
Le programme vert “zéro carbone” est impossible à tous les égards
F. William Engdahl
19 avril 2023
Source de l’article en français :
https://www.mondialisation.ca/le-programme-vert-zero-carbone-est-impossible-a-tous-les-egards/5677171
Pourquoi les grands gouvernements, les entreprises, les groupes de réflexion et le Forum économique mondial de Davos font-ils tous la promotion d’un programme mondial « zéro carbone » visant à éliminer l’utilisation du pétrole, du gaz et du charbon ? Ils savent que le passage à l’électricité solaire et éolienne est impossible. C’est impossible parce que la demande de matières premières, du cuivre au cobalt en passant par le lithium, le béton et l’acier, dépasse l’offre mondiale. C’est impossible en raison du coût faramineux des batteries de secours pour un réseau électrique « fiable » 100% renouvelable. C’est également impossible sans provoquer l’effondrement de notre niveau de vie actuel et une rupture de notre approvisionnement alimentaire qui entraînera des décès massifs dus à la famine et à la maladie. Tout cela pour une fraude scientifique appelée réchauffement climatique d’origine humaine ?
La corruption éhontée qui entoure la récente campagne de vaccination menée par les grandes sociétés pharmaceutiques et les principaux responsables gouvernementaux à l’échelle mondiale est encore plus évidente lorsque l’on constate que les gouvernements de l’Union européenne et des États-Unis s’efforcent inconsidérément de promouvoir un programme vert dont les coûts et les avantages ont rarement fait l’objet d’un examen ouvert. Il y a une bonne raison à cela. Il s’agit d’un programme sinistre visant à détruire les économies industrielles et à réduire la population mondiale de plusieurs milliards d’êtres humains.
Nous pouvons examiner l’objectif déclaré de zéro carbone au niveau mondial d’ici 2050, l’Agenda 2030 de l’ONU, prétendument pour empêcher ce qu’Al Gore et d’autres prétendent être un basculement vers une élévation irréversible du niveau de la mer, des « océans en ébullition », la fonte d’icebergs, une catastrophe mondiale et pire encore. Dans l’un de ses premiers actes, Joe Biden a proclamé en 2021 que l’économie des États-Unis deviendrait zéro carbone net d’ici à 2050 pour les transports, l’électricité et la fabrication. L’Union européenne, sous la direction d’Ursula von der Leyen, notoirement corrompue, a annoncé des objectifs similaires dans le cadre de son programme « Fit for 55 » et d’innombrables autres programmes verts.
L’agriculture et tous les aspects de l’agriculture moderne sont visés par de fausses allégations de dommages causés au climat par les gaz à effet de serre. Le pétrole, le gaz naturel, le charbon et même l’énergie nucléaire sans CO2 sont progressivement abandonnés. Pour la première fois dans l’histoire moderne, nous sommes poussés à passer d’une économie plus efficace sur le plan énergétique à une économie nettement moins efficace sur le plan énergétique. Personne à Washington, Berlin ou Bruxelles ne parle des véritables ressources naturelles nécessaires à cette fraude, et encore moins de son coût.

Une énergie verte et propre ?
L’un des aspects les plus remarquables de l’engouement mondial frauduleux pour les énergies vertes dites « propres et renouvelables » – solaire et éolienne – est leur caractère non renouvelable et écologiquement polluant. Presque aucune attention n’est accordée aux coûts environnementaux stupéfiants liés à la fabrication des gigantesques tours éoliennes, des panneaux solaires ou des batteries lithium-ion des véhicules électriques. Cette grave omission est délibérée.
Les panneaux solaires et les éoliennes géantes nécessitent d’énormes quantités de matières premières. Une évaluation technique standard de la production d’électricité solaire et éolienne « renouvelable » par rapport à la production actuelle d’électricité nucléaire, de gaz ou de charbon commencerait par une comparaison des matériaux en vrac utilisés, tels que le béton, l’acier, l’aluminium et le cuivre, consommés pour la production d’un térawattheure (TWh) d’électricité. L’énergie éolienne consomme 5931 tonnes de matériaux en vrac par TWh, et l’énergie solaire 2441 tonnes, toutes deux bien plus élevées que le charbon, le gaz ou le nucléaire. La construction d’une seule éolienne nécessite 900 tonnes d’acier, 2500 tonnes de béton et 45 tonnes de plastique non recyclable. Les parcs solaires nécessitent encore plus de ciment, d’acier et de verre, sans parler des autres métaux. Il ne faut pas oublier que l’efficacité énergétique de l’énergie éolienne et solaire est nettement inférieure à celle de l’électricité conventionnelle.
