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L’État contre l’autonomie des institutions, une analyse sur les zones autonomes zapatistes du Chiapas et les communes libres du Rojava avec Pierre Bance (PDF)

Posted in 3eme guerre mondiale, actualité, altermondialisme, autogestion, colonialisme, crise mondiale, démocratie participative, gilets jaunes, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, militantisme alternatif, pédagogie libération, politique et lobbyisme, politique et social, politique française, résistance politique, société des sociétés, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , on 22 janvier 2022 by Résistance 71

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Résistance 71

22 janvier 2022

Il y a quelques jours nous publiions ce texte essentiel d’Errico Malatesta « Les deux routes » dans lequel l’anarchiste italien, en 1921, année de la répression sanglante de la commune de Cronstadt par le pouvoir capitaliste d’état bolchévique et en prémisse de ce qui arriverait aux communes libres espagnoles 15 ans plus tard, expliquait les deux chemins empruntés par le socialisme et pourquoi le chemin vers l’anarchie était la seule possibilité émancipatrice pour la société humaine.
En complément de ce texte, nous publions ci-dessous sous sa forme pdf mise en page par l’auteur, Pierre Bance, une excellente analyse moderne de mise en parallèle de deux sociétés actuelles tentant de mettre en place l’émancipation de l’imposture étatico-marchande qui nous est imposée depuis des siècles. Ces deux sociétés en question sont la société zapatiste du Chiapas et la société du confédéralisme démocratique (CD) de la région du Rojava, cette zone sous stress géopolitique impérialiste depuis 2011 comprise entre les entités étatiques syrienne et turque et soumise à une guerre de contrôle territorial depuis plus de 10 ans.
A Résistance 71, depuis le départ, nous soutenons les Zapatistes du Chiapas et avons soutenu et soutenons encore le CD tel que préconisé et envisionné par Abdullah Öcalan à la fin des années 90, début des années 2000. Depuis 2016, bien des choses se sont produites au Rojava qui font questionner son évolution et nous avons émis bien des réserves sur le projet dès lors qu’il a été manifestement approprié par l’empire anglo-américano-sioniste dans sa mise en place de terrain du « contrat social du Rojava », sorte d’entité proto-étatique n’ayant plus, en apparence, grand chose à voir avec le CD d’Öcalan et la confédération des communes libres.
Pierre Bance dans le texte ci-dessous, fait une remarquable analyse-synthèse de cette évolution, et remet certaines pendules à l’heure en replaçant l’affaire dans son contexte géopolitique et en faisant un parallèle avec la société zapatiste du Chiapas dans le sud-est mexicain. Une excellente analyse à lire, relire et à faire circuler au grand large pour nous aider à comprendre le chemin à suivre par delà les aléas géopolitiques du moment. Ce texte est le meilleur que nous ayons lu sur le sujet depuis un bien long moment. Merci à Pierre pour ce superbe effort de synthèse tout à fait réussie.
Définitivement un texte à lire et diffuser parmi les Gilets Jaunes !

Le texte de Pierre Bance « Autonomie des institutions Chiapas, Rojava »
Format PDF
Autonomie des institutions Chiapas-Rojava – Fédéchose n° 190 – page 31-35

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Gardons toujours présent à l’esprit ceci :

Il n’y a pas de solution au sein du système, n’y en a jamais eu et ne saurait y en avoir ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

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Rojava : Confédéralisme Démocratique vs Contrat Social à la sauce yankee sur fond de guerre impérialiste… En savoir plus avec le livre de Pierre Bance « La fascinante démocratie du Rojava »

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Nous rappellerons ici la position de Résistance 71 sur le Rojava : Oui au Confédéralisme Démocratique originel… Non au compromis réformiste du Contrat Social du Rojava à la sauce yankee. Pour comprendre cela, il suffit de lire les deux textes, ils parlent d’eux-mêmes.
Nous y reviendrons…
~ Résistance 71 ~

 

Présentation du livre “La fascinante démocratie du Rojava” de Pierre Bance

 

Éditions Noir & Rouge

 

Janvier 2021

Le Rojava n’est pas seulement une épopée militaire des Kurdes de Syrie contre  l’État islamique, un havre d’émancipation pour les femmes, un imbroglio diplomatique digne de l’histoire moyen-orientale, un destin que l’on craint tragique,  c’est aussi et d’abord une expérience politique et sociale inédite et fascinante.
PIERRE BANCE

Inédite, car elle lie, dans un même contrat social, la démocratie directe et le parlementarisme. Alliage improbable de communes autonomes, d’assemblées législatives et de conseils exécutifs fédérés. Fascinante, parce que fondée sur les droits de  l’homme, les libertés fondamentales et l’écologie sociale, elle s’exprime au cœur  d’un Proche-Orient pétri de dictatures, de démocraties chaotiques, d’États-nations  aux visées hégémoniques, au milieu de sociétés aux coutumes patriarcales et aux pratiques religieuses conservatrices. Fascinante encore quand elle réussit à unir dans une même auto-administration, à égalité de droits et de devoirs, les peuples kurde, arabe, assyrien, chaldéen, turkmène, arménien, tchéchène, tcherkesse… de diverses confessions musulmanes, chrétiennes et yézidie, là où dominait la loi du plus fort.

Sans doute, tout ne fonctionne pas à merveille au nord de la Syrie. Comment  pourrait-il en aller autrement avec la guerre impérialiste ottomane d’Erdoğan, la pression des obscurantistes du djihad, les menaces d’Assad de réinvestir le territoire et les trahisons des alliés russes et occidentaux. Néanmoins, tant les avancées en matière de droits et libertés que les expériences institutionnelles originales menées au Rojava intéresseront tous les démocrates qui cherchent à refonder un système de représentation déconsidéré. Comme ceux qui, de par le monde, aspirent à une société libérée de toute domination, car l’Administration autonome de la Syrie du Nord et de l’Est soulève la question de fond: comment se passer de l’État et dépasser le capitalisme?

L’auteur

Pierre Bance, docteur d’État en droit, ancien directeur des Éditions Droit et Société, est l’auteur d’Un autre futur pour le Kurdistan ? Municipalisme libertaire et confédéralisme démocratique (Noir et Rouge, 2017). Ses travaux sont publiés sur le site Autre futur (http://www.autrefutur.net/).

Commander le livre :

https://editionsnoiretrouge.com/index.php?route=product/product&product_id=87

 

Commune Internationaliste du Rojava : Quelle est-elle en 2020 et où va t’elle ? Entretien avec des membres du Tekosîna Anarsîst (PDF)

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Résistance 71

4 novembre 2020

De rares nouvelles de l’intérieur du Rojava avec cet entretien en compagnie de membres du groupe Tekosîna Anarsîst (Lutte Anarchiste), que nous avons traduit et publié en deux parties. Jo nous en a fait un superbe PDF.
Cet entretien répond à quelques questions qui se posaient concernant le Confédéralisme Démocratique et la Commune du Rojava. Existaient-ils toujours ? Ont-ils été trahis depuis 2016 ? Qui est en charge et qui y fait quoi ? Réponses, points de vue et perspectives…

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(version PDF, traduction R71)


Commune Internationaliste du Rojava

Confédéralisme Démocratique : Excellent entretien avec des membres de Tekosina Anarsist / Lutte Anarchiste du Rojava… Analyse, compte-rendu de terrain et perspective pour une révolution sociale prise entre le marteau et l’enclume (1ère partie)

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Un entretien particulièrement bien vu et utile  car il permet d’évaluer beaucoup mieux la situation interne au Rojava qui n’est, comme nous l’avons souvent répété, ni blanche ni noire, mais possède une énorme variété de paramètres à prendre en considération. Nous n’avons que peu d’information filtrant de la région et de la situation réelle de terrain au-delà de toutes les propagandes possibles des entités impliquées conflictuerllement ou pseudo-conflictuellement dans la zone. Il est donc difficile de comprendre tous les tenants et aboutissements du terrain. Cet entretien est une véritable torche qui éclaire une bonne partie de la situation, ce depuis 2011.

Le mouvement Tekosina Anarsist (TA) ou “Lutte Anarchiste” a été créé à l’automne 2017 au Rojava, il y a donc trois ans. Ce mouvement est international et est essentiellement une unité médicale de combat qui dispense à la fois des soins dans les zones de combat et forme des équipes médicales pour les unités kurdes du Rojava. L’an dernier, un membre italien de TA, Lorenzo Orsetti, a été tué dans les zones de combat du Rojava.

Cet entretien repositionne historiquement la lutte pour le Confédéralisme Démocratique dans cette région du monde et partout ailleurs, comme le préconise Abdullah Ocalan dans son manifeste pour le Confédéralisme Démocratique (CD) de 2011, qui n’a pas grand chose à voir avec le “Contrat Social du Rojava” pondu en 2016 et régissant le Rojava comme un proto-état à l’inverse du CD qui invoque l’abolition de l’État et des institutions. C’est donc avec un immense plaisir que nous avons traduit cet entretien, qui répond à bien des questions et des spéculations. Nous remercions les intervenants de cet éclairage si nécessaire.

~ Résistance 71 ~

“Chaque orage commence avec une simple goutte de pluie. Sois cette goutte !”
(devise du Tekosîna Anarsîst)

Tekosîna Anarsîst / Rojava

Un an après l’invasion turque du Rojava : un entretien avec des membres du Tekosîna Anarsîst sur la participation anarchiste dans l’expérience révolutionnaire de la Syrie du Nord-Est [1/2]

CrimethInc

Octobre 2020

url de l’article original :
https://crimethinc.com/2020/10/11/one-year-since-the-turkish-invasion-of-rojava-an-interview-with-tekosina-anarsist-on-anarchist-participation-in-the-revolutionary-experiment-in-northeast-syria

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

1ère partie
2ème partie

Il y a un an, avec la bénédiction de Donald Trump, les forces militaires turques ont envahi le Rojava, cherchant à procéder à un nettoyage ethnique afin de réarranger de force la région, commettant de nombreuses exécutions sommaires et déplaçants des centaines de milliers de personnes. Depuis 2012, la région autonome du Rojava est l’hôte d’une expérience multi-ethnique d’auto-détermination politique et d’émancipation féminine tout en combattant Daesh / EIIL. Des anarchistes ont participé à la résistance à l’invasion et à l’occupation turque, certains dans des équipes médicales de combat en Syrie et d’autres comme membres d’une campagne de solidarité internationale. Jusqu’à aujourd’hui, les forces turques continuent d’occuper une bande de territoire en Syrie, mais elles ont été bloquées dans leur conquête de la région complète.
Des anarchistes du monde entier ont été impliqués dans l’expérience du Rojava depuis bien des années, rejoignant les rangs des YPJ ou des YPG (les Unités de Protection du Peuple) lors de la défense de la province et de la ville de Kobané contre l’EIIL, formant plus tard leurs propres organisations, incluant les Forces de Guerilla Populaires Révolutionnaires Internationales (FGPRI) et plus récemment en 2017, le Tekoşîna Anarşîst (Lutte Anarchiste ou TA). Dans l’entretien extensif qui s’ensuit, plusieurs participants au TA comparent leurs expériences dans le combat contre Daesh et contre la Turquie, explorent ce qu’il s’est passé en Syrie depuis l’invasion [turque], évaluent l’efficacité des interventions anarchistes au Rojava et discutent de ce que les gens du monde entier peuvent apprendre des luttes se déroulant dans cette région.
Ceci constitue un document historique très important qui tire sa source de plusieurs années d’expérience de terrain et de réflexion. Pour les anarchistes qui s’opposent à toutes formes de hiérarchie et de force coercitive centralisée, la mise en place et la création des organisations armées d’auto-défense posent toute une série de question épineuses. Alors que l’entretien qui s’ensuit ne répond pas définitivement à toutes ces questions possibles, il est éclairant et informatif pour toute discussion concernant ces sujets.
~ CrimethInc ~

—Que s’est-il passé depuis l’attaque du Rojava par la Turquie en Octobre 2019 ?

Garzan: Nous avons discuté préalablement de la crise humanitaire qui a suivi l’occupation turque. Depuis cette invasion, le Rojava a vécu la plus longue période de temps sans une ligne de front active. Il y a toujours des opérations anti-Daesh et ses cellules dormantes à Deir Ezzor et occasionnellement des attaques turques à Aïn Issa, Manbij et Til Temir, mais les FDS ou “Forces Démocratiques Syriennes”, la structure parapluie des forces militaires combattant pour défendre la zone autonome auto-administrée du Nord-Est de la Syrie, prennent ce temps pour se préparer contre la prochaine attaque majeure turque. Les académies militaires entrainent de nouvelles forces, les villes proches de la ligne de front préparent leurs systèmes de défense. Les corps diplomatiques de l’auto-administration travaillent pour parvenir à un accord avec différentes forces dans en en dehors de la Syrie, poussant pour des solutions politiques, parce que cette révolution recherche la paix, mais sait aussi qu’elle doit être prête pour faire la guerre.

Mazlum: L’incursion militaire de la Turquie et de ses suppléants dans le nord-est syrien est un processus qui continue jusqu’à aujourd’hui. L’attaque de cette région implique toutes les bombes et roquettes qui se sont abattues sur les maisons des gens, toutes les cultures céréalières qui ont été brûlées et tous ces gens qui ont été tués y compris nos camarades ainsi qu’un grand nombre d’enfants, chaque balle qui a été tirée sur cette terre, chaque maison perdue, et tous ces gens qui sont maintenant des réfugiés dans leur propre pays ; mais tout ceci n’est qu’une partie de ce qui se passe. L’état turc mène aussi un type de guerre spécialisé dans le domaine de l’information et de la propagande, du renseignement et de l’espionnage, limitant la liberté des femmes, bloquant les accès à l’eau et d’autres ressources essentielles, éradiquant la culture, sabotant l’économie et mettant en péril l’écologie. La Turquie joue une diplomatie de guerre sur une très grande échelle.

Par exemple, après avoir capturé Serêkaniye en 2020, la Turquie a transformé le seul cimetière des FDS de la ville, là où des combattants ayant combattus Daesh ont été enterrés, en une base militaire pour les factions djihadistes de la SNA. Ceci pour montrer comment cette guerre est menée.

Imaginez une grand ligne de front, très intense. Puis imaginez l’équivalent de cela se situant chaque jour dans toutes les sphères de la vie, sauf celle de lutter physiquement avec des armes. C’est ce qu’il s’est passé depuis le début de l’invasion en 2018 à Afrin et maintenant après la prise de la ville de Serêkaniye en 2019. L’invasion n’a jamais cessé. Cette une guerre de basse intensité dans laquelle la tension demeure constante mais où il n’y a que très rarement des clashes et des combats. Le plus grand des évènements prend place à un niveau différent, mettre en place les conditions politiques dans la région et préparer la voie pour las prochaine offensive militaire.

Botan: Il y a aussi eu les histoires avec les prisonniers de Daesh, les émeutes de prison et les évasions. L’auto-administration ne reçoit que très peu de soutien pour gérer ces prisonniers de Daesh de manière judiciaire. Elle continue d’avoir la responsabilité de s’en occuper tout en préparant la défense contre la prochaine agression turque. La Turquie a aussi ciblé les révolutionnaires au moyen d’attaques par drones dans des zones civiles, par exemple, l’assassinat de trois femmes de l’Étoile de Kongra à Kobané en juin.

—Comment est-ce que l’invasion turque et le COVID19 ont affecté la vie des gens au Rojava ?

Garzan: La première vague COVID de mars a infecté moins de 50 personnes, grâce à la fois à la réponse préventive de l’auto-administration et aussi à l’embargo qui a rendu très difficile de voyager. Malheureusement il y a eu une seconde contamination en septembre qui a commencé depuis l’aéroport de Qamislo, contrôlé par l’état syrien et qui s’est étendue à toutes les villes principales du nord de la Syrie. Nous avons quelques 1800 cas connus et 70 morts, mais il est possible que le chiffre soit supérieur car nous manquons de facilités médicales. L’auto-administration fut proactive au début, interdisant les voyages entre les villes et encourageant le port de masques. Il y a aussi eu un couvre-feu pour les magasins et les endroits publics, sauf pour les magasins d’alimentation et les pharmacies, qui n’étaient autorisés à ouvrir que quelques heures dans la matinée. De manière générale, les gens prirent plus au sérieux ce virus lors de la seconde contamination, mais après des années de guerre, i est difficile de faire prendre au sérieux quelque chose qu’on ne voit pas. Les mesures de distanciation sociale ont peu de prise sur une société si fondamentalement axée sur la communauté et à partager la vie ensemble.

Vous pouvez lire des discussions plus détaillées sur la question de la part de volontaires médicaux internationalistes sur la façon dont le nord-est syrien gère la pandémie du coronavirus. Il y a des mises à jour régulières sur le  Rojava Information Center.

—Décrivez la différence entre combattre l’EIIL / Daesh et la Turquie. Quels sont les différents défis, tactiquement, politiquement et aussi émotionnellement ?

Garzan: La différence la plus évidente est la technologie militaire utilisée par l’ennemi. Daesh combattait avec des armes légères et de la petite artillerie ; ils se spécialisaient dans les voitures piégées, les attaques suicides et des Engins Explosifs Improvisés (EEI) très bien faits. L’état turc lui, combat avec des milices, par procuration, qui ont des chars et du soutien aérien au moyen d’avions de combat et de drones. Il y a très peu de soldats turcs sur les lignes de front, mais sur le terrain, l’ennemie est le même qu’auparavant. Il a été très bien documenté le fait que les combattants de Daesh mettent le drapeau noir de l’état islamique au rancard et sortent les bannières rouges de l’état turc. Ils ont maintenant le soutien total d’une armée qui fait partie de l’OTAN. Ceci nous a forcé à changer de tactique, comment nous bougeons, comment nous défendons à la fois nos forces militaires et les civils. Les lignes de front ne sont plus les tranchées où se formèrent les YPG/YPJ, ni non plus les zones de désert que les FDS ont libérées de Daesh. Maintenant, la ligne de front est partout où les avions turcs et les drones peuvent voler.

