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Rojava : Confédéralisme Démocratique vs Contrat Social à la sauce yankee sur fond de guerre impérialiste… En savoir plus avec le livre de Pierre Bance « La fascinante démocratie du Rojava »

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Nous rappellerons ici la position de Résistance 71 sur le Rojava : Oui au Confédéralisme Démocratique originel… Non au compromis réformiste du Contrat Social du Rojava à la sauce yankee. Pour comprendre cela, il suffit de lire les deux textes, ils parlent d’eux-mêmes.
Nous y reviendrons…
~ Résistance 71 ~

 

Présentation du livre “La fascinante démocratie du Rojava” de Pierre Bance

 

Éditions Noir & Rouge

 

Janvier 2021

Le Rojava n’est pas seulement une épopée militaire des Kurdes de Syrie contre  l’État islamique, un havre d’émancipation pour les femmes, un imbroglio diplomatique digne de l’histoire moyen-orientale, un destin que l’on craint tragique,  c’est aussi et d’abord une expérience politique et sociale inédite et fascinante.
PIERRE BANCE

Inédite, car elle lie, dans un même contrat social, la démocratie directe et le parlementarisme. Alliage improbable de communes autonomes, d’assemblées législatives et de conseils exécutifs fédérés. Fascinante, parce que fondée sur les droits de  l’homme, les libertés fondamentales et l’écologie sociale, elle s’exprime au cœur  d’un Proche-Orient pétri de dictatures, de démocraties chaotiques, d’États-nations  aux visées hégémoniques, au milieu de sociétés aux coutumes patriarcales et aux pratiques religieuses conservatrices. Fascinante encore quand elle réussit à unir dans une même auto-administration, à égalité de droits et de devoirs, les peuples kurde, arabe, assyrien, chaldéen, turkmène, arménien, tchéchène, tcherkesse… de diverses confessions musulmanes, chrétiennes et yézidie, là où dominait la loi du plus fort.

Sans doute, tout ne fonctionne pas à merveille au nord de la Syrie. Comment  pourrait-il en aller autrement avec la guerre impérialiste ottomane d’Erdoğan, la pression des obscurantistes du djihad, les menaces d’Assad de réinvestir le territoire et les trahisons des alliés russes et occidentaux. Néanmoins, tant les avancées en matière de droits et libertés que les expériences institutionnelles originales menées au Rojava intéresseront tous les démocrates qui cherchent à refonder un système de représentation déconsidéré. Comme ceux qui, de par le monde, aspirent à une société libérée de toute domination, car l’Administration autonome de la Syrie du Nord et de l’Est soulève la question de fond: comment se passer de l’État et dépasser le capitalisme?

L’auteur

Pierre Bance, docteur d’État en droit, ancien directeur des Éditions Droit et Société, est l’auteur d’Un autre futur pour le Kurdistan ? Municipalisme libertaire et confédéralisme démocratique (Noir et Rouge, 2017). Ses travaux sont publiés sur le site Autre futur (http://www.autrefutur.net/).

Commander le livre :

https://editionsnoiretrouge.com/index.php?route=product/product&product_id=87

 

Confédéralisme Démocratique du Rojava: De l’État à la démocratie… Anatomie d’un changement de paradigme 2ème partie

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La seconde partie nous indique ce qu’est le Confédéralisme Démocratique et comment il s’applique sur le terrain, au Rojava et potentiellement ailleurs…
Pour que voit le jour la Société des Sociétés, à bas l’État ! A bas la marchandise ! A bas l’argent ! A bas le salariat ! Vive la confédération des communes libres volontairement associées !

~ Résistance 71 ~

En résultat [de la colonisation], la terre natale kurde fut divisée et les Kurdes furent forcés de se soumettre à des politiques d’états de déni et de diminution de leur volonté et pouvoir politique. Leurs réalités sociales furent divisées et bientôt ils se perdirent eux-mêmes. Pour subvenir à leurs besoins économiques, ils durent abandonner leur identité et furent démunis de statut légal et d’opportunités contemporaines d’éducation afin de récupérer leur existence idéologique et culturelle fondée sur leur identité. Ce déni d’identité tourna alors sur une question du fait qu’ils ne pouvaient pas vivre librement.
(Abdullah Öcalan)

“Les états sont maintenant des synonymes de chaos, de crise, de ruine et de malheur pour l’humanité. Nous devons nous libérer de cette calamité. Si vivre sous le joug de l’exploitation et de l’oppression n’est pas dans la nature de l’être humain, alors ni l’État, ni le drapeau qui le représente ne peuvent représenter le peuple et la société.”
(Commune Internationaliste du Rojava)

 


Réseau de Résistance & Rébellion International 

 

De l’État à la démocratie: anatomie d’un changement de paradigme

 

Komun

Commune Internationaliste du Rojava

 

Juin 2018

Source: https://komun-academy.com/2018/06/27/the-new-paradigm/

 

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

 

1ère partie

2ème partie

 

De cette façon, depuis 2005, le PKK et toutes les organisations affiliées ont été restructurés sur la base d’un projet appelé KCK (Union des Communautés du Kurdistan ou Koma Civakên Kurdistan).

Le KCK est une organisation fondée sur la société et créée comme alternative à l’État, elle vise à s’organiser depuis la base sous la formes d’assemblées populaires.Le KCK est un mouvement qui lutte pour former sa propre démocratie, il ne voit pas les états existants comme un modèle, ni ne les voit comme un obstacle. 

Note de R71: Ce lâcher-prise de l’antagonisme est une excellente chose qui ne peut mener qu’à la synthèse politique adéquate, celle de la société des sociétés. Bien entendu, toutes les impostures et dictatures de la marchandise œuvrent et œuvreront contre…

Le but principal dans la formation du KCK est défini comme une lutte pour disséminer la démocratie radicale (fondamentale) sur l’organisation démocratique du peuple et sa capacité à prendre des décisions. La formation du KCK met en place un nouvel instrument qui surpasse la façon de voir étatique des relations sociales. En cela, le confédéralisme démocratique, qui constitue l’idée fondamentale du KCK et de son organisation, est valide partout dans la vie des Kurdes. Ceci inclut l’Irak, où les Kurdes vivent dans une structure d’état fédéral ayant des droits constitutionnels, incluant l’auto-gouvernement.

Il y a deux facteurs clefs dans le projet: une compréhension de la démocratie en tant que pouvoir du peuple, non pas une forme de gouvernement et que l’état et la nation doivent être laissés en dehors de cette compréhension.

Le confédéralisme démocratique est l’organisation du peuple, dans toutes les sphères non-étatiques de la vie. Il correspond à la diminution drastique de l’état existant dans le monde et de la tendance de la société à s’organiser en dehors de structures étatiques pour arranger sa propre vie sociale… Même si l’État fait obstacle, le mouvement de la liberté kurde exercera son droit légitime de s’organiser finalement démocratiquement. Il n’abandonnera définitivement pas ce but en disant: “l’état nous met des bâtons dans les roues”.

En définitive, tandis que la république démocratique est un projet de réforme d’un état, le confédéralisme démocratique et l’autonomie démocratique se situent au-delà de l’État et comprennent une idée politique sans État.

En conséquence, le projet de confédéralisme démocratique est lié au projet de république démocratique et d’après Öcalan, un Kurdistan libre ne peut exister que dans un Moyen-Orient démocratique. (a.g.e 34-5)

Nous avons mentionné que tout en suivant la ligne de développement de la pensée d’Öcalan, se situe l’importance centrale de ces trois concepts inter-reliés: la république démocratique, le confédéralisme démocratique et l’autonomie démocratique. Dans tous ces projets, le concept de démocratie est d’une importance capitale. La compréhension de ce terme a évolué vers plus de radicalité (NdT: une fois encore pris dans son sens de “racine”, d’ancrage profond dans la réalité et non pas dans le sens galvaudé usuel “d’extrémiste”, manipulation sémantique bien utile pour l’oligarchie…) depuis la contradiction entre les traditions démocratique et républicaine. Pour le PKK, la démocratie est un antidote à la structure centralisée de la république turque qui est fondée sur le concept d’état-nation et la version séculière française. L’idée la plus fondamentale de cette approche est que “la centralisation a tué la démocratie”.

Les différences principales entre le projet de république démocratique et le confédéralisme démocratique / autonomie démocratique sont que le point de focalisation de la première se situe sur la définition de l’état et de la citoyenneté tandis que les deux autres focalisent sur le développement d’une alternative à l’état et sur le peuple construisant sa propre organisation. Nous allons ici aborder le sujet du développement d’alternatives à l’État. Au lieu que les projets de confédéralisme et d’autonomie démocratiques ne soient vus comme potentiellement contradictoires vis à vis de l’organisation, il serait mieux de les considérer comme étant ensemble parties d’une stratégie d’harmonisation. Ils donnent une direction politique à la lutte d’aujourd’hui où que soit située l’action du PKK.

Le changement de paradigme qu’a vu le PKK au XXIème siècle a rendu une fière contribution aux vues politiques radicales en ce qui concerne une approche radicalement différente de ces trois aspects de la vie politique : l’état, la classe et le parti et “la politique non-étatique, l’organisation politique en dehors du parti et de thèmes politiques en dehors de la classe.” Du point de vue du PKK, ceci a impliqué une réforme de lui-même en amenant toute une série de transformations. Certaines de ces transformations du PKK et les changements radicaux effectués sur des points comme le droit à l’auto-détermination, la nation, la libération nationale, la violence et les femmes, sont particulièrement marquantes et frappantes.

Le principe d’auto-détermination des nations, qui fut soulevé dans le premier quart du XXème siècle, a laissé sa marque sur le siècle dernier. Les formes d’auto-détermination exprimées à la fois par le leader américain Woodrow Wilson et par le fondateur de l’URSS, Lénine, sont devenues un tremplin fondamental pour bien des luttes de libération et une partie inaliénable du droit international. Mais ce qui ne doit pas être oublié, est cette vérité que l’auto-détermination est en tout premier lieu, un principe d’action défini comme politique.

C’est pourquoi, lorsque le président Wilson a annoncé ce principe au congrès américain le 11 février 1918, il insista ouvertement sur le fait que : “L’auto-détermination n’est pas qu’une simple expression, c’est un principe impératif d’action que les hommes d’état ne pourront ignorer qu’à leur péril.” Ainsi, le PKK, du noyau de ce qui en a émergé dans les années 1970 et plus avant, adressa le principe d’auto-détermination comme principe impératif d’action puisque le peuple kurde avait été privé de tous droits fondamentaux et de libertés et condamnés sur leur terre même à un manque de statut, en retrait même du statut et de la règle coloniaux. Les territoires sur lesquels vivaient traditionnellement le peuple kurde furent divisés entre 4 états-nations (La Turquie, la Syrie, l’Irak et l’Iran) dans les années 1920 et les très nombreuses réglementations et politiques coloniales imposées par ces états menèrent le peuple kurde à la ruine. Abdullah Öcalan exprime cet état de fait de la façon suivante:

En résultat, la terre natale kurde fut divisée et les Kurdes furent forcés de se soumettre à des politiques d’états de déni et de diminution de leur volonté et pouvoir politique. Leurs réalités sociales furent divisées et bientôt ils se perdirent eux-mêmes. Pour subvenir à leurs besoins économiques, ils durent abandonner leur identité et furent démunis de statut légal et d’opportunités contemporaines d’éducation afin de récupérer leur existence idéologique et culturelle fondée sur leur identité. Ce déni d’identité tourna alors sur une question du fait qu’ils ne pouvaient pas vivre librement.” (A. Öcalan, Kurdish Question and Democratic Nation Solution, published in Turkish, p.226).

Dans un tel environnement, le PKK a adopté comme guide le droit à l’auto-détermination du peuple kurde comme principe d’action fondamental. Bien sûr, sa conception et son application de ce principe fut lourdement influencé par les caractéristiques idéologiques, politiques et sociales de la période. Après la seconde guerre mondiale, les luttes de libération nationale se déroulèrent dans un système bi-polaire, d’abord au Vietnam et en Algérie, ce qui mena à l’indépendance de bon nombre d’anciennes colonies. Ceci affecta grandement le monde des années 1970. a ce sujet, Öcalan dira ceci plus tard:

Dans cette période des années 50 à 70, lorsque les luttes de libération nationale arrivèrent à leur point culminant et qu’elles eurent pour résultat des états séparés, ceci devint presque le seul modèle valide… En fait, le principe du droit des nations à l’auto-détermination fut en premier lieu exprimé par le président américain Wilson après la 1ère guerre mondiale et fut très lié avec les politiques hégémoniques des Etats-Unis. Lénine, afin de ne pas être en reste devant Wilson et pour gagner le soutien de nations opprimées et des peuples colonisés, radicalisa le même principe et le réduisit au fait de fonder un état indépendant. Une course commença alors entre les deux systèmes.
(The Kurdish Question and the Democratic Nation Solution [Turkish], p. 271-2).

Le PKK a approché l’auto-détermination au sein d’un cadre de compréhension d’un socialisme déjà existant à cette époque, se faisant ainsi l’avocat du modèle de la création d’un état. Mais, à partir du début des années 1990, la critique d’Öcalan de, premièrement, la compréhension du socialisme existant et, plus tard, de l’idéologie même de l’état-nation dans les premières années du nouveau millénaire, ont démontré un renouveau radical de l’approche du PKK sur le sujet. Aujourd’hui, l’auto-détermination est toujours un principe impératif d’action, mais la façon de le mettre en pratique ne passe plus par l’État, mais de mettre ce principe d’auto-gouvernement en mouvement à chaque niveau de la société.

La compréhension de l’autonomie démocratique constitue le cadre principal de cet auto-gouvernement. Les résultats de cette ligne de conduite, basés sur les Kurdes déterminant leur propre destinée sur la base du principe d’auto-gouvernement sans incliner à créer leur propre état séparé, où qu’ils vivent, d’abord et en premier lieu en Turquie, en Irak, en Iran et en Syrie, ont clairement émergé avec les développements historiques en Irak et en Syrie, au cœur même du Moyen-Orient.

En conséquence, le PKK a renversé l’argument de Lénine qu’”il serait erroné d’amener une interprétation différente au droit d’auto-détermination que d’être le droit à un état séparé d’exister.”, disant qu’il serait tout aussi erroné et trompeur de ne voir le droit à l’auto-détermination que comme s’il ne contenait aucune autre signification que ce droit à un état séparé d’exister. Cette vision est aussi corroborée dans l’analyse historique de l’état moderne en tant que projet bourgeois. (Mustafa Karasu, Radical Democracy, 2009).

Une fois de plus, lié à cela, le concept de nation du PKK a aussi été radicalement renouvelé. Au milieu des années 70, lorsque le PKK fut formé, la plupart des mouvements socialistes et de libération nationale étaient sous l’influence de l’idéologie de l’état-nation avec la plus rigide des définitions de ce terme exprimée par Staline. Sa célèbre formule: “Les nations ont une langue, un territoire, une vie économique et une culture en commun”, fut aussi un point de départ pour le PKK. Avec le nouveau paradigme politique, Öcalan critiqua cette formule, développant la définition d’une nation démocratique:

D’abord il est nécessaire de montrer qu’il n’y a pas qu’une seule définition de la nation. Quand un état-nation est fondé, la définition la plus commune est justement d’être un “état-nation”. Si l’élément unificateur est l’économie, alors il est possible de l’appeler nation-marché… On ne peut pas faire la généralisation qu’une nation partage une langue, une culture, un marché, une histoire, ce qui veut dire qu’on ne peut pas rendre absolu une unique compréhension de ce qu’est une nation. Cette compréhension de nation qui fut adoptée par le socialisme existant est contraire à la notion de nation démocratique. Cette définition qui fut développée par Staline en particulier pour l’appliquer à l’URSS, fut en fait une des raisons principales de l’effondrement de celle-ci. Aussi longtemps que la définition de nation, qui est rendue absolue par la modernité capitaliste, n’est pas transcendée, la résolution des questions nationales restera dans une impasse. Le fait que se pose toujours la question nationale avec une intense gravité après 300 ans est intimement lié à cette définition inepte se voulant absolue.” (2012, p.432).

D’après Öcalan: “En ce qui concerne la nation démocratique, c’est une société mutualiste établie par la libre volonté, la libre association d’individus et de communautés. La force unificatrice de la nation démocratique est la volonté d’association libre des individus et des groupes qui décident d’être dans la même nation… a définition de la nation démocratique exprime une vie commune de solidarité de citoyens pluralistes, libres et égaux qui ne sont pas entravés par des frontières politiques rigides, une langue unique, une religion ou une interprétation de l’histoire. Une société démocratique ne peut se réaliser qu’avec un tel modèle de nation.”(p.432).

L’approche de la violence dont l’utilisation stratégique et tactique fut toujours une pierre angulaire de la lutte du PKK est aussi passée par un changement radical. Au départ, l’approche de la violence, “la sage-femme de la société nouvelle”, fut une approche marxiste classique. Dans le processus induit de la révolte, la violence, sous forme de méthode de combat de guérilla, fut une tactique fondamentale de la lutte. A terme, la violence prit même une dimension fanonnienne, gagnant une personnalité existentielle et le rôle de libérateur social et individuel. Mais dans le nouveau paradigme, le PKK n’envisage pas un rôle de la violence au-delà du cadre de la self-defense légitime.
(Legitimate Defence Strategy, 2004).

La plus sévère forme de domination

Aujourd’hui, à la fois l’État et sa version capitaliste moderne, l’état-nation, sont sérieusement mis en question. Il est reconnu que l’état-nation ne profite en rien aux peuples et à l’humanité et qu’il contient même en lui une caractéristique génocidaire qui prépare le terrain pour la disparition de différentes cultures et différentes identités. Dans les circonstances de la règle du profit maximum du capitalisme de l’état-nation et de la modernité capitaliste, tout comme cela mena à la grande douleur des deux guerres mondiales, il a commis autant de crimes contre l’humanité que tous ceux qui ont été commis au cours de l’histoire de l’humanité.

La plus grande preuve de ceci est la disparition, ou la mise au bord de l’extinction de groupes ethniques qui vivaient au Moyen-Orient jusqu’à il y a encore quelques 200 ans. Les peuples arménien et assyro-syrien ont été décimés à cause de cette mentalité. Les Kurdes ont aussi été amenés au bord de l’abîme de la destruction sous la domination incessante des états-nations. Les peuples Alevis, Yazidis, Druze et autres groupes de foi ont été chassés de leurs terres en résultat de cette compréhension du concept. La même chose est arrivée aux peuples circassiens qui furent expulsés des montagnes du Caucase.

