Notre introduction du premier article d’un entretien avec “Tekosîna Anarsîst” (TA) ou “Lutte Anarchiste” que nous avons traduit et publié en octobre 2020 :
Le mouvement Tekosina Anarsist (TA) ou “Lutte Anarchiste” a été créé à l’automne 2017 au Rojava, il y a donc trois ans. Ce mouvement est international et est essentiellement une unité médicale de combat qui dispense à la fois des soins dans les zones de combat et forme des équipes médicales pour les unités kurdes du Rojava. L’an dernier, un membre italien de TA, Lorenzo Orsetti, a été tué dans les zones de combat du Rojava.
Cet entretien repositionne historiquement la lutte pour le Confédéralisme Démocratique dans cette région du monde et partout ailleurs, comme le préconise Abdullah Ocalan dans son manifeste pour le Confédéralisme Démocratique (CD) de 2011, qui n’a pas grand chose à voir avec le “Contrat Social du Rojava” pondu en 2016 et régissant le Rojava comme un proto-état à l’inverse du CD qui invoque l’abolition de l’État et des institutions. C’est donc avec un immense plaisir que nous avons traduit cet entretien, qui répond à bien des questions et des spéculations. Nous remercions les intervenants de cet éclairage si nécessaire.
~ Résistance 71 ~
“Chaque orage commence avec une simple goutte de pluie. Sois cette goutte !”
(devise du Tekosîna Anarsîst / TA)
Des nouvelles de TA 3 ans plus tard…
MaJ du 6 février 2024 : Jo vient de nous envoyer en temps record l’excellent PDF de ce texte à lire et diffuser:
Nouvel-entretien-avec-les-anarchistes-du-rojava-oct-2023
-[]-
Anarchistes au Rojava
La révolution est une lutte en elle-même
Tekosîna Anarsîst (TA)
Octobre 2023
~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~
Février 2024
1. Nous avons lu des déclaration au sujet du travail de TA hors du champ de bataille, dans les domaines de l’éducation et du soutien médical par exemple. Le côté éducatif est très intéressant pour nous, pourriez-vous clarifier un peu votre mode opératoire dans vos campagnes éducatives, pas seulement entre vous mais aussi au sein des communautés locales ? Y a t’il des enseignements que vous voudriez partager sur le rôle (et le processus) révolutionnaire de l’éducation ? Comment voyez vous la pédagogie non seulement comme un outil, mais aussi comme un espace au sein des luttes que vous devez affronter ?
L’éducation est ce qui construit les fondations d’une nouvelle société. C’est souvent le meilleur des outils pour nous défendre ainsi que nos communautés. Le mouvement de libération kurde met grandement en valeur le rôle de l’éducation et ceci nous a aussi amené à réfléchir sur notre approche. (NdT : ceci est tout à fait similaire à l’expérience zapatiste au Chiapas, fondé sur une approche éducative dans le veine du grand éducateur brésilien Paulo Freire) Au Rojava, il est courant de rejoindre des programmes éducatifs pour plusieurs mois, là où des militants de différents endroits n’ont rien d’autre à faire que d’étudier et de se développer. Ceci n’est pas nouveau au Rojava, le mouvement kurde a travaillé sur l’éducatif et les méthodes d’enseignement depuis des décennies. En rejoignant certains de ces programmes, nous avons aussi constaté que la plupart de notre compréhension de l’éducation est connectée à l’école, université et autres systèmes étatiques (NdT : ce que Paulo Freire appelle “le système éducatif bancaire”… dans le sens de l’accumulation de connaissance comme une banque de données enseignées par des profs assujettis au système, la connaissance pilotée, organisée, sélective et donc forcément tronquée et incomplète puisqu’assujettie à des intérêts particuliers de la classe dominante, ce que Gramsci appelait aussi “l’hégémonie culturelle”…) et l’importance de ce que nous devrions développer nos propres programmes éducatifs, façonner nos propres vues et valeurs politiques. En cela “LA PEDAGOGIE DES OPPRIMES” de Paulo Freire peut nous donner de très bonnes et importantes perspectives.
NdR71 : Devant l’importance de l’ouvrage de Freire, nous l’avons traduit et publié entièrement en français il y a quelques années, cliquez sur le lien ci-dessus pour le télécharger en format PDF. Également, en 2022, notre traduction française du livre de Freire a été utilisée avec notre consentement , gratuitement, comme base pour la traduction de l’ouvrage en arabe. Vous pouvez télécharger le livre en arabe sous format PDF également gratuitement ICI… Bonne lecture !
L’éducation révolutionnaire peut être tout ce qu’on fait si on apprend de manière organisée. Des éducations fermées nous permettent de travailler plus profondément sur un sujet, comme par exemple étudier et analyser la philosophie et la vision politique d’Abdullah Ocalan, ou de Makhno ou de Malatesta sur l’anarchisme organisé et les différentes tentatives de mettre tout cela en pratique, ou d’apprendre les premiers secours et les soins médicaux en situations de guerre. Mais tout ceci doit aussi s’enraciner dans la pratique, qui est souvent la meilleure des éducations, comme lorsque nous travaillons dans la société avec nos camarades kurdes et arabes et autres camarades, lorsque nous construisons notre organisation jour après jour, ou lorsque nous sommes des infirmiers sur le front, dans les zones de combat. La théorie apporte la connaissance et aide à comprendre et à avoir confiance en soi, mais c’est le travail pratique qui construit notre expérience et le savoir complet.
