Extraits de la Constitution française du 24 juin 1793 (6 messidor de l’an I):
Article 9. – La loi doit protéger la liberté publique et individuelle contre l’oppression de ceux qui gouvernent.
[…]
Article 31. – Les délits des mandataires du peuple et de ses agents ne doivent jamais être impunis. Nul n’a le droit de se prétendre plus inviolable que les autres citoyens.
Article 33. – La résistance à l’oppression est la conséquence des autres Droits de l’homme.
Article 34. – Il y a oppression contre le corps social lorsqu’un seul de ses membres est opprimé. Il y a oppression contre chaque membre lorsque le corps social est opprimé.
Article 35. – Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.
Imaginons les Gilets Jaunes en armes réorganisant la France des sections non pas dans des défilés stériles sous contrôle à Paris ou ailleurs, mais dans toutes les villages et villes de France sur la base du pouvoir redilué dans le peuple et l’égalité décisionnaire. Tout le pouvoir aux Ronds-Points qui auraient alors la capacité de se défendre physiquement de toute agression extérieure… On ne parle plus de la même chose là, le peuple ne subit plus, n’est plus dépendant ni à la merci de la déshumanisation exploiteuse institutionnalisée… Il est en charge finalement de sa destinée et du renouveau politique dans une société des sociétés organique et humaine.
Ce n’est pas un rêve, cela peut être une réalité, celle de la transformation finale par l’émancipation définitive. Ceci peut et doit devenir notre nouvelle réalité. Elle n’attend que nous et notre pouvoir de dire NON ! au système délétère et mortifère en place pour le remplacer par le NOUS un et organique de nos complémentarités bien comprises.
~ Résistance 71 ~
La communauté de libération, autodéfense armée
Une approche théorique
Scott Crow (American Indian Movement, AIM)
2017
~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~
Février 2023
Notions de défense
Le monde est dans le tumulte depuis des décennies avec toujours plus de crises à venir, de l’écologie à l’économique en passant par l’oppression politique et les guerres. Ces lents désastres vont demander de nouvelles approches et de nouvelles possibilités. Je pense qu’il est temps pour chacun d’entre nous au sein de la société civile de penser sérieusement à la manière dont nous voulons répondre, de manière autonome et collective, sans attendre d’être “sauvés” par ces mêmes gouvernements tous plus réactionnaires les uns que les autres et les entreprises, corporations qui ont produit ces crises [avec l’aide des états] en premier lieu.
Dans cet essai, je vais essayer de faire le portrait de quelques pratiques potentielles, de praxis, de pensées, centrées sur l’utilisation de ce que j’appelle “l’autodéfense armée de libération de communauté”. Ce concept très différent s’inspire des historiques d’autodéfense de communautés comme pratiquée par des groupes variés de gens dans le monde et aussi des principes libérateurs dérivés des traditions anarchiste et anti-autoritaire.
Le concept d’autodéfense armée de communauté est un développement bien distinct de modèles d’organisation populaire politique et sociale et des notions de défense de communauté, qui en leur cœur affirment le droit des peuples opprimés à protéger leurs intérêts “par tous moyens nécessaires”. “[NdT : ce que nous voyons ici à R71 comme le fait évident que tous les peuples sous joug étatico-marchand, sont en état de légitime défense permanent et se doivent d’agir en conséquence…] Ceci inclurait la signature de pétitions et voter d’un côté du spectre d’action à des moyens extra-légaux d’action, d’insurrection ou de rébellion d’un autre côté. Le parti des Black Panther par exemple, s’engageait dans la défense de communautés non seulement via leurs patrouilles armées, mais aussi au moyen de programmes de survie, qui fournissaient des stages de santé et de premiers secours et des écoles gratuites pour les quartiers noirs pauvres qui n’avaient pas ce genre de services. Cet essai est une tentative de réévaluation critique d’autodéfense armée libératrice de communauté : pour réviser les histoires et l’analyse, pour examiner la praxis et amener des leçons vers de futurs engagements ainsi que d’élargir tout en renforçant nos tactiques et nos réponses aux crises.
Une bonne définition
L’autodéfense armée libératrice de communauté est la pratique collective de groupe de prendre temporairement les armes à des fins d’autodéfense en tant que partie de plus larges engagements d’autonomie collective pour maintenir une éthique libératrice.
Je propose cela comme une idée distincte émergente d’une réévaluation sur des décennies, de l’expérience historique de la lutte armée et des plus larges théories du droit à l’autodéfense.
L’autodéfense, habituellement, décrit des contre-mesures employées par un individu pour protéger la sécurité de sa personne et parfois de sa propriété. Aux Etats-Unis, l’autodéfense n’est pratiquement toujours discutée qu’en termes légaux ayant trait aux “droits” reconnus par les gouvernements ou constitutions et seulement occasionnellement comme droits de l’Homme. En limitant la discussion aux droits attachés aux individus, ce cadre ne considère jamais les intérêts de la communauté, la violence structurelle et l’oppression et les actions collectives. Le discours néglige donc en tant que telle la défense des communautés et spécifiquement laisse en dehors de toute discussion les demandes politiques des peuples de couleur, des femmes, des immigrants et des pauvres.
