Archive pour anarchie société contre l’état

Il y a 108 ans jour pour jour : Le manifeste anarchiste contre la guerre du 15 février 1915 toujours on ne peut plus d’actualité !

Posted in 3eme guerre mondiale, actualité, crise mondiale, guerre ukraine, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, ingérence et etats-unis, militantisme alternatif, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, philosophie, politique et social, politique française, résistance politique, société des sociétés, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , on 15 février 2023 by Résistance 71

Le_Reveil

Ce texte fut écrit et publié il y a 108 ans jour pour jour ! Qu’est-ce qui fait qu’il paraisse toujours si actuel, à tel point qu’il aurait pu avoir été écrit hier ?… Serait-ce parce que finalement, rien n’a vraiment changé ? Où en sommes-nous plus d’un siècle plus tard ? Après une première et une seconde boucheries mondiales, organisées par les mêmes parasites de la société étatico-marchande, agissant pour maintenir oppression et exploitation, nous en sommes aujourd’hui en ce 15 février 2023 à nous demander si la 3ème grande boucherie mondiale va avoir lieu ? De fait, haute-finance et complexes industriels ont besoin d’une 3ème guerre mondiale pour relancer  le parasitisme économico-politique institutionnalisé qui les maintient au pouvoir et en “contrôle”.
Comme le disaient déjà les anarchistes en 1915 : NON à la guerre ! Il n’y a absolument aucune justification valide à perpétuer cette violence collective organisée et manipulée à dessein. Ce sont nous, les peuples, qui, sous le joug de l’État, sommes en état de légitime défense permanente… Il est plus que grand temps que nous agissions collectivement en conséquence. Il suffit de dire NON !…
Nous ne ressortons pas ce texte maintenant par hasard… L’heure est grave et quoi de mieux qu’une bonne guerre générale de haute intensité pour faire diversion du crime de l’attaque biologique sur l’humanité qu’est cette affaire SRAS-CoV-2 / COVID19 ?
A bas l’État ! A bas la marchandise ! A bas l’argent ! A bas le salariat !
Vive la Commune Universelle de notre humanité réalisée !
~ Résistance 71 ~

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Manifeste de l’Internationale Anarchiste contre la guerre

15 Février 1915

L’Europe en feu, une dizaine de millions d’hommes aux prises dans la plus effroyable boucherie qu’ait jamais enregistré l’histoire, des millions de femmes et d’enfants en larmes, la vie économique, intellectuelle et morale de sept grands peuples brutalement suspendue, la menace chaque jour plus grave de complications militaires nouvelles, — tel est, depuis sept mois, le pénible, angoissant et odieux spectacle que nous offre le monde civilisé.

Mais spectacle attendu, au moins par les anarchistes. Car pour eux il n’a jamais fait et il ne fait aucun doute — les terribles évènements d’aujourd’hui fortifient cette assurance — que la guerre est en permanente gestation dans l’organisme social actuel et que le conflit armé, restreint ou généralisé, colonial ou européen, est la conséquence naturelle et l’aboutissant nécessaire et fatal d’un régime qui a pour base l’inégalité économique des citoyens, repose sur l’antagonisme sauvage des intérêts, et place le monde du travail sous l’étroite et douloureuse dépendance d’une minorité de parasites, détenteurs à la fois du pouvoir politique et de la puissance économique.

La guerre était inévitable : d’où qu’elle vint, elle devait éclater. Ce n’est pas en vain que depuis un demi-siècle, on prépare fiévreusement les plus formidables armements et que l’on accroît tous les jours davantage les budgets de la mort. À perfectionner constamment le matériel de guerre, à tendre continûment tous les esprits et toutes les volontés vers la meilleure organisation de la machine militaire, on ne travaille pas à la paix.

Aussi est-il naïf et puéril, après avoir multiplié les causes et les occasions de conflits, de chercher à établir les responsabilités à tel ou tel gouvernement. Il n’y a pas de distinction possible entre les guerres offensives et les guerres défensives. Dans le conflit actuel, les gouvernements de Berlin et de Vienne se sont justifiés avec des documents non moins authentiques que les gouvernements de Paris, de Londres et de Pétrograd. C’est à qui de ceux-ci et de ceux-là produira les documents les plus indiscutables et les plus décisifs pour établir sa bonne foi et se présenter comme l’immaculé défenseur du droit et de la liberté, le champion de la civilisation.

La civilisation ? Qui donc la représente en ce moment ? Est-ce l’État Allemand avec son militarisme formidable et si puissant qu’il a étouffé toute velléité de révolte ? Est-ce l’État Russe dont le knout, le gibet et la Sibérie sont les seuls moyens de persuasion ? Est-ce l’État Français, avec Biribi, les sanglantes conquêtes du Tonkin, de Madagascar, du Maroc, avec, le recrutement forcé des troupes noires ; la France qui retient dans ses prisons. depuis des années, des camarades coupables seulement d’avoir écrit et parlé contre la guerre ? Est-ce l’Angleterre qui exploite, divise, affame et opprime les populations de son immense empire colonial ?

Non. Aucun des belligérants n’a le droit de se réclamer de la civilisation, comme aucun n’a le droit de se déclarer en état de légitime défense.

La vérité, c’est que la cause des guerres, de celle qui ensanglante actuellement les plaines de l’Europe, comme de toutes celles qui l’ont précédée, réside uniquement dans l’existence de l’État, qui est la forme politique du privilège.

L’État est né de la force militaire ; il s’est développé en se servant de la force militaire ; et c’est encore sur la force militaire qu’il doit logiquement s’appuyer pour maintenir sa toute-puissance. Quelle que soit la forme qu’il revête, l’État n’est que l’oppression organisée au profit d’une minorité de privilégiés. Le conflit actuel illustre ceci de façon frappante : toutes les formes de l’État se trouvent engagées dans la guerre présente : l’absolutisme avec la Russie, l’absolutisme mitigé de parlementarisme avec l’Allemagne, l’État régnant sur des peuples de races bien différentes avec l’Autriche, le régime démocratique constitutionnel avec l’Angleterre et le régime démocratique républicain avec la France.

Le malheur des peuples, qui pourtant étaient tous profondément attachés à la paix, est d’avoir eu confiance en l’État avec ses diplomates intrigants, en la démocratie et partis politiques (même d’opposition comme le socialisme parlementaire), pour éviter la guerre. Cette confiance a été trompée à dessein et elle continue à l’être lorsque les gouvernants, avec l’aide de toute leur presse, persuadent leurs peuples respectifs que cette guerre est une guerre de libération.

Nous sommes résolument contre toute guerre entre peuples et, dans les pays neutres, comme l’Italie, où les gouvernants prétendent jeter encore de nouveaux peuples dans la fournaise guerrière, nos camarades se sont opposés, s’opposent et s’opposeront toujours à la guerre avec la dernière énergie.

Le rôle des anarchistes, quel que soit l’endroit ou la situation dans laquelle ils se trouvent, dans la tragédie actuelle, est de continuer à proclamer qu’il n’y a qu’une seule guerre de libération : celle qui, dans tous les pays, est menée par les opprimés contre les oppresseurs, par les exploités contre les exploiteurs. Notre rôle c’est d’appeler les esclaves à la révolte contre leurs maîtres.

La propagande et l’action anarchistes doivent s’appliquer avec persévérance à affaiblir et à désagréger les divers États, à cultiver l’esprit de révolte et à faire naître le mécontentement dans les peuples et dans les armées.

À tous les soldats de tous les pays qui ont la foi de combattre pour la justice et la liberté, nous devons expliquer que leur héroïsme et leur vaillance ne serviront qu’à perpétuer la haine, la tyrannie et la misère.

Aux ouvriers de l’Usine il faut rappeler que les fusils qu’ils ont maintenant entre les mains ont été employés contre eux dans les jours de grève et de légitime révolte, et qu’ensuite ils serviront encore contre eux pour les obliger à subir l’exploitation patronale.

Aux paysans, leur montrer qu’après la guerre il faudra encore une fois se courber sous le joug, continuer à cultiver la terre de leurs seigneurs et à nourrir les riches.

À tous les parias, qu’ils ne doivent pas lâcher leurs armes avant d’avoir réglé des comptes avec leurs oppresseurs, avant d’avoir pris la terre et l’usine pour eux.

Aux mères, compagnes et filles, victimes d’un surcroît de misère et de privations, montrons quels sont les vrais responsables de leurs douleurs et du massacre de leurs pères, fils et maris.

Nous devons profiter de tous les mouvements de révolte, de tous les mécontentements, pour fomenter l’insurrection, pour organiser la révolution de laquelle nous attendons la fin de toutes les iniquités sociales. Pas de découragement — même devant une calamité comme la guerre actuelle !

C’est dans des périodes aussi troublées, où des milliers d’hommes donnent héroïquement leur vie pour une idée, qu’il faut que nous montrions à ces hommes la générosité, la grandeur et la beauté de l’idéal anarchiste ; la justice sociale réalisée par l’organisation libre des producteurs ; la guerre et le militarisme à jamais supprimés, la liberté entière conquise par la destruction totale de l’État et de ses organismes de coercition.

Vive l’Anarchie !

Leonard D. Abbott — Alexander Berkman — L. Bertoni — L. Bersani — G. Bernard — G. Barrett — A. Bernardo — E. Boudot — A. Calzitta — Joseph J. Cohen — Henry Combes — Nestor Ciele van Diepen — F.W. Dunn — Ch. Frigerio — Emma Goldman — V. Garcia —Hippolyte Havel —T.H. Keell — Harry Kelly — J. Lemaire — E. Malatesta — H. Marques — F. Domela Nieuwenhuis — Noel Paravich — E. Recchioni — G. Rijnders — I. Rochtchine — A. Savioli — A. Schapiro — William Shatoff — V.J.C. Schermerhorn — C. Trombetti — P. Vallina — G. Vignati — Lillian G. Woolf — S. Yanovsky.

Londres, février 1915

Le texte dans une belle réalisation PDF sobre et puissante de Jo, à faire circuler au plus grand large sans aucune modération :

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“Celui qui est contre la guerre est par ce seul fait dans l’illégalité. L’état capitaliste considère la vie humaine comme la matière véritablement première de la production du capital. Il conserve cette matière tant qu’il est utile pour lui de la conserver. Il l’entretient car elle est une matière et elle a besoin d’entretien et aussi pour la rendre plus malléable il accepte qu’elle vive.
[…] L’état capitaliste se sert de la vie. La guerre n’est pas une catastrophe, c’est un moyen de gouvernement. L’état capitaliste ne connaît pas les hommes qui cherchent ce que nous appelons le bonheur, les hommes dont le propre est d’être ce qu’ils sont, les hommes en chair et en os ; il ne connaît qu’une matière première pour produire du capital. Pour en produire, il a besoin à un certain moment de la guerre, comme un menuisier a besoin d’un rabot, il se sert de la guerre. […] L’état capitaliste a besoin de la guerre, c’est un de ses outils. On ne peut tuer la guerre sans tuer l’état capitaliste. Je parle objectivement. Voilà un être organisé qui fonctionne… Dans cet être organisé, si j’enlève la guerre, je le désorganise si violemment que je le rend impropre à la vie, à sa vie, comme si j’enlevais le cœur au chien, comme si je sectionnais le 27ème centre moteur de la chenille. […]
Je préfère vivre. Je préfère vivre et tuer la guerre et tuer l’état capitaliste. Je préfère m’occuper de mon propre bonheur. Je ne veux pas me sacrifier ; je n’ai besoin de sacrifier qui que ce soit. Je ne veux me sacrifier qu’à mon bonheur et au bonheur des autres. Je refuse les conseils des gouvernements de l’état capitaliste, des professeurs de l’état capitaliste, des poètes, des philosophes de l’état capitaliste. […] Il n’y a qu’un seul remède: notre force. Il n’y a qu’un seul moyen à utiliser: la révolte, puisqu’on n’a pas entendu notre voix. Puisqu’on ne nous a jamais répondu quand on a gémi.”
~ Jean Giono, “Refus d’obéissance”, 1937 ~

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« Le communisme de Kropotkine » de Marie Goldsmith en format PDF mis en page par Jo, traduction de Résistance 71

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Résistance 71

2 février 2023

Suite à la publication il y a quelques jours de notre traduction du superbe texte « Le communisme de Kropotkine », que Marie Goldsmith écrivit en 1931 pour le 10ème anniversaire de la mort de son grand ami, Jo nous en a fait un superbe PDF que nous soumettons ci-dessous à nos lecteurs, texte à (re)lire encore et encore ainsi que les lectures complémentaires ajoutées et à diffuser au grand large, car nous approchons à grands pas de la grande croisé des chemins où nous devrons choisit sans faiblir notre route future, celle qui ne nous permettra pas que de survivre le marasme ambiant, mais de vivre enfin la vie émancipée que l’humanité peine tant à trouver. Ce texte éclaire le chemin dans les ténèbres qui se sont abattues sur nous tous, mais qui ne sont en rien inéluctables… Il suffit de dire NON !
Bonne (re)lecture !

Le_communisme_de_Kropotkine_par_Marie_Goldsmith
Version PDF

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Anarchie et double pouvoir : possibilité ou illusion, quelques notes sur le développement du mouvement anarchiste avec Matt Crossin 2/2

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RIEN ne s'oppose TOUT se compose

 

Notes critiques sur les développements au sein du mouvement anarchiste

Matt Crossin

Août 2022

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

Décembre 2022

1ère partie

2ème partie

A travers les Etats-Unis, l’insurrection s’est graduellement transformée en manifestations légalement gérées. Le militantisme des premiers moments se volatilisa sans avoir établi quelques formes organisationnelles ou stratégie propice à sa propre reproduction, sans parler de l’escalade. Le commissariat du 3ème district de Minneapolis fut entièrement brûlé, des fenêtres furent brisées et les produits des magasins pillés, partagés entre les communautés en deuil. Mais la police, les prisons, les entreprises capitalistes et la production de marchandise demeurent. Les capitalistes continuent de plus belle à être une classe possédante et opprimante ayant besoin de l’État pour la protéger et l’État, lui-même propriétaire de bon nombre de moyens de production (et de services), continue d’avoir besoin du système de propriété afin de se reproduire lui-même et le privilège de la règle politique.

