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Communiqué du Comité National Indigène suite à une attaque paramilitaire au Chiapas (CNI)

Posted in 3eme guerre mondiale, actualité, altermondialisme, colonialisme, crise mondiale, démocratie participative, gilets jaunes, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, politique et social, résistance politique, société des sociétés, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , on 1 octobre 2020 by Résistance 71

 

 

Attaque paramilitaire contre l’ejido Tila au Chiapas 

Communiqué du Congrès national indigène

 

CNI

 

26 septembre 2020

 

Source :

https://www.lavoiedujaguar.net/Attaque-paramilitaire-contre-l-ejido-Tila-au-Chiapas-Communique-du-Congres

 

Au peuple du Mexique

Aux peuples du monde,

À la Sexta nationale et internationale,

Aux médias,

C’est avec douleur et rage que nous dénonçons la lâche attaque au cours de laquelle a été assassiné le compañero Pedro Alejandro Jiménez Pérez de l’ejido Tila, au Chiapas, le 11 septembre dernier, lorsque la population de Tila a été attaquée à l’arme lourde par le groupe paramilitaire « Paz y Justicia », associé à des personnes liées à la mairie. Suivant l’accord de l’assemblée générale, la population allait libérer les blocages que ces groupes avaient installés sur les accès à la municipalité dans le but d’encercler notre village, là où les paramilitaires avaient détruit un portail de sécurité, le 25 août dernier [1].

En plus du compañero Pedro Alejandro, assassiné durant cette attaque, ont également été blessés par balles Medardo Pérez Jiménez, Ángel Vázquez Ramírez et Jaime Lugo Pérez.

Nous dénonçons le fait que le chef paramilitaire Arturo Sánchez Sánchez, son fils Francisco Arturo Sánchez Martínez ainsi que le président municipal Limber Gregorio Gutiérrez Gómez se sont consacrés à renforcer et à promouvoir l’action de groupes armés pour mettre fin à l’autonomie de l’ejido Tila. Ils veulent le dépouiller au profit d’un prétendu « fonds légal », afin d’y installer leur centre de corruption et de pourriture et d’ouvrir la porte au contrôle narco-paramilitaire [2].

Par le biais de la dépossession territoriale et avec le soutien des trois niveaux du mauvais gouvernement, ils voudraient mettre fin à l’autonomie qui a tant coûté au peuple chol de Tila, lequel est et sera pleinement reconnu par le Congrès national indigène et le Conseil indigène de gouvernement.

Ces attaques sont à resituer dans le contexte d’une activité accrue des groupes armés et d’une prolifération des paramilitaires autour des communautés composant le Congrès national indigène au Chiapas et autour des bases de soutien de l’Armée zapatiste de libération nationale, et visent à encercler, terroriser, déplacer et démanteler les peuples organisés.

Le parti Morena-Verde-PRI, qui n’en forme en réalité qu’un seul, s’est consacré à soutenir la violence, à semer la division, à armer les ennemis du peuple et à annoncer, par ses lâches attaques, l’intensification de la guerre ; elle vise à mettre fin à la vie collective des peuples et à en finir avec la digne résistance qui protège notre Terre Mère. Et, en tant que Congrès national indigène – Conseil indigène de gouvernement, nous agirons en conséquence et en solidarité avec l’ejido Tila.

Nous dénonçons la complicité cynique du gouvernement de l’État et du gouvernement fédéral, qui sont responsables de la violence croissante, et nous appelons le peuple du Mexique et les peuple du monde à se faire entendre pour arrêter la tragédie qui s’annonce.

Bien à vous

Septembre 2020

Pour la reconstitution intégrale de nos peuples
Jamais plus un Mexique sans nous
Congrès national indigène – Conseil indigène de gouvernement

Traduction collective et notes : CSPCL

Source : Congreso Nacional Indígena

13 septembre 2020.

Site de la Otra Tila


… y el mundo !

Notes

[1] Après avoir détruit la présidence municipale de Tila le 25 décembre 2015 et chassé les partis politiques électoraux de leur territoire, les membres de l’ejido Tila, propriétaires légitimes des 5 000 hectares de terres du village et des champs environnants, ont dû faire face à de nombreuses menaces de répression armée. C’est suite à celles-ci et à la situation particulière due à l’épidémie de Covid que des portails de sécurité avaient récemment été mis en place par la population aux différentes entrées du bourg.

[2] Bien que le territoire de l’ejido chol de Tila, composé de plus de 5 000 hectares, soit reconnu par le gouvernement fédéral mexicain depuis 1934, la municipalité locale (métisse), auparavant située dans le bourg voisin de Petalcingo, a cherché depuis les années 1960 à faire reconnaître sa souveraineté juridique sur le cadastre du bourg de Tila et de ses alentours, s’arrogeant illégalement le droit d’émettre des titres de propriété privée et y faisant payer des impôts de propriété foncière, alors que ces terres entrent normalement sous la souveraineté juridique et agraire de l’ejido.

Ce conflit entre administration métisse et indigène a également de fortes répercussions économiques, car Tila est un haut-lieu de pèlerinage dans toute la région, du fait de la présence d’un « Christ noir » et de la croyance en différents miracles locaux. La multiplication des commerces, hôtels, débits de boisson et autres négoces tenus par les caciques à la tête du pouvoir municipal a entraîné des tensions chaque fois plus fortes durant les trente dernières années, aboutissant à l’expulsion et à la destruction du palais municipal par la population en 2015, ainsi qu’à la mise en place d’un gouvernement local fondé sur les us et coutumes indigènes. La reste du territoire municipal, bien plus vaste que l’ejido, est plus ou moins gouverné depuis par le bourg de Nuevo Limar situé dans les terres basses, où règnent les éleveurs et qui fut longtemps un fief du groupe paramilitaire « Paz y Justicia ».

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5 textes pour comprendre et éradiquer le colonialisme

« Païens en terre promise, décoder la doctrine chrétienne de la découverte », Steven Newcomb, 2008

« Comprendre le système de l’oppression coloniale par mieux le démonter », Steven Newcomb

« Comprendre le système de l’oppression coloniale pour mieux le démonter », Peter d’Errico

« Effondrer le colonialisme », Résistance 71

« Nous sommes tous des colonisés ! », Résistance 71

Il n’y a pas de solution au sein du système, n’y en a jamais eu et ne saurait y en avoir !