Une certaine connaissance que nous transportons avec nous est rare ici et il est important de la collectiviser. Nous avons fait des séminaires éducatifs de premiers secours et de soins sur le champ des opérations à nos camarades kurdes, arabes et arméniens. Nous avons aussi partagé les connaissances entre nous, parfois sous la forme de courts séminaires, parfois sous la forme de programmes plus longs d’éducation fermée. Ceci nous a aidé à construire nos capacités et à developper un cadre commun d’organisation, dans les domaines tout à la fois pratique et théorique, idéologique. Avec le temps, nos méthodes éducatives deviennent plus adaptées à nos besoins, dénotant non seulement ce que nous voulons enseigner et apprendre mais aussi comment nous voulons le faire. Pour certains camarades, cela aide beaucoup de lire ou d’écouter des séminaires pendant plusieurs heures, pour d’autres, c’est mieux d’apprendre avec de la mise en pratique. Nous essayons de toujours garder cela à l’esprit mais aussi nous nous lançons des défis, comme par exemple encourager les camarades qui sont plus familiers avec le travail académique, de travailler de manière pratique et de pousser un travail plus idéologique et théorique avec ceux qui sont plus orientés vers la pratique.
2.Dans des déclarations précédentes, vous avez évoqué le besoin pour les révolutionnaires de se désengager d’états d’esprit individualistes, égoïstes ainsi que de relation d’ego quand ils approchent le relationnel avec leurs camarades et l’organisation. Comment avez-vous à TA pu gérer ce type d’état d’esprit ? Nous reconnaissons cette vision où l’anarchisme et la lutte révolutionnaire sont toujours des funambules sur le fil entre le mode de vie et la commodité, ne nous permettant pas de relations profondes dans la marche vers la libération. Y a t’il des leçons ou des avertissements que vous voudriez partager de vos activités et de votre expérience pratique ?
C’est une question très difficile, parce que c’est un des principaux défis, difficulté principale à laquelle nous devons faire face. L’anarchisme a toujours discuté des contradictions entre les militants individuels et le besoin d’organisations révolutionnaires. Nous travaillons à l’équilibre de ces points, parce que nous voyons des arguments très importants à faire des deux côtés. Comme bien des anarchistes avant nous, nous en sommes venus à la conclusion que l’organisation est une nécessité, pas en tant que but en soi mais comme moyen pour parvenir à un objectif. Nous n’acceptons pas de hiérarchies inutiles et nous respectons grandement l’individualité de nos militants, souvent nous référant à l’idée “qu’il ne peut pas y avoir d’organisation sans les individus militant et qu’il n’y a pas non plus de militants sans organisation.” (NdT : ce que nous disons ici de longue date : certes l’humain crée les systèmes de fonctionnement, mais aussi à terme les systèmes créent les humains selon ses besoins, c’est une voie à deux sens…) Nous voulons aussi faire remarquer l’importance de la responsabilité individuelle vers l’organisation, tout autant que la responsabilité collective de l’organisation envers les individus.
Devenir un militant dans une organisation révolutionnaire amène des contradictions individuelles et collectives. Les aspects principaux de notre personnalité ont été façonnés par les sociétés dans lesquelles nous avons grandi, avons été éduqués. La vie dans la modernité capitaliste repose sur l’individualisme. A l’école, sur les lieux de travail, dans les médias, nous consommons, on nous dit que la liberté individuelle est tout ce qui importe. “Votre liberté s’arrête là où commence celle des autres” est très souvent le slogan de base de nos sociétés. Ceci nie une appartenance collective et fait la promotion d’un état d’esprit individualiste ainsi que des valeurs lui étant intrinsèques. Il n’est donc pas surprenant que l’anarchisme individualiste fleurisse dans ces sociétés capitalistes desquelles nous venons, parce que cela connecte avec ces individualistes des valeurs que le libéralisme promeut. Nous voulons défier cela. Nous pensons que notre seule façon d’en sortir est au travers de la solidarité et de l’entraide et pour ce faire, nous devons défier cet individualisme profondément ancré en nous et que nous transportons partout avec nous.
L’individualisme peut prendre plusieurs formes. Certaines sont évidentes comme l’égoïsme, l’élitisme ou le narcissisme ; mais il y a des formes plus subtiles plus difficiles à remarquer comme refuser de l’aide , ne pas partager l’information ou la connaissance avec des camarades, ne pas écouter ou ne pas considérer les idées et/ou les propositions des autres. Nous avons tous des traces d’individualisme en nous et elles sont souvent connectées avec notre ego et l’image que nous voulons projeter de nous-mêmes. Dépasser tout cela requiert que nous soyons capables de nous évaluer nous-mêmes et les autres ainsi que les méthodes auxquelles nous sommes affiliés. La critique et l’auto-critique vont la main dans la main, nous avons besoin de reconnaître nos défauts pour nous engager de manière efficace avec les défauts des autres. Admettre qu’il y a une différence entre comment nous nous percevons nous-mêmes, comment nous désirons être perçus et comment les autres nous perçoivent peut être pénible et difficile. Mais reconnaître que ce fossé nous ouvre la porte pour que nous puissions nous développer. Tout le monde a ce fossé, pour certains il est plus grand que pour d’autres et le défier peut créer un espace pour la connaissance et l’apprentissage. En gardant ceci présent à l’esprit, nous pouvons construire de meilleures relations qui sont fondées sur l’honnêteté et la confiance.