L’autodéfense des communautés sous quelque forme que ce soit n’est pas définie par des lois mais par une morale fondée sur le besoin de protection et les principes de l’anarchie (que les gens l’appellent comme cela ou non) par lesquels des groupes de gens exercent collectivement leur pouvoir, leur capacité de décider de leur futur et de déterminer comment répondre à des menaces sans dépendre des gouvernements quels qu’ils soient.
En tant que concept, l’autodéfense armée libératrice de communauté tente de prendre en compte des types non reconnus de violence et les limites auxquelles des groupes marginalisés doivent faire face dans leur capacité à déterminer leur propre futur ou de se protéger collectivement. Par exemple en 1973, lorsque l’AIM a pris les armes pour défendre “son peuple” par le moyen de l’occupation des terres de Wounded Knee, ses membres le firent pour attirer l’attention sur les horribles conditions de vie dans les réserves indiennes et la violence à laquelle les communautés devaient faire face à la fois par manque de services de base mais aussi de la part d’escadrons de vigilantes armés. La ville de Wounded Knee ne fut pas elle-même attaquée, mais elle représentait ce que les Nations premières subissaient un peu partout. Le défi politique de l’AIM fut un exemple clair et limpide d’une autodéfense armée de communauté, mais elle ne correspond pas vraiment aux typologies existantes d’autodéfense.
Quelques différences importantes
L’autodéfense armée libératrice de communauté est différente des autres formes armées d’action pour deux raisons majeures. La première est que c’est temporaire mais organisé. Les gens peuvent s’entrainer aux tactiques et à la sécurité avec armes à feu individuellement ou en groupe, mais seront appelés sur un modèle se rapprochant de celui des brigades de pompiers volontaires, seulement quand on en a besoin et en réponse à des circonstances bien spécifiques. La seconde et sûrement la plus importante, le partage du pouvoir et des principes égalitaires sont incorporés dans l’éthique et la culture de groupe bien avant qu’un conflit ne soit même engagé. Ces deux grandes idées la séparent de la plupart des conflits armés.
Par exemple, les milices d’extrême-droite, comme les patrouilles anti-immigrants de la milice Minutemen le long de la frontière américano-mexicaine ou la raciste milice d’Algiers Point qui a opéré dans l’après ouragan Katrina, n’ont rien à voir avec le type d’autodéfense armée de communauté enracinée dans des principes collectifs libérateurs. Ces milices sont construites sur des peurs abstraites et des croyances racistes et une culture machiste dans laquelle le plus fort et la plus grande gueule est leader. Ils sont typiquement organisés sous une hiérarchie militaire sans rendre vraiment compte aux gens de la société civile et des communautés desquelles ils émanent. Ce genre de milices sont par trop similaires aux types de groupes armés contre lesquels les groupes des mouvements de libération ont du se défendre encore et encore.
Ceci dit, l’adoption de tactiques armées dans tout conflit ou situation de péril a toujours le potentiel de transformer des mesures défensives temporaires en hiérarchies militaires permanentes à moins que des efforts conscients pour contrer cette tendance et partager le pouvoir soient maintenus. Une approche libératrice, émancipatrice est nécessaire pour minimiser ou a moins grandement amoindrir ce danger.

Le peuple en armes : l’exemple zapatiste
Principes proposés
Le composant armé ne doit jamais devenir le centre de l’affaire, autrement nous risquons de devenir une armée sur pieds. Pour éviter cela et pour équilibrer le pouvoir du mieux possible, une analyse libératrice est nécessaire pour façonner ceux qui apprennent à exercer leur pouvoir et ceux qui doivent être responsables de leurs groupes ou communautés. Le cadre libérateur, émancipateur est fondé sur des principes anarchistes d’entraide (coopération), d’action directe (être capable d’agir sans attendre l’approbation ou les ordres des autorités), de solidarité (reconnaître que le bien-être de groupes disparates est inter-relié) et l’autonomie collective autodétermination de la communauté.
Les armes de défense ne doivent être utilisées qu’en ayant pour buts la libération collective et non pas pour saisir le pouvoir de manière permanente, même si leur utilisation peut potentiellement et de manière possible nécessairement, faire escalader les conflits. Dans tous les cas, les armes ne sont pas la première ligne de défense et ne sont prises qu’après que toute autre résolution de conflit ait été épuisée. (NdT : on reconnaît là un grand principe amérindien de gestion de crise et de conflit…)
L’utilisation des armes n’est efficace sur le long terme que si cela fait partie d’un cadre de double pouvoir, c’est à dire la résistance à l’oppression et l’exploitation tout en développant d’autres initiatives vers l’autonomie et la libération comme partie intégrante d’autres efforts d’auto-suffisance et d’autodétermination.