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

+

4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

 


¡Ya Basta!

 

Gilets Jaunes: vision pour une société émancipée planétaire… 25 ans de Chiapas Zapatiste en exemple à adapter

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Gilets Jaunes !… Le monde nous observe…

Réseau de Rébellion et Résistance International

 

Vingt-cinq ans d’insurrection zapatiste : 

« C’est une forme de démocratie réelle, radicale »

 

19 mars 2019, par Jérôme Baschet

 

Source:

https://www.lavoiedujaguar.net/Vingt-cinq-ans-d-insurrection-zapatiste-C-est-une-forme-de-democratie-reelle

 

Le 1er janvier 1994, jour d’entrée en vigueur de l’accord de libre-échange nord-américain (Alena), commençait le soulèvement zapatiste dans le sud du Mexique. Communes autonomes, conseils de bon gouvernement, assemblées régionales, propriété collective des terres : Jérôme Baschet revient pour Rapports de force, site d’information pour les mouvements sociaux, sur cette expérience longue de vingt-cinq ans.

Quelle est la part du Chiapas qui est contrôlée par les zapatistes, et comment cela se passe-t-il avec les structures de l’État mexicain ?

L’expérience zapatiste se déploie dans la moitié orientale du Chiapas, qui est une région où la population indienne est très largement majoritaire. Cela représente une superficie équivalente à celle d’une région comme la Bretagne, ce qui n’est pas tout à fait négligeable en termes d’extension territoriale. Il faut cependant préciser qu’il ne s’agit pas d’un territoire homogène, car des zapatistes y cohabitent avec des non-zapatistes. Il y a donc coexistence sur le même territoire de deux systèmes politiques. Les communes autonomes zapatistes et les régions zapatistes avec leurs conseils de bon gouvernement sont totalement dissociées des structures administratives et politiques de l’État mexicain. Les communes n’en reçoivent aucun financement et n’ont aucun contact avec elles. Mais ces deux systèmes politiques coexistent, le plus souvent sans trop de tensions au niveau des villages et des communes.

Cependant, depuis vingt-cinq ans, l’État fédéral mexicain a déployé contre l’Armée zapatiste de libération nationale (EZLN) toute la batterie des politiques contre-insurrectionnelles : interventions directes de l’armée en 1994 et 1995, paramilitarisation massive avec déplacement de population et massacres dans les années 1995-2000, division des communautés et création artificielle de conflits internes, programmes assistancialistes à visée clientéliste, incitations d’autres groupes ou organisations à attaquer les zapatistes et à s’emparer de leurs terres, etc. Pour ce dernier exemple, cela a conduit à l’assassinat de Galeano à La Realidad en 2014.

Les zapatistes ont résisté à tout cela durant vingt-cinq ans, et aujourd’hui, ils ont en outre annoncé qu’ils s’opposeraient fermement aux grands projets de développement mis en place — dans un déni total des droits des peuples indiens — par le nouveau gouvernement fédéral supposément progressiste. Ils ont affirmé très clairement, lors de l’anniversaire des vingt-cinq ans du soulèvement de 1994, qu’ils résisteraient à ces projets dès lors que ceux-ci s’attaqueraient aux territoires indiens, et notamment zapatistes, comme c’est le cas du si mal nommé « Train maya », destiné au tourisme.


Société des Sociétés

Que sont et comment fonctionnent les conseils de bon gouvernement ? Est-ce une forme de démocratie directe intégrant plus ou moins de fédéralisme en plus de l’autonomie ?

Les conseils de bon gouvernement sont les instances régionales de l’autonomie zapatiste. Elles en constituent le « troisième niveau », puisque l’autonomie s’organise d’abord au sein des villages, dont l’instance principale est l’assemblée communautaire. Puis ensuite au niveau des communes, chacune rassemblant des dizaines de villages. Enfin, la région englobe de trois à sept communes. Son étendue est du même ordre que celle d’un département français. Il y a cinq conseils de bon gouvernement dans les territoires zapatistes, siégeant chacun dans un centre régional dénommé « caracol » (escargot).

Les conseils de bon gouvernement, tout comme les conseils municipaux autonomes, sont élus pour trois ans, pour des mandats non renouvelables et révocables à tout moment. Ils interagissent pour l’élaboration des décisions avec une assemblée régionale, mais les principaux projets qui ne font pas l’objet d’un ample accord au sein de l’assemblée régionale sont renvoyés en discussion dans tous les villages, pour recueillir avis, amendements, oppositions, avec mission pour l’assemblée suivante d’élaborer une synthèse de toutes les remontées rapportées par les délégués des villages. Cela implique parfois plusieurs allers-retours avant l’adoption d’un projet.

L’autonomie est donc un mode de fonctionnement politique qui se construit par en bas, à partir des villages, puis par fédération ou coordination de ceux-ci au niveau des communes, puis des communes au niveau des régions. C’est une forme de démocratie réelle, radicale, fondée sur un principe de « déspécialisation » de la politique et de participation de tous aux instances décidant des affaires communes. Elle implique cependant — et cela nécessairement dès lors que l’on dépasse un niveau strictement local — des formes de délégation. Cependant, ces formes de délégation maintiennent le primat des assemblées et s’emploient à déjouer les risques de dissociations entre ceux qui assument temporairement des charges politiques et le reste des habitants de ces territoires.

Peut-on considérer que c’est une révolution politique et sociale ? Qu’en est-il de sa dimension économique ?

Les zapatistes préfèrent le vocabulaire de la rébellion à celui de la révolution. Parce qu’ils veulent se démarquer d’une conception classique de la révolution qui était étroitement liée à la conquête du pouvoir d’État et la centralité de celui-ci comme instrument de la transformation sociale et économique. Et ils ont bien raison de s’en dissocier car cette conception-là de la révolution a montré, au cours du vingtième siècle, son tragique échec. Cela dit, si vous construisez une réalité collective qui se déploie en sécession complète vis-à-vis des structures de l’État, que vous défendez un mode de vie échappant largement aux catégories fondamentales du capitalisme, et dont l’objectif, nullement limité à la dimension locale, entend lutter contre le capitalisme pour contribuer à sa destruction, alors il ne serait pas tout à fait absurde de prétendre qu’il s’agit d’une dynamique de type révolutionnaire.