Une étude récente de l’Institute for Sustainable Futures détaille les exigences impossibles à satisfaire en matière d’exploitation minière, non seulement pour les véhicules électriques, mais aussi pour l’énergie électrique 100% renouvelable, principalement les parcs solaires et éoliens. Le rapport note que les matières premières nécessaires à la fabrication des panneaux solaires photovoltaïques ou des éoliennes sont concentrées dans un petit nombre de pays : la Chine, l’Australie, la République démocratique du Congo, le Chili, la Bolivie et l’Argentine.
Il souligne que « la Chine est le plus grand producteur de métaux utilisés dans les technologies solaires photovoltaïques et éoliennes, avec la plus grande part de production d’aluminium, de cadmium, de gallium, d’indium, de terres rares, de sélénium et de tellure. En outre, la Chine exerce une grande influence sur le marché du cobalt et du lithium pour les batteries ». Et de poursuivre : « Alors que l’Australie est le plus grand producteur de lithium […] la plus grande mine de lithium, Greenbushes, en Australie occidentale, est détenue en majorité par une société chinoise ». Ce n’est pas très bon quand l’Occident intensifie la confrontation avec la Chine.
En ce qui concerne l’énorme concentration de cobalt, ils notent que la République démocratique du Congo exploite plus de la moitié du cobalt mondial. L’exploitation minière dans ce pays a entraîné « la contamination de l’air, de l’eau et du sol par des métaux lourds […], ce qui a eu de graves répercussions sur la santé des mineurs et des communautés environnantes en République démocratique du Congo, et la zone d’extraction du cobalt est l’un des dix endroits les plus pollués au monde. Environ 20% du cobalt provenant de la République démocratique du Congo est extrait par des mineurs artisanaux et à petite échelle qui travaillent dans des conditions dangereuses dans des mines creusées à la main et où le travail des enfants est très répandu ».
L’extraction et le raffinage des terres rares sont essentiels à la transition vers le zéro carbone dans les batteries, les éoliennes et les panneaux solaires. Selon un rapport du spécialiste de l’énergie Paul Driessen, « la plupart des minerais de terres rares du monde sont extraits près de Baotou, en Mongolie intérieure, en pompant de l’acide dans le sol, puis traités à l’aide d’autres acides et produits chimiques. La production d’une tonne de métaux de terres rares libère jusqu’à 420 000 pieds cubes de gaz toxiques, 2600 pieds cubes d’eaux usées acides et une tonne de déchets radioactifs. Les boues noires qui en résultent sont déversées dans un lac nauséabond et sans vie. De nombreux habitants de la région souffrent de graves maladies cutanées et respiratoires, les enfants naissent avec des os mous et les taux de cancer ont grimpé en flèche ». Les États-Unis envoient également la plupart de leurs minerais de terres rares en Chine pour qu’ils y soient traités depuis qu’ils ont mis fin à la transformation nationale sous la présidence Clinton.
Parce qu’elles sont beaucoup moins efficaces sur le plan énergétique, les terres utilisées pour produire l’électricité mondiale sans émission de carbone sont stupéfiantes. L’éolien et le solaire nécessitent jusqu’à 300 fois plus de terrain pour produire la même électricité qu’une centrale nucléaire classique. En Chine, 25 kilomètres carrés d’un parc solaire sont nécessaires pour produire 850 MW d’électricité, soit la taille d’une centrale nucléaire classique.

L’escroquerie du siècle ?…
Coût pour le sol
Presque aucune étude du lobby vert n’examine la chaîne de production totale, de l’exploitation minière à la production de panneaux solaires et d’éoliennes, en passant par la fonte. Au lieu de cela, ils font des affirmations frauduleuses sur le prétendu coût inférieur par KWh de la production solaire ou éolienne à des coûts hautement subventionnés. En 2021, le professeur Simon P. Michaux du Geological Survey of Finland (GTK) a publié une étude inhabituelle sur les coûts des matières premières nécessaires à la mise en place d’une économie mondiale sans carbone. Les coûts sont stupéfiants.