Il est trop difficile de comptabiliser tous les maux engendrés par les états-nations ; mais quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas seulement de l’état-nation de la modernité capitaliste, mais tous les États qui sont devenus une charge bien trop lourdes à supporter pour l’humanité. Les premiers problèmes sociaux ont commencé avec la domination masculine sur les femmes et avec ceux s’établissant hiérarchiquement plus haut que les autres, affirmant une domination sur d’autres segments sociaux pour mieux les exploiter. Après tout, l’État a été défini comme un instrument d’oppression des classes dirigeantes de la société. Ceci n’a en rien diminué avec le temps et est devenu une des pires formes de domination jusqu’à ce jour. De fait, l’État-nation est devenu la pire forme de domination.

L’état-nation a atteint la caractéristique d’être une sphère de domination et d’exploitation de la société entière, avec ses frontières, tout comme le patron d’une usine entouré de ses murs. tandis que dans le passé les états ne représentaient que la domination politique, dans l’époque capitaliste, ils se sont développés en une domination totalitaire qui cherche à dominer tous les aspects de la société et d’aller aussi loin que de dominer toutes les cellules de celle-ci.

Avec le système dirigeant de l’état intensifiant les problèmes sociaux, l’État et son gouvernement ont été amenés à être de plus en plus critiqués. Dans le passé, les anarchistes se sont opposés à l’État comme l’origine de tous les maux, graduellement développant des solutions politiques, idéologiques et de paradigme sur une base historique et systémique. Dans le présent, le zénith de l’analyse en ce qui concerne l’état et son gouvernement provient de ceux semblables à Abdullah Öcalan. La grande différence avec celui-ci résidant dans la profondeur de son analyse sur les femmes et l’État. Il a aussi soumis le capitalisme et l’état-nation à une analyse critique compréhensive. L’analyse d’Öcalan sur les femmes en particulier, est de très grande valeur dans la mesure où elle a apronfondi toutes les autres analyses et aidé à atteindre son véritable caractère.

Plus il y a de démocratie, moins il y a d’État : le système confédéral démocratique

Le gouvernement et l’État sont, par essence, une concentration et une intensification du pouvoir, une centralisation. A cet égard, ils sont des facteurs qui sont opposés au peuple. Il ne peut ainsi pas y avoir d’état et de gouvernement qui appartiennent au peuple. Le gouvernement et le peuple ne devraient pas être confondus. Un gouvernement populaire (NdT: de par et pour le peuple) est une démocratie. Ce n’est pas la concentration ni l’intensification du pouvoir, celui-ci étant donné à certains cercles particuliers, mais celui-ci allant à la base, au local, appartenant et retournant au peuple. La démocratie et l’État peuvent coexister pendant un certain temps dans une accommodation, mais ce sont des faits contradictoires par nature. Il y a une formule dialectique qui dit que plus il y a d’État et moins il y a de démocratie et plus il y a de démocratie et moins il y a d’État. Même aujourd’hui, dans l’âge moderniste, avec le capitaliste qui dirige les états, la diminution de l’État est en discussion.

Nous sommes maintenant dans une ère où on peut penser, envisager une vie sans l’État, une société sans (NdT; contre) l’État, sans vie politique, économique, sociale et culturelle dirigée par l’État. L’humanité doit trouver un système qui la libèrera de l’État qui la tyrannise. Nous sommes entrés dans l’ère où nous pouvons penser vivre sans État. Même si les gens peuvent s’accommoder de vivre avec l’Etat un peu plus longtemps, ils doivent atteindre un système politique, social, économique et culturel qui n’aura pas d’État. Ce n’est ni une obligation, ni une fatalité que de vivre sous un régime étatique, car la démocratie exprime la transcendance de l’État. Aujourd’hui, une alternative à l’État est un système confédéral démocratique fondé sur une société démocratique organisée. Le peuple peut se gouverner lui-même dans un système confédéral démocratique sans être exposé à l’oppression et à l’exploitation.

Un système démocratique peut mettre en place un système administratif démocratique où il n’y aura ni exploitation ni oppression. L’État et ses rouages appartiennent aux dirigeants, tandis que le confédéralisme démocratique est le système de fonctionnement du peuple, par le peuple et pour le peuple.

Les états sont maintenant des synonymes de chaos, de crise, de ruine et de malheur pour l’humanité. Nous devons nous libérer de cette calamité. Si vivre sous le joug de l’exploitation et de l’oppression n’est pas dans la nature de l’être humain, alors ni l’État, ni le drapeau qui le représente ne peuvent représenter le peuple et la société.

Öcalan a mis en place le confédéralisme démocratique en le fondant sur une société démocratique organisée comme une alternative viable à l’État et ce pour toutes les sociétés et non pas pour le peuple kurde uniquement. C’est un système qui par sa différence crée une identité unique contrairement à l’état-nation. Toute différence peut parvenir à la liberté avec sa propre identité au sein d’une confédération démocratique. A cet égard, le confédéralisme démocratique représente la vie libre pour tout peuple et toute communauté. Ceci peut aussi être appelé la démocratie complète réalisée. Il ne peut pas y avoir de démocratie dans un système étatique. Qui peut parler de démocratie véritable et complète là où il y a des dirigeants ?

Le temps des peuples

Le confédéralisme démocratique est une alternative viable à l’État. Si nous disons que le temps et l’ère des peuples arrive, cela veut dire que l’ère du confédéralisme démocratique pointe à l’horizon. Au sein d’un état il ne peut y avoir ni démocratie, ni socialisme. L’État ne peut pas être éradiqué en tant qu’état par un état. L’État ne peut être transcendé et mené à l’extinction que par le confédéralisme démocratique. Les peuples ne peuvent pas s’émanciper avec l’État ni atteindre une vraie liberté et une véritable vie démocratique. Les peuples seront libérés par le confédéralisme démocratique.

Ceci constitue la ligne politique et idéologique d’Öcalan, son paradigme politique. Ceci constitue sa compréhension de la démocratie, de la liberté et du socialisme. Il ne peut pas y avoir de gouvernement de par et pour le peuple en dehors du Confédéralisme Démocratique.

Partant de ce principe, il est impossible pour les peuples de défendre l’État.

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Lectures complémentaires:

Longue vie au Rojava !… Le texte du Confédéralisme Démocratique

Paulo_Freire_La_pedagogie_des_opprimes

Pierre_Bance_Lheure_de_la_commune_des_communes_a_sonne

Chiapas-Feu-et-Parole-dun-Peuple-qui-Dirige-et-dun-Gouvernement-qui-Obeit

Ricardo_Flores_Magon_Textes_Choisis_1910-1916

James_C_Scott_L’art_de_ne_pas_être_gouverné

Appel au Socialisme Gustav Landauer

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

Abdullah-Ocalan-Confederalisme-democratique

Entraide_Facteur_de_L’evolution_Kropotkine

6ème_déclaration_forêt.lacandon

kaianerekowa Grande Loi de la Paix

 


Commune Internationaliste du Rojava

Résistance et solidarité: Avec le Rojava contre la guerre de la Turquie (Commune Internationaliste du Rojava)

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Réseau Résistance Rébellion International

 

Avec le Rojava contre la guerre de la Turquie

 

Commune Internationaliste du Rojava

 

24 janvier 2019

 

url de l’article:

http://internationalistcommune.com/stand-with-rojava-oppose-turkeys-war/

 

~ Traduit de l’anglais par Résistsance 71 ~

 

Une fois de plus, la menace d’une autre guerre pointe son nez sur le nord de la Syrie. Les troupes turques et leurs mercenaires islamistes se massent aux frontières de la Fédération Démocratique du Nord de la Syrie qui s’auto-gouverne ; ces régions à prédominance kurde aussi connues sous le nom de Rojava. Les Turcs et leurs sbires se préparent à une invasion qui causera de nombreux morts et le déplacement, la migration, de dizaines voire de centaines de milliers de personnes civiles.

La situation sur le terrain est extrêmement tendue. Les populations de Mandjib et de Kobané ont formé un bouclier humain afin de protester contre l’invasion turque et se sont préparées à la guerre. Les Unités de Défense Populaires et Féminines (YPG et YPJ), tout comme les milices locales ne font pas que défendre leurs terres, mais elles défendent l’espoir. L’espoir d’une vie meilleure qui s’étend bien au-delà de la Syrie du nord. Un espoir qui a inspiré un bon nombre d’internationalistes du monde entier de venir ici au Rojava et de se joindre à la lutte.

Le week-end à venir, ils appelleront pour des journées mondiales d’action commune pour parler et manifester contre la menace de l’invasion turque.

“Sable et mort”

Peu de temps avant Noël, le président Trump a annoncé qu’il ordonnait le retrait des troupes américaines de Syrie, laissant la route libre à une invasion anticipée de longue date du Rojava par la Turquie et ses sbires mercenaires islamistes par procuration. Pourquoi ce changement si soudain de direction ? Depuis l’effondrement de l’URSS, les préoccupations principales des Etats-Unis et de ses alliés de l’OTAN au Moyen-Orient ont été d’affirmer leur contrôle et leur influence et d’affaiblir les positions de la Russie et de l’Iran dans la région. En œuvrant à ces objectifs, les états de l’OTAN ont mené une guerre partout dans la région, ont aidé les groupes terroristes islamistes, ont établi des milices et ont soutenu des régimes dictatoriaux.

Aujourd’hui, cette stratégie est en lambeaux, tandis que la Russie et l’Iran ont réussi à étendre leur influence dans la région. A l’exception d’Israël et de l’Arabie Saoudite, les Etats-Unis sont relativement seuls maintenant que l’allié de l’OTAN Turquie, elle aussi, tourne le dos à la coalition et recherche activement un rapprochement avec la Russie et l’Iran. A cet égard, il serait logique pour Washington d’essayer d’obtenir un accord avec Ankara pour les ramener dans le moule, sacrifiant la Syrie du Nord dans le processus. D’après Trump, il n’y a pas grand chose à y gagner pour les Etats-Unis de toute façon, mis à part du “sable et la mort”. De manière admise, beaucoup de personnes au sein de l’establishment américain ne voient pas les choses de cette façon., ils ne veulent pas laisser le champ libre à l’Iran ni à la Russie et ils ne veulent pas dépendre exclusivement de la Turquie.

Dès que Trump eut fini d’appeler Erdogan au téléphone, il se retrouva dans la ligne de mire de sévères critiques et a dû rapidement faire marche arrière. Le scenario suivant ne fut pas pour rien dans ce revirement: Bachar al Assad annonça que l’armée syrienne prendrait la place des Etats-Unis, bien entendu avec le soutien de la Russie et de l’Iran.

En réponse à l’annonce surprise de Trump, la France déclara que ses troupes demeureront en Syrie et rapidement, Trump revint sur ses décisions précédentes, disant qu’il était d’accord pour ralentir le processus. Après un attentat suicide revendiqué par l’EIIL/EI, qui tua plusieurs militaires américains à Mandjib le 16 janvier, l’affirmation non vérifiée de Trump disant que l’EI/Daesh avait été vaincu fut encore une fois prouvée fausse. Il apparaît pour l’heure, que les forces de la coalition maintiendront une présence sur le terrain à la fois pour continuer le combat contre l’EIIL et aussi pour protéger leurs alliés kurdes d’une attaque de la Turquie.


Confédéralisme Démocratique

Remonter le temps ?

Est-ce que cela veut dire que le peuple du Rojava et sa révolution sont maintenant en sécurité ? Pas du tout. Ni Assad, ni la Russie, ni aucune des puissances occidentales ne sont concernés par la protection de la population de la Syrie du Nord, ni de la sécurité des Kurdes ou de quelque autre minorité de la région que ce soit et certainement pas préoccupés par la sécurité et la libération des femmes et de la révolution démocratique en cours dans la région du Rojava. Ceci est devenu on ne peut plus évident l’an dernier après l’invasion de la région d’Afrin par l’armée turque et ses alliés des groupes djihadistes, ce avec le consentement à la fois de la Russie et de l’occident.

Cette fois encore, c’est la Russie qui a les cartes en main. S’il devait y avoir un accord entre Moscou et Ankara, alors Poutine pourra ordonner à Assad de se retirer et donner le feu vert à Erdogan pour l’invasion. Cet accord concernerait la situation à Idlib, une des dernières régions de Syrie qui n’a pas encore été ramenée sous le contrôle du régime. Erdogan pourrait être d’accord pour retirer ses groupes islamistes du Front de Libération National (Jabhat al-Wataniya lil-Tahrir) de la région d’Idlib, permettant ainsi une offensive des forces gouvernementales syriennes contre la forteresse islamiste. En retour, Assad offrirait le Rojava à la Turquie.

Bref, le Rojava demeure en très grand danger. Pour imaginer ce qu’une nouvelle guerre ferait aux gens d’ici, il n’y a qu’à regarder la situation dans les régions kurdes du sud-est de la Turquie ou dans la région d’Afrin occupée. Spécifiquement pour les femmes, une occupation par les forces cléricales fascistes serait un vrai désastre. Quant à Afrin, ce serait un retour en arrière et annulerait tout ce qui a été obtenu en termes de libération des femmes.

De nombreux appels contre la guerre ont été lancés ces dernières semaines. La demande est faite pour que les états et les entreprises impliqués dans la guerre en Syrie arrêtent Erdogan et arrêtent de vendre des armes à la Turquie. D’autres demandes suggérèrent d’établir une zone de contrôle aérien contre les avions de guerre turcs. Ces appels sont urgents, mais il est douteux qu’ils soient entendus par les états et les entreprises. S’ils sont entendus, rien ne se fera par gentillesse, mais seulement parce qu’ils seront forcés de le faire. et cela ne se produira pas sans une certaine mise sous pression par la base.

Protéger l’écologie mésopotamienne

“Nous aussi allons défendre le Rojava !” explique un internationaliste français dans une de nos vidéos publiées par la Commune Internationaliste #resistancediaries. La résistance contre le fascisme turque ne se fait pas seulement au Rojava. Quelques douzaines de Kurdes et leurs alliés se sont mis en grève de la faim, en rotation, demandant la fin de la mise à l’isolement du leader du PKK Abdullah Ocalan. Des actions solidaires avec des grèves de la faim ont été organisées dans le monde entier, impliquant à la fois des militants kurdes et des prisonniers politiques turcs, avec en premier lieu la députée HDP Leyla Güven, qui en est à sa 78ème journée de grève de la faim.

Dimanche et lundi prochains sont prévues des actions de solidarité dans des pays autour du monde en plus de la Commune Internationaliste et au groupe activiste féministe allemand Gemeinsam Kämpfen, beaucoup de groupes écologistes ont répondu à l’appel de la campagne du “Rendre le Rojava Vert de Nouveau” et du mouvement écologiste de Mésopotamie, ainsi que d’activistes écologistes du Canada, de groupes anti-chasse britanniques et du mouvement anti-charbon allemand Ende Gelände.

Ces dernières années, un mouvement écologiste divers, coloré et parfois radical a pris racine en Mésopotamie. Ce mouvement a pris naissance suite à la dévastation écologique ayant cours dans toute la région en résultat des guerres impérialistes qui y sont menées, de la négligence environnementale de la politique régionale. La production pétrolière, la construction de barrage hydro-électrique, la déforestation, la désertification et l’énorme chaos écologique dû aux puits de pétrole en feu, du bombardement des usines et de l’utilisation d’armes à munition à l’uranium appauvri pendant les guerres de ces dernières décennies, ne sont juste que quelques exemples de ce marasme écologique.

Ce mouvement est toujours petit, mais il pose des questions très importantes. Les gens de la région ont aussi trouvé des réponses. Dès le début, la révolution sociale du Rojava fut aussi conçue comme une révolution écologique en poursuivant le but d’une société décentralisée auto-gouvernée et en harmonie avec la nature. Le but est de parvenir à établir un système municipal ayant une agriculture, une source d’énergie et unité de recyclage décentralisées. Une vision sociale déjà conçue par des éco-socialistes comme Murray Bookchin.

Révolution et reboisement

Malheureusement, dans bien des cas, ces idéaux ne demeurent que cela: des idéaux. A cause de la terrible situation économique, les embargos et la guerre, les initiatives écologiques sont le plus souvent mises sur la touche. Mais il y a de gros progrès au Rojava, spécifiquement dans le domaine du reboisement. Ces dernières décennies, le gouvernement syrien a coupé dans la région, le peu de forêt qui y restait. Ceci mena à une désertification accrue et à un sévère manque de retenues d’eau. Mais avec la révolution, petit à petit les arbres reviennent.

Ce processus est soutenu par la campagne internationaliste du “Rendre le Rojava Vert de Nouveau”, qui construit une ferme arboricole sur le site de la Commune Internationaliste du Rojava (CIR). Les internationalistes ont déjà replanté des milliers d’arbres et sont construites des stations d’épuration pour l’eau et des centres de traitement des déchets. Des modèles pour le recyclage de l’eau sont en train d’être développés pour les municipalités locales.

Par dessus tout doit-être résolu le problème de manque d’eau, c’est un problème urgent dans tout le nord de la Syrie et au Moyen-Orient au sens large. La guerre du pouvoir dans la région est toujours au sujet de l’eau. Le manque d’eau est devenu un gros problème pour bien des gens. Les paysans ont toujours été dépendants de l’eau des rivières pour l’irrigation, eau qui provient de rivières ayant leurs sources dans le nord de la Turquie avant de redescendre à travers la Syrie et l’Irak.

Erdogan le sait: quiconque contrôle l’eau, contrôle la vie. L’état turc a, depuis bien des années, construit des super barrages hydro-électriques dans le sud-est du pays, comme celui de Hasyankeyf. C’est pourquoi le niveau de l’eau des rivières les plus importantes de la région: l’Euphrate, le Tigris et la Xabur, décroit tout le temps. Des régions entières se désertifient, pas seulement au Rojava mais aussi en Irak.

Il y a quoi qu’il en soit, une solution partielle à ce problème: le reboisement peut singulièrement inverser l’assèchement des sols. Il y a aussi le système de filtrage qui empêche l’eau de se polluer et d’être perdue. La CIR fat aussi des recherches en ce domaine avec le développement d’un système aquifère noir et gris.

Renforcer la résistance

Mais maintenant, même la fragile graine du réveil écologique du Rojava est menacée par la guerre d’Erdogan. Cette guerre pourrait non seulement provoquer de bien grandes misères et souffrances humaines et de destructions matérielles, mais elle pourrait aussi détruire le mode de vie écologique des gens. A Afrin, l’armée turque a mis le feu à des oliveraies pendant son invasion il y a un an.

