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Le tumulte social français vu d’Iran : des millions de personnes demandent un changement de régime dans les rues… C’est l’arroseur arrosé (Press TV)

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[« A well regulated Militia, being necessary to the security of a free State, the right of the people to keep and bear Arms, shall not be infringed. »] /
« Une milice bien régulée* étant nécessaire pour la sécurité d’un état libre, le droit du peuple de conserver et de porter les armes ne doit pas être enfreint. »
~ Second amendement de la constitution des Etats-Unis ~

(*) qui est « la milice bien régulée » ? => le peuple en arme, ce que fit également la France des sections entre 1790 et 1793. La contre-révolution bourgeoise s’est empressée de désarmer le peuple et de l’envoyer guerroyer dans l’Europe entière, l’armée de la Convention ayant été la première armée de l’histoire ayant 1 million d’hommes. Distraire le peuple avec des chimères au lieu de consolider la véritable révolution sociale à domicile ce qui nuit au petit nombre usurpateur, une manœuvre qui deviendra un classique du genre. Preuve supplémentaire s’il en fallait encore une, que tant que l’État est, tous les garde-fous mis en place même constitutionnellement, seront outrepassés pour que perdure la domination oligarchique, conclusion ?… (Résistance 71)

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France : des millions de personnes demandent un changement de régime

Défaite et morosité : des millions de personnes se rassemblent pour un changement de régime dans la France de Macron

Par Syed Zafar Mehdi

Press TV 

25 mars 2023

Url de l’article original:

https://french.presstv.ir/Detail/2023/03/25/700399/France%C2%A0–Macron-se-trouve-dos-au-mur

Quelques jours après avoir accueilli à Paris en novembre dernier des agitateurs anti-iraniens financés par la CIA, le président français Emmanuel Macron avait qualifié avec fantaisie les violentes émeutes en Iran de « révolution ».

« La diplomatie, c’est parler avec des gens avec qui on n’est pas d’accord et essayer de faire quelque chose d’utile », avait-il déclaré à l’époque, ne sachant pas ou ne voulant pas savoir que la vraie révolution se préparait chez lui.

Au cours des trois derniers mois, des manifestations antigouvernementales ont saisi la France à propos de la décision controversée de Macron de relever l’âge de la retraite de 62 à 64 ans, rappelant à beaucoup le mouvement des Gilets jaunes, un phénomène sans précédent dans l’histoire des mouvements socio-économiques mondiaux.

Ces derniers jours, les manifestations en France ont pris de l’ampleur, des millions de personnes étant descendues dans la rue à travers le pays, exigeant le renversement du gouvernement impopulaire de Macron.

Selon les syndicats CGT, près de 3,5 millions de personnes ont pris d’assaut les rues lors d’une grève générale nationale jeudi, la colère du public ne montrant aucun signe d’apaisement. Bien que le président assiégé ait survécu de peu au vote de défiance de lundi, son destin politique est pratiquement scellé.

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En d’autres termes, les manifestants en colère ne demandent pas simplement l’annulation du soi-disant « plan de réforme des retraites », mais appellent avec véhémence à un changement de régime en France et au bannissement de Macron.

Vendredi, le roi de Grande-Bretagne Charles III a également été contraint d’annuler sa visite d’État en France alors que la violence a éclaté dans de nombreuses villes en réponse à l’appel à la grève nationale lancé par les syndicats.

Les écoles, les entreprises, les transports, les raffineries de pétrole et les centrales énergétiques ont été gravement touchés par les troubles, en particulier après que Macron a annulé la décision des législateurs de repousser la décision sans le vote du Parlement.

Jeudi, comme l’ont rapporté les médias locaux, des manifestants en colère ont scandé « Macron dehors » alors qu’ils défilaient à Paris et se rassemblaient place de la Bastille – où la Révolution française a commencé.

Dans la capitale française, des vidéos circulant sur les réseaux sociaux montraient des policiers lançant des grenades lacrymogènes sur des manifestants, forçant la fermeture de supermarchés et de fast-foods.

Plus de 500 manifestants ont été arrêtés cette semaine seulement, la plupart à Paris, bien plus que les arrestations lors des précédents cycles de manifestations en janvier et février, selon les médias français.

Les manifestations qui font rage et la répression policière brutale montrent que le président français assiégé n’a pas tiré les leçons du mouvement massif des Gilets jaunes lors de son premier mandat en 2018-19.

Dans une interview la semaine dernière, Macron a parlé de manifestations «légitimes», les différenciant des «manifestations violentes», tout en mettant en garde contre une émeute de style Capitole survenue le 6 janvier.

Il est utile de rappeler ici qu’il n’y a pas si longtemps, le président français était déterminé à donner une légitimité aux émeutiers violents soutenus par l’Occident en Iran et à qualifier leurs actes de violence et de vandalisme de « révolution ».

Le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, lors de sa visite du siège de la police jeudi, a qualifié les manifestants de « fauteurs de troubles » qui, selon lui, « veulent renverser l’État et tuer la police ».

En Iran, cependant, des émeutiers et des terroristes qui se sont récemment déchaînés à travers le pays, tuant de sang-froid des policiers et des volontaires du Basij, ont été salués comme des « combattants de la liberté » par les responsables français.

Dans un communiqué publié vendredi, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Nasser Kanaani, a poliment rappelé aux autorités françaises leur responsabilité de parler aux manifestants et d’écouter leurs doléances, au lieu de se mêler des affaires intérieures des autres pays.

Remarquablement, alors que les grands médias occidentaux sont devenus fous pendant les émeutes en Iran et ont effrontément poussé à un récit du «changement de régime» par la déformation des faits, les protestations actuelles en France font passer Macron pour une victime en mettant les manifestants français pourtant « pacifiques » sur le banc des accusés, pour avoir exigé une justice sociale.

Selon les sondages, les deux tiers de la population française ont rejeté la réforme des retraites de Macron et des millions de personnes sont déjà dans la rue depuis la mi-janvier, ce qui signifie que « c’est écrit sur le mur » ou plutôt on entrevoit déjà ce qui attend Macron au final.

La France d’aujourd’hui n’est pas à bout de ces troubles civils. Elle fait déjà face à une guerre civile. Le gouvernement impopulaire de Macron est condamné et le président assiégé lui-même écrit sa nécrologie.

L’heure est au « changement de régime » en France. Et ce changement ne nécessite aucune intervention extérieure. Les Français sont assez mûrs pour ne plus avoir bientôt affaire avec Emmanuel Macron.

Syed Zafar Mehdi est un journaliste, commentateur politique et auteur basé à Téhéran. Il a réalisé des reportages pendant plus de 13 ans sur l’Inde, l’Afghanistan, le Cachemire et l’Asie occidentale pour des publications de premier plan dans le monde entier.

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Il n’y a pas de solution au sein du système ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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5 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

Société des sociétés organique avec Gustav Landauer

peuple_en_arme

Manifeste conspirationniste

DrBones_Insurrection et Utopie

3-textes-de-reflexions-sur-le-peuple-en-armes-la-resistance-et-la-rebellion

construction_ruines

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Peuple en arme et autodéfense : les milices populaires dans la révolution sociale espagnole (Edward Conlon)

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“Qu’est-ce que l’État ? C’est le signe achevé de la division dans la société, en tant qu’il est l’organe séparé du pouvoir politique: la société est désormais divisée entre ceux qui exercent le pouvoir et ceux qui le subissent. La société n’est plus un Nous indivisé, une totalité une, mais un corps morcelé, un être social hétérogène… »
~ Pierre Clastres ~

“Les deux grandes questions incontournables de l’anthropologie politique sont:
1- Qu’est-ce que le pouvoir politique, c’est à dire qu’est-ce que la société ?
2- Comment et pourquoi passe t’on du pouvoir politique non-coercitif au pouvoir politique coercitif, c’est à dire qu’est-ce que l’histoire ?”
~ Pierre Clastres, 1974 ~

Les milices dans la guerre civile espagnole

Edward Conlon

Extraits du chapitre 2 de son livre “La guerre civile espagnole, l’anarchisme en action” (1986)

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

Le gouvernement se retrouva dans une situation particulière lorsque la poussière retomba après le 19 juillet. Alors qu’il demeurait gouvernement, il n’avait aucun moyen d’exercer son autorité. La vaste majorité de l’armée s’était rebellée contre lui. Où la rébellion fut vaincue, l’armée avait été démantelée et les travailleurs étaient maintenant armés. Les syndicats et les organisation de gauche se mirent immédiatement à organiser ces travailleurs armés. Des milices furent formées et elles devinrent des unités de l’armée révolutionnaire. Dix jours après le coup d’état, il y eut 18 000 travailleurs organisés dans les milices de Catalogne. Leur très grande majorité faisaient partie de la CNT (NdT : syndicat anarcho-communiste). Il y avait plus de 150 000 volontaires prêts à se battre à tout moment.

Ce n’était pas une armée ordinaire. Il n’y avait pas d’uniforme (des foulards portés autour du cou indiquaient de quelle organisation un milicien faisait partie), pas d’officiers privilégiés sur les soldats du rang. C’était une armée révolutionnaire qui reflétait les principes révolutionnaires de ceux qui la composaient. La démocratie était en contrôle. L’unité de base était le groupe, généralement composé de dix personnes, qui élisaient un délégué. Dix groupes formaient une centurie, qui elle aussi élisait un délégué. Un certain nombre de centuries formaient une colonne. Il y avait des élections internes et les colonnes rendaient compte aux travailleurs. Les colonnes souvent avaient des anciens officiers et experts en artillerie qui les conseillaient mais ne commandaient pas. Ils n’avaient aucun pouvoir.

Les travailleurs rejoignaient les colonnes sur la base du volontariat. Ils comprenaient la nécessité du combat et de créer une “armée populaire”. Ils acceptaient la discipline non pas parce que cela leur était imposé, mais ils comprenaient le besoin d’agir de manière coordonnée. Les membres des milices acceptaient les ordres parce qu’ils avaient vraiment confiance en ceux qui les donnaient, pas parce qu’ils étaient obligés (NdT : principe du “chef de guerre” amérindiens, qui n’a aucun pouvoir en dehors de la manœuvre militaire…). Ils avaient été élus depuis leurs rangs. Les milices étaient alignés avec différentes organisations qui comprenaient le lien entre la politique révolutionnaire et la guerre. Les milices formées à Barcelone ne perdirent pas de temps pour marcher sur l’Aragon où la capitale, Saragosse, avait été prise par les fascistes. La colonne Durutti, du nom d’un des leaders de la CNT, mena cette marche et graduellement libéra la région village par village. Le but était de libérer Saragosse qui reliait la Catalogne avec la seconde région industrielle, le Pays Basque, qui en plus d’être une source de matière première, possédait une industrie lourde et des usines de fabrication d’armes.

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La colonne Durruti montra la voie du comment combattre le fascisme. Ils avaient compris qu’une guerre civile est une guerre politique, pas seulement un conflit militaire. Alors qu’ils remportaient victoire après victoire, ils encourageaient les paysans de se saisir des terres et de les collectiviser. La colonne fournissait la défense nécessaire afin que ceci puisse se faire. Les paysans se rallièrent à eux. Ils nourrirent les travailleurs-soldats et bon nombre rejoignirent leur force. De fait, Durutti lui-même dû supplier un bon nombre de ne pas rejoindre la colonne afin de ne pas dépeupler les terres arables qui devaient être cultivées et pour que la collectivisation puisse continuer à se faire.

Alors que les milices anarchistes remportaient nombre de succès, du terrain était perdu sur d’autres fronts. Saragosse ne fut pas libérée et une longue ligne de front se développa. Le système de milice en fut blâmé. Les stalinistes dirent que les travailleurs étaient indisciplinés et n’obéissaient pas aux ordres. Ils accusèrent les anarchistes de ne pas vouloir travailler avec les autres pour battre les fascistes.

Bien sûr, tout ceci n’était que non-sens. Les anarchistes appelaient continuellement à un effort de guerre uni et même pour un commandement unifié. Ce qu’ils demandèrent en revanche, fut que le contrôle de l’armée demeure dans la classe travailleuse. Les anarchistes ne pensaient pas que l’établissement d’un commandement unifié veuille dire la restauration du vieux régime militaire et de caste des officiers.

Le problème majeur auquel devaient faire face les milices était le manque d’armes. L’industrie des munitions fut coupée et les ouvriers de Barcelone improvisèrent grandement. Des armes furent fabriquées et transportés au front mais il n’y en avait toujours pas assez. George Orwell (qui combattit avec les  milices P.O.U.M) décrivit la situation des armes sur le front d’Aragon (NdT : où il fut blessé à la gorge par une balle perdue…). L’infanterie “était bien plus mal armée qu’un Officers Training Corps d’école publique anglaise, avec de vieux fusils Mauser qui souvent s’enrayaient après cinq cartouches, environ une mitrailleuse pour 50 hommes (sic) et un pistolet ou revolver pour 30 hommes (sic). Ces armes, si nécessaires dans la guerre de tranchées, n’étaient pas fournies par le gouvernement… Un gouvernement qui envoyait des gamins de 15 ans au front avec des fusils vieux de 40 ans et qui gardaient ses meilleurs soldats et armes les plus modernes à l’arrière, montrant par là sans équivoque, qu’il était plus inquiet de la révolution sociale que des fascistes.

Ô combien avait-il raison ! Une embargo sur les armes fut imposé par la Grande-Bretagne empêchant la vente d’armes des deux côtés, mas pas avant la mi-août. Le gouvernement qui avait 600 millions de dollars en or, aurait pu acheter des armes. Eventuellement, cet or fut envoyé à Moscou en échange d’armes mais lorsqu’elles arrivèrent, il y eut un refus systématique de fournir les zones d’Aragon contrôlées par les anarchistes. Les armes qui arrivèrent, furent mises entre les mains des stalinistes et des centres qu’ils contrôlaient. Un membre du ministère de la guerre se référant aux armes arrivées en septembre commenta : “J’ai remarqué que ces armes ne furent pas données en quantité égale, mais il y avait une préférence marquée pour des unités constituant le 5ème régiment.

Ceci fut contrôlé par les stalinistes. Les usines de munitions catalanes, qui dépendaient du gouvernement central pour leur financement, furent obligées de fournir leur production à qui le gouvernement choisissait. Cette restriction sur les armes fut fondamentale dans la stratégie des stalinistes et de leurs alliés au gouvernement pour briser la puissance et le prestige de la CNT. Les marxistes voulaient diminuer les milices dans leurs efforts de redémarrage de l’armée.

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Le manque d’armes ne fit pas qu’affecter le front d’Aragon. La ville d’Irun tomba à cause de cette pénurie d’armes. Un journaliste le décrivit comme suit : “Ils (les travailleurs d’Irun) combattirent jusqu’à la dernière cartouche. Quand ils furent à court de munitions, ils balancèrent de la dynamite. Quad ils furent à cours de dynamite, ils se ruèrent à l’assaut à mains nues, tandis qu’un ennemi soixante fois plus fort les massacrait à la baïonnette.” Dans les Asturies, les travailleurs furent contraints d’essayer de prendre Oviedo armés de quelques fusils et de bombes artisanales. Alors que furent demandés quelques avions et pièces d’artillerie, leur demande fut refusée. Là encore, la peur du gouvernement des travailleurs révolutionnaires fut plus grande que celle des fascistes et cela domina les débats et prévalut sur l’objectif de vaincre les fascistes.

C’est un mensonge courant de dire que les milices, supposées être indisciplinées et incontrôlables, furent responsables de l’avancée et gains de terrain de Franco. Tous ceux qui virent les milices en action n’ont eu que louanges pour l’héroïsme dont ils furent les témoins. Le gouvernement a fait un choix tout à fait délibéré, il a choisi de restreindre l’accès aux armes pour les travailleurs révolutionnaires en armes, le gouvernement a décidé que vaincre la révolution sociale était plus important que de vaincre le fascisme.

NdT : ce qui est tristement logique… tout gouvernement va défendre l’État et les institutions, la révolution sociale espagnole a été écrasée à partir de 1937 par l’alliance entre les factions de préservation de l’état-marchand : les fascistes de Franco d’un côté aidés par Mussolini et Hitler et l’URSS de l’autre, marxiste-stalinisme, quelques traîtres anarchistes entrés au gouvernement, et les états européens, dont la France du Front Populaire socialo-marchande ne l’oublions pas, qui ferma ses frontières et n’aida en rien la révolution sociale espagnole en cours et parqua les réfugiés espagnols, anarchistes ou non dans des camps jusqu’à la seconde guerre mondiale. Pourquoi croyez-vous que TOUS se soient ligués contre la société anarchiste organique en mouvement en Espagne ? Parce que cette société nouvelle qui voyait le jour dans les collectifs catalans, aragonais et de Levant, faisait trembler le système étatico-marchand, qui s’en est instinctivement protégée en déployant toutes les énergies en apparence antagonistes pour que tout puisse politiquement et économiquement continuer comme de routine… Une révolution est un changement pour qu’en fait, rien ne change vraiment. Nous n’avons pas besoin de révolution mais d’évolution et la société des sociétés est cette évolution tant attendue pour que se réalise enfin pleinement notre humanité muselée, freinée et étouffée depuis quelques cinq mille ans.

L’état n’est pas quelque chose qui peut être détruit par une révolution, mais il est un conditionnement, une certaine relation entre les êtres humains un mode de comportement humain, nous le détruisons en contractant d’autres relations, en nous comportant différemment.
~ Gustav Landauer ~

“On peut dire qu’il n’y a pas encore eu de révolution dans l’histoire, il ne peut y en avoir qu’une qui serait une révolution définitive. Le mouvement qui semble achever la boucle en entame déjà une nouvelle à l’instant même où le gouvernement se constitue. Les anarchistes, Varlet en tête, ont bien vu que gouvernement et révolution sont incompatibles au sens direct. Il implique contradiction, dit Proudhon, que le gouvernement puisse être jamais révolutionnaire et cela pour la raison toute simple qu’il est gouvernement.’  […] S’il y avait une seule fois révolution, en effet, il n’y aurait plus d’histoire. Il y aurait unité heureuse et mort rassasiée.“
~ Albert Camus ~

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« Réflexions sur le peuple en arme, la résistance et la rébellion, 3 textes » (PDF)

« Petits précis sur la société et l’État » (Résistance 71)

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Il n’y a pas de solution au sein du système ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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5 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

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Société des sociétés organique avec Gustav Landauer

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Aujourd’hui comme hier…
¡Ya Basta!

Argent, dette, système étatico-marchand : une analyse (David Graeber)

Posted in 3eme guerre mondiale, actualité, altermondialisme, autogestion, économie, crise mondiale, gilets jaunes, guerres hégémoniques, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, philosophie, politique et social, résistance politique, société des sociétés, syndicalisme et anarchisme, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , on 18 février 2023 by Résistance 71

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David Graeber (1961-2020)
Anthropologue politique anarchiste

“Qu’est-ce que l’État ? C’est le signe achevé de la division dans la société, en tant qu’il est l’organe séparé du pouvoir politique: la société est désormais divisée entre ceux qui exercent le pouvoir et ceux qui le subissent. La société n’est plus un Nous indivisé, une totalité une, mais un corps morcelé, un être social hétérogène… »
~ Pierre Clastres ~

“Les deux grandes questions incontournables de l’anthropologie politique sont:
1- Qu’est-ce que le pouvoir politique, c’est à dire qu’est-ce que la société ?
2- Comment et pourquoi passe t’on du pouvoir politique non-coercitif au pouvoir politique coercitif, c’est à dire qu’est-ce que l’histoire ?”
~ Pierre Clastres, 1974 ~

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La signification de l’argent

David Graeber

2014

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

Février 2023

Je veux parler de l’argent en tant que technologie morale. Une des choses qui m’a fasciné lorsque je travaillais sur mon livre “Dette, les premiers 5000 ans”, c’est la tendance de la logique du marché de coloniser et d’envahir d’autres formes de moralité, même le langage et la religion. Pratiquement toutes les grandes religions du monde sont incroyablement riches dans le langage de la finance, prenez des mots comme rédemption et ceci ne se produit pas seulement avec le christianisme mais quasiment dans toutes.