S’agissant du domaine productif, les zapatistes entendent défendre une agriculture paysanne revitalisée par les pratiques agroécologiques : rejet des pesticides chimiques, défense des semences natives, prise en compte des enjeux écologiques, etc. Cela veut dire qu’ils produisent eux-mêmes l’essentiel de leur alimentation traditionnelle, à base de maïs, haricots rouges et courges, à quoi s’ajoutent les animaux de basse-cour et divers produits comme le riz, les fruits ou le miel. Il s’agit de formes d’autosubsistance qui se développent sur des terres dont la propriété est collective et l’usage familial. À cela il faut ajouter une capacité à soutenir l’autonomie collective, grâce aux dizaines de milliers d’hectares de terres récupérées en les reprenant aux grands propriétaires, lors du soulèvement de 1994. Ces terres sont la base matérielle de l’autonomie. C’est grâce à elles et aux travaux collectifs qui y sont accomplis que peuvent être couverts les besoins du système de santé, tout comme ceux qu’entraîne l’exercice de l’autogouvernement et de la justice autonome.

La capacité de produire par soi-même se développe aussi dans le cadre de coopératives artisanales dans les domaines du textile, de la cordonnerie, la charpenterie, la ferronnerie ou les matériaux de construction. Enfin, le Chiapas est une importante zone de production de café : les familles zapatistes disposent de petites parcelles dont la production est commercialisée à travers des coopératives et, surtout, des réseaux de distribution solidaires qui se sont organisés dans plusieurs pays d’Amérique et d’Europe. C’est un soutien très important que l’on peut ainsi apporter aux familles zapatistes car, en complément des cultures d’autosubsistance, c’est ce qui leur assure de modestes apports monétaires leur permettant d’acheter les produits de première nécessité qu’elles ne produisent pas.

Quelle est la place de l’EZLN aujourd’hui dans la révolution zapatiste, sachant que tout commence par une insurrection armée le 1er janvier 1994 ?

Il faut bien comprendre que le nom même de l’EZLN (Armée zapatiste de libération nationale) est trompeur. Il y a bien une dimension militaire qui s’est manifestée lors du soulèvement armé du 1er janvier 1994, qui n’a pas disparu, et a été rappelé lors de la célébration des vingt-cinq ans. Mais la partie militaire est nettement minoritaire au sein de l’EZLN. La très large majorité de ses membres sont des civils qui vivent dans les villages rebelles du Chiapas. Plus largement, la trajectoire de l’expérience zapatiste a consisté à mettre de côté les armes au profit de formes politiques civiles. Par contre, l’absence d’un accord de paix avec le gouvernement mexicain n’a pas permis d’y renoncer complètement. L’essentiel de l’expérience zapatiste, en particulier à partir de 2003, tient à la construction de l’autonomie dans les territoires rebelles du Chiapas. Cette expérience-là est entièrement civile. Elle se développe à côté de la structure militaire de l’EZLN, au point que ceux qui ont des responsabilités au sein de celle-ci ne peuvent y prendre part.

Le zapatisme est un peu passé en dessous des radars depuis dix ans. A-t-il encore une portée en tant que source d’inspiration ou modèle ? Que représente-t-il au Mexique ?

Pour être un peu plus précis, on a surtout entendu parler du zapatisme entre 1994 et 2001, du soulèvement armé à la marche vers Mexico en passant par la Rencontre intercontinentale pour l’humanité et contre le néolibéralisme. Ensuite, entre 2001 et 2012, les médias en ont très peu parlé, avec une longue phase de silence des zapatistes eux-mêmes entre 2009 et 2012. Pourtant, le silence des médias, voire des zapatistes eux-mêmes ne signifiaient pas que cette expérience avait cessé d’exister ni que de nombreuses personnes du monde entier continuaient à s’y intéresser. Depuis 2013, on en parle davantage me semble-t-il, car les zapatistes ont multiplié les initiatives nationales et internationales.

En 2013, ils ont organisé, en guise de bilan de vingt ans de construction de l’autonomie, la « Petite École zapatiste » qui a permis à plus de cinq mille personnes de se rendre dans les villages rebelles pour mieux comprendre le fonctionnement de leur autonomie. En 2014, ils ont organisé le Festival mondial des rébellions et des résistances contre le capitalisme. En 2015, ils ont convoqué un séminaire international sur « La pensée critique face à l’hydre capitaliste », puis, en 2016 et 2017, ils ont organisé d’autres rencontres internationales consacrées aux arts et aux sciences. En 2017, ils ont contribué, conjointement avec le Congrès national indigène, à la formation d’un Conseil indien de gouvernement au niveau national, qui s’est efforcé en vain de présenter sa porte-parole comme candidate indépendante lors de l’élection présidentielle de 2018.

Donc, oui : l’expérience zapatiste représente une source d’inspiration plutôt qu’un modèle, au Mexique et au-delà. Du moins, pour tous ceux qui pensent qu’il ne peut y avoir de solution au désastre actuel qu’à partir du moment où l’on cherche à sortir du système capitaliste, et qu’un anticapitalisme conséquent doit se construire par le biais d’une autre politique qui renonce à la centralité des formes d’organisation étatiques.

Pourquoi n’y a-t-il pas eu de contagion de cette rébellion au reste du Mexique depuis vingt-cinq ans ? N’est-ce pas un échec du mouvement ?

Il faut noter que les horizons de lutte des zapatistes ne sont pas seulement nationaux, mais aussi planétaires. Il faudrait donc parler aussi d’un échec au niveau planétaire. Mais cet échec n’est pas celui des zapatistes : il est le nôtre, à tous et toutes. Tant que le capitalisme n’aura pas disparu de notre planète, les zapatistes auront en effet échoué. Et nous tous avec eux. Mais où, sur cette planète, peut-on rencontrer un ample territoire où les gens ont construit des formes d’autogouvernement populaire, parviennent à résister aux attaques des forces liées aux intérêts du capital, et maintiennent des formes de vie et d’organisation autodéterminées ? Hormis le Chiapas et le Rojava, ainsi que des expériences d’autonomie telles que les ZAD, je ne vois pas.