Non seulement la guerre en Syrie, mais aussi la guerre Iran-Irak et les deux invasions de l’Irak ont causé d’énormes dégâts. Les fumées des brasiers des puits pétroliers allumés lors de l’invasion militaire américaine de l’Irak contenaient des milliers de tonnes de dioxide de soufre, d’oxydes d’azote et  de monoxyde de carbone. De plus, se répandirent des métaux lourds cancérigènes comme le cadmium, le chromium et le plomb. Les bombardements ont touché les usines irakiennes, les raffineries, les oléoducs, les usines d’engrais et chimiques, les barrages et les centrales énergétiques. En résultat, des milliers et des milliers de moutons, de dromadaires moururent de la pollution de l’eau et de l’air.

Dernier cas et non des moindres, les tonnes d’uranium appauvri résultant des munitions tirées et jonchant le territoire continuent de polluer la terre et l’eau aujourd’hui. Jusqu’à aujourd’hui, des milliers d’enfants souffrant de cancers et autres maladies causées par les radiations doivent être hospitalisés en Irak. Tout cela est causé par l’uranium appauvri qui demeure sur place.

Une image similaire semble émerger en Syrie: ces dernières années, des champs pétroliers ont été incendiés encore et encore, des factions belligérantes ont utilisé des agents chimiques comme le sarin ou des agents chimiques incendiaires comme le phosphore blanc. La lutte pour l’eau et la destruction guerrière de la nature nous montrent clairement pourquoi l’écologie et la lutte contre la guerre et l’impérialisme sont inter-reliées. C’est pourquoi tant de groupes soutiennent les actions des 27 et 28 janvier. La guerre d’Erdogan doit être empêchée afin de sauver bien des vies, pour protéger la révolution et pour stopper toujours plus de destruction de l’environnement.

Notre réponse à la menace de la guerre doit être le renforcement de la résistance et les jours d’actions communes montrent dans quelles directions la résistance doit se développer. Cela doit être clair: le nord de la Syrie est l’affaire de toutes et tous. Le Rojava n’est pas seulement une affaire pour le mouvement anti-guerre et pacifiste ou pour les initiatives solidaires autour du Kurdistan. Il concerne tout le monde. Si nous nous comportons intelligemment, nous pouvons retourner les menaces d’Erdogan en des forces progressistes offensives et ainsi connecter entre elles les forces féministes, écologistes, socialistes et libertaires.

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Lectures complémentaires:

Paulo_Freire_La_pedagogie_des_opprimes

Pierre_Bance_Lheure_de_la_commune_des_communes_a_sonne

Chiapas-Feu-et-Parole-dun-Peuple-qui-Dirige-et-dun-Gouvernement-qui-Obeit

James-C-Scott-Contre-le-Grain-une-histoire-profonde-des-premiers-etats

James_C_Scott_L’art_de_ne_pas_être_gouverné

Louise-Michel_De-la-commune-a-la-pratique-anarchiste

Manifeste pour la Société des Sociétés

Abdullah-Ocalan-Confederalisme-democratique

David Graber Fragments Anthropologiques pour Changer l’histoire de l’humanité

L’anarchisme-africain-histoire-dun-mouvement-par-sam-mbah-et-ie-igariwey

Effondrer le colonialisme

6ème_déclaration_forêt.lacandon

Appel au Socialisme Gustav Landauer

 

Mobilisation Internationaliste pour la (r)évolution sociale, Paris 12 janvier

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Les GJ ne sont pas seuls !

 

Appel à une mobilisation internationaliste lors de la manifestation pour Sakine, Fidan et Leyla

 

Paris-Luttes Infos

 

8 janvier 2019

 

url de l’article: https://paris-luttes.info/pour-une-mobilisation-11427?lang=fr

 

Le 9 janvier 2013, Sakine Cansiz, Fidan Doğan et Leyla Söylemez sont assassinées par un agent du gouvernement fasciste turc en plein Paris. Elles faisaient partie du mouvement révolutionnaire kurde.

Sakine Cansiz, est un symbole de la lutte révolutionnaire au Kurdistan. L’ une des fondatrices du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK). Emprisonnée dans les geôles turcs durant 12 ans, elle fut battue et torturée. A sa sortie de prison, elle continua de lutter au sein de la guérilla du PKK, puis en Europe pour faire connaître la cause de son peuple. Fidan et Leyla qui sont tombées à ses cotés participaient activement au mouvement kurde en Europe. Ces trois femmes représentaient tout ce qu’un État fasciste comme celui de Recep Tayyip Erdoğan et de son parti l’AKP déteste. C’est pour cela qu’ils ont commandité leurs morts.

Mais la lutte de ces trois femmes ne s’est pas éteinte avec elles. Leur lutte continue dans les montagnes à Qendil, Zagros ou Dersim. Surtout, elle nous montre un exemple pratique de révolution au Rojava. Dans cette région du nord de la Syrie un système politique progressiste et populaire est en train de se construire. La libération des femmes y tient une place majeure. Elles sont à l’avant garde du mouvement révolutionnaire.

En ce moment, cette région est plus que jamais menacée. Après avoir combattu l’État Islamique, les forces révolutionnaires du Rojava sont maintenant sous la menace de la Turquie et de ses alliés islamistes. Des milices formées d’anciens combattants de l’EI et de Al-Qaida sont entrain de préparer l’offensive aux cotés de l’armée Turque. Pendant ce temps les forces impérialistes des États-Unis et de la Russie jouent et s’amusent avec leur alliés locaux afin de se tailler leur part du gâteau.

Tout comme ce que Sakine, Fidan et Leyla représentaient, le Rojava est une menace pour tous les états réactionnaires et pour cette raison il est prit pour cible. En temps que révolutionnaires en Europe nous devons défendre le projet révolutionnaire du Rojava et la mémoire de nos trois camarades qui ont tout donné pour la lutte.

Nous appelons à une mobilisation internationaliste lors de la manifestation à la mémoire de Sakine, Fidan et Leyla , le Samedi 12 janvier à Paris, 10h30 Gare du Nord.

Solidarité révolutionnaire avec les combattant.es au Kurdistan et en Turquie !

Vive la solidarité internationale !

Sehid Namirin !

Secours Rouge Genève

Secours Rouge Belgique

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Six textes fondamentaux pour nous aider à  y parvenir, ensemble, à  lire, relire et diffuser sans aucune modération:

Déclaration des Unités de Défenses Féminines du Rojava (décembre 2018)

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, écologie & climat, colonialisme, guerres imperialistes, ingérence et etats-unis, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, résistance politique, société des sociétés, société libertaire, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , on 4 janvier 2019 by Résistance 71


Manifeste du Confédéralisme Démocratique

 

Nous défendons le nord syrien et le Rojava parce que nous croyons en un monde sans fascisme et sans patriarcat

 

Déclaration des Unités de Défenses Féminines (YPJ) du Rojava

 

Décembre 2018

 

url de l’article original:

https://www.ypjrojava.org/We-defend-Northern-Syria-and-Rojava-because-we-defend-a-world-without-fascism-and-patriarchy

 

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

 

Erdogan et les fascistes de l’AKP-MHP ont montré avec les récents bombardements des gens déjà déplacés du camp de Maxmur et des Yazidis au Sengal, leur volonté d’envahir le Rojava / Syrie du Nord et d’introduire le fascisme dans le Kurdistan et au-delà. Depuis longtemps l’état turc a maintenu de fortes connexions avec Daesh / État islamique. Pour nous, il a toujours été clair qu’ils ne sont que les visages différents d’un même ennemi.

Cette unité fasciste de l’état turc, ses mercenaires et Daesh, sont confrontés par les camarades et la société ici en Syrie du Nord et dans tout le Kurdistan. Après l’invasion brutale et sans relâche d’Afrin, l’état turc membre de l’OTAN, menace une fois de plus d’attaquer la zone nord-syrienne, où la révolution sociale fait de grands pas avec ses femmes en première ligne.

Au moment où nos camarades combattent Daesh à Deir ez Zor, avançant et libérant Hajin, d’autres continuant à attaquer les envahisseurs d’Afrin, nous répondons par un cri de liberté à la menace contre la révolution. Ceci est devenu notre révolution, parce qu’en tant qu’internationalistes, nous avons appris, vu et vécu, que le peuple habitant le nord de la Syrie crée la base pour une société communale libre fondée sur la démocratie organique, l’écologie et l’égalité de genre.

L’opposition au fascisme, au féodalisme, au patriarcat et à toutes les formes d’oppression nous unifie nous les femmes de différents endroits, de différentes cultures et traditions. Nous sommes venues ici pour être confrontées à ce que cela veut dire de construire un processus révolutionnaire d’y prendre part, et de développer tout ce dont il a besoin en le défendant si besoin est.

Ce n’est pas seulement une défense physique mais aussi une défense idéologique. C’est aussi une révolution de femmes ! Le front contre l’oppression est partout.

Les relations politiques et économiques que toute organisation ou tout état maintient avec la Turquie sont de la même manière responsables de cette situation et de la guerre à venir. Un seul exemple réside dans l’état allemand qui vend des chars à la Turquie et qui maintient une “bonne diplomatie” avec les fascistes. Tout ceci contribue à ce que la Turquie continue sa tradition de coloniser et de massacrer les gens.

En tant qu’internationalistes, nous prenons les armes contre l’état turc également à cause de la collaboration d’autres états dans cette guerre. C’est pour cette raison que nous nous opposons au fascisme de manière plus forte pour défendre la révolution du Rojava. Nous partageons la même lutte avec les peuples kurdes, arabes, assyriens, turkmènes et une grande variété d’autres contre le système étatique, le patriarcat et le capitalisme. Les graines d’une vie libre sont déjà en train d’être semées dans le monde entier. Nous développerons une résistance partout. Nous avons besoin que tout le monde, camarades, se sente responsable, non pas à juste attendre la guerre mais à l’empêcher maintenant ! Le temps est venu de se dresser contre le fascisme ! Nos endroits sont nombreux tout autant que nos méthodes dans cette bataille. Garder le silence veut dire être complice, montrons du doigt nos ennemis et ciblons-les, rendons la situation visible de toutes et tous, organisons-nous, commencez à partager et à disséminer les belles idées qui sont la base fondamentale de cette révolution.

En tant que combattantes internationalistes nous pensons que nous devenons des femmes libres lorsque nous faisons face aux attaques de l’ennemi épaule contre épaule ; nous rappelant tous les camarades qui ont combattu pour la liberté jusqu’à la fin, parmi eux des milliers de femmes, notre réponse à ces menaces est celle-ci: Résistance illimitée !

Leur courage et amour pour la vie est un exemple pour nous toutes alors que nous leur emboitons le pas.

Nous vaincrons !

Longue vie à la lutte des peuples pour la liberté !

Longue vie à la résistance du Rojava et du nord-syrien !

Statement of YPJ international

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Textes complémentaires:

Six textes fondamentaux pour nous aider à  y parvenir, ensemble, à  lire, relire et diffuser sans aucune modération:

 

Guerre impérialiste au Moyen-Orient: Éclairage nécessaire sur les développements récents de la révolution sociale du Rojava

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, colonialisme, démocratie participative, gilets jaunes, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, ingérence et etats-unis, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, politique et social, résistance politique, société des sociétés, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , on 2 janvier 2019 by Résistance 71

Ce texte, initialement publié en allemand, éclaire bien des points demeurées sombres depuis la période 2015-16 et « l’alliance » des Yankees avec les Kurdes. Ce texte sert aussi de mise au point avec ceux qui avaient jeter le bébé avec l’eau du bain concernant la révolution sociale du Rojava. Il montre  qu’il y a eu aussi une divergence au sein des forces kurdes et que les forces proches du PKK et de la révolution sociale n’ont pas perdu le fil de l’enjeu historique, ni n’ont jamais été dupes d’une « alliance tactique » avec l’empire.
De plus ce texte entre parfaitement dans la dynamique de création d’un Réseau de Resistance et de Rébellion International tel que prôné depuis le Chiapas mexicain et la révolution sociale zapatiste.

Il est aussi essentiel de comprendre que le mouvement des Gilets Jaunes en France et les mouvements à venir dans les pays européens font parties de cette dynamique émancipatrice et se doivent de se coordonner pour mettre à bas le système étatico-capitaliste qui nous domine et nous exploite depuis bien trop longtemps maintenant.

Puisse l’année 2019 être l’année de la prise de conscience politique collective et de l’unification des luttes émancipatrices pour que vive une Société des Sociétés organique planétaire.

Voici ce qui nous est dit dans l’excellent petit livre publié par la Commune Internationaliste du Rojava en septembre 2018:
« Les liens entre l’économie de marché, l’exploitation, la destruction de la nature, la guerre et la migration des populations montrent le résultat de ce qui se passe lorsque des systèmes centralisées et hiérarchiques tentent de subjuguer la nature. Une solution qui ignore ces relations, une solution au sein du système existant n’est en rien possible. »

çà vous rappelle quelque chose ?…

~ Résistance 71 ~

 

 

L’impérialisme n’a pas d’amis

 

Peter Schaber 

 

21 décembre 2018

 

du magazine allemand Lower Class Mag

 

source: http://internationalistcommune.com/imperialism-has-no-friends/

 

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

 

Deux stratégies un but: les Etats-Unis et le mouvement kurde en Syrie

an article from lower class mag

La semaine dernière, le président américain Trump a annoncé le retrait des troupes américaines de Syrie (NdT: rappelons que ces troupes étaient sur le sol syrien de manière totalement illégale car non invitée, contrairement aux Russes et autres alliés de la Syrie…), disant que l’EI/Daesh a été battu et que les soldats peuvent maintenant rentrer à la maison, apparaissant de la sorte, toujours aussi confus. Trump a pris cette mesure alors que l’autocrate turc Recep Erdogan intensifiant ses menaces d’annihilation des Kurdes du Rojava, annonçait une nouvelle invasion de la Syrie du nord. Quelques heures plus tôt, nous apprenions que Washington avait accepté de vendre des missiles Patriots à Ankara pour une valeur de 3,5 milliards de dollars, une transaction qui a été sujet à débat depuis bien longtemps. Ainsi, il est apparu qu’un accord compréhensif a été forgé entre les gouvernements de Trump et d’Erdogan. Facile et direct.

Lorsqu’il a fallu évaluer le rôle de l’impérialisme américain en Syrie, alors là bien des commentateurs ont, de manière prévisible, botté en touche. Certains, comme le député allemand du parti de gauche Alexander Neu par exemple, ont pensé que le retrait annoncé par Trump était quelque chose de positif envers la paix. Comme si les Etats-Unis avaient jamais agi contre leurs intérêts sans besoin discernable de le faire !

Des “anti-impérialistes” auto-proclamés dont l’analyse a idéalisé les gouvernements syrien, russe et iranien comme étant altruistes et désintéressés, soutiens du droit international depuis des années, allèrent un pas plus avant, ils souhaitèrent un génocide imminent des Kurdes. N’avaient ils pas averti les Kurdes qu’il n’était jamais bon de coucher avec les Etats-Unis ? Les Kurdes auront ce qu’ils méritent ! Aucun sacrifice de sang n’est assez grand pour les guerriers du clavier si cela peut leur donner raison sur internet ! pourvu, bien entendu, que le sang à payer ne soit pas le leur.

Ceux qui n’ont jamais rien compris à la région ne furent d’ailleurs pas les seuls à s’être plantés. La même chose fut vraie pour bien des soutiens de la révolution du Rojava vociférant depuis le côté plus libéral du spectre politique. Surpris par le vice de nos “amis” américains, ils s’épanchèrent en appels moraux vers les Etats-Unis, comme si les décisions politiques impérialistes dépendaient de la conscience et de l’intégrité.

Le baiser de la mort

Analysons un peu en arrière. Ayant défendu la ville frontalière kurde de Kobané contre l’EI/Daesh, les unités de Protection du Peuple et des Femmes (YPG/YPJ) s’embarquèrent dans une alliance avec des pays étrangers qui étaient aussi intéressés de repousser l’EI. Daesh fut ainsi repoussé peu à peu, ceci occasionna de sévères pertes humaines, spécifiquement au sein des forces kurdes. Alors que la libération des territoires syriens se déroulaient toujours, les Forces Démocratiques Syriennes (FDS) impliquant des membres arabes, assyriens et kurdes au sein de milices, furent mises en place. Les FDS furent référées comme étant “alliées” par les Etats-Unis et dans des proclamations diplomatiques, les FDS décrivirent les Etats-Unis comme étant un “partenaire de valeur”. Il y eut des livraisons d’armes et des soutiens aériens conséquents.

Quoi qu’il en soit, les parties les plus politiquement conscientes de la résistance kurde, c’est à dire ceux s’orientant vers les idées défendues par le Parti des Ouvriers Kurdes (PKK), ne se firent absolument aucune illusion sur cette alliance et ce depuis le départ. Ce fut une “alliance tactique”, dirent-ils, étant parfaitement conscients que les Etats-Unis et le mouvement kurde se situaient à l’opposé des objectifs poursuivis. En janvier 2018, un combattant guerillero kurde influent, Riza Altun, insista une fois de plus sur le fait que “nous sommes engagés dans une lutte anti-impérialiste. Une force anti-impérialiste ne peut pas dire que des impérialistes l’ont trahi.

Tout comme l’impérialisme mondialiste et les états hégémoniques régionaux représentent leur propre position stratégique, le paradigme politique créé par les Kurdes [du Rojava] représente leur ligne claire et leur position bien distincte.

Cette déclaration ne fut jamais suffisante pour les anti-impérialistes en fauteuil. Furieusement, ils combattirent la seule guerre qu’ils aient jamais connue: celle de l’internet. Pour eux, les Kurdes furent des traîtres et des petits soldats de l’impérialisme et ils leur firent savoir sur Facebook et dans des posts de blogs. Mais en fait, Les grandes gueules de l’internet n’eurent même pas à le prendre du PKK, qui incidemment a combattu l’OTAN au Moyen-Orient pendant 40 ans. Il aurait juste fallu savoir ce que l’impérialisme américain avait à dire au sujet de leurs intérêts en regard de cette alliance déséquilibrée. Des articles innombrables publiés par des think-tanks durant les présidences à la fois d’Obama et de Trump en formulent une stratégie claire: Les Etats-Unis doivent s’impliquer dans une double stratégie. Les institutions kurdes du nord de la Syrie doivent être compromises et cooptées par le moyen de concessions et de coercition indirecte (comme par exemple au moyen d’une augmentation des menaces turques). Dans le même temps, la Turquie doit être soutenue dans son combat contre le PKK.

Le but était de retourner le mouvement kurde en une entité par procuration des Etats-Unis de la même manière que le mouvement kurde régional d’extrême-droite irakien de Maoud Barzani. Mais pour y parvenir, il faudra éliminer ou du moins aliéner la colonne vertébrale politique et idéologique du mouvement, à savoir le PKK et sa guérilla de montagnes. Si cette stratégie était couronnée de succès, il n’y aurait même pas besoin d’envahir le Rojava pour y détruire la révolution. Le baiser de la mort des Etats-Unis et de leur impérialisme l’aurait rendue complètement aliénée de ses idées fondatrices et ne serait en rien différente des autres sphères d’influence du Moyen-Orient.

