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Peuple en arme et autodéfense : les milices populaires dans la révolution sociale espagnole (Edward Conlon)

Posted in 3eme guerre mondiale, actualité, altermondialisme, autogestion, colonialisme, crise mondiale, démocratie participative, gilets jaunes, guerres hégémoniques, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, politique et lobbyisme, politique et social, politique française, résistance politique, société des sociétés, syndicalisme et anarchisme, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , on 3 mars 2023 by Résistance 71

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“Qu’est-ce que l’État ? C’est le signe achevé de la division dans la société, en tant qu’il est l’organe séparé du pouvoir politique: la société est désormais divisée entre ceux qui exercent le pouvoir et ceux qui le subissent. La société n’est plus un Nous indivisé, une totalité une, mais un corps morcelé, un être social hétérogène… »
~ Pierre Clastres ~

“Les deux grandes questions incontournables de l’anthropologie politique sont:
1- Qu’est-ce que le pouvoir politique, c’est à dire qu’est-ce que la société ?
2- Comment et pourquoi passe t’on du pouvoir politique non-coercitif au pouvoir politique coercitif, c’est à dire qu’est-ce que l’histoire ?”
~ Pierre Clastres, 1974 ~

Les milices dans la guerre civile espagnole

Edward Conlon

Extraits du chapitre 2 de son livre “La guerre civile espagnole, l’anarchisme en action” (1986)

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

Le gouvernement se retrouva dans une situation particulière lorsque la poussière retomba après le 19 juillet. Alors qu’il demeurait gouvernement, il n’avait aucun moyen d’exercer son autorité. La vaste majorité de l’armée s’était rebellée contre lui. Où la rébellion fut vaincue, l’armée avait été démantelée et les travailleurs étaient maintenant armés. Les syndicats et les organisation de gauche se mirent immédiatement à organiser ces travailleurs armés. Des milices furent formées et elles devinrent des unités de l’armée révolutionnaire. Dix jours après le coup d’état, il y eut 18 000 travailleurs organisés dans les milices de Catalogne. Leur très grande majorité faisaient partie de la CNT (NdT : syndicat anarcho-communiste). Il y avait plus de 150 000 volontaires prêts à se battre à tout moment.

Ce n’était pas une armée ordinaire. Il n’y avait pas d’uniforme (des foulards portés autour du cou indiquaient de quelle organisation un milicien faisait partie), pas d’officiers privilégiés sur les soldats du rang. C’était une armée révolutionnaire qui reflétait les principes révolutionnaires de ceux qui la composaient. La démocratie était en contrôle. L’unité de base était le groupe, généralement composé de dix personnes, qui élisaient un délégué. Dix groupes formaient une centurie, qui elle aussi élisait un délégué. Un certain nombre de centuries formaient une colonne. Il y avait des élections internes et les colonnes rendaient compte aux travailleurs. Les colonnes souvent avaient des anciens officiers et experts en artillerie qui les conseillaient mais ne commandaient pas. Ils n’avaient aucun pouvoir.

Les travailleurs rejoignaient les colonnes sur la base du volontariat. Ils comprenaient la nécessité du combat et de créer une “armée populaire”. Ils acceptaient la discipline non pas parce que cela leur était imposé, mais ils comprenaient le besoin d’agir de manière coordonnée. Les membres des milices acceptaient les ordres parce qu’ils avaient vraiment confiance en ceux qui les donnaient, pas parce qu’ils étaient obligés (NdT : principe du “chef de guerre” amérindiens, qui n’a aucun pouvoir en dehors de la manœuvre militaire…). Ils avaient été élus depuis leurs rangs. Les milices étaient alignés avec différentes organisations qui comprenaient le lien entre la politique révolutionnaire et la guerre. Les milices formées à Barcelone ne perdirent pas de temps pour marcher sur l’Aragon où la capitale, Saragosse, avait été prise par les fascistes. La colonne Durutti, du nom d’un des leaders de la CNT, mena cette marche et graduellement libéra la région village par village. Le but était de libérer Saragosse qui reliait la Catalogne avec la seconde région industrielle, le Pays Basque, qui en plus d’être une source de matière première, possédait une industrie lourde et des usines de fabrication d’armes.