La moralité a eu la tendance à être traitée comme une affaire de payer ses dette. Ce fut une des raisons qui m’amena dans ce voyage intellectuel si particulier ; je fus fasciné par le pouvoir moral de l’idée de la dette et par sa tendance à tromper toute autre forme de moralité, ainsi les gens purent justifier de choses qu’ils n’auraient jamais osé rêver justifier en d’autres circonstances : la famine et la mort de bébés par exemple sur la simple base causale que “ce pays a emprunté de l’argent…”

L’invasion du langage de la morale par celui de la dette et de l’argent semble être partie d’un autre phénomène, qui est la réduction de toutes les relations sociales à des formes d’échange. Vous trouvez que presque toutes les grandes religions du monde commencent avec le présupposée que la bonne moralité est simplement une question de payer ses dettes. Dans la théologie brahmane par exemple, toutes les formes de moralité sont à la base des formes de dettes. Cela commence avec la dette envers les dieux, qui est une dette de vie, de laquelle on paie des intérêts sous forme de sacrifices et d’offrandes et dont nous payons le principal après notre mort.

Si on y regarde de plus près pourtant, les autres exemples que les brahmanes utilisent  complètement subvertissent l’idée que ces obligations morales soient vraiment de la dette. Ils disent que vous avez une dette envers vos parents que vous repaierez en ayant des enfants ; vous avez aussi une dette envers le sage que vous repaierez en apprenant la sagesse et en devenant vous-même un sage. Vous avez aussi une dette envers l’humanité car elle rend votre vie possible, que vous repaierez en étant généreux avec des étrangers. Rien de tout cela ne prend la forme de repayer une dette sous la forme et le sens classiques. En fait, ceci semble impliquer que l’on efface une dette en comprenant que vous devez tout cela à une totalité qui vous inclut et que donc l’idée de dette devient saugrenue. Votre dette envers les dieux n’est qu’une dette envers l’univers. Vous ne pouvez pas repayer une dette à l’univers parce que cela impliquerait que vous et l’univers êtes des associés égaux dans une entreprise vous liant. C’est l’absurdité de cela qui annule l’idée de la dette. Dans la tradition judéo-chrétienne, il y a cette notion similaire de dette primordiale, mais il en résulte que ce qui est sacré n’est pas de repayer sa dette, mais l’annulation des dettes : la rédemption. C’est presque comme si tout le monde devait commencer en disant : “la moralité est de payer ses dettes”, puis ils s’en écartent.

La question est : Pourquoi font-ils cela ? Pourquoi ces conceptions populaire de moralité sont-elles déjà si profondément cadrées qu’elles semblent toujours devoir commencer avec ces présuppositions, alors qu’éventuellement, elles s’en écartent ? La meilleure réponse que j’ai pu me faire est que cela a à faire avec des relations de pouvoir. Essentiellement, une chose que l’histoire a révélé encore et toujours est que la moralité de la dette est la manière la plus puissante de faire paraître des relations de pouvoir violentes et arbitraires non seulement morales, mais aussi de donner aux victimes le rôle de pêcheurs et de personnes de fait à blâmer. Les Mafiosi comprennent cela bien entendu, ainsi que les chefs d’armées conquérantes, qui en général annoncent péremptoirement que tout le monde leur doit la vie parce qu’ils ont en fait le pouvoir de les tuer. Cela vous met dans une position où vous pouvez être le bon et les victimes courant partout misérables et se sentant mal à l’aise et mal placées. Cela semble être efficace pour un moment. Le problème est que cela explose périodiquement. Comme l’a fait remarqué Moïse Finley, il semble y avoir un programme révolutionnaire dans toute l’antiquité, qui a annulé la dette et redistribuer la terre, dans cet ordre précis.

La dette semble inspirer le sens à se révolter plus que n’importe quelle autre forme d’inégalité, peut-être parce qu’elle est supposée reposer sur une notion initiale d’égalité. Si vous dites être d’une caste inférieure, vous dites que vous êtes fondamentalement inférieur, ce que les gens n’aiment probablement pas, mais acceptent comme un ordre naturel des choses. Mais si vous refaçonner ça dans le langage de la dette, vous dites en fait “nous aurions du être égaux, mais vous avez foiré quelque part.” Cela semble percuter mieux et la réponse commune que l’on rencontre encore et encore au fil de l’histoire est de dire : “Eh, attendez un peu : qui doit quoi à qui ? Nous faisons votre nourriture, nous vous nourrissons…

Quelque soit le cadrage, ce que tend à se passer est la seule façon de résister à ce langage de la dette en tant que moralité et de cadrer votre réponse dans le même langage, de telle façon que cela en fait étend la zone à laquelle la dette s’applique. Cela a pour effet que vous reformuliez les relations morales dans le même langage. Vous voyez de nos jours la même chose se produire dans les débats sur la dette du tiers-monde. Qui doit quoi et à qui ? Et c’est exactement ce que les gens finissent par dire : “vous nous devez pour le colonialisme” ; avant de s’en rendre compte, tout ceci s’applique à une multitude de mauvaises actions historiques, dans des zones que vous ne vous seriez jamais attendus à chosifier, comme les dégâts écologiques. La rébellion contre la dette devient incorporée au langage de la dette. Avec ce langage de la dette vient, bien entendu, la logique de l’échange en tout et pour tout, ce qui essentiellement, peut être étiqueté, cadré en termes de marché.

La relation argent, dette, moralité change régulièrement selon les époques, cela dépend de la conception dominante de l’argent, qui dépend elle-même de la forme de monnaie dominante que les gens utilisent à une période donnée de l’histoire. Il semble qu’il y a des glissements réguliers à travers l’Eurasie, du moins entre ce que je j’appellerai des périodes d’argent de crédit virtuel et des périodes d’argent commodité, où les gens utilisent des objets, en général l’or et l’argent, dans chaque transaction et où les gens conçoivent l’argent comme une chose. J’ai été fasciné de constater qu’il n’y a pas de consensus entre les économistes quant à savoir ce que l’argent est de fait. On pourrait bien penser que s’il y avait une chose sur laquelle les économistes pourraient s’accorder, ce serait cela ; mais en fait l’argent est un peu un os pour les économistes. Les écoles dominantes pèsent de tout leur poids derrière l’idée de l’argent comme moyen d’échange ; il y a des arguments tout aussi valides disant que l’argent devrait être considéré comme une unité de compte et que donc les tokens d’argent sont en fait des tokens de dette. De ce point de vue, l’argent est essentiellement une dette qui circule. Des économistes comme Keith Hart argumentent  que si vous observez les deux faces d’une pièce, vous y voyez régulièrement la même chose. D’un côté un symbole d’autorité d’État, d’accord et de confiance, l’argent comme relation sociale, qui est le crédit et de l’autre côté se situe le chiffre de l’unité de mesure d’argent, qui implique que l’argent est une chose, une commodité.

Cette tension est toujours là en ce qui concerne la définition de l’argent. J’ajouterais qu’au fil du temps, la définition de l’argent va de l’un à l’autre. Mais, de manière intéressante, l’argent comme crédit virtuel vient en tête. Aussi loin que nous le sachions, si des gens allaient au marché à Sumer, ils n’emmenaient certainement pas quelque chose ressemblant à de l’argent physique. Ils n’avaient pas de pièces de monnaie, ils n’avaient même pas de balance de production. Ils avaient probablement la technologie de le faire, mais ils ne fabriquaient pas de balances suffisamment précises pour peser les tous petits morceaux d’argent qui auraient servi à acheter un cochon, un mouton, un marteau ou une chemise. Il semble qu’alors, toutes les transactions étaient très largement basées sur le crédit. Certaines choses circulaient par achat en argent, certains grains etc mais tout était basé essentiellement sur une économie de crédit, ce qui rendait possible d’annuler de la dette, ce qui est bien plus difficile à faire en période d’argent commodité. La période où fut inventé l’argent dit “liquide” correspond aussi à la période fameusement nommée par Carl Jaspers “L’âge axial”, durant lequel on voit aussi l’émergence de nombreuses philosophies dans le monde et les majeures religions, exactement dans les mêmes endroits où l’argent fut créé : en Méditerranée orientale, dans les vallées du Gange en Inde et dans les plaines du nord de la Chine.

Il semble que la fabrication de pièce de monnaie soit très largement un effet secondaire de la technologie militaire, qui est très liée aux systèmes de taxation. L’or et l’argent sont bien les sortes de choses que les soldats habitués au pillage vont transporter d’un endroit à l’autre. Des soldats itinérants et lourdement armés sont sans doute les dernières personnes à qui vous feriez, en tant que commerçant local, crédit. Mais ils ont de l’or et de l’argent. Eventuellement, après une période où les marchands et les soldats commercent en or et en argent, l’État s’en mêle et découvre que la meilleure façon de contrôler les troupes est de leur donner systématiquement de petites portions de ces métaux précieux et de dire à tout le monde sous votre coupe de rendre ces pièces. D’un seul coup, vous vous louez les services de tout le monde dans votre royaume pour entretenir les troupes.

Cela marcha très très bien. La chose fascinante au sujet de cet âge axial est que vous avez des armées, que l’argent à tendance à suivre les armées constituées. Vous avez aussi la montée en puissance des religions du monde, qui dans presque tous les cas, nient une partie de la logique morale de ces marchés d’argent comptant impersonnels qui sont permis par l’argent commodité, ainsi donc l’idée de charité semble jaillir presque simultanément C’est comme si vous disiez : “créons donc cet espace où nous aurons cette chose appelée intérêt particulier…” et si nous essayons d’obtenir le plus de choses matérielles pour nous-mêmes, quelqu’un va venir et dire “bon, et bien ici nous aurons un espace où nous pensons pourquoi les choses matériels ne sont pas importantes ; c’est mieux de donner que de recevoir.” Ceci se passe régulièrement dans chaque endroit.

La chose la plus extraordinaire, c’est que tout cela se coordonne vraiment bien à travers toute l’Eurasie. Au Moyen-Age, ces empires ont atteint leur apogée et ils s’effondrent. Avec la disparition des armées en campagne et de l’esclavage privée, la frappe de monnaie disparaît dans les grandes largeurs, mais au lieu de revenir au troc, les gens en fait retourne aux systèmes de crédit. Ces systèmes de crédit sont essentiellement contrôlés par les systèmes moraux et religieux qui se sont levés en opposition au monde de la transaction en argent physique intrinsèquement identifiée au militarisme et l’état d’avant. Avec cela vint l’interdiction de l’usure, qui n’existait pas du tout dans le vieux monde. Il semble que dans les période où on conçoit l’argent comme une relation sociale, un système de conventions sociales, la définition d’Aristote encore, ne fut pas largement adoptée dans l’antiquité mais au moyen-âge, il devient possible de faire certaines choses comme pratiquées dans le monde ancien : annulation des dettes dans l’islam et le christianisme médiévaux, ou interdictions de l’usure, ce qui est bien plus difficile à faire dans des périodes où on considère l’argent comme une chose, une commodité.

Malgré le fait que les constitutions athénienne et romaine furent créées essentiellement en réaction aux crises de la dette, les anciennes économies ne se sont jamais résolues à des annulations totales de la dette. Au lieu de cela, elles mirent en place des politiques de redistribution dans lesquelles elles jetèrent de l’argent à la face du problème et donc frapper la monnaie devient une sorte de technologie morale. Par exemple, dans l’Athènes antique, les gens étaient payés pour aller à l’Agora et pour voter. Il y a tous ces mécanismes de redistribution de l’argent par le truchement de moyens politiques ainsi les gens ne tombaient pas dans la dette profonde au point de devenir les esclaves des riches et ainsi donc risquer de détruire la base militaire de l’État.

Dès 1450 et avant même la découverte ibérique des Amériques, l’argent commodité retourne sous la forme de lingots et avec cela renaissent de larges empires, des armées de conquêtes, l’esclavage personnel, qui réapparaît sous une forme altérée. J’argumenterais que cette période est celle dont nous venons à peine de sortir maintenant, mais de manière très lente et sporadique. Le point standard de rupture est l’année 1971, quand Nixon a sorti définitivement le dollar américain du standard or.

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Il est intéressant de noter que l’interdiction de l’usure qui fut maintenue pendant le moyen-âge fut graduellement érodée. J’ai toujours pensé qu’une des raisons du pourquoi l’église a été si véhémentement opposée à l’usure par rapport à d’autres éléments du capitalisme émergent, c’est parce que la moralité de la dette était si puissante, que l’église pouvait reconnaître un rival quand elle en voyait un. Le fait est que la dette est le meilleur moyen de transformer les gens en des acteurs utilitaires rationnels, comme les économistes aiment à l’imaginer, où on a peu de choix que de voir simplement le monde en termes de sources possibles de profit et de danger. Une des choses qui m’a le plus fasciné fut de regarder les histoires de quelques personnes qui se comportèrent de la manière d’acquisition irrationnelle la plus bizarre que vous puissiez imaginer, devenant des paradigmes de l’insatiabilité des êtres humains : les conquistadores par exemple.

Ceux-ci étaient submergés par la dette. Ils commencèrent dans la dette et ne s’en échappèrent jamais vraiment. Une des raisons pour laquelle ils recherchaient toujours de nouveaux royaumes était parce que, même après la conquête du royaume Aztèque, Cortez se retrouva de nouveau dans la dette 15 ans plus tard et il commença à repartir sur le chemin de la conquête. Tous ces hommes étaient endettés jusqu’au cou et devaient faire ce qui était nécessaire pour acquérir de l’or, commettant au passage d’énormes atrocités pour repayer leurs dettes.

Ce genre de manipulation de la dette comme forme de moralité en lui-même fut lancé et devint “naturel”, quand vous pensez à l’argent comme une chose naturelle : comme un objet plutôt qu’une création sociale. En tant que technologie morale, l’argent permet à certains types de moralité d’émerger, ceux-ci étant très puissants. Les gens de pouvoir qui ont originellement découvert le pouvoir de la moralité de la dette il y a si longtemps, ne veulent pas les abandonner. Un des grands mystères est que lorsque vous avez des périodes de crédit d’argent virtuel, que ce soit dans la Mésopotamie antique ou au moyen-âge, vous voyez des gens qui créent des moyens de s’assurer que ceux qui ont le pouvoir de créer du crédit ne terminent pas à réduire les autres en esclavage. Cela se produit encore et encore et prend différentes formes, d’où les annulations de dette périodiques dans la Mésopotamie ancienne, les célèbres jubilées dans la Judée antique et les lois variées sur l’usure. Vous trouvez que tout cela était en combinaison avec la promulgation par les bouddhistes des monts de piété et autres alternatives afin d’empêcher les prêts à haut taux d’intérêt. La première utilisation des monts de piété fut en fait une affaire religieuse (NdT ; d’où le nom en français, en anglais cela se dit “pawn shop”, ce qui n’a rien à voir..) mise en place par des moines bouddhistes en Chine puis, plus tard, par les moines dominicains en Europe, de manière indépendante présumée.

Il y a tous ces mécanismes créés pour protéger les endettés en période d’argent crédit virtuel. Où sont nos versions de ces mécanismes ? D’accord, nous ne sommes que 40 ans environ dans ce système. Ceci n’est pas très long de par les standards auxquels nous nous référons, souvent des cycles de 500 à 1000 ans. Mais nous avons fait exactement l’opposé. Ce que nous avons fini par créer, ce sont des institutions comme le FMI ou Standard & Poor’s c’est à dire des institutions faites pour protéger les créditeurs contre les endettés. Sans surprise, le résultat de ces 40 premières années a été toute une série de crises de la dette. Considérez la dette du tiers-monde, qui a mené à des formes de résistance particulièrement efficace, d’abord en Extrême-Orient, puis en Amérique Latine, d’où le FMI a quasiment été viré. Ces crises de la dette sont continues, elles augmentent, elles semblent réunir la tendance historique pour une économie basée sur l’argent crédit.

Voilà pourquoi j’insiste sur le pouvoir de l’argent comme moralité. Je pense qu’il y a une contradiction entre les intérêts du système sur le long terme et ces mécanismes idéologiques qui sembleraient vouloir le légitimer. La moralité de la dette et la moralité du travail semblent être les deux zones dans lesquelles les vertus capitalistes, les vertus du système économique, sont profondément inculquées dans la conscience populaire et très largement acceptées. Questionner cela, ouvre les portes dont je pense que beaucoup de personnes ont peur d’ouvrir, malgré le fait qu’à ce point, l’annulation de la dette semble quasiment inévitable. 

La raison pour laquelle je dit “quasiment” est parce qu’il y a une telle résistance. Elle est remarquable. C’est tellement clairement dans l’intérêt de la classe dirigeante de commencer à annuler de la dette sur une grande échelle. La Réserve Fédérale a grandement essayé de voir la dette sur les emprunts fonciers annulée et ils n’ont pas avancé depuis l’an dernier (2013) Qu’est-ce qui le retient ? Cela doit être un attachement à cette idée morale fondamentale, parce qu’il n’y a plus beaucoup de soutien moral du système qui soit.

L’une d’entre elles est la valeur morale du travail. Keynes avait prédit que dès maintenant, nous pourrions bien avoir une journée de travail de 4 heures si nous le voulions et nous pourrions remarquer “Et bien visiblement nous ne le voulons pas, mais cela montre de manière évidente que plutôt que d’être heureux avec les biens que nous avons, cela a quelque chose à voir avec le désir, avec cette pulsion de la consommation.

Je pense que ce n’est absolument pas vrai. Si vous regardez ce que font les gens pendant une journée, ils ne font pas grand chose qui contribue à la production de produits de consommation. En fait, un phénomène inexploré en Amérique aujourd’hui est le fait de combien de personnes sont secrètement convaincues qu’ils ne font pas vraiment grand chose de la journée, que leur boulot est complètement inutile et n’a aucune valeur et ne devrait probablement pas exister. Je rencontre des gens comme ça tout le temps. Je connais tant de personnes qui en sont au bout du rouleau professionnellement et ne savent pas quoi faire, qui ont été en fac de droit et qui sont maintenant des avocats d’affaire pour des entreprises, je n’en ai pas rencontré un qui n’admettrait pas, du mois avec quelques verres dans le nez que “ce boulot est complètement inutile et stupide et ne devrait pas exister.” Vous pouvez faire beaucoup d’argent à faire ce boulot et aucun en étant un poète, ou autre chose. Cela vous dit quelque chose d’intéressant sur ce qu’on appelle “le marché” : il semble qu’il y ait très peu de demande pour des poètes ou des musiciens de talent, mais une demande quasi infinie pour des avocats d’affaire…

Je pense que nous devons penser cela en termes moraux. Pensez aux gens qui travaillent 4 heures par jour. Vous savez qu’il y a une foule de gens qui vont au travail tous les jours, s’assoient 8 heures mais ne font de fait que peut-être 3 ou 4 heures de travail effectif durant cette vacation. Le reste du temps, ils sont maintenant sur Facebook, ils tweetent, téléchargent du porno ou quoi que ce soit d’autre. Je parle à une quantité de gens et un grand nombre me dit : “En fait, je fais 2 ou 3 heures de travail productif dans la journée.” En fait, nous travaillons 4 heures par jour, mais à cause de cette moralité profonde attachée au travail, nous ne voulons pas en fait l’admettre.