La confiance est rare dans nos sociétés. Il est plus facile d’apprendre à se méfier, à avoir peur de son voisin, de marcher sur la tête de vos collègues de travail pour avancer et avoir un plus gros morceau du gâteau. Le capitalisme est fondé sur la concurrence (NdT : pas le capitalisme monopoliste tel qu’il est devenu dans sa phase de développement réelle, cf Marx. Dans cette phase le capitalisme tout puissant élimine toute concurrence et monopolise, phagocyte l’ensemble du système au profit du plus petit nombre), sur le mensonge et sur la vente de soi, sur la société du spectacle (marchand). Il n’y a pas de place pour l’honnêteté et la confiance dans un système qui n’est basé que sur la performance, sur l’apparence de ce que vous n’êtes pas, sur la fabrication, la manipulation et sur la croyance qu’un jour vous allez réussir et être au top. Être honnête et transparent avec nos camarades demande de la vulnérabilité. On nous a dit de cacher tout ça, ne jamais laisser les autres voir vos points faibles, de vous présenter comme cette personne capable de tout, performante en tout ce qui doit être fait. Tous ces traits de caractère individualistes jouent contre nous, spécifiquement dans les moments difficiles où le stress et les difficultés révèlent ces choses que nous essayons de cacher.
Nous avons travaillé sur ces problèmes en menant en pratique des outils comme tekmil et une plateforme, que nous avons apprise du mouvement kurde. Nous avons aussi exploré d’autres méthodes et récemment nous avons augmenté notre connaissance sur la résolution de conflit au moyen de cercles restaurateurs et d’une justice transformatrice. Celle-ci fournit une bonne approche, connectée à nos valeurs idéologiques et orientée vers des sujets comme la responsabilité, qui devrait toujours être partie de la base de notre mode organisationnel. Nous avons pris que l’organisation est une lutte en soi et que les contradictions, les conflits et les défis vont toujours surgir au sein de toute organisation. En l’absence de structures hiérarchiques, comment prenons-nous des décisions et comment résolvons nous des conflits devient une partie très importante de notre mode organisationnel.
3.Ceci peut être relié à ce qui précède, comment est résolu le conflit inter-personnel dans une organisation comme le NES (Administration Autonome du Nord-Est de la Syrie ou AANES) ? Nous avons vu plusieurs perspectives abstraites mais peu de compte-rendus réels sur les processus de justice et d’équité, comment gérez-vous ces affaires ? Est-ce que les groupes autonomes variés ont la liberté de s’en occuper en leur sein ? Est-ce que toutes les résolutions de conflit sont centralisées ?
Il y a en ce moment deux systèmes de justice en place dans la Zone Autonome du Nord-Est Syrien (AANES). Un qui est similaire à une justice d’état et un qui est fondé sur la justice communautaire (droit coutumier). Ce dernier consiste en des comités de consensus paysans et des conseils locaux qui sont souvent composés de leaders religieux et d’anciens des communautés. Ceci encourage les gens à être responsables et à agencer leurs propres problèmes. Mais ce système ne fonctionne pas très bien malheureusement. A cause de cela donc, beaucoup de problèmes locaux sont toujours soumis au système de justice étatique qui est en partie hérité du système Assad mais aussi géré par l’administration autonome. C’est une mixture bizarre qui fonctionne avec les outils disponibles dans une situation qui est difficile à gérer. Le syndicat des avocats jouent un rôle important ainsi que les efforts d’écriture d’un “contrat social” de l’AANES, une sorte de constitution qui est révisée toutes es quelques années suite à des discussions entre les différentes organisations politiques et sociales.
NdR71 : Nous constatons ici que comparé aux années 2010-15, le Rojava ne fonctionne plus sous le confédéralisme démocratique prôné par le leader kurde ex-marxiste, inspiré du communalisme libertaire de Murray Bookchin et mis en place au début de l’expérience du Rojava dès le début des années 2000, mais qu’il fonctionne désormais de manière hybride, beaucoup plus comme un système étatique et hiérarchique, dont le “contrat social” (2016 et révisé) crypto-étatique, est manifestement imposé depuis Washington afin de contrôler cette zone stratégique. Depuis 2016, les communes du Rojava ont été en grande partie mises sous tutelle d’un régime hybride essentiellement vendu à l’empire. Les anarchistes y sont tolérés, mais la hiérarchisation demeure. TA doit s’adapter pour y survivre politiquement et certainement y faire des concessions au système étatico-marchand qui contrôle les zones pétrolières de la région pour le compte de l’empire. Les questions demeurent toujours : doit-on faire des compromis ? La révolution sociale peut-elle se satisfaire de compromis ? Exister partiellement est-il mieux que ne pas exister du tout ?