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La colonne Durruti montra la voie du comment combattre le fascisme. Ils avaient compris qu’une guerre civile est une guerre politique, pas seulement un conflit militaire. Alors qu’ils remportaient victoire après victoire, ils encourageaient les paysans de se saisir des terres et de les collectiviser. La colonne fournissait la défense nécessaire afin que ceci puisse se faire. Les paysans se rallièrent à eux. Ils nourrirent les travailleurs-soldats et bon nombre rejoignirent leur force. De fait, Durutti lui-même dû supplier un bon nombre de ne pas rejoindre la colonne afin de ne pas dépeupler les terres arables qui devaient être cultivées et pour que la collectivisation puisse continuer à se faire.

Alors que les milices anarchistes remportaient nombre de succès, du terrain était perdu sur d’autres fronts. Saragosse ne fut pas libérée et une longue ligne de front se développa. Le système de milice en fut blâmé. Les stalinistes dirent que les travailleurs étaient indisciplinés et n’obéissaient pas aux ordres. Ils accusèrent les anarchistes de ne pas vouloir travailler avec les autres pour battre les fascistes.

Bien sûr, tout ceci n’était que non-sens. Les anarchistes appelaient continuellement à un effort de guerre uni et même pour un commandement unifié. Ce qu’ils demandèrent en revanche, fut que le contrôle de l’armée demeure dans la classe travailleuse. Les anarchistes ne pensaient pas que l’établissement d’un commandement unifié veuille dire la restauration du vieux régime militaire et de caste des officiers.

Le problème majeur auquel devaient faire face les milices était le manque d’armes. L’industrie des munitions fut coupée et les ouvriers de Barcelone improvisèrent grandement. Des armes furent fabriquées et transportés au front mais il n’y en avait toujours pas assez. George Orwell (qui combattit avec les  milices P.O.U.M) décrivit la situation des armes sur le front d’Aragon (NdT : où il fut blessé à la gorge par une balle perdue…). L’infanterie “était bien plus mal armée qu’un Officers Training Corps d’école publique anglaise, avec de vieux fusils Mauser qui souvent s’enrayaient après cinq cartouches, environ une mitrailleuse pour 50 hommes (sic) et un pistolet ou revolver pour 30 hommes (sic). Ces armes, si nécessaires dans la guerre de tranchées, n’étaient pas fournies par le gouvernement… Un gouvernement qui envoyait des gamins de 15 ans au front avec des fusils vieux de 40 ans et qui gardaient ses meilleurs soldats et armes les plus modernes à l’arrière, montrant par là sans équivoque, qu’il était plus inquiet de la révolution sociale que des fascistes.

Ô combien avait-il raison ! Une embargo sur les armes fut imposé par la Grande-Bretagne empêchant la vente d’armes des deux côtés, mas pas avant la mi-août. Le gouvernement qui avait 600 millions de dollars en or, aurait pu acheter des armes. Eventuellement, cet or fut envoyé à Moscou en échange d’armes mais lorsqu’elles arrivèrent, il y eut un refus systématique de fournir les zones d’Aragon contrôlées par les anarchistes. Les armes qui arrivèrent, furent mises entre les mains des stalinistes et des centres qu’ils contrôlaient. Un membre du ministère de la guerre se référant aux armes arrivées en septembre commenta : “J’ai remarqué que ces armes ne furent pas données en quantité égale, mais il y avait une préférence marquée pour des unités constituant le 5ème régiment.

Ceci fut contrôlé par les stalinistes. Les usines de munitions catalanes, qui dépendaient du gouvernement central pour leur financement, furent obligées de fournir leur production à qui le gouvernement choisissait. Cette restriction sur les armes fut fondamentale dans la stratégie des stalinistes et de leurs alliés au gouvernement pour briser la puissance et le prestige de la CNT. Les marxistes voulaient diminuer les milices dans leurs efforts de redémarrage de l’armée.