C’est aussi un gros défi politiquement. Quand nous combattions Daesh, tout le monde savait que ceci était un combat pour l’humanité, afin de stopper une sorte de fascisme théocratique qui utilisait la torture brutale et les exécutions publiques comme propagande. Mais maintenant que la Turquie continue ce que Daesh n’a pas pu finir, les défis sont bien plus gros. Non seulement les forces turques ont une technologie bien plus avancée que celle de Daesh, mais leur guerre politique et médiatique est bien plus forte, ce qui force les FDS et l’auto-administration à faire de plus gros efforts dans les relations diplomatiques avec les autres puissances afin de défendre le territoire libéré. Maintenir des relations diplomatiques veut aussi dire forger un narratif que d’autres forces puissent soutenir parce que si l’auto-administration parle ouvertement de l’horizon révolutionnaire et de Confédéralisme Démocratique, c’est à dire, de dépasser le cadre des états-nations et de mettre à bas le capitalisme et le patriarcat, il sera alors facile pour Erdogan d’obtenir le feu vet des autres puissances pour balayer le territoire libéré.

Şahîn: Il y a un risque accru pour les internationaux, particulièrement ceux qui combattent sur le front avec des armes. Plusieurs états qui ne poursuivaient pas leurs “citoyens” pour être venus ou venir ici pour combattre Daesh, ont changé leur politique ou arrêté de regarder ailleurs et poursuivent maintenant judiciairement ceux qui retournent. Et pas seulement les combattants. Ceci ne devrait en rien affecter la décision de venir, mais il est important de bien comprendre les risques et les positions dans lesquelles on peut se trouver afin de les minimiser au maximum tout en ne diminuant en rien notre volonté de lutter.

Une autre différence, et pour moi celle-ci fut énorme, est émotionnelle. Les dernières années contre Daesh, nous étions à l’offensive, nous étions le camp libérateur. Aussi dangereux que l’ennemi fut, il y avait une façon de combattre. Se battre contre la Turquie, nous étions sur la défensive, dans des situations où parfois la ligne de front était derrière nous et nous ne pouvions pas vraiment savoir comment les choses allaient se passer. Il est important de comprendre qu’il y aura encore des marches en avant, que nous allons continuer à défendre cette terre et à récupérer ce qui a été perdu. Mais dans cette réalité, le processus fait payer certaines factures. C’est un des pires tests mental qu’on puisse se voir infliger. Mais si nous ne pouvons pas percevoir la possibilité de la victoire, alors on ne peut jamais gagner. C’est à dire que nous devons y croire fortement et être plus malins afin d’identifier le talon d’Achille de l’ennemi. Il peut être bien caché, mais ce serait une grave erreur que de penser et de dire que simplement parce qu’ils sont plus gros et plus forts, ils doivent être imbattables.

Mazlum: Le défi émotionnel en ce qui me concerne et l’application d’une discipline militaire dans des situations où les vies de personnes furent directement menacées et où nous pouvions les aider. Pourtant, par ordre de la chaîne de commandement, nous ne pouvions pas le faire, faire ce que nous considérions comme nécessaire en accord avec notre propre jugement. Il y a eu beaucoup de situations comme celle-là. Par exemple une fois, nous avons appris que plusieurs camarades avaient été touchés par une attaque de drone quelques kilomètres plus loin sur la route. Nous savions qu’ils étaient blessés mais toujours en vie. Nous savions également que le drone tournait toujours autour de la zone, en attente que des équipes de secours arrivent pour aider les blessés et les tirer comme des lapins. Pour cette raison, un ordre strict fut émis de ne bouger sous aucun prétexte et nous pouvions parfaitement comprendre cet ordre après avoir été les témoins de camarades tués en pareille circonstance pour ne pas avoir respecté une certaine discipline et qui s’étaient déplacés au moment où on leur avait dit de ne pas bouger quelques soient les circonstances.

En même temps, nous savions que nos camarades étaient en train de saigner et que souvent la différence entre la vie et la mort est matière de quelques secondes en de telles circonstances. Calculant froidement, nous savions que le choix était de laisser quelques camarades certainement mourir et envoyer une unité médicale de combat à leur secours, qui serait plus que certainement bombardée et aussi tuée. En de tels moments, on ne peut qu’imaginer ce qui se passe dans la tête de nos camarades blessés et ce que vous ressentiriez si vous étiez là-bas, allongés en train de saigner et brûlés, cloués au sol, réalisant que vous êtes utilisés comme un piège. Ceci est une situation tactique et psychologique avec laquelle nous avons à faire face. Cette stratégie est sciemment utilisée par l’armée turque, capitalisant sur l’impact psychologique des attaques aériennes et de la surveillance des drones armés de missiles.

Les FDS ont déjà fait l’expérience de tout ça en 2016-17 dans des combats autour d’Al-Bab, lorsque la Turquie a utilisé un drone de surveillance et des frappes aériennes. Lors de la guerre contre Daesh, nous pouvions voir les positions des djihadistes frappées depuis les airs. Maintenant nous sommes les cibles froidement observées par les opérateurs entraînés de drones de la seconde plus grosse armée de l’OTAN.


Communes Libres du Rojava

—Comment la relation entre l’auto-administration et les Etats-Unis a t’elle changé cette année écoulée ? Que paraissent être les priorités des Etats-Unis dans la région ?

Şahîn: On pouvait rencontrer les militaires américains lorsque nous étions au front contre Daesh, dans les hôpitaux de terrain, sur les points d’artillerie et dans le soutien aérien. Ceci ne se passe plus sur le front contre la Turquie. La Turquie a commencé son offensive quelques jours après que Trump ait annoncé le retrait américain de Syrie. Ceci fut une mise en scène : Les Etats-Unis ne laisseraient pas si facilement les champs de pétrole et ils ne l’ont pas fait. dans les mois qui ont précédé l’invasion turque, les Etats-Uns se sont positionnés comme négociateur, faisant différents arrangements avec les FDS et la Turquie au prétexte d’assurer une “solution pacifique”. A la fin, frustrant bien des gens, les FDS ont coopéré, abandonnant plusieurs positions défensives, retirant toute arme lourde sur une bande de 30km de la frontière turque, diminuant le nombre de militaires dans les check points frontaliers et laissant les véhicules militaire turcs patrouiller la zone libérée avec les véhicules américains.

Tout ça n’avait pas d’importance. Trump a pris sa décision à l’emporte pièce. Finalement, toutes ces étapes n’ont fait qu’affaiblir la défense et rendu la tache plus facile à Erdogan et à ses milices par procuration d’envahir la zone.

Pas tout le monde en Syrie du nord-est est un révolutionnaire. Certains ont vu les Etats-Unis comme une force positive considérant qu’ils aidèrent à chasser Daesh et étaient du côté des “camarades du Rojava”, qui représentent une véritable alternative au régime de Bachar Al Assad, à l’EIIL / Daesh ou à l’Armée Libre Syrienne (ALS), soutenue par la Turquie, les groupes djihadistes aussi soutenus par la Turquie dans l’occupation du nord de la Syrie. Après cette trahison, tout le monde dans la région a compris l’autre tranchant de cette double épée qu’est la politique américaine. Au travers de cette société, des sentiments de méfiance devinrent rapidement apparents.

Les FDS comprennent que la guerre civile en Syrie comprend des défis complexes. En conséquence, elles n’ont pas pris la voie de la riposte et de la vengeance, mais ont essayé de se positionner afin de faire avancer la défense du peuple le plus possible. Sur le terrain, cela veut dire que la coopération avec l’armée américaine continue dans certains endroits, bien que les FDS comprennent parfaitement que les Etats-Unis ne retourneront jamais leurs armes contre la Turquie pour défendre la Syrie du Nord-Est. Ces contradictions sont difficiles à comprendre et les FDS donnent des responsabilités à beaucoup de groupes différents et qui sont bien difficiles à réaliser.

Garzan: En ce qui concerne les priorités des Etats-Unis, nous pouvons en fait citer henry Kissinger : “L’Amérique n’a ni amis ni ennemis, elle n’a que des intérêts.” Il y a plusieurs agendas derrière la politique américaine et parfois ils ne sont même pas en accord l’un avec l’autre. Les contradictions entre la Maison Blanche et le Pentagone se sont vues à plusieurs reprises. Quand Trump a déclaré que les troupes américaines resteraient en Syrie seulement pour sécuriser le contrôle des réserves pétrolières, se retirant de la frontière du nord alors que la Turquie se préparait à envahir, ceci fut une indication de priorités différentes. D’un côté, la Maison blanche voulait faire plaisir à Erdogan qui se rapprochait trop de la Russie et menaçait la stabilité de l’OTAN ; d’un autre côté, le Pentagone voulait contrôler l’expansion de l’influence iranienne dans le croissant chiite et freiner les avances des milices chiites acquises lors de leurs combats contre Daesh en Irak et en Syrie. La Syrie orientale possède de grandes ressources pétrolières et gazières et l’administration américaine voulait empêcher les milices chiites de gagner le contrôle sur celles-ci tout en empêchant l’Iran d’établir un couloir complet chiite connectant l’Iran, l’Irak, la Syrie et le Liban.

Sur le terrain, ceci se traduit par de gros véhicules blindés avec le drapeau américain sur les routes, se déplaçant et distribuant des bonbons aux enfants dans les villages. Ils en partageaient les photos sur les réseaux sociaux, essayant de sortir de cette image datant d’un an où les Kurdes jetèrent des pierres et des tomates à leurs véhicules après la trahison qui mena à l’invasion turque. La coalition (à savoir les FDS) a mené des opérations contre Daesh et soutenu les raids des forces anti-terroristes contre les cellules dormantes de Daesh, mais aussi mené des opérations dans des zones contrôlées par les Turcs comme celle qui a soi-disant tué le leader de l’EIIL Abou Bakhar al-Baghdadi. Cette opération reçut une publicité et audience internationale, mentionnant aussi parfois le soutien en renseignement fournit par les FDS.

—Avec le recul, comment les combattants du Rojava ont-ils vu les relations avec le gouvernement américain qui mena à l’invasion turque ?

Mazlum: Juste six mois avant l’invasion turque, en octobre 2019, les FDS battaient militairement Daesh dans la bataille de Baghouz Fawqani après plusieurs années de combats qui furent généralement soutenus par la “communauté internationale”. En rapport à cela, il y eut une certaine assomption, ou peut-être plus un espoir, qu’à cause de cela, la CI ne permettrait pas l’invasion qui mènerait au massacre des populations de la Syrie du Nord-Est. Tout le monde se posa la question. Maintenant nous pouvons regarder tout cela a posteriori et demander : qu’est-ce que cette communauté internationale ? Comprenons-nous cela comme tout le monde, toutes les institutions et les médias du monde qui prennent une position politique active et parlent de ce sujet ? Ou bien n’est-ce qu’un groupe de leaders politiques de pays avec leurs ministères et intérêts géopolitiques personnels ? Si c’est cette dernière, alors on ne peut s’attendre à rien d’autre de ces entités qui vendent des armes à la Turquie aujourd’hui, condamnent la guerre demain et le jour suivant, réaffirme l’importance et le soutien de l’OTAN et de cette alliance, tout en menant des vagues de répression contre le peuple kurde et le mouvement de libération dans leurs pays en même temps.

Un manque de confiance fondamental de l’establishment politique et des états est quelque chose que les anarchistes partagent avec un grand nombre de personnes en Syrie du NE. “Pas d’amis sauf les montagnes” (Ji bilî çiya hevalên me tune ne), comme dit le dicton kurde. Et si nous comprenons le vocable de “communauté internationale” comme tout le monde, institutions et médias du monde, nous pouvons dire qu’il est important que les gens parlent sur ce qu’il se passe et dissémine l’info. Mais honnêtement, si nous devons avoir un espoir pour que la communauté internationale arrête l’invasion, elle devra non seulement protester contre celle-ci, mais aussi la combattre et perturber la guerre économique turque. Aussi, nous pouvons constater que nous-mêmes en tant qu’anarchistes n’avons pas un mouvement révolutionnaire suffisamment fort pour donner un exemple qui pourrait être suivi.

La question qui se pose à nous est donc : A quel point pouvons-nous nous fier à ce terme si vague de “communauté internationale”, quand nous avons besoin de défendre et de changer nos sociétés ici et maintenant ? Et qu’est-ce que nous pouvons construire sur quoi nous reposer pour que nous ne soyons pas seuls quand les bombes tomberont sur nos têtes ? Pas seulement en terme d’être physiquement présents avec nos camarades à ce moment, mais plutôt dans l’échelle de la sincérité de ressentir avec nos cœurs que ce que nous défendons et ce pour quoi nous combattons est connecté à d’autres gens et peuples et endroits autour du monde ?

—En quoi la relation entre l’auto-administration et la Russie a t’elle changé ?

Garzan: Les relations avec la Russie ont été difficiles depuis qu’ils ont abandonné la ville d’Afrin à l’invasion turque en 2018. Ceci fut une énorme trahison. Ceci provoqua le fait que l’auto-administration dût plus dépendre des Etats-Unis, jusqu’à ce que ceux-ci firent la même chose en abandonnant aux Turcs les villes de Serêkaniye et de Gire Spi. Après ça, on peut voir comment l’auto-administration a pris plus d’initiatives en relations diplomatiques avec la Fédération de Russie, cherchant à court-circuiter le régime afin de négocier avec ceux qui prennent vraiment les décisions en Syrie. Il est important d’avoir présent à l’esprit le nombre de Kurdes qui vivent en Russie, bien plus que ceux qui vivent aux Etats-Unis, ce qui aide quand on parle diplomatie.

Leur politique semble toujours vouloir chercher à trouver un équilibre entre les relations avec les Etats-Unis et la Russie. Par exemple, Ilham Ahmed, le représentant du Conseil Démocratique Syrien, a visité Moscou quelques mois après une conférence avec la Maison Blanche. Après les accords sur les champs pétroliers de Deir Ezzor avec une obscure compagnie américaine du nom de Delta Crescent*, des négociations concernant les champs gaziers se sont ouvertes avec Gazprom, la plus grosse entreprise énergétique liée au gouvernement russe, La Russie est un état très pragmatique en ce qui concerne la diplomatie, mais la Russie se focalise plus sur la Turquie, pas seulement sur des négociations ayant trait à des ventes d’armes et autres intérêts économiques, mais aussi pour éloigne la Turquie de l’OTAN et affaiblir la suprématie des Etats-Unis.

(*) note de R71: renseignements pris, Delta Crescent Energy est une entreprise pétrolière enregistré dans l’état du Delaware aux USA (état paradis fiscal qui facilite les exemption d’impôts etc…) en août 2019. En partenariat sont James Reese (ex-officier de l’armée US, membre de l’unité commando Delta Force, d’où le nom de l’entreprise…) et fondateur de la firme TigerSwan, firme de “sécurité, de logistique et de gestion de risque” louant ses services à des entreprises privées et au gouvernement américain, en clair, une boîte de barbouzeries en tout genre, et un autre associé du nom de John Dorrier, ex-exécutif de l’entreprise pétrolière britannique GulfSands qui a travaillé auparavant en Syrie. Donc associés: un pétrolier et un garde du corps de luxe…
Toute l’opération est soutenues par Mike Pompeo, ministre des affaires étrangères de Trump et ex-directeur de la CIA… bref c’est du pillage en bande organisée au plus haut niveau entrepreneurial et gouvernemental. Tout le monde sait, personne ne dit rien, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes oligarque.

–*–

—Quelles sont maintenant les dynamiques de pouvoir entre le gouvernement d’Al-Assad et l’auto-administration ?

Şahîn: L’Armée Arabe Syrienne (AAS), la force militaire de l’état syrien est présente sur quelques lignes de front contre la Turquie, bien que ce soit plus une question de diplomatie venant de leur part. Il y a un ennemi commun mais des buts différents. Donc, ils sont moins motivés à combattre la Turquie et une relation différente avec les alliés.

Le conflit avec le régime Assad est plus politique et économique. Les camarades ne perdent ni leur temps ni leur énergie et ressources à contester l’AAS et ceci ne serait en rien le meilleur choix. Les négociations ont échoué parce que les deux positions opposées étaient trop différentes et trop intransigeantes pour trouver une voie commune. Assad essaie d’affaiblir la révolution en offrant de meilleurs prix aux paysans, en coupant l’électricité et tactiques de ce genre. Il n’a aucun soutien dans la population kurde du NE de la Syrie, mais ceci est plus complexe au sein des populations arabes et assyriennes. Il essaie de jouer la carte du diviser pour mieux régner. Les camarades savent cela. C’est déjà un des objectifs de la révolution, du confédéralisme démocratique, de ne pas fonder la société sur une identité nationale ou ethnique unique, mais de trouver le chemin pour que les différentes communautés puissent vivre ensemble, peut-être avec des zones semies-autonomes sur le même territoire. Ceci est un des points clefs de la solution sans état qui constitue la proposition d’Ocalan.

Garzan: Le gouvernement Assad est fondé sur la logique de l’état-nation. Il a survécu à cette guerre grâce à des interventions extérieures, essentiellement de la Russie, mais aussi par l’influence interne de factions nationalistes dures, comme le parti national socialiste de Syrie. Ceci leur rend impossible d’accepter la proposition de la nation démocratique et du modèle confédéral proposé par l’auto-administration. Lorsque les négociations sont au point mort, le régime revient aux stratégies que tous les états emploient pour assurer leur hégémonie : la violence et la répression. A l’été 2019, une vague d’incendies a ravagé les cultures agricoles du NE syrien.

Le blé est une des ressources principales de la région, donc ceci fut un coup terrible pour l’économie de l’auto-administration. Au début, les gens pensèrent que c’était l’œuvre de Daesh, mais il se trouva que la plupart des personnes qui furent arrêtées alors qu’elles mettaient le feu étaient membres des services de renseignements du régime Assad. En novembre, en conséquence de l’invasion turque, la menace commune à l’intégrité du territoire syrien mena à des négociations qui résultèrent en un accord de déploiement commun autour de la frontière turque. Les deux forces sont au front pour combattre les Turcs et leurs milices proxies, mais les négociations politiques ne progressent pas. La Russie commence maintenant une procédure de médiation, soutenant publiquement quelques demandes de l’auto-administration sur le comité de constitution et les pourparlers de paix de Genève, ainsi que de faire de la Syrie un état fédéral. Le régime n’est pas satisfait de cela mais sa dépendance du soutien russe fait qu’il lui est difficile de s’opposer aux décisions russes.