Les raisons qui ont poussé l’Administration Autonome à faire plus d’efforts à réorganiser le système légal général plutôt que de promouvoir les conseils judiciaires communautaires ne sont pas claires pour nous. (NdT : Voir notre note au dessus…) Nous suggérons que vous alliez parler directement avec le comité judiciaire de l’AANES, ils pourront mieux répondre que nous. A part cela, il y a aussi des structures autonomes pour les femmes comme les habitations pour femmes (Tala gin) et une loi pour les femmes. Ceci a joué et joue toujours un rôle important dans la résolution des problèmes entourant le genre tout en trouvant des solutions dans des domaines comme les problèmes familiaux (mariage, conflit, divorce, abus, violence etc…)
Les conseils, comités, communes et organisations autonomes ont un certain degré de liberté pour gérer ces conflits de l’intérieur. Comment ces problèmes sont approchés quant à savoir si les gens vont impliquer le système juridique étatique dépend de la nature et de l’envergure du conflit ainsi que des personnes et groupes impliqués. Dans des cas de crimes qui ont un grave impact social, comme meurtres ou trahison organisée (comme donner des informations à la Turquie, information utilisée pour assassiner des révolutionnaires, aider Daesh à planifier et mener des attaques), il y a eu des procès devant des tribunaux populaires. Ces procès rassemblent différents représentants de a communauté sociale, spécifiquement ceux les plus touchées par le crime commis ; ces personnes fonctionnent comme un jury populaire pour décider de la punition.
(NdT : c’est ce qu’il faudra mettre en place pour juger tous les gens responsables au sein des gouvernements, partis politiques, institutions et entreprises privées, d’avoir mené des guerres par tromperie et disséminer l’arme biologique SRAS-CoV-2 et ses injections à ARNm attenantes… Nous ne pouvons pas nous fier à la justice corrompue du système étatico-marchand pour se juger lui-même. C’est comme demander à Al Capone d’être juge de son propre procès.. résultat garanti : une farce ! Les peuples devront se faire justice, pas d’autre solution…)
Pour notre organisation et les organisations en Europe, nous pensons qu’il est important d’en venir à comprendre la valeur réelle de la justice transformatrice et que nous commencions à bâtir la capacité à commencer d’offrir des alternatives au système “judiciaire” en place, qui n’est qu’un vaste mensonge raciste, suprémaciste et profondément connecté au pouvoir des états-nations. Le sujet de la justice transformatrice a été sur la table des débats des cercles de gauche en Europe depuis un bon moment. Nous voyons que tout cela commence à bouger vers des actions pratiques, une phase active de mise en place. Commençons par de petits ajustements pratiques, une fois que nous avons des exemples de la vie quotidienne, nous pouvons et devons les agrémenter de quelques lectures / études / théories. La résolution de conflits ne peut pas s’apprendre de bouquins, ses fondements ne peuvent être pris que dans la pratique, les livres seront utiles pour nous améliorer mais à la seule condition que nous soyons prêts à mettre la connaissance en pratique directe. Nous ferons pas mal d’erreurs et c’est normal. Nous avons tant à désapprendre du système de “justice” étatique imposé. Nous commençons de manière imparfaite en utilisant des outils comme tekmil, les cercles de restauration et les structures autonomes de femmes pour construire plus avant.
4.Quel est le statut actuel de l’art et de l’auto-expression au Rojava ? Y a t’il eu la chance et l’espace pour que les personnes puissent jouer, créer ou montrer des créations artistiques ? Comment cela est-il reçu ? Comment le conflit a t’il changé ou affecté tout cela ?
Tevgera Çand û Hûner (Tev-çand,) l’organisation de l’art et de la culture est une coordination des centres d’art et de culture présents dans chaque ville. La plupart de ces centres ont différents groupes d’activités variées comme la danse, la musique, le cinéma, la peinture, la littérature, la sculpture etc… Ils font essentiellement la promotion de l’art en connexion avec la culture kurde, sa langue et son identité. Chaque groupe ethnique est encouragé à promouvoir sa culture et son art tout en fournissant un espace pour d’autres formes et traditions d’art en dehors de la tradition folklorique. Tev-çand a une approche politique de l’art, le voit comme un véhicule de partage et de dissémination des valeurs de la révolution. Quelques exemples de succès sont Hunergeha Welat et le chaîne YouTube qui publie de nouvelles chansons et des videoclips “faits au Rojava” ou la commune du cinéma Romina film a Rojava, qui a produit plusieurs films, des courts-métrages, des clips. Ils ont récemment sorti une série au sujet du Rojava intitulée “Elina Kurd” “Un amour kurde”.
Les groupes locaux font souvent des représentations dans les célébrations locales, durant les jours fériés et autre évènements culturels. Ces dernières années bien des groupes et des artistes sont devenus bien plus professionnels et nous commençons à voir leur art dans différents théâtres, expositions ou évènements culturels. L’art est vu comme une richesse populaire et culturelle et il n’y a aucun processus de marchandisation autour de lui. Théâtre, cinéma, musique sont faits, joués et partagés gratuitement et nous n’avons jamais vu d’évènement culturel faisant payer un droit d’entrée. Ceci fait partie de l’approche politique, de la morale et de l’esthétique qui sont promus. Brièvement, remarquons les efforts faits pour connecter l’esthétique avec la politique et les valeurs éthiques de la révolution. Cet approche défie les standards de beauté capitalistes que la modernité essaie d’imposer, voyant ainsi l’art comme un véhicule de l’expression du peuple, de la société et de ses valeurs. Une grande partie de cet art est connecté à la résistance contre l’État Islamique / Daesh et le fascisme turc, tout en ayant un point de focalisation sur les résistances de femmes et du YPJ, tout en ayant aussi ses racines dans l’histoire des luttes du peuple kurde.