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Le manque d’armes ne fit pas qu’affecter le front d’Aragon. La ville d’Irun tomba à cause de cette pénurie d’armes. Un journaliste le décrivit comme suit : “Ils (les travailleurs d’Irun) combattirent jusqu’à la dernière cartouche. Quand ils furent à court de munitions, ils balancèrent de la dynamite. Quad ils furent à cours de dynamite, ils se ruèrent à l’assaut à mains nues, tandis qu’un ennemi soixante fois plus fort les massacrait à la baïonnette.” Dans les Asturies, les travailleurs furent contraints d’essayer de prendre Oviedo armés de quelques fusils et de bombes artisanales. Alors que furent demandés quelques avions et pièces d’artillerie, leur demande fut refusée. Là encore, la peur du gouvernement des travailleurs révolutionnaires fut plus grande que celle des fascistes et cela domina les débats et prévalut sur l’objectif de vaincre les fascistes.

C’est un mensonge courant de dire que les milices, supposées être indisciplinées et incontrôlables, furent responsables de l’avancée et gains de terrain de Franco. Tous ceux qui virent les milices en action n’ont eu que louanges pour l’héroïsme dont ils furent les témoins. Le gouvernement a fait un choix tout à fait délibéré, il a choisi de restreindre l’accès aux armes pour les travailleurs révolutionnaires en armes, le gouvernement a décidé que vaincre la révolution sociale était plus important que de vaincre le fascisme.

NdT : ce qui est tristement logique… tout gouvernement va défendre l’État et les institutions, la révolution sociale espagnole a été écrasée à partir de 1937 par l’alliance entre les factions de préservation de l’état-marchand : les fascistes de Franco d’un côté aidés par Mussolini et Hitler et l’URSS de l’autre, marxiste-stalinisme, quelques traîtres anarchistes entrés au gouvernement, et les états européens, dont la France du Front Populaire socialo-marchande ne l’oublions pas, qui ferma ses frontières et n’aida en rien la révolution sociale espagnole en cours et parqua les réfugiés espagnols, anarchistes ou non dans des camps jusqu’à la seconde guerre mondiale. Pourquoi croyez-vous que TOUS se soient ligués contre la société anarchiste organique en mouvement en Espagne ? Parce que cette société nouvelle qui voyait le jour dans les collectifs catalans, aragonais et de Levant, faisait trembler le système étatico-marchand, qui s’en est instinctivement protégée en déployant toutes les énergies en apparence antagonistes pour que tout puisse politiquement et économiquement continuer comme de routine… Une révolution est un changement pour qu’en fait, rien ne change vraiment. Nous n’avons pas besoin de révolution mais d’évolution et la société des sociétés est cette évolution tant attendue pour que se réalise enfin pleinement notre humanité muselée, freinée et étouffée depuis quelques cinq mille ans.

L’état n’est pas quelque chose qui peut être détruit par une révolution, mais il est un conditionnement, une certaine relation entre les êtres humains un mode de comportement humain, nous le détruisons en contractant d’autres relations, en nous comportant différemment.
~ Gustav Landauer ~

“On peut dire qu’il n’y a pas encore eu de révolution dans l’histoire, il ne peut y en avoir qu’une qui serait une révolution définitive. Le mouvement qui semble achever la boucle en entame déjà une nouvelle à l’instant même où le gouvernement se constitue. Les anarchistes, Varlet en tête, ont bien vu que gouvernement et révolution sont incompatibles au sens direct. Il implique contradiction, dit Proudhon, que le gouvernement puisse être jamais révolutionnaire et cela pour la raison toute simple qu’il est gouvernement.’  […] S’il y avait une seule fois révolution, en effet, il n’y aurait plus d’histoire. Il y aurait unité heureuse et mort rassasiée.“
~ Albert Camus ~

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« Réflexions sur le peuple en arme, la résistance et la rébellion, 3 textes » (PDF)

« Petits précis sur la société et l’État » (Résistance 71)

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Il n’y a pas de solution au sein du système ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

+

5 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

Société des sociétés organique avec Gustav Landauer

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Aujourd’hui comme hier…
¡Ya Basta!

