se sont retrouvés de facto agents de campagnes électorales. Et une fois un candidat élu, il arrive à la compagnie de superviser des fonctionnaires ou de fournir une aide technique en matière de diffusion numérique lors de rencontres officielles entre chefs d’États.

Aux États-Unis, des employés de cette cellule ont travaillé sur le terrain durant la campagne de Donald Trump. En Inde, la compagnie a favorisé la présence sur le net du Premier ministre Narendra Modi, qui a aujourd’hui plus de fans sur Facebook que n’importe quel autre dirigeant politique mondial.

Au cours des meetings de campagne, on retrouve des membres de l’équipe de Katie Harbath aux côtés de responsables commerciaux du secteur publicitaire de Facebook ayant pour rôle d’aider la compagnie à profiter financièrement de l’attention particulière suscitée par les élections auprès des masses. Ils forment des politiques et des dirigeants à la création d’une page Facebook pour leur campagne qu’ils authentifient à l’aide d’une encoche bleue, à l’utilisation optimale de la vidéo afin de susciter l’adhésion, ainsi qu’au choix des slogans publicitaires. Une fois ces candidats élus, leur collaboration avec Facebook permet à la compagnie d’étendre de manière conséquente son influence sur le plan politique, comme la possibilité de contourner la loi.

Le problème est exacerbé lorsque Facebook se pose comme pilier de la démocratie de façon anti-démocratique. Freedom House, une pseudo-ONG basée aux États-Unis, militant pour la démocratie dans le monde [4], rapporte en novembre dernier qu’un nombre grandissant d’États « manipulent les réseaux sociaux afin de saper les fondements de la démocratie » [5]. Cela se traduit par des campagnes de diffamation, de harcèlement ou de propagande, discrètement soutenues par le gouvernement, visant à imposer sa version des faits, réduire la dissidence au silence et renforcer le pouvoir.

En 2007, Facebook a ouvert son premier bureau à Washington. L’élection présidentielle qui a eu lieu l’année suivante a vu l’avènement du premier « président Facebook » en la personne de Barack Obama, qui, avec l’aide de la plate-forme a pu atteindre des millions de votants au cours des semaines précédant les élections. Le nombre d’utilisateurs de Facebook a explosé concomitamment aux soulèvements des « printemps arabes » qui ont eu lieu au Moyen-Orient en 2010 et 2011, mettant en évidence l’immense influence qu’exerce la plate-forme sur la démocratie.

Au cours de la période où Facebook a choisi Katie Harbath, l’ancien soutien de Giuliani, pour diriger sa cellule politique, les élections devenaient un sujet incontournable sur les réseaux sociaux. Facebook a commencé progressivement à être impliqué dans des situations d’enjeu électoral partout dans le monde.

Facebook s’est associé à certains partis politiques parmi les plus controversés au monde tout en faisant fi du principe de transparence. Depuis 2011, la compagnie réclame auprès de la Commission électorale fédérale US une dérogation à la loi exigeant la transparence en ce qui concerne la promotion d’un parti politique, ce qui aurait pu l’aider à éviter la crise actuelle concernant des dépenses publicitaires russes en amont des élections de 2016.

Les relations entre la compagnie et les gouvernements restent compliquées. Facebook a été mis en cause par l’Union Européenne pour avoir laissé l’islamisme radical prospérer sur son réseau. La compagnie vient juste de publier son rapport de transparence expliquant qu’elle ne fournira aux gouvernements de données relatives à ses utilisateurs que si cette demande est légalement justifiée ; dans le cas contraire, elle n’hésitera pas à avoir recours à la justice [6].

Des armées de Trolls en Inde

Le marché indien est sans doute le plus porteur aujourd’hui pour Facebook, surpassant celui des États-Unis. Le nombre d’utilisateurs y croît deux fois plus vite ; sans tenir compte des 200 millions d’Indiens qui utilisent le service de messagerie WhatsApp, soit plus que partout ailleurs dans le monde.

À l’époque des élections indiennes de 2014, Facebook avaient déjà travaillé pendant plusieurs mois sur diverses campagnes. Modi a grandement profité du soutien de Facebook et de WhatsApp pour recruter des volontaires qui, à leur tour, ont répandu le message sur les réseaux sociaux. Depuis son élection, son nombre d’abonnés a augmenté de 43 millions ; deux fois plus que celui de Trump.

Dans les semaines qui ont suivi l’élection de Modi, Zuckerberg et son directeur d’exploitation Sheryl Sandberg se sont tous deux déplacés en Inde dans le but de développer un projet controversé concernant un service internet gratuit qui, provoquant de vives protestations, a finalement dû être abandonné. Katie Harbath et son équipe sont aussi venus en Inde animer des cessions de formation auxquelles ont participé plus de 6 000 hauts-fonctionnaires.

À mesure que Modi voyait son influence grandir dans les réseaux sociaux, ses abonnés se sont lancés, sur Facebook et WhatsApp, dans une campagne de harcèlement de ses rivaux politiques. L’Inde est devenu un foyer de désinformation, avec notamment la propagation d’un canular qui a conduit à des émeutes causant la mort de plusieurs personnes. Le pays est aussi devenu un endroit extrêmement dangereux pour les partis d’opposition et les journalistes.

Cependant, il n’y a pas que Modi ou le Parti du peuple indien (BJP) qui ont été amenés à utiliser les services proposés par Facebook. La compagnie prétend mettre à dispositions les mêmes outils et services pour tous les candidats, quelle que soit leur orientation politique, ainsi qu’aux groupes de la société civile plus discrets.

Ce qui est intéressant, c’est que Mark Zukerberg lui-même veut devenir président des États-Unis et s’est ainsi déjà attaché les services de David Plouffe (conseiller de campagne de Barack Obama en 2008) puis de Ken Mehlman (conseiller de campagne de George Bush Jr en 2004). Il travaille actuellement avec Amy Dudley (ancien conseiller du sénateur Tim Kaine), Ben LaBolt (ancien attaché de presse de Barack Obama) et Joel Benenson (ancien conseiller de campagne d’Hillary Clinton en 2016) [7].

La manipulation des émotions par Facebook

Une étude parue en 2014 intitulée : La mise en évidence expérimentale d’un phénomène de contagion émotionnelle de grande ampleur via les réseaux sociaux [8] a étudié le ratio entre les messages positifs et négatifs vus par 689 000 utilisateurs Facebook. Cette expérience, qui s’est déroulée entre le 11 et le 18 janvier 2012, a tenté d’identifier des effets de contagion émotionnelle en modifiant le poids émotionnel des informations diffusées aux utilisateurs ciblés. Les chercheurs concluent avoir mis en évidence pour la première fois « la preuve que les émotions peuvent se propager à travers un réseau informatique, [même si] les effets liés à ces manipulations restent limités ».

Cette étude a été critiquée à la fois pour ses fondements éthiques et méthodologiques. La polémique s’intensifiant, Adam Kramer, un des principaux instigateurs de ces recherches et membre de l’équipe responsable des données de Facebook, a défendu cette étude dans un communiqué de la compagnie [9]. Quelques jours plus tard, Sheryl Sandburg, directrice d’exploitation de Facebook, a prononcé une déclaration [10], lors de son voyage en Inde. Au cours d’un événement organisé par la Chambre de commerce à New Delhi, elle a déclaré : « Cette étude s’est faite dans le cadre des recherches en cours menées par les entreprises pour tester différents produits, ni plus ni moins. La communication à ce sujet a été très mauvaise et nous nous en excusons. Nous n’avons pas voulu vous contrarier ».

Ainsi donc, pour quel nouveau produit révolutionnaire Facebook a-t-il conduit des expérimentations psychologiques visant à manipuler émotionnellement ses utilisateurs ? Ces produits révolutionnaires sont des armées de Trolls numériques à des fins de propagande qui diffusent des informations mensongères comme une trainée de poudre afin d’aider ses clients pendant les élections.

Peu après, le 3 juillet 2014, USA Today rapporte que le groupe EPIC, qui milite pour le respect de la vie privée des citoyens, a déposé une plainte officielle à la Commission fédérale du Commerce stipulant que Facebook a enfreint la loi en menant une recherche sur les émotions de ses utilisateurs sans leur consentement, ni même les informer [11]. Dans sa plainte, l’EPIC prétend que Facebook a trompé ses usagers en conduisant secrètement une expérience psychologique sur leurs émotions : « Au moment de l’expérience, Facebook n’a pas fait état dans sa politique d’utilisation des données que les informations concernant ses utilisateurs seraient amenés à être utilisées à des fins expérimentales. Facebook a aussi omis d’informer ses usagers que ces informations seraient communiquées à des chercheurs ». La majorité des cobayes pour ces expériences de manipulation émotionnelle étaient indiens [12].

La plupart d’entre nous ne prête pas vraiment attention à ce qui est posté sur les réseaux sociaux et la majorité de ce que l’on voit est plutôt inoffensif. Du moins, c’est l’apparence que cela prend à première vue. La vérité est que ce que nous postons sur le net a un impact effrayant. Selon une recherche récente menée conjointement par le Laboratoire national du Nord-Ouest pacifique et l’université de Washington, le contenu que l’on poste sur les réseaux sociaux pourrait être utilisé par un logiciel afin de prédire des événements futurs — peut-être même le prochain Premier ministre indien.

Dans un papier qui vient d’êre publié par ArXiv, une équipe de chercheurs a découvert que les réseaux sociaux peuvent être utilisés dans le but de « repérer et de prédire des événements dans le monde réel » [13]. L’analyse de Twitter peut prédire avec précision des troubles sociaux, par exemple, lorsque des personnes utilisent certain hashtags pour discuter certains problèmes avant que leur colère ne se répande dans le monde réel.

L’exemple le plus connu de ce phénomène est survenu lors des printemps arabes, lorsque des signes évidents de protestations et de soulèvements imminents ont été repérés sur le net les jours précédant la descente des gens dans les rues.

L’inverse est aussi vrai, signifiant que la colère peut aussi être générée par les réseaux sociaux et une fois qu’elle atteint un niveau optimal être déversée sur des événements de la vie réelle comme on peut le voir depuis au moins deux ans déjà en inde avec des cas de lynchages collectifs et autres.

Comment fonctionne l’industrie de la désinformation en Inde

En Inde, une gigantesque industrie de la désinformation a émergé, exerçant une influence bien supérieur au traditionnel discours politique et pouvant potentiellement devenir un problème sécuritaire à l’image des printemps arabes si elle n’est pas maîtrisée. Au moment où le débat sur le lynchage fait rage en Inde, il faut bien comprendre que de tels incidents n’auraient pas eu aussi rapidement un tel impact si la jeunesse n’avait eu accès à Facebook, Twitter, Youtube, et autres réseaux sociaux qui permettent à cette industrie de la désinformation de gérer et partager de faux montages vidéos et de la fausse information. Le phénomène de lynchage apparu depuis quelques années est une conséquence directe de cette industrie de la propagande qui se répand des réseaux sociaux vers le monde réel.