NdR71 : si un “art” est “capitaliste” ou “révolutionnaire”, il n’est pas de l’art. L’art est universel. La “Joconde” de de Vinci, la “Pastorale” de Beethoven ou “Notre Dame de Paris” de Victor Hugo sont universels dans leur essence et l’idée véhiculée. Le Beau (et le Vrai) n’ont rien de politico-économique. Une approche artistique “capitaliste” ou “révolutionnaire” ne peut atteindre l’universel, elle ne peut générer que du partiel, du momentané, sous une forme plus ou moins épurée de propagande. Un bâtiment de musée stalinien n’est pas de l’art, une église romane ou le Taj Mahal oui.
Dans cette approche de l’art, nous pouvons voir un changement apporté par la révolution, qui a peut-être même commencé avant le Rojava. Le cinéma kurde du XXème siècle est souvent tragique, au sujet des massacres et des exils infligés au peuple kurde. Dengbêj, une musique / poésie traditionnelle est aussi infusée d’histoires de villages détruits, de familles assassinées et d’enfants orphelins. C’est dans ce nouveau siècle que l’art kurde a commencé a réfléchir sur une nouvelle image. Une qui ne soit pas trop focalisé sur les Kurdes en tant que victimes ou sur des tragédies inhumaines, mais aussi en voyant le peuple kurde comme un acteur du changement Les chansons des comités de défense YPG et YPJ (femmes) battant Daesh ou des guérilleros combattant dans les montagnes, les nouveaux films sur la résistance a Sur ou Kobané, les grandes célébrations de NewRoz (le nouvel an kurde), sont des exemples de la renaissance du peuple kurde et de sa volonté de résister. Ce n’est pas juste un peuple dont la destinée est la souffrance, c’est une nation sans état dont les terres ancestrales ont été occupées et dont les villages ont été brûlés. Le peuple kurde a appris des autres luttes anti-coloniales et autres mouvements révolutionnaires ou de libération nationale et il va prendre sa destinée en main. Le peuple kurde va défendre sa terre et sa culture, construire un futur pour les prochaines générations, avec des armes certes mais aussi avec de la musique, de la danse et du cinéma.
NdR71 : pour l’heure le peuple kurde est divisé selon des lignes de fractures artificielles créées par l’empire. Le Rojava kurde n’a rien à voir avec le Kurdistan du nord de l’Irak de tout temps inféodé à l’empire, géré par la famille mafieuse Barzani, affiliée à la CIA et au Mossad. Il y a eu des tentatives d’extension des Kurdes irakiens en Syrie, qui, aussi loin que nous sachions, ont échoué. Mais depuis 2016 et l’affaire du “contrat social” du Rojava, qui est une trahison du concept du Confédéralisme Démocratique qui était en place auparavant, a mis cette zone autonome sous contrôle feutré des Yankees qui continuent à agir avec leurs mercenaires de Daesh, soutenus, formés et soignés par la Turquie et l’entité sioniste. Le pillage du pétrole local continue sous contrôle yankee. C’est compliqué. Une des raisons qui a vu notre enthousiasme pour le Rojava des années 2011-2015, se flétrir pour donner naissance à une méfiance que nous pensons justifiée. Nous admirons les camarades de TA pour leur pugnacité sur le terrain, sachant qu’ils doivent faire pas mal de concessions pour subsister. Le potentiel est toujours là, mais rien de positif à long terme ne fleurira tant que turcs et yankees seront là.
5.Quelle est la vue de TA sur le rôle de la religion et comment cela a t’il affecté sa capacité à se connecter et à se relier avec les communautés locales ? Y a t’il eu des challenges ou changements dans l’attitude des militants ? En occident, nous luttons pour séparer l’anti-cléricalisme de l’islamophobie de base et l’eurocentrisme, quelles leçons avez-vous apprises de votre insertion dans des sociétés kurde et arabe ?
La religion n’est pas un problème pour nous quand elle est connectée avec la morale et l’éthique des personnes, du peuple ; elle devient un problème lorsqu’elle est connectée avec le pouvoir et domine, règne. C’est contre cette assertion et exercice d’autorité que nous sommes, comme vous parlez aussi d’anti-cléricalisme. Certains anarchistes sont arrivés ici avec une culture athée et quand on nous demande ce qu’est notre religion, il est facile pour nous de répondre que nous n’en avons pas. Mais cette réponse est souvent comprise comme si nous n’avions pas de morale et cela nous fait aussi réfléchir sur le fait que la plupart d’entre nous, même si nous ne sommes pas pratiquants, avons été élevés, éduqués dans une culture chrétienne.