Ces relations sociales ne peuvent pas être écrasées ou explosées dans les rues. Elles ne peuvent pas être abolies en simplement attaquant les individus qui nous gouvernent et nous contrôlent. Elles ne peuvent être transformées qu’à leur racine, au sein de la sphère de production par l’expropriation de la propriété et la destruction de force de l’État.

La révolte de 2020 sans nul doute marque un moment significatif. L’expérience a transformé le mode de pensée de beaucoup de ceux qui y ont participé, voire même n’en furent que des témoins. L’expression de solidarité sans parallèle avec les Palestiniens toujours sous l’assaut d’Israël juste un an plus tard fut dû en grande partie au glissement de la conscience populaire autour du sujet de la domination raciale. L’opposition militante à la police a aussi aggravé la crise du recrutement en cours dans les forces de l’ordre établi. Ceci a intensifié le cycle dans lequel l’institution expose sans fard son caractère autoritaire, alors que ce sont de manière disproportionnée les plus fascistes qui continuent à être attirés par cette profession.

Mais comme l’écrivain Shemon Salam le demanda à la suite de la rébellion : “En quoi les émeutes sont-elles le chemin de la révolution si elles ne peuvent pas se généraliser au niveau de la production, à moins que cette dernière ne soit plus utile ?” “Bonne chance à tous d’obtenir de la bouffe une fois que l’épicerie du coin est pillée…

De la même manière, la pertinente analyse de Tristan Leoni du mouvement des Gilets Jaunes en France nous mène à la même conclusion :

Les Gilets Jaunes ont ciblé la circulation plutôt que la production. Pourtant, bloquer veut aussi dire bloquer les gens pour aller au travail ou le travail des autres. Ce n’est que parce que des gens produisent des choses et que d’autres les transportent qu’un blocage routier a un quelconque “impact” : en d’autres termes, le blocage est le résultat d’une minorité, parce que la majorité n’entre pas en grève. Par définition, la sphère de la circulation n’est pas centrale, elle est en amont et en aval de la production. […] En mai 1968 (NdT: commencé en fait en 1967), quand 10 millions de travailleurs entrèrent en grève, puis en grève sauvage. Il n’y avait plus rien à bloquer ! Donc, pour faire une révolution, bloquer ou arrêter la production n’est pas suffisant […] il est nécessaire de changer le sens de la production, du haut vers le bas ainsi que de changer les relations sociales inhérentes. Ceci est difficile à faire si vous ne vous rebellez que lors de vos temps de loisir…

Avec l’augmentation des activités de grève dans le monde, avec les syndicats, sans eux et même contre la volonté des bureaucrates syndicalistes, il est intéressant de noter que les avocats de l’insurrection sont devenus bien silencieux au sujet de “l’inutilité et de l’obsolescence” d’une organisation de classe. On en entend même de moins en moins sur la supposée suffisance des groupes d’affinité !

Qui peut possiblement argumenter maintenant que la rébellion George Floyd aurait été “bureaucratisée” avec la participation d’anarchistes appartenant à des organisations anarchistes , encourageant les activités en accord avec une analyse anarchiste partagée et un programme ? Qui pourrait ne pas être d’accord avec un mouvement étant passé des batailles de rues à un système de routes et de parcs “autonomes”, à l’occupation et à la redéfinition de chaînes essentielles de production sous contrôle des travailleurs ? Peut-on vraiment douter que les travailleurs organisés, fédérés en solidarité et capables de mener à bien leur connaissance technique partagée dans leurs industries respectives contre la production capitaliste elle-même, seraient vraiment mieux préparés pour ce genre de soulèvement ?

Sans révolution, un tel développement des choses aurait terrifié les classes dirigeantes bien plus que d’avoir fait crâmer quelques bagnoles de flics…

Acceptant ceci, les anarchistes insurrectionnels auraient bénéficié de revisiter quelques unes des idées exprimées par un de leurs penseurs les plus sérieux : le révolutionnaire italien Alfredo Bonanno.

Son travail le plus célèbre “Joie armée” (1977), est en bien des points représentatif des écrits anarchistes insurrectionnels. Certainement, cela reflète les défauts que cela implique, le plus criant étant la tendance d’écrire dans un style pédant et prétentieux. L’essai est néanmoins notoire en cela que quand il ne réduit pas simplement notre politique de lutte de classe à soit une parodie de syndicalisme conservateur ou une énumération opportuniste des mouvements sociaux, il concède beaucoup à l’analyse anarchiste de masse.

“Joie armée” balaie les “réunions”, le “modèle rigide de l’attaque frontale contre les forces capitalistes” et les efforts de “se saisir des moyens de production” au travers d’un système “d’auto-gestion”. Bonanno clarifie qu’il est bien plus impressionné par ceux qui simplement “font l’amour, fument [des joints], écoutent de la musique, vont marcher, dorment, rient, tuent des flics, des journalistes pathétiques, tuent des juges et font péter des barraquements” etc. Et pourtant, Bonanno reconnait le besoin d’auto-organisation des producteurs sur les lieux de travail” afin de mettre en place le communisme : “L’affirmation que l’humain puisse se reproduire et s’objectiver dans une non-relation de travail par des solicitations variées que cela stimule en lui.” Pour Bonanno, le communisme est un mode de production dans lequel :

“La production ne sera plus la dimension par laquelle l’Homme se détermine lui-même et cela se manifestera dans la sphère du jeu et de la joie… il sera possible de stopper la production à tout moment lorsqu’il y aura assez.”

Les plus contrariants des insurrectionistes peuvent bien prétendre autre chose, mais si les mots de Bonanno doivent avoir une cohérence, ceci revient à “une attaque frontale sur les forces capitalistes”, “prise des moyens de production” et à “l’auto-gestion” communiste, telles qu’articulées dans le mouvement de masse anarchiste classique.

Les parallèles avec la pensée anarchiste de masse (particulièrement dans le domaine de la double organisation de type “plateformiste”) sont encore plus clairs dans d’autres travaux de Bonanno, comme ceux qui décrivent une stratégie fondée sur le “nucleus de production”. Par exemple dans l’essai “Critique des méthodes syndicalistes” dans lequel il argumente en faveur de :

La lutte directe organisée par la base ; petits groupes de travailleurs qui attaquent les centres de production. Ceci serait un exercice de cohésion pour de futurs développements dans la lutte qui pourraient se produire après avoir obtenu une formation détaillée et la décision de passer à la phase finale de l’expropriation du capital, c’est à dire la révolution.

Il continue en assumant que :

La situation économique pourrait être organisée sans aucune structure oppressive la contrôlant ou la dirigeant ou décidant ses buts à atteindre. C’est ce que les travailleurs comprennent très bien. Le travailleur, l’ouvrier, sait parfaitement comment l’usine, son lieu de travail est structuré et que, cette barrière franchie, il pourrait parfaitement être capable de travailler l’économie pour l’intérêt commun. Le travailleur sait parfaitement que l’effondrement de cet obstacle voudrait dire la transformation des relations à la fois dans et hors de l’usine, l’école, la terre, et toute la société. Pour le travailleur, le concept de gestion prolétarienne est avant tout celui de la gestion de la production […] C’est donc le contrôle sur le produit qui manque de sa perspective, et avec cela, les décisions sur les lignes de production, les choix à effectuer etc […] ce qui est requis est de lui expliquer la façon dont ce mécanisme pourrait être amené à une économie communiste, comment il pourrait avoir autant de produits que l’exigent ses véritables besoins et comment il pourrait participer à une production utile et efficace en accord avec son propre potentiel.

Qui Bonanno pense t’il devrait expliquer cela ? Pas des “délégués privilégiés” ou des “salariés bureaucrates”, mais plutôt des “animateurs politiques” : des activistes qui doivent travailler dans le sens des besoins des travailleurs. “En d’autres termes, la minorité des militants anarchistes devrait encourager le développement et l’activité des “fédérations des organisations de base”, en accord avec les principes qui nous conviennent, à la poursuite à la fois de l’amélioration (au travail et en dehors du travail) tout autant que de la révolution sociale.

Notre rôle en tant que “animateurs politiques” ou “activistes” devient-il inévitablement bureaucratique si nos organisations sont impliquées dans des taches plus qu’immédiates, singulières et sont guidées par des programmes révolutionnaires à la disposition de tous ?

Bonanno note les risques pour les organisations qui donnent la priorité à leur propre reproduction comme des organisations se plaçant au dessus de leur fonction supposée. Pour des organisations de masse comme les fédérations d’associations de travailleurs, localisées au point même de la lutte, le problème devient celui de sacrifier potentiellement la lutte en faveur de l’auto-préservation.

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Mais ceci n’est pas une vision unique de l’anarchisme insurrectionnel ! Et Bonanno le sait très bien. En fait, il cite et acquiesce à ces mots de l’anarchiste hollandais Ferdinand Donnera Nieuwenhuis :

Je suis anarchiste avant toute chose, puis un syndicaliste, mais je pense que beaucoup d’entre nous sont des syndicalistes avant tout et des anarchistes ensuite. Il y a une grande différence… Le culte du syndicalisme est aussi toxique et dangereux que celui de l’État… Comme les aficionados anarchistes de la double organisation l’ont disputé depuis longtemps, ce dont on a besoin est de la capacité continue pour les anarchistes à maintenir une position anarchiste constante ; d’être capables d’agir de manière indépendante de toute organisation de masse tout en maintenant des opportunités d’intervenir dans les luttes de nos compagnons ouvriers et travailleurs.

Bonanno cite l’expérience de la CNT dans la révolution sociale espagnole démontrant le danger institutionnel et psychologique posé par “la fusion d’un mouvement anarchiste spécifique avec des organisations de masse non spécifiques de lutte et d’action directes.” La déférence montrée par tant de travailleurs envers les politiques collaboratrices de la CNT, incluant la permission à des leaders anarcho-syndicalistes de prendre des positions au sein du gouvernement, indique le besoin d’une indépendance organisationnelle des anarchistes. Cette approche stratégique nous prépare mieux pour les circonstances dans lesquelles nous devons faire sécession des positions douteuses des organisations de masse, à la fois mentalement et dans la pratique, ce qui nous permettra d’encourager une ligne révolutionnaire claire au sein du mouvement ; redirigeant notre énergie là où l’auto-organisation de la lutte nous mène.

Mais Bonanno renforce cet argument avec des citations de… Malatesta ! Qui a argumenté que le syndicalisme anarchiste était soit limité aux anarchistes et donc “faible et impuissant, juste un groupe de propagande” ou construit sur une base de classe, rendant “le programme initial […] rien d’autre qu’une formule vide.”

C’est une fois de plus Bonanno se faisant l’écho de la double organisation. Le reste de son argumentation vaut par son insistance que les organisations anarchistes ne peuvent rien faire d’autre que de se bureaucratiser et de devenir une force contre-révolutionnaire si elles adoptent une continuité dans le membership et un programme anarchiste. Il affirme aussi sans preuve que c’est la forme de “nucleus de production” qui est uniquement immune aux tendances inhérentes aux syndicats, qu’ils soient réformistes, syndicalistes révolutionnaires ou anarchistes.

Aussi peu convaincant que ce soit, il convient de noter à quel point nous sommes loins du “fumer des pétards, baiser et tuer des flics”, ou des slogans préférés des admirateurs contemporains de Bonanno, appelant à la “destruction de l’économie”, “de la production”, et à l’abandon des vieux rêves comme “l’auto-gestion révolutionnaire”.

Si les anarchistes insurrectionnels, fatigués des émeutes sans fin et désorientés par le retour de l’organisation de terrain, peuvent parvenir aussi loin que le meilleur travail de Bonanno, peut-être alors pourront-ils aussi se permettre de concéder que la tradition anarchiste de masse est quelque chose qui vaut la peine d’être ranimé.

Laissons en place les groupes d’affinité ; pensons ensemble le monde et comment le changer ; écrivez vos idées et partagez les avec vos camarades, parlez, discutez avec vos collègues de travail sur le comment agir contre les patrons, diffusez les informations de lutte partout ; reconnaissez où réside notre pouvoir au sein de la société capitaliste et utilisez ce pouvoir.

Construisons la capacité organisationnelle de lutte au sein de nos industries respectives. Dans le processus de cette lutte, nous pouvons de la même manière construire la capacité de “saisir le contrôle des moyens de production” (excusez cette phrase poussiéreuse…). Ceci demande que nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir pour encourager le renouvellement d’un mouvement militant des travailleurs, avec une coordination au travers de l’économie et des liens avec des mouvements sociaux radicaux au-delà des lieux de travail.

Pour ceux vraiment intéressés à l’anarchie et au communisme, ceci demeure une tache centrale.

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Les anarchistes et le parlementarisme : élections et changement social

Il y a ceux qui maintenant se considèrent anarchistes et qui nous disent “Oui, l’anarchie est notre but, mais nous sommes très loin de sa réalisation et nous devons penser à désespérément gagner des réformes tant attendues. Ceci veut dire faire campagne pour des politiciens, même faire campagne pour nous faire élire de façon à ce que des lois puissent être passées dans l’intérêt de la classe travailleuse.”

Il y a plusieurs problèmes avec de tels propos. D’abord, il est important de clarifier que l’anarchisme non seulement comprend une croyance dans l’idéal de l’anarchie, d’une société sans domination, sans état, sans argent et sans capitalisme etc… mais aussi une méthode, une théorie de changement social, basée sur une analyse spécifique des relations sociales, des processus et des institutions existants.

Tout communiste, même le plus enthousiaste champion du pouvoir étatique (tenu entre les mains des “communistes”, bien entendu…) peut affirmer que l’abolition du capitalisme et de l’État sont ses buts ultimes et indéfectibles. Ils peuvent même réellement croire que leurs tactiques autoritaires sont les seules capables d’y parvenir. Marx lui-même concéda que l’idéal de l’anarchie était consistant avec sa vision du communisme, bien qu’il se fit l’avocat d’une politique électorale et d’une forme “d’état révolutionnaire transitoire” comme moyen d’y parvenir. Il est important de réitérer le fait que ce qui distingue vraiment l’anarchisme n’est pas seulement le but, mais aussi notre insistance sur une unité nécessaire entre les moyens et les fins ; sur le besoin d’agir en dehors et contre l’État, plutôt qu’à travers lui.