Ceci prend une tout autre ampleur maintenant qu’il a été révélé que Facebook & WhatsApp ont comploté avec l’establishment en créant « une armée de Trolls » à des fins de propagande numérique, engendrant des violences sur le sol indien. C’est un cas typique de terrorisme. Ce dernier est défini comme « l’utilisation systématique de la terreur ou de la violence par un individu ou un groupe à des fins politiques ». Dans le cas présent, ce terrorisme est perpétré par une compagnie étrangère (Facebook) sur le sol indien par le biais d’une guerre numérique de (dés)information. Qu’attendons-nous pour réagir à de tels actes ?

Une campagne de désinformation a été menée au cours des élections présidentielles états-uniennes. Elle fait parti intégrante de la campagne officielle elle-même menée en collaboration avec des entreprises de pointe. Cette même méthode a aussi été utilisée pour orienter le débat sur le Brexit. À l’heure où nous parlons, cette vaste entreprise de désinformation étend ses tentacules en Inde. De nombreux sportifs de renom, des célébrités, des économistes, des politiciens en ont déjà été victimes en disséminant du contenu fallacieux. C’est une dangereuse tendance qui devrait être surveillée de près par nos services de Renseignement afin de prévenir de futurs désastres.

Voici succinctement comment tout cela fonctionne. De nombreux sites et portails web de légitimité et financement divers reçoivent des publicités flottantes. Des contenus bien spécifiques sont créés pour différentes catégories de personne basés sur leur région, leur idéologie, leur âge, leur religion… qui sont mélangés à une vaste quantité de contenu érotique noyant le véritable objectif. Ce contenu fallacieux est ensuite injecté dans le réseau social et des groupes spécifiques sont ciblés par le biais d’outils analytiques développé par des entreprises de pointe. À mesure que cette fausse information se répand, elle acquiert petit à petit sa dynamique propre et finit par être reprise par une personnalité quelconque — célébrité, politicien et même parfois un journaliste. Ce qui advient ensuite est pure folie.

Que ce soit par choix ou par ignorance, les médias dominants commencent à diffuser ce tissu de mensonges, consacrant l’intégralité de leurs revues de presse à l’analyse de ces fausses informations : qui a dit quoi et pourquoi et bla bla bla… au lieu de chercher à vérifier l’authenticité de ces dernières. Du fait du caractère sensationnel de ces canulars et aussi parce qu’ils sont relayés par des personnalités influentes, cette vision faussée du monde va se répandre dans le monde réel, pour témoins les victimes de lynchage. Sans contrôle, ce phénomène de désinformation pourrait contaminer toute l’opinion publique. Nous arriverons à un moment où il sera quasiment impossible de distinguer le vrai du faux, le fait de la fiction, avec la société tout entière se radicalisant en différentes factions opposées sur la base de mensonges.

Facebook et les élections indiennes

À l’époque des élections indiennes de 2014, un article de presse titrait « Facebook peut-il influencer le résultat de l’élection indienne ? ». Sous ce titre figurait un iceberg — Si Facebook est en mesure de modifier de modifier nos émotions et de nous faire voter, de quoi d’autre est-il capable ? [14]

Étonnamment, la Commission électorale indienne elle-même a signé un partenariat avec Facebook portant sur le recensement des votants pendant le processus électoral [15]. Le Dr. Nasim Zaidi, commissaire en chef de la commission électorale (ECI), a déclaré : « Je suis heureux d’annoncer que la Commission électorale indienne va lancer une procédure spéciale destinée à enrôler les non-votants et plus particulièrement ceux qui n’ont jamais voté. Ceci représente un pas en avant vers la réalisation de la devise de l’ECI “Aucun citoyen laissé-pour-compte”. Parti prenant de cette campagne, Facebook diffusera un rappel en différents dialectes indiens visant à rappeler l’échéance électorale à tous les utilisateurs Facebook d’Inde. J’invite tous les citoyens électeurs à s’inscrire et à voter ; c’est à dire reconnaître ses droits et assumer ses devoirs. Je suis convaincu que Facebook va donner une nouvelle ampleur à la campagne de recensement électorale initiée par la Commission et encourager de futurs votants à participer au processus électoral et à devenir des citoyens indiens responsables ».

Les 17 principales agences de Renseignement US ont émis de sérieuses réserves quant à l’impact de ce phénomène de désinformation sur leur processus électoral et leur société. Selon un centre de recherche en statistique, une majorité d’États-uniens (un spectaculaire 88 %) pense que la diffusion de fausses nouvelles porte préjudice à leur perception de la réalité quotidienne [16]. Et nous, en Inde, nous dirigeons vers un scénario encore plus catastrophique que cela. Pourquoi ? Parce qu’à l’inverse de l’Inde, le gouvernement états-unien et la communauté du Renseignement a publiquement fait état du problème et travaillé à une solution face à cette menace. L’Inde peut-elle faire de même avec Facebook ayant le nez dans les affaires internes du pays ?

On met en place toutes sortes de commissions, des auditions sénatoriales sont programmées pour mettre à jour cette affaire et de nouvelles cellules sont créés pour contrer efficacement cette menace envers la société. Pendant qu’une enquête est menée sur le rôle de Facebook dans l’élection présidentielle états-unienne, on porte peu d’attention à la manière dont la cellule secrète de Facebook a influencé les élections indiennes. À la lumière de ces révélations, une investigation rigoureuse devrait être menée quant l’impact de Facebook sur les élections indiennes. Il est évident que pour ce faire, le gouvernement doit tout d’abord reconnaître l’existence de cette industrie de la désinformation afin de pouvoir agir contre elle.

En compagnie de Facebook, American Microchip Inc. et le Japonais Renesas engagés pour pirater le code secret EVM (banque de données utilisateurs) devraient être sous le coup d’une enquête pour interférence avec les élections indiennes ainsi que tous ceux qui ont comploté avec eux. Ce serait une grave erreur de prendre cette menace, liée à l’intrusion d’entreprises étrangères dans le processus électoral indien, à la légère [17].

[1] En argot Internet, un Troll désigne ce qui vise à générer des polémiques. Il peut s’agir d’un message (par exemple sur un forum), d’un débat conflictuel dans son ensemble ou de la personne qui en est à l’origine.

[2] “How Facebook’s Political Unit Enables the Dark Art of Digital Propaganda”, Lauren Etter, Vernon Silver & Sarah Frier, Bloomberg, December 21, 2017.

[3] “India’s Fake News Industry & Mob Lynchings”, Great Game India News, July 6, 2017.

[4] « Freedom House : quand la liberté n’est qu’un slogan », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 7 septembre 2004.

[5] “Freedom on the Net 2017. Manipulating Social Media to Undermine Democracy”, Freedom House, November 14, 2017.

[6] “Facebook Transparency Report 2017”, Facebook, January 2017.

[7] « Mark Zuckerberg possible futur président des États-Unis », Réseau Voltaire, 3 août 2017.

[8] “Experimental evidence of massive-scale emotional contagion through social networks”, Adam D. I. Kramer, Jamie E. Guillory & Jeffrey T. Hancock, Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America (PNSA), Vol 111, #24, July 17, 2014.

[9] “The Author of a Controversial Facebook Study Says He’s ‘Sorry’”, Stephanie Burnett, Time, June 30, 2014.

[10] “Facebook still won’t say ’sorry’ for mind games experiment”, David Goldman, CNN, July 2, 2014.

[11] “Privacy watchdog files complaint over Facebook study”, Jessica Guynn, USA Today, July 3, 2014.

[12] “Facebook apologises for psychological experiments on users”, Samuel Gibbs, The Guardian, July 2, 2014.

[13] “Using Social Media To Predict the Future : A Systematic Literature Review”, Lawrence Phillips, Chase Dowling, Kyle Shaffer, Nathan Hodas & Svitlana Volkova, ArXiv, June 19, 2017.

[14] “If Facebook can tweak our emotions and make us vote, what else can it do ?”, Charles Arthur, The Guardian, June 30, 2014.

[15] “Election Commission of India partners with Facebook to launch first nationwide voter registration reminder”, Facebook, June 28, 2017.

[16] “Many Americans Believe Fake News Is Sowing Confusion”, Michael Barthel, Amy Mitchell & Jesse Holcomb, Pew Research Center, December 15, 2016.

[17] “Are Indian Elections Hacked By Foreign Companies ?”, Shelley Kasli, Great Game India News, December 17, 2017.

Changement de paradigme politique… L’inévitable anarchie (Pierre Kropotkine ~ 2ème partie)

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Lectures connexes:

Manifeste de la societe des societes

L’anarchie pour la jeunesse

La Morale Anarchiste de Kropotkine)

le-prince-de-levolution-Dugatkin

 

 

 

L’inévitable anarchie

 

Pierre Kropotkine

Texte publié dans “La société nouvelle”, 11ème année, t.1, 1895

 

1ère partie

2ème partie

Et pourtant si, fermant le livre ou le journal, nous jetons un coup d’œil d’ensemble sur la société telle qu’elle est, nous sommes frappés de la part infinitésimale que prend le gouvernement dans la vie : des millions d’êtres ont passé sans avoir jamais eu rien à faire avec le gouvernement, tous les jours des millions de transactions sont conclues sans son intervention et n’en sont pas moins valables. — On peut même dire que les dettes dont il refuse de se porter garant, font peut-être les mieux payées (jeux de Bourse, dettes de jeu). La seule habitude de tenir parole, la crainte de perdre son crédit suffisent généralement pour que l’on tienne ses engagements. Sans doute, dans mainte occasion, la loi pourrait y contraindre ; mais sans parler des cas innombrables qu’il ne serait pas possible de déférer aux tribunaux, toute personne connaissant un peu les affaires n’ignore pas qu’il ne pourrait y avoir de commerce si un si grand nombre de commerçants ne se faisaient un point d’honneur de satisfaire à leurs obligations Ces mêmes marchands et fabricants qui ne craignent pas d’empoisonner leurs clients de drogues infectes, dûment étiquetées, gardent la parole donnée. Et puisqu’on peut déjà compter sur une moralité relative dans les conventions commerciales qui n’ont d’autre mobile que le désir de faire fortune, combien plus loyales seront les relations quand elles n’auront plus pour point de départ cet axiome économique que « la richesse est le travail des autres ».

Une autre des particularités de ce siècle est toute en faveur de cette tendance à se passer de gouvernement. C’est le nombre toujours croissant d’entreprises dues à l’initiative privée et le rapide développement d’institutions fondées sur le simple accord des parties. Le réseau des chemins de fer européens — confédération de centaines de sociétés particulières — et le transport direct des voyageurs et des marchandises, qui s’opère sur une multitude de voies ferrées, indépendantes les unes des autres, construites par petits tronçons et fédérées ensuite, sans qu’il y ait eu besoin pour cela d’un office central des chemins de fer européens, sont un des plus frappants exemples de l’harmonie fondée sur le consentement mutuel. On aurait traité de fou celui qui se serait avisé de prédire, il y a quelque cinquante ans, que des chemins de fer construits par tant de compagnies différentes, constitueraient finalement cet admirable réseau. On se serait hâté de prédire que ces mille et une compagnies, agissant toutes dans leurs intérêts, ne pourraient s’entendre sans en référer à un bureau central appuyé sur une Convention internationale des États européens et muni de pouvoirs dictatoriaux. Mais on s’est passé de Conventions et l’on n’en est pas moins tombé d’accord. Les Beurden hollandais qui régissent les rivières d’Allemagne et jusqu’au commerce maritime de la Baltique, les innombrables fédérations manufacturières et syndicats sont encore des exemples à l’appui. Qu’importe que la plupart de ces institutions s’unissent dans un intérêt d’exploitation trop visible ! Si des hommes n’ayant en vue qu’un misérable gain personnel s’entendent pour agir de concert, d’autres hommes poursuivant un but plus élevé s’entendront encore plus facilement en se groupant pour le bien commun.