Réflexions pertinentes et nécessaires sur le peuple en arme et l’autodéfense armée libératrice avec Scott Crow

Posted in actualité, politique et social, politique française, militantisme alternatif, crise mondiale, 3eme guerre mondiale, altermondialisme, démocratie participative, autogestion, résistance politique, terrorisme d'état, néo-libéralisme et paupérisation, pédagogie libération, neoliberalisme et fascisme, colonialisme, gilets jaunes, société des sociétés with tags , , , , , , , , , , , , , , , , on 28 février 2023 by Résistance 71

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Extraits de la Constitution française du 24 juin 1793 (6 messidor de l’an I):
Article 9. – La loi doit protéger la liberté publique et individuelle contre l’oppression de ceux qui gouvernent.
[…]
Article 31. – Les délits des mandataires du peuple et de ses agents ne doivent jamais être impunis. Nul n’a le droit de se prétendre plus inviolable que les autres citoyens.
Article 33. – La résistance à l’oppression est la conséquence des autres Droits de l’homme.
Article 34. – Il y a oppression contre le corps social lorsqu’un seul de ses membres est opprimé. Il y a oppression contre chaque membre lorsque le corps social est opprimé.
Article 35. – Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.

Le_Reveil

Imaginons les Gilets Jaunes en armes réorganisant la France des sections non pas dans des défilés stériles sous contrôle à Paris ou ailleurs, mais dans toutes les villages et villes de France sur la base du pouvoir redilué dans le peuple et l’égalité décisionnaire. Tout le pouvoir aux Ronds-Points qui auraient alors la capacité de se défendre physiquement de toute agression extérieure… On ne parle plus de la même chose là, le peuple ne subit plus, n’est plus dépendant ni à la merci de la déshumanisation exploiteuse institutionnalisée… Il est en charge finalement de sa destinée et du renouveau politique dans une société des sociétés organique et humaine.
Ce n’est pas un rêve, cela peut être une réalité, celle de la transformation finale par l’émancipation définitive. Ceci peut et doit devenir notre nouvelle réalité. Elle n’attend que nous et notre pouvoir de dire NON ! au système délétère et mortifère en place pour le remplacer par le NOUS un et organique de nos complémentarités bien comprises.
~ Résistance 71 ~

La communauté de libération, autodéfense armée

Une approche théorique

Scott Crow (American Indian Movement, AIM)

2017

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

Février 2023

Notions de défense

Le monde est dans le tumulte depuis des décennies avec toujours plus de crises à venir, de l’écologie à l’économique en passant par l’oppression politique et les guerres. Ces lents désastres vont demander de nouvelles approches et de nouvelles possibilités. Je pense qu’il est temps pour chacun d’entre nous au sein de la société civile de penser sérieusement à la manière dont nous voulons répondre, de manière autonome et collective, sans attendre d’être “sauvés” par ces mêmes gouvernements tous plus réactionnaires les uns que les autres et les entreprises, corporations qui ont produit ces crises [avec l’aide des états] en premier lieu.

Dans cet essai, je vais essayer de faire le portrait de quelques pratiques potentielles, de praxis, de pensées, centrées sur l’utilisation de ce que j’appelle “l’autodéfense armée de libération de communauté”. Ce concept très différent s’inspire des historiques d’autodéfense de communautés comme pratiquée par des groupes variés de gens dans le monde et aussi des principes libérateurs dérivés des traditions anarchiste et anti-autoritaire.

Le concept d’autodéfense armée de communauté est un développement bien distinct de modèles d’organisation populaire politique et sociale et des notions de défense de communauté, qui en leur cœur affirment le droit des peuples opprimés à protéger leurs intérêts “par tous moyens nécessaires”. “[NdT : ce que nous voyons ici à R71 comme le fait évident que tous les peuples sous joug étatico-marchand, sont en état de légitime défense permanent et se doivent d’agir en conséquence…] Ceci inclurait la signature de pétitions et voter d’un côté du spectre d’action à des moyens extra-légaux d’action, d’insurrection ou de rébellion d’un autre côté. Le parti des Black Panther par exemple, s’engageait dans la défense de communautés non seulement via leurs patrouilles armées, mais aussi au moyen de programmes de survie, qui fournissaient des stages de santé et de premiers secours et des écoles gratuites pour les quartiers noirs pauvres qui n’avaient pas ce genre de services. Cet essai est une tentative de réévaluation critique d’autodéfense armée libératrice de communauté : pour réviser les histoires et l’analyse, pour examiner la praxis et amener des leçons vers de futurs engagements ainsi que d’élargir tout en renforçant nos tactiques et nos réponses aux crises.