Il est certain que la contagion de l’autonomie que les zapatistes s’efforcent de susciter n’a pas été jusqu’à présent à la hauteur de ce qu’on pourrait, autant qu’eux, souhaiter. Il ne faudrait cependant pas minimiser les avancées. Les zapatistes ont largement incité à la création du Congrès national indigène, qui rassemble de nombreuses luttes des peuples indiens du Mexique. Leur exemple est très important pour le développement d’autres formes d’autonomie. Par exemple, celle des autorités communautaires du Guerrero, ou celle de la commune de Cherán dans l’État du Michoacán qui depuis 2011 a réussi à s’auto-organiser pour repousser les assauts des narcotrafiquants.

Les zapatistes ont montré qu’une autre voie de transformation radicale était possible. C’est celle qu’ils dénomment autonomie et qui associe autogouvernement populaire et formes de vie autodéterminées. Elle ne demande qu’à croître partout où la dévastation provoquée par l’hydre capitaliste se fait de plus en plus flagrante et où toutes les solutions traditionnelles ont montré leurs limites ou leurs impossibilités. Cet esprit de l’autonomie n’est peut-être pas si éloigné de ce qui s’exprime dans les courants les plus novateurs des gilets jaunes, tels qu’on peut les voir à l’œuvre notamment dans la récente Assemblée des assemblées convoquée, fin janvier, à Commercy.

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Six textes fondamentaux pour nous aider à  y parvenir, ensemble, à  lire, relire et diffuser sans aucune modération:

 

Résistance politique à l’oppression: L’EZLN garde le cap autogestionnaire contre les exactions gouvernementales mexicaines… Un exemple à suivre…

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, crise mondiale, démocratie participative, guerres imperialistes, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, philosophie, politique et social, résistance politique, société libertaire with tags , , , , , , , , on 23 novembre 2012 by Résistance 71

Cet article est une excellent suite à notre article d’il y a quelques jours sur la réponse de  l’EZLN à des critiques anarchistes en provenance d’Amérique du Nord...

Le modèle zapatatiste de bon gouvernement (buen gobierno) est à étudier et à reproduire en l’adaptant aux besoins locaux de ceux qui l’emploieraient.

— Résistance 71 —

 

Le Conseil de bon gouvernement de la zone nord du Chiapas dénonce expulsions, vols, menaces, intimidations contre les communautés zapatistes Comandante Abel et Unión Hidalgo

 

par EZLN

Le 4 novembre 2012

 

url de l’article original:

http://www.lavoiedujaguar.net/Le-Conseil-de-bon-gouvernement-de,992

article original en espagnol:

http://enlacezapatista.ezln.org.mx/2012/10/30/el-caracol-v-que-habla-para-todos-denuncia-amenazas-desalojos-robos-desplazamientos-intimidaciones-y-presencias-de-seguridad-publica-en-las-comunidades-zapatistas-de-comandante-abel-y-union-hidalg/

 

Caracol V « Qui parle au nom de tous », 
Roberto Barrios (Chiapas, Mexique) 
Conseil de bon gouvernement 
« Nouvelle semence qui va produire »

Le 29 octobre 2012.

À la société civile nationale et internationale 
Aux adhérents de La Otra Campaña 
À la Zesta internationale 
Aux médias alternatifs 
Aux organismes indépendants de droits humains 
À la presse nationale et internationale

Compañeras et compañeros, 
Sœurs et frères du Mexique et du monde,

Le Conseil de bon gouvernement « Nouvelle semence qui va produire » de la zone nord du Chiapas (Mexique), rend publique la quatrième dénonciation des menaces, expulsions, vols, déplacements, intimidations et de la présence de la Sécurité publique, vécus et soufferts par nos villages, comme la nouvelle localité Comandante Abel et la communauté Unión Hidalgo, nos compañeros bases de soutien, hommes, femmes et enfants.

1. Le terrain de nos compañeros occupé par les paramilitaires d’Unión Hidalgo le 6 septembre, ils se le sont déjà réparti entre envahisseurs ; ils ont commencé à métrer le 25 septembre et ils ont fini le 21 octobre, pour se répartir chacun ses bouts.

Comme nous l’avons mentionné dans les déclarations antérieures, les onze hectares de maïs des compañeros, les envahisseurs se les sont appropriés totalement. Ils ont tout volé et récolté, ils n’ont rien laissé, et à présent le terrain de onze hectares de maïs ils l’ont entièrement nettoyé et y ont semé du haricot.

Le 24 octobre à 8 heures du soir il en est arrivé d’autres d’Unión Hidalgo pour renforcer les envahisseurs qui occupent le terrain récupéré [en 1994, NdT] de nos compañeros bases de soutien.

2. Ce conflit continue de toucher nos compañeros bases de soutien zapatiste vivant à Unión Hidalgo qui sont restés à veiller sur leurs maisons et autres biens à cause du déplacement de leurs familles vers une autre communauté sous les fortes menaces des paramilitaires du lieu, mentionnées dans notre seconde déclaration du 11 septembre 2012.

Le 16 octobre à 1 heure du matin, les groupes paramilitaires de la communauté Unión Hidalgo ont tiré cinq coups de feu groupés avec des armes de gros calibre ; ensuite, ils l’ont fait tous les quarts d’heure jusqu’à 3 heures du matin, treize coups de feu au total, le dernier à 150 mètres de la maison d’un compañero base de soutien. Et à partir de 10 heures du soir le même jour, deux forts coups de feu répétés sans cesse jusqu’à minuit. Pour continuer les menaces et le harcèlement sont arrivés quinze membres de la sécurité publique dans cette même communauté le 17 octobre.

3. Le 25 octobre, sur le terrain envahi, à 5 heures et demie de l’après-midi les paramilitaires ont opéré un mouvement de type militaire en trois groupes de six par six avec des armes de gros calibre. Pendant ce mouvement ils ont envoyé une commission de quatre personnes des envahisseurs vers le campement des policiers, et ensuite, à 6 heures du soir, la police a fait également mouvement vers la rivière proche, là où ont pris position les envahisseurs. Et à 8 heures du soir, la Sécurité publique a tiré trois coups de feu depuis l’endroit où ils sont installés.