Du reste, il ne manque pas d’associations libres en vue d’institutions purement humanitaires. L’une des plus belles créations du siècle n’est-elle pas la Société anglaise des Sauveteurs ! Depuis ses humbles commencements que nous nous rappelons tous, elle n’a pas sauvé moins de 32,000 vies. Elle fait appel aux plus nobles instincts et n’a d’autre mobile que le dévouement ; ses comités locaux s’organisent comme ils l’entendent. Mentionnons en même temps l’Association des hôpitaux de l’Angleterre et tant d’organisations analogues opérant sur une large échelle. Mais que savons-nous des résultats obtenus par la coopération ? nous qui sommes si instruits des actes du gouvernement, enregistrés par des milliers de volumes, des moindres améliorations qu’il est censé avoir introduites, dans lesquelles on exagère le bien qu’il a pu faire tandis que le mal est passé sous silence ? Où se trouve le livre qui mentionne les bienfaits dus à la coopération d’hommes de cœur ? — On fonde aussi tous les jours par centaines des associations destinées à donner satisfaction à l’immense variété des besoins de l’homme civilisé ; des sociétés pour tous les genres d’études, quelques-unes d’entre elles embrassant le vaste champ des sciences naturelles, d’autres plus modestes ; des sociétés de gymnastique, de sténographie : des sociétés qui se proposent d’étudier un auteur unique, des sociétés athlétiques et de jeux ; les unes, se préoccupant des moyens de conserver la vie, d’autres des moyens de la détruire ; des sociétés philosophiques, industrielles, artistiques et anti-artistiques, de travail sérieux et de simple amusement. En un mot, il n’est pas pour les hommes un champ d’activité où ils ne cherchent à travailler de concert, combinant leurs efforts vers un but commun. Tous les jours de nouvelles associations se forment, tous les jours d’anciennes associations se fédèrent à travers les frontières et coopèrent à de communs travaux. Voilà la tendance de notre siècle.

Ce qui frappe le plus dans ces institutions modernes, c’est qu’elles ne cessent d’empiéter sur l’ancien domaine de l’État ou de la municipalité. Le moindre propriétaire d’une maison, sur les bords du Léman, est membre d’une douzaine de sociétés différentes, fondées pour satisfaire à des besoins qui, ailleurs, sont du domaine des fonctions municipales. La fédération libre de communes indépendantes pour des fins temporaires ou permanentes, se retrouve au fond du régime civil en Suisse. C’est aux fédérations que ce pays doit en maint canton ses routes et ses fontaines, ses riches vignobles, ses forêts bien aménagées et ses prairies qu’admire le voyageur. En dehors de ces sociétés qui se substituent à l’État dans une sphère limitée, on en voit d’autres opérant de la même manière, mais sur une plus large échelle. En Angleterre, le soin de défendre le territoire, c’est-à-dire la fonction capitale de l’État, incombe en grande partie à une armée de volontaires, qui résisterait certainement à n’importe qu’elle armée d’esclaves commandés par un despote. Bien plus, on parle sérieusement d’une association pour la défense des côtes. Qu’elle se fonde ! et certainement elle deviendra une arme plus sûre pour la défense que les cuirassés de la flotte. Une des sociétés les plus en vue cependant, quoique récemment organisée, est celle de la Croix-Rouge. Coucher les hommes sur les champs de bataille, c’est l’État qui s’en charge ; mais ce même État se déclare impuissant à prendre soin des blessés. Il abandonne en grande partie cette tâche à l’initiative particulière. Quel débordement de sarcasmes aurait assailli le pauvre utopiste qui, il y a vingt-cinq ans, se serait permis d’avancer que le soin des blessés pourrait être confié à des associations privées ! « Personne n’irait où serait le danger ! Les infirmiers se trouveraient partout excepté où l’on en aurait besoin ! Les rivalités nationales feraient que les blessés mourraient sans aucun secours ! » On aurait dit cela et bien d’autres choses. La guerre de 1871 a prouvé combien sont perspicaces ces prophètes qui ne croient jamais à l’intelligence, au dévouement et au bon sens humains.

Ces faits si nombreux et si habituels qu’on ne les mentionne même pas, sont, à notre avis, un des traits les plus saillants de la seconde moitié de ce siècle. Les groupements se forment si naturellement, ils s’étendent et se fusionnent si rapidement, ils dérivent si évidemment de l’accroissement des besoins et des facultés de l’homme civilisé, ils remplacent si bien l’intervention de l’État, que nous devons les considérer comme un facteur nouveau et important dans notre existence. Le progrès moderne tend réellement à confier à des agrégations libres d’individus libres, tous les services dont l’État avait la gestion et dont il s’acquittait le plus souvent très mal.

Quant à la législation parlementaire et au gouvernement représentatif, ils tombent rapidement en désuétude. Les quelques penseurs qui les ont battus en brèche n’ont pas assez insisté sur la défaveur croissante de l’opinion publique. On commence à comprendre qu’il est tout simplement puéril d’élire certains hommes pour fabriquer des lois sur tous les sujets possibles, sujets dont la plupart ignorent le premier mot ; on commence à entrevoir que le gouvernement de la majorité n’est pas moins défectueux que les autres, et l’humanité cherche et trouve de nouvelles solutions pour résoudre les questions pendantes. L’Union postale n’a pas élu de parlement international pour réglementer toutes les organisations postales qui adhèrent à l’Union. Les chemins de fer européens n’ont pas élu de parlement international pour régler la marche des trains et répartir les bénéfices. Les associations météorologiques n’ont pas élu de parlement pour fonder des stations polaires, et les géologues n’ont pas élu un pouvoir pour déterminer la classification des formations géologiques ou pour teinter uniformément les cartes. Tous procèdent par voie d’arrangements amiables et si l’on a recours à des congrès et qu’on y envoie des délégués, ce ne sont pas des membres du parlement, « bons à tout faire », auxquels on aurait dit : « Votez comme vous l’entendrez, nous vous obéirons ! » Ce n’est pas un mandat de législateur qu’on leur confère. On commence par discuter soi-même les questions à l’ordre du jour : puis, on prend des hommes connaissant la question spéciale qui sera discutée au Congrès, et l’on envoie des délégués — non pas des députés. Et ces délégués, en revenant du Congrès, rapportent à leurs mandataires, non pas une loi dans la poche, mais une proposition d’entente, qui sera acceptée par eux, ou non. Tels sont les usages déjà en pratique actuellement (ils sont aussi très anciens) pour nombre de choses d’intérêt public, et ces usages remplacent déjà les lois bâclées par un gouvernement représentatif. Le gouvernement représentatif a fait son temps et accompli sa mission historique. Il a porté un coup mortel à l’autorité monarchique et, par ses débats, intéressé les citoyens aux affaires publiques. Mais ce serait commettre une erreur grossière que de le considérer comme le gouvernement de la société future. À toute phase économique il faut une phase politique correspondante, et il est impossible de toucher au système économique actuel, qui repose sur la propriété privée, sans ébranler du même coup l’organisation politique. La pratique nous indique déjà dans quelle direction se fera le changement. Non pas vers un accroissement des pouvoirs de l’État, mais vers l’organisation et la fédération libres se substituant à l’État dans tous les domaines dont il avait jusqu’ici le monopole.

On prévoit les objections : « Que faire de ceux qui ne tiendront pas leurs engagements, de ceux qui ne voudront pas travailler, de ceux qui transgresseront la loi écrite de la société ou, dans l’hypothèse anarchiste, les usages non écrits ? L’anarchie peut convenir à une humanité supérieure, non aux hommes de notre génération. » La formule de ces objections est bien vieille.

Et d’abord il y a deux sortes d’engagements : Celui qu’on accepte de plein gré, en toute liberté de choix, entre diverses propositions, et la capitulation forcée, imposée par l’une des parties, et qui n’est pas consentement mais pure résignation à la nécessité. Malheureusement la grande majorité des contrats actuels appartient à cette catégorie. Un ouvrier qui vend pour un modique salaire son travail au patron, sait parfaitement que celui-ci retient indûment une partie de ce que l’ouvrier aura produit, sans même lui garantir du travail pour plus tard, mais il n’ignore pas non plus que sa femme et ses enfants mourraient de faim au bout d’une semaine : N’est-ce pas une amère ironie que d’appeler cette transaction un libre contrat ? Les économistes modernes peuvent la désigner ainsi, mais le promoteur de l’économie politique, Adam Smith, ne donna pas dans ce travers. Aussi longtemps que les trois quarts de l’humanité seront contraints d’accepter des conventions de ce genre, la force sera nécessaire, non seulement pour les imposer, mais encore pour maintenir cet état de choses. II faudra la force — et même beaucoup de force — pour empêcher les travailleurs de reprendre ce qu’ils considèrent comme étant injustement possédé par quelques privilégiés ; beaucoup pour contraindre de nouveaux sujets, les « non-civilisés », à se plier sous le même joug. Le parti des anti-étatistes spencériens le comprend si bien que, tout en s’opposant à l’usage de la force pour renverser les conditions actuelles, il demande que l’on use encore plus librement de la force pour maintenir le régime de propriété actuel. Quant à l’anarchie, elle est visiblement aussi incompatible avec la ploutocratie qu’avec tous les autres genres de craties.

Nous ne voyons pas du tout la nécessité de la force pour imposer des conventions librement consenties. Nous n’avons, en effet, jamais entendu dire qu’on infligeât une pénalité quelconque à un sauveteur qui refuse de monter en bateau en cas de besoin. Tout ce que ses camarades font et peuvent faire, dans un cas pareil, c’est de l’inviter à quitter l’association pour toujours. On n’a jamais entendu dire, non plus, qu’un contributeur au dictionnaire de Murray [2] fût passible d’amende pour avoir apporté un article en retard, ou que des gendarmes aient ramené au combat des volontaires de Garibaldi. Les engagements libres ne s’imposent pas.