Une erreur identique est l’idée qu’une telle vue n’est importante que quand une révolution semble imminente et que, en attendant, nous devrions nous impliquer politiquement dans les campagnes de politique électorale pour changer les parlements et donc les législations comme un moyen n’étant que “la seule façon d’accomplir des réformes”.

Les anarchistes rejettent cette forme de compréhension sur le comment le changement social, même réformiste, se produit. Les changements dans les gouvernements et les politiques sont motivés par les besoins d’ajustement de l’État et du capital, dans des paramètres établis par l’équilibre existant des forces de classes. Les réformes ne sont pas le produit de bonnes ou de mauvaises idées, de politiciens ou de législations changeantes, mais sont plutôt le résultat de l’État servant les meilleurs intérêts du capitalisme en tant que système. Lorsqu’il y a une pression soutenue d’en bas, dirigée contre les patrons et les gouvernements, la classe dirigeante doit s’adapter à la menace posée au profit et à la stabilité du système. Lorsque la force brute n’est pas suffisante pour éliminer le danger de l’activité de la classe du travail organisée, la menace est pacifiée par des concessions et la récupération de la grogne au profit du système.

Les victoires électorales et parlementaires (incluant les referendums et les assemblées constituantes) sont souvent étiquetées comme faussées, mais nécessaires, des culminations de l’énergie du mouvement social en un “véritable pouvoir”. En fait, ceci devrait être vu et compris comme étant l’effort de canaliser l’activité extra-parlementaire, le seul pouvoir que nous ayons, en des formes gérables, légales et contrôlables à terme sans aucun danger pour le système.

Quiconque examine avec sérieux les archives historiques trouvera que cela a toujours été la lutte et l’action directes et jamais la politique légale, qui ont permis de faire changer les choses. Ainsi, les anarchistes affirment que les réformes et la révolution sont le résultat de la même sorte d’activité. Cela ne peut pas être séparé…

Grèves, sabotage, blocages, désobéissance civile, émeutes, insurrection : ce ne sont pas seulement les outils de la révolution, mais les seules armes que nous ayons à notre disposition pour changer les choses radicalement. Ce sont aussi une passerelle entre deux objectifs : réforme et révolution, en ce que cela bâtit notre capacité à mettre la pression sur les patrons et les gouvernements tout en développant nos forces, nos idées et notre confiance en nous-mêmes pour nous départir de toutes les formes d’oppression et d’exploitation, que nous avons l’intention intangible de remplacer par la société libre communiste.

Les campagnes électorales, la routine du boulot quotidien de la bureaucratie parlementaire et l’exercice du pouvoir d’état, ne font que distraire et détourner l’attention des travailleurs, nous détourner de l’auto-organisation, de l’autonomie et de la lutte de classe. Cela nous mélange de manière toxique dans des modèles d’organisation autoritaires et donne pour tache à ceux qui gèrent d’obtenir des positions dans le système politique, dans le gouvernement en maintenant les intérêts d’une classe propriétaire exploiteuse, dont les intérêts (vu leur contrôle absolu de la vie économique de la société) doivent être servis par l’État de manière inévitable et que tout gouvernement se doit de produire immanquablement s’il veut continuer d’être gouvernement ayant le pouvoir de gouverner la société en tant qu’élite privilégiée.

Les anarchistes pensent ces tactiques nécessaires au vu de l’attitude de ceux qui ont pris part, quelques soient les croyances personnelles ou leurs intentions. Ceci n’est pas une question de corruption ou de trahison, mais plutôt d’impératifs systémiques et de logique institutionnelle qui ne peuvent pas être dépassés, résolus par même les plus radicaux des politiciens. (NdT : pour la France, pensez à des gugusses du style Mélenchon ou Cohn Bendit… tous deux de bons petits roquets du système trompant leur monde depuis des lustres…)

yin-yang-zenon

Ce qui nous ramène à ce principe qui est au cœur même de l’anarchisme : l’unité nécessaire entre les moyens et les fins. Comme je l’ai déjà dit, ceci demande que nous refusions toute participation à la politique électorale ou à la formation de tout autre “nouvel” ´état, quelle soit ses prétentions “révolutionnaires”. Mais cela veut aussi dire que nous devons nous organiser, prendre des décisions (NdT : c’est à dire d’exercer le pouvoir qui est inhérent à la société humaine, il n’y a pas et ne saurait y avoir de “société sans pouvoir”, il n’y a que le pouvoir non-coercitif et le pouvoir coercitif, comment repasse t’on de ce dernier au premier ? cf P. Clastres et notre résolution de son aporie d’anthropologie politique…) et agir de telle façon que cela reflète à la fois l’idéal pour lequel nous œuvrons pour établir et directement altérer l’équilibre des forces de classe, ce sans déférence que ce soit envers des leaders ou des institutions de quelque sorte que ce soit. Nos organisations doivent être construites de manière libre depuis la base et notre stratégie d’orientation doit aller vers l’action directe contre les patrons et les gouvernements.

En commentaire final, cela vaut la peine de noter que cette analyse institutionnelle de l’État s’étend également au niveau local ou municipal et que l’anarchisme ne peut pas se réconcilier avec de telles expériences de “démocratie de mairie” ou “directe”. La rupture de Murray Bookchin avec l’anarchisme à la fin des années 90 semble avoir été “oubliée” par les anarchistes qui recherchent maintenant une inspiration du côté de sa théorie sur le municipalisme (libertaire). Ses suiveurs se font à tort, l’écho de la croyance municipaliste qui veut que les impératifs structurels de l’état capitaliste disparaissent plus un corps gouvernemental se rapproche de sa population. Malheureusement, pour les municipalistes, les formes organisationnelles de la politique parlementaire, les manières dont elles nous transforment et nous changent en tant que peuple et leur fonction au sein de la société capitaliste, demeurent toutes identiques au niveau du conseil municipal. Un socialisme d’état de localité est toujours un socialisme d’état.

Le texte complet en PDF :
Matt-Crossin-Anarchie-et-double-pouvoir-notes-critiques-sur-le-developpement-du-mouvement-anarchiste

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Il n’y a pas de solution au sein du système ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

 

rebellion

Astyle

Anarchie et double pouvoir : possibilité ou illusion, quelques notes critiques sur le développement du mouvement anarchiste avec Matt Crossin ?.. 1/2

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, crise mondiale, démocratie participative, gilets jaunes, militantisme alternatif, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, philosophie, politique et social, politique française, société des sociétés, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , , , on 7 décembre 2022 by Résistance 71

 

RIEN ne s'oppose TOUT se compose

 

Très bonne analyse ancrée dans la réalité des luttes quotidiennes dans le monde et les fondements essentiels du cœur de l’anarchie qui est un mode de vie ne l’oublions jamais et qui donc organise naturellement horizontalement la vie sociale pour nous mener à la société des sociétés des associations libres émancipées. Nous publions ce texte très récent en deux parties vu sa longueur avec PDF à suivre.
En ce qui nous concerne, nous ne pensons pas qu’il y ait opposition, antagonisme entre les deux visons anarchistes présentées ici par Crossin, mais complémentarité. Le succès de la société des sociétés à venir tiendra des deux et surtout dans ses APPLICATIONS PRATIQUES dans la vie quotidienne, c’est à dire qu’il faudra AGIR en plus de réfléchir et de discuter… La société émancipée à venir sera un nouveau MODE DE VIE, il est important de bien le comprendre et celui-ci emportera le vieux monde sur son passage, ce vieux monde qui n’en finit pas de mourir et qui crée des monstres dans son agonie pour paraphraser Gramsci.
A lire et diffuser sans aucune modération.
~ Résistance 71 ~

Notes critiques sur les développements au sein du mouvement anarchiste

Matt Crossin

Août 2022

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

Décembre 2022

1ère partie
2ème partie

Les anarchistes et le double pouvoir : situation ou stratégie ?

Un étrange développement s’est produit, qui a mené à une théorie anarchiste devenant de plus en plus associée à une tactique appelée “la construction du double pouvoir”. Les aficionados de cette tactique pensent que les anarchistes, étant opposés aux patrons et aux gouvernements, devraient comme principale stratégie, créer des institutions parallèles auto-gérées, comme des coopératives des travailleurs, des assemblées de communauté, des groupes d’entraide etc… l’argument est qu’alors que ces groupes prolifèrent, ils vont constituer une forme de pouvoir populaire qui va non seulement fournir une vision attractive d’un autre monde, mais aussi laisser les capitalistes sans travailleurs et l’État obsolète et inutile.

Bien que le terme de “double pouvoir” pour se référer à de telles tactiques apparaît sporadiquement dans les années 90 (dans le matériel pédagogique du groupe Rage et Amour par exemple), il n’est cependant pas clair quant à savoir comment exactement l’association est devenue si largement popularisée ces dernières années. Ce qui est clair en revanche, est que cette conception de double pouvoir n’a rien en commun avec son utilisation originelle, inventée par Lénine, comme moyen de décrire une condition au potentiel révolutionnaire.

Le double pouvoir n’était pas une stratégie pour parvenir à de telles circonstances (sans parler du socialisme). Cela décrivait une situation existant réellement dans laquelle des organes du pouvoir des travailleurs (soviets/assemblées, comités d’usines, milices etc…), formés au travers de la lutte de classe, peuvent rassembler et coordonner des ressources et la légitimité populaire, pouvant rivaliser et même surpasser ceux de l’État. De telles conditions placèrent les ouvriers en position d’exproprier la classe capitaliste et de renverser l’État. Plus tard, au cours de la révolution sociale espagnole, des comités et des collectifs similaires, ayant le même potentiel révolutionnaire, émergèrent au sein de l’insurrection anti-fasciste, pour se retrouver assis de manière assez inconfortable aux côtés du gouvernement républicain s’étant graduellement reconstitué. Dans les deux cas, deux demandes rivales de pouvoir co-existèrent : l’une bourgeoise et l’autre prolétaire. En aucun cas le double pouvoir se réfère t’il à l’emploi d’une stratégie ; certainement pas une fondée sur le démarrage de lieux de travail coopératifs, de jardins communautaires ou de groupes d’entraide comme “Nourriture pas des bombes”, quelque soit le mérite de ces projets respectifs.

Le véritable double pouvoir est instable de manière inhérente, il représente une menace active au pouvoir des gouvernements et des capitalistes. A la fois dans le cas russe et le cas espagnol, les circonstances du double pouvoir se terminèrent en une inévitable confrontation. En Russie, le gouvernement provisoire fut renversé en faveur d’un gouvernement bolchévique de plus en plus autoritaire (légitimisé au départ sous le slogan de “tout le pouvoir aux soviets”, c’est à dire tout le pouvoir aux assemblées). En Espagne, les comités révolutionnaires ayant échoué à vaincre l’État au delà de toute réparation possible, ou de socialiser la production, furent soumis par le Front Populaire et éventuellement furent écrasés par la coalition stalino-libérale au sein du gouvernement républicain qu’ils aidèrent à raviver.

Loin de représenter la politique du classique anarchisme de masse (parfois étiqueté comme anarchisme de “lutte de classe”), les nouveaux aficionados du double pouvoir comme stratégie sont, en réalité, en train de raviver la vieille tradition “utopique” non-confrontationnelle du socialisme non-révolutionnaire. C’est, au mieux, la politique proto-anarchiste de Pierre Joseph Proudhon plutôt que l’anarchisme de Errico Malatesta, Michel Bakounine ou des organisations ouvrières anarchistes révolutionnaires qui se développèrent de l’aile fédéraliste de l’Association Internationale des Travailleurs (AIT).

Comme Proudhon, et contrairement à la vision anarchiste révolutionnaire, les soutiens du double pouvoir argumentent qu’ils peuvent améliorer notre position sous le capitalisme et parvenir au final à l’anarchie, en rassemblant nos ressources et en les gérant de manière autonome et coopérative. En pratique, cela voudrait dire que ceux d’entre nous qui sont le mieux lotis fourniraient aux moins bien lotis, une forme de service souvent amalgamée avec le concept d’entraide. Ce qui mènerait à des entreprises entrant en concurrence avec des entreprises traditionnelles sur le marché.

Historiquement, cette stratégie a été perdante pour des raisons parfaitement bien comprises et articulées par les anarchistes et les marxistes. En tant que travailleurs, nous n’avons quasiment rien à partager entre nous. Dans le mime temps, les capitalistes ont tout. Ils seront toujours capables de gagner la lutte concurrentielle et annihiler le secteur coopératif. La logique du marché mettra toujours la pression sur les travailleurs-propriétaires de ces coopératives, c’est à dire une propriété privée gérée de manière coopérative sous la forme d’entreprises, ce qui empirera leurs conditions, forcera à baisser leurs propres salaires, à réduire la qualité de leurs produits et d’augmenter le prix de vente à la seule fin de pouvoir survivre.

Survivre tout en maintenant l’esprit du projet coopératif est en soi une lutte. Pousser les entreprises capitalistes à la faillite, s’approprier leurs ressources, placer leurs biens et propriétés sous un plus vaste contrôle social et avoir l’État disparaître dans le processus, n’est que pure fantasmagorie.

Les avocats du double pouvoir évitent toute la question de savoir à quoi ressemble la victoire. Même si la stratégie du double pouvoir pouvait aboutir à la situation d’un véritable double pouvoir (comme édicté par Lénine), notre but en tant qu’anarchistes est d’ELIMINER l’État et la capital, de ne pas exister “en dehors” ou “en parallèle” en tant que “second pouvoir”. Clairement, à un moment donné, nous devrons exproprier le capital et ceci impliquera nécessairement une réponse de l’État, qui à la fois dépend de et reproduit la société de classe.