—A posteriori dans les premières phases de la révolution syrienne, y a t’il eu des opportunités manquées dans le processus ?

Garzan: Il est très intéressant de réfléchir sur les premières années de la révolution, le soi-disant “printemps arabe”, afin d’analyser comment les évènements s’enchaînent pour nous mener là où nous en sommes aujourd’hui. En ces temps, il y a presque 10 ans, bien des forces différentes s’opposaient au régime d’Al-Assad. En bref, nous pouvons dire que la première vague de soulèvement démocratique s’est effondrée lorsque la situation a dégénéré en conflit armé, mais l’histoire est bien plus compliquée que ça. Cette vague de soulèvements démocratiques fut diverse et organique, comme les conseils locaux organisés dans les différentes villes en vue d’une perspective révolutionnaire. Un réseau de conseils locaux émergea, influencé par la vie et le travail d’Omar Aziz, un anarchiste syrien qui prit une part active dans les soulèvements jusqu’à ce qu’il soit arrêté et tué dans les prisons de Damas.

(NdT: Omar Aziz ou “Abou Kamel”, 1949-2013, anarchiste syrien, diplômé de l’université de Grenoble, promoteur des conseils populaires, fondtreur du premier conseil populaire à Damas en 2011 dans le district de Barzeh, mort en détention des suites de maltraitance et de malnutrition comme bon nombre de prisonniers politiques en Syrie.)

Ces soulèvements reçurent un soutien des sociétés occidentales et le régime savait à quel point un mouvement pouvait être dangereux lorsqu’il gagne le soutien de l’opinion publique occidentale.

Du côté militaire, la création de l’Armée Syrienne Libre (ASL) en opposition à l’AAS a marqué le début de la “guerre civile”. Le régime Assad voulait et œuvrait à écraser les forces révolutionnaires et permettre à d’autres courants de gagner le contrôle sur les soulèvements populaires. L’escalade militaire endommagea les mouvements socialistes, démocratiques et séculiers, tandis que des groupes salafistes furent plus utilisés à opérer clandestinement comme une force insurgée. Lorsque Daesh a commencé à s’infiltrer en Syrie en 2013 [depuis l’Irak], plusieurs factions islamistes de l’ASL trahirent et rejoignirent L’EIIL/Daesh. Lorsqu’Al-Bagdhadi déclara le califat à Mossoul en 2014 et que leurs forces se déplacèrent vers la Syrie depuis l’Irak, elles commencèrent à avancer sur les arrières de l’ASL Avec le régime d’un côté et Daesh de l’autre, les territoires sous contrôle de l’opposition furent écrasés sous les bannières du califat.

Au Rojava, la situation fut différente. L’expérience du mouvement kurde sur la résistance à long terme, spécifiquement avec ces trente dernières années de guerre contre l’état turc, lui a donné les moyens de naviguer sur les flots tumultueux des évènements. Au début, le mouvement kurde fut capable d’écarter les représentants du régime Assad avec une utilisation minimale de la force, simplement e étant bien plus nombreux que les soldats syriens et les forçant à partir. Les Kurdes saisirent cette opportunité pour commencer une révolution pendant ces temps convulsifs, mais ils maintinrent leurs distances avec les mouvements arabes d’opposition par manque de confiance et par surprécaution. Nous ne devrions pas oublier l’oppression qu’ont subi les Kurdes en tant que minorité ethnique, avec leur langue non reconnue officiellement, leur nationalité mise en question, leur chance de finir en prison ou de vivre dans la pauvreté bien supérieure que les personnes de la majorité ethnique.

Et bien sûr, il y eut aussi des divisions au sein même de la population kurde, les milices armées kurdes furent divisées entre les YPJ/YPG loyales au YPD, parti politique dévoué aux idées du confédéralisme démocratique, les milices liées au PDK-Syrie, parti politique affilié au PDK ou parti démocratique kurde d’Irak (NdT: créé et sponsorisé par la CIA depuis l’époque de Saddam Hussein, mené par le clan Barzani), le parti politique le plus influent de la zone kurde d’Irak, et d’autres milices sans affiliation claire particulière. Les milices kurdes furent impliquées dans quelques combats avec l’AAS, mais les plus gros clashes commencèrent lorsque les unités de défenses populaires YPG et YPJ (unités populaires féminines de protection combattantes) accrochèrent le groupe islamiste du Jahbat Al-Nosra, la branche d’Al Qaïda en Syrie. Alors que les combats et la guerre s’intensifiaient, les factions plus faibles furent absorbées par les plus fortes ou furent juste démantelées. Quand l’EIIL commença à pénétrer en Syrie en 2013, les factions en opposition durent choisir un camp, avec Daesh ou contre. A cette époque commença une coopération entre les YPG et YPJ et des groupes d’opposition révolutionnaires formant une alliance Euphrates Volcano. L’EIIL gagna du terrain et monta en puissance et commença le siège de la ville de Kobané, là où éventuellement Daesh fut vaincu. Les FDS commencèrent leur offensive contre le califat. Cette vidéo (This video ) offre une revue complète du devenir des territoires durant le conflit.

Il est difficile de vraiment cerner ce qui aurait pu se passer différemment. On peut imaginer des scénarios différents, mais ils ne seront que de la pure spéculation subjective.

La première idée qui vient à l’esprit est que si Bachar Al-Assad avait négocié avec l’opposition pendant les premiers mois des soulèvements, on peut imaginer un processus de transition dans lequel quelques réformes auraient été mises en place dans l’état syrien, quelques concessions auraient été faites à l’opposition et une partie de cette opposition intégrerait l’état en accord avec une stratégie de diviser pour mieux régner. Ceci aurait isolé les mouvements cherchant un changement radical ; d’un côté le mouvement révolutionnaire kurde et de l’autre les groupes salafistes comme Al-Nosra. Dans ce scénario on peut imaginer une opposition politique kurde essayant de faire passer des propositions auprès d’un gouvernement transitoire, ce qui aurait plus que vraisemblablement refusé. Toute tentative de poussée révolutionnaire dans la zone kurde aurait été écrasée par l’AAS, qui n’aurait pas été occupée à défendre les grandes villes dans ce scénario. Ce scénario ne suggère aucune opportunité pour une meilleure situation révolutionnaire.

Un second scénario aurait pu impliquer une plus grande coordination organique entre l’opposition révolutionnaire et le mouvement kurde, par laquelle le régime aurait été mis à bas avant qu’il ne puisse consolider le soutien de la Russie. Je crois que c’était le scénario dont avait le plus peur Bachar al-Assad et c’est pour cela qu’il a mis tant d’effort à écraser l’opposition, bombardant les mobilisations de protestation et faisant relâcher les islamistes des prisons pour s’assurer que l’opposition soit bien contrôlée par les groupes salafistes. Un autre facteur qui a rendu ce scénario  difficile a réaliser fut le manque d’un mouvement révolutionnaire arabe pré-existant en Syrie qui aurait pu développer des connexions organiques avec le mouvement révolutionnaire kurde avant la révolution. Une fois la première balle tirée, les urgences de la guerre rendent difficile l’établissement de nouvelles passerelles. L’alliance “Euphrates Volcano” ci-dessus mentionnée fut un bon pas dans cette direction.

Ça aurait peut=être pu se produire plus tôt, mais l’opposition était une mosaïque de différents groupes et factions, ce qui rendait difficile l’établissement d’une coordination avec une organisation formelle comme le mouvement de libération kurde. Maintenant on peut aussi critiquer le mouvement kurde de ne pas avoir plus pousser pour ce scénario, mais nous devons aussi comprendre que la première rencontre majeure entre le YPG et l’ASL fut dans la bataille d’Alep durant laquelle le front Al-Nosra a fréquemment bombardé les voisinages kurdes de Sheikh Maqssod. Ces clashes rendirent la coordination avec l’opposition encore plus difficile. Manis dans un scénario ayant une meilleure coordination, Bachar al-Assad serait tombé.

Dans un troisième scénario potentiel dans lequel les choses auraient pu en être bien différentes, Kobané aurait pu tomber aux mains de Daesh en 2014. Dans ce cas, la révolution aurait été écrasée, Erdogan pourrait souffler, et le califat serait devenu de plus en plus fort. Fin de partie. Ceci aurait pu avoir des effets géopolitiques massifs. Il n’y a aucune opportunité révolutionnaire dans ce scénario. Dans un autre scénario potentiel, celui dont rêvait les soutiens de la cause kurde, il y aurait eu connexion entre les trois cantons le long de la frontière turque qui ont une population kurde considérable Après la libération de Kobané, Le YPG/YPJ a commencé une campagne qui libéra Serêkaniye et Tal Abyad, connectant ainsi les cantons de Kobané et de Ciziré.

Les opérations pour se connecter avec le dernier canton , Afrin, se mirent en route des deux directions. Ceci était le scénario qui faisait le plus peur à la Turquie : une frontière complète sour le contrôle des forces révolutionnaires kurdes aurait été un véritable cauchemar for le régime Erdogan, Quand Manjib fut libérée sur le front de Konané et que le front d’Afrin commença à glisser vers Tel Rifat, la Turquie lança l’opération “Bouclier sur l’Euphrate”, mesure désespérée pour bloquer la mise en place d’un couloir complet sous contrôle kurde le long de la frontière. La course pour Al-Bab devint une folle situation de toute première importance. La coopération entre l’état turc et l’état islamique de Daesh joua un rôle capital, l’EIIL se retirant pour laisser l’armée turque prendre le contrôle de ces territoires. Lorsque les soldats turcs arrivèrent aux portes d’Al-Bab, le rêve de connecter les cantons entre eux prit fin.

Finalement, il faut mentionner quelque chose au sujet de la création des Forces de Défense Syriennes (FDS). Elle fut un parapluie militaire créé en partie pour permettre à la coalition internationale menée par les Etats-Unis, de soutenir les forces kurdes sans mettre en colère la Turquie. La Turquie menaçait les Etats-Unis de quitter l’OTAN si les US soutenaient les YPG/J, alors les Etats-Uns ont mis au point le parapluie des FDS plutôt que de soutenir directement les YPG/J. Pour le mouvement de libération kurde, cette étape était nécessaire pour assurer la survie du Rojava, pour continuer de combattre Daesh sans que la Turquie n’écrase la révolution. dans le même temps, cela créa une dépendance envers l’hégémonie impérialiste mondiale, ceci avec tous les problèmes contradictoires que cela entraîne. S’il y avait déjà eu en place un mouvement révolutionnaire international fort à ce moment là, les choses auraient pu se passer bien différemment.

Aujourd’hui, nous en sommes là à cause de ce qui s’est passé auparavant et nous devons apprendre de tout ça. En tant qu’internationalistes, nous pouvons voir que notre rôle, bien que très médiatisé par certains médias, n’a été que très marginal et symbolique. Nous sommes bien loin de pouvoir mobiliser les quelques 50 000 internationalistes ou plus qui se sont mobilisés pour la guerre et la révolution espagnoles et la plupart d’entre nous n’étions pas des révolutionnaires très expérimentés lorsque nous sommes arrivés ici. Mais nous avons l’opportunité d’apprendre de la lutte en Syrie et de transmettre ces expériences aux autres mouvements révolutionnaires. Une leçon qui est très claire est que les mouvements révolutionnaires demandent du temps et de l’expérience pour être préparés à jouer un rôle signifiant dans tout conflit, car la seule façon possible est en développant une organisation et en devenant un mouvement de masse connecté avec la société.

A suivre…

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Lectures complémentaires :

Confédéralisme Démocratique

Abdullah Ocalan Confédéralisme Démocratique

Textes fondateurs pour un changement politique radical

Il n’y a pas de solution au sein du système, n’y en a jamais eu et ne saurait y en avoir !

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

+

4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

Confédéralisme Démocratique du Rojava: De l’État à la démocratie… Anatomie d’un changement de paradigme 2ème partie

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, colonialisme, crise mondiale, démocratie participative, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, ingérence et etats-unis, militantisme alternatif, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, politique et lobbyisme, politique et social, résistance politique, société des sociétés, société libertaire, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , on 15 octobre 2019 by Résistance 71

La seconde partie nous indique ce qu’est le Confédéralisme Démocratique et comment il s’applique sur le terrain, au Rojava et potentiellement ailleurs…
Pour que voit le jour la Société des Sociétés, à bas l’État ! A bas la marchandise ! A bas l’argent ! A bas le salariat ! Vive la confédération des communes libres volontairement associées !

~ Résistance 71 ~

En résultat [de la colonisation], la terre natale kurde fut divisée et les Kurdes furent forcés de se soumettre à des politiques d’états de déni et de diminution de leur volonté et pouvoir politique. Leurs réalités sociales furent divisées et bientôt ils se perdirent eux-mêmes. Pour subvenir à leurs besoins économiques, ils durent abandonner leur identité et furent démunis de statut légal et d’opportunités contemporaines d’éducation afin de récupérer leur existence idéologique et culturelle fondée sur leur identité. Ce déni d’identité tourna alors sur une question du fait qu’ils ne pouvaient pas vivre librement.
(Abdullah Öcalan)

“Les états sont maintenant des synonymes de chaos, de crise, de ruine et de malheur pour l’humanité. Nous devons nous libérer de cette calamité. Si vivre sous le joug de l’exploitation et de l’oppression n’est pas dans la nature de l’être humain, alors ni l’État, ni le drapeau qui le représente ne peuvent représenter le peuple et la société.”
(Commune Internationaliste du Rojava)

 


Réseau de Résistance & Rébellion International 

 

De l’État à la démocratie: anatomie d’un changement de paradigme

 

Komun

Commune Internationaliste du Rojava

 

Juin 2018

Source: https://komun-academy.com/2018/06/27/the-new-paradigm/

 

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

 

1ère partie

2ème partie

 

De cette façon, depuis 2005, le PKK et toutes les organisations affiliées ont été restructurés sur la base d’un projet appelé KCK (Union des Communautés du Kurdistan ou Koma Civakên Kurdistan).

Le KCK est une organisation fondée sur la société et créée comme alternative à l’État, elle vise à s’organiser depuis la base sous la formes d’assemblées populaires.Le KCK est un mouvement qui lutte pour former sa propre démocratie, il ne voit pas les états existants comme un modèle, ni ne les voit comme un obstacle. 

Note de R71: Ce lâcher-prise de l’antagonisme est une excellente chose qui ne peut mener qu’à la synthèse politique adéquate, celle de la société des sociétés. Bien entendu, toutes les impostures et dictatures de la marchandise œuvrent et œuvreront contre…

Le but principal dans la formation du KCK est défini comme une lutte pour disséminer la démocratie radicale (fondamentale) sur l’organisation démocratique du peuple et sa capacité à prendre des décisions. La formation du KCK met en place un nouvel instrument qui surpasse la façon de voir étatique des relations sociales. En cela, le confédéralisme démocratique, qui constitue l’idée fondamentale du KCK et de son organisation, est valide partout dans la vie des Kurdes. Ceci inclut l’Irak, où les Kurdes vivent dans une structure d’état fédéral ayant des droits constitutionnels, incluant l’auto-gouvernement.

Il y a deux facteurs clefs dans le projet: une compréhension de la démocratie en tant que pouvoir du peuple, non pas une forme de gouvernement et que l’état et la nation doivent être laissés en dehors de cette compréhension.

Le confédéralisme démocratique est l’organisation du peuple, dans toutes les sphères non-étatiques de la vie. Il correspond à la diminution drastique de l’état existant dans le monde et de la tendance de la société à s’organiser en dehors de structures étatiques pour arranger sa propre vie sociale… Même si l’État fait obstacle, le mouvement de la liberté kurde exercera son droit légitime de s’organiser finalement démocratiquement. Il n’abandonnera définitivement pas ce but en disant: “l’état nous met des bâtons dans les roues”.

En définitive, tandis que la république démocratique est un projet de réforme d’un état, le confédéralisme démocratique et l’autonomie démocratique se situent au-delà de l’État et comprennent une idée politique sans État.

En conséquence, le projet de confédéralisme démocratique est lié au projet de république démocratique et d’après Öcalan, un Kurdistan libre ne peut exister que dans un Moyen-Orient démocratique. (a.g.e 34-5)

Nous avons mentionné que tout en suivant la ligne de développement de la pensée d’Öcalan, se situe l’importance centrale de ces trois concepts inter-reliés: la république démocratique, le confédéralisme démocratique et l’autonomie démocratique. Dans tous ces projets, le concept de démocratie est d’une importance capitale. La compréhension de ce terme a évolué vers plus de radicalité (NdT: une fois encore pris dans son sens de “racine”, d’ancrage profond dans la réalité et non pas dans le sens galvaudé usuel “d’extrémiste”, manipulation sémantique bien utile pour l’oligarchie…) depuis la contradiction entre les traditions démocratique et républicaine. Pour le PKK, la démocratie est un antidote à la structure centralisée de la république turque qui est fondée sur le concept d’état-nation et la version séculière française. L’idée la plus fondamentale de cette approche est que “la centralisation a tué la démocratie”.

Les différences principales entre le projet de république démocratique et le confédéralisme démocratique / autonomie démocratique sont que le point de focalisation de la première se situe sur la définition de l’état et de la citoyenneté tandis que les deux autres focalisent sur le développement d’une alternative à l’état et sur le peuple construisant sa propre organisation. Nous allons ici aborder le sujet du développement d’alternatives à l’État. Au lieu que les projets de confédéralisme et d’autonomie démocratiques ne soient vus comme potentiellement contradictoires vis à vis de l’organisation, il serait mieux de les considérer comme étant ensemble parties d’une stratégie d’harmonisation. Ils donnent une direction politique à la lutte d’aujourd’hui où que soit située l’action du PKK.