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Tout le pouvoir aux ronds-points !…

Nous voudrions penser à un parallèle avec l’Union Soviétique. Je pense vraiment que le système soviétique était basé sur une contradiction fondamentale du fait qu’il a hérité d’une consistance essentiellement anarchiste (NdT : ne pas oublier que le premier “soviet” qui veut dire “assemblée populaire” en russe a été créé à St Petersbourg en 1905 par des anarchistes. Le concept de “soviet” est anarchiste par essence, il a été spolié plus tard par les marxistes autoritaires d’état en mission pour la City de Londres et sa succursale de Wall Street dont Lénine et Trotsky étaient les agents à succès…) et d’une idéologie marxiste. Pendant les années 1920 et 1930, on nota souvent la différence entre les syndicats anarcho-syndicalistes et les syndicats socialistes dans le fait que les anarchistes demandaient toujours une réduction des heures de travail et les socialistes une hausse des salaires. Essentiellement, ce furent les socialistes qui amenèrent le système productiviste et consumériste. Les anarchistes voulaient juste en sortir : “Nous ne voulons rien à voir à faire avec ça. Nous voulons travailler le moins possible.” Il y eut un célèbre débat entre Marx et Bakounine au sujet d’où la révolution viendrait-elle ? Serait-ce en provenance du prolétariat allemand plus avancé ? “Non, non, ce sera en provenance des paysans et artisans récemment prolétarisés en Russie et en Espagne”, dit alors Bakounine, l’avenir lui donna raison. Donc ces entités anarchistes qui voulaient moins d’heures de travail ont fini par créer des révolutions qui finirent absorbées par une élite marxiste-productiviste affirmant vouloir mettre en place une société de consommation, mais en étant incapable. Mais un des bénéfices de leur système fut qu’on ne pouvait pas être viré de son travail, donc les gens travaillaient de fait 4 heures par jour, à vie.

La grande contradiction en ce qui me concerne de ces systèmes, fut qu’ils ne purent reconnaître ou prendre la responsabilité du bénéfice social qu’ils donnèrent au public, à savoir la sécurité de l’emploi dans une journée de travail de 4 heures par jour. Si vous y pensez bien, passer d’une économie arriérée à lancer des satellites en orbite sur la base d’une journée de travail effectif de 4 heures par jour est assez impressionnant. Mais ils ne pouvaient pas admettre ce qu’ils donnaient aux gens. Tout le monde prétendait travailler 8 heures par jour, mais en fait ne travaillait que 4. (NdT : surtout dans une société bureaucrate où des boulots de gratte et pousse papiers / dossiers numériques sont légions, pas seulement dans les pays “socialistes”, mais partout aujourd’hui dans le monde occidental…)

Il semble que nos sociétés ressemblent à ça de plus en plus et tant de boulots sont dénués de sens ou de buts, mais là encore les gens se sentent obligés de le faire pour des raisons morales ou idéologiques, de le faire encore et encore. Je pense que beaucoup de la politique peut être expliqué de la sorte. J’ai toujours argumenté pour dire qu’une grande partie du populisme de droite est fondé sur le ressentiment des gens qui ont des boulots insensés. L’élite culturelle est vue comme ces gens qui monopolisent ces boulots où vous pouvez être payées pour faire quelque chose qui n’est pas juste pour un salaire. Comment tous ces salopards osent-ils prendre tous les boulots altruistes ?

Dans la même veine, je trouve fascinant ce ressentiment contre les ouvriers de l’automobile ou les enseignants. Je pense que cela peut être expliqué en ces termes moraux, il semble qu’il y ait un sens pour les gens à dire :”Quoi ? Vous les mecs faites quelque chose de réel. Vous enseignez aux enfants, vous fabriquez des voitures, vous voulez aussi des bénéfices ?” Il est important à mon sens que nous repensions en quoi le type de moralité que l’argent permet, à la fois en termes de dette et de travail, devient une force politique en elle-même et que bon nombre de ces problèmes que nous concevons être des problèmes économiques ne sont en fait que des problèmes politiques déguisés. 

(NdT : donc de “pouvoir”, nous ramenant à la seconde citation de Clastres que nous avons mis en début de texte et nous rajouterions celle-ci du même Pierre Clastres :

“La relation politique de pouvoir précède et fonde la relation économique d’exploitation. Avant d’être économique, l’aliénation est politique, le pouvoir est avant le travail, l’économique est une dérive du politique, l’émergence de l’État détermine l’apparition des classes.”
~ Pierre Clastres, directeur de recherche en anthropologie politique au CNRS, 1974 ~ )

Le texte en PDF : David_Graeber_La-signification-de-largent

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David Graeber sur Résistance 71

Les historiens et les économistes aux gages de l’État nous ont enseigné, sans doute, que la commune de village, étant devenue une forme surannée de la possession du sol, forme qui entravait les progrès de l’agriculture, dut disparaître sous l’action des forces économiques naturelles. Les politiciens et les économistes bourgeois ne cessent de le répéter jusqu’à nos jours ; et il y a même des révolutionnaires et des socialistes — ceux qui prétendent être scientifiques — qui récitent cette fable convenue, apprise à l’école.
Eh bien, jamais mensonge plus odieux n’a été affirmé dans la science. Mensonge voulu, car l’histoire fourmille de documents pour prouver à qui veut les connaître — pour la France, il suffirait presque de consulter Dalloz — que la commune de village fut d’abord privée par l’Etat de toutes ses attributions ; de son indépendance, de son pouvoir juridique et législatif ; et qu’ensuite ses terres furent, ou bien tout bonnement volées par les riches sous la protection de l’Etat, ou bien directement confisquées par l’Etat…
~ Pierre Kropotkine ~

L’état n’est pas quelque chose qui peut être détruit par une révolution, mais il est un conditionnement, une certaine relation entre les êtres humains un mode de comportement humain, nous le détruisons en contractant d’autres relations, en nous comportant différemment.
~ Gustav Landauer ~

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Il n’y a pas de solution au sein du système, n’y en a jamais eu et ne saurait y en avoir ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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5 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

Société des sociétés organique avec Gustav Landauer

Cobra_peuple

heroisme

Anarchie et double pouvoir : possibilité ou illusion, quelques notes sur le développement du mouvement anarchiste avec Matt Crossin 2/2

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RIEN ne s'oppose TOUT se compose

 

Notes critiques sur les développements au sein du mouvement anarchiste

Matt Crossin

Août 2022

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

Décembre 2022

1ère partie

2ème partie

A travers les Etats-Unis, l’insurrection s’est graduellement transformée en manifestations légalement gérées. Le militantisme des premiers moments se volatilisa sans avoir établi quelques formes organisationnelles ou stratégie propice à sa propre reproduction, sans parler de l’escalade. Le commissariat du 3ème district de Minneapolis fut entièrement brûlé, des fenêtres furent brisées et les produits des magasins pillés, partagés entre les communautés en deuil. Mais la police, les prisons, les entreprises capitalistes et la production de marchandise demeurent. Les capitalistes continuent de plus belle à être une classe possédante et opprimante ayant besoin de l’État pour la protéger et l’État, lui-même propriétaire de bon nombre de moyens de production (et de services), continue d’avoir besoin du système de propriété afin de se reproduire lui-même et le privilège de la règle politique.

Ces relations sociales ne peuvent pas être écrasées ou explosées dans les rues. Elles ne peuvent pas être abolies en simplement attaquant les individus qui nous gouvernent et nous contrôlent. Elles ne peuvent être transformées qu’à leur racine, au sein de la sphère de production par l’expropriation de la propriété et la destruction de force de l’État.

La révolte de 2020 sans nul doute marque un moment significatif. L’expérience a transformé le mode de pensée de beaucoup de ceux qui y ont participé, voire même n’en furent que des témoins. L’expression de solidarité sans parallèle avec les Palestiniens toujours sous l’assaut d’Israël juste un an plus tard fut dû en grande partie au glissement de la conscience populaire autour du sujet de la domination raciale. L’opposition militante à la police a aussi aggravé la crise du recrutement en cours dans les forces de l’ordre établi. Ceci a intensifié le cycle dans lequel l’institution expose sans fard son caractère autoritaire, alors que ce sont de manière disproportionnée les plus fascistes qui continuent à être attirés par cette profession.

Mais comme l’écrivain Shemon Salam le demanda à la suite de la rébellion : “En quoi les émeutes sont-elles le chemin de la révolution si elles ne peuvent pas se généraliser au niveau de la production, à moins que cette dernière ne soit plus utile ?” “Bonne chance à tous d’obtenir de la bouffe une fois que l’épicerie du coin est pillée…

De la même manière, la pertinente analyse de Tristan Leoni du mouvement des Gilets Jaunes en France nous mène à la même conclusion :

Les Gilets Jaunes ont ciblé la circulation plutôt que la production. Pourtant, bloquer veut aussi dire bloquer les gens pour aller au travail ou le travail des autres. Ce n’est que parce que des gens produisent des choses et que d’autres les transportent qu’un blocage routier a un quelconque “impact” : en d’autres termes, le blocage est le résultat d’une minorité, parce que la majorité n’entre pas en grève. Par définition, la sphère de la circulation n’est pas centrale, elle est en amont et en aval de la production. […] En mai 1968 (NdT: commencé en fait en 1967), quand 10 millions de travailleurs entrèrent en grève, puis en grève sauvage. Il n’y avait plus rien à bloquer ! Donc, pour faire une révolution, bloquer ou arrêter la production n’est pas suffisant […] il est nécessaire de changer le sens de la production, du haut vers le bas ainsi que de changer les relations sociales inhérentes. Ceci est difficile à faire si vous ne vous rebellez que lors de vos temps de loisir…

Avec l’augmentation des activités de grève dans le monde, avec les syndicats, sans eux et même contre la volonté des bureaucrates syndicalistes, il est intéressant de noter que les avocats de l’insurrection sont devenus bien silencieux au sujet de “l’inutilité et de l’obsolescence” d’une organisation de classe. On en entend même de moins en moins sur la supposée suffisance des groupes d’affinité !

Qui peut possiblement argumenter maintenant que la rébellion George Floyd aurait été “bureaucratisée” avec la participation d’anarchistes appartenant à des organisations anarchistes , encourageant les activités en accord avec une analyse anarchiste partagée et un programme ? Qui pourrait ne pas être d’accord avec un mouvement étant passé des batailles de rues à un système de routes et de parcs “autonomes”, à l’occupation et à la redéfinition de chaînes essentielles de production sous contrôle des travailleurs ? Peut-on vraiment douter que les travailleurs organisés, fédérés en solidarité et capables de mener à bien leur connaissance technique partagée dans leurs industries respectives contre la production capitaliste elle-même, seraient vraiment mieux préparés pour ce genre de soulèvement ?

Sans révolution, un tel développement des choses aurait terrifié les classes dirigeantes bien plus que d’avoir fait crâmer quelques bagnoles de flics…

Acceptant ceci, les anarchistes insurrectionnels auraient bénéficié de revisiter quelques unes des idées exprimées par un de leurs penseurs les plus sérieux : le révolutionnaire italien Alfredo Bonanno.

Son travail le plus célèbre “Joie armée” (1977), est en bien des points représentatif des écrits anarchistes insurrectionnels. Certainement, cela reflète les défauts que cela implique, le plus criant étant la tendance d’écrire dans un style pédant et prétentieux. L’essai est néanmoins notoire en cela que quand il ne réduit pas simplement notre politique de lutte de classe à soit une parodie de syndicalisme conservateur ou une énumération opportuniste des mouvements sociaux, il concède beaucoup à l’analyse anarchiste de masse.

“Joie armée” balaie les “réunions”, le “modèle rigide de l’attaque frontale contre les forces capitalistes” et les efforts de “se saisir des moyens de production” au travers d’un système “d’auto-gestion”. Bonanno clarifie qu’il est bien plus impressionné par ceux qui simplement “font l’amour, fument [des joints], écoutent de la musique, vont marcher, dorment, rient, tuent des flics, des journalistes pathétiques, tuent des juges et font péter des barraquements” etc. Et pourtant, Bonanno reconnait le besoin d’auto-organisation des producteurs sur les lieux de travail” afin de mettre en place le communisme : “L’affirmation que l’humain puisse se reproduire et s’objectiver dans une non-relation de travail par des solicitations variées que cela stimule en lui.” Pour Bonanno, le communisme est un mode de production dans lequel :

“La production ne sera plus la dimension par laquelle l’Homme se détermine lui-même et cela se manifestera dans la sphère du jeu et de la joie… il sera possible de stopper la production à tout moment lorsqu’il y aura assez.”

Les plus contrariants des insurrectionistes peuvent bien prétendre autre chose, mais si les mots de Bonanno doivent avoir une cohérence, ceci revient à “une attaque frontale sur les forces capitalistes”, “prise des moyens de production” et à “l’auto-gestion” communiste, telles qu’articulées dans le mouvement de masse anarchiste classique.

Les parallèles avec la pensée anarchiste de masse (particulièrement dans le domaine de la double organisation de type “plateformiste”) sont encore plus clairs dans d’autres travaux de Bonanno, comme ceux qui décrivent une stratégie fondée sur le “nucleus de production”. Par exemple dans l’essai “Critique des méthodes syndicalistes” dans lequel il argumente en faveur de :

La lutte directe organisée par la base ; petits groupes de travailleurs qui attaquent les centres de production. Ceci serait un exercice de cohésion pour de futurs développements dans la lutte qui pourraient se produire après avoir obtenu une formation détaillée et la décision de passer à la phase finale de l’expropriation du capital, c’est à dire la révolution.

Il continue en assumant que :

La situation économique pourrait être organisée sans aucune structure oppressive la contrôlant ou la dirigeant ou décidant ses buts à atteindre. C’est ce que les travailleurs comprennent très bien. Le travailleur, l’ouvrier, sait parfaitement comment l’usine, son lieu de travail est structuré et que, cette barrière franchie, il pourrait parfaitement être capable de travailler l’économie pour l’intérêt commun. Le travailleur sait parfaitement que l’effondrement de cet obstacle voudrait dire la transformation des relations à la fois dans et hors de l’usine, l’école, la terre, et toute la société. Pour le travailleur, le concept de gestion prolétarienne est avant tout celui de la gestion de la production […] C’est donc le contrôle sur le produit qui manque de sa perspective, et avec cela, les décisions sur les lignes de production, les choix à effectuer etc […] ce qui est requis est de lui expliquer la façon dont ce mécanisme pourrait être amené à une économie communiste, comment il pourrait avoir autant de produits que l’exigent ses véritables besoins et comment il pourrait participer à une production utile et efficace en accord avec son propre potentiel.

Qui Bonanno pense t’il devrait expliquer cela ? Pas des “délégués privilégiés” ou des “salariés bureaucrates”, mais plutôt des “animateurs politiques” : des activistes qui doivent travailler dans le sens des besoins des travailleurs. “En d’autres termes, la minorité des militants anarchistes devrait encourager le développement et l’activité des “fédérations des organisations de base”, en accord avec les principes qui nous conviennent, à la poursuite à la fois de l’amélioration (au travail et en dehors du travail) tout autant que de la révolution sociale.

Notre rôle en tant que “animateurs politiques” ou “activistes” devient-il inévitablement bureaucratique si nos organisations sont impliquées dans des taches plus qu’immédiates, singulières et sont guidées par des programmes révolutionnaires à la disposition de tous ?

Bonanno note les risques pour les organisations qui donnent la priorité à leur propre reproduction comme des organisations se plaçant au dessus de leur fonction supposée. Pour des organisations de masse comme les fédérations d’associations de travailleurs, localisées au point même de la lutte, le problème devient celui de sacrifier potentiellement la lutte en faveur de l’auto-préservation.

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Mais ceci n’est pas une vision unique de l’anarchisme insurrectionnel ! Et Bonanno le sait très bien. En fait, il cite et acquiesce à ces mots de l’anarchiste hollandais Ferdinand Donnera Nieuwenhuis :

Je suis anarchiste avant toute chose, puis un syndicaliste, mais je pense que beaucoup d’entre nous sont des syndicalistes avant tout et des anarchistes ensuite. Il y a une grande différence… Le culte du syndicalisme est aussi toxique et dangereux que celui de l’État… Comme les aficionados anarchistes de la double organisation l’ont disputé depuis longtemps, ce dont on a besoin est de la capacité continue pour les anarchistes à maintenir une position anarchiste constante ; d’être capables d’agir de manière indépendante de toute organisation de masse tout en maintenant des opportunités d’intervenir dans les luttes de nos compagnons ouvriers et travailleurs.

Bonanno cite l’expérience de la CNT dans la révolution sociale espagnole démontrant le danger institutionnel et psychologique posé par “la fusion d’un mouvement anarchiste spécifique avec des organisations de masse non spécifiques de lutte et d’action directes.” La déférence montrée par tant de travailleurs envers les politiques collaboratrices de la CNT, incluant la permission à des leaders anarcho-syndicalistes de prendre des positions au sein du gouvernement, indique le besoin d’une indépendance organisationnelle des anarchistes. Cette approche stratégique nous prépare mieux pour les circonstances dans lesquelles nous devons faire sécession des positions douteuses des organisations de masse, à la fois mentalement et dans la pratique, ce qui nous permettra d’encourager une ligne révolutionnaire claire au sein du mouvement ; redirigeant notre énergie là où l’auto-organisation de la lutte nous mène.

Mais Bonanno renforce cet argument avec des citations de… Malatesta ! Qui a argumenté que le syndicalisme anarchiste était soit limité aux anarchistes et donc “faible et impuissant, juste un groupe de propagande” ou construit sur une base de classe, rendant “le programme initial […] rien d’autre qu’une formule vide.”

C’est une fois de plus Bonanno se faisant l’écho de la double organisation. Le reste de son argumentation vaut par son insistance que les organisations anarchistes ne peuvent rien faire d’autre que de se bureaucratiser et de devenir une force contre-révolutionnaire si elles adoptent une continuité dans le membership et un programme anarchiste. Il affirme aussi sans preuve que c’est la forme de “nucleus de production” qui est uniquement immune aux tendances inhérentes aux syndicats, qu’ils soient réformistes, syndicalistes révolutionnaires ou anarchistes.

Aussi peu convaincant que ce soit, il convient de noter à quel point nous sommes loins du “fumer des pétards, baiser et tuer des flics”, ou des slogans préférés des admirateurs contemporains de Bonanno, appelant à la “destruction de l’économie”, “de la production”, et à l’abandon des vieux rêves comme “l’auto-gestion révolutionnaire”.

Si les anarchistes insurrectionnels, fatigués des émeutes sans fin et désorientés par le retour de l’organisation de terrain, peuvent parvenir aussi loin que le meilleur travail de Bonanno, peut-être alors pourront-ils aussi se permettre de concéder que la tradition anarchiste de masse est quelque chose qui vaut la peine d’être ranimé.

Laissons en place les groupes d’affinité ; pensons ensemble le monde et comment le changer ; écrivez vos idées et partagez les avec vos camarades, parlez, discutez avec vos collègues de travail sur le comment agir contre les patrons, diffusez les informations de lutte partout ; reconnaissez où réside notre pouvoir au sein de la société capitaliste et utilisez ce pouvoir.

Construisons la capacité organisationnelle de lutte au sein de nos industries respectives. Dans le processus de cette lutte, nous pouvons de la même manière construire la capacité de “saisir le contrôle des moyens de production” (excusez cette phrase poussiéreuse…). Ceci demande que nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir pour encourager le renouvellement d’un mouvement militant des travailleurs, avec une coordination au travers de l’économie et des liens avec des mouvements sociaux radicaux au-delà des lieux de travail.

Pour ceux vraiment intéressés à l’anarchie et au communisme, ceci demeure une tache centrale.