Et pourtant le contre-pouvoir, pouvoir au sein des entreprises capitalistes traditionnelles, contre les patrons et les gouvernements, capable de saisir le contrôle sur la vie économique de la société, la mettant au service des besoins humains, et défendant avec force cette transformation des relations sociales, est rarement mentionné par les champions du double pouvoir. Il y a ici aussi une faiblesse fondamentale dans la vision de réforme du double pouvoir, car il en est de notre position structurelle au sein des entreprises capitalistes (qui ont besoin de notre travail), qui nous permet de faire levier sur les patrons et les gouvernements qui les servent.

Les anarchistes devraient garder présent à l’esprit les mots de Pierre Kropotkine à ce sujet et son avertissement aux travailleurs qui refusent d’abandonner de telles tactiques de lutte révolutionnaire :

“Travaillez pour nous pauvres créatures, qui pensez que vous pouvez améliorer votre sort par les coopératives sans oser toucher en même temps à la propriété, à l’impôt et à l’État ! Maintenez-les en place et demeurez leurs esclaves !”
~ Kropotkin, P. 1914. “Science moderne et anarchie” ~

Anarchistes et neo-anarchistes : horizontalisme et espaces autonomes

Il n’est pas rare, surtout en Amérique du Nord, de voir l’anarchisme défini comme une idéologie enracinée dans la “démocratie directe”, la prise de décision par consensus et la maintenance de relations sociales “horizontales” (c’est à dire non-hiérarchiques), particulièrement dans des zones autonomes ou les espaces publics.

Cette idée de l’anarchisme est inhabituelle en ce qu’elle place au centre de sa définition, une adhérence à des formes spécifiques de procédure et de comportement interpersonnels tout en minimisant les buts politiques qu’un mouvement “horizontal” devrait essayer d’établir. De ce point de vue, se réaproprier les espaces publics comme opportunité d’y tenir des assemblées publiques non-hiérarchiques, où nous pouvons décider par consensus est, en soi, “anarchiste”, quelque soit le résultat d’un tel processus.

Ceci n’a pas grand chose à voir avec la tradition classique de masse anarchiste et sa politique de socialisme révolutionnaire. C’est au lieu de ça, une approche qui est le mieux décrite comme tombant sous la bannière du “neo-anarchisme”, qui est une conception moderne de l’anarchisme largement informé par les mouvements féministe et pacifiste des années 70, le mouvement environnementaliste vert des années 80, le mouvement alter-mondialisation des années 90 et de la révolte argentine de 2001, qui a inventé le terme “horizontalisme” ou “horizontalidad”, pour décrire le rejet par le mouvement de la démocratie représentative, l’utilisation des assemblées générales pour coordonner les activités et la conversion d’usines abandonnées ou en banqueroute en des entreprises coopératives.

Prenez par exemple, l’insistance des neo-anarchistes pour l’utilisation du consensus dans la prise de décision. Bien que le consensus (ou “l’unanimité” comme c’était typiquement appelé), était parfois une caractéristique des organisations politiques anarchistes et souvent vu comme un idéal pour travailler via une discussion entre camarades, ce ne fut jamais un composant fondamental du mouvement anarchiste. Les anarchistes ont généralement été d’accord pour dire que la forme appropriée de prise de décision dépend des circonstances et ont fréquemment endorsé des variations sur le vote majoritaire, particulièrement dans les organisations de masse fondées sur des communautés autre que des affinités idéologiques, comme les syndicats. Le point de focus des anarchistes n’a généralement pas été la forme du processus de prise de décision, mais plutôt les principes des associations libres et de la solidarité. De plus, bien que les anarchistes aient toujours insisté sur le “droit de la minorité d’être libre de la coercition de la majorité”, il est même plus important que la grande majorité soit libre de la règle minoritaire ou du sabotage. Comme l’écrivit Malatesta dans son essai “Entre paysans : un dialogue sur l’anarchie”.

Tout est fait pour atteindre l’unanimité et quand c’est impossible, le vote désignerait une majorité ou alors la décision résiderait en une tierce partie, qui agirait comme arbitre en la matière, respectant l’inviolabilité des principes d’égalité et de justice sur lesquels est basée la société. En réponse à la préoccupation du sabotage de la minorité, une telle situation rendrait nécessaire une action de force, parce que s’il est injuste que la majorité opprime la minorité et il est tout aussi injuste que l’opposé ne se produise. Et tout autant que la minorité a le droit à l’insurrection, la majorité a aussi le droit de se défendre.

Quant aux “zones autonomes” et la tactique de se réaproprier les espaces publics (comme vu lors du mouvement Occupy Wall Street), nous n’avons ici aucune connexion avec l’anarchisme en tant que tradition révolutionnaire et un exemple de tactique qui a montré de manière répétitive son incapacité à extraire des réformes significatives, sans parler de révolutionner la production et de détruire l’État.

Les limites fondamentales de “l’occupation publique” ou des “zones autonomes” et les défaites qui ont résulté de ces limites, ont mené quelques anciens promoteurs de la stratégie à faire une transition notable du Neo-anarchisme à la politique parlementaire. Bien qu’inexplicable aux observateurs extérieurs, le changement est facilement compris quand on considère la vision péculière du Neo-anarchisme sur la “démocratie directe” ou “les espaces horizontalement organisés” comme la caractéristique affirmée de l’anarchisme et non pas celé d’une théorie et pratique révolutionnaires libertaires contre l’État et le capital.

Si on accepte l’idée de l’anarchisme comme proposé par les Neo-anarchistes, il n’y a pas de contradiction fondamentale entre anarchisme et implication dans la politique parlementaire (!!!). Si le parti politique est un parti de démocratie directe, composé de mouvements sociaux et investi dans les relations interpersonnelles horizontales, quelle différence cela fait-il si la décision prise (idéalement par consensus) est pour faire campagne pour des candidats politiques, voire même administrer l’État ?

Nous avons vu cela avec le soi-disant “mouvement des places” en Europe. Les activistes qui prirent part au mouvement 15M ou des “Indignés”/“Los Indignados” en Espagne ont fini par abandonner leur notion des politiciens au slogan du “Ils ne nous représentent pas !” Avec la formation du parti politique Podemos et autres multiples partis politiques “municipalistes”.

Une trajectoire similaire fut suivie par l’anthropologue anarchiste David Graeber vers la fin de sa vie. Graeber, une figure du mouvement Occupy Wall Street et avant ca, un participant au mouvement altermondialiste, ne vit apparemment aucune contradiction  entre son (Neo)anarchisme et ses efforts de rejoindre le parti travailliste britannique en soutien de Jeremy Corbyn.

Graeber fut particulièrement enthousiaste avec l’organisation affiliée au parti travailliste Momentum ; une excroissance de la campagne de leadership de Corbyn, qui, argumentait-il constituait une tentative unique de fusionner le mouvement radical avec un parti parlementaire.

Plus récemment, nous avons été les témoins de l’absurdité du “socialiste libertaire” autoproclamé Gabriel Boric vantant son association avec le mouvement étudiant radical chilien et accédant à la présidence suite à un soulèvement populaire militant.

Les dégâts causés par ces supposées “tentatives uniques” de traduire l’horizontalisme du Neo-anarchisme en une forme de parti politique, qui en réalité ne diffère pas grandement de l’approche historique offerte par les marxistes en alternative à l’anarchisme, ont été bien documentés par ailleurs et il ne convient pas ici d’en faire une revue de détail. Il va sans dire qu’à chaque fois, il y eut bureaucratisation, accommodation des nécessités d’administre l’état capitaliste  (ou juste de faire campagne pour l’administrer) et il n’y a eu aucun gain de pouvoir des travailleurs contre les patrons.

La réalité est qu’on ne peut pas se préfigurer l’anarchie et le communisme au travers de la “démocratie directe” et des “espaces d’autonomie”. L’anarchisme demande un mouvement anarchiste spécifique et surtout… une pratique anarchiste. Bien que nous pouvons sans aucun doute nous organiser depuis la base au sein d’une structure fédéraliste consistante, nous ne pouvons pas faire vivre notre idéal de “vivre en anarchie” ou notre relation les uns aux autres le plus “horizontalement” possible. De la même manière, le contenu de l’anarchisme ne peut pas se limiter à la structure de notre mouvement, son contenu de lutte de classe dit être maintenu. Pour citer Luigi Fabbri :

Si l’anarchisme n’était qu’une éthique individuelle, à être cultivée pour soi-même et en même temps être adapté dans les actions de la vie matérielle et des mouvements en contradiction avec lui, nous pourrions nous appeler anarchistes et appartenir aux partis les plus divers et beaucoup pourraient aussi être appelés anarchistes, qui bien qu’ils soient spirituellement et intellectuellement émancipés, sont et demeurent, en base pratique, nos ennemis. Mais l’anarchisme est différent… Il est prolétarien et révolutionnaire, une participation active au mouvement pour l’émancipation humaine avec des principes et des buts égalitaires et libertaires dans le même temps. La partie la plus important de son programme n’est pas seulement le rêve que nous voulons devenir réalité d’une société sans patrons et sans gouvernements, mais avant tout la conception anarchiste de la révolution, de la révolution contre l’État et non pas à travers l’État…

heroisme

Anarchistes et insurrection : Organisation, lutte de classe et émeutes

La période “classique” de l’anarchisme, qui peut être définie comme allant de la fondation de l’Internationale Anarchiste de St Imier (NdT : créée par Michel Bakounine après l’expulsion des anarchistes de la 1ère Internationale Ouvrière suivant un plan fomenté par Marx et Engels qui prirent alors le contrôle de l’Internationale…) en 1872, à la fin de la seconde guerre mondiale en 1945. Il y eut deux courants significatifs, l’anarchisme social ou “de masse”, représenté par l’anarcho-syndicalisme (la formation de fédérations syndicales anarchistes) et l’organisation dans la dualité (formation d’organisations anarchistes spécifiques intervenant dans les luttes de masse), ce mouvement fut dominant et prend sa source au congrès de St Imier, l’aile libertaire de la 1ère Internationale et autres précurseurs fédéralistes au sein du mouvement des travailleurs.

Opposé à celui-ci fut un courant minoritaire d’anarchisme insurrectionnel, qui voyait le mouvement des travailleurs en développement comme réformiste (avec des réformes à la valeur douteuse), opposé aux organisations formelles comme étant inconsistantes avec l’anarchie et se limitant à des tactiques dont l’intention était de provoquer une insurrection généralisée : attaques armées contre l’État et la propriété privée ou étatique, assassinats de patrons et de politiciens etc…

L’anarchisme insurrectionnel a trouvé un nouvel élan avec le déclin du mouvement des travailleurs à la fin des années 1970. Les formes radicales furent réprimées. Les syndicats gérés par des bureaucraties professionnelles et dévolus à la stabilité du système capitaliste (incluant bien sûr leur position bien protégée et confortable en son sein) et de manière générale, soumis aux intérêts des partis politiques affiliés, acceptant l’intégration du travail organisé au sein de réseaux hautement régulés de gestion des litiges, qui a criminalisé toute action directe efficace et a restreint le contrôle des travailleurs sur leur propre lutte.

Plutôt que de reconnaître ce tournant de la défiance à la loi vers une impuissance légale en tant que résultat demandant un renouvellement de l’implication envers le long et patient travail de l’agitation sociale sur les lieux de travail, certains “révolutionnaires” choisirent d’accepter le narratif plus facile disant que cette tragédie historique était de fait inévitable. Notre position en tant que “travailleurs”, individus forgés par le développement capitaliste en une classe, mais capable de devenir une classe agissante par et pour elle-même, n’était plus, d’après eux, quelque chose d’important à notre émancipation.

Les insurgés affirment que la lutte pour la production a mené à la bureaucratisation et une accommodation au sein de la société de classe. De leur perspective, il n’y a donc aucun intérêt de tenter de collectivement s’identifier à une classe de “travailleurs” opprimés, ou d’organiser des manifestations de lutte de masse sur cette base. En fait, les anarchistes insurrectionnels s’opposent à toute forme d’organisation formelle et sont le plus souvent sceptiques à l’idée même “d’organisation”. Ils argumentent que des projets spécifiques ne demandent rien d’autre qu’une “affinité de groupe” informelle : des camarades rapprochés, travaillant ensemble pour parvenir à mettre en place des buts communs et concrets, sans aucune structure ni programme politique.

Mais si nous ne luttons pas en tant que classe organisée au travail, où de tels groupes d’affinité devraient-ils être engagés dans la lutte ? Les insurrectionnistes se sont fait typiquement les avocats d’une politique “de constante attaque”. Ils se délectent des images d’émeutes et de combats de rue contre la police, des feux allumés et du pillage, de la destruction des magasins. Comme avec la politique des Neo-anarchistes du mouvement Occupy, le point de lutte est généralement vu comme étant la rue ou l’espace public, façonnés comme une expérience “d’autonomie”. Mais là où les Neo-anarchistes trouvent la liberté dans l’autogestion de villes de tentes ou de jardins potagers communs, les insurgés d’aujourd’hui semblent la trouver dans l’acte de rébellion lui-même ; dans la démonstration de leur supposée ingouvernabilité. Les insurgés et leurs “équipages” de combat volent de la nourriture pour la distribuer à ceux qui ont faim et repoussent les flics quand ceux-ci essaient de les en empêcher et de les arrêter.

Il est bien évident que c’est bien de nourrir quelqu’un qui a faim et nous n’avons aucune objection à enfreindre la loi, mais ceci est néanmoins une étrange notion de la liberté. Cela assume la permanence insurmontable d’une société fondée sur l’existence des patrons, des gouvernements et des commodités. Ceci propose que nos agissions comme si le capital et l’État ne puissent jamais être renversés au travers de la transformation concrète des relations sociales en production. Les choses ne peuvent pas être changées, elles ne peuvent qu’être  détournées ou défiées.

Les plus myopes des supporteurs de l’insurrection voient les émeutes, l’assassinat et la destruction de la propriété comme une sorte de propagande de l’exemple à suivre ou autrefois appelée “propagande par le fait”. Ceci vise à déclencher des évènements par des minorités courageuses dans l’espoir que tout ceci spirale en insurrection généralisée contre le gouvernement ; nous libérant de la banalité d’une vie passée à travailler et de tout risquer dans un “retour à la normalité”. 