Le changement de paradigme qu’a vu le PKK au XXIème siècle a rendu une fière contribution aux vues politiques radicales en ce qui concerne une approche radicalement différente de ces trois aspects de la vie politique : l’état, la classe et le parti et “la politique non-étatique, l’organisation politique en dehors du parti et de thèmes politiques en dehors de la classe.” Du point de vue du PKK, ceci a impliqué une réforme de lui-même en amenant toute une série de transformations. Certaines de ces transformations du PKK et les changements radicaux effectués sur des points comme le droit à l’auto-détermination, la nation, la libération nationale, la violence et les femmes, sont particulièrement marquantes et frappantes.

Le principe d’auto-détermination des nations, qui fut soulevé dans le premier quart du XXème siècle, a laissé sa marque sur le siècle dernier. Les formes d’auto-détermination exprimées à la fois par le leader américain Woodrow Wilson et par le fondateur de l’URSS, Lénine, sont devenues un tremplin fondamental pour bien des luttes de libération et une partie inaliénable du droit international. Mais ce qui ne doit pas être oublié, est cette vérité que l’auto-détermination est en tout premier lieu, un principe d’action défini comme politique.

C’est pourquoi, lorsque le président Wilson a annoncé ce principe au congrès américain le 11 février 1918, il insista ouvertement sur le fait que : “L’auto-détermination n’est pas qu’une simple expression, c’est un principe impératif d’action que les hommes d’état ne pourront ignorer qu’à leur péril.” Ainsi, le PKK, du noyau de ce qui en a émergé dans les années 1970 et plus avant, adressa le principe d’auto-détermination comme principe impératif d’action puisque le peuple kurde avait été privé de tous droits fondamentaux et de libertés et condamnés sur leur terre même à un manque de statut, en retrait même du statut et de la règle coloniaux. Les territoires sur lesquels vivaient traditionnellement le peuple kurde furent divisés entre 4 états-nations (La Turquie, la Syrie, l’Irak et l’Iran) dans les années 1920 et les très nombreuses réglementations et politiques coloniales imposées par ces états menèrent le peuple kurde à la ruine. Abdullah Öcalan exprime cet état de fait de la façon suivante:

En résultat, la terre natale kurde fut divisée et les Kurdes furent forcés de se soumettre à des politiques d’états de déni et de diminution de leur volonté et pouvoir politique. Leurs réalités sociales furent divisées et bientôt ils se perdirent eux-mêmes. Pour subvenir à leurs besoins économiques, ils durent abandonner leur identité et furent démunis de statut légal et d’opportunités contemporaines d’éducation afin de récupérer leur existence idéologique et culturelle fondée sur leur identité. Ce déni d’identité tourna alors sur une question du fait qu’ils ne pouvaient pas vivre librement.” (A. Öcalan, Kurdish Question and Democratic Nation Solution, published in Turkish, p.226).

Dans un tel environnement, le PKK a adopté comme guide le droit à l’auto-détermination du peuple kurde comme principe d’action fondamental. Bien sûr, sa conception et son application de ce principe fut lourdement influencé par les caractéristiques idéologiques, politiques et sociales de la période. Après la seconde guerre mondiale, les luttes de libération nationale se déroulèrent dans un système bi-polaire, d’abord au Vietnam et en Algérie, ce qui mena à l’indépendance de bon nombre d’anciennes colonies. Ceci affecta grandement le monde des années 1970. a ce sujet, Öcalan dira ceci plus tard:

Dans cette période des années 50 à 70, lorsque les luttes de libération nationale arrivèrent à leur point culminant et qu’elles eurent pour résultat des états séparés, ceci devint presque le seul modèle valide… En fait, le principe du droit des nations à l’auto-détermination fut en premier lieu exprimé par le président américain Wilson après la 1ère guerre mondiale et fut très lié avec les politiques hégémoniques des Etats-Unis. Lénine, afin de ne pas être en reste devant Wilson et pour gagner le soutien de nations opprimées et des peuples colonisés, radicalisa le même principe et le réduisit au fait de fonder un état indépendant. Une course commença alors entre les deux systèmes.
(The Kurdish Question and the Democratic Nation Solution [Turkish], p. 271-2).

Le PKK a approché l’auto-détermination au sein d’un cadre de compréhension d’un socialisme déjà existant à cette époque, se faisant ainsi l’avocat du modèle de la création d’un état. Mais, à partir du début des années 1990, la critique d’Öcalan de, premièrement, la compréhension du socialisme existant et, plus tard, de l’idéologie même de l’état-nation dans les premières années du nouveau millénaire, ont démontré un renouveau radical de l’approche du PKK sur le sujet. Aujourd’hui, l’auto-détermination est toujours un principe impératif d’action, mais la façon de le mettre en pratique ne passe plus par l’État, mais de mettre ce principe d’auto-gouvernement en mouvement à chaque niveau de la société.

La compréhension de l’autonomie démocratique constitue le cadre principal de cet auto-gouvernement. Les résultats de cette ligne de conduite, basés sur les Kurdes déterminant leur propre destinée sur la base du principe d’auto-gouvernement sans incliner à créer leur propre état séparé, où qu’ils vivent, d’abord et en premier lieu en Turquie, en Irak, en Iran et en Syrie, ont clairement émergé avec les développements historiques en Irak et en Syrie, au cœur même du Moyen-Orient.

En conséquence, le PKK a renversé l’argument de Lénine qu’”il serait erroné d’amener une interprétation différente au droit d’auto-détermination que d’être le droit à un état séparé d’exister.”, disant qu’il serait tout aussi erroné et trompeur de ne voir le droit à l’auto-détermination que comme s’il ne contenait aucune autre signification que ce droit à un état séparé d’exister. Cette vision est aussi corroborée dans l’analyse historique de l’état moderne en tant que projet bourgeois. (Mustafa Karasu, Radical Democracy, 2009).

Une fois de plus, lié à cela, le concept de nation du PKK a aussi été radicalement renouvelé. Au milieu des années 70, lorsque le PKK fut formé, la plupart des mouvements socialistes et de libération nationale étaient sous l’influence de l’idéologie de l’état-nation avec la plus rigide des définitions de ce terme exprimée par Staline. Sa célèbre formule: “Les nations ont une langue, un territoire, une vie économique et une culture en commun”, fut aussi un point de départ pour le PKK. Avec le nouveau paradigme politique, Öcalan critiqua cette formule, développant la définition d’une nation démocratique:

D’abord il est nécessaire de montrer qu’il n’y a pas qu’une seule définition de la nation. Quand un état-nation est fondé, la définition la plus commune est justement d’être un “état-nation”. Si l’élément unificateur est l’économie, alors il est possible de l’appeler nation-marché… On ne peut pas faire la généralisation qu’une nation partage une langue, une culture, un marché, une histoire, ce qui veut dire qu’on ne peut pas rendre absolu une unique compréhension de ce qu’est une nation. Cette compréhension de nation qui fut adoptée par le socialisme existant est contraire à la notion de nation démocratique. Cette définition qui fut développée par Staline en particulier pour l’appliquer à l’URSS, fut en fait une des raisons principales de l’effondrement de celle-ci. Aussi longtemps que la définition de nation, qui est rendue absolue par la modernité capitaliste, n’est pas transcendée, la résolution des questions nationales restera dans une impasse. Le fait que se pose toujours la question nationale avec une intense gravité après 300 ans est intimement lié à cette définition inepte se voulant absolue.” (2012, p.432).

D’après Öcalan: “En ce qui concerne la nation démocratique, c’est une société mutualiste établie par la libre volonté, la libre association d’individus et de communautés. La force unificatrice de la nation démocratique est la volonté d’association libre des individus et des groupes qui décident d’être dans la même nation… a définition de la nation démocratique exprime une vie commune de solidarité de citoyens pluralistes, libres et égaux qui ne sont pas entravés par des frontières politiques rigides, une langue unique, une religion ou une interprétation de l’histoire. Une société démocratique ne peut se réaliser qu’avec un tel modèle de nation.”(p.432).

L’approche de la violence dont l’utilisation stratégique et tactique fut toujours une pierre angulaire de la lutte du PKK est aussi passée par un changement radical. Au départ, l’approche de la violence, “la sage-femme de la société nouvelle”, fut une approche marxiste classique. Dans le processus induit de la révolte, la violence, sous forme de méthode de combat de guérilla, fut une tactique fondamentale de la lutte. A terme, la violence prit même une dimension fanonnienne, gagnant une personnalité existentielle et le rôle de libérateur social et individuel. Mais dans le nouveau paradigme, le PKK n’envisage pas un rôle de la violence au-delà du cadre de la self-defense légitime.
(Legitimate Defence Strategy, 2004).

La plus sévère forme de domination

Aujourd’hui, à la fois l’État et sa version capitaliste moderne, l’état-nation, sont sérieusement mis en question. Il est reconnu que l’état-nation ne profite en rien aux peuples et à l’humanité et qu’il contient même en lui une caractéristique génocidaire qui prépare le terrain pour la disparition de différentes cultures et différentes identités. Dans les circonstances de la règle du profit maximum du capitalisme de l’état-nation et de la modernité capitaliste, tout comme cela mena à la grande douleur des deux guerres mondiales, il a commis autant de crimes contre l’humanité que tous ceux qui ont été commis au cours de l’histoire de l’humanité.

La plus grande preuve de ceci est la disparition, ou la mise au bord de l’extinction de groupes ethniques qui vivaient au Moyen-Orient jusqu’à il y a encore quelques 200 ans. Les peuples arménien et assyro-syrien ont été décimés à cause de cette mentalité. Les Kurdes ont aussi été amenés au bord de l’abîme de la destruction sous la domination incessante des états-nations. Les peuples Alevis, Yazidis, Druze et autres groupes de foi ont été chassés de leurs terres en résultat de cette compréhension du concept. La même chose est arrivée aux peuples circassiens qui furent expulsés des montagnes du Caucase.

Il est trop difficile de comptabiliser tous les maux engendrés par les états-nations ; mais quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas seulement de l’état-nation de la modernité capitaliste, mais tous les États qui sont devenus une charge bien trop lourdes à supporter pour l’humanité. Les premiers problèmes sociaux ont commencé avec la domination masculine sur les femmes et avec ceux s’établissant hiérarchiquement plus haut que les autres, affirmant une domination sur d’autres segments sociaux pour mieux les exploiter. Après tout, l’État a été défini comme un instrument d’oppression des classes dirigeantes de la société. Ceci n’a en rien diminué avec le temps et est devenu une des pires formes de domination jusqu’à ce jour. De fait, l’État-nation est devenu la pire forme de domination.

L’état-nation a atteint la caractéristique d’être une sphère de domination et d’exploitation de la société entière, avec ses frontières, tout comme le patron d’une usine entouré de ses murs. tandis que dans le passé les états ne représentaient que la domination politique, dans l’époque capitaliste, ils se sont développés en une domination totalitaire qui cherche à dominer tous les aspects de la société et d’aller aussi loin que de dominer toutes les cellules de celle-ci.

Avec le système dirigeant de l’état intensifiant les problèmes sociaux, l’État et son gouvernement ont été amenés à être de plus en plus critiqués. Dans le passé, les anarchistes se sont opposés à l’État comme l’origine de tous les maux, graduellement développant des solutions politiques, idéologiques et de paradigme sur une base historique et systémique. Dans le présent, le zénith de l’analyse en ce qui concerne l’état et son gouvernement provient de ceux semblables à Abdullah Öcalan. La grande différence avec celui-ci résidant dans la profondeur de son analyse sur les femmes et l’État. Il a aussi soumis le capitalisme et l’état-nation à une analyse critique compréhensive. L’analyse d’Öcalan sur les femmes en particulier, est de très grande valeur dans la mesure où elle a apronfondi toutes les autres analyses et aidé à atteindre son véritable caractère.

Plus il y a de démocratie, moins il y a d’État : le système confédéral démocratique

Le gouvernement et l’État sont, par essence, une concentration et une intensification du pouvoir, une centralisation. A cet égard, ils sont des facteurs qui sont opposés au peuple. Il ne peut ainsi pas y avoir d’état et de gouvernement qui appartiennent au peuple. Le gouvernement et le peuple ne devraient pas être confondus. Un gouvernement populaire (NdT: de par et pour le peuple) est une démocratie. Ce n’est pas la concentration ni l’intensification du pouvoir, celui-ci étant donné à certains cercles particuliers, mais celui-ci allant à la base, au local, appartenant et retournant au peuple. La démocratie et l’État peuvent coexister pendant un certain temps dans une accommodation, mais ce sont des faits contradictoires par nature. Il y a une formule dialectique qui dit que plus il y a d’État et moins il y a de démocratie et plus il y a de démocratie et moins il y a d’État. Même aujourd’hui, dans l’âge moderniste, avec le capitaliste qui dirige les états, la diminution de l’État est en discussion.

Nous sommes maintenant dans une ère où on peut penser, envisager une vie sans l’État, une société sans (NdT; contre) l’État, sans vie politique, économique, sociale et culturelle dirigée par l’État. L’humanité doit trouver un système qui la libèrera de l’État qui la tyrannise. Nous sommes entrés dans l’ère où nous pouvons penser vivre sans État. Même si les gens peuvent s’accommoder de vivre avec l’Etat un peu plus longtemps, ils doivent atteindre un système politique, social, économique et culturel qui n’aura pas d’État. Ce n’est ni une obligation, ni une fatalité que de vivre sous un régime étatique, car la démocratie exprime la transcendance de l’État. Aujourd’hui, une alternative à l’État est un système confédéral démocratique fondé sur une société démocratique organisée. Le peuple peut se gouverner lui-même dans un système confédéral démocratique sans être exposé à l’oppression et à l’exploitation.

Un système démocratique peut mettre en place un système administratif démocratique où il n’y aura ni exploitation ni oppression. L’État et ses rouages appartiennent aux dirigeants, tandis que le confédéralisme démocratique est le système de fonctionnement du peuple, par le peuple et pour le peuple.

Les états sont maintenant des synonymes de chaos, de crise, de ruine et de malheur pour l’humanité. Nous devons nous libérer de cette calamité. Si vivre sous le joug de l’exploitation et de l’oppression n’est pas dans la nature de l’être humain, alors ni l’État, ni le drapeau qui le représente ne peuvent représenter le peuple et la société.

Öcalan a mis en place le confédéralisme démocratique en le fondant sur une société démocratique organisée comme une alternative viable à l’État et ce pour toutes les sociétés et non pas pour le peuple kurde uniquement. C’est un système qui par sa différence crée une identité unique contrairement à l’état-nation. Toute différence peut parvenir à la liberté avec sa propre identité au sein d’une confédération démocratique. A cet égard, le confédéralisme démocratique représente la vie libre pour tout peuple et toute communauté. Ceci peut aussi être appelé la démocratie complète réalisée. Il ne peut pas y avoir de démocratie dans un système étatique. Qui peut parler de démocratie véritable et complète là où il y a des dirigeants ?

Le temps des peuples

Le confédéralisme démocratique est une alternative viable à l’État. Si nous disons que le temps et l’ère des peuples arrive, cela veut dire que l’ère du confédéralisme démocratique pointe à l’horizon. Au sein d’un état il ne peut y avoir ni démocratie, ni socialisme. L’État ne peut pas être éradiqué en tant qu’état par un état. L’État ne peut être transcendé et mené à l’extinction que par le confédéralisme démocratique. Les peuples ne peuvent pas s’émanciper avec l’État ni atteindre une vraie liberté et une véritable vie démocratique. Les peuples seront libérés par le confédéralisme démocratique.

Ceci constitue la ligne politique et idéologique d’Öcalan, son paradigme politique. Ceci constitue sa compréhension de la démocratie, de la liberté et du socialisme. Il ne peut pas y avoir de gouvernement de par et pour le peuple en dehors du Confédéralisme Démocratique.

Partant de ce principe, il est impossible pour les peuples de défendre l’État.

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Lectures complémentaires:

Longue vie au Rojava !… Le texte du Confédéralisme Démocratique

Paulo_Freire_La_pedagogie_des_opprimes

Pierre_Bance_Lheure_de_la_commune_des_communes_a_sonne

Chiapas-Feu-et-Parole-dun-Peuple-qui-Dirige-et-dun-Gouvernement-qui-Obeit

Ricardo_Flores_Magon_Textes_Choisis_1910-1916

James_C_Scott_L’art_de_ne_pas_être_gouverné

Appel au Socialisme Gustav Landauer

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

Abdullah-Ocalan-Confederalisme-democratique

Entraide_Facteur_de_L’evolution_Kropotkine

6ème_déclaration_forêt.lacandon

kaianerekowa Grande Loi de la Paix

 


Commune Internationaliste du Rojava

Résistance et solidarité: Avec le Rojava contre la guerre de la Turquie (Commune Internationaliste du Rojava)

Posted in actualité, altermondialisme, écologie & climat, colonialisme, démocratie participative, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, ingérence et etats-unis, militantisme alternatif, pédagogie libération, politique et social, société des sociétés, société libertaire, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , , on 31 janvier 2019 by Résistance 71


Réseau Résistance Rébellion International

 

Avec le Rojava contre la guerre de la Turquie

 

Commune Internationaliste du Rojava

 

24 janvier 2019

 

url de l’article:

http://internationalistcommune.com/stand-with-rojava-oppose-turkeys-war/

 

~ Traduit de l’anglais par Résistsance 71 ~

 

Une fois de plus, la menace d’une autre guerre pointe son nez sur le nord de la Syrie. Les troupes turques et leurs mercenaires islamistes se massent aux frontières de la Fédération Démocratique du Nord de la Syrie qui s’auto-gouverne ; ces régions à prédominance kurde aussi connues sous le nom de Rojava. Les Turcs et leurs sbires se préparent à une invasion qui causera de nombreux morts et le déplacement, la migration, de dizaines voire de centaines de milliers de personnes civiles.