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Les anarchistes et le parlementarisme : élections et changement social

Il y a ceux qui maintenant se considèrent anarchistes et qui nous disent “Oui, l’anarchie est notre but, mais nous sommes très loin de sa réalisation et nous devons penser à désespérément gagner des réformes tant attendues. Ceci veut dire faire campagne pour des politiciens, même faire campagne pour nous faire élire de façon à ce que des lois puissent être passées dans l’intérêt de la classe travailleuse.”

Il y a plusieurs problèmes avec de tels propos. D’abord, il est important de clarifier que l’anarchisme non seulement comprend une croyance dans l’idéal de l’anarchie, d’une société sans domination, sans état, sans argent et sans capitalisme etc… mais aussi une méthode, une théorie de changement social, basée sur une analyse spécifique des relations sociales, des processus et des institutions existants.

Tout communiste, même le plus enthousiaste champion du pouvoir étatique (tenu entre les mains des “communistes”, bien entendu…) peut affirmer que l’abolition du capitalisme et de l’État sont ses buts ultimes et indéfectibles. Ils peuvent même réellement croire que leurs tactiques autoritaires sont les seules capables d’y parvenir. Marx lui-même concéda que l’idéal de l’anarchie était consistant avec sa vision du communisme, bien qu’il se fit l’avocat d’une politique électorale et d’une forme “d’état révolutionnaire transitoire” comme moyen d’y parvenir. Il est important de réitérer le fait que ce qui distingue vraiment l’anarchisme n’est pas seulement le but, mais aussi notre insistance sur une unité nécessaire entre les moyens et les fins ; sur le besoin d’agir en dehors et contre l’État, plutôt qu’à travers lui.

Une erreur identique est l’idée qu’une telle vue n’est importante que quand une révolution semble imminente et que, en attendant, nous devrions nous impliquer politiquement dans les campagnes de politique électorale pour changer les parlements et donc les législations comme un moyen n’étant que “la seule façon d’accomplir des réformes”.

Les anarchistes rejettent cette forme de compréhension sur le comment le changement social, même réformiste, se produit. Les changements dans les gouvernements et les politiques sont motivés par les besoins d’ajustement de l’État et du capital, dans des paramètres établis par l’équilibre existant des forces de classes. Les réformes ne sont pas le produit de bonnes ou de mauvaises idées, de politiciens ou de législations changeantes, mais sont plutôt le résultat de l’État servant les meilleurs intérêts du capitalisme en tant que système. Lorsqu’il y a une pression soutenue d’en bas, dirigée contre les patrons et les gouvernements, la classe dirigeante doit s’adapter à la menace posée au profit et à la stabilité du système. Lorsque la force brute n’est pas suffisante pour éliminer le danger de l’activité de la classe du travail organisée, la menace est pacifiée par des concessions et la récupération de la grogne au profit du système.

Les victoires électorales et parlementaires (incluant les referendums et les assemblées constituantes) sont souvent étiquetées comme faussées, mais nécessaires, des culminations de l’énergie du mouvement social en un “véritable pouvoir”. En fait, ceci devrait être vu et compris comme étant l’effort de canaliser l’activité extra-parlementaire, le seul pouvoir que nous ayons, en des formes gérables, légales et contrôlables à terme sans aucun danger pour le système.

Quiconque examine avec sérieux les archives historiques trouvera que cela a toujours été la lutte et l’action directes et jamais la politique légale, qui ont permis de faire changer les choses. Ainsi, les anarchistes affirment que les réformes et la révolution sont le résultat de la même sorte d’activité. Cela ne peut pas être séparé…

Grèves, sabotage, blocages, désobéissance civile, émeutes, insurrection : ce ne sont pas seulement les outils de la révolution, mais les seules armes que nous ayons à notre disposition pour changer les choses radicalement. Ce sont aussi une passerelle entre deux objectifs : réforme et révolution, en ce que cela bâtit notre capacité à mettre la pression sur les patrons et les gouvernements tout en développant nos forces, nos idées et notre confiance en nous-mêmes pour nous départir de toutes les formes d’oppression et d’exploitation, que nous avons l’intention intangible de remplacer par la société libre communiste.

Les campagnes électorales, la routine du boulot quotidien de la bureaucratie parlementaire et l’exercice du pouvoir d’état, ne font que distraire et détourner l’attention des travailleurs, nous détourner de l’auto-organisation, de l’autonomie et de la lutte de classe. Cela nous mélange de manière toxique dans des modèles d’organisation autoritaires et donne pour tache à ceux qui gèrent d’obtenir des positions dans le système politique, dans le gouvernement en maintenant les intérêts d’une classe propriétaire exploiteuse, dont les intérêts (vu leur contrôle absolu de la vie économique de la société) doivent être servis par l’État de manière inévitable et que tout gouvernement se doit de produire immanquablement s’il veut continuer d’être gouvernement ayant le pouvoir de gouverner la société en tant qu’élite privilégiée.

Les anarchistes pensent ces tactiques nécessaires au vu de l’attitude de ceux qui ont pris part, quelques soient les croyances personnelles ou leurs intentions. Ceci n’est pas une question de corruption ou de trahison, mais plutôt d’impératifs systémiques et de logique institutionnelle qui ne peuvent pas être dépassés, résolus par même les plus radicaux des politiciens. (NdT : pour la France, pensez à des gugusses du style Mélenchon ou Cohn Bendit… tous deux de bons petits roquets du système trompant leur monde depuis des lustres…)

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Ce qui nous ramène à ce principe qui est au cœur même de l’anarchisme : l’unité nécessaire entre les moyens et les fins. Comme je l’ai déjà dit, ceci demande que nous refusions toute participation à la politique électorale ou à la formation de tout autre “nouvel” ´état, quelle soit ses prétentions “révolutionnaires”. Mais cela veut aussi dire que nous devons nous organiser, prendre des décisions (NdT : c’est à dire d’exercer le pouvoir qui est inhérent à la société humaine, il n’y a pas et ne saurait y avoir de “société sans pouvoir”, il n’y a que le pouvoir non-coercitif et le pouvoir coercitif, comment repasse t’on de ce dernier au premier ? cf P. Clastres et notre résolution de son aporie d’anthropologie politique…) et agir de telle façon que cela reflète à la fois l’idéal pour lequel nous œuvrons pour établir et directement altérer l’équilibre des forces de classe, ce sans déférence que ce soit envers des leaders ou des institutions de quelque sorte que ce soit. Nos organisations doivent être construites de manière libre depuis la base et notre stratégie d’orientation doit aller vers l’action directe contre les patrons et les gouvernements.

En commentaire final, cela vaut la peine de noter que cette analyse institutionnelle de l’État s’étend également au niveau local ou municipal et que l’anarchisme ne peut pas se réconcilier avec de telles expériences de “démocratie de mairie” ou “directe”. La rupture de Murray Bookchin avec l’anarchisme à la fin des années 90 semble avoir été “oubliée” par les anarchistes qui recherchent maintenant une inspiration du côté de sa théorie sur le municipalisme (libertaire). Ses suiveurs se font à tort, l’écho de la croyance municipaliste qui veut que les impératifs structurels de l’état capitaliste disparaissent plus un corps gouvernemental se rapproche de sa population. Malheureusement, pour les municipalistes, les formes organisationnelles de la politique parlementaire, les manières dont elles nous transforment et nous changent en tant que peuple et leur fonction au sein de la société capitaliste, demeurent toutes identiques au niveau du conseil municipal. Un socialisme d’état de localité est toujours un socialisme d’état.

Le texte complet en PDF :
Matt-Crossin-Anarchie-et-double-pouvoir-notes-critiques-sur-le-developpement-du-mouvement-anarchiste

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Il n’y a pas de solution au sein du système ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

+

4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

 

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Lire, analyser, comprendre pour un changement faste de notre société, 1ère partie (Résistance 71)

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, écologie & climat, économie, crise mondiale, démocratie participative, documentaire, gilets jaunes, guerres hégémoniques, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, politique et lobbyisme, politique et social, résistance politique, société des sociétés, société libertaire, syndicalisme et anarchisme, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , on 4 juillet 2022 by Résistance 71

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Résistance 71

4 juillet 2022

1ère parte : introduction
2ème partie : Histoire, anthropologie et archéologie
3ème partie : Science
4ème partie : religion et philosophie
5ème partie : spirituel et arts
6ème partie : analyse politique
7ème partie : colonialisme
8ème partie : anarchie et société des sociétés

Changer de paradigme politico-social et marcher sur le chemin de l’émancipation de notre société ne se produiront pas par une opération magique ou miraculeuse. Personne ne viendra nous sauver. La solution est en nous et nulle part ailleurs.
Pour comprendre qu’il n’y a pas de solution à notre oppression et notre exploitation au sein du système étatico-marchand, il faut déjà bien comprendre ses rouages et comment la tyrannie de la société pyramidale opère pour perdurer depuis des siècles et des siècles.
Au fil des années, nous avons écrit, traduit, publié bon nombre de textes essentiels à une compréhension optimale de quoi il retourne dans notre société, mettant en point d’orgue les effets néfastes et pervers de la société tyrannique étatico-marchande prévalente dans sa forme la plus décadente depuis plus d’un siècle et de la solution potentielle à y apporter. La plupart de ces textes importants ont été publiés en format PDF pour une plus grande facilitation à la lecture et à leur diffusion au grand large. Ils sont ici réunis dans notre bibliothèque PDF qui regroupe quelques 300 publications sous ce format depuis 2016.
Dans les semaines estivales à venir, nous allons suggérer quelques lectures vitales par thèmes.
Comme on n’est jamais si bien servi que par soi-même, voici pour commencer, notre analyse et notre testament politique à Résistance 71, en deux essais publiés en 2017 et 2019 et compilés en 2020 dans ce PDF et qui constitue la synthèse de quelques deux décennies de réflexion et d’analyse politique des membres de notre collectif, à (re)lire et diffuser sans aucune modération :

« Du chemin de la société vers son humanité réalisée »
PDF

Plus de lectures choisies dans les semaines à venir, bonne lecture à toutes et à tous !

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Un autre appel du 18 juin… 1937 celui-là !

Posted in 3eme guerre mondiale, actualité, altermondialisme, autogestion, crise mondiale, démocratie participative, documentaire, gilets jaunes, guerres hégémoniques, militantisme alternatif, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, philosophie, politique et social, politique française, résistance politique, société des sociétés, société libertaire, syndicalisme et anarchisme, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , on 18 juin 2022 by Résistance 71

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Union Communiste : Action sans confusion !

Source :
http://guerredeclasse.fr/2022/06/10/union-communiste-il-faut-agir-mais-pas-dans-la-confusion/

Tract distribué il y a 85 ans, le 18 juin 1937 au Vel d’Hiv’ de Paris lors d’un meeting politique.

18 juin 2022

Union Communiste
Camarades anarchistes ! Ouvriers révolutionnaires !

Vous avez été conviés à ce meeting pour écouter la voix de la C.N.T. C’est en effet au nom du Comité national de la C.N.T. que Garcia Oliver et Federica Montseny parleront, mais ce n’est pas au nom des ouvriers révolutionnaires d’Espagne, ni des membres de la C.N.T. et de la F.A.I.

Garcia Oliver et Federica Montseny sont deux ministres anarchistes du gouvernement Caballero, lequel gouvernement porte la responsabilité d’avoir provoqué les journées de mai à Barcelone et réprimé le mouvement des ouvriers qui, en armes, défendaient leurs conquêtes menacées.

Garcia Oliver et Federica Montseny sont les plus représentatifs de ces dirigeants de la C.N.T. et de la F.A.I. dont les « Amis de Durruti » ont qualifié ainsi le rôle au cours des journées de mai :

« Nous savions par avance que les comités responsables de la C.N.T. ne pouvaient faire autre chose que de mettre des obstacles à l’avance du prolétariat… Nous sommes les Amis de Durruti et nous avons suffisamment d’autorité pour désavouer ces individus qui ont trahi la classe ouvrière par incapacité et par lâcheté. Quand nous n’avons plus d’ennemis en face, ils remettent de nouveau le pouvoir à Companys, l’ordre public au gouvernement réactionnaire de Valence, et la Conseillerie de Défense au général Pozas. La trahison est formidable. » (Manifeste des « Amis de Durruti » du 8 mai).

Ceux qui ont dit cela luttaient à la tête des ouvriers révolutionnaires de Barcelone, sur les barricades, alors que Garcia Oliver et Federica Montseny accouraient de Valence pour lancer, du poste de radio de la Généralité, des appels au calme et à la cessation de la grève générale.

C’est la trahison des Garcia Oliver, Federica Montseny et de la direction cénétiste qui a permis aux staliniens et aux gardes d’assaut d’assassiner lâchement de nombreux militants révolutionnaires, parmi lesquels C. Berneri et le jeune Francisco Ferrer; et si depuis mai, le gouvernement de Valence peut se permettre de pourchasser les camarades des Amis de Durruti, du POUM, des Jeunesses libertaires et poumistes, ainsi que tous les ouvriers qui veulent conserver leur armes pour défendre les conquêtes de juillet, les Garcia Oliver et Federica Montseny en portent la responsabilité.

Camarades anarchistes ! Ouvriers révolutionnaires !

L’Union anarchiste vous demande de taire vos critiques et de répondre avec « bienveillance » à l’appel du Comité national de la C.N.T. C’est impossible.

Solidarité internationale effective avec les travailleurs espagnols, oui. Avec ceux qui les ont trahis, non.

Ceux qui, seuls, pourraient exprimer à ce meeting la position des ouvriers de la C.N.T. et de la F.A.I., ceux-là sont emprisonnés ou contraints à l’illégalité pour échapper à la répression.

Garcia Oliver et Federica Montseny viennent essayer de justifier leur trahison. Ils vous diront que pour conserver l’unité du front antifasciste, il fallait éviter de triompher des forces contre-révolutionnaires. « Ni vainqueurs, ni vaincus », disaient-ils, pour faire cesser le combat dans les rues de Barcelone.

En fait, après avoir, depuis le 19 juillet 1936, capitulé bien des fois devant les exigences de la bourgeoisie, au nom de l’unité antifasciste, les dirigeants anarchistes en sont arrivés à trahir ouvertement la cause ouvrière.

L’unité antifasciste a été la soumission à la bourgeoisie, elle a mené aux victoires militaires de Franco et aux victoires de la contre-révolution à l’arrière du front.

Camarades, la lutte des classes ne connaît pas de trêve. L’évolution de la situation en Espagne a montré que la bourgeoisie n’a qu’un ennemi : le prolétariat. Pour ne pas l’avoir compris à temps, les travailleurs espagnols viennent de subir une grave défaite. Et maintenant, la bourgeoisie « républicaine et démocratique » va préparer le compromis avec Franco, sous la pression des impérialismes qui imposent leur « médiation ».

Pour battre Franco, il fallait battre Companys et Caballero. Pour vaincre le fascisme, il fallait écraser la bourgeoisie et ses alliés staliniens et socialistes. Il fallait détruire complètement l’État capitaliste et instaurer un pouvoir ouvrier issu des comités de base des travailleurs.

L’apolitisme anarchiste a fait faillite. Pour n’avoir pas voulu faire la politique du prolétariat, les dirigeants de la C.N.T. ont fait celle de la bourgeoisie. Tel est un des grands enseignements de la lutte de nos frères d’Espagne.

Leur lutte n’est pas terminée

Bien des illusions sont tombées après ces journées de mai. Sans aucun doute, nombreux sont les ouvriers qui se préparent à une lutte acharnée.

Constituer des comités de défense de la révolution est leur mot d’ordre. Le pouvoir aux ouvriers est leur objectif.

Pour vaincre le bloc de la bourgeoisie et de ses alliés staliniens, socialistes et dirigeants cénétistes, ils devront rompre nettement avec les traîtres de toutes tendances. Leur avant-garde, c’est-à-dire les militants révolutionnaires des Amis de Durruti, du POUM, des Jeunesses doit se regrouper pour élaborer le programme de la révolution prolétarienne.

Mais, le prolétariat international doit aussi agir

Sinon, nos compagnons d’Espagne seront définitivement battus et nous aussi. La bourgeoisie internationale, y compris la néo-bourgeoisie russe, s’est coalisée contre la révolution espagnole, malgré les antagonismes qui opposent irréductiblement les différents impérialismes.

En France, le Front populaire, le gouvernement Blum, les partis traîtres, les dirigeants syndicaux agissent d’accord avec la bourgeoisie pour étrangler la révolution espagnole. Et si la république espagnole les intéresse, c’est parce qu’à travers elle, l’impérialisme français peut lutter contre les autres impérialismes.

Au moment où le gouvernement « antifasciste » d’Espagne assassine nos camarades, emprisonne et pourchasse les Amis de Durruti, des Jeunesses libertaires et poumistes, notre devoir est d’appeler les travailleurs de toutes les entreprises, bureaux et chantiers, à passer à l’action directe contre les complices français des contre-révolutionnaires d’Espagne, contre ceux qui s’apprêtent à réduire de nouveau nos propres conditions d’existence, contre ceux qui se préparent à entraîner le prolétariat dans une nouvelle guerre impérialiste.

Il faut agir, mais pas dans la confusion

Les révolutionnaires doivent et peuvent s’unir, mais en brisant tous liens avec les partis traîtres et en combattant nettement dans les syndicats les dirigeants staliniens et réformistes.

II n’est pas d’autre voie pour entraîner le prolétariat à l’action, en toute indépendance de classe, et pour frayer la voie à la révolution prolétarienne mondiale.

= = =

Indépendamment, Jo a réactualisé notre diffusion PDF de 2017 « L’anarchie expliquée à la jeunesse » en une très belle version 2022 tenant compte de l’oppression accrue qui nous étouffe toujours plus, jour après jour, semaine après semaine… A lire et diffuser au grand large :

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Il n’y a pas de solution au sein du système ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

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Deux communiqués sur la guerre en Ukraine à diffuser sans modération :

R71 ON NE SE SOUMETTRA PAS

BPKM

Changement de paradigme politique : futilité de toute réforme de l’État, anarchie de l’idée à la pratique… L’anarchisme afro-américain (William C. Anderson)

Posted in 3eme guerre mondiale, actualité, altermondialisme, autogestion, colonialisme, crise mondiale, démocratie participative, gilets jaunes, guerres hégémoniques, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, philosophie, politique et social, résistance politique, société des sociétés, syndicalisme et anarchisme, technologie et totalitarisme with tags , , , , , , , , , , , , , , on 22 mai 2022 by Résistance 71

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A lire : “L’anarchisme africain, histoire d’un mouvement”, Sam Mbah

Et un paquet de lectures complémentaires sous l’article à (re)lire et diffuser sans aucune modération…
~ Résistance 71 ~

Il n’y a pas de solution au sein du système, n’y en a jamais eu et ne saurait y en avoir… Qu’on se le dise et agisse en conséquence !
~ Résistance 71 ~

“Quand le sage montre la lune, l’idiot regarde le doigt.”
~ proverbe chinois ~

Quand le politicien, marchand montre la lune, l’anarchiste regarde ce que fait l’autre main… elle lui fait sûrement les poches.
~ Résistance 71 ~

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Toute réforme de l’État n’est pas du tout suffisante, notre temps demande l’anarchisme noir

Pour bon nombre de marginalisés, l’État n’a fait que leur botter le cul…

William C. Anderson

Mai 2022

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

“Pour le moment, le monde est dans une impasse. Ceci ne veut dire qu’une chose : non pas qu’il n’y a pas de sortie possible, mais que le temps est venu d’abandonner les modes anciens qui nous ont mené à la fraude, à la tyrannie et au meurtre.”
~ Aimé Césaire ~

Je ne vais pas ici expliquer l’anarchisme noir, parce que celui-ci s’explique de lui-même. Les temps que nous vivons justifient sa validité. Une politique qui ne peut concevoir la libération qu’au travers l’appareil de l’état-nation ne peut en aucun cas servir le peuple qui tombe toujours hors de ses considérations.