Quant à l’objection si souvent répétée que personne ne travaillerait sans y être contraint par la nécessité, que de fois nous l’avons entendue lors de l’émancipation des esclaves en Amérique, des serfs en Russie, et nous avons eu dès lors le temps de l’apprécier à sa juste valeur ! Aussi n’essaierons-nous pas de convaincre ceux qui ne peuvent l’être que par le fait accompli. Quant à ceux qui réfléchissent, ils devraient savoir que, s’il en a été réellement ainsi pour une infime partie de l’humanité à l’état sauvage, — et encore, qu’en savons-nous ? — ou s’il en est ainsi dans quelques communautés ou chez quelques individus pris de désespoir par un insuccès constant dans leur lutte contre un milieu hostile, le contraire a lieu pour l’immense majorité dans les nations civilisées. Chez nous le travail est la règle et la paresse une exception artificielle. Sans doute s’il faut, parce qu’on travaille à un métier manuel, peiner toute la vie ses dix heures par jour, et souvent davantage, pour faire une infime partie d’un objet quelconque, des têtes d’épingles par exemple ; si le maigre salaire fournit à peine de quoi vivre à la famille ; s’il faut rester toujours dans la crainte d’être demain privé de son emploi — et l’on sait combien sont fréquentes les crises industrielles et la misère qu’elles engendrent ; — s’il faut toujours s’attendre à une mort prématurée dans un hospice d’indigents, et pis encore ; subir le mépris de ceux que le travail fait vivre ; renoncer pour toujours aux jouissances profondes que donnent à l’homme les sciences et les arts.. — oh ! alors, il n’est pas étonnant qu’on n’aie qu’un rêve, — l’ouvrier manuel comme tout le monde, — celui de s’assurer cette condition fortunée où les autres travailleront pour lui. Quand je vois des écrivains se vanter d’être les vrais travailleurs et traiter les ouvriers manuels de vulgaires paresseux, je voudrais leur demander : Qui donc a fait tout ce qui vous entoure, les maisons où vous demeurez, les fauteuils qui vous donnent le repos, les tapis que vous foulez aux pieds, les rues où vous faites vos promenades, les habits que vous portez ? Qui donc a construit les Universités où vous avez étudié ? Qui vous a fourni de quoi manger pendant les années d’école ? Et que resterait-il de votre entrain au travail si vous passiez comme eux toute la vie sur une tête d’épingle et dans de telles conditions ? Sans doute qu’on vous traiterait aussi de vulgaires paresseux ! Et j’affirme qu’aucun homme intelligent ne peut étudier de près les ouvriers européens sans s’étonner au contraire de leur empressement au travail, même dans ces conditions abominables.

L’excès de travail répugne à la nature humaine, non le travail : L’excès de travail qui donne le luxe aux privilégiés, non le travail qui nourrit les hommes. Le travail, la vie active sont une nécessité physiologique, car il importe d’utiliser les forces physiques emmagasinées, il y va de la santé, de la vie même. Et si tant de travaux utiles ne sont exécutés qu’avec dégoût, ils le doivent à une organisation abominable, ou au surmenage. Mais nous savons — le vieux Franklin savait — que, si tout le monde travaillait utilement, quatre heures par jour suffiraient amplement pour produire tout ce qui est nécessaire à un confort que la classe moyenne seule possède aujourd’hui, à condition, sans doute, de ne point gaspiller nos forces productives comme nous le faisons actuellement. Quant à cet enfantillage ressassé depuis cinquante ans, à savoir qui est-ce qui ferait le travail désagréable ? — je regrette qu’aucun de nos savants n’ait eu l’occasion de le faire, au moins une fois dans la vie. S’il y a encore des travaux réellement désagréables, c’est que notre personnel scientifique n’a jamais daigné s’occuper de les rendre salubres ou même intéressants. Ils savent bien qu’il y a toujours assez de meurt-de-faim pour les exécuter contre un salaire dérisoire.

L’objection qui conclut à la nécessité d’un gouvernement pour punir les transgresseurs des lois sociales, est bien plus sérieuse ; mais il y aurait tant à dire sur la question qu’on hésite à le faire incidemment. Disons seulement que plus nous l’étudions, plus nous en arrivons à la conviction que la société elle-même est responsable des actes antisociaux qui se commettent dans son sein et qu’il n’y a ni peines, ni prisons, ni exécuteurs des hautes œuvres qui puissent en diminuer le nombre, rien, sauf la reconstitution de la société. Les trois quarts des délits déférés aux tribunaux proviennent directement ou indirectement de l’organisation actuelle de la production et de la répartition de la fortune publique, et non de la perversité de notre nature. Quant aux actes relativement rares qui résultent des dispositions antisociales de quelques individus, la prison ni même la guillotine ne pourraient les prévenir. La prison les multiplie et corrompt davantage le criminel. Par nos mouchards, notre « prix du sang », nos exécutions et nos cachots, nous inondons la civilisation d’un océan de basses passions et de mœurs déplorables. Celui qui voudrait étudier ces institutions jusqu’en leurs extrêmes résultats, serait épouvanté du mal que l’on fait sous prétexte de défendre la morale [3]. Il faut que l’on cherche d’autres remèdes, et ces remèdes sont depuis longtemps indiqués.

Sans doute, lorsque, comme aujourd’hui, une mère qui cherche du pain et un abri pour ses enfants, doit passer sans entrer devant des magasins emplis jusqu’aux combles des comestibles les plus recherchés et les plus appétissants, qu’un luxe insolent s’étale à côté d’une misère noire, que le cheval et le chien de l’homme riche sont mieux traités que des millions d’enfants dont les parents gagnent un maigre salaire au fond de la mine, que la « modeste » robe de soirée d’une grande dame représente comme valeur huit mois ou un an de travail humain, que l’enrichissement aux dépens des autres est le but avoué des « classes supérieures », et qu’on ne peut tracer de limite entre les moyens honnêtes et les moyens malhonnêtes d’obtenir cet enrichissement, — sans doute la force seule peut maintenir cet état de choses, et des années de policiers, de juges et d’exécuteurs deviennent une institution indispensable.

Mais si tous nos enfants — tous les enfants sont nos enfants — recevaient une instruction et une éducation saines — et nous avons le moyen de les leur donner ; si chaque famille habitait une maison convenable, et cela est déjà possible au taux élevé de notre production actuelle ; si l’on donnait un métier manuel à chaque garçon et à chaque fille en même temps qu’une instruction scientifique, et que le travail manuel ne fût pas considéré comme une preuve d’infériorité ; si les hommes entretenaient des rapports fréquents entre eux et se chargeaient en commun des affaires publiques, confiées aujourd’hui à une minorité et si, en conséquence de cette association et de cette proximité, ils en arrivaient à s’intéresser autant aux peines et aux difficultés du prochain qu’ils s’intéressaient autrefois aux peines et aux difficultés de leurs seuls parents et amis, il n’y aurait plus besoin de policiers, de juges ni d’exécuteurs. Les actes antisociaux ne seraient pas punis, mais prévenus en germe ; les quelques contestations qui pourraient s’élever seraient facilement élucidées par des arbitres dont les décisions ne nécessiteraient pas plus le recours à la force pour être exécutées qu’en Chine le verdict du conseil de famille ou qu’à Valence les prescriptions des tribunaux de paysans siégeant pour la répartition des eaux.

Et ici, nous touchons à une grave question : Que deviendrait la moralité dans une société qui ne reconnaîtrait pas les lois et affirmerait la liberté absolue de l’individu ? La réponse sera simple. La moralité est indépendante de la loi et de la religion et leur est antérieure. Jusqu’à présent les enseignements moraux s’étaient associés aux enseignements religieux, mais ceux-ci ont beaucoup perdu de leur influence et la sanction que la moralité puisait dans la religion voit le terrain lui manquer. Des millions d’existences se succèdent dans nos cités sans s’intéresser à l’ancienne foi. Serait-ce une raison pour méconnaître aussi la moralité et pour la traiter avec la même indifférence que les vieilles cosmogonies ?

Évidemment non. Aucune société ne pourrait se soutenir sans admettre certains principes. Si tout le monde s’habituait à tromper le prochain, si on ne comptait plus sur la parole et les promesses les uns des autres, si chacun traitait son semblable en ennemi contre lequel toute guerre est justifiable, la société disparaîtrait. C’est pourquoi, malgré la désuétude des croyances religieuses, les principes de moralité restent inébranlables. Nous l’avons dit, ils ont précédé les religions et leur survivent. Les Tchuktchis primitifs n’ont pas de religion, ils ne sont que superstitieux et craignent les forces hostiles de la nature : mais ils professent la même morale que les chrétiens, les bouddhistes, les musulmans et les hébreux. Quelques unes de leurs coutumes indiquent même chez eux une compréhension plus élevée des devoirs de la tribu que ne l’ont nos modernes des devoirs de la société. En réalité, toute religion nouvelle prend ses principes de morale au seul fonds commun, c’est-à-dire aux coutumes de sociabilité que les hommes adoptent par la force des choses dès qu’ils se réunissent en familles, tribus ou nations. Il ne se forme pas de société animale qui n’aboutisse à l’éclosion et au développement de certaines habitudes de support mutuel et même de sacrifice à la cause commune. Ces habitudes sont une condition nécessaire au perfectionnement de l’espèce dans la lutte pour l’existence, la coopération entre les individus étant un facteur bien autrement important pour leur conservation que la lutte physique pour les moyens d’existence qui a tant fait parler et tant fait écrire. Les « plus aptes » dans le monde organique sont ceux qui s’accoutument à la vie en société, et la vie en société implique naturellement des habitudes de moralité. Il s’est développé dans l’humanité, durant le cours de sa longue existence, un noyau d’habitudes sociales, d’habitudes morales qui ne peuvent disparaître tant que durera la société. Et c’est pourquoi, malgré les influences contraires qui sont à l’œuvre par suite de nos présentes circonstances économiques, le noyau de nos habitudes morales se perpétue. Les lois et les religions ne font pas autre chose que se les approprier et cherchent à les appuyer par leur sanction.

Quelle que soit la diversité des théories, la morale peut se classer en morale religieuse, morale utilitaire et morale d’habitude, résultant des nécessités de la vie en société. Toute morale religieuse sanctifie ses prescriptions en leur donnant la Révélation pour origine et cherche à imposer son enseignement par la perspective de récompenses et de punitions dans ce monde et dans l’autre. Ce système, on le sait, perd son ascendant. La morale utilitaire conserve l’idée d’une récompense, mais l’homme doit la trouver en lui-même ; elle l’invite à analyser ses peines et ses jouissances, à les classer et à donner la préférence à celles qui sont plus intenses et plus durables, — les jouissances morales. Nous devons reconnaître que, nonobstant l’influence qu’il a exercée, ce système aussi a été jugé superficiel par la grande majorité. Enfin, il y a la morale, suivant laquelle les actes sociaux ne sont pour l’homme qu’un moyen de se réjouir avec ses frères de leur bonheur, à s’affliger avec eux de leur peine, moralité qui devient une habitude et une seconde nature et que développe constamment la vie sociale. Cette moralité est celle de l’humanité, elle est aussi celle de l’anarchie.