La police de Sécurité publique fait tous les jours des patrouilles de Sabanilla à San Patricio, et le soir et la nuit ils font mouvement de San Patricio au lieu occupé par les paramilitaires et à Unión Hidalgo. Quand les envahisseurs font mouvement, la police aussi se déplace ; on voit clairement qu’entre policiers et paramilitaires ils constituent une seule force et ont une seule direction qui les conduit pour réaliser leurs actions belliqueuses et délictueuses. L’objectif principal de la police tient aux ordres de ses chefs Felipe Calderón, Juan Sabines [1], Artemio Gómez Sánchez, président municipal de Sabanilla, et Limber Gutiérrez Gómez, président municipal de Tila, pour préparer et entraîner au mieux les envahisseurs et pour qu’ils se sentent en sécurité quand ils commettent leurs actions de menace, vol, intimidation et harcèlement.

Le mauvais gouvernement dit, dans son écrit daté du 9 octobre 2012, que les groupes de San Patricio et Unión Hidalgo ont demandé au gouvernement de l’État d’un commun accord une présence policière dans le seul but de sauvegarder l’ordre et la coexistence pacifique des habitants du lieu ; il indique aussi qu’à tout moment ont été respectés les droits des militants de l’EZLN.

Quel besoin de policiers a ce groupe paramilitaire alors qu’ils ont eux-mêmes envahi le terrain de nos compañeros bases de soutien ?

Quel besoin en a ce groupe paramilitaire, alors qu’ils ont eux-mêmes déplacé femmes et enfants par les coups de feu qu’ils tirent continuellement ?

Quel besoin de la présence policière a ce groupe paramilitaire en un lieu où ils expulsent, dépouillent, volent et pillent tous les biens de nos compañeros à la vue de tous ?

Quel besoin de la présence policière en un lieu où les paramilitaires réalisent leurs actions de menaces et provocations guerrières sous le nez même des policiers ?

Quel type de danger craint ce groupe paramilitaire pour que le mauvais gouvernement justifie la présence policière et fasse droit à ses demandes ?

Quel type d’agression, de vol, de menaces et d’intimidation sont en train de commettre nos bases de soutien zapatiste pour qu’on exauce la demande de sécurité du groupe paramilitaire ?

Quel besoin de policiers a un groupe paramilitaire entraîné, armé, menant des actions d’expulsion, de menace et d’intimidation face à un groupe d’hommes, de femmes et d’enfants qui vivent en travaillant et cultivant leurs terres pour subvenir aux besoins de leur famille, et en supportant sans riposter l’agression de toutes les actions violentes et délictueuses de vols, menaces, expulsions, spoliation et déplacements ?

Le mauvais gouvernement devrait avoir honte de dire que ses policiers sont là pour sauvegarder l’ordre et la paix sociale, et qu’ils ont en face d’eux des vols, des menaces de mouvements paramilitaires et des tirs de gros calibre, ce sont des propos de malades mentaux, d’ivrognes et de drogués. Il devrait dire clairement qu’il a envoyé ses policiers pour sauvegarder ses paramilitaires, pour qu’ils expulsent, dépouillent, volent les biens et les récoltes de nos compañeros bases de soutien.

L’histoire ne s’est pas trompée, le mauvais gouvernement a toujours entraîné ses policiers, ses paramilitaires, à voler, à tuer, à faire disparaître, à expulser, à dépouiller les gens pauvres et innocents qui luttent pour vivre. Cette histoire, nous l’avons gardée dans le cœur de nos villages ; c’est comme ça qu’ils ont fait les années 1995, 1996 et 1997 dans la commune de Sabanilla, la zone basse de Tila, ils ont commis beaucoup de vols, d’assassinats, de disparitions, de déplacements de population et d’incendies de maisons de familles innocentes ; jusqu’à présent, les responsables n’ont pas été punis, au contraire le mauvais gouvernement les a protégés. C’est-à-dire qu’il n’a pas été fait justice, pas plus que pour Acteal, pour la commune d’El Bosque (Chiapas), pour Atenco, pour Oaxaca, et avant cela l’année 1968 pour les étudiants à Tlatelolco, et bien d’autres morts dans notre pays.

Le mauvais gouvernement de Felipe Calderón et Juan Sabines n’a rien fait pour résoudre le conflit et tous ces délits du groupe paramilitaire, au contraire il envoie des renforts de policiers pour les envahisseurs au lieu de retirer ce groupe du terrain récupéré de nos compañeros ; le résultat, c’est qu’ils ont impulsé la violence pour imposer leur projet de « régularisation ».

Nous avons dit, et nous tenons cette position, que les terres récupérées en 1994, nous n’allons pas permettre qu’on nous les prenne. Cette histoire de régularisation, pour nous, c’est de la merde, ce n’est pas ça que nous exigeons. Cette terre a déjà été remise à ceux qui y vivent et la travaillent. En date du 29 avril, nous, le Conseil de bon gouvernement, sommes allés dans la communauté d’un cœur humain. Nous avons réuni les deux parties, c’est-à-dire nos bases de soutien et les officialistes, sans tenir compte des affiliations politiques, sans piège, sans utiliser tout un budget économique à acheter les autorités ou les représentants derrière le dos de la communauté pour les amener à se mettre d’accord pour baiser leur propre communauté. Nous y sommes allés et nous avons réuni aussi bien les autorités que les membres de la communauté, en prenant en compte ceux qui vivent et travaillent sur cette terre depuis bien des années pour faire vivre leurs familles et leurs enfants. Nous leur avons proposé que les terrains de San Patricio et Los Ángeles, ils reviennent aux officialistes pour qu’ils les travaillent et subviennent aux besoins de leurs familles, car nous savons bien qu’ils en ont totalement le droit vu le temps qu’ils ont passé à y vivre et y travailler ; et nos bases de soutien leur ont proposé de prendre aussi le terrain de La Lámpara. Tout cela a été accepté par les deux parties, aussi bien l’officielle que l’autonome. Nous, bien que cela nous ait coûté la réinstallation, nous l’avons fait avec la meilleure volonté et le cœur humain que nous avons en tant que zapatistes pour éviter des confrontations à cause de différences idéologiques, et pour que chaque groupe vive en harmonie dans la jouissance de ses droits agraires et exerce ses formes de vie et d’organisation comme ça lui convient le mieux. D’un commun accord, il a été dressé un acte de séparation des membres du noyau agraire, signé et scellé par les deux parties, l’autonome et l’officielle.