Ceux qui sont le plus marginalisés (NdT : tout le monde en fait… pas d’exception !) ne sont pas libérés par ces formes d’état qui n’ont fait que  les tuer, les exclure et leur botter le cul. Les pauvres, les apatrides, les migrants et les opprimés de toutes sortes sont sacrifiables selon les classes dirigeants du monde.

Une transformation radicale (NdT : depuis la racine des choses) passe par le pouvoir retournant directement entre les mains des gens eux-mêmes, sans minimiser la diversité au nom de frontières, de citoyenneté et de l’homogénéisation des identités nationales.

Qu’est-ce que cela voudrait dire si les gens se représentaient directement en lieu et place des administrations des états-nations, de politiciens et de dirigeants parlant sol-disant pour eux ? Aux Etats-Unis, pendant la période de la lutte pour les droits civils et du Black Power, cette question mena au développement de l’anarchisme noir et de l’autonomie noire, au travers du travail de radicaux noirs qui se tournèrent alors vers un socialisme sans état et bien plus.

Lucy Parsons, une afro-américaine ex-esclave, fut une des anarchistes noirs des origines. Un pilier du mouvement ouvrier des années 1920 et connue pour être une véhémente oratrice. Elle fut décrite par la police de Chicago comme “plus dangereuse que 1000 émeutiers”. Parsons avait une relation compliquée avec son identité raciale, ce qui fait partie de sa longue et dynamique histoire.

Parsons intervint longtemps avant les avancées faites durant l’époque de la lutte pour les droits civils, le réformisme et le mouvement du Black Power et les politique étatique qui représente l’anarchisme noir moderne. La cohorte américaine responsable de développer cela inclut de manière non exhaustive : Martin Sostre, Lorenzo Kom’boa Ervin, Kuwasi Belagoon, JoNina Ervin, Ojore Lutalo et Ashanti Alston.

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Martin Sostre

Sostre, décédé en 2015, était un prisonnier politique auto-proclamé de renommée internationale qui, presque à lui seul, transforma le système carcéral américain par ses poursuites en justice. Il fut un éducateur de communauté et gagna bien des victoires pour les droits des prisonniers, des libertés politique et religieuse à la restriction des peines d’isolement en passant par l’opposition à la censure de la littérature dans les prisons.

Lorenzo Kom’boa Ervin, qui fut un élève de Sostre, est un ancien membres des Black Panthers et activiste au Student Nonviolent Coordinating Committee, une organisation clef du mouvement de lutte pour les droits civils américain. JoNina Ervin, qui finalement épousa Lorenzo, est aussi une ex-Panther et fut la dernière rédactrice en chef du journal du Black Panther Party.

Alston, Lutalo et Balagoon étaient membres des Black Panthers et de la Black Liberation Army. Lutalo fut introduit à l’anarchisme par Kuwasi, qui amena sa perspective unique en tant qu’anarchiste New Afrikan.

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Ils ne furent que quelques uns de ces révolutionnaires noirs qui décidèrent qu’au lieu de se choisir une nouvelle représentation, une nouvelle réforme (NdT : stérile…) et de nouveaux maîtres, ils ne voulaient en fait pas de maîtres du tout…

Je suis venu à l’anarchisme noir il y a un peu plus de 10 ans et l’ai assimilé tranquillement au sein des espaces du mouvement de la gauche socialiste d’état dominant dans lequel il ne cadrait pas du tout. J’ai regardé, observé l’anarchisme en général être harangué comme utopique, chaotique, blanc et non-pratique, alors que les gens régurgitaient les vieilles maximes politiques au sujet de la construction d’un état réformé ou révolutionnaire. J’ai eu autrefois les mêmes vues sur la réforme de l’état avant de comprendre l’anarchisme en ses termes propres et non pas fondés sur des mauvaises compréhensions et interprétations populaires ou individuelles.

L’histoire de l’anarchisme noir a été complètement négligée et, rétrospectivement, je comprends pourquoi elle devait l’être. L’anarchisme est une menace sur laquelle beaucoup peuvent s’accorder. Ne pas faire des populations une partie des états-nations pose un grave danger à l’ordre du monde que nous connaissons. Le fait même que des factions ´´tactiques à la fois de la droite et de la gauche utilisent l’anarchisme comme le croquemitaine à cibler est tout à fait crucial. Ceux qui sont préoccupés à atteindre le pouvoir d’état ou à en faire une arme pour leurs propres objectifs se sentiront régulièrement menacées par ceux qui ne voient pas l’État comme le seul moyen et arbitre de la libération.

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L’anarchisme noir rejette l’autorité coercitive et oppressive de ces hiérarchies pyramidales existantes au sein de tout le spectre politique. Il ne prétend pas que quiconque affirmant (ou ayant affirmé) être un libérateur, parlant au nom des masses, ne puisse pas commettre d’atrocités. Il reconnaît que justement en reconnaissant ceci plutôt qu’en le niant, donne plus de force à la croissance des mouvements.

Dans mon nouveau livre “La nation sur aucune carte”, j’étends ma pensée autour de “l’anarchie de la négritude” comme elle apparaît au travers de la condition non étatique des noirs dans la diaspora africaine. Ceci n’est pas juste théorique. Ce que je souligne est la réalité de la migration noire, forcée ou autre et la mise en esclavage. C’est pourquoi dans mon livre, je fais cas du comment l’histoire anarchiste noire peut appeler et être en adéquation avec un mouvement abolitionniste nouvellement revigoré, entre autres choses.

Les vies de bon nombre des anarchistes noirs historiques que j’ai mentionnés tracent un chemin familier de croissance et de développement. Beaucoup ont traversé le mouvement des droits civils vers les mouvements de nationalisme noir et du Black Power avant d’arriver finalement à l’anarchisme. Ces mouvements ne sont en aucun cas la même chose et nous devons leur laisser leur diversité. Il y a de multiples anarchismes noirs, de tendances et d’autonomies. Ce qu’ils ont fait avec l’anarchisme une fois qu’ils y furent arrivés est juste quelque chose d’aussi multiface que les anarchismes historiques classiques le sont. Une similarité que beaucoup partagent est la réjection de ce que Sostre appelait “la ligne de bois de parti”. Il rejetait “une ligne politique abstraite ou idéologique” en faveur de la lutte pour “des êtres humains ayant des vies à remplir.”

Sostre est une raison pour laquelle je vois l’anarchisme noir comme une partie de la politique et de l’histoire qui n’est pas nébuleuse au point de devenir incohérente. C’est plutôt suffisamment réaliste pour maintenir le poids de la différence de la vérité qui a été régulièrement perdu historiquement dans les volontés des leaders politiques affirmant qu’ils “représentent les gens”. Le peuple est les gens eux-mêmes et pas un de ces ballons de foot à la disposition de quiconque espère l’utiliser. Nous faisons tous partie des “gens”, du “peuple”.

Nous luttons pour une existence là où il n’y aura pas d’état pour nous déporter, nous déposséder, nous détenir, nous assassiner, nous emprisonner, nous polluer et nous policer pour le profit exclusif d’une soi-disant élite dominant le monde. Nous parlons ici de détruire la machinerie même de l’oppression, et pas de lui redonner un nom ou de la rendre plus “acceptable”, plus “vertueuse”, afin qu’à terme, elle puisse encore nous opprimer. Voilà pourquoi pour moi, l’anarchisme noir veut dire s’éloigner et transcender tous les gauchismes inondés, noyés dans des raisonnements binaires du “c’est soit ceci ou soit cela…” Nous luttons pour quelque chose de bien plus grand !

Il y a une porte de sortie et il y a un signe l’indiquant, je montre ce signe, alors, ne restez pas coincés et béats à regarder mon doigt.

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Lectures complémentaires en PDF

“L’anarchisme africain, histoire d’un mouvement”, Sam Mbah

“Discours sur le colonialisme”, Aimé Césaire 

“Nous sommes tous des colonisés”, Résistance 71

“Gouverner par le chaos”, ingénierie sociale de idéologie dominante 

“Appel au socialisme”, Gustav Landauer

“La morale anarchiste”, Pierre Kropotkine

“Le monde nouveau”, Pierre Besnard

“La liberté de chacun par la liberté de tous”, Eric Mühsam

“Que faire ?”, Résistance 71

“Anarchie, de la théorie à la pratique”, Rudolph Rocker

“De la Commune à la pratique anarchiste”, Louise Michel

“Regard anarchiste sur la vie”, Emma Goldman

“Une anarchiste américaine”, Voltairine Decleyre

« Un monde sans argent », Yan-Ber Tillemon

“Pourquoi suis-je anarchiste ?”, Zénon

“Inversion”, Zénon

“Pour tout changer, un appel anarchiste”, CrimethInc

“Le communisme anarchiste”, Sam Dolgoff

« La synthèse anarchiste », Voline

« 1871-2021… De l’esprit communard aux Gilets Jaunes », compilation JBL1960

Et toujours bien entendu…

Il n’y a pas de solution au sein du système ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

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Deux communiqués sur la guerre en Ukraine à diffuser sans modération :

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Illusion démocratique et mascarade électorale 2022 : La trahison de Mélenchon ! (OSRE)

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, crise mondiale, démocratie participative, désinformation, gilets jaunes, média et propagande, militantisme alternatif, N.O.M, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, police politique et totalitarisme, politique et lobbyisme, politique et social, politique française, société des sociétés, syndicalisme et anarchisme, technologie et totalitarisme, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , , , on 14 avril 2022 by Résistance 71

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La mascarade électorale n’a d’égale que la mascarade politique dont on nous abreuve du berceau au tombeau. L’illusion démocratique est tenace mais les peuples auront sa peau ! La Méluche n’est qu’un avatar de cette escroquerie « démocratique » ne servant de fait qu’à donner le change, à faire façade « honorable » de ce pseudo-processus démocratique qu’est la république représentative.
BOYCOTT de toute cette merdasse qui se moque du peuple depuis des lustres et changeons notre rapport aux institutions en les ignorant et en les remplaçant par les associations libres de l’entraide et de la complémentarité bien ordonnée. Tout le reste n’est que pisser dans un violon !
Tout le pouvoir aux ronds-points !…

~ Résistance 71 ~

La trahison de Mélenchon !

Rébellion / OSRE

14 avril 2022

Url d l’article original : https://rebellion-sre.fr/la-trahison-melenchon/

L’appel grotesque de Mélenchon quelques heures seulement après les résultats du premier tour aura un goût amer pour de nombreux électeurs sincères de La France Insoumise (LFI). Dire qu’il ne faut pas voter pour Marine Le Pen avec tant d’insistance revient à choisir la réélection la plus facile possible pour Emmanuel Macron. Autrement dit : le leader maximo de LFI appelle ses électeurs à se soumettre une fois de plus au « vote utile » et à supporter cinq ans de plus la mainmise du candidat de l’oligarchie. 

Selon Le Canard enchaîné, Macron et Mélenchon auraient échangé des SMS dès le dimanche soir du premier tour. Le message du leader « insoumis » est ainsi résumé : « J’ai clairement pris position contre Le Pen. À vous, maintenant, de donner des signes clairs à nos électeurs pour leur permettre de bouger. » Traduisons : pour permettre aux électeurs issus des milieux populaires d’aller voter pour celui qui s’applique depuis des années à détruire ce qui restait des acquis sociaux et du service public et à vendre à la découpe les entreprises d’Etat.

Cette consigne de vote n’est dès lors pas une faute, c’est une trahison ! La trahison des électeurs populaires qui ont cru sincèrement ce vieux routier des magouilles politiciennes. Faut-il rappeler que pendant 3 ans et demi, les opposants à Macron et à sa politique ont battu le pavé en réaction à sa politique : révolte des Gilets Jaunes d’abord puis réaction aux mesures liberticides liées prétendument à la crise covidienne (sans justification sanitaire) puis manifestation contre les suspensions des soignants non vaccinés. Et il voudrait que ces mêmes manifestants et leurs familles aillent voter pour celui qu’ils n’ont eu de cesse de combattre. La girouette mélanchonienne passée du trotskisme (lambertiste) à la social-démocratie centriste (rappelons au passage qu’il fut en 1992 un fervent partisan de Maastricht !), avant de muter en républicain souverainiste. Son ultime incarnation en porte-drapeau du wokisme néolibéral le plus abject achève une carrière sans autre cap que son ego de politicien professionnel. 

Comme les autres tenants de la Gauche, Mélenchon fait le choix du maintien du Système pseudo démocratique contre le Peuple. Sa trajectoire politicienne d’apparatchik parisien se termine donc par un ralliement logique à la figure du candidat de l’oligarchie  mondialiste. 

Mélenchon a, une fois de plus, choisi son camp dans la lutte des classes. Il a berné une partie des classes populaires pour les vendre à la bourgeoisie mondialiste et déracinée qui ne connaît ni frontières (morales tout comme nationales) ni attaches.

Le « cas de Mélanchon » révèle que leur démocratie dite « représentative » n’est rien d’autre qu’une ruse, la plus brillante, conçue pour légitimer le système oligarque qui divise et règne en France et dans le reste du monde. Les partis et les médias qui soutiennent le Système sont financés par les mêmes oligarques qui nous parlent de démocratie et méprisent toute révolte populaire faite au nom de la dignité du peuple !

Français n’écoutez donc plus les traitres patentés du Système (qu’ils soient de gauche ou de droite) ! Renvoyons ces politicards aux poubelles de l’Histoire ! Qu’un seul cri remplisse nos âmes : Révolution ! Sécession ! Socialisme !

La rédaction de Rébellion

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Il n’y a pas de solution au sein du système, n’y en a jamais eu et ne saurait y en avoir ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

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Deux communiqués sur la guerre en Ukraine à diffuser sans modération :

voter-cest-abdiquer
Votards !… Vous n’avez aucun droit de vous plaindre,
votre action valide et cautionne le système de l’illusion
et enterre la souveraineté de tous !

Retour aux fondamentaux !… Nous avons déniché cette perle de texte : « Anarchisme, sciences sociales et autonomie du social » de Julien Vignet…

Posted in actualité, altermondialisme, démocratie participative, documentaire, militantisme alternatif, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, philosophie, politique et lobbyisme, politique et social, politique française, résistance politique, société des sociétés, société libertaire, syndicalisme et anarchisme, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , on 8 novembre 2021 by Résistance 71

GJRP
Tout le pouvoir aux ronds-points !… Vive la Commune Universelle !…

Nous avons récemment déniché ce texte… Une véritable perle, qui peut servir de base à une compréhension à la fois a minima mais aussi profonde de l’anarchie. Difficile de mieux résumé la pensée et l’action anarchiste depuis ses origines. Ce texte est une excellente base pour ceux qui désirent creuser plus avant et débroussailler le chemin de notre humanité réalisée.
A lire et diffuser sans modération. Jo va sûrement nous en faire un PDF canon… Qu’elle en soit remerciée par avance.
~ Résistance 71 ~

Anarchisme, sciences sociales et autonomie du social

Julien Vignet

Source:
http://www.journaldumauss.net/?Anarchisme-sciences-sociales-et-autonomie-du-social

Novembre 2018

L’anarchie des anarchistes n’est pas le chaos, le désordre, ni le laissez-faire poussé jusqu’au bout des libéraux. Ils promeuvent en réalité une constitution sociale de la société, plutôt qu’une constitution politique ou religieuse. Ce sont les individus ordinaires, à la base, qui décident de se regrouper librement et dans les formes qui leur conviennent. Cette autonomie du social est aussi à la base des sciences sociales, qui émergent en même temps que l’anarchisme. Proudhon et Bakounine sont deux figures de l’anarchisme historique permettant de dévoiler les passerelles entre anarchisme et sciences sociales à partir de cette autonomie du social. En même temps, les anarchistes participent à remettre la science à sa place, mettant en garde contre le gouvernement des savants et développant des pratiques populaires pour entraver la spécialisation et l’émergence d’une élite séparée de scientifiques.

Anarchy of anarchists is not chaos, disorder, or laissez-faire pushed to the end of the liberals. They actually promote a social constitution of society, rather than a political or religious constitution. It is the ordinary individuals, at the base, who decide to group themselves freely and in the forms that suit them. This autonomy of the social is also at the base of social sciences, which emerge at the same time as anarchism. Proudhon and Bakunin are two figures of historical anarchism that unravel the links between anarchism and social sciences from this social autonomy. At the same time, anarchists are helping to put science back in its place, warning against the government of scientists and developing popular practices to impede the specialization and emergence of a separate elite of scientists.
Julien Vignet est sociologue, CERReV, Université de Caen Normandie.

Les anarchistes portent une conception particulière de la vie sociale. En révolte aussi bien contre les structures hiérarchiques anciennes, comme la religion, que face à l’ordre capitaliste se mettant alors en place, ils et elles ont une détestation de la politique. C’est comme si la vie sociale était entravée par l’Etat, le capital et la religion.

Cependant, les anarchistes [1] ne promeuvent pas le laissez-faire à la manière des économistes libéraux. Ils et elles en sont de farouches opposants. L’anarchie est, à certains égards, une sorte de constitution sociale, par les gens eux-mêmes et leurs activités, plutôt qu’une constitution à partir de l’hétéronomie de la politique, de l’économie capitaliste ou de la religion. Or, cette autonomie du social n’est-elle pas aussi à la base des sciences sociales, qui émergent en même temps que l’anarchisme ?

Nous nous intéresserons à cette autonomie du social chez deux figures de l’anarchisme historique, à savoir Proudhon et Bakounine, qui ont par ailleurs appuyé leurs propositions révolutionnaires sur des analyses empruntant à la science de l’époque. Nous essaierons ensuite de creuser la question de savoir sur quel fondement les anarchistes font reposer cette sorte d’intelligence intrinsèque du social, avant d’évoquer les formes d’organisation sociale imaginées pour incarner l’anarchie. Enfin, nous verrons quel lien peut être tissé entre cette conception anarchiste et les sciences sociales, au-delà de la concordance de temps. En effet, de telles sciences ne reposent-elles pas elles aussi sur l’affirmation d’une irréductibilité, voire d’une autosuffisance du social ? En même temps, les anarchistes participent à remettre la science à sa place, mettant en garde contre le gouvernement des savants et développant des pratiques populaires pour entraver la spécialisation et l’émergence d’une élite séparée de scientifiques.

L’autonomie du social chez Proudhon

Le social contre la religion et la politique

Pierre-Joseph Proudhon est le premier à se définir anarchiste positivement en 1840. Il s’oppose à la propriété privée, à l’Eglise, au parlementarisme et au gouvernement en général. Il fait un lien étroit entre domination politique, domination économique et domination religieuse, considérées toutes comme des entraves à l’épanouissement de la justice.

Proudhon confiait ainsi dans ses Carnets de 1852 : « Je fais de la politique pour la TUER. EN FINIR AVEC LA POLITIQUE » [2]. Ce n’est alors pas seulement l’abolition de tous les gouvernements qui est visé, c’est aussi l’idée que la société peut se constituer d’elle-même, par la libre organisation des forces économiques et sociales. Il est encore plus clair dans Les confessions d’un révolutionnaire, où il distingue la constitution politique de la constitution sociale de la société. La seconde repose sur la libre association, l’égalité et la réciprocité et vise à affaiblir et écarter la première, fondée sur l’autorité et la hiérarchie.