La situation sur le terrain est extrêmement tendue. Les populations de Mandjib et de Kobané ont formé un bouclier humain afin de protester contre l’invasion turque et se sont préparées à la guerre. Les Unités de Défense Populaires et Féminines (YPG et YPJ), tout comme les milices locales ne font pas que défendre leurs terres, mais elles défendent l’espoir. L’espoir d’une vie meilleure qui s’étend bien au-delà de la Syrie du nord. Un espoir qui a inspiré un bon nombre d’internationalistes du monde entier de venir ici au Rojava et de se joindre à la lutte.

Le week-end à venir, ils appelleront pour des journées mondiales d’action commune pour parler et manifester contre la menace de l’invasion turque.

“Sable et mort”

Peu de temps avant Noël, le président Trump a annoncé qu’il ordonnait le retrait des troupes américaines de Syrie, laissant la route libre à une invasion anticipée de longue date du Rojava par la Turquie et ses sbires mercenaires islamistes par procuration. Pourquoi ce changement si soudain de direction ? Depuis l’effondrement de l’URSS, les préoccupations principales des Etats-Unis et de ses alliés de l’OTAN au Moyen-Orient ont été d’affirmer leur contrôle et leur influence et d’affaiblir les positions de la Russie et de l’Iran dans la région. En œuvrant à ces objectifs, les états de l’OTAN ont mené une guerre partout dans la région, ont aidé les groupes terroristes islamistes, ont établi des milices et ont soutenu des régimes dictatoriaux.

Aujourd’hui, cette stratégie est en lambeaux, tandis que la Russie et l’Iran ont réussi à étendre leur influence dans la région. A l’exception d’Israël et de l’Arabie Saoudite, les Etats-Unis sont relativement seuls maintenant que l’allié de l’OTAN Turquie, elle aussi, tourne le dos à la coalition et recherche activement un rapprochement avec la Russie et l’Iran. A cet égard, il serait logique pour Washington d’essayer d’obtenir un accord avec Ankara pour les ramener dans le moule, sacrifiant la Syrie du Nord dans le processus. D’après Trump, il n’y a pas grand chose à y gagner pour les Etats-Unis de toute façon, mis à part du “sable et la mort”. De manière admise, beaucoup de personnes au sein de l’establishment américain ne voient pas les choses de cette façon., ils ne veulent pas laisser le champ libre à l’Iran ni à la Russie et ils ne veulent pas dépendre exclusivement de la Turquie.

Dès que Trump eut fini d’appeler Erdogan au téléphone, il se retrouva dans la ligne de mire de sévères critiques et a dû rapidement faire marche arrière. Le scenario suivant ne fut pas pour rien dans ce revirement: Bachar al Assad annonça que l’armée syrienne prendrait la place des Etats-Unis, bien entendu avec le soutien de la Russie et de l’Iran.

En réponse à l’annonce surprise de Trump, la France déclara que ses troupes demeureront en Syrie et rapidement, Trump revint sur ses décisions précédentes, disant qu’il était d’accord pour ralentir le processus. Après un attentat suicide revendiqué par l’EIIL/EI, qui tua plusieurs militaires américains à Mandjib le 16 janvier, l’affirmation non vérifiée de Trump disant que l’EI/Daesh avait été vaincu fut encore une fois prouvée fausse. Il apparaît pour l’heure, que les forces de la coalition maintiendront une présence sur le terrain à la fois pour continuer le combat contre l’EIIL et aussi pour protéger leurs alliés kurdes d’une attaque de la Turquie.


Confédéralisme Démocratique

Remonter le temps ?

Est-ce que cela veut dire que le peuple du Rojava et sa révolution sont maintenant en sécurité ? Pas du tout. Ni Assad, ni la Russie, ni aucune des puissances occidentales ne sont concernés par la protection de la population de la Syrie du Nord, ni de la sécurité des Kurdes ou de quelque autre minorité de la région que ce soit et certainement pas préoccupés par la sécurité et la libération des femmes et de la révolution démocratique en cours dans la région du Rojava. Ceci est devenu on ne peut plus évident l’an dernier après l’invasion de la région d’Afrin par l’armée turque et ses alliés des groupes djihadistes, ce avec le consentement à la fois de la Russie et de l’occident.

Cette fois encore, c’est la Russie qui a les cartes en main. S’il devait y avoir un accord entre Moscou et Ankara, alors Poutine pourra ordonner à Assad de se retirer et donner le feu vert à Erdogan pour l’invasion. Cet accord concernerait la situation à Idlib, une des dernières régions de Syrie qui n’a pas encore été ramenée sous le contrôle du régime. Erdogan pourrait être d’accord pour retirer ses groupes islamistes du Front de Libération National (Jabhat al-Wataniya lil-Tahrir) de la région d’Idlib, permettant ainsi une offensive des forces gouvernementales syriennes contre la forteresse islamiste. En retour, Assad offrirait le Rojava à la Turquie.

Bref, le Rojava demeure en très grand danger. Pour imaginer ce qu’une nouvelle guerre ferait aux gens d’ici, il n’y a qu’à regarder la situation dans les régions kurdes du sud-est de la Turquie ou dans la région d’Afrin occupée. Spécifiquement pour les femmes, une occupation par les forces cléricales fascistes serait un vrai désastre. Quant à Afrin, ce serait un retour en arrière et annulerait tout ce qui a été obtenu en termes de libération des femmes.

De nombreux appels contre la guerre ont été lancés ces dernières semaines. La demande est faite pour que les états et les entreprises impliqués dans la guerre en Syrie arrêtent Erdogan et arrêtent de vendre des armes à la Turquie. D’autres demandes suggérèrent d’établir une zone de contrôle aérien contre les avions de guerre turcs. Ces appels sont urgents, mais il est douteux qu’ils soient entendus par les états et les entreprises. S’ils sont entendus, rien ne se fera par gentillesse, mais seulement parce qu’ils seront forcés de le faire. et cela ne se produira pas sans une certaine mise sous pression par la base.

Protéger l’écologie mésopotamienne

“Nous aussi allons défendre le Rojava !” explique un internationaliste français dans une de nos vidéos publiées par la Commune Internationaliste #resistancediaries. La résistance contre le fascisme turque ne se fait pas seulement au Rojava. Quelques douzaines de Kurdes et leurs alliés se sont mis en grève de la faim, en rotation, demandant la fin de la mise à l’isolement du leader du PKK Abdullah Ocalan. Des actions solidaires avec des grèves de la faim ont été organisées dans le monde entier, impliquant à la fois des militants kurdes et des prisonniers politiques turcs, avec en premier lieu la députée HDP Leyla Güven, qui en est à sa 78ème journée de grève de la faim.

Dimanche et lundi prochains sont prévues des actions de solidarité dans des pays autour du monde en plus de la Commune Internationaliste et au groupe activiste féministe allemand Gemeinsam Kämpfen, beaucoup de groupes écologistes ont répondu à l’appel de la campagne du “Rendre le Rojava Vert de Nouveau” et du mouvement écologiste de Mésopotamie, ainsi que d’activistes écologistes du Canada, de groupes anti-chasse britanniques et du mouvement anti-charbon allemand Ende Gelände.

Ces dernières années, un mouvement écologiste divers, coloré et parfois radical a pris racine en Mésopotamie. Ce mouvement a pris naissance suite à la dévastation écologique ayant cours dans toute la région en résultat des guerres impérialistes qui y sont menées, de la négligence environnementale de la politique régionale. La production pétrolière, la construction de barrage hydro-électrique, la déforestation, la désertification et l’énorme chaos écologique dû aux puits de pétrole en feu, du bombardement des usines et de l’utilisation d’armes à munition à l’uranium appauvri pendant les guerres de ces dernières décennies, ne sont juste que quelques exemples de ce marasme écologique.

Ce mouvement est toujours petit, mais il pose des questions très importantes. Les gens de la région ont aussi trouvé des réponses. Dès le début, la révolution sociale du Rojava fut aussi conçue comme une révolution écologique en poursuivant le but d’une société décentralisée auto-gouvernée et en harmonie avec la nature. Le but est de parvenir à établir un système municipal ayant une agriculture, une source d’énergie et unité de recyclage décentralisées. Une vision sociale déjà conçue par des éco-socialistes comme Murray Bookchin.

Révolution et reboisement

Malheureusement, dans bien des cas, ces idéaux ne demeurent que cela: des idéaux. A cause de la terrible situation économique, les embargos et la guerre, les initiatives écologiques sont le plus souvent mises sur la touche. Mais il y a de gros progrès au Rojava, spécifiquement dans le domaine du reboisement. Ces dernières décennies, le gouvernement syrien a coupé dans la région, le peu de forêt qui y restait. Ceci mena à une désertification accrue et à un sévère manque de retenues d’eau. Mais avec la révolution, petit à petit les arbres reviennent.

Ce processus est soutenu par la campagne internationaliste du “Rendre le Rojava Vert de Nouveau”, qui construit une ferme arboricole sur le site de la Commune Internationaliste du Rojava (CIR). Les internationalistes ont déjà replanté des milliers d’arbres et sont construites des stations d’épuration pour l’eau et des centres de traitement des déchets. Des modèles pour le recyclage de l’eau sont en train d’être développés pour les municipalités locales.

Par dessus tout doit-être résolu le problème de manque d’eau, c’est un problème urgent dans tout le nord de la Syrie et au Moyen-Orient au sens large. La guerre du pouvoir dans la région est toujours au sujet de l’eau. Le manque d’eau est devenu un gros problème pour bien des gens. Les paysans ont toujours été dépendants de l’eau des rivières pour l’irrigation, eau qui provient de rivières ayant leurs sources dans le nord de la Turquie avant de redescendre à travers la Syrie et l’Irak.

Erdogan le sait: quiconque contrôle l’eau, contrôle la vie. L’état turc a, depuis bien des années, construit des super barrages hydro-électriques dans le sud-est du pays, comme celui de Hasyankeyf. C’est pourquoi le niveau de l’eau des rivières les plus importantes de la région: l’Euphrate, le Tigris et la Xabur, décroit tout le temps. Des régions entières se désertifient, pas seulement au Rojava mais aussi en Irak.

Il y a quoi qu’il en soit, une solution partielle à ce problème: le reboisement peut singulièrement inverser l’assèchement des sols. Il y a aussi le système de filtrage qui empêche l’eau de se polluer et d’être perdue. La CIR fat aussi des recherches en ce domaine avec le développement d’un système aquifère noir et gris.

Renforcer la résistance

Mais maintenant, même la fragile graine du réveil écologique du Rojava est menacée par la guerre d’Erdogan. Cette guerre pourrait non seulement provoquer de bien grandes misères et souffrances humaines et de destructions matérielles, mais elle pourrait aussi détruire le mode de vie écologique des gens. A Afrin, l’armée turque a mis le feu à des oliveraies pendant son invasion il y a un an.

Non seulement la guerre en Syrie, mais aussi la guerre Iran-Irak et les deux invasions de l’Irak ont causé d’énormes dégâts. Les fumées des brasiers des puits pétroliers allumés lors de l’invasion militaire américaine de l’Irak contenaient des milliers de tonnes de dioxide de soufre, d’oxydes d’azote et  de monoxyde de carbone. De plus, se répandirent des métaux lourds cancérigènes comme le cadmium, le chromium et le plomb. Les bombardements ont touché les usines irakiennes, les raffineries, les oléoducs, les usines d’engrais et chimiques, les barrages et les centrales énergétiques. En résultat, des milliers et des milliers de moutons, de dromadaires moururent de la pollution de l’eau et de l’air.

Dernier cas et non des moindres, les tonnes d’uranium appauvri résultant des munitions tirées et jonchant le territoire continuent de polluer la terre et l’eau aujourd’hui. Jusqu’à aujourd’hui, des milliers d’enfants souffrant de cancers et autres maladies causées par les radiations doivent être hospitalisés en Irak. Tout cela est causé par l’uranium appauvri qui demeure sur place.

Une image similaire semble émerger en Syrie: ces dernières années, des champs pétroliers ont été incendiés encore et encore, des factions belligérantes ont utilisé des agents chimiques comme le sarin ou des agents chimiques incendiaires comme le phosphore blanc. La lutte pour l’eau et la destruction guerrière de la nature nous montrent clairement pourquoi l’écologie et la lutte contre la guerre et l’impérialisme sont inter-reliées. C’est pourquoi tant de groupes soutiennent les actions des 27 et 28 janvier. La guerre d’Erdogan doit être empêchée afin de sauver bien des vies, pour protéger la révolution et pour stopper toujours plus de destruction de l’environnement.

Notre réponse à la menace de la guerre doit être le renforcement de la résistance et les jours d’actions communes montrent dans quelles directions la résistance doit se développer. Cela doit être clair: le nord de la Syrie est l’affaire de toutes et tous. Le Rojava n’est pas seulement une affaire pour le mouvement anti-guerre et pacifiste ou pour les initiatives solidaires autour du Kurdistan. Il concerne tout le monde. Si nous nous comportons intelligemment, nous pouvons retourner les menaces d’Erdogan en des forces progressistes offensives et ainsi connecter entre elles les forces féministes, écologistes, socialistes et libertaires.

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Lectures complémentaires:

Paulo_Freire_La_pedagogie_des_opprimes

Pierre_Bance_Lheure_de_la_commune_des_communes_a_sonne

Chiapas-Feu-et-Parole-dun-Peuple-qui-Dirige-et-dun-Gouvernement-qui-Obeit

James-C-Scott-Contre-le-Grain-une-histoire-profonde-des-premiers-etats

James_C_Scott_L’art_de_ne_pas_être_gouverné

Louise-Michel_De-la-commune-a-la-pratique-anarchiste

Manifeste pour la Société des Sociétés

Abdullah-Ocalan-Confederalisme-democratique

David Graber Fragments Anthropologiques pour Changer l’histoire de l’humanité

L’anarchisme-africain-histoire-dun-mouvement-par-sam-mbah-et-ie-igariwey

Effondrer le colonialisme

6ème_déclaration_forêt.lacandon

Appel au Socialisme Gustav Landauer

 

Les Gilets Jaunes ne sont pas seuls !… Partout des luttes d’émancipation réelle existent, appel de la Commune Internationaliste du Rojava

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, colonialisme, démocratie participative, gilets jaunes, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, politique et social, résistance politique, société des sociétés, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , on 6 janvier 2019 by Résistance 71

… Ci-dessous un texte daté de décembre dernier de la Commune Internationaliste du Rojava (CIR) reconnaissant l’inter-liaison de leur lutte et de celles en cours ailleurs dont celle des Gilets Jaunes de France. Ajoutons la lutte des Zapatistes du sud-mexicain au Chiapas, les communes libres de la province voisine d’Oaxaca, la lutte de la nation Mapuche en Argentine et au Chili, celle des Mohawks à cheval sur deux pays et quelques provinces (états) d’Amérique du Nord, toutes les luttes des peuples colonisés et exploités,  compris le peuple de France.
Cet appel de la Commune Internationaliste du Rojava entre dans le cadre d’une conscience commune pour la lutte émancipatrice que l’humanité a entreprise et qui tend à converger en un Réseau de Résistance et de Rébellion International.
Gilets Jaunes ! Nous ne sommes pas seuls ! le but et le chemin de l’émancipation sociale sont collectifs et communs à l’humanité. C’est ensemble que nous vaincrons !
Mitakuye Oyasin disent nos frères Lakota, nous sommes tous inter-reliés et il est grand temps que nous puisions de nouveau à notre racine commune, celle de notre humanité organique qui seule fait de nous de véritables humains et non pas ces zombies sous contrôle de la dictature de la division politique et de la société marchande.
Gilets Jaunes, Communes du Rojava, Chiapas zapatiste, commune d’Oaxaca, Zomia d’Asie du Sud et du Sud-Est, luttes émancipatrices des peuples opprimés, tout cela est un gigantesque atelier planétaire où nous forgeons pas à pas notre humanité à venir. Le temps de l’oligarchie touche à sa fin. En bons morpions parasites, ils s’accrochent et s’accrocheront, mais inéluctablement, ils sombreront dans les oubliettes de l’humanité en marche, la notre, celle du peuple mondial réalisant son évolution sociale finale. Il n’y a pas encore eu de révolution dans l’histoire et il ne saurait y en avoir qu’une nous disait Albert Camus en 1951, elle vient et rien ne l’arrêtera plus…

~ Résistance 71 ~

 

 

A toutes les forces démocratiques: Défendez la Fédération Démocratique du Nord-Est de la Syrie!

Déclaration et appel à l’action de la Commune Internationaliste du Rojava

 

Commune Internationaliste du Rojava

 

20 décembre 2018

 

url de l’article original:

http://internationalistcommune.com/a-toutes-les-forces-democratiques-defendez-la-federation-democratique-du-nord-est-de-la-syrie-declaration-et-appel-a-laction-de-la-commune-internationaliste-du-rojava/

 

Moins d’un an après le début de la guerre criminelle d’agression contre le canton d’Afrin, la population du Nord-Est de la Syrie est à nouveau confrontée à une agression de l’État fasciste turc et de ses alliés islamistes. Les menaces du dictateur turc Recep Tayyip Erdogan ne sont ni des paroles vaines, ni une propagande électorale ni une simple provocation. Les attaques du camp de réfugiés de Maxmur et de plusieurs villages de Shengal le 13 décembre, l’ont rendu une fois de plus limpide. En fait, il s’agit de la dernière expression des aspirations néo-ottomanes expansionnistes du régime AKP-MHP et de l’annonce ouverte d’une guerre meurtrière d’extermination contre la révolution dans le Nord-Est de la Syrie et dans tout le Moyen-Orient.

Depuis le début de la révolution, l’État turc, le régime syrien, les puissances impérialistes avec les États-Unis et la Russie en tête, ont tout mis en œuvre pour étouffer cette révolution. Mais ni les gangs d’islamistes meurtriers, qu’ils soient sous le drapeau d’Al-Nusra, la soi-disante FSA ou le drapeau noir de l’État islamique, ni l’embargo, la réclusion, l’isolement et la guerre d’agression ouverte n’ont pu briser la courageuse résistance de la population.