Avec la rébellion suite à l’affaire de George Floyd (NdT : générant le mouvement Black Live Matters, lui même se retrouvant politiquement infiltré et neutralisé à terme, il ne représente plus aucun danger pour le système, il a été neutralisé de l’intérieur), la politique de l’anarchisme insurrectionnel fut mise à rude épreuve. Les insurgés furent présentés à une émeute nationale qui échappa à la légalité et au contrôle de toute organisation. Des commissariats furent attaqués et des magasins pillés. Une coalition multi-raciale de la classe travailleuse envahit la rue, coude à coude, pour faire face aux flics. Dans la dite “Zone Autonome de Capitol Hill” ou ZACH (NdT : ou CHAZ en anglais), un très vaste voisinage fut déblayé de toute présence policière et il y fut établi un espace pour projets communs coopératifs (comme un potager communautaire “Noir et Indigène seulement”, ainsi qu’une esplanade à micro ouvert constant pour le libre échange de paroles et d’idées.

La CHAZ / ZACH (qui ne fut jamais en fait capable de se développer au delà d’une assemblée anti-flic…) a très rapidement stagné, en n’ayant pas d’autre but que celui de maintenir l’occupation de l’espace public. Les groupes d’affinité tentèrent de maintenir la rage, mais furent bien incapables d’encourager et de canaliser la rébellion dans une direction révolutionnaire.

Les choses se terminèrent rapidement dans le chaos et le désastre. Tous les barjots et aventuriers possibles furent attirés dans l’affaire. Des notions libérales de “privilège politique”, une compréhension très superficielle de la domination fondée sur l’identité, furent promues de manière agressive, minimisant les nouveaux liens créés de solidarité. Finalement, quelques individus armés (s’étant eux-mêmes nommés comme “la patrouille”) tirèrent sur et tuèrent quelques jeunes ados afro-américains qui faisaient les cons en voiture. Dans le brouillard de l’incertitude, de vagues rapports apparurent dans les réseaux sociaux, excitant ceux qui mettent sur le même plan l’usage des armes et le militantisme. Les tueries furent initialement louées dans certains cercles insurrectionnels de l’internet comme étant un bon exemple “d’auto-défense révolutionnaire” contre des “infiltrés de l’extrême-droite”.

A suivre…

Il n’y a pas de solution au sein du système, n’y en a jamais eu et ne saurait y en avoir ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

 

GJVH

Post modernisme, post-structuralisme, post-anarchisme, pour que les néologismes n’entretiennent ni la confusion ni la division (avec Saul Newman) 2ème partie

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, économie, crise mondiale, démocratie participative, documentaire, gilets jaunes, guerres hégémoniques, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, philosophie, politique et social, politique française, résistance politique, société des sociétés, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , on 18 octobre 2022 by Résistance 71

Saul_Newman

“Les deux grandes questions incontournables de l’anthropologie politique sont:
1- Qu’est-ce que le pouvoir politique, c’est à dire qu’est-ce que la société ?
2- Comment et pourquoi passe t’on du pouvoir politique non-coercitif au pouvoir politique coercitif, c’est à dire qu’est-ce que l’histoire ?”
~ Pierre Clastres, 1974 ~

“La relation politique de pouvoir précède et fonde la relation économique d’exploitation. Avant d’être économique, l’aliénation est politique, le pouvoir est avant le travail, l’économique est une dérive du politique, l’émergence de l’État détermine l’apparition des classes.”
~ Pierre Clastres, directeur de recherche en anthropologie politique au CNRS, 1974 ~

La politique du post anarchisme

Saul Newman

2010

Traduit de l’anglais par Résistance 71 

1ère partie

2ème partie

Le rôle du généalogiste est de “réveiller sous la forme des institutions et législations, le passé oublié des véritables luttes, des victoires ou défaits masquées, le sang qui a séché sur les codes de la loi.” Dans les institutions, lois et pratiques que nous tenons pour garanties ou que nous voyons comme naturelles ou inévitables, il y a une condensation de luttes et d’antagonismes violents, qui ont été réprimés. Par exemple, Jacques Derrida a montré que l’autorité de la loi est basée sur une gestuelle fondatrice de la violence qui a été désavouée. La loi doit être fondée sur quelque chose qui pré-existe, qui lui est antérieur, et par conséquent ses fondations sont par définitions illégales. Le secret de l’être de la loi doit donc être une sorte d’illégalité désavouée, un crime originel ou acte de violence qui amène le corps de la loi dans l’existence et qui est maintenant caché dans ses structures symboliques. En d’autres termes, les institutions politiques et sociales ainsi que les identités doivent être vues et perçues comme ayant des origines politiques, c’est à dire antagonistes , plutôt que des origines naturelles.

Ces origines politiques ont été réprimées au sens psycho-analytique, c’est à dire qu’elles ont été “placées autre part” plutôt qu’entièrement éliminées et peuvent toujours être réactivées une fois que le sens de ces institutions et de ces narratifs est contesté. Alors que l’anarchisme devrait partager cet engagement déconstructeur avec l’autorité politique, il a rejeté la théorie du contrat social de l’État, par exemple et souscrit toujours à la vision dialectique de l’histoire. Le développement social et politique est vu comme étant déterminé par le déroulement d’une essence sociale rationnelle et des lois historiques et naturelles immuables. Le problème est que si ces lois immuables déterminent les conditions de la lutte révolutionnaire, il y a alors très peu de place pour regarder le politique comme contingent et indéterminé.

De plus, la critique généalogique pourrait aussi être étendue aux “institutions et relations naturelles” que les anarchistes voient comme étant opposées à l’ordre du pouvoir politique. Parce que la généalogie regarde l’histoire comme un clash de représentations et un antagonisme de forces, dans lequel les relations de pouvoir sont inévitables, ceci déstabiliserait toute identité, structure ou institution, même celles qui pourraient exister dans une société anarchiste post-révolutionnaire. 

Ces quatre problématiques qui sont centrales au post-structuralisme / analyse discursive, ont des implications fondamentales pour la théorie anarchiste : si l’anarchisme veut être théoriquement efficace aujourd’hui, s’il veut s’engager pleinement dans les luttes contemporaines politiques et d’identités, il doit abandonner le cadre humaniste des Lumières dans lequel il est articulé, ses discours essentialistes, sa compréhension positiviste des relations sociales et sa vision dialectique de l’histoire. En lieu et place, il doit complètement assumer la contingence de l’histoire, l’indétermination de l’identité et la nature antagoniste des relations socio-politiques. En d’autres termes, l’anarchisme doit suivre sa vision intérieure de l’autonomie de la dimension politique jusqu’à ses implications logiques et voir le politique comme un domaine constitutif ouvert de l’indétermination, de l’antagonisme et de la contingence, sans les garanties de la réconciliation dialectique et de l’harmonie sociale.

La problématique post-anarchiste

-[]- Le post-anarchisme peut donc être vu comme la tentative de corriger la théorie anarchiste le long de lignes non-essentialistes et non-dialectiques, par l’application et les développement de visions en provenance du post-structuralisme / analyse discursive qui est précisément la théorisation de l’autonomie et de la spécificité du domaine politique et la critique déconstructive de l’autorité politique. Ce sont ces aspects cruciaux de la théorie anarchiste qui doivent être mis en lumière et dont les implications doivent être explorées. Elles doivent être libérées des conditions épistémologiques qui, bien qu’elles leur ont donné originellement naissance, maintenant les restreignent. Le post-anarchisme accomplit ainsi une opération de sauvetage de l’anarchisme classique, tentant d’extraire son centre vital de l’autonomie du politique et d’explorer ses implications pour une politique radicale contemporaine. -[]-

La force de cette intervention post-anarchiste est venue de mon point de vue, du fait que la théorie anarchiste était centrale au post-structuralisme, mais aussi que le post-structuralisme lui-même était central à l’anarchisme. Cela veut dire que l’anarchisme a permis, comme je l’ai suggéré, la théorisation de l’autonomie du politique avec ses multiples sites de pouvoir et de domination ainsi que ses multiples identités et sites de résistance au delà du cadre économique réductionniste marxiste. Mais, comme je l’ai aussi argumenté, les implications de ces innovations théoriques furent restreintes par les conditions épistémologiques du temps, à savoir les idées essentialistes au sujet de la subjectivité, la vision déterministe de l’histoire et les discours rationnels des Lumières.

A son tour, le post-structuralisme est, du moins dans son orientation politique, fondamentalement anarchiste, particulièrement son projet déconstructiviste de démasquer et de déstabiliser les institutions de l’autorité et ses pratiques de contestation du pouvoir qui sont dominantes et exclusives. Le problème du post-structuralisme fut que, tandis qu’il impliquait un engagement politique anti-autoritaire, il manquait non seulement de contenu explicite politico-ethnique, mais aussi d’un compte adéquat de l’agencement individuel. Le problème central avec Foucault par exemple, était que si le sujet est construit par les discours et les relations de pouvoir qui le dominent, comment fait-il exactement pour résister à cette domination ? C’est pourquoi amener ensemble l’anarchisme et le post-structuralisme devait explorer les façons par lesquelles chacun pouvait mettre en valeur et s’occuper des problèmes théoriques de l’autre.

Par exemple, l’intervention post-structuraliste dans la théorie anarchiste a montré que l’anarchisme avait une faiblesse, un “point aveugle” : il ne reconnaissait pas les relations de pouvoir cachées et l’autoritarisme potentiel des identités essentialistes et des cadres épistémologiques et discursifs, qui ont formé la base de sa critique de l’autorité. L’intervention anarchiste dans la théorie post-structuraliste, d’un autre côté, a exposé ses faiblesses politiques et éthiques et en particulier, les ambigüités d’expliquer agencement et résistance dans le contexte de relations de pouvoir intégralement imbriquées.

Sur ces problèmes théoriques centrés autour de la question du pouvoir : il fut trouvé que tandis que l’anarchisme classique était capable de théoriser, dans le sujet essentiel révolutionnaire, une identité ou endroit de résistance en dehors de l’ordre du pouvoir, ce sujet fut prouvé, dans des analyses subséquentes, être imbriqué dans les relations de pouvoir qu’il conteste ; alors que le post-structuralisme tout en exposant précisément cette complicité entre le sujet et le pouvoir, n’avait pas de point de départ théorique, un extérieur, depuis lequel critiquer le pouvoir. Ainsi, le dilemme théorique que j’ai tenté de résoudre en partant de Bakounine et de Lacan, fut que, alors que nous devons assumer qu’il n’y a pas d’extérieur essentialiste au pouvoir, pas de terrain ferme ontologique ou épistémologique pour une résistance, au delà de l’ordre du pouvoir, la politique radicale a néanmoins besoin d’une dimension théorique en dehors du pouvoir et une certaine notion d’agencement radical qui n’est pas totalement déterminé par le pouvoir. J’ai exploré l’émergence de cette aporie, découvrant deux “cassures épistémologiques” centrales dans la pensée politique radicale.

La première fut trouvé dans la critique de l’humanisme des Lumières par Max Stirner, qui a formé la base théorique de l’intervention post-structuraliste au sein de la tradition anarchiste elle-même. La seconde fut trouvée dans la théorie de Jacques Lacan, dont les implications allèrent au delà des limites conceptuelles du post-structuralisme, faisant remarquer les déficiences dans les structures de pouvoir et de langage et la possibilité d’une notion indéterminée radicale de l’agencent émergeant de cette carence.

Donc, le post-anarchisme n’est pas tant un programme politique cohérent qu’une problématique anti-autoritaire qui émerge généalogiquement, c’est à dire, au travers de toute une série de conflits et d’apories théoriques, d’une approche post-structuraliste de l’anarchisme (ou de fait, une approche anarchiste du post-structuralisme). Mais le post-anarchisme implique aussi une large stratégie d’interrogation et de contestation des relations de pouvoir et de hiérarchie, de la découverte de sites auparavant invisibles de domination et d’antagonisme. En ce sens, le post-anarchisme peut être vu comme un projet politico-éthique ouvert de décontraction de l’autorité. Ce qui le distingue de l’anarchisme classique est qu’il est politique non-essentialiste. C’est à dire que le post-anarchisme ne se repose plus sur une identité essentielle de résistance et n’est plus ancré dans les épistémologues des Lumières ou des garanties ontologiques du discours humaniste.

Son ontologie est plutôt ouverte constitutivement à d’autres et pose un horizon radical vide et indéterminé, qui peut inclure une pluralité de différentes luttes politiques et d’identités. En d’autres termes, le post-anarchisme est un anti-autoritarisme qui résiste le potentiel totalisant d’un discours fermé ou d’une identité. Ce qui ne veut bien sur pas dire que le post-anarchisme n’a pas de contenu éthique ou de limites. De fait, son contenu politico-éthique peut même être fourni par des principes émancipateurs traditionnels de liberté et d’égalité, principes dont la nature irréductible et inconditionnelle fut affirmée et reconnue par l’anarchisme classique. Mais le point est que ces principes ne sont plus ancrés dans une identité fermée mais deviennent des “signifiants vides”, ouverts à un nombre de différentes articulations décidées de manière contingente au cours de la lutte.

De nouveaux défis : La bio-politique et le sujet

Un des défis centraux de la politique radicale d’aujourd’hui serait la déformation de l’état-nation en un état bio-politique ; une déformation qui, paradoxalement, montre son vrai visage. Comme l’a montré Giorgio Agamben, la logique de la souveraineté, au delà de la loi, et la logique de la bio-politique, se sont recoupées sous la forme de l’état moderne. Ainsi, la prérogative de l’État est de réguler, de contrôler et de policer la santé biologique de ses populations internes. Comme l’a argumenté Agamben, cette fonction produit une forme particulière de subjectivité, ce qu’il appelle Homo nacer, ce qui est défini par la forme de “simple vie” ou la vie biologique dépouillée de sa signification politique et symbolique, ainsi que par le principe de meurtre légal, ou meurtre en toute impunité.