Michaux souligne tout d’abord la réalité actuelle du défi de l’économie zéro carbone. En 2018, le système énergétique mondial dépendait à 85% des combustibles carbonés (charbon, gaz, pétrole). Un autre 10% provenait du nucléaire, pour un total de 95% d’énergie conventionnelle. Seuls 4% provenaient des énergies renouvelables, principalement le solaire et l’éolien. Nos politiciens parlent donc de remplacer 95% de notre production énergétique mondiale actuelle d’ici 2050 au plus tard, et une grande partie de cette production d’ici 2030.
En ce qui concerne les véhicules électriques (voitures, camions ou bus), moins de 1% du parc automobile mondial, qui compte quelque 1,4 milliard de véhicules, est aujourd’hui électrique. Il estime que « la capacité annuelle totale d’électricité produite à partir de combustibles non fossiles à ajouter au réseau mondial devra être d’environ 37 670,6 TWh. Si l’on part de l’hypothèse d’un mix énergétique non fossile identique à celui de 2018, cela se traduit par 221 594 nouvelles centrales électriques supplémentaires à construire… Pour replacer ces chiffres dans leur contexte, le parc total de centrales électriques en 2018 (tous types confondus, y compris les centrales à combustibles fossiles) n’était que de 46 423 stations. Ce nombre élevé reflète le ratio de rendement énergétique de l’énergie investie (ERoEI) plus faible de l’énergie renouvelable par rapport aux combustibles fossiles actuels ».
Michaux estime en outre que si nous devions passer au tout VE, « pour fabriquer une seule batterie pour chaque véhicule du parc mondial de transport (à l’exclusion des camions de classe 8), il faudrait 48,2% des réserves mondiales de nickel de 2018 et 43,8% des réserves mondiales de lithium. Les réserves actuelles de cobalt ne sont pas non plus suffisantes pour répondre à cette demande… Chacune des 1,39 milliard de batteries lithium-ion ne pourrait avoir qu’une durée de vie utile de 8 à 10 ans. Ainsi, 8 à 10 ans après leur fabrication, de nouvelles batteries de remplacement seront nécessaires, soit à partir d’une source minérale extraite, soit à partir d’une source métallique recyclée. Cela ne sera probablement pas pratique… » Il décrit le problème de manière très légère.
Michaux attire également l’attention sur l’énorme demande de cuivre : « Rien que pour le cuivre, il faut 4,5 milliards de tonnes (1000 kilogrammes par tonne) de cuivre, soit environ six fois le total de la production mondiale. C’est environ six fois la quantité totale que l’homme a extraite de la Terre jusqu’à présent. Le ratio roche-métal pour le cuivre étant supérieur à 500, il faudrait extraire et raffiner plus de 2250 milliards de tonnes de minerai ». Et pour fonctionner, les équipements miniers devraient être alimentés par des moteurs diesel.
Michaux conclut simplement : « Pour éliminer progressivement les produits pétroliers et remplacer l’utilisation du pétrole dans le secteur des transports par un parc de véhicules entièrement électriques, une capacité supplémentaire de 1,09 x 1013 kWh (10 895,7 TWh) de production d’électricité est nécessaire de la part du réseau électrique mondial pour charger les batteries des 1,416 milliard de véhicules du parc mondial. Comme la production mondiale totale d’électricité en 2018 était de 2,66 x 1013 kWh (annexe B), cela signifie que pour rendre viable la révolution des VE, il faut ajouter une capacité supplémentaire de 66,7% de l’ensemble de la capacité mondiale existante de production d’électricité… La tâche consistant à faire la révolution des batteries des VE est d’une ampleur beaucoup plus grande que ce que l’on pensait auparavant ».
Il s’agit uniquement de remplacer les moteurs à combustion interne des véhicules à l’échelle mondiale.
L’éolien et le solaire ?
Si l’on considère ensuite la proposition de remplacer les sources d’énergie électrique conventionnelles actuelles à 95% par des panneaux solaires et de l’énergie éolienne sur terre et en mer pour atteindre l’objectif absurde et arbitraire de zéro carbone dans les prochaines années, tout cela pour éviter le faux « point de basculement » d’Al Gore, à savoir une augmentation de 1,5°C de la température moyenne de la planète (qui est elle-même une notion absurde), le calcul devient encore plus absurde.