On ne pourrait rendre plus évidente la différence entre ces systèmes de morale différents qu’en rappelant cet exemple. Un enfant se noie en présence de trois hommes qui se tiennent sur la rive : Un moraliste religieux, un utilitarien et un homme du peuple. L’homme pieux se dit qu’en sauvant l’enfant il gagnera le paradis, peut-être aussi une récompense en ce monde, et il sauve l’enfant. Il s’est montré bon calculateur, voilà tout. L’utilitarien s’est fait ce raisonnement : les joies de la vie sont de deux sortes, les unes supérieures et les autres moins relevées. En sauvant l’enfant j’éprouverai une jouissance de premier ordre, et il saute dans l’eau. Ces utilitariens sont aussi des calculateurs, et la société fera bien de ne pas beaucoup compter sur eux. L’homme du peuple ne calcule pas. Il a l’habitude de sentir les peines et les joies de ceux qui l’entourent. Agir en conséquence est devenu sa seconde nature : Il se jette à l’eau comme un bon chien et sauve l’enfant grâce à l’énergie et à la promptitude de son dévouement. Et si la mère le remercie : « Je n’aurais pu faire autrement. » Voilà la véritable moralité, celle des masses, la moralité qui est entrée dans les mœurs et qui persistera, quelles que soient les théories émises par les philosophes, et qui se perfectionnera, grâce aux progrès de la vie sociale. Une telle moralité n’a pas besoin de force pour se maintenir, elle s’accroît au contraire en vertu de la sympathie qu’éveille chez tous les hommes le moindre appel à une conception plus large et plus élevée des devoirs sociaux.

Voilà le résumé très sommaire des principaux principes de l’anarchie. Chacun d’eux s’attaque à un préjugé, et résulte cependant de l’analyse de tendances réelles. Chacun d’eux est fertile en conséquences et demande la revision de plus d’une opinion courante. Et nous ne parlons pas ici en vue de l’avenir, dans une époque lointaine. Aujourd’hui, déjà, quelle que soit la sphère d’action de l’individu, il peut agir ! Agir d’accord avec les principes anarchistes ou prendre une direction contraire. S’il choisit l’anarchie, il suivra la voie du progrès à venir. Mais tout ce que l’on tentera dans la direction contraire ne sera qu’un effort infructueux pour forcer l’humanité à rétrograder.

 

  1. Les Bases scientifiques de l’anarchie. Voir n° 44 de la Société nouvelle (août 1888).
  2. Aller
    ↑ Ce dictionnaire est fait par Murray avec l’aide d’un millier ou plus de collaborateurs volontaires.
  3. Aller
    ↑ Voy. In Russian and French Prisons du même auteur. Londres. 1886 (Ward and Downey). Aussi Les Prisons, conférence faite à Paris en 1888.

Coup d’arrêt à l’impérialisme au Moyen-Orient… L’anticipation salvatrice du Hezbollah de refuser de combattre Daesh sur le sol libanais…

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et de porter le fer là où le problème avait fait surface.

A lire également pour mieux comprendre la très bonne analyse de Bruno Guigue ci-dessous:

Hezbollah son histoire de linterieur naim qassem

 

Syrie-Hezbollah ou le cauchemar de l’impérialisme

 

Bruno Guigue

 

27 décembre 2017

 

Source: http://french.almanar.com.lb/715075

 

La guerre, disait Clausewitz, met fin par le sang à une divergence d’intérêts”.

Contrairement à une idée reçue, les USA et leurs alliés n’ont pas tenté d’abattre la Syrie pour s’emparer de ses hydrocarbures. Les projets gaziers du Qatar expliquent peut-être son engagement au côté des insurgés, mais ils n’ont pas suffi à nourrir un conflit d’une telle ampleur. La rage destructrice des parrains de cette guerre meurtrière n’était pas davantage motivée par la défense des “droits de l’homme”. Seuls les esprits crédules ont pu croire de telles sornettes, accréditées il est vrai par un déluge de propagande sans précédent.

La véritable raison de cette guerre par procuration n’est ni économique ni idéologique. Déployant des moyens colossaux, l’impérialisme avait un autre objectif, beaucoup plus ambitieux : il entendait conjurer une menace stratégique. En détruisant la Syrie, Washington espérait liquider le seul Etat arabe qui soit resté debout face à Israël, et qui appuie sans réserve la résistance armée à l’invasion sioniste. Frapper à mort la Syrie devait permettre d’en finir avec le Hezbollah, et l’effondrement de l’Etat syrien mettre fin à l’anomalie d’un gouvernement arabe allié au “régime des mollahs” et à la Russie de Vladimir Poutine.

La preuve ultime de ce dessein géopolitique a été fournie par l’ex-secrétaire d’Etat Hillary Clinton dans son email du 30 novembre 2015 révélé par Wikileaks : “La meilleure manière d’aider Israël à gérer la capacité nucléaire grandissante de l’Iran, écrivait-elle, est d’aider le peuple syrien à renverser le régime de Bachar el-Assad”. En cas de réussite, cette tentative de “regime change” par le biais de la terreur milicienne aurait privé l’axe Téhéran-Damas-Beyrouth de son maillon central. Elle aurait laissé le Hezbollah orphelin de la Syrie et rejeté l’Iran dans l’arrière-cour d’un Moyen-Orient remis sur orbite occidentale.

Malheureusement pour Washington et ses séides, cette vaste opération a échoué. Malgré les milliers de mercenaires lobotomisés par le wahhabisme, malgré les milliards de dollars déversés par les monarchies du Golfe, le conglomérat takfiriste s’est brisé sur le mur d’acier d’une armée nationale appuyée par ses alliés russes, libanais, irakiens et iraniens. Même si elle n’a pas supprimé la capacité de nuisance américaine, cette défaite a infligé un coup d’arrêt à la politique du “chaos constructif” voulue par Washington afin de provoquer l’implosion du Moyen-Orient et le démembrement de ses Etats souverains.

L’année 2017 restera dans les annales comme celle d’un nouvel échec de l’impérialisme. Destinée à éliminer une pièce maîtresse de la résistance arabe, la guerre imposée à la Syrie entendait venger l’humiliation infligée à Israël en juillet-août 2006. Elle visait à repousser le cauchemar d’une force arabe victorieuse, capable de chasser la puissante armée sioniste d’un petit pays qu’elle croyait à sa merci. Rarement mentionnée, cette signification du conflit syrien est pourtant essentielle. Loin d’être séparés, les conflits du Proche-Orient sont intimement liés. La crise régionale a plusieurs dimensions, mais c’est la même crise.

Que serait devenu le Liban si les factions extrémistes avaient gangrené l’est du pays ? Le Hezbollah, rejoint par l’armée libanaise, les a extirpées. En supprimant ces nids de scorpions des deux côtés de la frontière, la résistance a joué son rôle de protecteur du Liban, et même ceux qui vilipendaient son intervention en Syrie sont contraints de l’admettre. Obsession d’Israël, le Hezbollah a payé le prix du sang, tirant du conflit syrien une expérience précieuse. L’impérialisme voulait l’abattre en le privant de son allié. Peine perdue. Cauchemar des sionistes, vainqueur d’Al-Qaida, protecteur des minorités, le Hezbollah est plus fort et plus respecté que jamais.

Ce n’est pas un hasard si l’armée israélienne a multiplié les agressions sur le territoire syrien au cours des derniers mois. Plusieurs responsables sionistes l’ont dit : la prochaine guerre opposera à nouveau Israël et le Hezbollah, et elle sera d’une rare violence. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres, et l’agresseur devrait méditer les leçons du précédent conflit. Le 12 juillet 2006, prétextant l’enlèvement de deux soldats israéliens à la frontière libanaise, une impressionnante armada israélienne avait envahi le Liban avec l’objectif avoué “d’éradiquer le Hezbollah”. L’issue de cette opération a toutefois réservé bien des surprises à ses initiateurs.

Durant cette guerre de 33 jours, le déséquilibre des forces est énorme. Israël dispose d’une force militaire colossale, quasiment invaincue sur les théâtres d’opérations du Proche-Orient, et alimentée par les transferts technologiques de son puissant protecteur US. Infanterie mécanisée, artillerie lourde, blindés, aviation, marine de guerre et drones de combat s’abattent sur le Liban. Face à ce corps expéditionnaire de 40 000 soldats et 450 blindés lourds, se dresse le Hezbollah, parti politique minoritaire libanais qui dispose d’une milice courageuse, mais dépourvue d’armement lourd.

Pour accréditer la menace que ferait peser cette organisation détestée par les puissances occidentales, on orchestre alors une véritable dramaturgie autour des roquettes lâchées sur Israël. Psychologiquement, elle profite aux deux belligérants : elle permet au Hezbollah de défier Israël et à Israël de jouer la comédie de l’agresseur agressé. Mais elle masque surtout la disproportion des dégâts causés dans les deux camps. Alors qu’un millier de Libanais ont déjà péri sous les bombes de “Tsahal”, les médias braquent leurs projecteurs sur la dizaine de civils tués par les roquettes du Hezbollah.

Fascinés par leur propre puissance, les sionistes frappent les ponts, les usines, les ports, les aéroports, ils dévastent Beyrouth-sud, déploient un appareil de destruction sans précédent contre le pays. Mais cet avantage aérien ne préjuge pas de la victoire. Le Hezbollah, de son côté, dispose d’atouts indéniables : sa solide implantation au sein de la communauté chiite, sa cohésion interne et la valeur de ses combattants, le soutien d’une large majorité de la population libanaise. Soudant les Libanais autour du Hezbollah, la nouvelle invasion israélienne, de plus, a pour effet d’en montrer l’utilité militaire.

Encore confuse à la veille du conflit, l’idée que le Hezbollah constitue un rempart contre Israël s’impose avec l’évidence d’une force matérielle : si le Hezbollah cède, il n’y a plus de Liban, mais un nouveau bantoustan israélien. Simple prétexte, le double enlèvement du 12 juillet a fourni aux dirigeants israéliens, en effet, l’occasion rêvée d’une nouvelle guerre dont ils entendent toucher les dividendes. La résistance mise à genoux, le Liban pourrait retrouver son statut d’Etat-tampon, sans véritable souveraineté, ni cohésion nationale, ni force militaire.

Car Israël ne saurait tolérer à sa frontière nord qu’un Etat-fantoche. Il a détruit sa flotte aérienne civile en 1968, envahi son territoire en 1978 et poussé une offensive militaire dévastatrice contre Beyrouth en 1982. Envahi, occupé et bombardé durant des décennies, le Liban n’a vu le départ des troupes israéliennes du sud du pays qu’en 2000. Cette victoire tardive, il la doit au Hezbollah, qui a harcelé l’occupant pendant vingt ans, tuant 900 de ses soldats et le contraignant à un retrait unilatéral. La violente attaque israélienne engagée le 12 juillet 2006, manifestement, est un règlement de comptes.

Jouant les matamores, les dirigeants israéliens promettent d’infliger une correction magistrale à la résistance. Jugés indestructibles par les experts, 52 blindés de “Tsahal” sont pourtant transformés en passoires. 170 soldats sont tués, 800 blessés. Plus de 1 500 Libanais périssent dans les bombardements sionistes, et le Hezbollah reconnaît la perte de 200 combattants. Avec leurs lance-roquettes antichar, les combattants du Hezbollah ont contraint les forces israéliennes à lâcher prise. Inconcevable pour les admirateurs d’Israël, une dure réalité s’impose : la “plus puissante armée du Moyen-Orient” a reculé face aux miliciens d’un parti politique libanais.