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Une bonne définition

L’autodéfense armée libératrice de communauté est la pratique collective de groupe de prendre temporairement les armes à des fins d’autodéfense en tant que partie de plus larges engagements d’autonomie collective pour maintenir une éthique libératrice.

Je propose cela comme une idée distincte émergente d’une réévaluation sur des décennies, de l’expérience historique de la lutte armée et des plus larges théories du droit à l’autodéfense.

L’autodéfense, habituellement, décrit des contre-mesures employées par un individu pour protéger la sécurité de sa personne et parfois de sa propriété. Aux Etats-Unis, l’autodéfense n’est pratiquement toujours discutée qu’en termes légaux ayant trait aux “droits” reconnus par les gouvernements ou constitutions et seulement occasionnellement comme droits de l’Homme. En limitant la discussion aux droits attachés aux individus, ce cadre ne considère jamais les intérêts de la communauté, la violence structurelle et l’oppression et les actions collectives. Le discours néglige donc en tant que telle la défense des communautés et spécifiquement laisse en dehors de toute discussion les demandes politiques des peuples de couleur, des femmes, des immigrants et des pauvres.

L’autodéfense des communautés sous quelque forme que ce soit n’est pas définie par des lois mais par une morale fondée sur le besoin de protection et les principes de l’anarchie (que les gens l’appellent comme cela ou non) par lesquels des groupes de gens exercent collectivement leur pouvoir, leur capacité de décider de leur futur et de déterminer comment répondre à des menaces sans dépendre des gouvernements quels qu’ils soient.

En tant que concept, l’autodéfense armée libératrice de communauté tente de prendre en compte des types non reconnus de violence et les limites auxquelles des groupes marginalisés doivent faire face dans leur capacité à déterminer leur propre futur ou de se protéger collectivement. Par exemple en 1973, lorsque l’AIM a pris les armes pour défendre “son peuple” par le moyen de l’occupation des terres de Wounded Knee, ses membres le firent pour attirer l’attention sur les horribles conditions de vie dans les réserves indiennes et la violence à laquelle les communautés devaient faire face à la fois par manque de services de base mais aussi de la part d’escadrons de vigilantes armés. La ville de Wounded Knee ne fut pas elle-même attaquée, mais elle représentait ce que les Nations premières subissaient un peu partout. Le défi politique de l’AIM fut un exemple clair et limpide d’une autodéfense armée de communauté, mais elle ne correspond pas vraiment aux typologies existantes d’autodéfense.

Quelques différences importantes

L’autodéfense armée libératrice de communauté est différente des autres formes armées d’action pour deux raisons majeures. La première est que c’est temporaire mais organisé. Les gens peuvent s’entrainer aux tactiques et à la sécurité avec armes à feu individuellement ou en groupe, mais seront appelés sur un modèle se rapprochant de celui des brigades de pompiers volontaires, seulement quand on en a besoin et en réponse à des circonstances bien spécifiques. La seconde et sûrement la plus importante, le partage du pouvoir et des principes égalitaires sont incorporés dans l’éthique et la culture de groupe bien avant qu’un conflit ne soit même engagé. Ces deux grandes idées la séparent de la plupart des conflits armés.

Par exemple, les milices d’extrême-droite, comme les patrouilles anti-immigrants de la milice Minutemen le long de la frontière américano-mexicaine ou la raciste milice d’Algiers Point qui a opéré dans l’après ouragan Katrina, n’ont rien à voir avec le type d’autodéfense armée de communauté enracinée dans des principes collectifs libérateurs. Ces milices sont construites sur des peurs abstraites et des croyances racistes et une culture machiste dans laquelle le plus fort et la plus grande gueule est leader. Ils sont typiquement organisés sous une hiérarchie militaire sans rendre vraiment compte aux gens de la société civile et des communautés desquelles ils émanent. Ce genre de milices sont par trop similaires aux types de groupes armés contre lesquels les groupes des mouvements de libération ont du se défendre encore et encore.