Annihilation militaire

Au début de sa présidence, Donald Trump poursuivit également cette stratégie. Au moins depuis la libération de Raqqa néanmoins, il a transpiré que Washington pourrait opter pour une voie différente pour imposer ses intérêts. Le retour à son vieil allié de confiance, la Turquie, a joué un rôle majeur dans tout ceci, sans doute aussi parce qu’Ankara paraît être en bonne position. Erdogan a savamment exploité le besoin de la Russie de protéger son flanc sud et de contrôler une partie de l’opposition djihadiste armée. Pour Moscou, il fut fondamentalement plus important d’aliéner la Turquie de l’OTAN que de “protéger l’intégrité du territoire syrien”, telle fut la réthorique récitée par la Russie et ses groupies de gauche.

Les antagonismes entre Moscou et Washington qu’Erdogan exploita si finement, furent la raison du pourquoi l’invasion turque de la province nord de la Syrie à Afrin fut tolérée par les deux grandes puissances au début de 2018. A ce moment au plus tard, l’alliance tactique entre les Etats-Unis et le mouvement kurde toucha essentiellement à sa fin.

Naturellement, le côté kurde essaya de maintenir l’alliance aussi longtemps que possible. D’abord, parce que cela faisait plier le désir d’Ankara de l’annihiler ; secundo, parce que la protection aérienne permettait au mouvement kurde de ménager ses forces militaires dans sa lutte contre l’EI/Daesh. Dans le même temps, les Etats-Unis arrêtèrent de manière croissante de camoufler le fait que le temps de leur “partenariat” supposé était imparti. Un haut-cadre du mouvement kurde, Zekî Sengalî, fut la victime d’un assassinat par la Turquie et les Etats-Unis dans les montagnes de Sindjar. Les Etats-Unis mirent à prix les têtes de trois cadres du PKK. La Turquie bombarda le camp de réfugiés de Makhmour. Tout ceci fut le signe avant-coureur de la remise actuelle du nord de la Syrie à la Turquie.

L’annonce du retrait militaire US par Trump, dans le même temps, envoie un signal stratégique très clair: Les troupes américaines n’entendent plus sécuriser ses sphères d’influence en cooptant le mouvement kurde et ses alliés arabes, mais le confronter directement au moyen de son partenaire de l’OTAN, la Turquie. Ceci en revanche ne peut réussir que si les YPG/YPJ sont militairement vaincues Ankara veut s’assurer de cela en commettant un génocide ou du moins en nettoyant ethniquement les zones géographiques relevantes, c’est à dire en déplaçant les populations kurdes. L’idée est de refaire le plan d’Afrin dans les autres cantons du nord-syrien, Jazira et Kobané. Ainsi, la région sera conquise par une coalition des forces armées turques et des dizaines de milliers de djihadistes, puis sera mise sous le contrôle administratif d’Ankara. Pillages, assassinats, viols seront les outils et compagnons de ce processus.

Le facteur subjectif

Le fait que les Etats-Unis font maintenant ce que le PKK a toujours prédit qu’ils feraient ne rend pas pour autant mauvaise cette alliance tactique, ceci ne veut pas non plus dire que tout est perdu. En premier lieu, le retrait US veut dire que les conditions géopolitiques changent. Damas peut être un peu concernée par une zone protégée turque des anciens combattants de l’EI, des groupes d’Al Qaïda et les djihadistes d’usage du nord de la Syrie. De plus, il convient de voir comment réagira la Russie lorsqu’elle réalisera que les petites fissures dans la relation turco-américaine à l’épreuve du temps, ont maintenant été fixées.

Ce qui nous importe le plus, c’est qu’une focalisation géopolitique sur l’équilibre des forces seule n’est jamais suffisante. Politiquement et militairement, le mouvement kurde est un facteur autonome très fort. Il est profondément ancré dans la population et a des millions de supporteurs. Il se prépare pour la défense de ses territoires, de plus le PKK a déjà annoncé que chaque attaque trouvera également sa réponse en territoire turc. Les gains présents ne seront pas abandonnés sans lutter. Quant à nous en occident, nous ne devons pas céder à la résignation ni au désespoir.

Nos amis kurdes nous on dit encore et toujours que les forces de gauche, socialistes et démocratiques internationales sont leurs partenaires stratégiques dans la longue durée. Faisant partie de ces forces, notre tâche est maintenant de porter la lutte dans les pays où nous vivons afin de défendre la révolution sociale du Rojava. Même si nous ne nous en sentons pas la capacité, ceci demeure notre tâche. Personne ne le fera pour nous. Dans les jours et mois à venir, chaque acte public, chaque manifestation, chaque campagne si mineure soit-elle, ont leur importance. Ceci est le travail sur lequel nous devons maintenant nous focaliser ; il est futile de regretter ou de se demander pourquoi ceux qui ne furent jamais nos “amis” ont maintenant cessé d’être nos “amis” aux yeux de tous.

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Textes complémentaires:

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Abdullah-Ocalan-Confederalisme-democratique

Effondrer le colonialisme

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Résistance politique: La trahison et l’usurpation du Confédéralisme Démocratique au Rojava ne condamnent pas le mouvement, juste les traîtres responsables…

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De bonnes choses dans cette analyse du RV (Meyssan ?…) que nous reproduisons ci-dessous, mais il y a un paragraphe que nous nous devons de commenter pour rétablir un équilibre et une réalité des choses. Voici ce qui est dit dans l’analyse:
“Identiquement, l’idéologie du « Rojava », l’anarchisme, est un habillage visant à la fois à faire oublier le retournement du PKK marxiste-léniniste en un instrument de l’Otan, et à le rendre sympathique aux Occidentaux.”
Péremptoirement il y est dit que “l’anarchisme” est un “instrument de l’OTAN”. Ce type de jugement à l’emporter-pièce est typique de personnes étant en mission de diabolisation au profit du dogme prévalent, celui de l’étatisme forcené. Cette affirmation est fausse. Dans un premier temps l’”anarchisme” est bien antérieur à l’OTAN, cette Organisation Terroriste de l’Atlantique Nord, née après la seconde guerre mondiale, mais plus précisément dans le cas du Rojava, il convient de lire les deux textes régissant l’expérience sociale du Rojava pour se rendre compte qu’ils n’ont rien à voir l’un avec l’autre. Le premier est celui qui établit la voie du Rojava telle qu’envisagée par Abdullah Ocalan le leader du PKK, prisonnier politique dans une prison de haute sécurité turque et qui avait écrit en 2011 son “Manifeste pour le Confédéralisme Démocratique”. Sans doute avait-il envisagé ce qui allait suivre, sa trahison et laissait ainsi à la postérité un écrit de ce qu’il devait être et comment il fut mis en place dans un premier temps. Depuis 2016, est mis en place au Rojava, un système proto-étatique régit par la fumisterie totale du second texte qu’est la “Charte du Rojava” et son soi-disant “contrat-social”, manifestement pondu par la bureaucratie de Washington. Ce “contrat social du Rojava” est une trahison éhontée du Confédéralisme Démocratique mis en place au Rojava avant la guerre impérialiste par proxy qui s’y déroule depuis 2011, Confédéralisme Démocratique qui est demeuré fonctionnel jusqu’à sans doute la fin 2015. Il ne fait que mettre en place un proto-état ayant les mêmes caractéristiques à quelques nuances exotiques près, que n’importe laquelle de nos parodies de démocratie représentative occidentale à dictature de la majorité.
Alors, oui le Rojava sous le “contrat social” édicté par les yankees depuis 2016 est devenu un allié de l’empire, des sbires ont trahi et ont vendu le projet à l’empire dans l’espoir de récompenses futures et pour faire du Rojava un clone du pseudo-Kurdistan de la mafia Barzani en Irak, marionnette de la CIA et de l’empire. C’est du reste manifestement le but: corrompre l’affaire pour en faire un “protectorat” mafieux “à la Barzani” avec une clique locale inféodée à l’empire, qui pourra être connectée au mini-royaume mafieux du nord de l’Irak. Nous sommes là très loin du CD prôné et mis en place par les suiveurs d’Ocalan pendant une petite dizaine d’année.
Le Confédéralisme Démocratique a été trahi, infiltré et corrompu, c’est une certitude, mais il ne fut en rien “un projet de l’OTAN ou de la CIA” dès sa création comme Meyssan essaie de le faire croire en affirmant sans preuve, qu’Ocalan travaille pour la CIA depuis sa prison insulaire de HS. Meyssan allie dans cette affaire, la véritable info à l’intox, ici dans le but de discréditer un mouvement social inspiré de l’Idée de la société anarchiste, adaptée aux conditions socio-culturelles locales, qui fait véritablement peur au système étatique et on comprend pourquoi en le lisant, notamment dans sa partie finale qui envisage son extension à toute la région moyen-orientale non pas par la coercition, mais par la persuasion d’un modèle émancipateur réellement fonctionnel et non pas un ersatz de démocratie représentative qui pue l’arnaque impérialiste à 50km à la ronde.
Le Confédéralisme Démocratique est hautement subversif tandis que “le contrat social du Rojava” n’est qu’une énième resucée de la fange étatico-capitaliste et de sa mascarade représentative. Les deux ne peuvent en aucun cas être assimilés, ils sont le jour et la nuit, il suffit de lire les textes l’un après l’autre pour s’en rendre compte en toute bonne foi. Ne pas reconnaître ce fait, induire volontairement les gens en erreur de la sorte fait perdre à Meyssan une partie de sa crédibilité, surtout cela expose au grand jour son parti-pris et montre bien, à terme,  pour qui il pédale. Il est sûr que ce n’est ni de lui ni de ce qu’il représente que viendra la solution au marasme de l’État, ce cancer social dont il faut pourtant nous débarrasser et le plus tôt étant le mieux.
Pour le reste de l’article, il est informatif et montre une fois de plus l’implication des états occidentaux terroristes, dont la France fait partie, dans les guerres impérialistes menées pour leurs maîtres banquiers de la City de Londres.
~ Résistance 71 ~

 

La France renvoie des troupes en Syrie

 

Réseau Voltaire

 

30 mars 2018

 

url de l’article original:

http://www.voltairenet.org/article200397.html

 

Le 29 mars 2018, le président Emmanuel Macron a reçu à une délégation des Forces démocratiques de Syrie. Selon « l’ambassadeur » du « Rojava » à Paris, Khaled Issa, il a annoncé que la France envoie des troupes à Manbij (Syrie).

Les Forces démocratiques de Syrie sont un habillage du PYD, le parti des kurdes pro-atlantistes de Syrie. Pour la forme, la délégation était composée à part égale d’arabes et de kurdes, bien que sur le terrain les FDS soient presque exclusivement des membres du PYD sous encadrement états-unien. Selon l’Élysée, le président Macron a rappelé que la France considérait le PKK turc comme une organisation terroriste, bien que, dans les faits, le PYD soit une excroissance du PKK.

Identiquement, l’idéologie du « Rojava », l’anarchisme, est un habillage visant à la fois à faire oublier le retournement du PKK marxiste-léniniste en un instrument de l’Otan, et à le rendre sympathique aux Occidentaux.

Les Forces spéciales françaises qui étaient présentes dans la ghouta orientale ont été exfiltrées sur ordre du numéro 2 de l’Onu, le faucon Jeffrey Feltman, dans des voitures diplomatiques des Nations unies vers le Liban. Elles seront de retour, plus nombreuses, au Nord de la Syrie. Si leur présence dans la banlieue de Damas était un secret de polichinelle, leur arrivée à Manbij est officieuse, dans la mesure où elle a été annoncée par le PYD, mais non confirmée par l’Élysée.

La présence militaire française est illégale au regard du droit international. Elle est permanente depuis le début de la guerre, en 2011, à l’exception des trois mois de la fin du mandat Sarkozy, soit la période allant de la libération de Baba Amr (Homs) à la conférence des Amis de la Syrie à Paris.

La France d’Emmanuel Macron semble abandonner son soutien aux jihadistes d’al-Qaïda pour se concentrer sur la création d’un « Kurdistan » en territoire arabe, le « Rojava ».

Aux conférences de Versailles (1918) et de Sèvres (1920), les États-Unis soutinrent la création d’un État indépendant pour les populations nomades (« kurdes ») de la vallée de l’Euphrate qui s’étaient sédentarisée en Anatolie après y avoir massacré les chrétiens arméniens (le génocide du sultan Abdulhamid II, puis des Jeunes Turcs). Depuis au moins 1921, la France a repris la revendication d’un État pour les kurdes, mais plus en Turquie.

Les bureaux du « Rojava » à Paris sont aimablement prêtés par Bruno Ledoux, un richissime propriétaire de presse (Libération, L’Express, i24news…) lié à Israël.

Que se passe t’il au Rojava ? Le Confédéralisme Démocratique y est-il trahi ?

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“Le confédéralisme démocratique est le paradigme contrasté du peuple opprimé. Le confédéralisme démocratique est un paradigme social non-étatique. Il n’est aucunement contrôlé par un état. Dans le même temps, il est le modèle d’organisation culturel d’une nation démocratique.”

“Le confédéralisme démocratique est fondé sur la participation de la base du peuple. Ses processus de décision reposent sur les communautés. Les plus hauts niveaux de représentation ne servent uniquement qu’à la coordination et la mise en application de la décision des communautés qui envoient des délégués dans les assemblées générales.

~ Abdullah Ocalan ~

 

Lire notre dossier Rojava et notre traduction du “Manifeste du Confédéralisme Démocratique”

Merci à « Bertrand / La Cariatide »

 

Que se passe t’il au Rojava ?

 

Résistance 71

 

15 septembre 2017

 

La révolution sociale du Rojava est-elle en train d’être assassinée par l’empire ?…

Bref récapitualtion pour ceux qui prendraient le train en marche: le Rojava est la province du nord de la Syrie où vit une conséquente population kurde. Sous l’influence politique de transfuges du PKK (Parti Ouvrier Kurde) turc, les Kurdes de Syrie se sont regroupés de manière autonome en appliquant depuis déjà une dizaine d’années un modèle de société égalitaire, géré sur le modèle du Confédéralisme Démocratique (CD, dont l’analyse et le plan général fut écrit en 2011 par le leader du PKK, emprisonné en Turquie: Abdullah Ocalan) et de ses assemblées populaires.

La mise en pratique du CD s’est amplifiée dans la région du Rojava depuis les débuts de l’agression par procuration de l’empire occidental et ses alliés régionaux (Turquie, Jordanie, Israël, Qatar, Arabie Saoudite) sur le peuple syrien afin de s’emparer des ressources naturelles du pays et contrôler l’acheminement du gaz qatari (Exxon-Mobil) vers l’Europe. Ainsi depuis 2012, les milices combattantes de la province autonome kurde du Rojava ont combattu les incursions de l’EIIL (Daesh), libérées les populations Yézidis dans les montagnes des massacres à leur encontre perpétrés par les “djihadistes” de l’armée mercenaire de l’OTAN qu’est Daesh, repoussées les assauts de ces mêmes mercenaires sur la ville principale de Kobané et maintenues actifs les modes de fonctionnements de la société autonome, autogérée et égalitaire mise en place au Rojava par ses populations depuis 2004.

Le CD est le résultat de la profonde réflexion politique d’Abdullah Ocalan, qui à la fin des années 1990 abandonna, ainsi que le PKK, peu à peu l’idéologie marxiste-léniniste ne pouvant mener qu’à la dictature du capitalisme d’état, pour adopter un mode organisationnel directement inspiré du communalisme écologique et municipalisme libertaire, pensé par l’ex-marxiste devenu anarchiste Murray Bookchin et soutenu par sa compagne Janet Biehl, qui s’est rendue au Rojava à plusieurs reprises. Le CD, tel qu’envisagé par Ocalan, est une société fondée sur l’association libre confédérée des communes, où les décisions politiques et économiques sont prises par les conseils et assemblées populaires et où les délégués n’ont aucun pouvoir, seulement le mandat d’expliquer et d’écouter pour rendre compte.

Les circonstances de la guerre en Syrie et les interactions multiples auxquelles ont dû faire face les communautés avec les différents intervenants, a rendu nécessaire la mise en place d’une entité de “communication” issue d’un parti le PYD (2003), branche du PKK turc au Rojava. Techniquement, les cadres du PYD rendent des comptes aux assemblées populaires de leur lieu de fonction.

Avec la poussée et incrustation américaine dans le nord de la Syrie depuis 2015, le Rojava a décidé en 2016 de se donner une constitution de 96 articles, appelée “Contrat Social du Rojava”, qui a été provisoirement mis en application et qui doit être ratifié par une assemblée constituante cette année.

Or, lorsqu’on lit ce “contrat social” du Rojava (2016) après avoir lu le “Manifeste pour un Confédéralisme Démocratique” d’A. Ocalan (2011), on se rend très vite compte que le “contrat social” émergeant n’est en rien issus du modèle de CD tel que l’a pensé son fondateur et tel qu’il fut mis en pratique sur le terrain du Rojava, dans les communes autonomes, depuis plus de 10 ans et surtout depuis 2011. Il s’agit en fait de la constitution d’un état sur un modèle occidental centralisé, bien sûr édulcoré et mis au “goût local” avec ses provisions pour la multi-ethnicité et le féminisme, bonnes choses en elles-mêmes, mais noyées dans une structure d’assemblée législative aux mandats non révocables de 4 ans, avec un contrôle de la dite assemblée par un comité soi-disant indépendant mais… néanmoins nommé par l’assemblée, avec des gouverneurs nommés, des commissions, ces conseils supérieurs de l’exécutif, judiciaire, aucune mention faite aux assemblées populaires ; bref à notre sens, une véritable mascarade qui ne mènera à terme qu’à l’établissement d’un état kurde, d’un “Kurdistan Occidental”, sur un modèle politique hiérarchique classique dit “pyramidal”, qui verra les décisions à terme, être prises en haut pour redescendre et être appliquées “en bas”.

De fait, le “contrat social” du Rojava est si éloigné du “Manifeste pour un CD” d’Ocalan, qu’on peut légitimement se demander s’il n’a pas été pondu dans les burlingues de Washington par quelques juristes impérialistes à la solde. Pourquoi donc ?