Le principal problème des parcs éoliens et solaires est qu’ils ne sont pas fiables, ce qui est essentiel pour notre économie moderne, même dans les pays en développement. Les pannes d’électricité imprévisibles qui affectent la stabilité du réseau étaient pratiquement inexistantes aux États-Unis ou en Europe avant l’introduction des grandes centrales solaires et éoliennes. Si nous insistons, comme le font les idéologues du zéro carbone, pour qu’aucune centrale de secours au pétrole, au gaz ou au charbon ne soit autorisée à stabiliser le réseau en période de faible ensoleillement, comme la nuit, les jours nuageux ou l’hiver, ou lorsque le vent ne souffle pas à la vitesse optimale, la seule réponse sérieuse envisagée est de construire des batteries de stockage pour les véhicules électriques, en grande quantité.
Les estimations du coût d’une telle batterie de secours varient. Van Snyder, mathématicien et ingénieur système à la retraite, calcule le coût d’une telle batterie de secours pour le réseau électrique des États-Unis afin de garantir une électricité fiable et régulière au niveau actuel : « Combien coûteraient les batteries ? En prenant l’hypothèse la plus optimiste de 400 wattheures – ce qu’un véritable ingénieur ne ferait jamais – et en supposant que l’installation est gratuite – ce qu’un véritable ingénieur ne ferait jamais non plus – on pourrait consulter le catalogue de Tesla et découvrir que le prix est de 0,543 dollar par wattheure – avant l’installation – et que la période de garantie, à peu près égale à la durée de vie, est de dix ans. Les activistes insistent sur le fait qu’une économie américaine entièrement électrique aurait une demande moyenne de 1700 gigawatts. Si l’on évalue la formule 1 700 000 000 000 x 400 x 0,543 / 10, la réponse est 37 000 milliards de dollars, soit environ deux fois le PIB total des États-Unis en 2020, chaque année, pour les seules batteries ».
Une autre estimation de Ken Gregory, également ingénieur, est également incroyablement élevée. Il calcule : « Si l’énergie électrique produite à partir de combustibles fossiles n’est pas disponible pour soutenir l’énergie S+W hautement variable et que seules des batteries peuvent être utilisées comme secours, ce dernier devient extrêmement coûteux… Le coût total de l’électrification des États-Unis s’élève à 258 000 milliards de dollars selon le profil 2019 et à 290 000 milliards de dollars selon le profil 2020 ».
L’agenda caché
Il est clair que les puissances à l’origine de ce programme fou de zéro carbone sont conscientes de cette réalité. Ils s’en moquent, car leur objectif n’a rien à voir avec l’environnement. Il s’agit d’eugénisme et d’abattage du troupeau humain, comme l’a fait remarquer feu le prince Philip.
Maurice Strong, fondateur du Programme des Nations unies pour l’environnement, a déclaré dans son discours d’ouverture du Sommet de la Terre de Rio en 1992 : « Le seul espoir pour la planète n’est-il pas que les civilisations industrialisées s’effondrent ? N’est-il pas de notre responsabilité d’y parvenir ? ». Lors du sommet de Rio, Strong a supervisé la rédaction des objectifs de l’ONU en matière d’« environnement durable », de l’Agenda 21 pour le développement durable qui constitue la base de la Grande Réinitialisation de Klaus Schwab, ainsi que la création du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) de l’ONU.
Strong, un protégé de David Rockefeller, a été de loin la personnalité la plus influente derrière ce qui est aujourd’hui l’Agenda 2030 de l’ONU. Il était co-président du Forum économique mondial de Davos de Klaus Schwab. En 2015, lors du décès de Strong, le fondateur de Davos, Klaus Schwab, a écrit : « Il était mon mentor depuis la création du Forum : un grand ami, un conseiller indispensable et, pendant de nombreuses années, un membre de notre conseil de fondation ».