Au cours des six dernières années de cette lutte, les peuples du Nord-Est de la Syrie, au prix de sacrifices et d’efforts considérables, ont prouvé au monde leur attachement à une vie de liberté. La libération de Raqqa par les Forces Démocratiques Syriennes et l’approche jour après jour de l’anéantissement complèt du califat, marque le début d’une nouvelle phase stratégique en Syrie et dans l’ensemble de la région. Avec la destruction du règne de terreur de l’État Islamique, l’alliance tactico-militaire entre les forces de défense du Nord-Est de la Syrie et les puissances impérialistes placées sous le drapeau de la Coalition Internationale perd de plus en plus de son importance.

Peu importe les contradictions qui peuvent exister entre les pouvoirs hégémoniques régionaux et internationaux, ils sont tous d’accord sur un point: la révolution dans le Nord-Est de la Syrie, sa structure administrative démocratique, la mise en place d’un secteur public écologique et communal et le moteur principal la révolution, la libération des femmes des chaînes millénaires d’un système de domination patriarcal, constitue la plus grande menace pour leurs intérêts hégémoniques et doit être annihilée. Ces dernières années, la révolution de Rojava et du Nord-Est de la Syrie est devenue une source d’espoir sans précédent pour tous ceux et toutes celles qui recherchent une vie au-delà de l’État, du capital et du patriarcat. C’est un phare qui peut montrer aux opprimé.e.s et aux exploité.e.s de cette Terre le moyen de sortir des ténèbres de la modernité capitaliste, et a prouvé une fois pour toutes que la «fin de l’histoire» proclamée par les puissants n’est qu’un pur mensonge. C’est l’exemple vivant que même aujourd’hui, au 21ème siècle, un autre monde est possible.

La guerre d’agression contre Afrin, le soutien international aux massacres des populations civiles, les pluies de bombes de l’OTAN sur nos amis, les chars allemands Leopard, sous les chenilles desquels notre espoir devait être anéanti, ont été la première expression claire du nouveau front impérialiste contre la révolution au Moyen-Orient et un présage de ce à quoi nous devons nous attendre. Les personnes présentes sur place, comme nous-mêmes, ont appris d’Afrin: nous ne pouvons compter uniquement que sur notre propre force. Nous ne donnons aucun crédit aux déclarations des forces internationales et ne ferons appel à personne. Nous avons bien appris à reconnaître nos amis et nos ennemis, et nous savons que nos seuls alliés dans cette lutte peuvent être les forces internationales démocratiques et révolutionnaires, tous ceux et celles qui rêvent d’un monde différent et avec qui nous luttons pour un avenir libre.

Nous appelons tout le monde à se préparer à une nouvelle phase de résistance, d’action et de combat collectif. Tous ceux et celles qui étaient dans la rue pour la défense d’Afrin cette année, qui ont organisé de nombreux comités de solidarité, qui ont fait de la Journée Mondiale pour Afrin une expression de la solidarité mondiale et qui tremblaient avec nous pour chaque mètre, pour chaque rue de Kobanê.

Tous ceux et celles qui, en Europe et dans le monde entier, ont clairement exprimé leur colère et leur dégoût pour les ennemis de l’humanité, les bellicistes et les partisans du fascisme turc.

Notre message était et est sans équivoque: si la guerre contre la révolution est internationale, notre résistance l’est aussi. Montrons ensemble que cette révolution est notre combat à tous et à toutes, que le Rojava est notre espoir et notre perspective et que nous défendrons notre avenir ensemble.

Que les attaques aient lieu dans cette phase n’est pas une coïncidence. Le système capitaliste international agit aujourd’hui dans une position de faiblesse. La crise structurelle de la civilisation étatiste ne peut plus être dissimulée et chaque jour de plus en plus de personnes commencent à se lever et à lutter contre ce système oppressif. Nous le voyons dans les rues de France, lors de la manifestation contre le sommet du G20 à Buenos Aires en Argentine, lors de la grève des femmes, du #NiUnaMenos et des manifestations dans la forêt d’Hambach. Les puissances de l’ordre ancien tentent de rester en vie au moyen de l’état d’urgence, du terrorisme d’État et du fascisme à visage découvert, mais leurs jours sont comptés si nous nous organisons et prenons position face aux attaques contre nos vies. Profitons de la force que nous avons tirée de la révolution et intensifions notre combat. Si nous reconnaissons notre puissance commune, nous pourrons envoyer ce système dans les décombres de l’histoire une fois pour toutes. Contre l’offensive de la modernité capitaliste, il est essentiel d’organiser partout la défense et le soulèvement de la modernité démocratique.

Pour nous, Commune Internationaliste du Rojava, une nouvelle phase commence également aujourd’hui. Nous nous sommes réunis au Rojava pour soutenir les structures civiles de cette révolution, apprendre, comprendre et faire avancer ce chantier ensemble avec la population. Comme elle l’est pour les peuples du Rojava, cette guerre nous est imposée. Mais si l’ennemi ne nous laisse pas d’autre choix, nous ne resterons pas les bras croisés, nous contribuerons de toutes nos forces et de toutes nos compétences à la préparation de la résistance et à la défense de la société et de la révolution. Nous ferons tout ce qui est nécessaire pour apporter notre contribution à cette résistance. Nous serons aux côtés de la population contre l’attaque fasciste. Nous sommes peut-être venu.e.s ici des régions les plus diverses de la Terre avec des visions et des travaux divers, mais cette terre est également devenue notre maison au cours des dernières années. Dans cet esprit, nous participerons également à la mobilisation sociale générale du gouvernement autonome dans le Nord-Est de la Syrie, qui a débuté le 12 décembre.

Tenez vous aussi aux côtés de la révolution, faites entendre votre voix, descendez ensemble dans la rue, rejoignez les comités de solidarité et les groupes de résistance existants et créez-en de nouveaux.

Lancer des actions de désobéissance civile pour sensibiliser à la situation au Rojava et envoyer un clair signe de solidarité.

Épaule contre épaule contre le fascisme!

Longue vie à la solidarité internationale!

La révolution triomphera, le fascisme sera écrasé!

= = =

Six textes fondamentaux pour nous aider à  y parvenir, ensemble, à  lire, relire et diffuser sans aucune modération:

 

Guerre impérialiste au Moyen-Orient: Éclairage nécessaire sur les développements récents de la révolution sociale du Rojava

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, colonialisme, démocratie participative, gilets jaunes, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, ingérence et etats-unis, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, politique et social, résistance politique, société des sociétés, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , on 2 janvier 2019 by Résistance 71

Ce texte, initialement publié en allemand, éclaire bien des points demeurées sombres depuis la période 2015-16 et « l’alliance » des Yankees avec les Kurdes. Ce texte sert aussi de mise au point avec ceux qui avaient jeter le bébé avec l’eau du bain concernant la révolution sociale du Rojava. Il montre  qu’il y a eu aussi une divergence au sein des forces kurdes et que les forces proches du PKK et de la révolution sociale n’ont pas perdu le fil de l’enjeu historique, ni n’ont jamais été dupes d’une « alliance tactique » avec l’empire.
De plus ce texte entre parfaitement dans la dynamique de création d’un Réseau de Resistance et de Rébellion International tel que prôné depuis le Chiapas mexicain et la révolution sociale zapatiste.

Il est aussi essentiel de comprendre que le mouvement des Gilets Jaunes en France et les mouvements à venir dans les pays européens font parties de cette dynamique émancipatrice et se doivent de se coordonner pour mettre à bas le système étatico-capitaliste qui nous domine et nous exploite depuis bien trop longtemps maintenant.

Puisse l’année 2019 être l’année de la prise de conscience politique collective et de l’unification des luttes émancipatrices pour que vive une Société des Sociétés organique planétaire.

Voici ce qui nous est dit dans l’excellent petit livre publié par la Commune Internationaliste du Rojava en septembre 2018:
« Les liens entre l’économie de marché, l’exploitation, la destruction de la nature, la guerre et la migration des populations montrent le résultat de ce qui se passe lorsque des systèmes centralisées et hiérarchiques tentent de subjuguer la nature. Une solution qui ignore ces relations, une solution au sein du système existant n’est en rien possible. »

çà vous rappelle quelque chose ?…

~ Résistance 71 ~

 

 

L’impérialisme n’a pas d’amis

 

Peter Schaber 

 

21 décembre 2018

 

du magazine allemand Lower Class Mag

 

source: http://internationalistcommune.com/imperialism-has-no-friends/

 

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

 

Deux stratégies un but: les Etats-Unis et le mouvement kurde en Syrie

an article from lower class mag

La semaine dernière, le président américain Trump a annoncé le retrait des troupes américaines de Syrie (NdT: rappelons que ces troupes étaient sur le sol syrien de manière totalement illégale car non invitée, contrairement aux Russes et autres alliés de la Syrie…), disant que l’EI/Daesh a été battu et que les soldats peuvent maintenant rentrer à la maison, apparaissant de la sorte, toujours aussi confus. Trump a pris cette mesure alors que l’autocrate turc Recep Erdogan intensifiant ses menaces d’annihilation des Kurdes du Rojava, annonçait une nouvelle invasion de la Syrie du nord. Quelques heures plus tôt, nous apprenions que Washington avait accepté de vendre des missiles Patriots à Ankara pour une valeur de 3,5 milliards de dollars, une transaction qui a été sujet à débat depuis bien longtemps. Ainsi, il est apparu qu’un accord compréhensif a été forgé entre les gouvernements de Trump et d’Erdogan. Facile et direct.

Lorsqu’il a fallu évaluer le rôle de l’impérialisme américain en Syrie, alors là bien des commentateurs ont, de manière prévisible, botté en touche. Certains, comme le député allemand du parti de gauche Alexander Neu par exemple, ont pensé que le retrait annoncé par Trump était quelque chose de positif envers la paix. Comme si les Etats-Unis avaient jamais agi contre leurs intérêts sans besoin discernable de le faire !

Des “anti-impérialistes” auto-proclamés dont l’analyse a idéalisé les gouvernements syrien, russe et iranien comme étant altruistes et désintéressés, soutiens du droit international depuis des années, allèrent un pas plus avant, ils souhaitèrent un génocide imminent des Kurdes. N’avaient ils pas averti les Kurdes qu’il n’était jamais bon de coucher avec les Etats-Unis ? Les Kurdes auront ce qu’ils méritent ! Aucun sacrifice de sang n’est assez grand pour les guerriers du clavier si cela peut leur donner raison sur internet ! pourvu, bien entendu, que le sang à payer ne soit pas le leur.

Ceux qui n’ont jamais rien compris à la région ne furent d’ailleurs pas les seuls à s’être plantés. La même chose fut vraie pour bien des soutiens de la révolution du Rojava vociférant depuis le côté plus libéral du spectre politique. Surpris par le vice de nos “amis” américains, ils s’épanchèrent en appels moraux vers les Etats-Unis, comme si les décisions politiques impérialistes dépendaient de la conscience et de l’intégrité.

Le baiser de la mort

Analysons un peu en arrière. Ayant défendu la ville frontalière kurde de Kobané contre l’EI/Daesh, les unités de Protection du Peuple et des Femmes (YPG/YPJ) s’embarquèrent dans une alliance avec des pays étrangers qui étaient aussi intéressés de repousser l’EI. Daesh fut ainsi repoussé peu à peu, ceci occasionna de sévères pertes humaines, spécifiquement au sein des forces kurdes. Alors que la libération des territoires syriens se déroulaient toujours, les Forces Démocratiques Syriennes (FDS) impliquant des membres arabes, assyriens et kurdes au sein de milices, furent mises en place. Les FDS furent référées comme étant “alliées” par les Etats-Unis et dans des proclamations diplomatiques, les FDS décrivirent les Etats-Unis comme étant un “partenaire de valeur”. Il y eut des livraisons d’armes et des soutiens aériens conséquents.

Quoi qu’il en soit, les parties les plus politiquement conscientes de la résistance kurde, c’est à dire ceux s’orientant vers les idées défendues par le Parti des Ouvriers Kurdes (PKK), ne se firent absolument aucune illusion sur cette alliance et ce depuis le départ. Ce fut une “alliance tactique”, dirent-ils, étant parfaitement conscients que les Etats-Unis et le mouvement kurde se situaient à l’opposé des objectifs poursuivis. En janvier 2018, un combattant guerillero kurde influent, Riza Altun, insista une fois de plus sur le fait que “nous sommes engagés dans une lutte anti-impérialiste. Une force anti-impérialiste ne peut pas dire que des impérialistes l’ont trahi.

Tout comme l’impérialisme mondialiste et les états hégémoniques régionaux représentent leur propre position stratégique, le paradigme politique créé par les Kurdes [du Rojava] représente leur ligne claire et leur position bien distincte.

Cette déclaration ne fut jamais suffisante pour les anti-impérialistes en fauteuil. Furieusement, ils combattirent la seule guerre qu’ils aient jamais connue: celle de l’internet. Pour eux, les Kurdes furent des traîtres et des petits soldats de l’impérialisme et ils leur firent savoir sur Facebook et dans des posts de blogs. Mais en fait, Les grandes gueules de l’internet n’eurent même pas à le prendre du PKK, qui incidemment a combattu l’OTAN au Moyen-Orient pendant 40 ans. Il aurait juste fallu savoir ce que l’impérialisme américain avait à dire au sujet de leurs intérêts en regard de cette alliance déséquilibrée. Des articles innombrables publiés par des think-tanks durant les présidences à la fois d’Obama et de Trump en formulent une stratégie claire: Les Etats-Unis doivent s’impliquer dans une double stratégie. Les institutions kurdes du nord de la Syrie doivent être compromises et cooptées par le moyen de concessions et de coercition indirecte (comme par exemple au moyen d’une augmentation des menaces turques). Dans le même temps, la Turquie doit être soutenue dans son combat contre le PKK.

Le but était de retourner le mouvement kurde en une entité par procuration des Etats-Unis de la même manière que le mouvement kurde régional d’extrême-droite irakien de Maoud Barzani. Mais pour y parvenir, il faudra éliminer ou du moins aliéner la colonne vertébrale politique et idéologique du mouvement, à savoir le PKK et sa guérilla de montagnes. Si cette stratégie était couronnée de succès, il n’y aurait même pas besoin d’envahir le Rojava pour y détruire la révolution. Le baiser de la mort des Etats-Unis et de leur impérialisme l’aurait rendue complètement aliénée de ses idées fondatrices et ne serait en rien différente des autres sphères d’influence du Moyen-Orient.

Annihilation militaire

Au début de sa présidence, Donald Trump poursuivit également cette stratégie. Au moins depuis la libération de Raqqa néanmoins, il a transpiré que Washington pourrait opter pour une voie différente pour imposer ses intérêts. Le retour à son vieil allié de confiance, la Turquie, a joué un rôle majeur dans tout ceci, sans doute aussi parce qu’Ankara paraît être en bonne position. Erdogan a savamment exploité le besoin de la Russie de protéger son flanc sud et de contrôler une partie de l’opposition djihadiste armée. Pour Moscou, il fut fondamentalement plus important d’aliéner la Turquie de l’OTAN que de “protéger l’intégrité du territoire syrien”, telle fut la réthorique récitée par la Russie et ses groupies de gauche.

Les antagonismes entre Moscou et Washington qu’Erdogan exploita si finement, furent la raison du pourquoi l’invasion turque de la province nord de la Syrie à Afrin fut tolérée par les deux grandes puissances au début de 2018. A ce moment au plus tard, l’alliance tactique entre les Etats-Unis et le mouvement kurde toucha essentiellement à sa fin.

Naturellement, le côté kurde essaya de maintenir l’alliance aussi longtemps que possible. D’abord, parce que cela faisait plier le désir d’Ankara de l’annihiler ; secundo, parce que la protection aérienne permettait au mouvement kurde de ménager ses forces militaires dans sa lutte contre l’EI/Daesh. Dans le même temps, les Etats-Unis arrêtèrent de manière croissante de camoufler le fait que le temps de leur “partenariat” supposé était imparti. Un haut-cadre du mouvement kurde, Zekî Sengalî, fut la victime d’un assassinat par la Turquie et les Etats-Unis dans les montagnes de Sindjar. Les Etats-Unis mirent à prix les têtes de trois cadres du PKK. La Turquie bombarda le camp de réfugiés de Makhmour. Tout ceci fut le signe avant-coureur de la remise actuelle du nord de la Syrie à la Turquie.

L’annonce du retrait militaire US par Trump, dans le même temps, envoie un signal stratégique très clair: Les troupes américaines n’entendent plus sécuriser ses sphères d’influence en cooptant le mouvement kurde et ses alliés arabes, mais le confronter directement au moyen de son partenaire de l’OTAN, la Turquie. Ceci en revanche ne peut réussir que si les YPG/YPJ sont militairement vaincues Ankara veut s’assurer de cela en commettant un génocide ou du moins en nettoyant ethniquement les zones géographiques relevantes, c’est à dire en déplaçant les populations kurdes. L’idée est de refaire le plan d’Afrin dans les autres cantons du nord-syrien, Jazira et Kobané. Ainsi, la région sera conquise par une coalition des forces armées turques et des dizaines de milliers de djihadistes, puis sera mise sous le contrôle administratif d’Ankara. Pillages, assassinats, viols seront les outils et compagnons de ce processus.

Le facteur subjectif

Le fait que les Etats-Unis font maintenant ce que le PKK a toujours prédit qu’ils feraient ne rend pas pour autant mauvaise cette alliance tactique, ceci ne veut pas non plus dire que tout est perdu. En premier lieu, le retrait US veut dire que les conditions géopolitiques changent. Damas peut être un peu concernée par une zone protégée turque des anciens combattants de l’EI, des groupes d’Al Qaïda et les djihadistes d’usage du nord de la Syrie. De plus, il convient de voir comment réagira la Russie lorsqu’elle réalisera que les petites fissures dans la relation turco-américaine à l’épreuve du temps, ont maintenant été fixées.