Ceux engagés avec les armes devront avoir le même pouvoir que ceux impliqués dans d’autres formes de défense de la communauté ou dans l’auto-suffisance. Porter les armes doit être vu comme une tache privilégiée, ayant la même importance que l’attention portée aux enfants, produire la nourriture ou collecter les ordures ménagères, rien de plus. Pour maintenir un équilibre du pouvoir, faire une rotation des taches armées et des entrainements parmi ceux qui désirent y participer. Tout entraînement aux armes se doit d’inclure une éthique et des pratiques libératrices dynamiques et évolutives en plus du savoir-faire et de la sécurité. Au sein de toute opération d’entrainement, il devra y avoir une insistance particulière sur la défiance des assomptions au sujet des rapports de classe, de genre, de race afin d’interrompre l’archétype de la culture des armes.
Réflexions et questions pour une théorie
Ces notes ne sont qu’un début. Il y a toujours beaucoup de questions, incluant celles concernant l’organisation, les considérations tactiques, le pouvoir coercitif inhérent aux armes à feu, rendre compte à la communauté qui est défendue et l’élargissement du mouvement social et finalement, espère t’on, le processus de démilitarisation. Par exemple : Est-ce que des engagements défensifs doivent demeurer isolés géographiquement ? Est-ce que les groupes d’affinité sont les meilleures formations de partage de pouvoir et de mobilisation élargie ?
Comment peut-on créer des cultures de soutien à ceux qui s’engagent dans un conflit défensif, spécifiquement en ce qui concerne le droit des peuples opprimés historiquement à se défendre ? A quoi ressemblent ces engagements de soutien ? De plus, il y a un bon nombre de considérations et de questions tactiques à discuter et à d´´battre pour éviter la réplique de la culture dominante des armes. Comment empêche t’on les armes et l’entrainement aux armes de devenir la préoccupation principale, que ce soit par habitude, culture ou romantisme ?
Il peut y avoir une fin à cette violence insensée pour la domination ou les ressources. Mais si nous voulons transcender la violence sur le long terme, nous aurons peut-être à l’utiliser sur le court terme. Nous devons donc nous posons quelques dures questions au sujet de nos approches et de nos méthodes. Quand l’engagement armé est-il approprié ? Quel aspect voudrions-nous qu’il prenne ? Comment créons-nous des cultures de soutien tacite ou directe et incluons-nous les personnes qui ne s’engageraient jamais d’elles-mêmes dans une autodéfense armée ?
Unités de protection populaire au Rojava
Comment allons-nous empêcher que le pouvoir une fois de plus se centralise ? Quand les conséquences deviennent-elles plus néfastes que les bénéfices ? Il n’y a pas de modèles parfaits ; nous allons devoir créer cela ensemble, pas à pas. Nous devons nous surpasser et dépasser nos limites auto-imposées et devons lâcher prise de nos pré-conceptions de ce que la résistance et l’émancipation sont. Lorsque nous le ferons, nous gagnerons la confiance en l’utilisation d’outils potentiellement létaux avec une conscience libératrice, émancipatrice. Cela veut dire que nous devons comprendre que les valeurs du partage du pouvoir et de l’ouverture (NdT : ce que nous appelons la compréhension de notre complémentarité annihilant de fait les antagonismes factices socialement construits pour nous maintenir divisés…) sont toutes aussi importantes que le pouvoir de porter une arme chargée.
Les armes n’offriront jamais la seule réponse à l’exercice et l’équilibre du pouvoir. Nous seuls pouvons le faire, mais les armes peuvent être une dissuasion contre de véritables menaces et peuvent grandement étendre notre boîte à outils pour l’émancipation. L’autodéfense armée de communauté ouvre la possibilité de changer les règles du jeu et de l’engagement. Cela ne rend pas toujours les situations moins violentes, mais cela peut aider à équilibrer l’inégalité de pouvoir parmi les individus et les diverses communautés. Je n’appelle pas à un soulèvement armé général, mais à repenser comment nous défendre. Nous pouvons rêver, nous pouvons construire de nouveaux mondes (NdT : une société des sociétés), mais pour ce faire, nous ne devons pas oublier de résister en nos propres termes.
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Voir nos pages :
“Paulo Freire, la pédagogie des opprimés”
“Réseau de résistance et de rébellion international”
“Textes fondateurs pour un changement politique”
“Gustav Landauer et la société organique”
Notre dossier sur « Le peuple en armes »
Palestine : peuple opprimé en résistance active…
Il n’y a pas de solution au sein du système ! (Résistance 71)
Comprendre et transformer sa réalité, le texte:
Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »
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5 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:
Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être
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Manifeste pour la Société des Sociétés
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Société des sociétés organique avec Gustav Landauer
Depuis 1994 : ¡Ya Basta!