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Lire notre page « Escroquerie du Réchauffement Climatique Anthropique »
Lire aussi et à diffuser sans modération : « Le manuel du sceptique climatique », PDF, Tome 1 et Tome 2

Allo la base ?… Tout va bien nous coulons !…
Guy Debord et l’Internationale Situationniste : le théâtre des opérations (Rébellion)
Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, crise mondiale, guerre iran, guerres hégémoniques, média et propagande, militantisme alternatif, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, politique et lobbyisme, politique et social, politique française, presse et média, résistance politique, société des sociétés, terrorisme d'état, Union Europeenne et nouvel ordre mondial with tags désobéissance civile, dissidence a l'oligarchie, dissidence au nouvel ordre mondial, guerre contre le terrorisme d'état, guy debord "la société du spectacle", guy debord commentaires sur la société du spectacle, guy debord et l'internationale situationniste, guy debord situationnisme, politique française, résistance politique, société état et démocratie, terrorisme d'état on 16 avril 2023 by Résistance 71Excellente analyse simple et concise du situationnisme et de la pensée / action de Guy Debord et de ses compagnons de réflexion et de lutte. A lire et diffuser sans modération.
~ Résistance 71 ~
Guy Debord : le théâtre des opérations
Revue Rébellion
30 mars 2023
Url de l’article original:
https://rebellion-sre.fr/guy-debord-le-theatre-des-operations/
La réédition dans un fort beau volume des oeuvres complètes de Guy Debord offre l’occasion de se plonger dans le travail théorique d’un des penseurs les plus marquants de son époque. A un long silence a succédé la récupération et la banalisation de ses idées. A la faveur de la mode lancée par quelques intellos parisiens, les rayonnages des librairies croulent depuis dix ans sous les livres consacrés au « situationnisme » et à son « chef de file ». Souvent plus fasciné par le dandysme du personnage et le côté bohème de cette « tribu », ils laissent de côté les aspects théoriques et subversifs de sa démarche.
Si le personnage et le penseur ont certes leurs limites, sa critique radicale des mécanismes de la société contemporaine fournit encore des enseignements pour qui prend la peine de les lire de manière critique. Laissons donc les interprétations des falsificateurs et plongeons- nous dans ses écrits pour nous faire notre propre opinion. La leçon principale étant de refuser tout changement qui ne serait que partiel, tout aménagement d’un système qu’il faut rejeter en bloc. Ainsi, on pouvait lire dans l’Internationale Situationniste cette définition de toute démarche révolutionnaire : « La compréhension de ce monde ne peut se fonder que sur la contestation. Et cette contestation n’a de vérité, et de réalisme, qu’en tant que contestation de la totalité ».
Les fossoyeurs du vieux monde
Né en décembre 1931 dans une famille bourgeoise, Guy Debord arrête ses études avec son bac en poche pour se consacrer aux errances de la vie de bohème. Dans le Paris de l’immédiat après-guerre, il navigue dans les diverses avant-gardes artistiques. Il participe à une bande informelle de révoltés en rupture de ban. Dans les arrières salles de cafés douteux et enfumés, où les vapeurs sacrées de l’alcool font des ravages dans leurs rangs, ils se lancent dans un vaste projet de dépassement de l’art. Pour le faire sortir des musées et le réaliser dans la vie quotidienne, tous les moyens son bons. De l’architecture au cinéma, ils remettent en question les fondements utilitaires de la société moderne. Le petit groupe refuse l’enrégimentais et cultive le goût du scandale. Rien n’est sacré pour eux, pas même les vieilles icônes du surréalisme qui sont la principale cible de leurs coups d’éclats. Dans cette dérive effrénée, Debord se déclare cinéaste et réalise une série de films des plus étrange, tant au point de vue de la forme qu’au niveau du message. Rallié au mouvement lettriste, sa curiosité insatiable et son intelligence sans cesse à l’affût l’amènent à être très tôt, lucide sur les limites des avant-gardes purement artistiques. « La formule pour renverser le monde, nous ne l’avons pas cherchée dans les livres, mais en errant » écrira-t-il. Fuyant, déjà, les récompenses que l’établissement réserve à ses opposants domestiqués, il veut aller plus loin.
La fondation de l’Internationale Situationniste traduit cette radicalisation. Devant réunir des artistes venus de toute l’Europe, le groupe prend très vite un tournant politique. Ne se contentant plus de la simple remise en question de l’art, ils étendent désormais leur contestation à l’ensemble de la société.