Ceci dit, l’adoption de tactiques armées dans tout conflit ou situation de péril a toujours le potentiel de transformer des mesures défensives temporaires en hiérarchies militaires permanentes à moins que des efforts conscients pour contrer cette tendance et partager le pouvoir soient maintenus. Une approche libératrice, émancipatrice est nécessaire pour minimiser ou a moins grandement amoindrir ce danger.

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Le peuple en armes : l’exemple zapatiste

Principes proposés

Le composant armé ne doit jamais devenir le centre de l’affaire, autrement nous risquons de devenir une armée sur pieds. Pour éviter cela et pour équilibrer le pouvoir du mieux possible, une analyse libératrice est nécessaire pour façonner ceux qui apprennent à exercer leur pouvoir et ceux qui doivent être responsables de leurs groupes ou communautés. Le cadre libérateur, émancipateur est fondé sur des principes anarchistes d’entraide (coopération), d’action directe (être capable d’agir sans attendre l’approbation ou les ordres des autorités), de solidarité (reconnaître que le bien-être de groupes disparates est inter-relié) et l’autonomie collective autodétermination de la communauté.

Les armes de défense ne doivent être utilisées qu’en ayant pour buts la libération collective et non pas pour saisir le pouvoir de manière permanente, même si leur utilisation peut potentiellement et de manière possible nécessairement, faire escalader les conflits. Dans tous les cas, les armes ne sont pas la première ligne de défense et ne sont prises qu’après que toute autre résolution de conflit ait été épuisée. (NdT : on reconnaît là un grand principe amérindien de gestion de crise et de conflit…)

L’utilisation des armes n’est efficace sur le long terme que si cela fait partie d’un cadre de double pouvoir, c’est à dire la résistance à l’oppression et l’exploitation tout en développant d’autres initiatives vers l’autonomie et la libération comme partie intégrante d’autres efforts d’auto-suffisance et d’autodétermination.

Ceux engagés avec les armes devront avoir le même pouvoir que ceux impliqués dans d’autres formes de défense de la communauté ou dans l’auto-suffisance. Porter les armes doit être vu comme une tache privilégiée, ayant la même importance que l’attention portée aux enfants, produire la nourriture ou collecter les ordures ménagères, rien de plus. Pour maintenir un équilibre du pouvoir, faire une rotation des taches armées et des entrainements parmi ceux qui désirent y participer. Tout entraînement aux armes se doit d’inclure une éthique et des pratiques libératrices dynamiques et évolutives en plus du savoir-faire et de la sécurité. Au sein de toute opération d’entrainement, il devra y avoir une insistance particulière sur la défiance des assomptions au sujet des rapports de classe, de genre, de race afin d’interrompre l’archétype de la culture des armes.

Réflexions et questions pour une théorie

Ces notes ne sont qu’un début. Il y a toujours beaucoup de questions, incluant celles concernant l’organisation, les considérations tactiques, le pouvoir coercitif inhérent aux armes à feu, rendre compte à la communauté qui est défendue et l’élargissement du mouvement social et finalement, espère t’on, le processus de démilitarisation. Par exemple : Est-ce que des engagements défensifs doivent demeurer isolés géographiquement ? Est-ce que les groupes d’affinité sont les meilleures formations de partage de pouvoir et de mobilisation élargie ?

Comment peut-on créer des cultures de soutien à ceux qui s’engagent dans un conflit défensif, spécifiquement en ce qui concerne le droit des peuples opprimés historiquement à se défendre ? A quoi ressemblent ces engagements de soutien ? De plus, il y a un bon nombre de considérations et de questions tactiques  à discuter et à d´´battre pour éviter la réplique de la culture dominante des armes. Comment empêche t’on les armes et l’entrainement aux armes de devenir la préoccupation principale, que ce soit par habitude, culture ou romantisme ?

Il peut y avoir une fin à cette violence insensée pour la domination ou les ressources. Mais si nous voulons transcender la violence sur le long terme, nous aurons peut-être à l’utiliser sur le court terme. Nous devons donc nous posons quelques dures questions au sujet de nos approches et de nos méthodes. Quand l’engagement armé est-il approprié ? Quel aspect voudrions-nous qu’il prenne ? Comment créons-nous des cultures de soutien tacite ou directe et incluons-nous les personnes qui ne s’engageraient jamais d’elles-mêmes dans une autodéfense armée ?