Au lendemain du conflit, le Hezbollah est toujours debout et son potentiel militaire encore menaçant. Auréolé par sa résistance à l’envahisseur, il jouit dans le monde arabe d’un prestige inégalé qui transcende le clivage artificiellement entretenu entre sunnites et chiites. En voulant donner à cette guerre un caractère punitif, Israël s’est puni lui-même. Ses soldats ont été incapables de prendre une poignée de villages frontaliers et son principal fait d’armes fut une campagne aérienne dévastatrice. Israël voulait éradiquer le Hezbollah. Tout ce qu’il a réussi à faire est de massacrer des civils. Vaincue, son armée a repassé la frontière la queue entre les jambes.

Le souvenir de cette victoire arabe emportée à 1 contre 10 ne cesse de hanter les dirigeants israéliens et occidentaux. C’est l’une des raisons essentielles de leur acharnement contre la Syrie, et l’agression contre Damas en 2011 était en germe dans la défaite d’Israël en 2006. Mais les événements n’ont pas suivi le cours espéré par leurs brillants stratèges. Avec la déroute de la piétaille wahhabite en Syrie, le plan a déraillé, et l’échec a nourri l’échec. En 2006, Israël a subi la défaite face au Hezbollah soutenu par la Syrie. En 2017, l’impérialisme a perdu la partie face à la Syrie soutenue (entre autres) par le Hezbollah. Les tentatives désespérées pour rompre cette alliance se sont brisées comme du verre sur la résistance des peuples frères, syrien et libanais.

Résistance politique: Dire NON !… et s’y tenir…

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Quelques textes de la Commune et sur la guerre qui l’amena

 

Résistance 71

 

27 décembre 2017

 

Aux travailleurs de tous les pays

Les Internationaux français, 1870

 

Source: “La Commune, histoire et souvenirs”, Louise Michel, 1898

 

 

Travailleurs,

Nous protestons contre la destruction systématique de la race humaine, contre la dilapidation de l’or du peuple qui ne doit servir qu’à féconder le sol et l’industrie, contre le sang répandu pour la satisfaction odieuse de vanité, d’amour-propre, d’ambitions monarchiques, froissées et inassouvies.

Oui, de toute notre énergie, nous protestons contre la guerre comme hommes, comme citoyens, comme travailleurs.

La guerre, c’est le réveil des instincts sauvages et des haines nationales.

La guerre, c’est le moyen détourné des gouvernants pour étouffer les libertés publiques.

= = =

Manifeste de la mairie du 18ème arrondissement (extraits)

Manifeste adressé aux révolutionnaires de Montmartre en mai 1871

Source: Ibid.

De grandes et belles choses se sont accomplies depuis le 18 mars [1871] et notre œuvre n’est pas encore achevée, de plus grandes encore doivent s’accomplir et s’accompliront parce que nous poursuivrons notre tâche sans trêve, sans crainte dans le présent ni dans l’avenir.

Mais pour cela, il nous faut conserver tout le courage, toute l’énergie que nous avons eus jusqu’à ce jour et qui plus est, il faut nous préparer à de nouvelles abnégations, à tous les périls, à tous les sacrifices: plus nous seront prêts à donner, moins il nous en coûtera.

Le salut est à ce prix et votre attitude prouve suffisamment que vous l’avez compris.

Une guerre sans exemple dans l’histoire des peuples nous est faite ; elle nous honore et flétrit nos ennemis.

Vous le savez, tout ce qui est vérité, justice ou liberté n’a jamais pris sa place sous le soleil sans que le peuple ait rencontré devant lui, et armés jusqu’aux dents, les intrigants, les ambitieux et les usurpateurs qui ont intérêt à étouffer nos légitimes aspirations.

Aujourd’hui, citoyens, vous êtes en présence de deux programmes:

Le premier, celui des royalistes de Versailles conduits par la chouannerie légitimiste et dominés par des généraux de coup d’état et des agents bonapartistes, trois partis qui se déchireraient eux-mêmes après la victoire et se disputeraient les Tuileries.

Ce programme, c’est l’esclavage à perpétuité, c’est l’avilissement de tout ce qui est peuple ; c’est l’étouffement de l’intelligence et de la justice ; c’est le travail mercenaire ; c’est le collier de misère rivé à vos cous ; c’est la menace à chaque ligne ; ou y demande votre sang, celui de vos femmes et de vos enfants, on  demande nos têtes comme si nos têtes pouvaient boucher les trous faits dans vos poitrines, comme si nos têtes tombées pouvaient ressusciter ceux qu’ils vous ont tués.

Ce programme, c’est le peuple à l’état de bête de somme, ne travaillant que pour un amas d’exploiteurs et de parasites, que pour engraisser des têtes couronnées, des ministres, des sénateurs, des maréchaux, des archevêques et des jésuites.

C’est Jacques Bonhomme à qui l’on vend depuis ses outils jusqu’aux planches de sa cahute, depuis la jupe de sa ménagère, jusqu’aux langes de ses enfants pour payer les lourds impôts qui nourrissent le roi et la noblesse, le prêtre et le gendarme.

L’autre programme citoyens, c’est celui pour lequel vous avez fait trois révolutions [1789, 1830, 1848], c’est celui pour lequel vous combattez aujourd’hui [1871], c’est celui de la Commune, c’est le vôtre enfin.

Ce programme c’est la revendication des droits de l’Homme, c’est le peuple maître de ses destinées, c’est la justice et le droit de vivre en travaillant ; c’est le sceptre des tyrans brisés sous le marteau de l’ouvrier, c’est l’outil légal du capital, c’est l’intelligence punissant la ruse et la sottise, c’est l’égalité d’après la naissance et la mort.

Et disons-le citoyens, tout homme qui n’a pas son opinion faite aujourd’hui n’est pas un homme ; tout indifférent qui ne prendra pas part à la lutte ne pourra pas jouir en paix des bienfaits sociaux que nous préparons sans en avoir à rougir devant ses enfants.

Ce n’est plus un 1830 ni un 48, c’est le soulèvement d’un grand peuple qui veut vivre libre ou mourir.

[…]

Il faut vaincre et vaincre vite et avec la paix le laboureur retournera à sa charrue, l’artiste à ses pinceaux, l’ouvrier à son atelier, la terre redeviendra féconde et le travail reprendra. Avec la paix nous accrocherons nos fusils et reprendrons nos outils et heureux d’avoir bien rempli notre devoir, nous aurons le droit de dire un jour: Je suis un soldat citoyen de la grande révolution.

~ Les membres de la Commune:

Dereure, J-B Clément, Vermorel

Pashal Grousset, Cluseret,

Arnols, Théophile Ferré ~

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Appel au Socialisme (PDF)

Questionner les acquis: La morale ou la contre-nature (F. Nietzsche)

Posted in actualité, militantisme alternatif, N.O.M, pédagogie libération, philosophie, politique et social, résistance politique, terrorisme d'état with tags , , , , , , , on 26 décembre 2017 by Résistance 71

La morale est dans l’Europe d’aujourd’hui, une morale de troupeau,,, L’Homme est matière, fragment, superflu, argile, boue, sottise, chaos, mais il est aussi créateur, sculpteur, marteau impitoyable et divinité qui au septième jour contemple son œuvre, comprenez-vous ce contraste ?..”
~ Friedrich Nietzsche, “Par delà le bien et le mal” ~

Dans ce texte de 1897 que nous reproduisons ci-dessous, Nietzsche nous parle de la morale contre-nature et reconnaît que la société étatique, celle régit par ce qu’il qualifia de “plus froid des monstres froids”, ne fonctionne que sur des oppositions, des antagonismes et que ceux-ci lui sont vitaux pour demeurer en… l’état.

Nous argumentons que la société du futur s’émancipera des antagonismes pour embrasser l’union dans la reconnaissance de la complémentarité dans la diversité qui nous est intrinsèque:

Manifeste de la societe des societes

~Résistance 71 ~

 

La Morale ou la contre-nature

 

Friedrich Nietzsche

 

Publié dans “La revue blanche”, 1897

I

Toutes les passions ont un temps où elles sont exclusivement funestes, où le poids de leur stupidité entraîne leur propre sacrifice, — il vient ensuite plus tard, beaucoup plus tard, une période où elles se marient avec l’esprit, se spiritualisent. Autrefois, à cause de la stupidité dans la passion, on faisait la guerre à la passion même ; les hommes étaient conjurés pour l’anéantir ; tous les vieux plésiosaures de la morale sont unanimes là-dessus : « Il faut tuer les passions. » La formule la plus célèbre s’en trouve dans le Nouveau Testament, dans ce sermon sur la montagne où, soit dit en passant, les choses ne sont pas du tout considérées de haut. Il y est dit, par exemple, relativement à la passion sexuelle : « Si ton œil t’agace, arrache-le. » Heureusement, aucun chrétien n’agit suivant ce précepte. Vouloir anéantir les passions et les désirs, uniquement pour prévenir leur stupidité et les conséquences fâcheuses de cette stupidité nous paraît aujourd’hui être en soi une forme aiguë de la stupidité. Nous n’admirons plus les dentistes qui nous arrachent les dents afin qu’elles ne nous fassent plus mal. D’autre part, il faut avoir la justice de reconnaître que, sur le sol où est poussé le christianisme, l’idée de la « spiritualisation des passions » ne pouvait être conçue. La première Église a combattu comme on sait contre les « Intelligents » en faveur des « Pauvres d’esprit » ; comment aurait-on pu attendre d’elle une guerre intelligente contre les passions ? L’Église combat les passions par l’excision en tous sens ; sa méthode, sa « cure », c’est la castration. Elle ne se demande pas : comment spiritualiser, embellir, diviniser une passion ? De tout temps, elle a placé la force de la discipline dans l’extirpation (de la sensualité, de l’orgueil, des instincts de domination, d’avarice, de vengeance). — Mais attaquer les passions à la racine, c’est attaquer la vie à la racine. La pratique de l’Église est ennemie de la vie.

II

Le même moyen, excision, extirpation, est choisi instinctivement, dans la lutte avec le désir, par ceux qui sont trop faibles de volonté, trop dégénérés pour lui imposer une mesure, par ces natures qui ont besoin de la Trappe au figuré (ou sans figure), qui sentent la nécessité d’une déclaration de guerre définitive, d’un gouffre entre eux et la passion. Les moyens radicaux ne sont indispensables qu’aux dégénérés ; la faiblesse de la volonté, à proprement parler, l’impuissance à réagir contre une tentation est en soi-même une autre forme de la dégénérescence. L’hostilité radicale, l’hostilité mortelle manifestée contre les appétits des sens, demeure un symptôme significatif ; on est en droit d’avoir des soupçons sur le fond d’une pareille exagération. Cette hostilité, cette haine atteint toute son acuité lorsque de telles natures n’ont pas elles-mêmes la fermeté suffisante pour une cure radicale, pour renoncerai Satan ». Qu’on passe en revue l’histoire des prêtres et des philosophes, y compris les artistes — ; les paroles les plus venimeuses contre les sens n’ont pas été dites par les impotents et les ascètes, mais par les ascètes impuissants, par ceux qui n’avaient pas ce qu’il fallait pour être ascètes.

III

La spiritualisation de la sensualité se nomme l’amour : elle est un grand triomphe sur le christianisme. Un autre triomphe est notre « spiritualisation de l’hostilité ».