« L’IS ne peut pas être une organisation massive et ne saurait même accepter des disciples. L’IS ne peut être qu’une conspiration des Egaux, un état-major qui ne veut pas de troupes (…) Nous n’organisons que le détonateur : l’explosion libre devra nous échapper à jamais, et échapper à quelque autre contrôle que ce soit », affirmaient les situationnistes en 1963. La vie interne de cette Internationale qui ne comptera jamais plus de 70 membres (mais de seize nationalités différentes) fut des plus agitées. D’exclusion en démission, chaque rupture est « habillée » d’une savante et cruelle rhétorique pour cacher des querelles souvent personnelles. Il y a toujours deux raisons aux choses, commentera à ce propos Michèle Bernstein (membre de l’IS et compagne de Debord à l’époque). Il y a toujours la bonne raison, et il y a toujours la vraie raison ». Mais n’oublions pas qu’au delà des vicissitudes de vies hors normes, il y a chez les situationnistes un intense travail théorique.
Les sources de leur inspiration sont multiples. Sous l’influence de Hegel, de Feuerbach et de Marx, ils découvrent des auteurs marxistes non-orthodoxes comme le hongrois Lukàcs ou l’allemand Korsch. Ils n’ignorent pas l’histoire des courants libertaires ou d’ultra-gauche, en particulier les diverses expériences conseillistes. Ils puisent aussi dans les travaux contemporains de la revue Socialisme ou Barbarie ou du philosophe Henri Lefebvre. Au niveau du style, il est indéniable que la tradition littéraire française des « auteurs maudits » (Lautréamont, Rimbaud…) a donné un ton particulier à leurs écrits. Pour l’IS, la théorie n’est ni plus ni moins que ce qui vient renforcer la pratique d’un mouvement. « Nous voulons que les idées redeviennent dangereuses » affirmait Guy Debord.
Le mélange sera explosif. Leurs théories commencèrent à attirer l’attention avec la parution du brûlot De la misère en milieu étudiant. Réalisé par une bande incontrôlée d’étudiants de Strasbourg influencés par l’IS, il lance une nouvelle forme d’expression révolutionnaire. Suivront La Société du Spectacle de Guy Debord et Le Traité de Savoir vivre à l’usage des jeunes générations de Raoul Vaneigem. Ces livres eurent une très forte influence dans les milieux étudiants d’Europe et d’Amérique du Nord où ils furent largement diffusés et commentés par les futurs « enragés » de Mai 68. Le sens de la formule choc des situs qui maniaient savamment à la fois l’ironie et l’humour devait donner naissance à des appels insurrectionnels qui allaient fleurir bientôt sur les murs des universités de toute la France. Leur influence souterraine sur le « joli mois de Mai» s’explique par la séduction qu’opéra leur intransigeance. On retrouve les situs lors de l’occupation la Sorbonne, où ils participent activement au comité de grève étudiant et s’opposent violemment aux groupuscules trotskistes et maoïstes. Facétieux, ils en profitent pour abreuver de télégrammes d’insultes l’ambassade de Chine Populaire aux frais de l’université (non sans un certain humour : « Tremblez bureaucrates STOP Le pouvoir international des Conseils Ouvriers va bientôt vous balayer STOP L’humanité ne sera heureuse que le jour où le dernier bureaucrate aura été pendu avec les tripes du dernier capitaliste STOP ») et pour expulser Alain Krivine d’une AG. Mais plus sérieusement, ils seront de toutes les initiatives pour élargir le mouvement vers le monde ouvrier.
Après que le pouvoir eût sifflé la fin de la récréation, les situationnistes durent faire face à une médiatisation incroyable de leurs actions, cette célébrité inattendue va provoquer la naissance d’une multitude de noyaux « pro-situs » faits de bric et de broc, qui ne furent jamais reconnus par Debord. La mode est alors à la révolution et toute une génération verse dans « l’extrémisme révolutionnaire ». Certains réalisent d’ailleurs d’importants bénéfices commerciaux sur cet engouement. Voulant éviter les manipulations et la récupération, les trois derniers membres de l’IS (dont Debord, les autres ayant été exclus…) déclarent l’autodissolution de l’organisation au printemps 1972.
Débute alors pour Debord un long cheminement solitaire durant lequel il affirme une pensée en rupture avec l’époque. Refusant toute forme de médiatisation, il est vite entouré d’une sulfureuse réputation par des journalistes toujours à l’affût d’un scoop. Il est probable, que l’auteur de la Société du Spectacle s’amusera à jouer avec cette image d’homme de l’ombre.