Ce qui nous importe le plus, c’est qu’une focalisation géopolitique sur l’équilibre des forces seule n’est jamais suffisante. Politiquement et militairement, le mouvement kurde est un facteur autonome très fort. Il est profondément ancré dans la population et a des millions de supporteurs. Il se prépare pour la défense de ses territoires, de plus le PKK a déjà annoncé que chaque attaque trouvera également sa réponse en territoire turc. Les gains présents ne seront pas abandonnés sans lutter. Quant à nous en occident, nous ne devons pas céder à la résignation ni au désespoir.

Nos amis kurdes nous on dit encore et toujours que les forces de gauche, socialistes et démocratiques internationales sont leurs partenaires stratégiques dans la longue durée. Faisant partie de ces forces, notre tâche est maintenant de porter la lutte dans les pays où nous vivons afin de défendre la révolution sociale du Rojava. Même si nous ne nous en sentons pas la capacité, ceci demeure notre tâche. Personne ne le fera pour nous. Dans les jours et mois à venir, chaque acte public, chaque manifestation, chaque campagne si mineure soit-elle, ont leur importance. Ceci est le travail sur lequel nous devons maintenant nous focaliser ; il est futile de regretter ou de se demander pourquoi ceux qui ne furent jamais nos “amis” ont maintenant cessé d’être nos “amis” aux yeux de tous.

= = =

Textes complémentaires:

Paulo_Freire_La_pedagogie_des_opprimes

Pierre_Bance_Lheure_de_la_commune_des_communes_a_sonne

Chiapas-Feu-et-Parole-dun-Peuple-qui-Dirige-et-dun-Gouvernement-qui-Obeit

Ricardo_Flores_Magon_Textes_Choisis_1910-1916

James-C-Scott-Contre-le-Grain-une-histoire-profonde-des-premiers-etats

James_C_Scott_L’art_de_ne_pas_être_gouverné

Manifeste pour la Société des Sociétés

Abdullah-Ocalan-Confederalisme-democratique

Effondrer le colonialisme

6ème_déclaration_forêt.lacandon

confederalisme_democratique

 

Analyse politique: Redéfinir les termes d’état-nation de de nation démocratique (Commune Internationaliste du Rojava)

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, colonialisme, démocratie participative, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, politique et social, résistance politique, société des sociétés, société libertaire, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , , on 26 décembre 2018 by Résistance 71

 

Discussion sur la redéfinition du terme de “nation démocratique”

 

Komun

 

27 juin 2018

 

url de l’article original:

https://komun-academy.com/2018/06/27/democratic-nation/

 

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

 

“En fait, la liberté et l’égalité obtenues par les nations-états ne sont que pour les monopoles comme cela est prouvé en regardant autour du monde. Les monopoles de pouvoir et de capital ne permettent jamais la véritable égalité n la véritable liberté. Celles-ci ne peuvent être acquises que par la politique démocratique d’une société réellement démocratique et protégées par le moyen de la légitime défense.”

A. Öcalan

Introduction

Dans ce qui suit, la définition apoïste (NdT: selon la pensée d’Ocalan) de nation démocratique, sera discutée ; terme qui peut être particulièrement irritant lorsqu’on connaît les paradigmes anti-nationaliste et anti-étatique du PKK (NdT: au moins depuis le début des années 2000). Pour comprendre l’utilisation de ce terme, nous devons discuter la distinction du terme “état-nation”. Ce qui suit vise à investiguer la profonde différence politique et structurelle entre les termes d’état-nation de nation démocratique, concluant sur le problème de la co-existence.

Le mouvement de libération kurde a, comme c’est bien connu, une fondation anti-étatiste et spécifiquement anti-nationaliste. Dans certains articles seront discutés les deux pierres angulaires suggérées par l’apoïsme révolutionnaire (NdT: “Apo” est le surnom d’Ocalan): le Confédéralisme Démocratique et l’Autonomie Démocratique. Il y a eu un manque flagrant de discussion sur le concept de nation démocratique qui est le modèle alternatif kurde à l’étatisme de la nation. Ce manque est probablement dû au fait que dans les sociétés européennes, le terme de nation est connecté à la fois à l’État et au nationalisme. C’est pourquoi dans cette série d’articles, nous commencerons avec le développement du nationalisme en Europe fournissant son impact sur le Moyen-Orient et reliant le tout au développement du paradigme anti-nationaliste de l’apoïsme. Le second chapitre discutera de l’idéologie politique et sociale du capitalisme et des états-nations, du développement du libéralisme économique et de son impact social.

Dans l’interprétation historique de l’apoïsme, l’antagonisme de la civilisation démocratique et de la civilisation étatique se manifeste de plusieurs façons et se reproduit à des niveaux nouveaux. Cette forme de dialectique se réfléchit dans le conflit entre la civilisation démocratique et la civilisation étatique, une contradiction qui commence avec la première nation opprimée et colonisée, les femmes, à la fin de la période néolithique. Cette lutte sera réfléchie dans la discussion sur le patriarcat et la nation. Puis seront discutées les dimensions et interprétations de la nation démocratique, concluant sur une discussion sur la coexistence ou l’extermination mutuelle des modèles. Le texte n’est pas fait pour être final mais une construction pour le développement et la compréhension de l’impact de la civilisation étatique, du nationalisme et du capitalisme sur la société et la quête d’alternatives.

Chapitre 1: État-nation et nationalisme

Comme la construction idéologique de la nation est une création de l’Europe du XVIIIème siècle, ce terme est maintenant confronté à une redéfinition totale depuis le Moyen-Orient, depuis le Kurdistan, par Abdullah Ocalan. Il déclare que les modèles européens de nation ont créé des siècles de guerres et de génocide et que l’étatisme de la nation est l’expression moderne de la modernité capitaliste. L’apoïsme voit une connexion entre l’étatisme de la nation et l’échec du marxisme-léninisme dans le soi-disant modèle de l’état socialiste et rejette les anciens concepts des mouvements de libération nationale. Il déclare: “L’analyse inadéquate de la question de l’État par l’idéologie socialiste ne fait qu’obscurcir le problème plus avant. Mais ‘avec le “droit aux nations à l’auto-détermination”[2], la vision d’un état pour chaque nation était fondamental pour que le problème s’aggrave toujours plus. “Tandis que la nation démocratique” diffère du vrai socialisme tout comme la doctrine marxiste-léniniste qui la pilote. Elle prend le droit des nations à l’auto-détermination de son enclos comme un droit bourgeois et l’inclut dans le cadre de la démocratie sociétale. En d’autres termes, la question kurde pourrait être résolue sans être contaminée par l’État, sans graviter autour de la poursuite de l’état-nation et sans être forcée dans des solutions au sein de ces catégories, cela pourrait être résolu au sein de modèles de gouvernance démocratique de la société.

Ceci est l’essence de la transformation du PKK,” [3] Ocalan critique vertement l’intégration de la nation avec l’État et le parallèle mêlant l’ethnos et le demos. Les problèmes liés à la nation et l’étatisme, notés par l’apoïsme sont de nature structurelle et peuvent être aussi observés dans le débat international sur l’état-nation. Ephraïm Nimni du Centre for the Study of Ethnic Conflict voit comme conséquence de l’état-nation que “la culture devient une marqueur quasi totalitaire pour l’unité”[4]. D’après l’anthropologue Gellner, la logique ultime du nationalisme est l’assimilation, l’expulsion et l’assassinat (nettoyage ethnique), processus dont nous avons été témoins au XXème siècle comme le schéma de base de la fondation de l’état-nation, demandant une certaine compatibilité entre l’État et la culture pour un fonctionnement politique viable. [5] L’histoire de l’Europe reflète cela très clairement.


Abdullah Ocalan

La perspective de l’état-nation souligne quatre points angulaires: le système de croyance ou religion, la culture, le marché (économique) et le langage. Le développement des états-nations modernes est étroitement connecté au développement du capitalisme moderne et de ses marchés. Les états-nation de l’Europe occidentale ont commencé doucement à remplacer les concepts impériaux du début du XVIème siècle et culminant avec la révolution française, lorsque les rois et les nobles féodaux furent conquis par la bourgeoisie. Devenir une nation devint synonyme de lutter pour des parts de marché. C’est pourquoi les états-nation se sont développés dans un contexte de conquête et de défense de marchés. Les taxes de frontières devaient être abrogées pour mettre fin à la taxation sur le capital de la bourgeoisie possédante.

La bourgeoisie a conquis roi et nobles féodaux dans la révolution de 1789. Ici peut-on voir le glissement entre le concept féodal de “mon peuple” et celui du “peuple” et la lutte pour ce que qui le “peuple” devrait être. Il est assez flagrant de constater que ce ne sont pas les opprimés, les femmes, les exploités qui pilotèrent la révolution française et en furent les vainqueurs mais la bourgeoisie avec son idéologie de libéralisme national, très connecté avec le développement du capitalisme moderne. Les nations commencèrent à se définir comme des secteurs de production et de consommation. Au début, le but fut de protéger la propriété du capital. Peu de temps après sa consolidation commença une expansion très agressive.

La nation définie comme “le peuple” demeura une idéologie liant les administrés et leurs dirigeants, les exploités et leurs exploiteurs. Comme le dit dans un entretien Jeffrey Miley: “le peuple a été utilisé par les gens du pouvoir pour justifier et obtenir un soutien populaire pour leurs projets impérialistes dans bien des pays impérialistes. Ainsi avons-nous vu la Grande-Bretagne en appeler à un concept britannique afin d’obtenir l’aval des classes travailleuses avec le projet impérialiste britannique. Ce fut aussi le cas par exemple en Russie, où un nationalisme d’état fut officiellement promulgué. Ceci est une problématique historique qui culmina en Europe dans la période de l’entre deux guerres avec la montée des fascismes, les acteurs de l’état utilisant ce facteur pour en appeler la nation à la mobilisation de masse des gens.” [6]

La bourgeoisie a développé sa propre littérature, théâtre, musique et forme artistique. Comme souvent dans l’histoire, la culture fut développée comme la négation du vieux et de l’ancien. Il y a eu des critiques du capitalisme mais la croyance dans le progrès a vite dominé les débats. Tous les critiques ne firent que critiquer une partie du système. Les philosophes et intellectuels également: Hegel, Marx et Engels ne critiquèrent pas le système dans sont entièreté mais focalisèrent leur critique sur la production. L’état-nation est une pratique culturelle qui s’impose à toutes les parties de la société. Ocalan compare le développement de l’état-nation devenant une idéologie comme une sorte de substitution à la religion. La sacralité de l’état-nation prend la place du roi par la grâce de dieu. Et les termes utilisés dans le contexte de l’état et de l’économie sont la preuve de ce statut de transformation.

Le PKK en est venu à des conclusions similaires à cause de l’historique de la subjugation au Moyen-Orient sous le nationalisme moderne. Les conséquence destructrices de l’état-nation européen se reflètent dans l’histoire de la région. Bien que l’empire ottoman, avec son idéologie religieuse islamique de légitimité fut différent des modèles européens et régna de manière féodale au travers d’élites régionales plus ou moins autonomes.

Le modèle européen a déjà eu son impact au XIXème siècle sur la région avec la période de réforme dite de Tanzimat entre 1839 et 1876, qui essaya d’établir une forme de centralisme inspirée du modèle français et mena à des révoltes et des massacres spécifiquement dans les émirats kurdes dont les privilèges autonomes avaient été abolis. [7] Au début du XXème siècle le mouvement des Comités ou Union et Progrès (CUO) avec son appel aux idéologies racistes comme le turanisme adaptées du positivisme.

Ce soi-disant turanisme, une idéologie du positivisme, développé aux côtés d’un racisme “scientifique” transformant des catégories linguistiques comme les langues ”aryenne” ou l’alto-uigurienne en une “race ouralo-altaïque” par des nationalistes finlandais ayant des liens de proximité et collaborateurs du Reich allemand culminant dans le génocide de 1,5 millions d’Arméniens entre 1914 et 1916. [8] Ceci montre la proximité du nationalisme turc avec le nationalisme ethnique se développant en Europe au XIXème siècle, spécifiquement suivant la théorie des races.[9]

De manière notoire, le projet impérial allemand du chemin de fer de Baghdad fut construit avec des déportés arméniens utilisés comme esclave dans ce projet sous des conditions mortelles. En résultat de cela, bon nombre des camps de la mort ottomans se trouvaient dans la région qui est aujourd’hui le Rojava.[10]

Le chemin de fer de Baghdad forma du moins partiellement la frontière des états nationaux à venir (NdT: dont la Syrie dans ses frontières modernes après l’éclatement de l’empire ottoman…). Nous pouvons ici clairement voir que le génocide contre les Arméniens n’est pas le résultat d’une politique ottomane mais du développement du nationalisme.[11] Alors que des nations furent définies par les marchés, les Kurdes ne firent pas partie de ce développement, ils n’avaient pas de propriété privée des moyens de production, ainsi fut employé un système colonial. Alors que le développement des états-nation évolua en Europe, l’Orient fut laissé pour compte. Les peuples orientaux n’avaient pas eu la construction bourgeoise et n’étaient donc pas capables, selon le modèle, de se développer en tant que nations.

Le développement des nations s’est produit tardivement en Orient mais les Kurdes n’en firent jamais partie. Dans les décennies qui suivirent nous voyons une politique d’assimilation et d’annihilation  contre la population kurde des deux côtés de la frontière établie par les accords (NdT: coloniaux) Sykes-Picot et la panarabisme des zones kurdes comme l’antithèse du colonialisme français et du turanisme, turquisme au sein des frontières de la (nouvelle) Turquie comme une idéologie d’homogénéité nationale et de supériorité. Le nationalisme de la Turquie fut particulièrement agressif a cause de la faiblesse de la fabrique nationale de la région. Après le 1ère GM et l’effondrement de l’empire ottoman, le Moyen-Orient fut divisé en parties qui étaient favorables aux intérêts des puissances coloniales: la Grande-Bretagne et la France.

Les états nouveaux et instables furent amalgamés de groupes ethniques et religieux variés” observe le politologue turc Haluk Gerger et “des guerres internes s’assureraient qu’ils demeurent dépendants des grandes puissances coloniales.” Les massacres et génocides mentionnés ne furent que quelques exemples mais le monisme de l’état-nation est toujours réfléchi aujourd’hui en Turquie comme avec l’intégration des migrants et le discours de la Leitkultur des pays européens, surtout en Allemagne.

Cette forme d’unitarisme peut se manifester également de manière religieuse ou sectaire. En observant le colonialisme et l’impérialisme britannique à l’œuvre en Irlande, les catégories qui consistent à être catholique ou protestant ont été utilisées de manière similaire ; définissant les identités des oppresseurs et des opprimés. De la même manière, la Turquie utilise le sunnisme pour pousser plus avant son projet impérialiste. Les penseurs de l’état-nation pensant comme ils le font toujours, eurent la haute probabilité de créer une mentalité collective autoritaire, moniste et nationaliste.

Ocalan critique sévèrement ce mode de compréhension:La compréhension qui lie la nation avec un langage commun, une culture, un marché ou une histoire est descriptive de l’état-nation et ne peut pas être généralisée, c’est à dire réduite à une compréhension unique de la nation. Cette compréhension de la nation, qui fut aussi reconnue par le véritable socialisme, est à l’opposé de la nation démocratique. Cette définition, comme développée par Staline pour la Russie soviétique, est une des principales raisons de la dissolution de l’URSS. Si cette définition de la nation, rendue absolue par la modernité capitaliste, n’est pas abandonnée, alors la solution à tous les problèmes nationaux continuera de se heurter à un mur d’impasse. Le fait que les problèmes nationaux ont persisté ces derniers trois cents ans est étroitement lié à cette définition absolutiste inadéquate.”[12]

A suivre…

[1][1] As used in the Turkish and Kurdish language discussion on the ideology developed by the imprisoned chairman of the PKK, Abdullah Öcalan, we use the widely known Kurdish short form of his name “Apo” and connect it with the suffix marking an ideology –ism – in a similar form as the terms Marxism or Trotskyism are used – as Apoism is a political theory developed by a unique thinker and practitioner.

[2] Öcalan, Abdullah, 2016, p. 19

[3] Öcalan, Abdullah, 2016, p. 19-20

[4] Nimni2013: 5

[5] Gellner 1997: 239–240

[6] http://kurdishquestion.com/index.php/kurdistan/dr-jeffrey-miley-a-middle-east-beyond-oppressive-nation-states-and-imperialism-is-possible-rojava.html

[7] McDowall, David, 2004, p. 47ff.

[8] Cf. Gottschlich, J., 2015.

[9] Hanioglu, M.S., 1995,  p.209 f.

[10] Cf. Gottschlich, J., 2015, p. 236ff.

[11] Cf. Gellner, 1997, p. 84.