De manière paradigmatique serait la subjectivité du réfugié et des camps d’internement des réfugiés, que nous voyons émerger de partout. Dans ces camps, une nouvelle forme arbitraire de pouvoir est directement exercée sur la vie dénudée des détenus. En d’autres termes, le corps du réfugié, qui a été dépouillé de tous droits politiques et légaux, est le point d’application d’un bio-pouvoir souverain. Mais le réfugié n’est qu’emblématique au statut bio-politique auquel nous sommes tous peu à peu réduits. En fait, ceci mène vers un nouvel antagonisme qui émerge comme étant central à la politique.

Une critique post-anarchiste serait dirigée sur précisément ce lien entre le pouvoir et la biologie. Ce n’est pas suffisant de simplement affirmer les droits humains du sujet contre les incursions du pouvoir. Ce qui doit être examiné de manière critique est la façon par laquelle certaines subjectivités humaines sont construites comme conduits du pouvoir.

Le vocabulaire conceptuel pour analyser ces nouvelles formes de pouvoir et subjectivité n’auraient pas été disponibles à l’anarchisme classique. Mais, même dans ce nouveau paradigme de pouvoir de la soumission, les motivations et implications éthiques et politiques de l’anarchisme pour remettre en question l’autorité, aussi bien que son analyse de la souveraineté de l’État, qui ont été au delà d’explications de classes, continuent d’être valides aujourd’hui. Le post-anarchisme est novateur parce qu’il combine ce qui est crucial dans la théorie anarchiste avec une critique post-structuraliste / analyse discursive de l’essentialisme. Ce qui en résulte est un projet ouvert anti-autoritaire politique pour le futur.

QuintetA

Le texte complet de Saul Newman en PDF superbement réalisé par Jo :

Saul-Newman-la-politique-du-post-anarchisme

Notes :

[1] See David Graeber’s discussion of some of these anarchistic structures and forms of organization in “The New Anarchists,”New Left Review 13 (Jan/Feb 2002): 61–73.

[2] Ernesto Laclau and Chantal Mouffe, Hegemony and Socialist Strategy: Towards a Radical Democratic Politics. London: Verso, 2001. p. 159.

[3] Ibid., p. 160.

[4] Mikhail Bakunin, Political Philosophy: Scientific Anarchism, ed. G. P Maximoff. London: Free Press of Glencoe. p. 221.

[5] See Murray Bookchin, Remaking Society, Montreal: Black Rose Books, 1989. p. 188.

[6] The last two in particular have remained resistant to poststructuralism/postmodernism. See, for instance, John Zerzan, “The Catastrophe of Postmodernism,”Anarchy: A Journal of Desire Armed (Fall 1991): 16–25.

[7] See Jean-Francois Lyotard, The Postmodern Condition: a Report on Knowledge. Trans. Geoff Bennington and Brian Massumi. Manchester: Manchester University Press, 1984.

[8] See Judith Butler, Ernesto Laclau and Slavoj Zizek, Contingency, Hegemony, Universality: Contemporary Dialogues on the Left. London: Verso. pp. 112–113.

[9] See Gilles Deleuze and Felix Guattari. Anti-Oedipus: Capitalism and Schizophrenia. Trans. R. Hurley. New York: Viking Press, 1972. p. 58.

[10] For a comprehensive discussion of the political implications of this Lacanian approach to identity, see Yannis Stavrakakis, Lacan and the Political. London: Routledge, 1999. pp 40–70.

[11] Peter Kropotkin, for instance, believed that there was an natural instinct for sociability in men, which formed the basis for ethical relations; while Bakunin argued that the subject’s morality and rationality arises out of his natural development. See, respectively, Peter Kropotkin, Ethics: Origin & Development. Trans., L.S Friedland. New York: Tudor, 1947; and Bakunin, Political Philosophy, op cit., pp. 152–157.

[12] Michel Foucault. Discipline and Punish: The Birth of the Prison. Trans. A. Sheridan. Penguin: London, 1991. p. 30.

[13] Michel Foucault, “Nietzsche, Genealogy, History,”in The Foucault Reader, ed. Paul Rabinow. New York: Pantheon, 1984. 76–100. p. 83.

[14] Michel Foucault, “War in the Filigree of Peace: Course Summary,”trans. I. Mcleod, in Oxford Literary Review 4, no. 2 (1976): 15–19. pp. 17–18.

[15] See Jacques Derrida, ‘Force of Law: The Mystical Foundation of Authority,’in Deconstruction and the Possibility of Justice, ed. Drucilla Cornell et al. New York: Routledge, 1992: 3–67.

[16] See Jacob Torfing, New Theories of Discourse: Laclau, Mouffe and Zizek, Oxford: Blackwell, 1999.

[17] The question of whether Lacan can be seen as ‘poststructuralist’or ‘post- postructuralist’forms a central point of contention between thinkers like Laclau and Zizek, both of whom are heavily influenced by Lacanian theory. See Butler et al. Contingency, op. cit.

[18] This notion of the “empty signifier”is central to Laclau’s theory of hegemonic articulation. See Hegemony, op. cit. See Ernesto Laclau, “Why do Empty Signifiers Matter to Politics?”in The Lesser Evil and the Greater Good: The Theory and Politics of Social Diversity, ed. Jeffrey Weeks. Concord, Mass.: Rivers Oram Press, 1994. 167–178

[19] See Giorgio Agamben, Homo Sacer: Sovereign Power and Bare Life. Trans., Daniel Heller- Roazen. Stanford, Ca: Stanford University Press, 1995.

[20] As Agamben argues: : “The novelty of coming politics is that it will not longer be a struggle for the conquest or control of the State, but a struggle between the State and the non-State (humanity)…”Giorgio Agamben, The Coming Community, trans., Michael Hardt. Minneapolis: University of Minnesota Press, 1993. p. 84.

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Lectures complémentaires :

“Manifeste pour la société des sociétés” (Résistance 71)

“Anthropologie politique, résolution de l’aporie de Pierre Clastres” (Résistance 71)

“La généalogie de la morale”, Friedrich Nietzsche

“L’entraide, facteur de l’évolution”, Pierre Kropotkine

« L’appel au socialisme », Gustav Landauer

Notre page “Anthropologie politique”

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(R)évolution des interactions quotidiennes… Une mini théorie

Posted in 3eme guerre mondiale, actualité, altermondialisme, autogestion, crise mondiale, démocratie participative, gilets jaunes, militantisme alternatif, pédagogie libération, politique et social, politique française, société des sociétés, société libertaire with tags , , , , , , , , , on 8 septembre 2022 by Résistance 71

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Mini théorie

Faon sauvage

Septembre 2022

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

Les ruines sont un terrain de jeu, qu’elles soient zapotèques, mayas, égyptiennes ou modernes. Plutôt que de les préserver, pourquoi ne pas jouer avec jusqu’à leur destruction dans l’oubli et oublier par la même occasion les cultures qui les ont créées ? La mémoire de la culture est la préservation de la culture et la culture n’est jamais que la limite sacrée placée sur la créativité et le jeu. Les insurgés détruisent les limites sacrées.

Le processus du consensus soumet l’individu au groupe. Il soumet l’immédiat au processus de médiation. Il est conservateur par nature puisqu’il ne permet le changement que quand tout le groupe est d’accord… C’est un contrôle internalisé et pas l’anarchie.

Pour que la société fonctionne, le désir doit être apprivoisé. Il doit être colonisé par l’économie, transformé en rapport manque/besoin, dont l’assouvissement est attribué aux commodités offertes par la société. Diriger les désirs de la sorte demande des restrictions et des structures. Alors que celles-ci augmentent, le désir ne devient plus que l’ombre, la fantôme de lui-même. Les restrictions et les structures deviennent graduellement des outils pour apprendre les secrets qui peuvent être utilisés contre elles.

Mon intérêt dans les ruines et les vestiges tient en partie, de tentatives pour développer des stratégies de déconstruction de villes de manière ludique, au travers un encouragement conscient et actif de la rébellion sans contrainte. Ceci demande des explorations extensives des villes afin d’en apprendre les secrets qui pourront être utilisés contre elles.

Il y a plus d’une façon de créer une élite. Les classes dirigeantes, intellectuelles et esthétiques créent une inaccessibilité artificielle à leur pouvoir, connaissance et techniques afin de renforcer leur position. D’un autre côté, les activistes radicaux auto-proclamés de “conscience de classe” se refusent l’accès à la connaissance, au vocabulaire et techniques d’analyse bien rôdés qui sont directement disponibles, afin de prouver leur “pureté de classe” ou quelque autre non sens que ce soit et par leur déni absurde, crée une élite involontaire de ces radicaux ne désirant pas s’appauvrir eux-mêmes de cette façon.

Beaucoup… d’anarchistes sont en fait des gauchistes ou des libertariens libéraux ou, dans quelques cas, simplement des gens en colère qui “pensent” toujours en termes des images créées par le contexte social, enfermant leurs pensées au sein d’un discours de société. Jusqu’à ce qu’on aille au delà de ce discours, en pensant en dehors de ses catégories, la rébellion demeure partie intégrante des structures d’autorité… La plupart des anarchistes sont satisfaits du discours de la société, créant joyeusement une “anarchie” qui n’est en rien un challenge ou un défi, qui est bien maniéré, apprivoisé et de bon goût, le tout au nom de “l’éducation” et de “l’action”.

La technologie cybernétique est dépendante de la technologie industrielle pour exister. Voilà pour le rêve de la cyber-utopie, qui en prend un sacré coup !…

Le troc est toujours une relation, un échange économique. L’argent permet un flot d’échange bien plus fluide. Pourquoi ne pas se débarrasser purement et simplement de la relation marchande, économique ?…

Souvent “La santé” s’oppose à la vitalité. Ceux qui valorisent la “santé” le font souvent de manière passive et ascétique, en abandonnant quelque chose au passage. Leur aspiration à la santé n’est pas une trajectoire de désir intense vitale, c’est une transaction commerciale ou un processus de fabrication, manufacturier, une tentative de parvenir à une fin, mais un tel processus n’est jamais satisfaisant parce qu’il est de la nature du désir de reproduire perpétuellement le vide dont il émerge. Vitalité, intensité, sont les seules raisons d’avoir la santé et les vivre crée la santé ou la rend inutile.

Le meilleur du post-modernisme échoue parce qu’il retire la dérive vers le monde de l’intellect, vies statiques ébranlées par des pensées aléatoires plutôt que des vies extatiques créées par la dialectique de la pensée active consciente et de l’action extatique ?

Si le “sujet”, le “soi”, a été détruit/déconstruit, alors tout ce qui nous empêche de créer notre propre nous-mêmes, notre propre subjectivité en chaque moment, est la croyance continue en quelque chose de plus grand que soi qui est créateur, c’est à dire, la croyance continue en dieu. Dans l’ère actuelle, dieu est la société.

La révolution des interactions quotidiennes

Confronter des incidents ennuyeux séparés sans confronter le mini contexte social duquel ils émergent dans leur totalité c’est comme protester contre des problèmes au lieu de contester le plus large contexte social dans son intégralité. Rien d’essentiel ne change. Manque d’imagination, désespoir, se sentir dépassé par les évènements et les circonstances : des preuves d’interactions parties en sucette…

Tout “l’intérieur” de “l’esprit” n’est qu’une création sociale… une relation créée par un contexte social et qui serait mieux d’être détruit avec ce contexte… Alors peut-être que l’imagination pourrait alors cesser d’être essentiellement un mécanisme fantasmagorique et deviendrait un moyen de créer perpétuellement des moments intenses. Par “l’intérieur” de “l’esprit”, je veux dire les pensées, les images et les rêves, qui sont séparés d’une vie active d’auto-création.

Personne ne doit rien à personne. La dette n’est qu’un concept économique et je refuse de le reconnaître sous quelque forme que ce soit.

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Il n’y a pas de solution au sein du système ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

Astyle

Lire, analyser, comprendre pour un changement faste de notre société, 8ème partie : Anarchie et société des sociétés et pause estivale 2022 (Résistance 71)

Posted in 3eme guerre mondiale, actualité, altermondialisme, autogestion, crise mondiale, documentaire, gilets jaunes, militantisme alternatif, N.O.M, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, philosophie, politique et social, politique française, résistance politique, société des sociétés, technologie et totalitarisme, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , , , , on 2 août 2022 by Résistance 71

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« C’est notre conviction et notre mode de pratique que pour se rebeller et lutter, aucun leader, patron, messie ou sauveur n’est nécessaire. Pour lutter, les gens ont besoin d’un sens de la honte, d’un peu de dignité et de beaucoup d’organisation. Pour le reste… Cela sert le collectif… ou pas. »
~ SCI Marcos ~

Résistance 71

2 août 2022

1ère partie : introduction
2ème partie : Histoire, anthropologie et archéologie
3ème partie : Science
4ème partie : religion et philosophie
5ème partie : spirituel et arts
6ème partie : analyse politique
7ème partie : colonialisme
8ème partie : anarchie et société des sociétés

Nous vous laissons avec une saine lecture pour les semaines à venir, Résistance 71 se met en veilleuse, pause estivale jusqu’à la première semaine de septembre. Dans ce dernier segment de lecture, nous récapitulons nos pages sur la pensée et la pratique anarchistes menant vers l’avenir de notre société humaine, celui de la société des sociétés émancipée de toutes les escroqueries et impostures étatico-marchandes.
Nous le disons et répétons sans cesse : il n’y a a et ne saurait  avoir de solution au sein du système, la seule option viable pour l’humanité est de se départir du paradigme de contrôle tyrannique et mortifère mis en place depuis des siècles et arrivant au bout du bout du banc et ayant la volonté de se métamorphoser une énième fois en ce monstre froid au nouveau visage, celui de la dictature technotronique, déjà en phase avancée. Il suffit de dire NON ! et de reprendre notre liberté individuellement et collectivement, liberté usurpée il y a bien longtemps, au point que plus personne ne se rappelle de quoi il s’agit vraiment.
Quelques lectures pour vous en rappeler, et comprendre pourquoi et comment agir !…
Solidarité Union Persévérance Réflexion Action (directe), devenons S.U.P.R.A résistants au Nouvel Ordre Mondial qui pense et met en place notre extermination et esclavagisme post-modernes.
A la rentrée, nous publierons quelques textes essentiels sur la reconquête de la spiritualité pour une société équilibrée avec les pensées lumineuses de Gustav Landauer et de Simone Weil, pour que le « souffle du dragon » revigore notre société décadente et sans esprit aucun et la mène enfin vers sa réalité universelle de diversité, de complémentarité et de bien-être doucereux pour toutes et tous.