Dans la construction de notre autonomie par notre autogouvernement, nous ne reconnaissons pas ce mot de régularisation des terres. Le mauvais gouvernement l’utilise comme instrument pour manipuler les gens qui se laissent encore tromper, et qui croient qu’avec des papiers légaux ils vont vivre tranquilles dans la sécurité d’être maîtres de leurs terres et pouvoir mieux les travailler. Alors que plus tard, cela va juste servir à justifier une spoliation légale, parce que pour eux la terre est une marchandise qu’on peut acheter et vendre au moyen de papiers.

Nous, nous demandons où se trouve le droit des peuples indiens, premiers habitants de ces terres mexicaines. Où est leur droit d’exercer leur autogouvernement et leur libre détermination comme le prescrivent les conventions internationales et les Accords de San Andrés ?

C’est pourquoi nous disons à ces mauvais gouvernements de retirer leurs groupes de délinquants, ou c’est nous qui allons en prendre la détermination. Si quelqu’un meurt, ce sera vous les coupables et les responsables du sang versé. Ce sera une autre accusation en plus des plus de soixante-dix mille morts assassinés sur votre ordre au niveau national.

Nous maintenons ce que nous disions dans notre troisième déclaration, si vous ne l’avez pas lue, il est temps de vous y mettre.

Vous savez bien que ce n’est pas la première fois que vous envoyez envahir vos groupes paramilitaires assassins, conseillés par vous ; la première fois a été le 10 septembre 2011, quand nos compañeros ont perdu tous leurs biens, cette fois-ci ça a été le 6 septembre 2012, où vous leur avez volé toutes leurs récoltes. Ce n’est pas juste que nos compañeros bases de soutien continuent à travailler et que leurs récoltes servent à entretenir la bouche et le cul de ces paramilitaires et de leurs femmes, ainsi que vous le faites avec ce que vous volez de l’économie du peuple du Mexique. Vous profitez de la vie avec vos femmes et vos enfants dans le dos du peuple pauvre qui travaille à la sueur de son front pour survivre, tandis que vous continuez à engraisser comme des cochons de batterie, vous n’avez vraiment pas de vergogne.

Nous vous demandons : qu’est-ce que vous voulez, avec tous ces méfaits ? Définissez-le, parlez clair comme nous le faisons, vous feriez mieux de dire carrément « nous voulons tuer ». Expulser, assassiner et voler. C’est vraiment dommage qu’au Mexique il existe un mauvais gouvernement qui au lieu d’intelligence a de la merde dans la cervelle.

Compañeros et compañeras, sœurs et frères, nous vous demandons de suivre avec attention toute cette situation si difficile que vivent aujourd’hui nos peuples en résistance.

Bien à vous 
Commander en obéissant

Le document porte le cachet du Conseil de bon gouvernement « Nouvelle semence qui va produire ». 
Il est signé par les représentants en service :

Paulina López Trujillo, 
José Martínez Flores, 
Angélica López Mondejos, 
Juventino Jiménez Pérez.

Traduit par el Viejo.

Notes

[1] Felipe Calderón et Juan Sabines sont respectivement président de la République du Mexique et gouverneur du Chiapas, NdT.

Résistance politique: L’effort d’adaptation du mouvement zapatiste mexicain du Chiapas nous montre la voie du salut social…

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, économie, crise mondiale, démocratie participative, guerres imperialistes, militantisme alternatif, N.O.M, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, philosophie, politique et social, résistance politique, société libertaire, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , on 22 novembre 2012 by Résistance 71

“Les villages réalisèrent que les projets que le gouvernement mexicain donnait aux communautés n’étaient au grand jamais décidés par les gens eux-mêmes, le gouvernement ne demandait jamais l’avis des populations. Il ne désire pas en fait adresser les besoins et désirs des villages, tout ce qui l’intéresse est de maintenir son pouvoir. De là est née l’idée que nous pouvions et devions devenir autonomes. Que nous devions imposer notre volonté, que nous serions enfin respectés et que nous devions faire quelque chose afin que ce que les gens désiraient vraiment soit pris en considérations. Le gouvernement nous traite toujours comme si nous ne pouvons pas penser… En tant qu’armée zapatiste, nous avons accepté le dialogue parce que c’est ce que les gens voulaient que nous fassions… Nous avons déja une expérience d’établir la pratique en premier lieu et ensuite de développer la théorie. En pratique, nous avons formé les villes, communes, indépendantes ensuite nous avons commencé à penser à l’association des communes qui serait les prémisses de nos comités de bon gouvernement… Chaque municipalité a des problèmes différents auxquels elle doit faire face. Il y a des communes qui progressent plus vite que d’autres, mais quand elles ont commencé à se réunir et à discuter ensemble du comment résoudre les problèmes, ceci a aidé à former une nouvelle structure: las juntas de buèn gobierno (les conseils de bon gouvernement)… Nous montrons au pays et au monde, que nous pouvons développer une bien meilleure vie et ce sans participation aucune du mauvais gouvernement.”

(le commandant d’infanterie insurgé Moisès, “El fuego y la palabra”-2008-)

 Résistance à l’oppression gouvernementale au Chiapas: Update Octobre 2012

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Une réponse zapatiste à l’article: “L’EZLN* n’est PAS anarchiste”

(Note: Ceci est une lettre qui fut envoyée au périodique “Green Anarchy” en 2002, mais elle peut très bien se lire indépendemment)

 

url de l’article original:

http://plaincracker.tumblr.com/post/5647609279/a-zapatista-response-to-the-ezln-is-not-anarchist

 

*EZLN veut dire: Ejercito Zapatista de Liberaciòn Nacional: Armée Zapatiste de Libération Nationale

 

Note: l’article auquel des membres de l’EZLN répondent ci-dessous est celui-ci:

http://www.reocities.com/kk_abacus/vb/wd7ezln.html

 

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

 

Dans un premier temps, il doit être dit que seuls quelques éléments de la Frente Zapatista sont désireux de s’engager dans un débat avec des éléments insignifiants le long d’une bordure idéologique. On trouverait même bien moins de guerriers au sein de l’Ejercito Zapatista qui seraient près à s’engager dans des batailles réthoriques tangibles avec des personnes dont la plus grande vertu est d’étaler dans les magazines et les journaux leur manque total de connaissance et de compréhension. Mais cet article intitulé: “L’EZLN n’est pas anarchiste” a reflété une telle attitude ignorante et arrogante colonialiste, que plusieurs d’entre nous ont décidé d’y répondre.