Mais le jeu prendra fin. Miné par un cancer, il se donnera la mort en novembre 1994. Ce dernier salut à un monde qu’il avait toujours refusé prend un sens particulier quand on regarde les itinéraires parallèles d’autres acteurs de cette mouvance. A la fin des années 70, le reflux révolutionnaire va laisser toute une génération échouée. Drogue, suicide, alcoolisme ou banditisme « politisé » : certains s’enfermeront dans une course vers le vide. Peu en sortiront indemnes. Comme expliquer ce désespoir ? Voilà un aspect peu connu et passé sous silence par beaucoup d’ex-gauchistes reconvertis sans honte dans les affaires. Pour avoir vécu une époque palpitante, ces révolutionnaires perdus ont refusé de rentrer dans le moule et se sont enfoncés dans l’autodestruction la plus totale. Ne pouvant parvenir à détruire le système, ils se sont détruits eux- mêmes. A nous de ne pas refaire les mêmes erreurs…
La Société du spectacle : la vérité nous rendra libre !
Livre le plus connu de Debord, il est souvent cité sans avoir était simplement lu… Si on s’en tient aux formules chocs, la définition qu’il donne au terme de Spectacle est qu’il est « le règne autocratique de l’économie marchande ayant accédé à un statut de souveraineté irresponsable ». Cela nous laisse sur notre faim…
Pour nous référer à l’analyse d’Anselm Jappe sur la pensée de Guy Debord, la Société du Spectacle n’est pas seulement le règne tyrannique de la télévision ou des mass média. Cela n’est que sa manifestation superficielle la plus écrasante. Le fonctionnement des moyens de communication et d’information de masse exprime parfaitement la structure de la société entière dont ils font partie. La contemplation passive d’images, qui de surcroît ont été choisies par d’autres, se substitue au vécu et à la détermination des événements par l’individu lui-même et la pratique collective. Ces phénomènes amenant un appauvrissement constant de la vie réellement vécue, sa fragmentation en sphères de plus en plus séparées, ainsi qu’à la perte de tout aspect unitaire dans la société (repaires culturels et temporels). Dans ce monde totalitaire, le Spectacle apparaît comme l’aliénation idéologique par excellence. Le Spectacle dans la société correspond à une fabrique concrète de l’aliénation.
Tandis que le pouvoir de la société dans son ensemble paraît infini, l’individu se retrouve dans l’impossibilité de gérer son propre univers. Guy Debord décelait dans cela la conséquence du fait que l’économie a soumis à ses propres lois la vie humaine. Aucun changement à l’intérieur de la sphère de l’économie ne sera suffisant tant que l’économie elle-même ne sera pas passée sous le contrôle conscient des individus. Reprenant le travail des courants minoritaires du marxisme, il assigne une importance centrale au problème de l’aliénation considérée non comme un épiphénomène du développement capitaliste, mais au contraire comme son noyau central. Le développement de l’économie devenu indépendant, est l’ennemi de la vie humaine qu’elle tente de conditionner à ses objectifs. Ainsi, l’homme se retrouve reproduit par les méthodes de production qui lui sont imposées par la recherche de la rentabilité, sans souci de sa santé et de son épanouissement humain. Il est de plus conditionné par ses « loisirs » et la consommation. A l’ouest comme à l’Est, dans les pays développés comme dans ceux du Tiers-monde, la logique de la marchandise règne sur l’ensemble du système social, où les individus ont perdu tout pouvoir et tout contrôle sur leur propre vie.
Sans rival, le Spectacle est l’auto-justification permanente du système de production dont il est issu. Pour ce faire, il n’a pas besoin d’arguments sophistiqués : il lui suffit d’être le seul à parler sans attendre la moindre réplique. Il n’est pas une simple forme de propagande, c’est l’activité sociale tout entière qui est captée par le Spectacle à ses propres fins. Toute la vie des sociétés modernes « s’annonce comme une immense accumulation de spectacles. Tout ce qui était directement vécu s’est éloigné dans la représentation ». L’image se substitue partout à la réalité et donne naissances à des comportements réels formatés par elle. Cette structuration des images sert bien évidemment les intérêts d’une partie de la société, l’oligarchie. Avec l’époque moderne, le pouvoir a eu la possibilité de modeler la société dans le sens de son maintien. Cela passe par la falsification de la réalité à tel point que « dans le monde réellement renversé, le vrai est un moment du faux » affirmait Debord. Les normes les plus aberrantes de ce système deviennent familières à tous, elles sont acceptées et intégrées au comportement de l’ensemble de la société. Il suffit d’observer le comportement des générations nées sous sa pleine domination pour comprendre l’étendue de son emprise sur les esprits. Sous son règne, la connaissance et le sens critique ont été soigneusement éliminés pour ne laisser aucun repaire pouvant remettre en cause son existence.