Nous sommes d’accord avec vous pour dire que nous, en occident, pouvons faire un mauvais boulot de séparer l’anti-cléricalisme de l’islamophobie et de l’eurocentrisme. La société dans laquelle nous sommes immergés est musulmane dans les grandes largeurs, même s’il y a effectivement de petites minorités ayant d’autres croyances, mais ici pratiquement tout le monde croit dans le Coran, même si tout le monde ne se déclare pas musulman pratiquant. Cette réalité enracine notre travail avec les gens d’ici. Nous devons comprendre l’importance que la religion a pour les personnes et nos camarades locaux. Connaître un peu, ou beaucoup de choses au sujet de l’islam, est très utile quand nous discutons avec nos camarades locaux. Argumenter d’une base religieuse pour développer une perspective révolutionnaire a prouvé être une tactique à succès.
Il est important de respecter les convictions religieuses des personnes, mais en même temps, nous critiquons aussi ou questionnons nos camarades quand la religion les mène à prendre des décisions ou à agir de manière qui n’est pas en phase avec les valeurs révolutionnaires du NES. Il y a des efforts commis pour construire un islam démocratique, regardant du côté de l’éthique et de la morale de la religion musulmane et moins la charria. C’est une nécessité de venir à terme avec l’après fondamentalisme musulman, fondamentalisme qui est colporté par un fascisme théocratique comme celui de l’EI/Daesh. Bien que de l’extérieur on peut croire qu’il n’y a plus de Daesh, le combat contre leur idéologie continue ici plus que jamais. Dans quelques régions du NES, l’idéologie de l’EI est toujours répandue et cela prendra du temps et de grands efforts à tout le monde pour faire bouger les choses vers un islam démocratique.
6.Les mouvements anarchistes et soi-disants révolutionnaires en Europe, ont lutté pendant des décennies pour trouver quelque chose qui pourrait dépasser notre propre faiblesse et petitesse, observant des méthodes anciennes ou nouvelles. Quelle est votre perspective là-dessus ? Etes-vous d’accord ou ressentez-vous que les mouvements de lutte se limitent eux-mêmes et si oui, pourquoi ? Le manque d’utilisation de violence insurrectionnelle, le manque de structures de direction de lutte, le manque de ressources, le manque de conviction, qu’en est-il selon vous ?..
Ceci constitue un point et une question des plus importantes. Nous pensons effectivement que les mouvements de lutte se limitent eux-mêmes. Nous voyons ce problème en son cœur comme un manque d’organisations qui peuvent créer et promouvoir à long terme des buts et des perspectives, car en ce moment, nous voyons essentiellement des groupes fondés sur l’affinité est ayant une pensée à très court terme.
La vague insurrectionnelle des années 90, surtout en Italie, a amené une perspective de lutte sur le court terme qui semblait promouvoir l’efficacité. Dans un certain sens, cela a marché, mais au détriment de la capacité organisationnelle. La capacité de s’organiser et absolument cruciale. En devenant une organisation, TA, a maintenant la capacité d’accumuler de l’expérience, nous ne devons pas constamment recommencer à zéro. Nous pouvons aussi construire des projets et des relations sur la durée, nous pouvons approfondir notre apprentissage et compréhension des autres organisations qui ont lutté et luttent toujours. Pas seulement à un niveau individuel, mais aussi et surtout sur un plan organisationnel. Ceci veut dire qu’une telle connaissance et expérience cesse d’être liée à une personne ou à une cellule de groupe f’affinité, mais que toute l’organisation se l’approprie. Ceci accroit exponentiellement notre capacité en tant qu’organisation.
Se développer en tant qu’organisation révolutionnaire n’est pas facile, nous en avons déjà parlé. Nous devons nous séparer de l’´état d’esprit individualiste libéral qui est tant imbriqué dans la socialisation capitaliste. Nos sociétés sont organisées autour de ces valeurs capitalistes, et pour la changer, nous devons développer nos propres valeurs et nos institutions sociales (NdT ; ce que Gustav Landauer voyait comme la seule façon d’abolir l’État : en changeant nos relations internes pour le faire disparaître en nous changeant nous-mêmes dans nos relations puisque l’état n’est que ça : nos relations institutionnalisées en miroir des institutions imposées..), nous devons anticiper la société que nous désirons. Les choses que vous mentionnez manquant dans les mouvements anarchistes, les structures de direction de lutte, les ressources, les convictions, l’action, peuvent souvent être connectées au manque d’organisation. Si nous nous retrouvons isolés, en tant qu’individus ou par petits groupes, notre capacité d’influencer et de changer la société autour de nous sera grandement affectée et diminuée. Comme nous pouvons apprendre beaucoup de choses au Rojava, il y a aussi pas mal de leçons que nous puissions tirer des mouvements anarchistes en lutte en Amérique du Sud. Ces idées de “especifismo”, ou spécifisme, , un cadre théorique orienté pour développer la spécificité des organisations anarchistes, sont le résultat de décennies de lutte. On peut remonter jusqu’au plateformisme prôné par Peter Arshinov et Nestor Makhno, mais développé par la Fédération Anarchiste d’Uruguay (FAU). Comme anarchistes portugais, vous avez accès aux matériaux et textes développés par les organisations anarchistes brésiliennes.