Vous avez raison. L’EZLN et son corps populiste plus large le FZLN ne sont pas anarchistes. Nous n’en avons pas l’intention et ne le devrions pas non plus. Afin de procéder au plus de changements avec nos luttes sociales et politiques, nous ne pouvons pas nous permettre de nous limiter à une idéologie simple. Notre corps militaire et social comprend une grande variété de systèmes de croyance venant d’un grand nombre de cultures qui ne peuvent pas être définies sous un microscope idéologique au champ étriqué. Il y a des anarchistes en notre sein, tout comme il y a des catholiques, des communistes et des disciples de Santeria. Nous sommes Indiens en zone rural et travailleurs dans les villes. Nous sommes politiciens en poste et enfants sans logis dans la rue. Nous sommes hétéro et homosexuels, hommes et femmes, riches et pauvres. Ce que nous avons tous en commun est l’amour de nos familles et de nos pays. Ce que nous avons tous en commun est un désir de rendre les choses bien meilleures pour nous-mêmes et notre pays, rien de cela ne peut être accompli si nous devons construire des murs de mots et d’idées abstraites autour de nous.

Ces 500 dernières années, nous avons été soumis à un système brutal d’exploitation et de dégradation que peu de personnes en Amérique du Nord ont jamais expérimenté. On nous a refusé la terre et la liberté depuis avant même que votre nation ne fut établie et de ce fait, nous avons une vision bien différente du monde de la vôtre. Nous avons été soumis aux lois coloniales, d’abord par les Espagnols, puis par les Français et les Allemands et enfin par l’Amérique du Nord. Pendant des siècles les Mexicains ont été traités comme des moins que rien, à peine humains, un fait qui nous mine jusqu’à aujourd’hui et qu’il est très difficile d’oublier. Notre passé a fait de nous ce que nous sommes aujourd’hui et en tentant de briser cette routine historique de constante exploitation, nous nous sommes soulevés à maintes reprises afin de reconquérir notre humanité et d’avoir des vies meilleures. D’abord nous avons combatu avec Juarez et Hidalgo contre la couronne d’Espagne, ensuite avec Emiliano Zapata et Pancho Villa contre  Porfiriato. Maintenant nous combattons contre des visages différents de la même tête, cherchant à nous conserver dans une zone sub-humaine et à continuer à nous réduire en esclavage pour le capital. Ceci n’est pas une lutte que nous avons relevée au hasard d’un livre ou d’un film, mais une lutte dont nous avons héritée dès notre premier souffle de vie. Ceci est une lutte qui se présente devant chacune de nos vies, qui coule dans nos veines. C’est une lutte qui a vue périr bon nombre de nos pères et nos grand-pères et une pour laquelle nous sommes prêts à mourir.

Une lutte qui est nécessaire pour notre peuple et notre pays. Il est évident d’après votre langage condescendant (NdT: celui vraisemblablement utilisé dans l’article auquel les zapatistes répondent…) et votre étroitesse d’esprit arrogante, que vous ne connaissez que très peu de l’histoire du Mexique et des Mexicains en général. Nous sommes peut-être “fondamentalement réformistes” et peut-être travaillons-nous à quelque chose “d’en rien concret qui ne pourrait être fourni par le capitalisme” mais restez assurés que la nourriture, la terre, la démocratie, la justice et la paix sont très importants quand vous ne les avez pas. Précieux au point de se battre pour eux à tout prix, même au risque d’offenser des personnes confortables et bien au chaud dans des pays lointains, qui pensent que leur système de pensée est plus important que la satisfaction des besoins les plus élémentaires. Suffisamment précieux pour utiliser tous les outils à notre disposition pour y parvenir, de la négociation avec le pouvoir en place jusqu’à l’utilisation des réseaux de culture populaire. Notre lutte faisait rage avant même que le mot anarchisme ne fut employé, encore moins une idéologie avec ses personnes et ses journaux. Notre lutte est bien plus ancienne que Bakounine et Kropotkine. Quand bien même les anarchistes et les syndicats ont bien œuvré et combattu bravement avec nous, nous ne sommes pas prêts à rabaisser notre histoire pour remplir les critères d’une idéologie exportée par les mêmes pays que nous avons combattus dans nos guerres d’indépendance.

La lutte au Mexique, zapatiste ou autre, est un produit de notre histoire et de nos cultures et ne peut pas se plier ou être manipulée pour arranger la formule de quelqu’un d’autre, encore moins une formule n’étant pas informée de ce que nous sommes en tant que peuple et pays, de notre histoire. Vous avez raison, nous, en tant que mouvement, ne sommes pas anarchistes. Nous ne sommes que des gens qui essaient de reprendre le contrôle de nos vies et de reconquérir notre dignité qui nous a été volée au moment même où Cortès est venu au pouvoir.

A ces fins, nous devons faire ce qui est le plus efficace pour nous-mêmes, pour tous, et ce sans succomber à la tentation de se retrouver divisés en petits groupes qui sont plus facilement achetés par ceux qui nous maintiennent en état d’esclavage. Nous avons retenu cette leçon de La Malinche alors qu’elle aida Cortès à diviser 30 millions de Mexicains en un groupe facile à conquérir fait de corps disparates se jetant à la tête l’un de l’autre. Nous avons appris cette leçon du règne post-indépendance de Porfiriato et de la trahison post-révolutionnaire aux mains des riches puissances. Nous regardons des idéologies étriquées comme l’anarchisme ou le communisme comme étant des idéologies outils qui diviseront les Mexicains en autant de groupes plus facilement exploitables. Plutôt que de faire face à notre ennemi en tant que groupes disparates qui pourraient facilement être retournés l’un contre l’autre, nous préférons œuvrer ensemble, comme un peuple uni vers un but unique. Votre article a utilisé le mot “compromis” comme s’il s’agissait d’une insulte, d’une profanité.