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Unités de protection populaire au Rojava

Comment allons-nous empêcher que le pouvoir une fois de plus se centralise ? Quand les conséquences deviennent-elles plus néfastes que les bénéfices ? Il n’y a pas de modèles parfaits ; nous allons devoir créer cela ensemble, pas à pas. Nous devons nous surpasser et dépasser nos limites auto-imposées et devons lâcher prise de nos pré-conceptions de ce que la résistance et l’émancipation sont. Lorsque nous le ferons, nous gagnerons la confiance en l’utilisation d’outils potentiellement létaux avec une conscience libératrice, émancipatrice. Cela veut dire que nous devons comprendre que les valeurs du partage du pouvoir et de l’ouverture (NdT : ce que nous appelons la compréhension de notre complémentarité annihilant de fait les antagonismes factices socialement construits pour nous maintenir divisés…) sont toutes aussi importantes que le pouvoir de porter une arme chargée.

Les armes n’offriront jamais la seule réponse à l’exercice et l’équilibre du pouvoir. Nous seuls pouvons le faire, mais les armes peuvent être une dissuasion contre de véritables menaces et peuvent grandement étendre notre boîte à outils pour l’émancipation. L’autodéfense armée de communauté ouvre la possibilité de changer les règles du jeu et de l’engagement. Cela ne rend pas toujours les situations moins violentes, mais cela peut aider à équilibrer l’inégalité de pouvoir parmi les individus et les diverses communautés. Je n’appelle pas à un soulèvement armé général, mais à repenser comment nous défendre. Nous pouvons rêver, nous pouvons construire de nouveaux mondes (NdT : une société des sociétés), mais pour ce faire, nous ne devons pas oublier de résister en nos propres termes.

= = =

Voir nos pages :

“La fin de l’État”

“Paulo Freire, la pédagogie des opprimés”

“Réseau de résistance et de rébellion international”

“Textes fondateurs pour un changement politique”

“Gustav Landauer et la société organique”

Notre dossier sur « Le peuple en armes »

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Palestine : peuple opprimé en résistance active…

Il n’y a pas de solution au sein du système ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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5 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

Société des sociétés organique avec Gustav Landauer

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Depuis 1994 : ¡Ya Basta!

(R)évolution des interactions quotidiennes… Une mini théorie

Posted in 3eme guerre mondiale, actualité, altermondialisme, autogestion, crise mondiale, démocratie participative, gilets jaunes, militantisme alternatif, pédagogie libération, politique et social, politique française, société des sociétés, société libertaire with tags , , , , , , , , , on 8 septembre 2022 by Résistance 71

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Mini théorie

Faon sauvage

Septembre 2022

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

Les ruines sont un terrain de jeu, qu’elles soient zapotèques, mayas, égyptiennes ou modernes. Plutôt que de les préserver, pourquoi ne pas jouer avec jusqu’à leur destruction dans l’oubli et oublier par la même occasion les cultures qui les ont créées ? La mémoire de la culture est la préservation de la culture et la culture n’est jamais que la limite sacrée placée sur la créativité et le jeu. Les insurgés détruisent les limites sacrées.

Le processus du consensus soumet l’individu au groupe. Il soumet l’immédiat au processus de médiation. Il est conservateur par nature puisqu’il ne permet le changement que quand tout le groupe est d’accord… C’est un contrôle internalisé et pas l’anarchie.

Pour que la société fonctionne, le désir doit être apprivoisé. Il doit être colonisé par l’économie, transformé en rapport manque/besoin, dont l’assouvissement est attribué aux commodités offertes par la société. Diriger les désirs de la sorte demande des restrictions et des structures. Alors que celles-ci augmentent, le désir ne devient plus que l’ombre, la fantôme de lui-même. Les restrictions et les structures deviennent graduellement des outils pour apprendre les secrets qui peuvent être utilisés contre elles.