La vaste région historique du “Kurdistan” s’étale en fait sur 4 pays et leurs frontières modernes: la Turquie (ex-empire Ottoman défait en 1918), la Syrie (dont les frontières modernes sont le résultat du détricotage de l’empire Ottoman au profit de deux autres empires: l’anglais et le français de l’époque), l’Irak (ex-empire Ottoman) et l’Iran et possède sa population endémique à l’endroit depuis le néolithique. Cette région de nos jours est toujours l’enjeu du grand cirque du contrôle géopolitique entre les “grandes puissances” pour des raison d’accès, de communication, de ressources naturelles (gaz et pétrole) et de contrôle des populations au profit de l’entité coloniale sioniste locale. La guerre par procuration en Syrie fait partie d’un aussi vaste projet de déstabilisation de la région au profit de l’empire anglo-américano-sioniste et de ses satellites ; depuis 2011, l’empire y utilise, ainsi qu’en Irak, son armée mercenaire djihadiste de l’EIIL ou Daesh, Ne pouvant évincer militairement le régime de Damas, aidé par la Russie, l’Iran et le Hezbollah, l’empire s’est résolu à une partition de la Syrie, concertée avec ses alliés. Le but de l’empire est de contrôler un couloir de terres allant de l’Iran à la Méditerranée, celui-ci passe par les Kurdistans irakien et syrien. L’affaire se complique dans la mesure où le Kurdistan indépendant irakien n’a absolument rien à voir avec le CD du Rojava. Le Kurdistan irakien est géré depuis l’après Saddam Hussein par un chef de guerre mafieux local du nom de Barzani. Le but de l’empire est de lier les deux entités kurdes du nord. Ceci n’est pas possible dans le contexte du CD, il faut donc court-circuiter le système démocratique en place et y mettre ses pions corrompus qui à terme, s’allieront avec les Kurdes d’Irak.

C’est le but non avoué de cette “constitution / contrat social” de mascarade pour entériner un “sous-état” kurde au nord de la Syrie, sous contrôle de l’empire, qui y installera ses bases militaires et contrôlera les ressources pétrolières via la mafia locale à y établir comme ce fut fait au Kurdistan irakien.

De fait, il devient assez clair que le Confédéralisme Démocratique du Rojava a été trahi, et se retrouve étouffé pas à pas jusqu’à son estompage total au fil du temps au profit d’en entité étatique dont il sera aisé de faire varier le degré de dictature comme dans tout état existant, le tout au profit des intérêts impérialistes et coloniaux occidentaux dans la région. Ceci fait partie du plan impérialiste de partition de la Syrie, état moderne résultant lui-même d’un précédent détricotage colonial et aux “frontières” factices tout comme les états voisins.

Peu d’information filtre depuis l’an dernier du Rojava. Nous avons soutenu et soutenons la véritable initiative du  CD du Rojava depuis quelques années et pensons qu’elle devrait être considérée par le peuple syrien et tous les peuples de la région, arabes, turc, assyrien, arménien et autres comme le mode d’interaction et d’organisation sociales pour l’avenir. Puissent les peuples du monde en venir à considérer ces expériences du Rojava, du Chiapas, et celles à plus petite échelle comme à plus grande, comme expériences politiques d’intérêt à adapter dans et pour chaque société. Au demeurant, il nous est impossible de soutenir l’initiative fantoche du “contrat social” du Rojava tel qu’il est mis en place aujourd’hui et qui ne peut mener à terme qu’à l’étatisation, à la centralisation définitive du système politique et économique de cette région qui se veut autonome et sans État et qui verrouillera le peuple de nouveau dans un système à pouvoir divisé, oligarchique et coercitif, principe de la dictature à géométrie variable constitutif de tout état.

Nous remercions en cette occasion de mise au point un de nos lecteurs et commentateur assidu, “La Cariatide / Bertand”, qui par son titillement critique nous a incité à revisiter cette affaire du Rojava au sujet de laquelle les infos fiables se faisaient de plus en plus rares… et pour cause… Ce qui nous laissa assoupis dans ce secteur d’analyse.

C’est en prenant le temps de lire les textes officiels, que peu de gens lisent en fait, qu’on apprend les choses qui permettent, avec le recul nécessaire, de se forger un avis critique.

En l’occurence, nous révisons notre positon sur le Rojava en affirmant toujours avec passion: Vive le Rojava du véritable confédéralisme démocratique ! et dans le même temps: Non à la mascarade étatique pro-impérialiste du “contrat social du Rojava”, trahison dans le fond et dans la forme, sous l’égide yankee, du confédéralisme démocratique tel qu’il a été pensé et doit continuer à être mis en application pour et par le peuple constitué en assemblées populaires seules habilitées à la prise de décision depuis la base, localement, régionalement et confédérativement !

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confederalisme_democratique (Version PDF en français)

Résistance politique et changement de paradigme… Rojava kurde de l’intérieur: entretien avec deux anarchistes allemands

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A lire:

Notre dossier sur le Rojava et la révolution sociale kurde

« Le confédéralisme démocratique » (Abdullah Ocalan, 2011)

Un exemple de « Charte confédérative » (Michel Bakounine, 1895)

~ Résistance 71 ~

 

“Au sein de la révolution kurde”, entretien avec des anarchistes allemands

 

La Voie du Jaguar

 

11 juin 2017

 

url de l’article en français:

http://www.lavoiedujaguar.net/Au-sein-de-la-revolution-kurde 

 

Depuis leur victorieuse défense de Kobané contre Daech en 2014, le mouvement de résistance kurde — en particulier le YPG (la milice des hommes) et le YPJ (la milice des femmes) — a retenu l’attention des médias internationaux. Durant cette même période, leur expérience dans la constitution d’une société apatride dans les cantons autonomes du Rojava a fasciné les anarchistes à travers le monde. Cependant, afin de comprendre la résistance kurde du Rojava (Kurdistan de l’Ouest), il est nécessaire d’avoir une vision plus large des luttes pour la liberté et l’autonomie dans la région.

Compte rendu d’un entretien mené en 2015 en Allemagne avec deux membres d’un réseau anarchiste international qui ont passé du temps au Bakur (Kurdistan du Nord), leur permettant ainsi d’en apprendre plus sur les luttes se déroulant là-bas. Leur récit débute par un rappel historique sur l’émergence du mouvement kurde et du « nouveau modèle » adopté par le PKK au cours de la dernière décennie. Ensuite, ils décrivent en quoi leurs expériences au Kurdistan ont changé leur compréhension des luttes anarchistes en d’autres points du globe.

Pourriez-vous nous donner le contexte historique de l’émergence du mouvement kurde et décrire les luttes qui se déroulent aujourd’hui au Bakur (Kurdistan du Nord) ?

Eh bien, l’histoire commence il y a très longtemps avec des gens assis autour d’un feu en Haute Mésopotamie. Il y a environ quatre mille trois cents ans, une nouvelle structure sociétale commence à se mettre en place au Moyen-Orient, une forme très vigoureuse d’organisation sociale qui ébranle les anciennes structures communautaires en place : l’État des prêtres sumériens. Le processus historique ayant mené à la révolution du Rojava ne peut être compris sans la reconnaissance de la longue tradition de résistance et de soulèvements dans les régions kurdes se situant autour des chaînes montagneuses de Zagros et Tauros. Il s’agit probablement de la première région ayant été l’objet d’une colonisation par le système étatique, alors en formation et dont les racines se situent en Basse Mésopotamie (aujourd’hui le Nord-Irak, et qui est également l’ancêtre de l’État tel que nous le connaissons aujourd’hui en Occident). Le PKK et le mouvement kurde s’inscrivent dans cette longue tradition de résistance antigouvernementale et se définissent comme la 29e insurrection kurde dans l’histoire. Les régions kurdes se sont toujours trouvées aux abords d’empires puissants et ont été confrontées à des attaques par quasiment chacune des structures impériales qui ont émergé dans la région depuis quelques milliers d’années. Grâce au terrain montagneux et au mode d’organisation sociétale décentralisée adopté dans les villages par les Kurdes, ces régions n’ont jamais été totalement conquises ou assimilées. En conséquence, depuis des millénaires ils ont dû faire face à des efforts des puissances étrangères pour conquérir leur territoire et nommer des élites kurdes sous un mode féodal afin d’assurer l’obéissance et empêcher (ou tout du moins isoler) toute forme de rébellion.

Si nous avançons rapidement jusqu’au XXe siècle, nous voyons que ces dynamiques sont toujours d’actualité lorsque émerge le système d’États-nations. L’État turc a été fondé en 1923 à la suite de l’effondrement de l’Empire ottoman, lequel avait dirigé les territoires kurdes situés à l’est mais leur avait cependant accordé une indépendance culturelle et même politique. Durant la Première Guerre mondiale, les Ottomans s’étaient alliés avec les Empires centraux, établissant des liens politiques et idéologiques particuliers avec l’Allemagne, liens qui subsistent encore aujourd’hui. Après la défaite des Empires centraux et l’effondrement de l’Empire ottoman, les groupes nationalistes turcs ont combattu pour leur propre État. Depuis sa fondation, l’idéologie de ce nouvel État était de ce fait ultranationaliste. Ils ont proclamé la Turquie comme étant un État pour tous les Turcs et défini les personnes vivant à l’intérieur de ses frontières comme faisant partie de la grande nation turque, liant ainsi l’État à un sentiment de supériorité ethnique. En conséquence, toutes les personnes revendiquant une origine ethnique ou identité différente, que ce soient les Assyriens, les Arméniens, les Kurdes ou autres, étaient traitées comme des traitres et des terroristes séparatistes. Jusque dans les années 1990, le kurde et tout autre langage autre que le turc étaient officiellement interdits en Turquie — non seulement au niveau de l’appareil d’État mais également dans la sphère privée.

Nous faisons référence à toute cette histoire car il est important de comprendre l’âpreté des conditions dans lesquelles a été fondé le Partiya Karkeren Kurdistan (PKK), le Parti des travailleurs du Kurdistan. Le mouvement kurde contemporain est apparu lors de la révolte des jeunes de 1968 en Turquie, où le principe révolutionnaire se répandait par le biais des organisations socialistes, des étudiants radicaux, des travailleurs et des paysans. Dans les années 1970, un groupe d’amis kurdes et turcs s’est retrouvé à Ankara autour d’Abdullah Öcalan, de Kemal Pir, de Haki Karer et d’autres ; ces amis ont commencé à discuter de la question kurde au travers d’un prisme révolutionnaire. Une de leurs principales idées était que le Kurdistan était une colonie interne et devait être libérée de l’oppression coloniale afin d’y mettre en place l’utopie socialiste. Le PKK fut ainsi fondé en 1978 et il a été organisé autour de préceptes issus de la théorie marxiste-léniniste. Sous ce « vieux principe » comme ils l’appellent aujourd’hui, le PKK avait pour but d’établir une avancée politique et de commencer une guerre révolutionnaire afin de libérer les territoires kurdes et d’y établir un État kurde, lequel serait ensuite utilisé pour instaurer le socialisme.

Dans le climat fortement oppressant de la Turquie des années 1970, beaucoup n’attendaient que la possibilité de se battre pour une vie meilleure et la stratégie ainsi que la conviction du PKK se répandirent rapidement. En 1984, ils ont commencé une guérilla qui s’est transformée en une violente guerre civile. La guérilla s’est attiré un considérable soutien au sein de la société ; d’ailleurs dans beaucoup de régions il n’était pas possible de la séparer de la population dans son ensemble. En guise de réponse, l’armée turque, la police militaire ainsi que les services secrets ont mis en place des campagnes de représailles pour combattre les rebelles et intimider la population. Sous les auspices du programme anticommuniste « Gladio » supporté par l’OTAN, ils ont détruit quatre mille villages et tué plus de quarante mille personnes.

À la suite de ce bain de sang, le mouvement de libération kurde a commencé un processus de réflexion et d’autocritique au début des années 1990. En plus d’être confrontée à une violente répression menée par l’État et des groupes paramilitaires, la guérilla était minée par des problèmes internes, certains leaders du PKK se comportant comme des seigneurs de guerre avec une logique militaire fondée sur la vengeance sanguinaire. Il était devenu clair qu’une simple lutte militaire ne résoudrait rien. Le « vieux principe » avait mené à une guerre implacable et ne pourrait jamais répondre aux problèmes sociaux dans les territoires kurdes ni les défendre efficacement contre les menaces extérieures. Le PKK a déclaré unilatéralement un cessez-le-feu en 1993, mettant fin à la guerre civile afin de créer un espace au mouvement pour qu’il puisse formuler un nouveau concept amenant à une transformation sociétale. Le mouvement kurde a fait face à beaucoup de revers et de défis pendant ce processus de réflexion : efforts répétés de l’État turc pour provoquer des situations susceptibles de mener à une nouvelle guerre civile, kidnapping et emprisonnement du leader du PKK Abdullah Öcalan et ascension de partis kurdes avec un mode de fonctionnement de type féodal, tel que le clan Barzani au Nord-Irak. Malgré ces défis, entre 1993 et 2005, le mouvement kurde a développé ce qu’ils appellent aujourd’hui le « nouveau principe », lequel changerait profondément la stratégie et les objectifs du mouvement kurde.

Un souffle important vers un processus de changement interne est venu du mouvement des femmes kurdes. Des milliers de femmes ont rejoint les forces de la guérilla pendant la guerre civile. Souvent, elles se sont retrouvées en conflit avec des commandants démodés qui ont tenté de les maintenir dans des rôles sexuels traditionnels et de ne pas les traiter de manière égale. En réponse, elles ont établi des groupes de guérilla féminins complètement autonomes, ce qui était un acte tout à fait révolutionnaire dans leur contexte culturel. Elles ont repris le droit de combattre dans la bataille et se sont organisées par elles-mêmes, au sein du mouvement, mais en prenant leurs propres décisions de manière autonome. Comme nos amis nous ont dit, il y avait aussi une différence dans leur façon de combattre : dans les unités masculines ou mixtes, le comportement compétitif persistait, héritage de plusieurs générations de la société hiérarchique qui, à ce jour, constitue toujours un problème. La dynamique chez les combattantes était moins compétitive que parmi leurs collègues masculins ; nous pouvons voir des preuves à cet effet dans le nombre de combattants tombés au front. La plupart des victimes ont eu lieu lors de retours de mission, où l’attitude d’effronterie et de fierté victorieuse chez les combattants masculins était très courante. En revanche, dans les unités de femmes, leur vigilance tendait à être à plus long terme, et leurs combattantes se sont révélées être moins vulnérables en raison de cet excès de confiance potentiellement mortel.

En plus des unités militaires autonomes, les femmes kurdes ont également formé des comités sociaux et politiques pour discuter du problème de l’oppression patriarcale. Aujourd’hui, la tête dirigeante du mouvement des femmes est le Komalen Jinen Kurdistan (KJK), la Confédération des femmes au Kurdistan, qui fait partie du KCK, la confédération générale, mais prend des décisions de manière autonome. En outre, le mouvement des femmes maintient un droit de veto sur les décisions prises par des groupes d’hommes ou des assemblées générales. Sous leur influence, le mouvement kurde a contesté les schémas patriarcaux et hiérarchiques enchâssés depuis longtemps dans leurs modèles d’organisation.

Le processus de changement vers un nouveau paradigme a également été poussé de l’avant par une aile idéologique au sein du PKK formée autour de leur président Abdullah Öcalan, qui a avancé l’idée de confédéralisme démocratique après avoir entrepris une analyse historique approfondie du système hiérarchique du Moyen-Orient, voire au-delà de ce territoire. Il a souligné que les problèmes de pouvoir, d’oppression et de violence ont émergé du processus historique de civilisation lui-même, à commencer par les anciens États prêtres sumériens qui avaient précédé et qui, initialement, représentaient un défi pour l’adoption de formes plus égalitaires, souvent matriarcales, d’organisation sociale. Les problèmes d’oppression, de guerre et de quête du pouvoir sont liés à l’institutionnalisation des relations patriarcales dans les structures de l’État ainsi que dans le sacerdoce. Le système capitaliste, l’État-nation et l’industrialisme sont des concepts ayant évolué sur ces modes hiérarchiques et ayant été dominés par des modes de pensée masculine. Öcalan a également mis en relief les idées de l’anarchiste américain Murray Bookchin qui a réalisé une analyse du potentiel utopique du confédéralisme démocratique où il soulignait l’importance d’adopter un nouveau paradigme écologique, démocratique et libéré des rôles sexuels traditionnels. Au centre de la conception de ce « nouveau paradigme » du PKK se trouvait l’idée de communalisme, où chaque partie de la société devrait s’organiser et se rassembler dans une confédération communautaire décentralisée.

Inspiré par ce nouveau paradigme, le Komalen Ciwaken Kurdistan (KCK), la Confédération des sociétés du Kurdistan, a été fondée en 2005.On y retrouve, à sa base, un système de conseils dans les quartiers, les villages et les villes, servant de puissant contre-pouvoir civil afin de favoriser le développement de l’autonomie de l’État-nation et de l’économie capitaliste. Le KCK forme le noyau principal du système de conseils dans le Kurdistan, y compris les délégués de toutes les régions kurdes participantes. Ils élisent un organe exécutif dont le mandat est de travailler sur des questions importantes pour toutes les régions, comme la représentation diplomatique au niveau mondial, des propositions idéologiques et stratégiques et des questions de défense. Ils administrent également des Forces de défense populaires (HPG) comprenant les ailes armées de toutes les parties du mouvement. Au cours de la dernière décennie, malgré de lourdes conditions de répression et de guerre, le mouvement dans le nord du Kurdistan a créé des structures pour une société démocratique, écologique et libérée des rôles sexuels traditionnels.

Comme le KCK, qui englobe les structures de l’autonomie démocratique dans le Kurdistan, le Demokratik Toplum Kongresi (DTK), le Congrès de la société démocratique, comprend le système de conseils dans la région de Bakur, dans le nord du Kurdistan, qui tombe à l’intérieur des frontières de l’État-nation turc. La structure fédérée du DTK commence au plus bas niveau de village ou de voisinage soit le quartier, la ville et, finalement, la plus grande région de Bakur. Au plus haut niveau de la fédération, l’assemblée DTK, se situent des délégués révocables provenant de plus de cinq cents organisations de la société civile, de syndicats et de partis politiques, avec un quota de genre de quarante pour cent, de postes réservés aux minorités religieuses dans les assemblées, ainsi que d’un cosystème de sièges où un poste est réservé à un homme et l’autre à une femme. Dans la forme classique de base, les participants tentent de résoudre les problèmes locaux à un niveau local et c’est seulement s’ils n’arrivent pas à trouver de solution qu’ils se dirigent au niveau suivant. Les personnes non kurdes prennent part à certains des regroupements, y compris les membres des communautés azerbaïdjanaises et araméennes. En outre, les jeunes s’organisent d’eux-mêmes, à la fois à l’intérieur de ces structures et de façon parallèle, sous le slogan « Le capitalisme est un homme — nous sommes un mouvement créé des pouvoirs unifiés des femmes et des jeunes. » Ce sentiment souligne l’importance de la jeunesse et de l’organisation des femmes à surmonter les héritages enracinés de la hiérarchie dans la société kurde, mais reflète aussi la philosophie que la jeunesse n’est pas réellement une question d’âge, mais plutôt un état d’esprit très semblable au slogan zapatiste preguntando caminando, c’est-à-dire avancer tout en s’interrogeant.