A lire et diffuser sans aucune modération pour mieux comprendre anarchie et société des sociétés :

Les pages ci-dessus contiennent déjà un grand nombre de lectures en format PDF, ci-dessous, 10 textes à notre sens vitaux pour aider à la facilitation d’un changement radical de paradigme politique et notre émancipation finale :

yin-yang_univers

cerveau_gratuit

Nation ou classe : le choix de la gauchiasse de partis et la trahison de la révolution sociale (IWW et Résistance 71)

Posted in 3eme guerre mondiale, actualité, altermondialisme, autogestion, démocratie participative, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, politique et lobbyisme, politique et social, résistance politique, société des sociétés, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , , , on 8 juillet 2022 by Résistance 71

IWW1

Point de vue lucide et juste de l’IWW lors de la campagne du referendum pour l’indépendance de l’Ecosse en 2014. Ce qu’il faut bien comprendre également est que le système de partis politiques, partis communistes inclus, n’est qu’une validation du système étatico-marchand, dès 1848, Marx et Engels avaient trahi la révolution sociale avec leur “Manifeste du parti communiste”, qui ne fut qu’une injonction à rejoindre la fange systémique social-démocrate étatique par le biais d’un “parti” qui à termes, ne pouvait en rien être “prolétaire”. Comme le suggère entre les lignes l’IWW ci-dessous : les anarchistes avaient et ont toujours raison sur la lutte émancipatrice, même si certains ont aussi succombé et trahi la cause de la révolution sociale comme en Espagne 36 avec des membres de la CNT devenant membres du gouvernement républicain espagnol. Le miroir aux alouettes de l’illusion démocratique est puissant. L’important est de garder le cap et se garder du réformisme promu en permanence !
Quelques exemples de la trahison de Marx, tirés du texte même du “Manifeste du PARTI communiste” (texte de référence en anglais de Samuel Moore, traduction de 1888, publiée aux éditions Penguin Classics, 1985, traduction de l’anglais Résistance 71) :
“L’organisation du prolétariat en classe, et conséquemment en un parti politique, est continuellement dérangée, encore et toujours par la concurrence entre les travailleurs eux-mêmes. Mais cela revient toujours, plus fort, plus ferme, plus puissant. Cela force la reconnaissance législative des intérêts particuliers des travailleurs en prenant avantage sur la division de la bourgeoisie elle-mème…
[…] La caractéristique distinctive du communisme n’est pas l’abolition de la propriété de manière générale, mais de l’abolition de la propriété bourgeoise. […] Le prolétariat utilisera sa suprématie politique pour arracher pas à pas, tout le capital de la bourgeoisie, de centraliser tous les instruments de production entre les mains de l’État, c’est à dire du prolétariat organisé en classe dirigeante…
[…] Quoi qu’il en soit, dans les pays les plus avancés, ce qui suit sera de manière générale relativement applicable :

1- Abolition de la propriété de la terre et application de tous les loyers de la terre à des fins publiques.

2- Un impôt sur le revenu graduel ou lourdement progressif

3- Abolition de tous les droits d’héritage

4- Confiscation de toutes les propriétés des émigrants et des rebelles

5- Centralisation du crédit entre les mains de l’État par le moyen d’une banque nationale ayant un capital d’état et un monopole exclusif.

6- Centralisation des moyens de communication et de transport aux mains de l’état.

7- Extension aux usines et aux instruments de production propriété de l’état, la mise sous culture de terres abandonnées et l’aménagement des terres en accord avec un plan commun.
[…]
En France, les communistes s’allient avec les socio-démocrates, contre la bourgeoisie conservatrice et radicale, se réservant le droit de prendre une position critique en regard des phrases et illusions traditionnellement émanant de la grande révolution…“ [fin de citations]

Blablablablabla… intégration au système politico-électoral, c’est tout.

Ce manifeste, dans certains passages, est la porte ouverte au léninisme, au capitalisme d’état tel qu’il fut pratiqué en émanation du “Manifeste du parti communiste”, encouragé par la participation au système étatico-marchand au lieu de lutter pour sa mise à bas totale dans tous les segments de son application.

Ajoutons aussi ceci : au fil du temps, les marxistes ont tronqué le titre le l’ouvrage pour le nommer de manière si arrogante et péremptoire : “Le manifeste communiste”, alors que ce petit bouquin n’est qu’un mode d’emploi de la trahison de la révolution sociale. Question : pourquoi au fil du temps passe-t’on du “Manifeste du parti communiste” au “Manifeste communiste”, alors que Engels dans sa préface de l’édition italienne de 1893, soit 45 ans plus tard et 10 ans après la mort de Marx, le nomme toujours “Manifeste du parti communiste”. Autre précision : la première traduction de l’ouvrage en russe fut faite par… Bakounine en 1862 et porte le titre  de “Manifeste du parti communiste” bien entendu. Il est étonnant de voir que bon nombre d’éditions en diverses langues, dont celle de Penguin Classics que nous avons entre les mains, escamotent le mot “parti”… Les marxistes essaient-ils d’escamoter la réalité de leur dogme ? Celle de la collaboration systémique et de la trahison… Possible, probable…

L’IWW remet les pendules à l’heure d’avec toute cette gauchiasse de partis qui des “communistes” (marxistes, autoritaires d’état de tout poil) aux “socialistes” ont tous passé leur temps à trahir la révolution sociale en long en large et en travers. La soupe est bonne à bouffer au râtelier du capital pour les quelques ceux en contrôle de cette fumisterie de l’illusion, ceci vaut également pour les syndicats ouvriers dans leur très vaste majorité, l’IWW étant une des très rares exceptions, remercions-les de toujours exister… Où sont ces partis aujourd’hui ? A quoi est réduite la lutte sociale ?

A bas tous les partis de l’extrême gauche à l’extrême droite du capital, à bas l’imposture révolutionnaire des oppositions contrôlées, à bas l’État, à bas la marchandise, à bas l’argent et à bas le salariat !

Vive la Commune libre de notre humanité enfin réalisée !

~ Résistance 71 ~

IWW2

Nation ou classe

Perspective révolutionnaire 

IWW Écosse

Novembre 2014

Traduction Résistance 71

Juillet 2022

Il y avait de revendications de la classe travailleuse dès le départ du référendum d’indépendance écossais et ces revendications n’ont fait que croître à l’approche du vote. Bien des partis de la soi-disante “gauche” commencèrent à faire appel à ces demandes et désirs de la classe travailleuse. Pourquoi et pourquoi maintenant ?

Pour y répondre, nous devons observer et avoir une vision plus panoramique de la période actuelle du capitalisme. En ce moment, nous sommes dans la phase d’agonie du capitalisme alors que la crise amorcée en 2008 continue depuis ses sources des années 70, lorsque nous avons eu notre premier débat d’indépendance. Cet appel à l’état-nation est un effet généré que la crise capitaliste génère. Une crise du capitalisme mème à une crise d’État et c’est ce qui s’est répandu sur ces évènements.

Il était bien évident que faire appel aux peurs et aux rêves de la classe travailleuse fut une des tactiques principales de toute la campagne. Les gens les plus enclins à voter OUI furent ceux des couches les plus défavorisées et inversement pour ceux qui votèrent NON. Glasgow et Dundee votèrent OUI [NdT : à l’indépendance de l’Écosse], zones de pauvreté et traditionnellement, terre des sections les plus militantes et conscientes de classe du prolétariat.

Taux de profit

Le problème pour ces partis est que le temps de l’état-providence s’est depuis longtemps effacé face à la continuité de la crise capitaliste internationale. Depuis la fin des années 70, le capitalisme est entré dans une profonde crise alors que la période de reconstruction post-seconde guerre mondiale avait pris fin, une période qui vit le taux de profit être suffisamment haut pour permettre des concessions à la classe travailleuse sous la forme de l’état social. Le taux de profit depuis la fin de cette période est en chute, en partie du à l’augmentation de l’efficacité à la production ayant pour résultat l’augmentation des coûts du capital constant dans les états capitalistes les plus avancés.

La crise du capitalisme dans les années 70 a eu pour conséquence l’effondrement éventuel de l’URSS, parce qu’elle n’a pas pu faire la transition suffisamment rapidement et de manière efficace aux nouvelles demandes placées sur l’économie et ceci démarra l’effondrement des états providence traditionnels en Europe. Le Capital devait être libre de bouger afin de trouver de nouvelles zones d’investissement où le taux de profit était plus haut. Mais nous avons atteint un point où même le mouvement du capital et le maquillage financier ont commencé à bégayer sur des profits totalement fictifs. Partout sur l’échiquier politico-économique, des politiques d’austérité ont été lancées, pas pour des raisons idéologiques, ou parce que les banquiers sont veules (NdT: même s’ils le sont de fait…) ou parce que la grande entreprise est vile ou parce que les politiciens sont corrompus, mais parce que c’est la seule façon pour le capital de continuer à fonctionner.

La poussée pour les votes

Tandis que les partis et groupes “socialistes” étaient déjà bien loin d’un mouvement communiste et de la lutte de la classe du travail, ils ont plus ouvertement abandonné toute prétention révolutionnaire et ont succombé au miroir aux alouettes et à l’opportunisme. Pour la vaste majorité d’entre eux, une forme améliorée du capitalisme est préférable à une argumentation pour l’abolition du capital et la chance pour une véritable solution. Certains groupes comme l’International Socialist Group’s (ISG) et sa vitrine organisatrice de la Radical Indépendance Campaign (aussi le Scottish Left Project) a suivi ce modèle en succombant directement au SNP et à la démocratie bourgeoise. Ceci continue dans le sillage de la campagne échouée pour le “Oui” et de tous ces partis “socialistes” à la traîne du SNP, comme Tommy Sheridan appelant les gens à voter SNP contre son propre parti et contre toute autonomie de la classe travailleuse. Maintenant que le parti travailliste (socialiste) est voué à l’effondrement en Ecosse, tous ces groupes se mettent maintenant en branle pour la position lucrative d’être le parti de la classe laborieuse, SNP inclus…

La nation prime sur la classe

La soumission de la lutte prolétarienne aux partis bourgeois et à l’activité politique bourgeoise va, comme bien des fois dans le passé, mener à la négation de toute véritable possibilité d’activité révolutionnaire de la classe travailleuse pour et par elle-même. Si la classe du travail veut changer quoi que ce soit de sa condition alors elle doit opérer ces changement par et pour elle-même. La participation au système politique et électoral bourgeois ne fait que légitimer le dit système et obscurcit la véritable nature de la politique bourgeoise.

Ces partis sont un poids mort à tout véritable changement ou amélioration dans les vies de ceux qui le revendiquent. Ces partis et idéologues ne recherchent qu’à enchaîner la classe laborieuse au même système politique bourgeois sclérosé qui a constamment échoué à fournir un quelconque changement de fond.

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Il n’y a pas de solution au sein du système ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

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Deux communiqués sur la guerre en Ukraine à diffuser sans modération :

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Révision politico-historique : le leurre et la trahison du concept de « dictature du prolétariat » marxiste (Camillo Berneri)

Posted in 3eme guerre mondiale, actualité, altermondialisme, autogestion, crise mondiale, documentaire, militantisme alternatif, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, politique et social, résistance politique, société des sociétés, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , on 27 juin 2022 by Résistance 71

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… entre communisme autoritaire d’état et anarcho-communisme

Dictature du prolétariat et socialisme d’état

Camillo Berneri

1936

« La dictature du prolétariat est une conception marxiste. 
Suivant Lénine « est seul marxiste celui qui étend la reconnaissance de la lutte de classe à la reconnaissance de la Dictature du prolétariat ». Lénine avait raison : la Dictature du prolétariat n’est, en effet, pour Marx que la conquête de l’État par le prolétariat qui, organisé en une classe politiquement dominante, arrive, au travers du Socialisme d’État, à la suppression de toutes les classes.

Dans la « Critique du Programme de Gotha », écrite par Marx en 1875, on lit :

« Entre la société capitaliste et la société communiste, se place la période de transformation révolutionnaire de la première à la seconde. A cette période correspond une période de transition politique pendant laquelle l’État ne peut être autre chose que la dictature du prolétariat. »

Dans le « Manifeste Communiste »* (1847), il disait déjà :

« Le premier pas dans la voie de la révolution ouvrière est l’élévation du prolétariat au rang de classe dominante… »
« Le prolétariat profitera de sa domination politique pour arracher peu à peu à la bourgeoisie tout le Capital, pour centraliser tous les instruments de production dans les mains de l’État, c’est-à-dire dans les mains du prolétariat lui-même organisé comme classe dominante. »

(*) Note de R71 : toujours pénible de voir cela écrit… Le titre original et non altéré du manifeste de Marx est “Manifeste du parti communiste”. Il est effarant de voir que le plus souvent le mot “parti” est éludé, ce qui a été fait par les marxistes pour tromper les gens et faire « oublier » la notion de « parti politique » et d’assujettissement au système étatico-marchand… Ce manifeste constitue une des plus grandes trahisons de la révolution sociale qui existe. Il serait temps de le dénoncer pour ce qu’il est.

Lénine, dans « l’État et la Révolution » ne fait que confirmer la thèse marxiste :

« Le prolétariat a besoin de l’État seulement pendant un certain temps. La suppression de l’État comme but final n’est pas ce qui nous sépare des anarchistes. Mais nous affirmons que pour atteindre ce but, il est indispensable d’utiliser temporairement contre les exploiteurs les instruments, les moyens et les procédés du pouvoir politique, de même qu’il est indispensable, pour supprimer les classes, d’instaurer la dictature temporaire de la classe opprimée. »

« L’État disparaît dans la mesure où il n’y a plus de capitalistes, où il n’y a plus de classes, et où il n’y a plus besoin, par conséquent, d’opprimer « aucune classe ». Mais l’État n’est pas mort complètement tant que survit le « droit bourgeois » qui consacre l’inégalité de fait. Pour que l’État meure complètement, il faut l’avènement du communisme intégral ».