C’est pour nous le ciment qui nous uni dans une cause commune, sans ces compromnis qui nous permettent d’œuvrer ensemble nous n’aurions abouti nulle part et n’irions nulle part (NdT: Notons au passage que l’EZLN a existé clandestinement entre 1983 et 1994, puis à partir de 1994, et plus de 10 ans de préparation totalement clandestine, elle arrive au grand jour et existe en tant qu’organisation socio-politique activiste , et évolue depuis, L’EZLN fêtera ses 30 ans l’an prochain !!…), nous ne serions que des esclaves esseulés attendant d’être exploités comme nous l’avons systématiquement été dans le passé. Personne ne nous achètera cette fois-ci. Nous ne tolèrerons pas d’être traités individuellement et d’accepter des faveurs des puissances de l’argent, qui cueillent leur richesse depuis notre infortune. De la façon dont nous le faisons maintenant, çà marche. 60 millions de personnes ont signé la pétition pour arrêter la guerre au Chiapas (NdT: province mexicaine du sud limitrophe du Guatémala, fief de l’EZLN, le mouvement a débordé dans la province voisine d’Oaxaca et les ramifications du mouvement zapatiste sont dans toute la nation mexicaine… et internationalement…). Le zapatisme est toujours en vie. Nous avons des cellules dans toutes les provinces, toutes les villes du Mexique, cellules  composées de persones de tout le spectre socio-politique possible. Nous sommes organisés, nous sommes puissants. Nous réussiront dans notre entreprise parce que nous sommes très bien organisés et maintenant bien trop nombreux pour être écrasés par le pouvoir. Ce que nous avons n’est peut-être pas parfait, pas idéal, mais cela marche pour nous ici et maintenant de manière évidente et visible. Nous n’hésitons pas à dire ceci: si vous étiez à notre place aujourd’hui, vous feriez de même. Ce qui nous a le plus offusqué dans votre article est ce visage si familier du colonialisme suintant des bonnes intentions.

Bon nombre de nord-américains viennent au Mexique et nous snobent pour nos habitudes alimentaires et notre style de vie, clâmant que nous n’avons pas de choses “aussi bonnes” que ce qu’ils ont chez eux. L’auteur de votre article fait la même chose avec ses critiques du zapatisme. Si ces “critiques” avaient inclus une discussion détaillée de nos tactiques en référence à notre histoire et notre position dans le monde, cela ne serait pas du tout un problème, ceci n’aurait pas été différent de ce que nous faisons constamment entre nous au sein de nos organisations, mais le fait qu’il ait juste décrié le zapatisme comme n’étant que l’avant-garde de nationalistes réformistes, sans même effleurer dans l’analyse le POURQUOI cela est pour lui, illustre bien qu’une fois de plus nous les Mexicains ne sont pas aussi bons que les Américains impérialistes “je sais tout”, qui pensent être plus au courant, plus intelligents et plus politiquement sophistiqués que ces abrutis de Mexicains. Cette attitude, bien que timidement cachée derrière le voile très fin de l’objectivité, est la même attitude contre laquelle nous avons dû lutter depuis plus de 500 ans, quand quelqu’un d’un autre pays, d’une autre culture pense qu’il sait mieux que nous, les intéressés, ce qui est bon pour nous et ce qui serait le mieux de faire.

Plus écœurant encore pour nous fut cette ligne : “La question de la solidarité révolutionnaire dans ces luttes est donc la question du comment intervenir de façon à ce que cela soit compatible avec les objectifs, d’une façon qui fasse avancer le projet anarchiste.” Il serait difficile pour nous de trouver ou de créer une liste de mots et d’attitude plus coloniaux que ceux employés dans cette phrase. “Intervenir”, “faire avancer le projet” ? Les Mexicains ont une très bonne idée de ce que veut dire le mot “intervenir” et ce qu’il implique. Regardez les mots “conquista”,  villahermosa, tejas et Maximilian dans un livre d’histoire pour avoir une petite idée de quoi parle les nord-Américains quand ils parlent “d’intervention”. Mais bien évidemment, les anarchistes d’Amérique du Nord savent mieux que nous comment organiser une lutte que nous menons depuis 300ans avant même l’existence de leur pays et peuvent penser nous utiliser comme moyen pour “faire avancer leur projet”.

Ceci est la même attitude qu’ont employée les capitalistes et les empires  pour exploiter et dégrader le Mexique et le reste du tiers monde depuis plus de 500 ans. Même si cet article parle beaucoup de révolution, les idées et attitudes montrées par l’auteur ne sont pas différentes de celles de Cortès, de Monroe ou de tout autre salaud d’entrepreneur impérialiste auquel vous pouvez penser. Votre intervention n’est pas désirée, ni ne sommes-nous “un projet” pour que quelques nord-Américains imbus d’eux-même en profitent. L’auteur parle beaucoup de solidarité révolutionnaire sans même définir le terme. Qu’est-ce que la solidarité révolutionnaire veut dire pour lui ? D’après l’attitude générale qui se dégage de son article, il est apparent que la solidarité révolutionnaire est plus ou moins la même chose pour lui qu’une “marge de profits” et des “analyses de coûts de rendement” ne le sont pour une entreprise impérialiste: une façon d’utiliser les autres pour son propre bénéfice. Tant que les anarchistes nord-américains embrassent les systèmes de croyance colonialistes, ils se retrouveront à jamais sans alliés dans le tiers monde. Les paysans de Bolivie ou d’Equateur, aussi proches soient-ils de votre idéologie rigide, n’appréciereront pas votre attitude colonialiste, pas plus que ne le feront des combattants de la liberté en Papouasie Nouvelle Guinée ou quelque soit le lieu en ce monde.

Le colonialisme est un des ennemis contre lequel nous luttons dans le monde et tant que les nord-américains renforcent la pensée coloniale et ce, même dans leurs luttes “révolutionnaires”, ils ne seront jamais du côté de quelque lutte anti-coloniale que ce soit, où que ce soit dans le monde. Nous, dans la lutte zapatiste, n’avons jamais demandé à quiconque un soutien inconditionnel et dénué de critique. Ce que nous avons demandé au monde est de respecter le contexte historique dans lequel nous nous trouvons et de penser aux actions que nous entreprenons pour nous soutirer de la botte de l’oppression. Dans le même temps, vous devriez bien regarder et analyser votre propre combat, dans votre propre pays et identifier les similarités que nous avons entre nous.

Ceci est le seul moyen que nous ayons de faire une révolution mondiale.