Cette structure fédérée des assemblées et organisations civiles a été créée pour résoudre des problèmes communs et soutenir l’auto-organisation de l’ensemble de la population à travers des processus démocratiques partant de la base jusqu’au sommet. Ainsi, plutôt que d’être défini uniquement en termes d’ethnicité ou de territoire, le concept d’autonomie démocratique propose des structures locales et régionales à travers desquelles les différences culturelles peuvent être librement exprimées. En conséquence, il existe une variété haute en couleur d’organisations éducatives, culturelles et sociales et d’expériences d’économie de coopération qui se développent autour du Kurdistan du Nord. Il vaut la peine de mettre en évidence les commissions de médiation, qui visent à trouver un consensus entre les parties en conflit et donc une entente à long terme, plutôt que de reporter le problème par la punition. Cela conduit souvent à longues discussions, mais reflète aussi un concept de responsabilité collective dans lequel l’accusé ne devrait pas être exclu par des sanctions ou de la détention, mais devrait plutôt être mis au courant de l’injustice et du mal qu’a causés son comportement. Cela a rendu les tribunaux de l’État superflus dans de nombreux fiefs du mouvement de libération kurde. Parallèlement à ces commissions de médiation et d’autres conseils, on peut trouver des centres sociaux pour les jeunes et pour les femmes à tous les niveaux de la société, offrant des activités allant de cours de langue kurde et de séminaires politiques à des groupes de musique et de théâtre.

C’est dans ce contexte que nous devons comprendre le succès de la révolution en cours au Rojava. Le mouvement kurde peut jeter un regard sur quarante ans de lutte radicale, avec ses échecs, ses réflexions et ses avancées. Même si la formation de l’autonomie démocratique au Kurdistan du Nord s’est avérée être beaucoup plus chaotique, empêtrée avec les anciennes structures de l’État, et aux prises dans une guerre sociale et écologique plutôt que militaire, il n’en demeure pas moins qu’elle est largement comparable aux processus actuellement en cours au Rojava.

Une question que les anarchistes se sont posée à propos de cette lutte est de savoir à quel point la récente orientation antiautoritaire de la lutte kurde — incluant les structures de confédéralisme démocratique, les principes de la libération des femmes et ainsi de suite — est venue d’en haut vers le bas, à partir d’Abdullah Öcalan vers la direction du PKK. Il y aurait une contradiction apparente si une révolution antiautoritaire avait été dirigée d’en haut ! Quel est votre point de vue sur la relation entre l’idéologie des leaders de ces organisations et la transformation des rapports sociaux et des structures dans le Kurdistan ?

Voilà un point assez important, à propos duquel nous discutons beaucoup et qui, du moins en Allemagne, est lié à une certaine crainte découlant de mauvaises expériences dans les luttes révolutionnaires. Bien sûr, la question du leadership et de l’initiative est l’une des plus difficiles lorsque nous traitons de l’auto-organisation et c’est aussi difficile pour le mouvement kurde. Les vraies questions sont : comment peut-il y avoir un changement révolutionnaire radical dans la société ? Qui évalue la nécessité ? Qui prend les décisions au sujet de l’orientation ? La réponse doit être : tout le monde, pour tout, toujours. Peut-être que l’évolution du mouvement kurde et du PKK peut offrir un exemple utile, qui doit encore être pleinement compris dans le monde occidental. Öcalan et le PKK n’agissent pas simplement à partir d’un motif idéologique ou d’un système dogmatique fixes, comme la seule et unique vraie voie du marxisme-léninisme affirmée par les anciens États socialistes. Quand nous ne regardons pas au-delà de l’image et nous ne nous renseignons pas davantage, peut-être que l’image du socialisme révolutionnaire — leader barbu et sombre, guérillero désintéressé — nous trompe.

Ce que nous voyons dans le Kurdistan aujourd’hui, à la fois au Rojava et dans le nord, c’est une nouvelle démarche par laquelle l’ensemble de la société est en voie d’en arriver à un nouvel état de conscience. Si nous envisageons la persistance de l’État et de l’oppression patriarcale comme un problème de personnes qui demeurent inconscientes des possibilités de résistance, nous voyons l’importance de l’activation de la conscience de la société. Dans toutes les parties du Kurdistan où le mouvement de libération s’organise, nous retrouvons des comités de formation qu’ils appellent académies. Une académie peut prendre de nombreuses formes différentes, mais nous pouvons plus facilement le comprendre comme un espace collectif pour former une conscience commune. Certains pourraient être aussi simples qu’un groupe de discussion qui se réunit une fois par semaine, mais il y en a aussi de plus intensifs et à long terme, dans lesquels tous les militants participent (et au cours des dernières années tous les membres de la société qui veulent participer peuvent s’y joindre). Les académies sont toujours liées à d’autres organisations sociales ; les groupes de jeunes et le mouvement des femmes ont leurs propres académies, tandis que d’autres groupes organisent des académies générales pour tout le monde. Chacun de ces groupes souligne l’auto-émancipation, et dans ces institutions les propositions faites par Öcalan et le PKK sont discutées et critiquées intensément. Ces dirigeants ne sont pas les seuls à suggérer des propositions : chaque institution, chaque comité, et chaque individu peuvent propager leurs propres idées.

Cette pratique développée sur la base du processus d’éducation politique au sein de l’ancien PKK, où le standard pour chaque combattant militant et guérillero était de recevoir à la fois une formation militaire et idéologique. Le nouveau paradigme ayant émergé, il est devenu clair que l’objectif était non seulement de créer une avant-garde philosophique bien éduquée comme dans l’ancien système-cadre du léninisme, mais aussi de libérer la conscience de littéralement chaque personne prenant part dans le processus de formation de la nouvelle société. Ceux qui veulent s’auto-organiser ont à réfléchir sur leur relation avec le monde, ce qui signifie un approfondissement de leur démarche d’exploration philosophique.

Une méthode souvent utilisée dans ces académies est ce que nous pourrions appeler l’analyse associative. Lors de l’étude d’un certain sujet, chacun le propose à ses propres associations, par le biais d’un processus où chaque personne partage ses impressions et ses expériences, tandis que d’autres écoutent attentivement et s’efforcent de comprendre la personne, un consensus pouvant alors être formé. Sur un plan théorique, cette approche altère la possibilité d’« objectivité » et met en place une forme de subjectivités multiples. Lorsque vous identifiez votre propre position face à une certaine thèse, incluant à la fois votre propre volonté d’agir ainsi que les craintes qui surgissent en vous, alors ce qui est nécessaire deviendra plus clair sur le plan stratégique.

Aujourd’hui, le rôle et la position des militants du PKK et du PAJK (le parti des femmes) ont changé par rapport aux années 1980 et 1990. Leur image de soi s’est accrue de façon à être plus près de ce que nous pouvons envisager comme une personnalité de militante anarchiste : luttant pour leur autodétermination et une aide mutuelle. Sous l’ancien paradigme, le militant avait besoin d’être désintéressé et de faire preuve d’abnégation. Bien que cette conception ne soit pas totalement disparue, elle est en train de changer et les discussions au sein du mouvement rejettent les dichotomies et soutiennent, à la fois, la lutte pour une démarche individuelle d’autotransformation ainsi que pour la beauté et la force collectives. Comme la conception du rôle des militants a changé, ils ont rejeté l’idée dépassée de devenir une avant-garde. Au lieu de cela, ils se limitent à vivre sous la forme d’une vie ascétique et laïque bien organisée, fondée sur l’idée que la lutte pour nos amis et pour la révolution est la meilleure façon dont une vie peut être vécue.

Quelles leçons avez-vous tirées de votre temps passé au Kurdistan pour les luttes radicales en Allemagne et au-delà de ses frontières ?

Tout d’abord, mon engagement avec le mouvement de libération kurde, comme lutte historique et société dans la rébellion, m’a effectivement rendu possible de croire à nouveau, non seulement que ce monde est absolument inacceptable, mais aussi en la possibilité de se battre pour un autre monde. Je voudrais appeler cette reconquête le pouvoir de l’imagination, qui a déclenché un énorme sentiment de motivation mais aussi un certain sentiment de gravité chez beaucoup de nos amis. Il est abasourdissant de voir la grande conscience collective dans la société kurde.

En jetant un regard en arrière sur la vie métropolitaine occidentale, il semble évident que le patriarcat et le capitalisme se sont propagés dans chaque sphère de nos vies. Je pense que nous avons fait d’énormes bonds dans la compréhension de notre propre histoire et de la société, à travers la discussion avec nos amis du mouvement de la jeunesse kurde. En particulier, l’accent mis sur la philosophie et la perception de soi a clairement fait ressortir à quel point nous, anarchistes ou gauche radicale, sommes entravés par le moralisme. Nous avons appris à fonder nos actions sur ces notions de bon/mauvais, vrai/faux, et la culpabilité/pitié qu’on nous a serinés par le biais de la religion et du monde universitaire et de la théorie, plutôt que sur nos attachements communs réels et éthiques ainsi que nos amitiés. Pour démarrer la démarche nous permettant de nous libérer, nous avons à surmonter la personnalité libérale bourgeoise et le comportement capitaliste et à vaincre l’état interne suscité par cette mentalité.

En revanche, en Allemagne et plus largement dans l’Ouest, nous sommes confrontés à l’individualisme et au libéralisme intériorisés, non seulement dans la société en général, mais aussi au sein de notre « scène » politique — une scène ayant une tendance générale vers des modes de vie nihilistes et des politiques fondées sur l’identité. Dans mon observation, la plupart des militants de notre scène politique, ainsi que la majorité des jeunes libéraux, accordent une priorité absolue à la « liberté » de l’individu, suivant simplement les penchants qui leur viennent, dans un environnement où tout est autorisé. En même temps, il y a un sentiment de soumission et donc une acceptation d’un environnement immuable prédéterminé. Cela conduit souvent, d’une part, à un sentiment de paralysie pessimiste, de désespoir et de dépression et, d’autre part, à un réenracinement de la culpabilité — alimentée à même les identités découlant des structures de pouvoir qu’ils critiquent (blanc, classe moyenne, privilégiée) et la submersion dans diverses formes de scènes de vie commercialisées (punk, hardcore, gauche radicale, « anarchiste »)… qui tous deux mènent et découlent de cet individualisme omniprésent. Je pense qu’il pourrait être intéressant d’analyser l’impact des rébellions de la jeunesse de 1968, car il a donné un énorme souffle à ce développement. Nous sommes confrontés à des masses de gens autour de nous qui blâment l’inconscience de la société, des politiciens, des flics, ou des épouvantails fascistes, mais qui ont totalement perdu leur emprise sur la réalité ainsi que sur leurs propres responsabilités et agenda. Au lieu de cela, la plupart d’entre nous continuons à vivre le mythe libéral de la réussite économique et de la retraite, fuyant dans les études, le travail, les loisirs, l’activisme politique privatisé, les vacances, les partis, les médicaments, la consommation, le suicide !

La ligne est mince entre la conception occidentale de l’anarchisme et le libéralisme. Bien que les anarchistes classiques comme Emma Goldman aient reconnu l’importance de la liberté positive, « la liberté pour », le libéralisme met l’accent sur la liberté négative, ou la « liberté de », l’idée que les gens sont libres dans la mesure où ils ne sont pas contraints par des lois et des règlements. Cette compréhension de la liberté se glisse facilement dans la philosophie de l’individualisme, de la propriété privée, et du capitalisme, niant complètement la relation dialectique entre l’individu et la société, et le fait que les êtres humains ont toujours vécu dans des communautés en tant qu’individus sociaux, liés par des règles et des valeurs communes. Nous pensons que les valeurs humaines sont déterminées socialement et que les règles et les règlements sociaux pour les défendre ne représentent pas de restrictions à une certaine liberté préexistante, mais font partie des conditions d’une vie libre, qui doit inclure les libertés individuelle et collective. Comme un contre-exemple à la « liberté » libérale des anarchistes des scènes de la gauche radicale de l’Ouest, il convient de mentionner que le mouvement de la jeunesse kurde est sérieusement en lutte stricte contre l’utilisation et l’abus de drogues, parce que l’État turc essaie clairement de détruire le mouvement non seulement avec des gaz lacrymogènes et des arrestations, mais aussi avec tous les moyens disponibles de contre-insurrection modernes, y compris le soutien au trafic de drogues et à la prostitution. Nous pensons qu’il doit y avoir une réflexion collective sur la façon dont le consumérisme, l’individualisme et d’autres formes de libéralisme agissent comme fonctions de contre-insurrection et de savoir à quel point nous les avons intériorisées dans nos mentalités et nos comportements. Nous avons besoin d’organiser une autodéfense contre les attaques de ces idéologies capitalistes qui nous réduisent à rien de plus que des consommateurs et des entrepreneurs/travailleurs indépendants piégés.

Contrairement à ces illusions libérales, nos expériences avec des camarades dans le mouvement kurde nous ont donné une perspective sur l’importance de résoudre cette polarisation de l’Ouest entre l’individu et la société, en mettant l’accent sur les valeurs et l’éthique collectives plutôt que des points de vue politiques et identitaires. Inspirés par l’exemple du mouvement kurde, je pense que nous devrions étudier et récupérer notre histoire dans le cadre du processus d’élaboration de la conscience de soi pour résoudre le dilemme de l’Ouest, auquel nous sommes confrontés. Grâce à la critique de la civilisation et à l’analyse de notre patrimoine communal et démocratique, nous pouvons développer la conscience historique et la confiance dans ce que nous faisons. Abdullah Öcalan a essayé, dans ses écrits en prison, de se plonger assez profondément dans le contexte historique de la lutte des Kurdes, de façon à avoir l’occasion de le comparer à des expériences antérieures de luttes révolutionnaires. Plusieurs membres du PKK ressortent aujourd’hui cette histoire pour réaliser une réflexion critique sur leur idéologie et leurs stratégies, l’intégrant dans leur processus d’autoquestionnement et de création de leur propre philosophie de libération — qui est peut-être une mythologie révolutionnaire.

En même temps, cela ne signifie pas de se laisser aller à la nostalgie. Au lieu de cela, il faut nous inspirer de la force rénovatrice de la jeunesse, de toujours aller de l’avant tout en questionnant. Ne soyez pas effrayé par l’autodéveloppement ; soyez ouvert à la critique et apprenez de ses erreurs et de celles des autres. Laissez le processus de changement révolutionnaire commencer par vous-même. Peut-être est-ce aussi une bonne chose dont les anarchistes européens doivent se rappeler : le processus révolutionnaire n’est jamais quelque chose en dehors de vous ; il doit être identique à votre propre progrès vers la liberté, pour que vous deveniez une partie symbiotique d’une société libre. Je pense que chaque militant anarchiste devrait accepter notre responsabilité historique ainsi que la possibilité de recueillir et d’agencer notre pouvoir collectif afin de construire et défendre une société fondée sur la créativité, la diversité et l’autonomie. Mais cela signifie que nous avons à vivre selon la façon dont nous pensons et dont nous parlons. Donc, nous devons balayer nos idées libérales dans la poubelle de l’histoire. Seulement alors, serons-nous en mesure d’aller au-delà d’un accord théorique commun et d’être en mesure de « tout changer », comme vous dites !

Le lien entre les anarchistes ou gauche radicale et la lutte de libération kurde semble être fort en Allemagne, avec beaucoup d’anarchistes actifs dans les efforts de solidarité et qui s’inspirent grandement du Rojava et d’ailleurs dans le Kurdistan. Pouvez-vous parler de l’histoire de ces liens de solidarité ? Quelles seraient certaines des formes concrètes que cette solidarité ait pu prendre ?

Dans un premier temps, des groupes de solidarité ont émergé du mouvement des squats en Allemagne. Depuis les années 1990, des camarades allemands ont rejoint la lutte de la guérilla. Certains d’entre eux sont morts à la guerre, comme Shehid Ronahi (Andrea Wolf). Elle devait disparaître car elle était persécutée par l’État allemand pour ses actions dans la Fraction armée rouge, elle avait rejoint les rangs du PKK et elle avait combattu en tant qu’internationaliste. Plusieurs militants allemands ont aussi rejoint la lutte kurde armée et il y a donc des camarades, plus âgés, qui peuvent partager leurs expériences et réfléchir sur les erreurs qui ont été faites à cette époque. Dans les années 1990, il y avait beaucoup de problèmes, provenant des deux côtés, entre la gauche allemande et le mouvement kurde. D’une part, le PKK était encore ancré dans l’ancien paradigme et fortement axé sur la lutte au Kurdistan, à l’exclusion de tout le reste, ce qui faisait en sorte qu’il était difficile d’établir une vraie relation d’amitié. D’autre part, les Allemands ont maintenu nos modèles classiques de maintien à distance, critiquant sans comprendre, et démontrant l’arrogance de la métropole. Lorsque Öcalan a été arrêté et que le mouvement a eu à lutter durement pour survivre, cette solidarité ténue s’est fracturée.

Heureusement, comme le nouveau paradigme a commencé à émerger, un nouveau processus d’apprentissage a débuté, même s’il prenait forme très lentement et timidement depuis longtemps. Certains camarades allemands ont à nouveau visité le Kurdistan et été en contact avec des organisations de la diaspora, tandis que d’autres ont rejoint la lutte de la guérilla. Le PKK se perçoit lui-même comme internationaliste et il considère le fait que les liens internationaux soient renforcés comme étant d’une très grande valeur pour toutes les parties. Il a toujours été difficile de s’organiser avec les communautés kurdes dans la diaspora et, honnêtement, cela demeure un gros problème à ce jour. Bien qu’il y ait beaucoup de Kurdes vivant en Europe, les liens entre eux et d’autres radicaux européens ne sont pas très forts. Plusieurs raisons l’expliquent : l’une d’elles est le fait que la société allemande est très raciste et que beaucoup de communautés de migrants s’organisent seulement parmi leur propre peuple, comme une sorte de mécanisme d’autodéfense. De plus, le nationalisme tend à être plus fort chez les Kurdes de la diaspora, et la société de la diaspora est encore souvent organisée le long des lignes féodales. Dans les années 1990, il y avait des manifestations communes, et aujourd’hui les Allemands et les groupes kurdes marchent encore une fois à nouveau ensemble. Par contre, au niveau de l’auto-organisation commune, nous demeurons encore faibles.