[12] Öcalan, Abdullah, 2016, p. 19-20

 

Lectures complémentaires:

Paulo_Freire_La_pedagogie_des_opprimes

Pierre_Bance_Lheure_de_la_commune_des_communes_a_sonne

Chiapas-Feu-et-Parole-dun-Peuple-qui-Dirige-et-dun-Gouvernement-qui-Obeit

Ricardo_Flores_Magon_Textes_Choisis_1910-1916

JP-Marat_Les_chaines_de_lesclavage_Ed_Fr_1792

Manifeste pour la Société des Sociétés

Abdullah-Ocalan-Confederalisme-democratique

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Notre dossier Rojava

Nouvelles de la Commune Internationaliste du Rojava…

Posted in actualité, altermondialisme, colonialisme, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, ingérence et etats-unis, militantisme alternatif, neoliberalisme et fascisme, politique et social, résistance politique, société des sociétés, société libertaire, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , , , , , on 21 décembre 2018 by Résistance 71

Il n’y avait plus de nouvelles sérieuses filtrant du Rojava depuis un bon moment. Les seules infos disponibles émanant d’entités impérialistes  ou de l’état syrien, il était particulièrement difficile de savoir de quoi il retournait de l’intérieur. Il y a eu une tentative de récupération yankee de la révolution sociale avec depuis 2016 cette affaire de « charte / contrat social du Rojava » qui n’a rien à voir avec le Confédéralisme Démocratique tel que mis en place depuis 2012, à l’instigation de cadres renégats ayant créé un parti et bouffant au râtelier de l’impérialisme occidental.
Depuis quelques mois, des informations plus crédibles parviennent du terrain, certaines sont en anglais que nous nous efforcerons de traduire plus régulièrement en 2019, d’autres sont déjà diffusées en français.
Les nouvelles récentes font état des Yankees qui évacueraient la zone et leurs bases militaires (ce qui demeure à vois s’ils le feront), mais cela serait aussi pour laisser le champ libre à l’attaque impérialiste turque…
Ci-dessous un article d’analyse de la situation au Rojava et de la Commune Internationaliste résultant de la mise en application du Confédéralisme Démocratique tel que prôné par son fondateur Abdullah Ocalan depuis la fin des années 90. Ci dessous également, le texte entier et sa version abrégée en format PDF. La Commune du Rojava, à l’instar des Zapatistes du Chiapas soutiennent le mouvement des Gilets Jaunes. Nous sommes entrés dans le domaine du Réseau de Résistance et de Rébellion International tel qu’envisionné par les Zapatistes !…

~ Résistance 71 ~

Texte intégral du confédéralisme démocratique d’Abdullah Ocalan (2011):

Abdullah-Ocalan-Confederalisme-democratique

Notre version abrégée de 2015:

confederalisme_democratique

 

Dépolitiser la liberté: Les tentatives impérialistes de séparer le Rojava d’Ocalan

 

Ali Ciçek

 

14 décembre 2018

 

Source: 

https://komun-academy.com/2018/12/14/depoliticizing-freedom-imperialist-attempts-to-separate-rojava-from-ocalan/

 

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

 

L’année 2018 a commencé avec une invasion de la Turquie et de ses mercenaires et par l’occupation de la ville d’Afrin au Rojava dand le nord de la Syrie et se termine de manière assez similaire. Alors que des prisonniers kurdes dans les prisons turques et des activistes du monde entier sont en grève de la faim pour la cause d’Abdullah Ocalan, le président turc Erdogan menace une nouvelle fois d’une autre intervention militaire turque à l’Est de l’Euphrate à laquelle la Fédération Démocratique du nord-syrien a répondu par un état d’urgence. Cette année a aussi vu des attaques idéologiques contre le mouvement de liberté kurde, au Kurdistan, aussi bien qu’en Europe, particulièrement en Allemagne.

Afrin, Öcalan et 25 ans d’interdiction du PKK

Observons trois exemples très significatifs de ce qui peut être décrit comme des attaques idéologiques et leurs conséquences. Par exemple, un très grand nombre d’actions de solidarité se sont déroulées pendant les deux mois de la résistance d’Afrin au début de l’année. Beaucoup des slogans qui furent entonnés pendant ces manifestations le furent en faveur de la libération d’Abdullah Ocalan. Je peux me rappeler les réactions de quelques participants de ces manifestations vers le vieux slogan “Bijî Serok Apo” (longue vie au leader Apo) [Apo étant le petit nom affectueux donné à Ocalan].

Ils dirent: “Nous sommes ici pour Afrin et le Rojava. Ne chantons que des slogans ayant un rapport avec cela. Qu’est-ce qu’Ocalan a à voir avec Afrin ?” L’année 2018 a marqué les 25 ans de l’interdiction du PKK (NdT: Parti Ouvrier Kurde d’obédience marxiste jusqu’à la fin des années 90, communaliste libertaire depuis l’emprisonnement de son leader Ocalan en Turquie) en Allemagne, ce pourquoi bon nombre de manifestations furent organisées dans ce pays. Dans les discussions au sujet des formes possibles de protestation pour marquer cet anniversaire et au vu de la criminalisation et de la persécution accrues des activistes kurdes et des structures de solidarité, une tendance se cristallisa en faveur de l’approche suivante: “Ne nous focalisons pas sur le PKK. Le YPG et le YPJ sont plus socialement acceptés en Allemagne. Des actions pour lever l’interdiction des symboles du YPG et du YPJ ont plus de chance de réussir.

L’année a aussi vu un accroissement de la coopération entre les activistes kurdes et les mouvements actifs de gauche en Allemagne. Des discussions communes, des séminaires et des conférences furent organisés au sujet du Confédéralisme Démocratique.

Des centres culturels kurdes furent utilisés comme endroits communs d’éducation. Ces pièces sont souvent décorées de drapeaux kurdes, de portraits d’Ocalan et autres personnalités centrales de la lutte kurde pour la liberté. Voici la réaction d’une personne envers ces drapeaux et portraits d’Ocalan: “Pourquoi accrocherait-on des drapeaux et des photos d’Ocalan, du PKK et du YPG/YPJ les uns à côté des autres ? Ne sont-ce pas ces mêmes images que l’état allemand utilise pour les amalgamer ensemble ?

La bataille entre la modernité démocratique et capitaliste

Beaucoup de discussions se tinrent au sujet de l’occupation d’Afrin et de ses conséquences. La violation flagrante de la loi internationale est une honte pour la “communauté internationale” ; mais la résistance d’Afrin avec ses plus de 1000 combattants tombés démontra aux forces démocratiques, une fois de plus, que le combat du mouvement de la liberté kurde en général et de la révolution du Rojava en particulier, représentent une bataille entre deux visions du monde, entre le socialisme et le capitalisme, entre la modernité démocratique et la modernité capitaliste.

Politiquement, on peut parler de trois lignes ou acteurs dans notre évaluation: d’un côté il y a les puissances hégémoniques comme les Etats-Unis, la Russie et les pays de l’UE ; puis il y a les états-nations régionaux comme la Turquie, l’Iran, l’Irak et la Syrie et enfin, les communautés locales, les hommes, les femmes, les travailleurs, les identités opprimées et les sections sociétales.

Alors que les deux premiers acteurs sont essentiellement préoccupés à se partager le gâteau moyen-oriental et de s’approprier le plus pour chacun dans le processus, le troisième acteur a des intérêts totalement différents, à savoir la démocratisation et la libération définitive du joug de la détermination étrangère. Il y a donc deux lignes idéologiques majeures: celle des états capitalistes qu’is soient globaux ou régionaux d’un côté et celle des peuples de l’autre, qui pour la première fois sont parvenus à libérer un espace au Rojava pour se déterminer eux-mêmes.

La révolution est-elle en marche ?

Une grande part de la discussion se concentra sur l’alliance tactique militaire de l’Auto-Administration Démocratique en Syrie du Nord avec les Etats-Unis impérialistes. Cette alliance commença avec la résistance de Kobané et atteignit son pic militaire avec la libération de Raqqa. Des spéculations furent émises au sujet du futur du projet démocratique après la bataille de Raqqa, car “l’ennemi commun”, soi-disant “État Islamique” serait bientôt battu. La question se posa: la révolution continuera t’elle son chemin ou sera t’elle intégrée dans le système mondial capitaliste ?

L’ennemi indéfectible des Etats-Unis

Les révolutionnaires du Rojava insistèrent sur leur vision du futur de la région en arborant une immense bannière à l’effigie d’Abdullah Ocalan dans le centre de la ville de Raqqa devant laquelle posèrent des centaines de femmes combattantes des Unités de Défense Féminines (YPJ) afin de déclarer officiellement la libération de la ville en tant que victoire pour toutes les femmes du monde.

Les Etats-Unis réagirent immédiatement par un communiqué du Pentagone qui montrait leur stratégie du long-terme: “Le PKK a été désigné comme une organisation terroriste étrangère par les Etats-Unis depuis 1997 et nous continuons de regarder le PKK comme un agent déstabilisateur dans la région. Les Etats-Unis continuent de soutenir notre allié la Turquie membre de l’OTAN dans sa lutte de plusieurs dizaines d’années contre le PKK et reconnaissent les vies turques perdues dans ce conflit. […] Nous condamnons l’exposition en public de l’effigie du fondateur et leader du PKK Abdullah Ocalan pendant la libération de Raqqa.

Les commentateurs politiques ont interprété cette déclaration des Etats-Unis comme étant essentiellement dirigée vers leur partenaire de l’OTAN, la Turquie. Mais un point de vue considérant les dimensions idéologiques de ce développement nous aidera à comprendre le problème derrière la façade géopolitique. Ce furent ces mêmes Etats-Unis qui, il y a maintenant près de 20 ans, menèrent et exécutèrent cette conspiration internationale contre Abdullah Ocalan. Ocalan, en tant qu’architecte du PKK, du paradigme du Confédéralisme Démocratique et de la révolution du Rojava, personnifie l’ennemi mortel des Etats-Unis.

Ce fut lui qui, après l’effondrement du vrai socialisme et de l’intégration des mouvements de libération nationaux au sein du système étatique, aussi bien après qu’il eut “prophétisé” la “fin de l’histoire”, déclara: “Insister sur le socialisme veut dire insister sur être humain.

En 1991, l’ancien premier ministre turc Bülent Ecevit, a admis après le kidnapping et l’arrestation d’Ocalan qu’il n’avait toujours pas bien compris pourquoi les Etats-Unis l’avaient remis à la Turquie. Ces mots démontrent le rôle mineur que joua la Turquie dans la conspiration internationale contre Ocalan.

Dans le même temps, dans ses travaux de rédaction entrepris depuis son île prison d’Imrali, Ocalan explique en détail que le système capitaliste l’accuse et le condamne dans son identité d’anti-capitaliste.

La seconde étape de la conspiration internationale 

20 ans ont passé depuis le début de cette conspiration internationale. L’emprisonnement d’Ocalan ne fut qu’une dimension du concept de la destruction du PKK.

L’autre dimension fut de tenter de marginaliser la ligne socialiste au sein du PKK, qui se manifestait au travers du personnage d’Ocalan, et ce afin de mettre en exergue et de renforcer ses éléments libéraux. La tentative fut de créer un PKK qui serait dans le moule de la conception américaine du “Moyen-Orient élargi”, un PKK qui se retire de sa lutte de guérilla, soi-disante vieille méthode n’ayant plus cours au XXIème siècle, un PKK qui ne demanderait plus cette question cruciale du “Comment vivre ?…”

La conspiration internationale a échoué en ce sens. Pourtant, au cours de ces 20 années, il y a eu des tentatives constantes d’annihiler le PKK. Une des stratégies principales est de tenter de liquider et de fragmenter le leadership du mouvement kurde.

En parallèle de cette conspiration internationale, des campagnes sous le slogan “Oui au PKK, non à Apo !” furent lancées. Ces tentatives atteignirent un nouveau niveau en 2018, voilà pourquoi nous pouvons nous référer à cette nouvelle étape comme celle de la seconde étape de la conspiration internationale. Mis à part les attaques physiques brutales sur les zones libérées tel le canton d’Afrin ou des campagnes d’assassinats ciblés comme celui du membre du conseil exécutif du KCK Zekî Sengalî en août de cette année à Sengal (Sinjar), par une attaque de drone au travers de la frontière avec l’état turc, nous devons aussi considérer les attaques idéologiques.

L’isolation complète et continue d’Abdullah Ocalan et la tentative de normaliser son emprisonnement sont symboliques de cette seconde étape de la conspiration internationale. En plus vient se greffer la décision des Etats-Unis de mettre des récompenses sur les têtes de trois personnalités importantes de la lutte kurde pour la liberté: Duran Kalkan, Cemil Bayik et Murat Karayilan. Les premiers commentaires en ce qui concerne cette décision américaine ont insisté sur ce que les Etats-Unis voulaient rassurer la Turquie à la lumière de leur coopération avec les forces kurdes.

Mais par essence, l’intention est de mettre en place une solution militaire contre le PKK suivant ce qui fut appelé le modèle de la “solution Tamil” (NdT: au Sri Lanka). Après tout, c’est le PKK et sa vision d’un Moyen-Orient démocratique qui constitue un gros obstacle à la refonte capitaliste et impérialiste de la région. Les Etats-Unis n’essaient même pas de cacher leurs intentions.

Ainsi, le document d’un think tank américain fut publié à la mi-2016, qui formulait on ne peut plus clairement une stratégie pour libéraliser le potentiel révolutionnaire de la région du Rojava. La thèse centrale de cet article stratégique argumente que les acteurs politiques principaux en Syrie du nord, comme le Parti d’Union Démocratique (PYD), doivent être coupés du PKK et de son idéologue Abdullah Ocalan (NdT: d’où sans aucun doute cette traître initiative de la formulation en 2016 de la “charte / contrat social du Rojava”, se voulant un ersatz du confédéralisme démocratique et menée vraisemblablement par des traîtres à la révolution sociale kurde)

L’impérialisme américain a beaucoup d’expériences et de moyens pour asphyxier les mouvements démocratiques ayant des vues et actions anti-capitalistes dans le système des états-nations. La campagne de diffamation envers le PKK et  le moment choisi, les millions de dollars de récompenses sur les têtes des leaders du PKK qui jouissent d’une très grande popularité dans le peuple et la société kurdes ou la réaction des Etats-Unis au déploiement de la bannière à l’effigie d’Ocalan lors de la libération de Raqqa, exprimant que celui-ci n’était en aucun cas une personne respectable, sont tous des aspects qui peuvent être compris dans ce contexte bien particulier.

Le rôle de l’Allemagne

A part les Etats-Unis, des pays comme la Grande-Bretagne, Israël, la Russie, la Grèce et l’Allemagne ont aussi joué un rôle décisif dans la conspiration internationale qui a mené à l’enlèvement d’Abdullah Ocalan en février 1999. Durant cette affaire en Europe, l’Allemagne a émis une interdiction de séjour envers Ocalan.

A cette époque, un mandat d’arrêt allemand contre Ocalan était actif, ce qui aurait demandé son arrestation et extradition vers l’Allemagne en accord avec la loi existante. Mais la loi fut négligée et l’extradition vers l’Allemagne fut refusée. Le gouvernement allemand refusa l’asile à Ocalan et signala aux autres gouvernements européens de faire de même.

Accorder l’asile à Ocalan et le poursuivre judiciairement en Allemagne aurait voulu dire de porter les contradictions historiques et sociales au centre de l’Europe. C’est pourquoi tous les états impliqués jouèrent un rôle distinct dans cette “conspiration internationale”.

Dans cette même veine, l’Allemagne continua de soutenir matériellement l’état turc contre la société kurde, le PKK et l’idée du Confédéralisme Démocratique en 2018. Nous connaissons tous ces images des chars allemands Léopard à Afrin ou le tapis rouge déroulé pour la visite d’Erdogan en Allemagne. Beaucoup a déjà été écrit sur la coopération économique entre l’Allemagne et la Turquie.

Observons donc plus particulièrement la confrontation idéologique de l’Allemagne avec la société kurde et son avant-garde du mouvement de la liberté kurde.

L’histoire des attaques idéologiques contre le mouvement kurde a commencé bien avant l’interdiction maintenant vieille de 25 ans du PKK en Allemagne. L’activiste kurde Mehmet Demir a dit au bureau d’information de Berlin du Civaka Azad:

“La première attaque physique de l’état se produisit en 1986. Le 21 mars 1985, le Front National de Libération du Kurdistan (FNLK) fut formé. Son premier anniversaire qui coïncide avec notre nouvel an, Newroz, devait être célébré au Mercatorhalle dans la ville de Duisbourg. Ce jour là, les autorités allemandes fermèrent les accès autoroute vers la ville.

Les gens qui voulaient se rendre à la première célébration en bus, furent violemment tirés des véhicules et furent mis à terre, face contre le sol alors qu’ils étaient fouillés individuellement. La raison pour cette attaque excessive fut, on l’apprit plus tard, une rumeur au sujet qu’Abdullah Ocalan ferait partie des participants et y ferait un discours.

La division internationale du travail

La guerre et les massacres au Kurdistan, aussi bien que la répression internationale contre le mouvement de la liberté kurde, furent organisés dans le cadre de l’OTAN sous le couvert de maintenir les “relations bilatérales”, ce qui semble être requis par l’alliance OTAN. L’Allemagne fut et continue d’être partie de cette guerre.

Tout comme chaque état joua un rôle différent durant la conspiration internationale il y a 20 ans, la seconde étape qui se déroule maintenant comprend aussi une division internationale du boulot afin d’affaiblir et d’éliminer le mouvement pour la liberté kurde. Tandis que les Etats-Unis interviennent idéologiquement au Moyen-Orient comme nous l’avons décrit ci-dessus, afin d’influencer la société kurde dans sa tentative de l’aliéner du PKK et d’Ocalan, les efforts en Europe et spécifiquement en Allemagne, ciblent la diaspora kurde de l’étranger.

Les exemples mentionnés au début de l’article montrent les tentatives en Allemagne de séparer le PKK d’Ocalan, représentants de la politique auto-confiante kurde ayant des aspirations démocratiques universelles, de la société kurde et de la révolution du Rojava. Même si les méthodes peuvent différer, l’intention demeure essentiellement la même. En comparaison du Moyen-Orient, l’Allemagne utilise des méthodes plus subtiles comme la criminalisation, les interdictions, les campagnes de diffamation et ces deux dernières années, dans le contexte de circulaires du ministère de l’intérieur fédéral, des jeux arbitraires avec la loi allemande pour mettre en place créativement une interdiction du PKK.

Le pouvoir du mouvement pour la liberté kurde, qui lui a permis de contourner et de surmonter la conspiration internationale de 20 ans à son encontre, ainsi que de surmonter tous les concepts d’annihilation qui furent lancés contre lui, repose sur sa confiance en son propre pouvoir et sa forte base sociétale.

Alors qu’il y a presque un an la modernité capitaliste personnifiée par la Turquie a attaqué les résultats démocratiques faits à Afrin, la société kurde passa à l’offensive pour briser l’isolation de la prison d’Imrali avec des implications ratissant très large: avec toutes les grèves de la faim entreprises en parallèle des manifestations civiles, la société kurde dit haut et clair:

“Oui au PKK et oui à Apo !” Avec cette détermination, la société kurde du nord de la Syrie et dans d’autres parties du Kurdistan ainsi que dans la diaspora, va confronter la menace des attaques turques sur le Fédération Démocratique du nord et de l’Est syrien.