« Je distingue en toute société deux espèces de constitutions : l’une que j’appelle la constitution SOCIALE, l’autre qui est la constitution POLITIQUE ; la première, intime à l’humanité, libérée, nécessaire, et dont le développement consiste surtout à affaiblir et écarter peu à peu la seconde, essentiellement factice, restrictive et transitoire. La constitution sociale n’est autre chose que l’équilibre des intérêts fondé sur le libre contrat et l’organisation des forces économiques qui sont, en général : le Travail, la Division du travail, la Force collective, la Concurrence, le Commerce, la Monnaie, le Crédit, la Propriété, l’Egalité dans les transactions, la Réciprocité des garanties, etc. La constitution politique a pour principe l’AUTORITE, ses formes sont : la Distinction des classes, la Séparation des pouvoirs, la Centralisation administrative, la Hiérarchie (…) » [3].

L’anarchisme de Proudhon vise explicitement à sortir de l’aliénation politique. Comme l’affirme Pierre Ansart, il « tend à libérer les force sociales des pouvoirs aliénants » [4], permettant ainsi d’instituer une société qui ne serait plus divisée en fractions ennemies et prise par un ensemble d’illusions.

Proudhon ne considère pas seulement l’exploitation capitaliste ou la domination étatique. Il est conscient qu’il existe des sacralisations qui empêchent la société de prendre conscience d’elle-même et de ses capacités. La refondation des rapports sociaux sans autorité révélée ou transcendante passe par la critique de la religion. C’est pourquoi Proudhon s’en prendra aussi à l’Eglise.

Il va plus loin en affirmant que politique et religion sont indissociables. Non seulement il fait alors de la religion un pouvoir politique, ne pouvant exister « qu’en s’appropriant la politique profane et les lois civiles » [5], mais il atteste du caractère sacré que prennent les institutions politiques pour se légitimer. Etat et Eglise, deux formes d’autorité instituées, utilisent les mêmes fondements pour justifier leur existence, et produisent les mêmes effets.

« Quoi qu’il en soit, il importe, pour la conviction des esprits, de mettre en parallèle, dans leurs idées fondamentales, d’un côté, le système politico-religieux, – la philosophie, qui a distingué si longtemps le spirituel du temporel, n’a plus droit de les séparer ; – d’autre part, le système économique.

Le Gouvernement donc, soit l’Église et l’État indivisiblement unis, a pour dogmes :

1. La perversité originelle de la nature humaine ; 

2. L’inégalité essentielle des conditions ; 

3. La perpétuité de l’antagonisme et de la guerre ; 

4. La fatalité de la misère. D’où se déduit : 

5. La nécessité du gouvernement, de l’obéissance, de la résignation et de la foi.

Ces principes admis, ils le sont encore presque partout, les formes de l’autorité se définissent elles-mêmes. Ce sont :

a) La division du Peuple par classes, ou castes, subordonnées l’une à l’autre, échelonnées et formant une pyramide, au sommet de laquelle apparaît, comme la Divinité sur son autel, comme le roi sur son trône, l’autorité ; 

b) La centralisation administrative ;

c) La hiérarchie judiciaire ; 

d) La police ; 

e) Le culte » [6].

Il n’est pas étonnant que ce philosophe de l’immanence s’attache à critiquer les formes de transcendance productrices d’illusions, et dont l’Eglise est une incarnation de l’époque. L’antithéisme de Proudhon est pourtant peu rappelé, et parfois même mis en doute.

Proudhon se réfère régulièrement à Jésus, et ne cache pas son admiration pour la morale égalitaire et communautaire des évangiles [7]. Cela facilite probablement qu’il soit parfois assimilé à un spirituel finalement hanté par son enfance religieuse. Il y a certes pour Proudhon un mystère de l’existence et une inquiétude du sens. C’est pourquoi il ne balaie pas d’un revers de la main la question de la foi, si présente dans l’histoire de l’humanité. Cette sensibilité le fait respecter le questionnement religieux, associé dans le même temps à une critique virulente des institutions religieuses de son époque. Il n’en est pas moins clair sur ses positions contre l’Eglise et sur la nécessité de purger le socialisme de son arrière-fond religieux, présent notamment chez Fourier, Saint-Simon ou Leroux. C’est pourquoi il peut affirmer « je n’adore rien, pas même ce que je crois : voilà mon antithéisme » [8].

Probablement l’expérience sociale et politique de son époque, dans laquelle l’Eglise joue le rôle d’appui de la répression des révoltes populaires, influence-t-il son anticléricalisme. Il est difficile de ne pas malmener celui qui vous calomnie et attise les condamnations à votre égard.

SL

Une science proudhonienne de la société à visée normative

Pour Proudhon, la société est immanente, traversée d’antagonismes, et faite par des forces collectives, toujours en mouvement. Il cherche donc une science de la société se promettant d’instaurer le meilleur état social par rapport à ce qu’est la société : une science à visée normative capable d’instaurer l’égalité et la justice. La société se fait en vertu de forces inconscientes, et les individus obéissent sans en avoir l’intelligence. La science ainsi promue doit permettre la compréhension de ses forces, et permettre à l’humanité en quelque sorte de prendre conscience d’elle-même [9].

Proudhon, ancien ouvrier typographe, se méfie de la métaphysique. Il rejette l’idée de savoir absolu. De la même manière, l’action est première par rapport aux idées : il met ainsi l’accent sur l’effort collectif, en opposition au déterminisme et à la providence ; la révolution est la manifestation la plus forte de cet effort collectif créateur. C’est en cela que la société est immanente : c’est l’action humaine qui produit non seulement le monde matériel, mais aussi les idées, les valeurs et les mentalités [10]. De fait, pour Proudhon, « la philosophie doit être essentiellement pratique

» [11]. Elle n’a pas une fonction spéculative, et s’inscrit dans la vie quotidienne. De la même manière, elle n’est pas une pratique élitiste d’oisifs, mais a une finalité d’action à visée émancipatrice par les prolétaires. La science ne se perd pas dans les limbes de la théorie, elle reste ancrée dans la réalité ordinaire et liée à la recherche de l’amélioration des conditions humaines.

Conformément à cette position, la science promue par Proudhon ne peut être qu’empirique. Elle part de l’observation. Proudhon l’incarnera en étant attentif aux expérimentations sociales des classes populaires qui jaillissent à son époque : mutuelles, coopératives et sociétés secrètes. C’est probablement lors de son passage à Lyon, avec son effervescence portée par les canuts, que mûrira chez lui son mutuellisme. Il y restera entre 1843 et 1847, à la veille de la révolution associationniste de 1848, et y côtoie le socialisme le plus agité.

Dans La capacité politique des classes ouvrières [12], testament politique de Proudhon, il évoque et justifie les efforts des prolétaires pour affirmer leur autonomie politique et matérielle à travers des mutuelles, des coopératives et des syndicats. Il enjoint les ouvriers à l’abstention lors des élections. Leur capacité politique réelle réside dans l’organisation d’un mouvement social autonome. Un temps méfiant vis-à-vis de l’association, il devient l’un de ses plus ardents défenseurs. Pour lui, les gens de bras ne sont pas dépourvus de capacité politique, bien au contraire. Ils n’ont pas à être guidés par une avant-garde, mais créent ici et maintenant des expérimentations sociales sur le terrain économique, permettant d’affirmer immédiatement l’autogestion généralisée future. C’est ce que les socialistes « partageux » sont alors en train de faire. C’est en cela que l’analyse du social par Proudhon est profondément anarchiste : la société, qui est toujours autoproduite, peut se faire consciemment elle-même. Elle résulte de l’association de forces sociales, et non d’un principe organisateur transcendant, que ce soit la religion ou l’Etat. Or, l’anarchie est impossible si ce n’est pas le cas : s’il n’y a pas d’autonomie du social, il n’y a pas d’anarchie possible. L’anarchisme ne vise en ce sens rien d’autre que de favoriser l’autonomisation du social, notamment par rapport au politique dont il se défie.

La prédominance du social chez Proudhon repose sur le fait qu’il est une condition de l’humanité de l’être humain : « l’homme le plus libre est celui qui a le plus de relation avec ses semblables » [13]. L’être humain est un être sociable parce qu’il a besoin des autres, et ce non seulement pour assurer sa survie ou perpétuer l’espèce, mais surtout parce qu’il ne peut s’épanouir sans autrui ni culture partagée. La liberté ne trouve pas sa limite chez les autres. Elle n’est pas non plus un vide investi d’un pouvoir infini, qui fait que l’expérience radicale de l’existence humaine est d’abord angoisse absolue. La liberté est dans la relation. La plus grande liberté se développe à travers des formes d’activités mutuelles entre égaux. La politique, la religion, l’économie capitaliste empêchent ce développement, et c’est pourquoi il faut selon Proudhon les combattre en leur substituant graduellement d’autres pratiques sociales qui finiront immanquablement à créer d’autres formes de vie au sein d’une autre société. Ce ne sera pas pour autant un point d’arrivée ou une fin de l’histoire. La société est un mouvement de forces diverses, et l’anarchie n’est qu’une sorte d’équilibre en gestation continue, appuyé sur le plan politique par le confédéralisme, et sur le plan économique par le mutuellisme.

Précisons que Proudhon pose deux problèmes de principe aux anarchistes : il est antisémite et misogyne. L’antisémitisme de Proudhon est lié au fait qu’il considère que les Juifs sont à l’origine du capitalisme [14]. Cet antisémitisme, sous une forme différente et plus nuancée, on le retrouvera chez Bakounine à la fin de sa vie, suite à ses polémiques avec Karl Marx. Il ne faut pas les taire, comme il est souvent fait. Cependant, l’antisémitisme de Proudhon n’apparaît pas dans ses constructions théoriques. En revanche, il en est différemment de sa misogynie. Il fait du mariage un pivot de la société, et de la famille l’unité sociale de base.

Joseph Déjacque, l’inventeur du terme libertaire, publie un pamphlet en réponse à et en rupture avec Proudhon : De l’Être humain mâle et femelle. Lettre à P.-J. PROUDHON. Exilé depuis la révolution manquée de juin 1848, il est sans doute le plus virulent contre Proudhon, ce « vieux sanglier qui n’est qu’un porc » [15]. Il y défend l’égalité homme-femme : « dites à l’homme et dites à la femme qu’ils n’ont qu’un seul et même nom comme ils ne font qu’un seul et même être, l’être-humain ». De même, il défendra l’émancipation de tous les êtres, quels que soient leur sexe, leur couleur de peau, leur âge. La révolution consiste en un combat dans les rues et dans les foyers contre un modèle social fondé sur la propriété et la famille. Depuis New-York et la Nouvelle-Orléans, il dénonce le massacre et le pillage des indiens d’Amérique ainsi que l’esclavage des noirs dans plantations. Joseph Déjacque est en ce sens bien plus anarchiste que Proudhon, qui aura pourtant été l’un de ses maîtres à penser.

L’autonomie du social chez Bakounine

Bakounine était un lecteur de Proudhon. Après 50 ans, il s’est lui-même déclaré anarchiste, et est devenu l’un des principaux théoriciens de l’anarchisme révolutionnaire. Il est alors somme toute logique de retrouver cette autonomie du social chez lui. Elle est clairement affirmée dans Fédéralisme, socialisme et antithéologisme, dont il termine la rédaction en 1868 :

« La société, c’est le mode naturel d’existence de la collectivité humaine indépendamment de tout contrat. Elle se gouverne par les mœurs ou par des habitudes traditionnelles, mais jamais par des lois. Elle progresse lentement par l’impulsion que lui donnent les initiatives individuelles et non par la pensée, ni par la volonté du législateur. Il y a bien des lois qui la gouvernent à son insu, mais ce sont des lois naturelles, inhérentes au corps social, comme les lois physiques sont inhérentes aux corps matériels » [16].

Bakounine l’antipolitique

Pour Bakounine, formé à l’hégélianisme, l’humanité a une nature sociale. Le social, régi par ses propres lois, préexiste même à l’individu et à la constitution politique. Il peut néanmoins se transformer par des efforts individuels. On retrouve ici à la fois la position antipolitique de Bakounine, sa conception fondée sur une philosophie de la nature de l’autonomie du social, et sa considération de l’action humaine comme productrice de la société. Ces trois éléments, que Bakounine peine parfois à concilier, constituent la base de sa pensée anarchiste, nourrie perpétuellement par son activité révolutionnaire. Si Bakounine appelle lui aussi, comme Proudhon, à s’appuyer sur la science, il considère toutefois que la connaissance rationnelle du monde – naturel et social – est insuffisante à l’émancipation. Il n’appelle pas au sentiment de révolte contre la science. Il n’associe pas non plus science et émancipation. Mais la science peut bien permettre de favoriser la conscience des individus des lois naturelles et des prescriptions sociales. Si les premières ne sont pas modifiables, les secondes peuvent être transgressées, et même bouleversées en vue de l’émancipation individuelle et collective. C’est le but de la révolution sociale. On retrouve donc chez Bakounine la même idée que chez Proudhon, celle de la possibilité d’une constitution de la société par le social lui-même, débarrassée du capitalisme, de la politique et de la religion.

Bakounine est célèbre pour sa polémique avec Marx, qui entraînera une rupture au sein de la Première Internationale, celle de l’Association Internationale des Travailleurs. Il a à la fin de sa vie une défiance absolue envers le pouvoir, qu’il soit bourgeois ou populaire : la lutte n’est pas politique, dans les couloirs des palais et les délégations parlementaires, mais strictement sociale. C’est pourquoi il refuse d’utiliser l’appareil d’Etat et la mise en place d’une dictature du prolétariat, contrairement aux communistes – qu’il nomme « autoritaires ».

Bakounine prophétise d’ailleurs ce que deviendra le bolchévisme. Dès le 19 juillet 1866, dans une lettre à Alexandre Herzen et Nicolaï Ogarev [17], Bakounine écrivait : « Toi qui es un socialiste sincère et dévoué, assurément, tu serais prêt à sacrifier ton bien-être, toute ta fortune, ta vie même, pour contribuer à la destruction de cet Etat, dont l’existence n’est compatible ni avec la liberté ni avec le bien-être du peuple. Ou alors, tu fais du socialisme d’Etat et tu es capable de te réconcilier avec ce mensonge le plus vil et le plus redoutable qu’ait engendré notre siècle : le démocratisme officiel et la bureaucratie rouge ». Il annonce les dérives que contiennent les positions sur la participation au jeu politique et sur la prise de l’appareil d’Etat dans une phase transitoire. Il pressent que la mise en place d’un Etat populaire s’accompagnera inévitablement de l’émergence d’une nouvelle classe privilégiée, celle des directeurs et des fonctionnaires, c’est-à-dire de la bureaucratie.

Suite à l’éclatement de la Première Internationale [18], il participe à la fondation de l’Internationale antiautoritaire à Saint-Imier en 1872, avec entre autres Carlo Cafiero, Errico Malatesta et James Guillaume. Celle-ci regroupe les sections espagnoles, italiennes, françaises, jurassiennes et américaines, et est alors l’organisation révolutionnaire la plus nombreuse. Son orientation, influencée par les idées de Bakounine, est clairement antipolitique. Elle déclare que « la destruction de tout pouvoir politique est le premier devoir du prolétariat » dans sa troisième résolution. Conformément à l’orientation anarchiste des carnets proudhoniens de 1852, il s’agit de faire de la politique pour détruire la politique.

Bakounine a bien conscience que son activité révolutionnaire comporte une composante politique. Il critique d’ailleurs l’indifférence à la question politique. Contrairement à ce que déclareront ces détracteurs à l’époque, il ne s’agit pas d’apolitisme, mais d’une position antipolitique – donc d’une affirmation de l’autonomie du social.

Le conflit avec Marx sur la question politique ne se situe pas seulement sur la prise de l’appareil d’Etat en vue de sa décomposition future – option de Marx – ou la lutte immédiate pour le dépérissement de l’Etat – option de Bakounine. Il y a chez Bakounine l’intuition d’une part maudite du pouvoir. 

« Je ne craindrai pas d’exprimer cette conviction, que si demain on établissait un gouvernement et un conseil législatif, un parlement, exclusivement composé d’ouvriers, ces ouvriers, qui sont aujourd’hui de fermes démocrates socialistes, deviendraient après-demain des aristocrates déterminés, des adorateurs hardis ou timides du principe d’autorité, des oppresseurs et des exploiteurs. Ma conclusion est celle-ci : il faut abolir complètement, dans le principe et dans les faits, tout ce qui s’appelle pouvoir politique ; parce que tant que le pouvoir politique existera, il y aura des dominants et des dominés, des maîtres et des esclaves, des exploiteurs et des exploités » [19].

La question n’est pas de savoir si tel ou tel dirigeant est corrompu, manipulateur, violent. Le pouvoir en lui-même pervertit. Le fait de se retrouver en position de pouvoir transforme l’individu et le place en situation où il ne peut qu’exercer une domination sur les autres.

Cette position antipolitique se confirme dans la Lettre à un français [20], au moment de la guerre franco-prussienne, où il déclare que l’émancipation sociale et économique du prolétariat entraînera son émancipation politique, ou plutôt son émancipation de la politique. Ce n’est pas pour autant qu’il n’y aurait pas de décisions collectives à prendre, bien au contraire. Bakounine considère que c’est une nécessité. Ce qui est rejeté, c’est la séparation d’une instance décisionnelle du corps social, et son institutionnalisation qui finit par la consacrer théologiquement.

Suffrage universel ou censitaire, là n’est pas la question pour Bakounine. L’élargissement du suffrage ne supprime en rien le mensonge qu’est la représentation. Le pouvoir corrompt, et se trouver en position de représentant ne peut que couper des aspirations populaires. Les assemblées centralisatrices favorisent le passage des « palpitations vivantes de l’âme populaire » vers des abstractions [21]. Ce n’est pas pour cela que Bakounine n’admet pas la représentation des sections au sein de l’A.I.T., via des mandats impératifs. Mais cette représentation n’intervient alors pas au sein d’un petit Etat en gestation – c’est du moins le sens de son engagement et de ses polémiques avec les tenants du centralisme – mais dans une fédération qui préfigure celle qu’il appelle de ses vœux.

Cette critique du pouvoir, il va jusque la formuler à destination des organisations ouvrières risquant de se bureaucratiser. De son expérience au sein de l’A.I.T., entre 1868 et son éviction en 1872, il en tire plusieurs leçons. Il note d’abord la tendance à la constitution d’une élite militante, qui se considère indispensable. Mécaniquement, elle s’habitue à décider à la place des autres, et les délégués se coupent de leur base. L’autonomie des sections et des individus doit justement venir empêcher cette dégénérescence, de même que les assemblées générales des membres.

Antithéologisme et philosophie de la nature chez Bakounine

L’anarchisme a, on l’a vu, dès son origine mis en avant une critique radicale tant du capitalisme et de l’Etat, que de l’Eglise. La domination n’est pas seulement matérielle, elle est aussi idéologique, et la religion vient couvrir la conscience d’un voile tout en légitimant les dominations existantes. Bakounine ne déroge pas à la règle. Il a très bien synthétisé cette pensée dans Dieu et l’Etat, ouvrage posthume recomposé par son ami Elisée Reclus en 1882. Il y proclame que « si Dieu existait, il n’y aurait pour lui qu’un seul moyen de servir la liberté humaine, ce serait de cesser d’exister » [22].

Pour Bakounine, une religion, et particulièrement l’Eglise catholique, se constitue comme pouvoir politique et économique. L’idéalité divine s’appuie sur l’exploitation économique et l’oppression politique des masses, richesse et puissance s’autoalimentant l’un l’autre [23]. Les religions instituées transforment la spiritualité en s’accaparant le fruit du travail des autres, et tombent dans un matérialisme étroit de privilégiés. Bakounine peut ainsi renvoyer dos à dos idéalisme et matérialisme : l’idéalisme religieux se concrétise sur terre en servant les forces matérielles, tandis que le matérialisme scientifique appuie l’idéalisme pratiques des classes populaires et des laissés-pour-compte.