Le Spectacle parvient à son apogée lorsqu’il arrive à créer l’illusion de l’unité de la société en masquant les divisions de classes. « L’unité irréelle que proclame le Spectacle est le masque de la division de classe sur laquelle repose l’unité réelle du mode de production capitaliste ». Et c’est aussi bien cette unité réelle d’une même aliénation qui se cache sous les fausses oppositions spectaculaires (« Droite/Gauche » par exemple). A l’époque de la Guerre Froide, les situationnistes affirmaient que le Spectacle servait à masquer « l’unité de la misère » en opposant deux mondes, d’une part le capitalisme occidental ( le spectaculaire diffus qui « accompagne l’abondance des marchandises, le développement non perturbé du capitalisme moderne ») et d’autre part le capitalisme bureaucratique soviétisé ( le spectaculaire concentré qui est le totalitarisme bureaucratique ), qui tous deux ne représentent en fait que la même aliénation exprimée sous des formes différentes. L’évolution du monde amènera plus tard, Guy Debord dans Les commentaires sur la Société du Spectacle paru en 1988 à constater la naissance du spectaculaire intégré qui à pour base le mensonge généralisé. Notre certitude de ne pas être trompé est désormais mise à mal par la découverte des pires manipulations étatiques. A ce stade, le Spectacle doit nier l’histoire, car celle-ci prouve que sa loi n’est rien, mais que tout est processus et lutte. Le Spectacle est le règne d’un éternel présent qui prétend être le dernier mot de l’histoire.
Mais l’histoire poursuit sa marche révolutionnaire. Les Situationnistes vont mettre au coeur de leur démarche la rupture révolutionnaire avec les faux semblants du Spectacle. Ils avaient pour but la création de situations, c’est-à-dire de moments de rupture qui permettent à la vie réelle de s’imposer à la survie au quotidien dans laquelle l’individu est enfermé. Le vécu est au coeur de la conception politique situationniste. La reconquête du quotidien passe par la prise de conscience de la nature artificielle des représentations médiatiques. Pour Raoul Vaneigem, l’homme pour se libérer de l’emprise spectaculaire doit retrouver « le goût enragé de vivre » en redevenant le seul maître de ses désirs.
Dans les conclusions de son maître livre, Debord est amené à présumer que le Spectacle se brisera contre un sujet qui dans son essence est irréductible à la spectacularisation. Un sujet devant être porteur d’exigences et de désirs différents de ceux causés par le Spectacle. Ce sujet résistant au phénomène est identifié par Debord au Prolétariat1. Le prolétaire n’est plus seulement défini par ses conditions de travail, il est devenu « l’immense majorité des travailleurs qui ont perdu tout pouvoir sur l’emploi de leur vie et qui, dès qu’ils le savent, se redéfinissent comme prolétariat ». Partant de son expérience quotidienne de la marchandisation du monde, ce prolétariat élargi doit devenir la « classe de la conscience ». La Conscience signifie le contrôle direct des travailleurs sur tous les moments de leur vie. Grâce aux Conseils Ouvriers avec lesquels les prolétaires peuvent d’abord conduire la lutte et par la suite gouverner une future société libre. L’opposition entre la vie humaine et les forces aveugles de l’économie ne laisse aucune place au doute. La véritable ligne de fracture se situe entre ceux qui veulent ou qui doivent conserver l’aliénation spectaculaire et ceux qui veulent l’abolir. Le reste n’est que diversions…
Biblographie
Guy Debord – Oeuvres Complètes – Gallimard/Collection Quarto.
Anselm Jappe – Guy Debord – Denoël/Essai.
Laurent Chollet – L’insurrection Situationniste – Dagorno.
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“La société du spectacle” en PDF sur Résistance 71
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