L’État prolétarien est conçu comme une forme politique transitoire, destinée à détruire les classes. Une expropriation graduelle et l’idée d’un capitalisme d’État sont à la base de cette conception. Le programme économique de Lénine, à la veille de la révolution d’octobre se termine par cette phrase : « Le socialisme n’est autre chose qu’un monopole socialiste d’État. »

Suivant Lénine :

« La distinction entre les marxistes et les anarchistes consiste en ceci :

1) Les marxistes, bien que se proposant la destruction complète de l’État, ne la croient réalisable qu’après la destruction des classes par la révolution socialiste, et comme un résultat du triomphe du socialisme qui se terminera dans la destruction de l’État ; les anarchistes veulent la suppression complète de l’État, du jour au lendemain, sans comprendre quelles sont les conditions qui la rendent possible.

2) Les marxistes proclament la nécessité pour le prolétariat de s’emparer du pouvoir politique, de détruire entièrement la vieille machine d’État et de la remplacer par un nouvel appareil,
consistant dans l’organisation des ouvriers armés, sur le type de la Commune ; les anarchistes, en réclamant la destruction de la machine d’État, ne savent pas bien « par quoi » le prolétariat la remplacera, ni « quel usage » il fera du pouvoir révolutionnaire ; ils vont même jusqu’à condamner tout usage du pouvoir politique par le prolétariat révolutionnaire et repoussent la dictature révolutionnaire du prolétariat.

3) Les marxistes veulent préparer le prolétariat à la Révolution en utilisant l’Etat moderne : les anarchistes repoussent cette méthode. »

Lénine déguisait les choses. Les marxistes « ne proposent pas la destruction complète de l’État », mais ils prévoient la disparition naturelle de l’État comme conséquence de la destruction des classes au moyen de la « dictature du prolétariat », c’est-à-dire du Socialisme d’État, tandis que les anarchistes veulent la destruction des classes au moyen d’une révolution sociale, qui supprime, avec les classes, l’État. Les marxistes, en outre, ne proposent pas la conquête armée de la Commune par tout le prolétariat, mais ils proposent la conquête de l’État par le parti qu’ils supposent représenter le prolétariat. Les anarchistes admettent l’usage d’un pouvoir direct par le prolétariat, mais ils comprennent l’organe de ce pouvoir comme formé par l’ensemble des systèmes de gestion communiste – organisations corporatives, institutions communales, régionales et nationales – librement constitués en dehors et à l’encontre de tout monopole politique de parti, et s’efforçant de réduire au minimum la centralisation administrative. Lénine, dans des buts de polémique, simplifie arbitrairement les données de la différence qui existe entre les marxistes et nous.

La formule léniniste : « Les marxistes veulent préparer le prolétariat à la Révolution en utilisant l’appareil d’État moderne » est à la base du jacobinisme léniniste comme elle est à la base du parlementarisme et du ministérialisme social-réformiste.

Aux Congrès socialistes internationaux de Londres (1896) et de Paris (1900), il fut établi que pouvaient adhérer à l’Internationale Socialiste seulement les partis et les organisations ouvrières qui reconnaissaient le principe de la « conquête socialiste des pouvoirs publics par la fraction du prolétariat organisée en parti de classe ». La scission se produisit sur ce point, mais effectivement l’exclusion des anarchistes de l’Internationale n’était que le triomphe du ministérialisme, de l’opportunisme, du « crétinisme parlementaire ».

Les syndicalistes anti-parlementaires et quelques fractions communistes se réclamant du marxisme, repoussent la conquête socialiste pré-révolutionnaire ou révolutionnaire des pouvoirs publics.

Qui jette un regard en arrière sur l’histoire du socialisme après l’exclusion des anarchistes ne peut que constater la dégénérescence graduelle du marxisme comme philosophie politique, au travers, des interprétations et de la pratique social-démocrates.

Le léninisme constitue, sans aucun doute, un retour à l’esprit révolutionnaire du marxisme, mais il constitue aussi un retour aux sophismes et aux abstractions de la métaphysique marxiste.  »

Camillo Berneri

(Article paru dans « Guerra di Classe » n° 4 du 5 novembre 1936)

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Il n’y a pas de solution au sein du système ! (Résistance 71)

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Réflexion critique : de l’aliénation capitaliste (OSRE)

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Qu’est-ce que l’aliénation capitaliste ?

Rébellion organe de l’OSRE

Mai 2022

Source: https://rebellion-sre.fr/quest-lalienation-capitaliste/

Le capitalisme n’est pas seulement un système économique, il est la matrice qui a engendré le monde moderne et aussi un type humain, que certains ont appelé Homo Oeconomicus, fruit d’une véritable transformation anthropologique. Il a réalisé ce que les régimes totalitaires du XX° siècle avaient rêvé de faire sans pouvoir le réaliser: donner naissance à un homme nouveau et cela à l’échelle mondiale. Armé de sa technique et de son dieu unique, l’Argent, il a conquis le monde, c’est-à-dire qu’il l’a transformé en désert. Désert autour des hommes mais désert aussi en l’homme. Pour comprendre ce nouveau monde et ce nouvel homme, pour savoir comment une telle chose a pu se produire, il faut revenir à un concept fondamental mis en lumière par Karl Marx dans son analyse du capitalisme: l’aliénation.

L’aliénation comme une dépossession

La définition que l’on trouve dans le dictionnaire du mot aliénation nous dit que c’est «l’état de l’individu qui, par suite des conditions extérieures (économiques, politiques, religieuses) cesse de s’appartenir, est traité comme une chose, devient esclave des choses et des conquêtes même de l’humanité qui se retournent contre lui». Le seul mot français aliénation traduit deux termes allemands utilisés par Marx: Entäusserung (v. entäussern: se défaire de; adj. äusser: extérieur, externe) et Entfremdung (v. entfremden: éloigner, détacher, détourner; adj. fremd: étranger). Ce terme traduit donc un sentiment d’extériorisation, de dépossession de soi et d’étrangeté face au monde et à soi-même. Mais pour Marx il ne peut se comprendre qu’au sein du processus de domination du capital qui passe par l’exploitation, l’aliénation, la réification.

Car cette dépossession est le résultat de l’exploitation capitaliste, c’est-à-dire du fait que dans l’entreprise capitaliste les salariés produisent une valeur équivalente à celle de la force de travail (travail concret qui leur est versé sous forme de salaire) mais aussi une valeur additionnelle (travail abstrait qui donne la plus-value, la valeur, que gardent les capitalistes). Le travail vivant (concret) est transformé en abstraction (la valeur), c’est-à-dire en argent. Dans le monde capitaliste l’immense majorité des individus ne possèdent pas leur outil de travail, ils sont obligés de rejoindre des entreprises qui leur fournissent les moyens de travailler. Ils en sont réduits à vendre leur seul bien, leur force de travail, c’est-à-dire eux-mêmes, pour fabriquer des marchandises. Dés lors leur travail n’est plus qu’une marchandise parmi d’autres et ils doivent agir comme des capitalistes: pour survivre ils doivent impérativement vendre leur marchandise-force de travail sur un marché du travail où les salariés du monde entier sont mis en concurrence. Le salarié est celui qui extériorise sa propre puissance subjective (sa force de travail) en lui donnant, sous la forme d’une marchandise, une existence objective et cela dans le but de gagner un salaire lui permettant d’acquérir d’autres marchandises.

rebellion

Elle n’est pas une fatalité

Ce que Marx a critiqué ce n’est pas le travail en lui-même mais la forme spécifique qu’il a pris dans le monde capitaliste, la forme-marchandise. Le travail n’était pas aliéné, il l’est devenu à la suite d’une transformation sociale dont on peut faire l’histoire (ce que Marx a fait dans le livre I du Capital). Cette forme d’aliénation n’est pas une conséquence inéluctable de l’histoire humaine et elle n’a pas toujours existé comme voudraient nous le faire croire les idéologues du système. Alors que le travail avait permis à l’individu de s’affirmer en tant qu’homme, de dépasser l’animalité, la seule nécessité, pour agir sur son milieu et le maîtriser, il est devenu une forme de servitude. Il n’est plus un but en lui-même, il est devenu un moyen de satisfaire des besoins en dehors du travail. Ce qui devrait permettre l’affirmation de soi est devenu l’instrument de la négation de soi. Le travail qui était liberté et indépendance devient servitude et enfermement dans un processus abstrait et technique que personne ne maîtrise plus. L’individu aliéné perd toute conscience de sa force, de son pouvoir d’agir et de transformer le monde. Il est dépossédé de la maîtrise du monde qu’il habite et de son destin. De la naissance à la mort, en passant par l’enfance, l’école, le travail, la sexualité, la politique, les loisirs, la vieillesse, tout est laissé aux mains des experts, des techniciens, des gestionnaires. Tout ce qui reste à l’homme, c’est vendre et acheter, c’est se vendre et consommer. La loi du commerce a remplacé les valeurs du travail. Et cette servitude est appelée à ne pas connaître de fin car dans le système capitaliste la production, rebaptisée croissance, est un moyen qui n’a d’autre fin qu’elle même.

L’aliénation capitaliste ne touche pas seulement ceux qui travaillent, elle s’est étendue à tous les humains et au monde entier à travers la domination absolue de l’argent. L’argent est la marchandise- reine, celle qui permet d’avoir toutes les marchandises, celle qui est là pour remplacer tous les liens traditionnels que le développement du capitalisme et l’atomisation des individus ont détruits. L’argent, comme le travail dans le système capitaliste, réduit l’individu à n’être qu’une abstraction. On ne travaille que pour en gagner car il est le signe de la puissance, qui s’appelle aujourd’hui «le pouvoir d’achat». Celui qui en possède n’a aucun pouvoir mais il offre tous les moyens d’en obtenir. L’argent est l’objet absolu de tous désirs, le Désir objectivé, matérialisé. En posséder permet de consommer, d’acquérir tous les objets techniques qui s’offrent comme le moyen d’échapper à cette solitude, à cette angoisse face à un mode devenu étranger et incompréhensible. Mais le sentiment de puissance que procurent ces objets n’est qu’éphémère et, tout comme la production de marchandises, il ne peut avoir de fin car il renforce ce qu’il est censé combattre: l’aliénation et la réification. Ce qui se présente comme un remède n’est que le renforcement du mal et ceux qui le possèdent sont tout autant aliénés que ceux qui n’en ont pas.

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Une marchandisation de l’humain

Ainsi la particularité de l’aliénation et de la réification capitalistes ne peuvent se comprendre qu’au sein de l’exploitation. D’un travail qui dans les sociétés traditionnelles était intégré dans la vie, le capitalisme a fait quelque chose d’extérieur, une marchandise comme une autre. L’individu aliéné en arrive à considérer le monde, les choses, les autres comme il considère son travail: un moyen pour autre chose. Le monde, la nature ne sont plus que «l’environnement», le décor plus ou moins naturel dans lequel il évolue; les choses ont acquis une vie propre: les objets techniques et les machines qui devaient le servir et l’aider l’emprisonnent toujours davantage en se transformant en prothèses indispensables entre lui et la réalité; les autres sont au mieux des amis virtuels avec qui on n’a de lien que par écran ou téléphone portable interposés mais le plus souvent ils ne sont que des objets vivants mais insignifiants pour lesquels on ne ressent ni haine, ni amour, ni aucune sorte d’empathie, juste de l’indifférence. Enfin «libéré» des devoirs et des obligations traditionnels perçus comme des liens entravant sa liberté, persuadé de n’avoir aucun pouvoir sur ce monde où de toute façon il se sent étranger et qu’il accepte passivement tel qu’il est, il ne reste à l’individu aliéné que lui, que cet ego que la publicité flatte pour mieux l’exploiter. Il cultive sa différence et son originalité, qui ne sont rien d’autre que le produit de l’aliénation. Il ne se préoccupe que de son «développement personnel» en exploitant de son mieux son entreprise: lui-même. Il considère son corps, ses capacités, ses sentiments, ses relations comme des investissements qu’il pense pouvoir gérer rationnellement, en bon manager. Il n’est plus soumis à la dictature de la marchandise, il est devenu marchandise. Il a fait siennes les lois du système capitaliste dont il n’est que le produit et il reproduit à son échelle, envers lui-même et les autres, les mécanismes de domination: exploitation, aliénation, réification. Dés lors le monde ne peut avoir comme seul sens que celui d’un grand marché où tout se vend, où tout s’achète, où tout le monde est en concurrence avec tout le monde, où rien n’est vrai et où tout est permis.

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Retour à l’essentiel

On rejoint alors la deuxième définition du mot aliénation donnée par le dictionnaire: «trouble mental passager ou permanent qui rend l’individu comme étranger à lui-même et à la société où il est incapable de se conduire normalement».

Dans le système capitaliste les hommes ne contrôlent pas leur propre activité productive mais sont dominés par les résultats de cette activité. Cette forme de domination prend l’aspect d’une opposition entre les individus et la société, qui se constitue en tant que structure abstraite. Cette domination abstraite est exercée sur les individus par des structures de rapports sociaux quasiment indépendantes, médiatisées par le travail déterminé par la marchandise. Le système capitaliste c’est cette société individualiste où se sont constitués des rapports sociaux tellement objectivés qu’ils ont pris une indépendance complète à l’égard des individus. C’est cette domination abstraite qui amène à la domination de classe et non le contraire. Dénoncer les banques et les oligarchies financières, prendre l’argent aux riches pour le donner aux pauvres, ne changeront en rien les structures du système de domination capitaliste et ne mettront donc pas fin à l’aliénation. Comprendre l’aliénation ce n’est pas en sortir car personne n’est en dehors de ce système et ne peut s’en faire le critique en prenant une position extérieure. Mais la comprendre c’est déjà faire un effort pour en prendre conscience, comprendre que cette domination a une histoire et chercher les voies permettant de la dépasser. Car il ne s’agit pas de revenir à «un bon vieux temps» d’avant l’aliénation, il s’agit de s’approprier ou de se réapproprier ce qui s’est constitué sous une forme aliénée.

Paru initialement dans le numéro 54 dans la revue Rébellion

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