Il met aussi à jour le fétichisme contenu dans l’idée de dieu, qui vient écraser l’humanité. « Dieu est tout, donc l’homme et tout le monde réel avec lui, l’univers, ne sont rien » [24]. Ce qui est ordinaire et passager est ainsi traité avec dédain, alors que « toute la vie des hommes réels, des hommes en chair et en os, n’est composée que de choses passagères » [25]. Il faut ainsi rendre à l’humanité et la nature ce dont elles ont été dépouillées en s’opposant à la religion. Cette dernière est l’incarnation idéale de ce dépouillement, celui de la capacité à produire le monde. Bakounine fait alors de son antithéologisme l’un de ses trois piliers fondamentaux de son anarchisme, avec le fédéralisme et le socialisme.

Bakounine s’oppose donc à l’hétéronomie de la politique et de la religion. D’où vient pour lui l’autonomie du social ? Bakounine est matérialiste. Il considère donc que l’esprit n’est pas séparé du corps, et que l’individu, qui est d’abord un corps, est le produit de la nature, puis de la société. De la nature d’abord, règne de la nécessité. Il n’y a aucune échappatoire, et aucun projet bakouninien de la sortie des forces naturelles. Il faut au contraire les reconnaître et les faire sienne. Il les distingue des forces sociales, qui elles ne sont pas inhérentes à notre être, mais viennent de l’extérieur de soi-même [26]. Il n’en reste pas moins qu’elle constitue l’individu, être irrémédiablement social pour Bakounine.

L’être humain « naît dans la société comme la fourmi dans la fourmilière et comme l’abeille dans la ruche ; il ne la choisit pas, il en est au contraire le produit, et il est aussi fatalement soumis aux lois naturelles qui président à ses développements nécessaires, qu’il obéit à toutes autres lois naturelles » [27]. La société précède l’individu, et l’imprègne, tant « la pression de la société sur l’individu est immense, et il n’y a point de caractère assez fort ni d’intelligence assez puissante qui puisse se dire à l’abri des attaques de cette influence aussi despotique qu’irrésistible » [28]. C’est d’ailleurs cela qui prouve le caractère social de l’être humain, tant la culture propre à un individu donné se reflète jusque dans les détails de sa vie.

L’individu est comme happé par le social, en même temps qu’il permet la création de liens avec les autres, par la confiance, la routine et les habitudes. A tel point que l’humanité se fonde d’abord sur la sociabilité : il n’y a pas d’êtres humains qui à un moment se mettent d’accord afin de créer volontairement la société, comme chez Rousseau. L’individu ne la crée pas, il en hérite. Il ne peut donc qu’être façonné intimement par la situation sociale-historique dans laquelle il naît.

Les prescriptions sociales prennent presque la consistance des nécessités biologiques. D’ailleurs, Bakounine considère l’espèce humaine comme une continuité des espèces animales : « ce qui n’existe pas dans le monde animal au moins à l’état de germe, n’existe et ne se produira jamais dans le monde humain » [29]. Bakounine distingue le milieu naturel, celui des biologistes, du milieu social, celui des sciences sociales et de l’activité révolutionnaire, mais les pense en continuité. En dernière instance, c’est la nature qui fixe le devenir humain. Si Bakounine en restait là, ce serait une autonomie du social en réalité dépendante des lois naturelles de l’univers ; une autonomie qui n’en serait alors pas une. Dans tous les cas, il y aurait un déterminisme incapable de penser le changement social.

Mais il n’en est rien chez Bakounine, révolutionnaire bien avant d’être philosophe. La continuité chez lui ne veut pas dire qu’il n’y a pas une différence qualitative nette entre l’animalité et l’humanité. L’être humain a pleinement accès à l’abstraction. Il peut penser et parler – et donc transmettre. S’il concède que certains animaux ont des capacités troublantes, ce ne sont que des bribes de ce que l’humanité possède en termes de faculté. De cette capacité de penser, il en fait le second de ces trois fondements du développement humain, avec lesquels s’ouvre le Dieu et l’Etat reconstitué en 1882 par Elisée Reclus [30].

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Bakounine et la liberté

L’individu est capable de s’élever à la conscience, et par là de se déterminer lui-même au sein du milieu qui lui préexiste. Il sait reconnaître le monde qui l’enveloppe et les forces qui le déterminent, étape nécessaire avant de pouvoir agir dessus.

« Grâce à cette faculté d’abstraction, l’homme en s’élevant au-dessus de la pression immédiate que tous les objets extérieurs ne manquent jamais d’exercer sur chaque individu, peut les comparer les uns avec les autres, observer leurs rapports. Voilà le commencement de l’analyse et de la science expérimentale » [31].

L’être humain est un individu parlant et pensant. C’est pour cela qu’il peut échapper à la fatalité et s’ouvrir au règne de la liberté. La connaissance, que la science doit développer, est ainsi un maillon essentiel chez Bakounine : c’est par elle qu’il est doué de volonté et peut s’affirmer.

Pour autant, l’être humain ne saurait s’ouvrir à la liberté sans dépasser ce moment de la pensée. L’être humain humanise la nature, à partir de ses idées, par ses activités. C’est bien par l’action dans ce monde qu’il peut réaliser sa liberté : la science ne permet que la conscience de la liberté, qui demande à se réaliser par des actes.

S’il n’y a qu’à faire siennes les lois naturelles, sommes-nous condamnés à toujours nous incliner face aux prescriptions sociales ? Une telle affirmation serait contradictoire avec la vie que Bakounine a menée. Issu d’une famille de l’aristocratie russe, son père l’envoie faire ses classes dans l’armée à 14 ans. Il supporte mal la discipline militaire, et en opposition avec sa famille quitte l’armée quelques années plus tard pour s’inscrire à l’université à Moscou, où il fréquente un cercle révolutionnaire. Il voyage en Allemagne et en France, où il rencontre des socialistes. En 1848, il prend une part active à la révolution qui se déroule alors en France. Il tente de la propager en Allemagne, puis en Pologne où il est l’un des meneurs de l’insurrection populaire de Dresde. Il est finalement arrêté par les prussiens et condamné à mort. Sa sentence est commuée en travaux forcés à perpétuité, avant d’être livré à la Russie. Incarcéré dans des conditions difficiles, il est finalement déporté en Russie en 1857. Il réussit à s’enfuir en 1861, à 47 ans, via le Japon et les Etats-Unis, avant de gagner l’Europe. Il renoue avec les milieux révolutionnaires et adhère en 1868 à l’A.I.T. En 1870, il participe à une insurrection à Lyon, qui proclame la Commune, préfigurant celle de Paris quelques mois plus tard. Le soulèvement échoue, et Bakounine se réfugie à Marseille, puis en Suisse. Après le massacre des communards en 1871, les tensions sont vives au sein de l’A.I.T. Bakounine en est exclu en 1872 avec d’autres membres, et participe à la fondation de l’Internationale antiautoritaire. En 1873, épuisé, il décide d’arrêter le militantisme. Malade, il prend part aux préparatifs d’une insurrection à Bologne, espérant mourir sur les barricades. L’insurrection tourne court, et il meurt en 1876. Toute sa vie, il n’a cessé de braver les déterminismes de la société, depuis sa rupture familiale jusqu’à ses engagements révolutionnaires, debout sur les barricades et armes à la main. Son existence ne colle pas avec l’idée d’une action humaine entièrement engluée dans le milieu social.

Sa théorie n’est pas non plus une théorie du déterminisme. Elle fait la part belle à la liberté, et donc à la capacité humaine de transformer la société. Pour Bakounine, il est possible d’extirper les mauvaises habitudes pour les remplacer par des bonnes. La société est ainsi en partie productrice d’elle-même.

Chaque chose et chaque être possèdent une individualité propre, certes née de circonstances antérieures et issue du milieu social au sens large, mais qui permet des capacités autonomes d’action. C’est une parcelle d’autonomie minuscule devant l’infini du monde et des forces qui façonnent l’univers. C’est néanmoins un pouvoir créatif et imaginatif qui permet à l’individu, au moins de manière abstraite ou en tous cas incomplète, de s’élever au-dessus de la pression immédiate des choses qui l’entourent comme de ses mouvements propres et de ses appétits.

S’il n’y a pas de libre-arbitre, il y a la liberté au prix d’efforts et d’une révolte en partie dirigée contre soi-même – la partie façonnée par le milieu social. L’individu est pourvu de volonté. Sinon, l’individu serait réduit à une machine ou à des instincts. L’individu, par ses expériences et ses actions, modifie non seulement le monde dans lequel il s’insère, c’est-à-dire la société actuelle comme l’humanité et les choses dans leur ensemble, mais aussi sa psychologie. Cette volonté n’est pas un mystère de la vie, elle est fondée dans la chair et le sang, et possède sa propre dynamique. Elle peut ainsi grandir par les efforts de l’individu, la pensée ou les conditions sociales favorables. Ce que Bakounine nomme un ruisseau dans le courant universel de la vie, peut se transformer en torrent. Jusqu’à un certain point, l’individu qui s’émancipe peut alors devenir son propre éducateur et le créateur de soi-même et de son milieu social. Cette auto-détermination reste relative, enchaînée au monde naturel et social comme tout être vivant, mais elle existe et participe à façonner le monde. Donc l’individu n’acquiert pas cette petite partie d’autonomie de manière isolée, en s’arrachant au milieu social, mais en agissant dessus, et donc en s’y mêlant encore plus. Même l’action individuelle est immédiatement sociale.

L’individu chez Bakounine n’est donc pas constitué entièrement par les rapports sociaux, comme chez Marx ; ou plutôt, s’il est constitué par ses relations sociales, il y a aussi une part de subjectivité, qui permet notamment les ruptures non seulement personnelles mais aussi collectives, et les arrachements à la voie tracée par ses conditions, y compris les révoltes. Il n’y a pas de sujet révolutionnaire, tel le prolétariat chez Marx, voué à transformer de manière mécanique et nécessaire la société. Pour Bakounine, il existe bien des classes sociales, mais pas de classe révolutionnaire en soi. Certaines classes sociales peuvent jouer un rôle temporairement révolutionnaire, mais elles sont toutes en rivalité pour le pouvoir. Or, il s’agit pour lui d’en finir par la volonté avec la domination, et donc avec la division en classes sociales, mais aussi avec l’Etat, la religion, la famille patriarcale, avec les mœurs qui ont pénétré profondément l’individu, « de sorte que chacun en est en quelque sorte le complice contre lui-même » [32]. Il n’y a pas de mécanique révolutionnaire chez Bakounine, mais des voies expérimentales et des tentatives créant des ruptures et des chocs modifiant non seulement le milieu social général, mais aussi les structures psychologiques des individus.

Ces ruptures sont d’autant plus possibles que l’une des manifestations de cette part de liberté chez l’humain est le sentiment de révolte. Si la pensée est la facette positive de la liberté, la révolte en est la composante négative. Mais cette dernière est puissante, et le véritable moteur du développement de la liberté – c’est-à-dire de la capacité des êtres humains à développer leurs facultés leur permettant d’intervenir sur le monde. Elle est inscrite dans la condition humaine, et même si elle est toujours située dans un contexte historique et culturel particulier, elle est en ce sens universelle. La révolte, que Bakounine considère comme instinctive, fonde des traditions et des capacités d’organisation contre l’autorité, qui se transmettent à travers les âges. Immédiatement, elle est socialisée et participe à une sédimentation historique, faisant de l’histoire (sociale) de l’humanité ce qu’elle est. Cet « instinct de révolte », déjà très social, est à encourager face à bien d’autres dispositions humaines moins reluisantes, pour devenir un élan révolutionnaire. De négative, la révolte dans toute son ambigüité, à la fois violence ravageuse et destruction créatrice, devient positive et émancipatrice, une force matérielle capable de triompher. La révolution sociale, avec les destructions qu’elle suppose, est évidemment le choc par excellence, la rupture qui transforme non seulement le monde et les rapports sociaux (l’union libre plutôt que la famille patriarcale par exemple) mais suscite aussi un autre type d’humain, plus libre.

Bakounine tire de tout cela une définition sociale de la liberté. La liberté d’autrui n’est pas une limite, au contraire elle confirme et étend la mienne à l’infini.

« Je ne suis vraiment libre que lorsque tous les êtres humains qui m’entourent, hommes et femmes, sont également libres. La liberté d’autrui, loin d’être une limite ou la négation de ma liberté, en est au contraire la condition nécessaire et la confirmation. Je ne deviens libre vraiment que par la liberté d’autres, de sorte que plus nombreux sont les hommes libres qui m’entourent et plus profonde et plus large est leur liberté, et plus étendue, plus profonde et plus large devient ma liberté » [33].

Ce n’est donc pas une liberté du libre arbitre, avec un individu abstrait et atomisé. Il n’y a pas de liberté spontanée et isolée, indépendante du monde extérieur. Bakounine fournit ainsi des armes aux sciences sociales, dans les débats qui les animent avec les économistes étroits, tenants du libéralisme et de la liberté exclusive de l’individu contre la société. L’individu n’en est pas moins l’élément de base de l’anarchie, et donc de la société. Dans sa complétude, il est irréductible, singulier, vivant, bien plus qu’une simple incarnation du système institutionnel et social, et il convient de respecter absolument sa dignité.

L’anarchie et le fondement de l’intelligence intrinsèque du social 

Sur quel fondement se constitue le lien social pour les anarchistes ? Si l’équilibre ne repose ni sur la constitution politique, ni sur la nature humaine – égoïste pour les utilitaristes, altruiste pour Kropotkine – sur quoi d’autre peut-il reposer ? L’anarchisme semble parfois reposer sur une conception presque vitaliste de la société, où le mouvement de la vie aurait ses propres finalités qu’il conviendrait de ne pas entraver. C’est quelque chose que l’on retrouve en filigrane dans la pensée des anarchistes Bakounine ou Libertad, par exemple, et surtout chez Kropotkine.

Reprenant à son compte la morale sans obligation ni sanction de Guyau [34], Kropotkine considère quant à lui que la vie contient en elle-même le mobile de l’activité et de la morale. Le géographe russe va plus loin, et finit par fonder la morale sur une solidarité inscrite dans la nature – donc biologique [35].

Celui-ci fonde l’autonomie sur la biologie, ce qui est donc en réalité une négation de l’autonomie du social. Il publie en effet en 1902 L’entr’aide, un facteur d’évolution [36]. Il s’agit non seulement de montrer que la solidarité est un principe moteur tant de l’évolution animale que du changement humain, mais aussi de prendre le contrepied du darwinisme social mettant en avant la lutte concurrentielle pour la survie. L’entraide prime sur la lutte pour la survie des plus aptes. Kropotkine partage tout de même avec les socio-darwinistes l’idée qu’il y a une continuité absolue entre le naturel et le social. Cependant, contrairement à eux, il estime que l’entraide n’est pas simplement un comportement hérité, mais qu’il peut et doit se cultiver. Pour Kropotkine, il n’y a pas de principe biologique prédéterminant de l’entraide, mais des habitudes qui s’acquièrent et se modifient en fonction des situations et des milieux. C’est en fait une force réelle et importante dans le monde vivant, capable de contrebalancer la loi du plus fort. Il cède toutefois au même postulat consistant à reposer les comportements humains sur la biologie. Les sciences sociales comme l’activité révolutionnaire doivent se fondre dans une science de la nature. Qu’il y ait de l’altruisme dans la nature, et profondément ancré dans les sociétés humaines encore aujourd’hui [37], ne vient pas expliquer la socialisation et la transmission des pratiques les plus libertaires de la vie sociale.

L’évolutionnisme, qui considère que le changement est continuel, sans césures, intrinsèquement positif, est en réalité une négation du caractère immédiatement et intégralement social de l’humanité, et surtout des possibilités d’une action humaine libre, donc aussi transgressive et contestataire à l’issue incertaine. Le temps social n’est ni le temps biologique, ni le temps physico-cosmique [38]. Salvador Juan en élabore une critique systématique et précise dans son ouvrage Critique de la déraison évolutionniste (2006), dans lequel un chapitre est consacré au naturalisme anarchiste [39]. Un glissement des sciences de la nature vers les sciences sociales est à l’œuvre depuis la constitution de ces sciences, et les anarchistes s’essayant à la théorie reflètent aussi les travers de cette époque. Aujourd’hui, les prétentions de la biologie à expliquer le social s’appuient sur les nouveaux développements des technosciences, comme la génétique. Comme l’affirme Salvador Juan, la constitution des sciences sociales passe pourtant par son dégagement d’un certain impérialisme de la biologie. A l’autonomie de la discipline – qui n’empêche aucunement des collaborations fructueuses [40] – correspond l’autonomie du social.

La recherche des continuités (au demeurant réelles [41]) entre humanité et le reste du vivant se fait par une négation des caractères distinctifs, et animalise du même coup l’humanité, donnant la part belle aux idéologies les plus réactionnaires et conservatrices, dont la génétique se fait aujourd’hui largement le relai. Il y a, rappelle Salvador Juan, bel et bien une distinction entre humanité et animalité – distinction ne veut pas dire meilleur, justifiant du même coup une domination possessive et ravageuse de la nature. Dès qu’il y a humanité, il y a immédiatement culture, c’est-à-dire symbole, outil, transmission. L’humanité est en ce sens beaucoup plus ancienne qu’on ne le considère habituellement [42].

Il est aisé de comprendre pourquoi un certain nombre d’anarchistes ont cédé à l’évolutionnisme de l’époque. Ils étaient aussi guidés par des motivations de rupture avec la religion, mais aussi par la volonté de remettre en cause la naturalité revendiquée des hiérarchies constituées. Bien souvent, la séparation radicale entre humanité et animalité s’intégrait parfaitement à l’évolutionnisme classique : les véritables humains étaient les blancs européens, les bourgeois, les êtres masculins… tandis que les autres étaient à des stades inférieurs encore marqués par l’animalité. Poser une continuité entre humanité et animalité permettait de désamorcer ces manières de légitimer l’ordre existant et les conquêtes coloniales. Cela ne remet néanmoins pas en cause son affirmation de l’autonomie du social. Il ne s’agit là que d’une contradiction initiale, en général corrigée par les anarchistes qui ont continué de s’inscrire dans ce mouvement.

Sans transcendance, le social livré à lui-même s’est parfois réfugié dans la biologie pour trouver son fondement. La reconnaissance entière de son autonomie ne peut pourtant passer qu’en prenant acte de sa dimension pleinement culturelle, produit d’une sédimentation historique qui pénètre les moindres détails de l’individu, ainsi que de l’action et de la contestation toujours situées. Peut-il y avoir autonomie du social sans s’inscrire finalement dans le mouvement de la vie sociale elle-même ? Il y aurait donc une sorte d’intelligence intrinsèque du social. Voilà un champ qui mériterait peut-être d’être exploré.

En réalité, les anarchistes ne fondent pas l’anarchie sur la biologie, mais sur l’action humaine. S’il n’y a pas constitution politique de la société pour les anarchistes, cela ne les empêche pas de promouvoir l’auto-institution par des individus conscients. Chez Proudhon, elle s’incarne dans des associations, mutuelles, coopératives des classes populaires et demain dans le confédéralisme associé au mutuellisme. Il promeut les liens contractuels directs entre égaux. Ce contractualisme peut cependant parfois être qualifié de « comptable », et reste enraciné chez lui dans un prisme économiste. Chez Bakounine se retrouve les mêmes ensembles sociaux, mais aussi les communes et les assemblées de base. Kropotkine, avec ses comparses anarchistes-communistes, vantera quant à lui les mérites de la commune, à la portée sociale plus large que les organisations économiques. Elle ne s’arrête pas à la production, et intègre les femmes, les enfants, les chômeurs, les anciens, les paysans, dans une optique d’élargissement par la solidarité, bouleversant sans cesse ses frontières et ses contours.