Après l’attaque de l’année dernière de Shengal et le siège de Kobané, l’attention fut aussitôt ravivée et l’ensemble de la scène radicale de l’Allemagne a réagi. Depuis, les choses ont commencé à bouger lentement, de plus en plus de gens ont essayé de retrouver leur voie en retournant au Rojava et certains se sont joints aux rangs de la GPJ/YPJ.

Quelles suggestions feriez-vous aux anarchistes de partout ailleurs sur la façon d’apprendre et de faire preuve de solidarité avec la lutte pour la libération kurde ?

Nous pensons que les anarchistes doivent envisager la lutte de la libération kurde comme leur propre lutte, comme une lutte internationaliste. Le fait d’apprécier les camarades du Kurdistan peut nous aider à outrepasser les illusions libérales dont nous avons discuté. Il doit y avoir une reconnaissance, une conscience de responsabilité sur le dilemme du Moyen-Orient. L’ouverture d’esprit et la volonté de s’engager philosophiquement et théoriquement avec l’idéologie du mouvement est important, de sorte que nous pouvons exprimer ces possibilités dans de nombreuses langues et couleurs. Ce qui exige que nous soutenions aussi la lutte pour les questions de communication, qui peut être l’une des nombreuses façons de la soutenir sur le plan technique. En outre, il y a toujours eu une chaleureuse invitation à se rendre effectivement au Kurdistan pour apprendre, critiquer et affiner ses idées sur l’organisation locale et internationale. Comme nos amis kurdes l’ont souligné à plusieurs reprises, c’est finalement à ceux d’entre nous qui vivent dans les métropoles occidentales de construire nos propres mouvements révolutionnaires — il s’agit du plus grand soutien que nous puissions leur donner, car c’est une occasion de défense mutuelle. D’aussi loin que nous ayons pu l’entendre, l’aide pratique est nécessaire sur plusieurs thèmes : la connaissance de l’ingénierie, des trucs médicaux et de toutes sortes de choses pratiques peut s’avérer être utile.

Pouvez-vous nous faire une mise à jour sur la récente vague de répression antikurde par l’État qui se déroule en Turquie ? Comment le mouvement kurde répond-il à cette violence ?

Actuellement, nous sommes dans une situation d’escalade. En réponse à la lourde défaite électorale de son parti aux élections législatives du 7 juin 2015, le président turc, Erdogan, a déclaré la guerre à la population kurde et a donc mis fin au processus de paix, engagé par Öcalan en 2013. Depuis le massacre qui a coûté la vie à trente-quatre jeunes radicaux kurdes et turcs dans la ville frontalière de Suruç, sur le chemin pour Kobané, à la fin du mois de juillet, il y a eu des milliers d’arrestations et de bombardements des camps de la guérilla du PKK, à la fois dans Bakur (Kurdistan du Nord / sud-est de la Turquie) et dans les territoires du Medya défense dans Bashur (Kurdistan du Sud / nord de l’Irak). Le conflit militaire est en hausse, avec de nombreux militants et des civils abattus par l’État, alors que les attaques, pogroms contre les Kurdes et d’autres mouvements sociaux ont eu lieu, pendant des semaines, dans le nord du Kurdistan et dans toute la Turquie. Plus récemment, l’armée turque a assiégé la ville de Cizre pendant une semaine, tandis que les ultranationalistes turcs ont attaqué les Kurdes et les bureaux de la HDP (un parti politique kurde) dans tout le pays. Beaucoup de magasins kurdes ont été incendiés par les partisans de l’AKP, Parti de la justice et du développement conservateur de M. Erdogan, ainsi que par des membres d’organisations fascistes comme les Loups gris, l’organisation de jeunesse fasciste du Parti du mouvement nationaliste. Des attaques similaires contre les Kurdes et les autres opposants à la guerre ont eu lieu en Europe ces derniers jours et, alors que l’État allemand garde le silence sur ces attaques par des nationalistes turcs, des militants kurdes ont été criminalisés et arrêtés.

Dans le visage de cette violence, le mouvement a développé un modèle appelé la théorie de la légitime défense ou la théorie de la rose. C’est une métaphore fondée sur l’idée que chaque être vivant doit défendre sa propre beauté qui lutte pour survivre. Tous les êtres doivent créer des méthodes d’autodéfense en fonction de leur propre façon de vivre, en grandissant et en se liant avec d’autres et, où l’on ne vise pas à détruire son ennemi, mais plutôt à l’obliger à changer son intention de passer à l’attaque. Les guérilleros discutent de cela comme d’une stratégie défensive au sens militaire, mais ils travaillent également à d’autres échelles. Dans son essence, nous pouvons l’envisager comme une méthode d’auto-émancipation. Pendant longtemps, les guérilleros du PKK n’ont rien fait, prenant pour acquis que l’État turc poursuivrait les négociations, parce qu’ils savaient qu’ils ne pouvaient pas les vaincre militairement. Si vous êtes assez fort et suivez votre chemin, la violence ne sera pas nécessaire ; cela devient tout simplement une question d’organisation. Cette compréhension de l’autodéfense fait également partie du nouveau paradigme.

Étant donné le contexte géopolitique complexe de la lutte des Kurdes, pris entre différents États hostiles et forces armées, que pensez-vous que cela prenne pour qu’une révolution antiautoritaire s’enracine véritablement et soit la dernière dans la région ?

Eh bien, comme nous l’avons appris de l’étude d’autres révolutions à travers l’histoire : la seule occasion de durer pour une révolution est de se propager, d’élargir ses horizons et de surmonter toutes les frontières établies destinées à la contenir. Comme nos camarades kurdes l’expliquent, il y a deux piliers de la lutte révolutionnaire. Le premier et le plus important est le processus de construction de l’autonomie démocratique ; il réfère à la simple question sur la façon dont nous voulons vivre, sur la façon d’organiser nos vies quotidiennes. À l’heure actuelle, il est difficile de mettre l’emphase sur cette question, parce que toute la région est mise à feu et prise dans la guerre. Voilà pourquoi le second pilier est l’autodéfense par tous les moyens nécessaires. Les deux sont essentiels et doivent être appliqués à différents niveaux. Les soulèvements révolutionnaires à travers l’histoire, en Europe et ailleurs, où l’un ou l’autre de ces piliers a été négligé, ont été inévitablement vaincus.

Il est vraiment important de renforcer la position révolutionnaire dans le Kurdistan, non seulement militairement, mais aussi par l’élaboration de la communication avec des camarades du monde entier. Comme le soulèvement révolutionnaire en Turquie et le soutien au sein de l’Occident se développent, il y a moins de possibilités pour d’autres puissances régionales d’attaquer le mouvement kurde. En outre, afin élargir notre propre perspective, nous devons reconnaître l’énorme potentiel que l’expérience de ce mouvement nous offre. Depuis le début, ils se sont organisés au sein d’une situation qui était plus désespérée que la nôtre et, pourtant, ils ont réussi. Je dirais que c’est, d’une certaine manière, le fait de traiter avec un danger concret qui les rendait si forts. En outre, il serait tout à fait productif d’échanger des expériences. Les méthodes et outils de mouvements anarchistes de l’Ouest sont très créatifs et pourraient offrir beaucoup de soutien sur les questions spécifiques d’auto-organisation.

Nous retrouvons au Moyen-Orient, à l’heure actuelle, une étrange situation d’équilibre relatif de puissances, avec le Rojava positionné dans l’œil du cyclone. C’est la grande vision de la politique de l’islam sunnite, poussé de l’avant principalement par les gouvernements de la Turquie et de l’Arabie Saoudite. On y retrouve aussi les États chiites de l’Iran, l’Irak et les restes du régime Assad en Syrie. Enfin, il y a l’OTAN, duquel la Turquie est membre et où elle affirme ses propres intérêts. Au centre, nous y retrouvons aussi l’État islamique (Daech), une armée de zombies qui ne peut plus être contrôlée par personne, même si elle a probablement été créée et soutenue pour écraser la résistance kurde et le régime de Damas. Donc, dans cette situation chaotique, le Rojava est encore nécessaire pour l’OTAN, par exemple, parce qu’il est la seule option locale fiable qui soit en mesure d’infliger une défaite à Daech. Alors oui, le Rojava est en quelque sorte coincé entre toutes ces puissances militaires. Par contre, comme nous l’avons appris dans le cadre de nombreuses révolutions, la guerre n’est pas simplement une question de mathématiques. Elle est plus liée à une certaine façon de combattre et à une question de conscience. Nous devrions en tirer des leçons.

Pouvez-vous expliquer ce que vous entendez par cette « façon de combattre », ou forme spécifique de conscience dans la lutte armée, qui fait le caractère distinctif de la résistance kurde ?

Permettez-moi de partager une histoire qu’un ami m’a racontée une fois. Il a pris part à la guerre dans les monts Qandil en 2011. À cette époque, il y avait une alliance pragmatique entre la Turquie et l’Iran : les deux avaient un problème avec le mouvement kurde et avaient peur des possibilités militaires dont disposait la guérilla. Qandil forme l’extrémité sud des territoires de défense Mediya, les montagnes contrôlées par la guérilla dans les régions frontalières de l’Iran, de l’Irak et de la Turquie. Il m’a raconté une situation où un millier et demi de pasdaran, les régiments d’infanterie de l’Iran, ont tenté de prendre d’assaut la colline où les guérilleros se cachaient. Il y avait seulement une trentaine de camarades qui défendaient leur montagne. Il a expliqué que ce que l’armée iranienne a tenté d’utiliser contre eux étaient seulement leurs balles et leur crainte de la punition par ses dirigeants. Ils couraient aveuglément vers le sommet et ont été défaits. Ils n’avaient aucune conviction, aucune énergie, aucune amitié entre eux. D’autre part, m’a-t-il dit, quand ses camarades ont défendu leur position, ils n’ont pas simplement utilisé leurs armes. Ils se battaient pour leurs villages pillés, pour leurs familles brisées, gardant à l’esprit leurs amis tombés et ayant conscience que l’armée qui les attaquait ferait brûler les montagnes et les forêts derrière eux et détruirait la nature de leurs terres. Ils se sont battus pour ceux qui étaient trop faibles pour se tenir seuls, pour tous les membres de la société qui se tenaient derrière eux et les soutenaient en retour. Peut-être est-ce difficile à comprendre si vous ne le ressentez pas vous-même. Leur énergie a été soutenue par une longue lignée d’amis, par l’oppression historique connue, par une protection mutuelle — un amour pour la vie et la conviction de croire en eux-mêmes.

Toutes ces choses vous viennent en premier, dit-il, quand vous êtes assis à côté de vos amis dans votre position de garde et que vous élevez vos armes pour vous défendre : votre confiance en vos camarades, votre gratitude pour ceux qui croient en une société libre vivant dans les vallées et qui cultivent les jardins et vous nourrissent, votre tristesse à propos des horreurs que l’État a fait subir à vos amis et à vos familles. Et à la fin, il y a la balle que vous tirez sur celles qui viennent dans votre direction. Comment pourraient-ils éventuellement gagner, a-t-il demandé en souriant.

Même le combattant qui, objectivement, est plus faible peut produire une grande force, si elle se bat pour son propre bien et pour ceux à qui appartient son cœur, sans être poussée dans une direction ou par une idéologie ou encore d’être pressée de faire quelque chose qu’elle ne veut pas faire. Ceux qui se battent pour leur société et les relations symbiotiques qu’ils ont protégées et nourries entre eux sauront toujours vaincre les méthodes conventionnelles fondées sur la destruction ou sur des intérêts et stratégies hégémoniques fondées sur l’hostilité. Il m’a rappelé les mots que des amis philosophiques de l’Ouest avaient déjà dits une fois : la réalité reliée à vos propres désirs a une signification révolutionnaire. Si vous savez vraiment ce pour quoi vous vous battez, si vous percevez les éléments essentiels de la situation dans laquelle vous vous trouvez, vous pouvez le relier à votre volonté de vivre, ce qui vous donnera une beauté même au-delà de la mort. Cette guérilla m’a appris qu’ils se considèrent eux-mêmes comme les gardiens de la vie, en utilisant leurs propres capacités pour protéger la vie de leur société. Cela m’a beaucoup impressionné.

Il pose aussi la question : d’où va venir l’énergie révolutionnaire pour l’Occident ? Nous comprenons à peine notre propre situation, pressés par des décisions pragmatiques fondées sur un système de dépendances complexe. Peut-être cela est-ce la leçon que nous devons apprendre pour nous-mêmes : quelle est la réalité de notre situation commune que nous devons comprendre pour commencer ? C’est la raison même pour laquelle aucune autre armée en ce moment ne peut repousser les forces de Daech en Syrie. En défendant Kobané, les GPJ/YPJ ont fondé leur défense sur cette même conscience. Personne ne pouvait croire qu’ils libéreraient leur ville ; cela va au-delà du rationalisme. C’est fondé plus sur la foi en vous-même et sur la conviction en votre propre énergie révolutionnaire, qui évolue à partir de votre désir de vivre. C’est cette chose qui été presque évacuée hors de vous si vous avez été élevé dans le capitalisme occidental.

Un autre ami a ajouté que si vous voulez vraiment créer une nouvelle société fondée sur des relations non oppressives, vous essayez de construire quelque chose qui n’existe pas encore. Un quelque chose qui fait partie d’un nouveau monde, d’un autre monde. Comment pourriez-vous comprendre de façon rationnelle, à partir de votre point de vue aujourd’hui ? Ce n’est pas écrit dans les livres. Vous auriez besoin de devenir fou pour outrepasser le statu quo ; vous devez être convaincu par votre fantaisie et par votre désir. Voilà votre problème en Europe, a-t-il conclu : vous avez oublié comment faire cela.

Au lieu de la mascarade politique proposée… Intéressez-vous au Confédéralisme Démocratique: l’exemple du Rojava kurde

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, colonialisme, démocratie participative, documentaire, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, militantisme alternatif, N.O.M, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, philosophie, politique et social, résistance politique, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , on 11 mars 2017 by Résistance 71

… parce qu’il n’y a pas de solutions au sein du système ! qu’il n’y en a jamais eu et n’y en aura jamais ! Boycott du vote qui n’est que la validation pseudo-citoyenne du consensus du statu quo oligarchique. Notre rapport à l’État est un rapport de soumission inutile. Changeons notre attitude ! Union pour une résurgence de la nature sociale profonde et universelle humaine, celle de la société des sociétés…

~ Résistance 71 ~

 

“Il est souvent dit que l’etat-nation se préoccupe de la destinée des gens du commun. Ceci est faux. Il est plutôt le gouverneur national du système capitaliste mondial, un vassal de la modernité capitaliste qui est plus intriqué dans les structures dominantes du capital que nous ne tendons à le dire généralement: c’est une colonie du capital et ce indépendamment du nationalisme avec lequel il se présente, il sert de la même manière les processus capitalistes d’exploitation. Il n’y a aucune autre explication pour la redistribution des plus horribles des guerres menées par la modernité capitaliste. Ainsi donc, par là-même, l’état-nation n’est pas avec les peuples, il est au contraire un ennemi des peuples !”
~ Abbdullah Öcalan ~

A lire: “Le confédéralisme démocratique”, Abdullah Öcalan, 2011

 

Le confédéralisme démocratique du Rojava

 

Entretien avec l’historien Raphaël Lebrujah

 

Octobre 2016

 

Source:

http://lagueuleouverte.info/Le-confederalisme-democratique-du-Rojava

 

Dans le Kurdistan syrien, un peuple enclavé, isolé, mais éduqué et responsable construit une nouvelle société tout en luttant efficacement contre DAECH. Une pratique concrète d’écologie sociale.

Au Kurdistan syrien(1), trois provinces forment une région appelée Rojava ; il s’y déroule aujourd’hui une expérience sociale originale et passionnante. Occultée, dans son contenu, hormis son aspect « vitrine » (des femmes font la guerre en première ligne), par la plupart des médias grand public , cette expérience n’a pas eu d’équivalent dans le monde depuis le Chiapas (au Mexique à partir de 1994), voire pour de très courtes périodes pendant la Guerre d’Espagne ou la Commune de Paris. Cette expérience unique de « municipalisme libertaire » a été théorisée par Murray Bookchin (2), elle est portée, depuis 2012, par le projet politique mis en place par le PYD (Parti d’union démocratique). Ce projet est fondé sur celui du PKK, plus particulièrement de son leader historique et charismatique, toujours emprisonné, Abdullah Ocalan. 
Notre rencontre avec Raphael Lebrujah, jeune historien revenu de ce pays, une fin d’après-midi de mi-septembre , près de la Place de la République, non loin de l’endroit où se tenait « Nuit debout », incendie de printemps quasi réduit en cendres maintenant, nous précise l’historique et nous fait vivre cette actualité, non sans rapport justement avec ce qui aurait pu/pourrait se jouer à « Nuit debout » : la mise en place d’une société parallèle sans Etat.

La Gueule Ouverte : Bonjour Raphaël, avant tout, peux-tu nous dire comment un parti marxiste-léniniste, comme le PKK, façon Staline (c’est en tout cas sous ce jour qu’il était présenté jusqu’ici et encore parfois) a pu devenir communaliste, selon la théorie de Bookchin ?