7.Il y a eu récemment des critiques concernant l’attention et les ressources données par les gauchistes occidentaux à des mouvements anarchistes naissants en Ukraine, qui, sans véritables structure autonomes et étant insérés dans des armées étatiques, ont reçu un soutien généreux et des fonds, alors que des mouvements non-blancs ont peiné dans le temps pour recevoir une fraction de ce soutien. Etes-vous d’accord avec cette critique ?
Nous assumons que vous faites allusion à l’article “Anarchiste qui a combattu au Rojava : réponse au débat sur ‘pas de guerre si ce n’est la guerre de classe’”, que l’on peut trouver sur Abolition Media. Nous sommes d’accord avec l’article quand il dit que les ressources envoyées en Ukraine par les gauchistes occidentaux sont très disproportionnées par rapport aux ressources qu’ont obtenues les camarades de la NES, spécifiquement alors que la révolution ici est tant enracinée dans l’idéologie et la praxis révolutionnaire anarchiste, alors qu’il y a bien à dire pour l’Ukraine comme l’article l’a fait. “La solidarité est quelque chose que vous pouvez tenir dans vos mains”, un slogan popularisé par le groupe anti-impérialiste KAK danois dans les années 70, est une déclaration dans laquelle nous nous retrouvons. Alors que le NES a reçu une bonne dose de solidarité, de campagnes d’information, diplomatiques etc, sur le plan matériel, financier et autre soutien que nous pouvons “tenir dans nos mains”, la gauche occidentale n’a pas fait d’effort sérieux.
Ceci dit, la guerre en Ukraine dure depuis un peu plus d’un an et celle du Rojava depuis plus de 10 ans. Bien entendu cette échelle de temps a aussi son effet. L’Ukraine fait l’info, pas nous, nous ne le serons pas sauf une autre invasion, et même là, nous ne recevrons qu’une fraction d’attention médiatique que reçoit l’Ukraine. Quand on regarde plus loin que l’Ukraine et le Rojava, on se demande qui a prêté attention à la guerre génocidaire qui se tient au Tigray ou la nouvelle guerre qui se déroule au Soudan ? Qui a organisé un soutien logistique pour ces conflits ? Les forces d’auto-défense populaire de Tigray ont une longue tradition révolutionnaire avec un projet similaire aux idées du Confédéralisme Démocratique. Au Soudan, nous avons récemment vu une escalade militaire après que de grosses mobilisations populaires et des soulèvements eurent secoué le pays. Il y a là un remarquable mouvement anarchiste organisé pas commun à trouver dans les pays africains. Mais il n’y a que peu d’articles écrits à son sujet et encore moins de discussions dans les réunions littéraires anarchistes pour en discuter. Il n’est pas juste du tout que ces mouvements n’aient reçu aucune couverture médiatique, sans parler du soutien logistique. C’est une part du colonialisme que nous essayons aussi de combattre. C’est aussi une raison pour nous de rester au Rojava, là où les valeurs anti-coloniales sont véritablement actives et en vie.
Pour en revenir à l’Ukraine. Des anarchistes ont lutté depuis le début du récent conflit, ils étaient sur la place de Maïdan et essayèrent d’organiser depuis là. Ce n’est probablement pas l’endroit pour discuter combien ce mouvement anarchiste est ancré dans la tradition anarchiste ukrainienne, celle de l’armée noire de libération paysanne et la révolution makhnoviste (NdT : 1918-1923) ; mais aujourd’hui la présence des anarchistes est cruciale pour questionner le narratif nationaliste de l’extrême droite (NdR71 : avec ses nationalistes intégraux tendance Stepan Bandera sous contrôle de la CIA, mis au pouvoir par le coup d’´état de Maïdan en 2014 par l’OTAN et l’empire n’oublions jamais ce fait. Nazillons qui une fois au pouvoir ont agressé systématiquement les populations russophones de l’Est de l’Ukraine, amenant ces populations à faire sécession et à demander récemment la protection russe et leur rattachement à la Russie. Il convient de garder à l’esprit la réalité narrative historique des évènements qui ont mené à cette guerre depuis 2022, nous ne prenons pas parti, nous relatons les faits réels de terrain…), extrême droite qui a dominé les manifestations en Ukraine depuis le départ. La situation actuelle en Ukraine n’est pas révolutionnaire, rien n’est aligné sur nos principes, mais c’est notre tache que de mettre en avant ces principes et de les faire connaître. Nous pouvons citer Malatesta lorsqu’il disait “Nous sommes de toute façon une des forces agissantes dans la société et l’histoire avancera, comme toujours, dans la direction résultante de toutes les forces.”
Historiquement, guerre et révolution ont une importante connexion. Les environnements de guerre voient l’autorité de l’état caler et l’autorité se diffuse en d’autres endroits. L’état n’est plus toujours là pour fournir aux gens infrastructure et ressources. Ce qui veut dire qu’il y a souvent des fenêtres d’opportunité pour assister dans l’auto-organisation et l’auto-gestion du peuple, initialement le long d’une ligne d’action d’entraide et de solidarité. C’est une situation dans laquelle amener notre vision des choses et la mettre en pratique avec des personnes peut être une manière utile de renforcer notre tendance, comme le dit Malatesta.