Mon intérêt dans les ruines et les vestiges tient en partie, de tentatives pour développer des stratégies de déconstruction de villes de manière ludique, au travers un encouragement conscient et actif de la rébellion sans contrainte. Ceci demande des explorations extensives des villes afin d’en apprendre les secrets qui pourront être utilisés contre elles.

Il y a plus d’une façon de créer une élite. Les classes dirigeantes, intellectuelles et esthétiques créent une inaccessibilité artificielle à leur pouvoir, connaissance et techniques afin de renforcer leur position. D’un autre côté, les activistes radicaux auto-proclamés de “conscience de classe” se refusent l’accès à la connaissance, au vocabulaire et techniques d’analyse bien rôdés qui sont directement disponibles, afin de prouver leur “pureté de classe” ou quelque autre non sens que ce soit et par leur déni absurde, crée une élite involontaire de ces radicaux ne désirant pas s’appauvrir eux-mêmes de cette façon.

Beaucoup… d’anarchistes sont en fait des gauchistes ou des libertariens libéraux ou, dans quelques cas, simplement des gens en colère qui “pensent” toujours en termes des images créées par le contexte social, enfermant leurs pensées au sein d’un discours de société. Jusqu’à ce qu’on aille au delà de ce discours, en pensant en dehors de ses catégories, la rébellion demeure partie intégrante des structures d’autorité… La plupart des anarchistes sont satisfaits du discours de la société, créant joyeusement une “anarchie” qui n’est en rien un challenge ou un défi, qui est bien maniéré, apprivoisé et de bon goût, le tout au nom de “l’éducation” et de “l’action”.

La technologie cybernétique est dépendante de la technologie industrielle pour exister. Voilà pour le rêve de la cyber-utopie, qui en prend un sacré coup !…

Le troc est toujours une relation, un échange économique. L’argent permet un flot d’échange bien plus fluide. Pourquoi ne pas se débarrasser purement et simplement de la relation marchande, économique ?…

Souvent “La santé” s’oppose à la vitalité. Ceux qui valorisent la “santé” le font souvent de manière passive et ascétique, en abandonnant quelque chose au passage. Leur aspiration à la santé n’est pas une trajectoire de désir intense vitale, c’est une transaction commerciale ou un processus de fabrication, manufacturier, une tentative de parvenir à une fin, mais un tel processus n’est jamais satisfaisant parce qu’il est de la nature du désir de reproduire perpétuellement le vide dont il émerge. Vitalité, intensité, sont les seules raisons d’avoir la santé et les vivre crée la santé ou la rend inutile.

Le meilleur du post-modernisme échoue parce qu’il retire la dérive vers le monde de l’intellect, vies statiques ébranlées par des pensées aléatoires plutôt que des vies extatiques créées par la dialectique de la pensée active consciente et de l’action extatique ?

Si le “sujet”, le “soi”, a été détruit/déconstruit, alors tout ce qui nous empêche de créer notre propre nous-mêmes, notre propre subjectivité en chaque moment, est la croyance continue en quelque chose de plus grand que soi qui est créateur, c’est à dire, la croyance continue en dieu. Dans l’ère actuelle, dieu est la société.

La révolution des interactions quotidiennes

Confronter des incidents ennuyeux séparés sans confronter le mini contexte social duquel ils émergent dans leur totalité c’est comme protester contre des problèmes au lieu de contester le plus large contexte social dans son intégralité. Rien d’essentiel ne change. Manque d’imagination, désespoir, se sentir dépassé par les évènements et les circonstances : des preuves d’interactions parties en sucette…

Tout “l’intérieur” de “l’esprit” n’est qu’une création sociale… une relation créée par un contexte social et qui serait mieux d’être détruit avec ce contexte… Alors peut-être que l’imagination pourrait alors cesser d’être essentiellement un mécanisme fantasmagorique et deviendrait un moyen de créer perpétuellement des moments intenses. Par “l’intérieur” de “l’esprit”, je veux dire les pensées, les images et les rêves, qui sont séparés d’une vie active d’auto-création.

Personne ne doit rien à personne. La dette n’est qu’un concept économique et je refuse de le reconnaître sous quelque forme que ce soit.

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Il n’y a pas de solution au sein du système ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

Astyle