C’est toute une histoire, ça ne s’est pas fait en un jour ! Fondé en 1978, le PKK était, à la base, un parti marxiste léniniste classique. Mais dès ses prémisses, depuis 1972, ses animateurs n’étaient pas des léninistes « puristes » car ils accordaient une grande importance à la liberté individuelle, malgré une propension à tuer leurs propres opposants de l’ »aile gauche » trotskiste du parti – on est léniniste ou on ne l’est pas ! Tiers-mondiste, soutenu d’abord par plusieurs Etats dont l’URSS, la Grèce et l’Arménie puis par la Syrie et le Liban où des militants du PKK auront des camps d’entraînement dès 1978, avant de se battre du côté des Palestiniens au Liban en 1984, le PKK a fini par étendre la guérilla en Turquie. Il est vite déclaré « groupe terroriste » par la communauté internationale, ce qui va l’isoler. 
Née sur les ruines de l’Empire Ottoman en 1923, la Turquie est très centraliste et jacobine. Ses fondateurs, liés à la Franc-Maçonnerie du Grand Orient de France, puissante sous la IIIe République, suivaient le même principe simple « une langue, une nation, un peuple, un Etat », un principe qui avait guidé la nation française sur la voie de l’intégration plus ou moins forcée des minorités de la métropole comme par exemple la bretonne ou l’occitane… Mais la Turquie est bien plus polyethnique que la France- il y a 70 ethnies- et elle n’a jamais pu résoudre le problème kurde qu’elle s’est mise en tête, dès le début, de traiter par la répression, et donc ce fut réprimer ce parti, très populaire chez les Kurdes, le PKK. L’obsession assimilatrice de l’Etat turc dirigé alors par une junte militaire qui bloque toute solution politique, échoue continuellement et le PKK se met en guerre, estimant que les Kurdes sont colonisés. Cependant très vite, le PKK va se trouver dans une impasse militaire et dans un grand isolement politique et international. 
Les années 90 sont très dures pour les Kurdes : après les gazages en 1988 de villages par le régime de Damas – l’opération Anfal avait fait 200 000 morts- arrive la chute de l’URSS et le soutien de l’OTAN accru à la Turquie qui, pour soumettre la population kurde va implanter des supplétifs kurdes, les « gardes de villages », servant dans les régions très rurales du Kurdistan à combattre le PKK. La répression est terrible, le PKK et les Kurdes sont très isolés, des villages kurdes sont soumis, d’autres rasés – d’où des exodes massifs de population. Les Turcs ont voulu exterminer la culture kurde en parquant les Kurdes dans des villes, dans des espaces urbains très concentrés. Ils l’ont très mal vécu. 
Dans la même période, Ocalan est emprisonné en 1998, suite à une incroyable souricière montée au Kenya, où Ocalan était à ce moment-là, par la CIA, le Mossad et l’Armée turque réunis… il est condamné à mort, mais la possibilité d’une adhésion de la Turquie à l’Union Européenne lui sauve la tête : il est simplement emprisonné et il continue son activité politique en prison. On peut s’étonner qu’il n’ait pas été liquidé discrètement mais il semble que, pour le pouvoir d’Ankara, la détention d’Ocalan soit aussi un moyen de pression sur les Kurdes.
Parallèlement, dans le PKK, dès 1992, avec le soutien d’Ocalan, la question des femmes est en train de mûrir, la place de la femme va devenir autonome. Elles fondent leur propre organisation armée et en 1995, elles deviennent indépendantes dans le parti. On parle d’un « parti dans le parti ». La principale instigatrice en est Sakine Cansiz, qui a été assassinée à Paris en 2013. Les femmes vont, par exemple, pouvoir décider de leurs propres opérations militaires sans l’aval des hommes. Ocalan lui-même veut que les hommes fassent les tâches ménagères pour que les femmes puissent se former. Ils-elles ont une idée pour les hommes : « il faut tuer l’homme en nous. »
Elles-ils finissent par créer une « science des femmes » qui est la la Jineolojî, en 2011, un savoir par les femmes pour les femmes. Il y a des côtés essentialistes, en s’inspirant d’auteures féministes radicales, mais pas seulement : on veut aussi retourner à une vie « naturelle », la dimension écologique y est prégnante.

La Gueule Ouverte : Comment cela se passe-t-il, concrètement, la mise en place de ce régime, le « confédéralisme démocratique », ainsi appelé par Ocalan, et le type de société en cours de réalisation au Rojava, la région autonome kurde du nord de la Syrie ? Le Rojava – rappelons-le – est en guerre contre Daech mais en paix avec le régime de Bachar El Assad.

L’abandon du léninisme par le PKK, à partir de 1995, et l’élaboration, sous l’impulsion d’Ocalan (3), qui lit en prison Murray Bookchin (et surtout correspond avec lui, par son avocat), du Confédéralisme démocratique est sans précédent dans l’histoire du mouvement social.

Note de Résistance 71: Ceci n’est pas tout à fait exact, en effet toute la formation politique et sociale clandestine de 1983 à 1994 qui a mené à l’éclosion et l’avènement du mouvement (néo)zapatiste du Chiapas au Mexique, a aussi dû abandonner le marxisme-léninisme de base pour totalement s’adapter aux conditions indigènes des peuples de descendance Maya de la région. Cette mesure fut tout à l’honneur des théoriciens venus aider les populations locales dont le sub Marcos faisat déjà partie. C’est par l’ajustement de leur modèle politique rigide vers une gouvernance d’assemblée totalement décentralisée que le Chiapas zapatiste est devenu un succès et un modèle social.
Ainsi l’EZLN est passé très très rapidement d’un fond marxiste-maoïste (le modèle politique initial ayant été plus proche de celui du “Sentier Lumineux” péruvien) à un modèle anarcho-indigéniste sans aucune structure centralisée et où le pouvoir est redilué dans le peuple via les assemblées de bon gouvernement dans les Caracoles. Ceci correspond de fait au mode de gouvernance ancestral des populations autochtones. Le 1er janvier 1994 a vu les zapatistes sortir de l’ombre et rester dans la lumière de la gouvernance populaire depuis. Cela fait maintenant 23 ans que la région autonome zapatiste du Chiapas montre l’exemple au monde au gré de ses succès et réalisations politico-sociales.
Le Rojava syrien est aujourd’hui, depuis 2012 et les évènements en Syrie, un autre espoir d’avènement du confédéralisme démocratique. Nous le disons et le répétons, le changement de paradigme politico-social est une question de volonté dans notre changement d’attitude envers les institutions qui nous gouvernent. Il suffit de dire NON ! d’abord idividuellement, puis très rapidement collectivement au gré de la résurgence du communisme primordial qui est partie intégrante de la nature humaine. La société étatique et son apogée capitaliste est une perversion de la nature humaine, son cancer arrivé en phase terminale.

Le PKK abandonne dès lors le centralisme et l’idée de prendre le pouvoir. 
Se mettent en place au Rojava des comités de base, des comités de quartiers, des comités municipaux, pour chaque commune et des comités de cantons. Il y a quatre niveaux et cette démocratie est décentralisée au maximum. L’idée est que plus on règle un problème au niveau local, avec les compétences locales, mieux cela se passe. C’est bien le principe de subsidiarité, celui de la « compétence suffisante ». Il n’y a pas d’instance supérieure : il n’y a plus d’Etat. Mais il y a des échanges commerciaux entre les communes du Rojava, même pendant la guerre. C’est que le Rojava existe et ce qui compte, avant la religion, pour les Kurdes, c’est bien l’identité kurde, une appartenance commune qui rassemble au-delà de considérations ethniques ou religieuses très diverses, foisonnantes même au Rojava. Cette identité s’actualise pour les Kurdes de cette région dans ce projet politique et une nouvelle façon de vivre. Et cette identité intègre, par la force des choses, des non-Kurdes car les Kurdes eux-même peuvent être minoritaires dans certains villages. C’est bien cette autonomie – et non pas indépendance d’un Etat kurde- qui permet cette ouverture aux non-Kurdes.
Il peut y avoir des conseils en dehors de ces conseils, par exemple des conseils de femmes qui vont s’organiser quand il y a une oppression sexiste. Le conseil sera alors non mixte, avec des personnes concernées. De même, des conseils de chrétiens, s’il y a une oppression de chrétiens… des conseils de jeunes aussi. Chacun a le droit de créer sa « commune », il existe même un « conseil du cinéma » !
Un principe très fort est qu’aucune politique n’a de légitimité démocratique si elle n’a été proposée, discutée et décidée directement par le peuple, et non par de quelconques représentants ou substituts. Ce sont les personnes concernées qui décident. C’est seulement l’administration de ces directives politiques qui peut être confiée à des conseils, des commissions ou des collectifs d’individus qualifiés, éventuellement élus, qui exécutent le mandat populaire sous contrôle public et en rendant des comptes aux assemblées qui prennent les décisions… Et si ces élus n’exécutent pas le contrat, ils peuvent être révoqués, bien évidemment, c’est tout à fait le contraire de la démocratie « représentative » qui est, pour le tout-venant occidental : « la démocratie » – car il n’en connait pas d’autre. C’est tout à fait l’idée de Bookchin, mise en pratique, et le PKK devient en quelque sorte libertaire. Mais tout s’est mis en place progressivement, d’abord par l’éducation des militants qui vont lire énormément, tout en intégrant de nouveaux auteurs à leur corpus idéologique, Bookchin en premier lieu mais également Bakounine, Rosa Luxembourg, révolutionnaire très populaire, une figure martyre – entre parenthèses il y a tout un culte des femmes « martyres », dont la combattante kurde Zilan, morte en 1996 – et, ils lisent aussi, ce qui est plus surprenant, Noam Chomsky et des structuralistes comme Michel Foucault. Le travail intellectuel, et aussi la musique – et les chants collectifs, c’est quelque chose que de les voir chanter en groupes ! – sont très investis par les Kurdes : chaque association a une « commission culture ».
Ces principes se traduisent par des résultats tout à fait impressionnants en terme d’organisation sociale. Et les combattants, ce sont, pour moi, des « moines-soldats » : ils se battent et ils étudient !

La Gueule Ouverte : c’est important, cette question des femmes, tu parlais d’un culte des martyres. Rosa Luxembourg, en effet, fut une femme politique remarquable, parce qu’elle proposait un point de vue dissident marqué par sa position de femme – rappelons qu’elle a été de celles/ceux qui ont proposé une approche marxiste-conseilliste, très horizontale et égalitaire, en opposition au léninisme -. Malgré le cliché qui intéresse nombre de journalistes, celui des « femmes combattantes », il y a un point nodal ici : la combinaison entre la lutte philosophico-sociale pour l’égalité entre femmes et hommes, à partir de la place « traditionnelle » des femmes autour de la vie et des ses différentes expressions (procréation, éducation, cuisine, ménage…) et la guerre militaire contre Daech ? Et dans ce cadre, il y aurait donc accord entre hommes et femmes ?

Le mouvement d’émancipation des femmes dans le PKK se voit comme quelque chose de collaboratif : elles doivent lutter contre les oppressions des hommes mais aussi dans l’esprit de les éduquer à ne pas être des oppresseurs. A mon avis, c’est différent d’un féminisme occidental que j’appelle « oppositionnel » c’est à dire un féminisme qui dénonce à juste titre les causes des oppressions mais les mecs, chez nous, ne sont pas formés à ça. C’est un problème que je constate. Alors qu’au PKK, il y a une collaboration entre les sexes. 
Donc devenu d’inspiration libertaire, le PKK est contre la formation d’un Etat-nation car Ocalan a pris acte de l’échec de toutes les guerres de décolonisation sur la base de l’indépendance nationale. Ceci dans la mesure où, arrivés au pouvoir, les libérateurs d’hier se font vite oppresseurs d’ethnies minoritaires. On l’a vu dans le cas de l’Algérie indépendante, cela peut être parlant pour les Français très liés à cette colonisation : on a vu que les Berbères ont vite été réprimés dès 1962 par le FLN arrivé au pouvoir. Mais c’est le cas de toutes les expériences de libération nationale. 
Il y a aussi une autocritique très vive de Ocalan, à partir de 1995 avec cet abandon total du léninisme, cette critique très forte qu’ils avaient fait de la violence envers leurs propres opposants et il critique cette idée de prendre le pouvoir, malgré, et c’est paradoxal, cette tentation qui pourrait être la leur car le PKK est bien une organisation armée. 
Ce qui est le plus étonnant c’est bien que, maintenant, au Rojava, la violence est toujours la dernière solution, et qu’elle est,autant que possible, évitée. Le PYD est très respectueux des droits fondamentaux, et même des droits de minorités très réactionnaires, bourgeoises, de minorités voulant le retour du patriarcat, et opposées au régime et à la collectivisation. Ils ont par exemple le droit, et ils le prennent, d’organiser des manifestations contre le régime. Et même, la collectivisation n’est pas une collectivisation au sens habituel du terme. Il s’agit d’une collectivisation où l’argent ne va pas être centralisé : il va bien rester au niveau de la Commune. Et des compromis sont faits avec les petits propriétaires qui vont participer à la gestion de la Commune : impliqués, ils n’ont pas l’impression d’être spoliés mais bien de participer. Il y a une volonté de discuter avec tous les acteurs, y compris ceux qui ne sont pas du tout d’accord avec vous, pour faire fonctionner la société : on pourrait dire qu’on y pratique une « culture du dissensus ». Cette volonté de discuter se concrétise aussi dans la guerre menée contre DAECH – l’Etat Islamique est soutenu soit dit en passant par la Turquie ! – et dans les capacités qu’ont les Kurdes à créer et nouer des alliances locales avec des tribus qui s’allient d’habitude avec les Islamistes, à réaliser même des renversements d’alliance. Et paradoxalement, l’enclavement du Rojava et la dure guerre en cours contre DAECH n’a pas porté le régime à se durcir contre ses opposants : la peine de mort y est toujours abolie et l’emprisonnement maximal est de 20 ans. On aurait pu craindre tout autre chose, pensez donc aux dérives passées par exemple dans l’URSS isolée d’après la Révolution de 1917, mais ce n’est pas le seul cas !… Isolé, en guerre, le Rojava a renforcé ses pratiques libertaires. Les Kurdes ne pratiquent pas d’exécutions sommaires, ne torturent pas leurs prisonniers et ne commettent pas d’exactions. Les combattant-e-s peuvent même dans certains cas, refuser des ordres et déposer leur commandant s’il ne satisfait pas à certaines exigences.

***
Voilà qui est bien enthousiasmant ! Mais nous, Alain, Christian et Patrick, les trois compères de « La gueule ouverte » qui échangeons, ce soir-là, avec Raphaël Lebrujah, nous méfions de l’illusion lyrique. Il y a, tout intuitivement, une contradiction, au moins apparente, entre les pratiques libertaires et les pratiques de guerre qui exigent une discipline drastique, nous semble-t-il, encore que nous n’en soyons pas des spécialistes, c’est le moins que l’on puisse dire. Il faudrait aller y voir de plus près.
Le Rojava, c’est loin et c’est intéressant, passionnant même : une utopie en marche ? En écoutant Raphaël, beaucoup de questions se posent à nous. Nous entendons bien plus qu’un « son de cloche », c’est un avis sans doute éclairé (4) mais il nous faudrait vraiment voir cela de plus près, par nous-mêmes. Sur la question de la peine de mort, par exemple : que faire si des comités locaux décident de transgresser la loi commune ? Plus globalement et fondamentalement, jusqu’où va l’autonomie des conseils ? En regardant chez nous, en France et en Europe, des expériences de ce type sont, à moindre échelle, déjà en place ici et il est sans doute plus efficace d’aller voir et d’agir à quelques pas de chez nous, par exemple à Notre-Dame-des-Landes.
…

Comment s’inspirer de ce modèle pour créer des zones d’autonomie en France ou en Europe, dans des conditions hors d’une guerre « chaude » ? La question se pose à nous, elle est posée à Raphaël et nous devisons dans ce sens. Pour nous tous, c’est une question majeure.

Il y a des différences structurelles évidentes : le Rojava est une région agricole, et une région pauvre, même si elle est considérée comme le « grenier » de la Syrie. Le gros de la classe moyenne a quitté le Rojava. Mais le Rojava n’est pas une région misérable, on y mange à sa faim. Peu centralisée et peu technologique, elle a tout d’une région possiblement « résiliente ». Il n’en va pas de même en France, pays moderne, citadin, avec une agriculture industrielle, un pays où les habitants ne connaissent que la démocratie représentative. Il faudrait de considérables changements dans les représentations sociales autour de la démocratie et plus encore dans les pratiques quotidiennes pour que la grande majorité des gens aillent jusqu’à prendre leur destin en main. Le semi-échec de « Nuit debout » le montre. Outre la population qui a participé quotidiennement aux commissions de « Nuit debout », ce mouvement est resté jusqu’ici minoritaire dans le pays et le feu n’a pas pris, même si des « Nuit Debout » sont nées dans nombre de villes françaises et européennes. Peut-être en irait-il ainsi de tout pays connecté à la mégamachine mondialiste, avec une classe moyenne importante et dans lequel le système de protection sociale fonctionne encore relativement ? Par contre, la région autonome du Rojava est tout autre, et isolée, coupée du monde, sous embargo. Mais le pire n’est pas sûr, les changements radicaux sont toujours le fait de minorités, selon la sociologue fameuse Margareth Mead. 
En France, ce modèle de fonctionnement social s’actualise d’ailleurs, ou s’en rapproche au moins par bien des aspects, dans divers lieux, qui se veulent permanents, si l’on examine l’autogestion des ZAD (zones à défendre), comme Notre-Dame-des Landes ou d’autres lieux construits en sociétés parallèles. Des lieux menacés, dans leur pérennité, par le pouvoir en place qui les supporte s’il ne peut les faire évacuer. On y trouve naturellement une population dont le projet est bien de vivre indépendamment du pouvoir en place et de l’Etat français, de construire une société sans reproduire des structures de pouvoir, sans doute de vivre d’une manière à la fois nouvelle et ancienne, à inventer au quotidien. Dans une proximité avec le Rojava, cette population se distancie des circuits et des réseaux habituels et se déconnecte volontairement du broyeur libéral. 
L’idée et le slogan « Zad partout » s’apparentent bien à un projet de « communalisme », un projet qui se forge dans des expériences concrètes. Il s’agit peut-être du seul véritable projet politique alternatif aujourd’hui.

Notes et références :

(1) le Kurdistan est à cheval sur 4 états : la Turquie, l’Irak, la Syrie et l’Iran

(2) Murray Bookchin (1921-2006) (bibliographie trouvée sur wikipédia) : 
Murray Bookchin (trad. Helen Arnold et Daniel Blanchard), Pour une société écologique  : Recueil de textes et préface inédite de l’auteur, Paris, Christian Bourgois ed, 1976 (ISBN 2267000350).
Murray Bookchin, Une société à refaire : vers une écologie de la liberté, Montréal, Éditions Écosociéte, 2011 (réimpr. 1992) (ISBN 9782923165561).
Murray Bookchin, Sociobiologie ou écologie sociale, Lyon, Atelier de création libertaire, 1999 (réimpr. 1993) (ISBN 9782905691682, lire en ligne).
Murray Bookchin et Dave Foreman, Quelle écologie radicale ? : écologie sociale et écologie profonde en débat, Lyon, Atelier de création libertaire/Silence, 1994 (ISBN 9782905691279, lire en ligne).
Murray Bookchin, Pour un municipalisme libertaire, Lyon, Ed. Atelier de création libertaire, 1er janvier 2003 (ISBN 9782905691880 et 2905691883, lire en ligne).
Murray Bookchin (préf. Hervé Kempf), Qu’est-ce que l’écologie sociale, Lyon, Éditions Atelier de création libertaire, 2012 (réimpr. 2003) (1re éd. 1989) (ISBN 9782351040584, lire en ligne).
Au-delà de la rareté – L’anarchisme dans une société d’abondance, textes pionniers 1965-70, présentation Vincent Gerber, Écosociété, 2016, 280 p., (ISBN 9782897192396), texte intégral.

(3) Abdullah Ocalan : Le confédéralisme démocratique (2011) – dont le PDF est d’accès libre de droits sur internet. Ici : http://www.freedom-for-ocalan.com/francais/Abdullah-Ocalan-Confederalisme-democratique.pdf

(4) Raphaël Lebrujah : blog sur médiapart. https://blogs.mediapart.fr/laterreur/blog?page=4