Elle consiste en ceci que l’on comprend profondément le prix qu’il y a à avoir des ennemis : bref, l’on agit et l’on raisonne aujourd’hui à l’inverse d’autrefois. L’Église de tout temps a voulu l’anéantissement de ses ennemis : mais, nous immoralistes et antichrétiens, nous voyons notre avantage à ce que l’Église subsiste… — En politique aussi l’hostilité s’est spiritualisée — elle est devenue beaucoup plus sage, beaucoup plus réfléchie, beaucoup plus modérée. Tout parti comprend que son propre intérêt de conservation exige que le parti contraire ne s’affaiblisse pas. Il en est de même dans la grande politique. Une nouvelle création surtout, un nouvel empire par exemple, a besoin d’ennemis plus que d’amis : c’est dans l’opposition seulement qu’il se sent nécessaire, c’est dans l’opposition seulement qu’il devient nécessaire. Nous ne nous comportons pas autrement à l’égard des « ennemis intérieurs », là aussi nous avons spiritualisé l’hostilité, là aussi nous avons compris sa valeur. On ne produit qu’à condition d’être riche en antagonismes, on ne reste jeune qu’à condition que l’âme ne se détende pas, n’aspire pas au repos. Rien ne nous semble plus étrange que ce desideratum des temps passés, la paix de l’âme, desideratum chrétien. Rien ne nous fait moins d’envie que la Morale-Ruminant et le gros bonheur de la bonne conscience. On a renoncé au grand côté de la vie quand on renonce à la guerre. En bien des cas, à vrai dire, la « paix de l’âme » n’est qu’un malentendu, c’est quelque chose d’autre, qui n’a pas su trouver de dénomination plus récente. Examinons-en quelques cas sans ambages et sans préjugés. La « paix de l’âme » peut être, par exemple, en morale et en religion, le rayonnement d’une riche animalité. Ou le commencement de la lassitude, celle que projette le soir, toute espèce de soir. Ou un indice que l’air est humide, que le vent du sud va souffler. Ou la reconnaissance inconsciente pour une heureuse digestion (nommée parfois aussi amour de l’humanité). Ou la quiétude du convalescent pour qui toute chose a un goût nouveau et qui attend. Ou l’état qui suit le fort assouvissement d’une passion maîtresse, la béatitude d’une extraordinaire satiété. Ou la faiblesse sénile de noire volonté, de nos désirs de nos vices. Ou la paresse persuadée par la vanité de se réformer moralement. Ou le commencement d’une certitude, même d’une terrible certitude après la longue tension et le martyre de l’incertitude. Ou l’expression de la maturité et de la perfection, dans le fait, dans la création, dans l’action et dans la volonté, la respiration tranquille, la liberté de la volonté conquise… qui sait ! Peut-être le Crépuscule des Idoles n’est-il aussi qu’une sorte de « Paix de l’âme ».

IV

Je formule ce principe : tout naturalisme dans la morale, autrement dit, toute saine morale, est commandé par un instinct de vie, toute sommation vitale contient une norme déterminée de « tu dois » et « tu ne dois pas », toute hostilité, tous les obstacles placés sur le chemin de la vie sont de cette façon mis de côté. La morale contre nature c’est-à-dire presque toute morale, jusqu’ici enseignée, vénérée et prêchée, est tournée précisément au rebours des instincts de la vie. Elle est la condamnation tantôt secrète, tantôt avérée et impudente de ces instincts. Tandis qu’elle dit « Dieu voit le cœur », elle dit Non aux exigences les plus infimes comme les plus hautes de la vie et prend Dieu pour l’ennemi de la vie… Le Saint qui plaît à Dieu est le Castrat idéal… La vie cesse où commence le « royaume de Dieu ».

V

Si l’on a saisi le sacrilège d’une telle insurrection contre la vie, insurrection devenue presque sacro-sainte dans la morale chrétienne, on y aura heureusement vu encore autre chose : l’inutilité, la fausseté, l’absurdité, le mensonge d’une telle insurrection. Une condamnation de la vie de la part d’un vivant n’est encore finalement que le symptôme d’une sorte déterminée de vie. Il n’y a pas d’ailleurs à soulever le moins du monde la question de tort ou de raison. On devrait avoir une position extérieure à la vie, et d’autre part 1 a connaître aussi bien qu’un, que beaucoup, que tous ceux qui l’ont vécue, pour pouvoir toucher en général au problème, la valeur de la vie. Raisons suffisantes pour comprendre que le problème est pour nous impraticable. Quand nous parlons de la valeur de la vie, nous parlons sous l’inspiration, sous l’optique de la vie. La vie même nous contraint à fixer des valeurs. Il s’ensuit ainsi que toute morale ou Contre-nature qui conçoit Dieu comme idée opposée et comme condamnation de la vie, n’est qu’un jugement en valeur de la vie ? — De quelle vie ? de quelle espèce de vie ? — Mais j’ai déjà donné la réponse : de la vie qui s’étiole, de la vie affaiblie, fatiguée, condamnée. La morale, comme elle a été comprise jusqu’ici, comme elle a été enfin formulée par Schopenhauer — « la négation du Vouloir-vivre » — est l’instinct même de la décadence qui se manifeste impérativement. Elle dit : Meurs ! la Morale, c’est l’arrêt des condamnés.

VI

Voyez enfin quelle naïveté il y a à dire : « l’homme devrait être tel et tel. » La réalité nous montre une richesse enivrante de types, une multiplicité de formes d’une exubérance et d’une profusion inouïes, et un misérable portefaix de moraliste va dire : non, l’homme devrait être autre ! Il sait bien lui, ce pauvre hère, ce cagot, comme il devrait être. Il se peint sur le mur et dit : « ecce homo… » Mais, même quand le moraliste s’adresse simplement à un individu particulier et lui dit : « tu devrais être tel et tel », il ne cesse pas d’être ridicule. L’individu est un des éléments du fatum, du passé et du devenir, une loi de plus, une nécessité de plus pour tout ce qui vient-et sera. Lui dire « méfie-toi », c’est demander que tout se modifie, même ce qui est passé.

En réalité, il y a eu des moralistes consciencieux, ils voulaient que l’homme fût autre, autrement dit vertueux, à leur image, c’est-à-dire cagot, et pour cela ils niaient le monde. Voilà qui n’est pas une mince folie, ni une forme modeste de l’impudence ! La Morale en tant qu’elle condamne, en évitant de se placer au point de vue de la vie et de ses desseins, est une erreur spécifique pour laquelle on ne doit avoir aucune pitié, une idiosyncrasie de dégénérés qui a causé des dommages incalculables !… Nous autres, immoralistes, avons au contraire ouvert notre cœur tout grand pour tout comprendre, pour tout concevoir, pour tout approuver. Nous ne nions pas facilement et nous mettons notre honneur à être des affirmateurs. Chaque jour notre œil s’ouvre un peu plus sur cette Économie qui sait encore employer et utiliser tout ce que la folie sacrée du prêtre reproche à la raison malade dans le prêtre, sur cette Économie dans la loi de la vie, Économie qui tire même profit de l’espèce repoussante du cagot, du prêtre, de l’homme vertueux — quel profit ? Mais, nous-mêmes, immoralistes, sommes la réponse.

Changement de paradigme politique… L’inévitable anarchie (Pierre Kropotkine ~ 1ère partie)

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Lectures connexes:

Manifeste de la societe des societes

L’anarchie pour la jeunesse

La Morale Anarchiste de Kropotkine)

le-prince-de-levolution-Dugatkin

 

 

L’inévitable anarchie

 

Pierre Kropotkine

 

Texte publié dans “La société nouvelle”, 11ème année, t.1, 1895

 

1ère partie

2ème partie

La théorie que nous avons soutenue dans une autre étude [1], indiquant le concours des forces comme source principale de nos richesses, explique pourquoi beaucoup d’anarchistes pensent qu’il n’y a pas d’autre solution que le communisme à la question de la rémunération intégrale des efforts individuels. Il fut un temps où une famille d’agriculteurs, s’occupant également de petites industries domestiques, considéraient non sans raison le blé qu’ils récoltaient et le gros drap qu’ils tissaient comme le produit de leur labeur exclusivement personnel. Même alors ce point de vue n’était pas absolument juste : On se réunissait entre voisins pour abattre les forêts et pour frayer les routes ; même alors la famille devait, comme aujourd’hui, faire souvent appel à l’entr’aide communale. Mais l’industrie est si complexe maintenant, dans l’infini de ses ramifications dépendant toutes les unes des autres, que la question ne peut plus être envisagée aussi étroitement. Si le commerce du fer et du coton ont atteint en Angleterre un si haut degré de développement, ils le doivent à la progression parallèle de milliers d’autres industries, grandes ou petites, à la multiplicité des chemins de fer, à l’instruction plus sérieuse des ingénieurs et des ouvriers, à de meilleurs procédés, à une meilleure organisation de la production, et pardessus tout à l’extension considérable du commerce mondial, grâce aux travaux gigantesques exécutés au delà des mers. Les Italiens morts du choléra au percement du canal de Suez et du « Mal de tunnel » au Saint-Gothard ont contribué à l’enrichissement de l’Angleterre, tout comme la fillette de Manchester, qui vieillit prématurément au service d’une machine, et cette enfant autant que l’ingénieur qui, en perfectionnant la machine, économise du travail. Comment prétendrait-on évaluer la part de chacun dans les richesses qui s’accumulent autour de nous !

On peut admirer les aptitudes inventives et les facultés d’organisation d’un seigneur de la mine ; mais il faut reconnaître que tout son génie et toute son énergie équivaudraient à l’impuissance s’il avait à faire à des bergers mongols ou à des paysans de Sibérie au lieu de mécaniciens et de mineurs britanniques. On demandait à un millionnaire anglais qui a su donner une puissante impulsion à une importante industrie locale, quelle était dans son opinion la cause réelle du succès. « Je me suis toujours attaché à confier dans chaque branche la besogne à l’homme le plus compétent, le laissant agir en toute indépendance et ne me réservant que la direction générale. » — Et vous avez toujours trouvé cet homme nécessaire ? — « Toujours. » — Mais pour les modifications que vous avez introduites, il a fallu beaucoup d’inventions nouvelles ? — « Sans doute, j’ai acheté beaucoup de brevets. » Ce petit colloque résume pour moi ce que sont au fond ces entreprises rapportant des millions à leurs heureux fondateurs, que nous citent volontiers les avocats de la rémunération intégrale des efforts individuels. Cela montre jusqu’à quel point les efforts sont vraiment « individuels ». Sans insister sur les circonstances, favorables ou défavorables, qui tantôt permettent à un homme de déployer tout son talent et tantôt l’en empêchent, on peut demander ce qui adviendrait si ce même entrepreneur ne trouvait pas d’organisateurs capables, d’habiles ouvriers, et si des centaines d’inventions ne se faisaient pas quotidiennement grâce aux aptitudes qu’ont pour la mécanique un si grand nombre d’Anglais. L’industrie britannique est œuvre de la nation britannique, en Europe et aux Indes, et ne peut être attribuée à des individualités isolées.