Nous soutenons nos camarades anarchistes combattant en Ukraine, nous avons une approche de solidarité critique envers le peuple ukrainien et avons pour objectif aussi d’engager les contradictions que cela fait surgir et nous ne nous dévouons pas à une approche dogmatique binaire. Nous voudrions aussi attirer votre attention sur les camarades Leshly et Ciya, qui ont passé un bon moment ici dans la zone autonome du NES et qui sont tombés avec d’autres camarades anarchistes sur le front ukrainien. Nous sommes en deuil et avons pour objectif d’en savoir plus sur leurs vies et le pourquoi de leur décision ; ils nous montrent aussi la voie d’une analyse et considération nuancées ayant un espace pour les contradictions qui immanquablement surgissent quand vous mettez vos mains dans une révolution sale. Nous sommes d’accord avec le camarade qui a écrit l’article lorsqu’il dit qu’il est très facile d’être puriste et de juger des décisions prises en Ukraine et au Rojava depuis un fauteuil confortable. Participer à une véritable révolution ou à un conflit armé rend rapidement très clair qu’il n’y a souvent pas de solutions “propres” ou taillées sur mesure et être un révolutionnaire en action, pas seulement en mots, veut dire gagner une profonde compréhension d’analyses et de contradictions nuancées.
8.Comment pouvons-nous assister TA, matériellement ou autrement ?
Les points essentiels pour lesquels votre assistance serait de grande utilité sont : a) développement idéologique b) réseau engagé c) résistance à la répression d) militants e) ressources
- Le développement idéologique de la lutte anarchiste est la base pour nous pour aller de l’avant. Nous avons constaté que nous sommes arrivés à un point où nous réalisons en tant qu’anarchistes européens que la seule organisation basée sur l’affinité n’est pas suffisante. Nous avons besoin d’une organisation anarchiste ou de structures qui nous rassemblent de manière organisée, afin d’être capable de penser le long terme et de développer une stratégie plus large. Mais développer plus avant l’idéologie et la praxis anarchiste dans notre contexte actuel, nous nous renforçons les uns les autres.
- Les réseaux engagés sont la fondation même de la discussion, de l’échange, de la création de projets, de ressources et d’expériences. Nous voyons ceci sous la forme de la construction de relations de long terme au moyen d’organisations solides et un tel échange peut se faire via des visites et des échanges de militants ainsi que sous d’autres formes de communication. En relation avec le point sur le dévelopement idéologique, ceci inclut la lecture et les discussions des déclarations et correspondances des uns et des autres, apprendre des expériences de chacun et donner un compte-rendu, des propositions et des critiques constructives.
- Les réseaux mènent aussi à la résistance contre la répression. Ces dernières années, des militants qui sont venus au Rojava et dans le mouvement kurde de manière générale se sont retrouvés de plus en plus criminalisés. Un certain nombre de camarades sont emprisonnés ou sont impliqués dans des problèmes juridiques. Nous avons besoin que les anarchistes de partout résistent à cette criminalisation.
- Nous avons besoin que toujours plus de militants nous rejoignent au Rojava pour lutter ici. Il y a aussi l’opportunité pour des camarades déjà organisés en Europe, de nous rejoindre tout en restant connectes avec leurs organisations en Europe. De fait, nous aimerions beaucoup que cela se produise. Nous voyons cela comme un potentiel de renforcement des liens entre notre organisation et des organisations anarchistes en Europe.
- Sur le plan purement matériel, nous avons besoin d’argent. Comme ce dont nous avons besoin change souvent, cela peut être un peu compliquée de nous envoyer des choses mais nous pouvons toujours discuter de ces choses là. Avec des fonds, nous pouvons les allouer directement là où c’est nécessaire et pouvons faire les ajustements requis, car notre situation change constamment.
NdR71 : cette dernière remarque sur l’aspect monétaire pourrait bien relancer le débat “collectivisme” / “communisme”. Nous pensons qu’il est bien maladroit de terminer cet entretien, par ailleurs excellent, sur cette (fausse) note. Les Zapatistes par exemple, n’ont jamais demandé d’argent à quiconque… une loi connue de la pédagogie, dite de la “proximité temporelle” (law of recency), dit que les gens se rappellent le mieux ce qu’ils ont entendu ou appris en dernier. Il est dommage que le fric soit cette dernière chose évoquée dans un entretien avec des anarchistes…
= = =
Lire notre première traduction d’entretien avec des membres de Tekosîna Anarsîst en octobre 2020, publiée en deux parties :
Lectures complémentaires :
Abdullah Ocalan Confédéralisme Démocratique
Textes fondateurs pour un changement politique radical
Il n’y a pas de solution au sein du système, n’y en a jamais eu et ne saurait y en avoir ! (Résistance 71)
Comprendre et transformer sa réalité, le texte:
Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »
+
5 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:
Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être
Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche
Manifeste pour la Société des Sociétés
Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie
Société des sociétés organique avec Gustav Landauer
Lire “Le confédéralisme démocratique”, Abdullah Öcalan, 2011, format PDF
A bas l’État ! A bas la marchandise !..
A bas l’argent ! A bas le salariat !
Vive la Commune Universelle de notre humanité réalisée !