Avec ces idées synthétiques sur la production, les anarchistes ne peuvent pas admettre, comme les collectivistes, qu’une rémunération proportionnée aux heures de travail faites par chacun pour la production des richesses soit l’idéal, ni même un acheminement vers l’idéal. Sans vouloir discuter ici jusqu’à quel point la valeur d’échange des marchandises peut réellement se mesurer par la quantité de travail nécessaire à sa production, — cette question devant être étudiée à part, — nous tenons à dire que l’idéal collectiviste nous semble absolument irréalisable dans une société qui en serait arrivée à considérer les matières nécessaires à la production comme appartenant à tous, et qui se verrait ainsi forcée de renoncer au salariat. Il paraît impossible que l’individualisme mitigé de l’école collectiviste puisse se soutenir à côté du communisme partiel qu’implique la possession en commun de la terre et des machines, à moins que ce système ne soit imposé par un gouvernement autrement fort que les pouvoirs actuels. Le salariat, conséquence de l’appropriation par quelques-uns des matières nécessaires à la production, était une condition indispensable au développement de la production capitaliste et ne pourra lui survivre, alors même qu’on paierait à l’ouvrier la valeur intégrale de son labeur et qu’on substituerait à l’argent des bons de travail. La possession en commun des matériaux nécessaires à la production implique la jouissance en commun de cette production ; nous pensons donc qu’une société ne peut s’organiser équitablement qu’en renonçant au salariat et en assurant la participation de chacun de ses membres au bien commun qu’ils auront contribué à produire.

Nous maintenons aussi, non seulement que le communisme serait l’état de société le plus enviable et le plus juste, mais encore que c’est vers le communisme, le libre communisme, que tend le monde moderne, malgré les apparences contraires qu’on pourrait induire du développement de l’individualisme, et dans lesquelles nous ne voyons que des efforts de l’individu, pour résister à la domination de plus en plus envahissante de l’État et du Capital. Mais l’histoire ne nous montre-t-elle pas aussi, à côté de ce développement, la lutte infatigable des travailleurs pour maintenir l’antique communisme partiel ou pour l’introduire sous de nouvelles formes, aussitôt que des circonstances favorables le permettent ? Les communes des Xe, XIe et XIIe siècles n’eurent pas plutôt arboré leur indépendance qu’on y pratiqua largement le travail en commun, le commerce en commun et, en partie, la consommation en commun. Il n’en reste plus rien ; mais la commune rurale combat courageusement pour conserver ses antiques coutumes et y a réussi en beaucoup d’endroits de l’Europe orientale, de la Suisse et même de la France et de l’Allemagne, tandis que des associations fondées sur les mêmes principes surgissent de tous côtés dès que l’occasion s’en présente. Malgré le tour égoïste donné à l’esprit public par le mercantilisme du siècle, la tendance vers le communisme s’affirme sans cesse, s’infiltre insensiblement dans les mœurs. Le nouvel esprit prévaut dans des milliers d’institutions. On ne paie plus de péage sur les ponts et sur les routes ; les musées, les écoles et les bibliothèques sont ouverts à tous ainsi que les parcs et les promenades. Les rues pavées et éclairées sont à l’usage des uns et des autres ; on distribue l’eau dans tous les logements sans exiger de taxe rigoureusement proportionnelle à la quantité consommée par chacun. Les tramways et les chemins de fer mettent en vente des billets de saison, instituent le tarif par zones et iront très loin dans ce sens dès qu’ils auront cessé d’être propriété privée. Mais ces exemples ne sont que des indices de ce que nous réserve un avenir prochain et de la direction vers laquelle nous marchons, et marcherons davantage dès que nous abandonnerons l’idée d’appropriation privée des moyens de production.

La tendance est de placer les besoins de l’individu au-dessus des services qu’il a rendus ou pourrait rendre à la société et d’envisager la société comme un être organisé dont nous tous sommes les membres, de telle façon qu’un service rendu à un individu le soit à la société. Le bibliothécaire du British Museum ne demande pas au lecteur quels services il a rendus avant de lui remettre le livre qu’il réclame, et, moyennant une redevance uniforme, les associations scientifiques ouvrent leurs salles et leurs musées à chacun de leurs membres. Les marins d’un bateau de sauvetage ne s’informent pas si les passagers d’un navire en péril méritent qu’on leur sauve la vie, et la société de secours aux prisonniers ne s’enquiert pas si le forçat libéré a des titres à sa générosité. Ils ont besoin d’être secourus, ce sont des hommes comme nous : inutile d’en savoir davantage ! Et, que telle ville, si égoïste soit-elle, subisse une calamité publique, un siège par exemple, comme Paris en 1871, et manque de vivres, tous seront unanimes à décider que les premiers besoins à satisfaire sont ceux des enfants et des vieillards, sans considération des services qu’ils ne peuvent rendre, ceux des défenseurs de la cité ensuite, sans distinction du degré de courage déployé par chacun d’eux. Et cette tendance que nous pouvons tous constater, s’affirmera de plus en plus, nul ne peut en douter, à mesure que l’humanité s’affranchira de la terrible lutte pour l’existence. Quand nos forces actives s’emploieront à grossir le fonds commun des objets de première nécessité, quand les conditions du régime de la propriété se modifieront en sorte que ceux qui ne font rien aujourd’hui travailleront aussi, et que l’on rendra aux occupations manuelles leur place d’honneur, décuplant ainsi la production et rendant le travail plus facile et plus agréable, alors le communisme latent développera immensément sa sphère d’action.

En étudiant cette question, surtout par son côté pratique consistant à savoir comment la propriété privée deviendra propriété commune, la plupart des anarchistes pensent ainsi que les premières mesures qu’aura à prendre la société, aussitôt que le régime actuel de la propriété subira quelques modifications, devront revêtir un caractère communiste. Nous sommes communistes ; mais non pas à la manière des phalanstériens ou de l’école autoritaire ; nous professons le communisme anarchiste, le communisme sans direction, le communisme libre, synthèse des deux grands désidérata de l’humanité depuis l’aube de l’histoire : la liberté économique et la liberté politique.

J’ai déjà dit que pour nous le mot anarchie veut dire : pas de gouvernement. Nul n’ignore sans doute qu’il est aussi synonyme de désordre dans le langage courant. Mais ce sens du mot « anarchie » est un sens dérivé, qui implique, au moins, deux assertions : l’une, affirmant que partout où il n’y a pas de gouvernement règne le désordre, et l’autre, impliquant que l’ordre établi par un gouvernement fort, et défendu par une police rigide, serait un bienfait, — deux suppositions qui ne sont rien moins que prouvées. Il y a beaucoup d’ordre, je dirai même d’harmonie, dans certaines branches de l’activité humaine où par bonheur le gouvernement n’intervient pas. Quant aux effets salutaires de l’ordre, celui qui régnait à Naples sous les Bourbons n’était assurément pas préférable au genre de désordre inauguré par Garibaldi, et beaucoup de protestants anglais s’applaudissent que le désordre introduit par Luther l’ait emporté sur l’ordre défendu par le pape. Il n’y a non plus qu’une seule opinion sur l’ordre qui, comme on le sait, fut rétabli à Varsovie. Tout le monde convient ainsi que l’harmonie est ce qu’il y a de plus désirable, mais on est loin de se mettre d’accord sur l’ordre, de sorte que nous n’avons pas la moindre objection à ce que le mot anarchie soit pris dans son sens de la négation de ce que l’on décrit le plus souvent comme l’ordre.

En prenant l’anarchie, ou « pas de gouvernement » pour drapeau, nous prétendons être d’accord avec l’esprit de notre temps. Les époques, où nous voyons, dans l’histoire, une ou plusieurs fractions de l’humanité renversant le despotisme des chefs et marchant à la conquête de l’indépendance, sont précisément celles des plus grands progrès économiques et intellectuels. Rappellerons-nous le développement des communes libres dont les incomparables monuments, chefs-d’œuvre de libres associations d’ouvriers libres, témoignent encore du réveil de l’esprit, du bien-être des citoyens. Parlerons-nous du grand mouvement d’où est sorti la Réforme ? Chaque fois que dans le passé l’individu reprenait possession de soi-même et de sa liberté, une ère de progrès était inaugurée. Et, en observant de près le développement actuel des nations contemporaines, nous remarquons qu’il tend à limiter de plus en plus l’action gouvernementale, en laissant le champ libre à l’initiative individuelle. Après avoir subi tous les genres d’autorité et cherché à résoudre cet insoluble problème : trouver un gouvernement qui force les gens à l’obéissance sans pour cela se dispenser d’obéir lui-même à la collectivité, l’humanité prend maintenant à tâche de s’affranchir des gouvernements, quels qu’ils soient, et de satisfaire par la libre entente au besoin qu’elle a d’organisation. Le home rule devient une nécessité, même pour le plus petit groupement territorial ; l’accord librement consenti se substitue à la loi et la libre coopération à la tutelle de l’autorité. Les fonctions que depuis deux siècles on considérait comme apanage exclusif du gouvernement lui sont l’une après l’autre contestées. On peut dire que la société progresse d’autant mieux qu’elle est moins gouvernée. Et en considérant le progrès accompli depuis deux siècles dans cette voie, en même temps que l’impuissance des gouvernements à répondre aux espérances que l’on plaçait en eux, on en arrive à la conclusion qu’en limitant ainsi continuellement le rôle de l’autorité, l’humanité finira par le réduire à zéro. Nous entrevoyons déjà un état de société où la liberté individuelle ne sera limitée par aucune loi, aucune règle, et seulement par les habitudes sociales de l’individu et par le besoin que chacun de nous éprouve de trouver aide, support et sympathie auprès de ses semblables.

Les objections que l’on soulèvera contre cette éthique de la société sans gouvernement seront, pour le moins, tout aussi nombreuses que celles que l’on oppose à la société sans capitaliste. Nous sommes nourris de tant de préjugés quant aux fonctions providentielles des gouvernements, que les idées anarchistes ne seront certainement pas acceptées d’emblée. Du berceau à la tombe, on prêche la nécessité d’un gouvernement et ses bienfaits. Des systèmes de philosophie s’élaborent pour le soutenir ; l’histoire est écrite à ce point de vue ; des théories de la législation sont faites et interprétées dans ce sens ; toute la politique repose sur le même principe et chaque candidat au pouvoir dit au peuple dont il a besoin : Donne-moi le pouvoir et je te délivrerai des maux dont tu souffres. Tous nos systèmes d’éducation en sont imbus. Ouvrez les livres de sociologie, d’histoire, de loi, de morale : le gouvernement, son organisation, ses actes y occupent une si large place qu’on finit par se persuader qu’il n’y a rien en dehors de l’État et des hommes politiques. La presse n’a guère d’autre thème : ses colonnes sont remplies de rapports sur les débats parlementaires, racontés jusque dans leurs plus infimes détails, ainsi que les faits et gestes des personnages politiques, si bien qu’en lisant les journaux, nous aussi, nous oublions trop souvent qu’il y a des millions d’hommes — toute l’humanité — qui vivent et meurent dans la joie ou dans la peine, produisent et consomment, pensent et créent, en dehors de ces quelques personnalités dont l’importance a été exagérée à tel point qu’elle couvre le monde de son ombre.

A suivre…