Au fondement de l’anarchisme, il y ainsi une distinction subtile entre instances séparées et social immanent. La religion est l’institution emblématique du dépouillement des capacités autonomes des personnes à produire leur société et à vivre leur vie librement. La constitution politique, incarnée par l’Etat et la législation, bénéficie de davantage de crédit, puisqu’il repose dans les sociétés contemporaines sur l’idée du contrat social. Pour les anarchistes, la politique est un lieu séparé, depuis lequel sont fixés les lois et les mœurs. Qu’elle soit monarchique, aristocratique ou démocratique, elle reste toujours surplombante et vient fixer les forces sociales. A l’inverse, l’anarchie peut se définir comme la situation où la société se fait elle-même, à la base, dans l’épaisseur du social : des lieux décisionnels non séparés, les mœurs, les usages et la sociabilité animés par l’éthique et la réciprocité. Les décisions communes prises dans les lieux institutionnels appropriés ne se substituent pas à un système de règles informelles gérant la vie collective, dans lequel les discussions directes de voisinage sont essentielles et des marges de manœuvre laissées aux individus. L’anarchie, fondée sur les principes de l’entraide, ce sentiment de solidarité conscient et volontaire, et de l’auto-organisation entre égaux, n’est pas le chaos. C’est une société sans dirigeants ni dirigés, où les accords et les règles ne sont pas figés mais définis librement et réciproquement au sein de structures collectives souples. Il n’y a pas de forme adéquate qui préexisterait au contenu – il est possible d’autogérer en capitaliste ou de discuter sans oppression d’une invasion – mais un souci permanent de maintenir vivant les raisons rendant l’anarchie désirable. D’où l’importance que tous les anarchistes accorderont à l’éducation, la transmission et la culture.

Anarchisme et sciences sociales

Les anarchistes ont creusé avec force le sillon d’une reconnaissance de l’autonomie du social. Cette dernière, on la retrouve dans les sciences sociales émergentes. N’est-ce pas ce qu’affirme Durkheim, pourtant très éloigné de l’anarchisme, quand il affirme en 1895 que l’objet de la sociologie se trouve entièrement dans les faits sociaux, et que les faits sociaux doivent être expliqués par d’autres faits sociaux [43] ? Mauss renforcera cette affirmation par la notion de « fait social total », en montrant notamment que les dimensions économiques ne sont pas dissociables des dimensions sociales et culturelles, cet ensemble venant façonner l’individu jusque dans son corps. La socio-anthropologie considère à sa suite le concept d’institution comme central. C’est alors « une création humaine dont personne n’est l’auteur et qui s’impose à tous mais que chacun adapte et peut participer à changer » [44].

L’autonomie du social s’affirme au sens d’une sphère séparée des autres sphères sociales, qui viendraient la pervertir. Cela ne pose pas seulement l’existence d’une sphère qui serait le social, à côté de la sphère politique, économique, technoscientifique, culturelle, religieuse, mais le fait que cette sphère est celle qui constitue réellement la société, et qui peut être source d’émancipation. La réalité de la société, c’est le social, qui s’engendre par lui-même et pour lui-même, de manière anarchique donc. A l’autonomie du social correspondrait ainsi une exigence à l’autonomie des sciences sociales.

La reconnaissance de l’autonomie du social est à la base d’une théorie des sciences sociales débarrassée de la politique et de l’économie. Aujourd’hui plus qu’hier, elles sont largement instrumentalisées et orientées par les objectifs économiques fixés par l’Etat et les grandes industries stratégiques. Il suffit pour s’en convaincre d’observer la plupart des programmes de recherche financés. De manière moins reconnue, les sciences sociales viennent aussi appuyer les modes d’administration et de gouvernement des populations, dont les statistiques sont nécessaires. N’est-ce pas ce que soufflait Foucault avec son concept de biopouvoir ?

Michel Foucault a approfondi ses réflexions sur les sociétés disciplinaires avec son concept de biopouvoir [45]. A l’enfermement succède un nouveau type de normativité. Il ne s’agit plus seulement de dresser les corps, mais d’organiser la vie, c’est-à-dire de se constituer comme une force de régulation. Le pouvoir est de plus en plus gestionnaire et bureaucratique : inciter, contrôler, surveiller, normaliser y sont des prérogatives essentielles. Il catégorise et il prescrit des modes de vie et des manières d’agir et de penser. Il investit la vie pour mieux être à même de l’administrer, s’inscrivant dans le corps, et venant gouverner les corps. Or, un tel pouvoir exige de nouvelles attentions : taux de croissance, taux de natalité, taux de mortalité, analyses socio-démographiques et socioéconomiques. Dès lors, les sciences sociales deviennent un outil pour gouverner.

Les anarchistes ont contribué à l’essor des sciences sociales, non seulement par leur affirmation de l’autonomie du social, mais aussi en empruntant des analyses théoriques et en discutant de la société à la manière de praticiens de ces sciences. Déjà Bakounine, homme d’action davantage que théoricien, s’était employé à fonder un matérialisme scientifique, reposant sur les avancées dans les connaissances de la nature et de la vie aussi bien que sur les sciences sociales en cours d’élaboration. Il lit et commente notamment Auguste Comte, commence la traduction du Capital de Karl Marx en russe, s’intéresse à l’anthropologie. Il considère comme Comte que la sociologie vient couronner l’édifice scientifique, en la rattachant toutefois à un strict prolongement des autres disciplines. Si les sciences sociales ont une spécificité, elles sont néanmoins ramenées à une sorte d’extension des sciences de la nature et de la vie. On l’a vu, il y a pour lui une continuité entre les phénomènes physiques, intellectuels et sociaux.

C’est pour lui dans la matière que tout réside, aussi bien la vie que l’esprit. Il se méfie de la métaphysique, dans laquelle il perçoit une abstraction semblable au divin. La nature procède donc d’un « mouvement progressif et réel du monde appelé inorganique au monde organique, végétal, et puis animal, et puis spécialement humain ; de la matière ou de l’être chimique à la matière ou à l’être vivant, et de l’être vivant à l’être pensant » [46]. La matière est au départ, l’idée est à la fin.

Le monde naturel est déjà pour lui une esquisse de l’anarchie, incarnée dans sa conception du fédéralisme, allant du bas vers le haut, et de la périphérie vers le centre. L’émancipation de l’humanité s’inscrit dans la continuité avec le mouvement universel de la nature, mais la pensée – et donc l’étude du social – en est une condition. L’être humain comme l’ensemble du vivant est pris par les lois naturelles. Il est toutefois davantage encore pris par le milieu social, à l’aspect spécifique. Il peut néanmoins s’en défaire par l’exercice de la pensée et de la volonté, ce qui est une caractéristique de l’humanité et un cheminement progressif. La reconnaissance de ce qui détermine le monde et nous détermine en tant que nous en sommes une partie permet à l’être humain, de comprendre son environnement et de s’affranchir par la culture. La culture n’est pas pour autant pensée comme une guerre à la nature, fidèle au projet très moderne, et donc récent, du capitalisme et des technosciences.

Pour Bakounine, il y a donc tout intérêt à étudier les régularités sociales, les mœurs et les habitudes : il y a des régularités dans le social qui préexistent aux règles que les individus prétendent se donner, et surtout à la conscience qu’ils en ont. Pour que le ruisseau devienne un torrent capable de nager à contre-courant, il doit lever les barrages. Comprendre la réalité par l’étude du social est un dévoilement du monde permettant une conscience plus éclairée. Connaître les forces déterministes est une étape nécessaire pour s’en libérer et permettre à l’humanité de prendre possession d’elle-même – de devenir autonome, dirait Castoriadis [47].

La science, et les sciences sociales en particulier, a un rôle important dans la lutte pour l’émancipation chez Bakounine, et chez les anarchistes qui lui ont succédé. Il n’y aurait pour autant pas de sens à fonder une science sociale anarchiste, comme n’importe quelle autre discipline universitaire. L’anarchisme ne peut pas être bridé par les murs d’une institution par essence élitiste, ou fondu dans le moule de la pensée académique. Proudhon comme Bakounine se méfiaient d’ailleurs des intellectuels et des philosophes. Mais Proudhon participe à sa manière à l’avènement de la sociologie [48].

Bakounine distingue deux conditions à partir desquelles la science peut devenir émancipatrice. La première consiste dans la reconnaissance des lois naturelles et des régularités sociales, donc dans la connaissance de la réalité, comme nous l’avons vu. Il en affirme une autre qui sépare radicalement l’anarchisme de la conception académique des sciences modernes. Il n’y aurait ainsi pas de sens à fonder une science sociale anarchiste, comme n’importe quelle autre discipline universitaire. L’anarchisme ne peut pas être bridé par les murs d’une institution par essence élitiste, ou fondu dans le moule de la pensée académique.

Bakounine est aussi un critique de la science. Il met en garde contre le gouvernement des savants, qui serait « une monstruosité » [49]. Déjà la science, surtout quand elle s’applique aux sociétés humaines, est nécessairement imparfaite. Ensuite, ce serait une législation surplombante de la société, que les individus se verraient vénérer sans la comprendre. Les scientifiques, formant une caste à part, pourraient alors même être comparés aux prêtres. Une institution scientifique mise dans cette position, déclare Bakounine, se trouverait rapidement corrompue, perdant sa puissance de pensée, diluée dans la jouissance de ses privilèges. Conformément à son idée que le pouvoir pervertit, il affirme que « c’est le propre du privilège et de toute position privilégiée que de tuer l’esprit et le cœur des hommes » [50].

Bakounine ne remet pas en doute le changement de registre qu’opère la démarche scientifique avec la religion ou la métaphysique. La science fait autorité, mais ses représentants sont faillibles. Elle n’est qu’une projection mentale, une interprétation issue d’un corps humain. Il n’y a pas à sacrifier les individus sur l’autel des abstractions, quand bien même elles seraient d’une autre nature que celles émanant de la religion, de la politique ou de la législation. « La science, c’est la boussole de la vie ; mais ce n’est pas la vie » [51]. La vie est une force créatrice que la science se contente d’essayer de reconnaître. C’est pourquoi la science ne peut qu’éclairer la vie, et non la gouverner.

Décidément prophétique, Bakounine prévient que lorsque la science se mêle de création vivante dans le monde réel, il ne peut en sortir que quelque chose de pauvre et de dégradé [52]. Il n’imagine certes pas encore jusqu’où va aller la déraison scientifique, avec ses manipulations génétiques ou le développement de l’atome, entre autres innovations morbides. Il prévoit toutefois la capacité de la science à considérer l’humanité comme cobaye. La reproduction artificielle du vivant est pour lui vouée à l’échec. De fait, ce qui échappe à la science, c’est la singularité contenue dans ce qui est vivant. L’abstraction scientifique est incomplète et imparfaite, condamnée au général, incapable de saisir le mouvement spontané et singulier de la vie. Elle n’est que plus indifférente envers l’être humain fait de chair et de sang.

C’est pour toutes ces raisons que Bakounine est un critique du scientisme avant l’heure. Mais il n’est pas seulement un précurseur mettant en garde contre les excès de la science, il lui définit une place sociale modeste au potentiel émancipateur.

« Ce que je prêche, c’est donc, jusqu’à un certain point, la révolte de la vie contre la science, ou plutôt contre le gouvernement de la science. Non pour détruire la science – à Dieu ne plaise ! Ce serait un crime de lèse-humanité –, mais pour la remettre à sa place, de manière à ce qu’elle ne puisse plus jamais en sortir. […] Elle n’est elle-même qu’un moyen nécessaire pour la réalisation d’un but bien plus élevé, celui de la complète humanisation de la situation réelle de tous les individus réels qui naissent, qui vivent et qui meurent sur la terre » [53].

Le rôle de la science est finalement pour Bakounine d’être une sorte de conscience collective de l’humanité, contribuant aux efforts pour se défaire des illusions politiques, morales et religieuses qui la recouvrent. Les sciences sociales quant à elles ont pour vocation de révéler « les causes générales des souffrances individuelles » [54]. Elles peuvent alors éclairer la route de l’émancipation. Au-delà, elles s’égarent en instrument de pouvoir. C’est pourquoi la science doit être investie par les gens ordinaires et devenir populaire. Elle n’a pas à être une sphère séparée de spécialistes. La liberté humaine est inaccessible à la science, mais elle est à la portée de « l’action spontanée du peuple » [55].

Libertad était de son côté un ferme partisan de l’hygiène tant physique qu’intellectuelle. Il lisait d’ailleurs de la sociologie, certes « avec peine » [56]. Il n’hésite tout de même pas à en faire une critique détaillée dans son journal L’anarchie. Il a surtout développé les causeries populaires en réaction aux universités populaires, où la même séparation entre expert et profane instituait de fait une hiérarchie. On imagine comment il considérait les universités académiques. Libertad est sur ce point représentatif des mouvements anarchistes, à la fois critiques virulents de la science des salons et des instituts, liés aux autorités constituées, et inlassables vulgarisateurs des théories scientifiques. Le spécialiste cède sa place au profane revendiquant la non appartenance au cercle des savants. Bibliothèques, conférences, causeries, excursions, éditions, journaux, chansons, spectacles, sont quelques pratiques populaires visant non seulement à propager l’anarchie, mais surtout à affiner l’esprit critique et à établir une existence libre.

Ces anarchistes ont ainsi contribué à remettre la science à sa place, tant dans le contexte social que dans sa portée. Outre ces deux apports, celui de poser une autonomie du social et par la même de donner une place particulière aux sciences sociales dans la compréhension des sociétés humaines, ainsi qu’une contribution même modeste au développement de telles sciences, l’anarchisme donne une vision à l’activité scientifique. Cette dernière n’est jamais neutre. Elle s’inscrit dans des rapports sociaux. Tant pis pour les esprits étroits qui protesteront toujours sur les jugements et les pensées critiques : il y a bel et bien des valeurs dans les faits. Aujourd’hui, l’activité scientifique contribue surtout à la croissance économique, au développement des technosciences, et à l’administration étatique. Pour les anarchistes, la science devait servir l’élan de la révolution sociale – et non politique. La fièvre révolutionnaire est peut-être aujourd’hui difficilement partageable pour de nombreuses personnes sincères dans leur démarche scientifique. Disons que l’activité scientifique doit s’orienter vers l’émancipation, et donc la subversion. Elle n’a pas le choix : servir les pouvoirs, c’est s’affaiblir elle-même et venir obscurcir davantage le voile qu’elle se donne comme mission de lever.

Bibliographie

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ANSART P., 2010, « Proudhon : Anarchisme ou Fédéralisme ? », Les cahiers psychologie politique [En ligne], numéro 16

URL : http://lodel.irevues.inist.fr/cahierspsychologiepolitique/index.php?id=1412

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BAKOUNINE M., 1973-1982, Œuvres complètes, 8 volumes, Paris, Champ libre

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2014, Principes et organisation de la Société internationale révolutionnaire, Saint-Didier, L’escalier

2010, Considérations philosophiques sur le fantôme du divin, le monde réel et l’homme, Genève, Entremonde

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2011, Autour de la question révolutionnaire, Paris, Mutines séditions

2016, A bas les chefs !, Paris, La Fabrique

DURKHEIM E., 2007, Les règles de la méthode sociologique, Paris, PUF

FOUCAULT M., 1976, La volonté de savoir, Paris, Gallimard

GURVITCH G., 1965, Proudhon, sa vie, son œuvre, Paris, PUF

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KROPOTKINE P., 2004, La morale anarchiste, Paris, Mille-et-une-nuits

2010, L’entr’aide, un facteur d’évolution, Paris, Sextant

2013, La conquête du pain, Saint-Louis, Dialectics

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LIBERTAD A., 2006, Le culte de la charogne, Marseille, Agone

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PESSIN A. et PUCCIARELLI M., 2004, Pierre Ansart et l’anarchisme proudhonien, Lyon, Atelier de création libertaire

PROUDHON P-J., 1966, Qu’est-ce que la propriété ?, Paris, Garnier-Flammarion

1849, De la création de l’ordre dans l’humanité, Paris, Garnier frères

1851, Les confessions d’un révolutionnaire, Paris, Garnier Frères

1851, Idée générale de la Révolution au XIXe siècle, Paris, Garnier frères

1858, De la Justice dans la révolution et l’Eglise, 2 volumes, Paris, Garnier frères

1999, Du principe fédératif, Paris, Romillat

1865, La capacité politique des classes ouvrières, Paris, E.Dentu

ROUSSEAU J-J., 2001, Du contrat social, Nîmes, Maxi-livres

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Autre écrit de Julien Vignet :

Vignet_L’Autonomie_sociale_par_le_mutuellisme

Il n’y a pas de solution au sein du système, n’y en a jamais eu et ne saurait y en avoir ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

silversurfer8
« Encore combien de temps avant que mes yeux admirent une fois de plus les merveilles de l’univers toujours changeant…
Encore combien de temps avant la fin de mon exil… et que je puisse de nouveau me tenir sur la terre qui m’a vu naître ??
Même encore maintenant, je me rappelle de ces jours primordiaux… de ces années de jeunesse… sur la planète ANARCHIE ! »
~ Le Surfer d’Argent ~ 

Résistance politique : Errico Malatesta, retour sur une vie

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Malatesta_A

Errico Malatesta, retour sur une vie

Le Monde Libertaire

20 septembre 2021

Source:
https://monde-libertaire.fr/?article=Des_idees_et_des_luttes_Errico_MALATESTA

« La légende est plus vraie que l’histoire, plus intéressante. » Cette citation d’Errico Malatesta au sujet de la Commune de Paris de 1871 pourrait parfaitement s’appliquer à sa vie. On la connaît par les rapports de police essentiellement consacrés à noircir le personnage pour mieux l’enfermer, mais quid de sa vie intérieure, ses sentiments, son introspection. Très difficile exercice car il parlait assez peu de lui-même, tout consacré à une cause, l’anarchie à laquelle il consacrera un livre éponyme. Certes, il existe des articles, des discours, des propos enflammés d’amis, de compagnons qui magnifient le militant charismatique, lui qui voulait rester discret, au service des autres. Vittorio Giacopino publie chez Lux, un livre « roman historique » pour faire vivre la légende. Rien n’est faux, mais il fait parler Malatesta au plus près de ses lettres à ses amis, de ses réflexions. Enfermé vivant dans un petit appartement rue Andrea-Doria à Rome, surveillé, perquisitionné, harcelé par les nervis fascistes de Mussolini, il se remémore sa vie d’aventures, son départ en Amérique du Sud, ses voyages à Londres, un internationaliste qui rencontre Bakounine à Saint-Imier, se lie avec Pierre Kropotkine. 

La Révolution universelle

La Commune de Paris de 1871 sera sa prise de conscience de la nécessité de se battre pour un monde meilleur, il y pense encore en 1931, un an avant sa mort et croit toujours dans la Révolution universelle. « Nous ne reconnaissons d’autre patrie que la révolution universelle, d’autre ennemi que la tyrannie sous quelque forme qu’elle se présente. »

Ses premières actions relèvent du coup de poing, des initiatives à la hâte, des échecs, des procès, de la prison, mais toujours « je ne peux que nourrir du mépris pour ceux qui non seulement ne veulent rien faire, mais se complaisent à blâmer et maudire ceux qui agissent. » Alors, il agit toujours à l’affût d’une action, d’un espoir à relayer. « La foi, ce n’est pas une croyance aveugle : c’est le résultat d’une volonté ferme alliée à une forte espérance. »

Les souvenirs remontent à la surface, des regrets jamais, de la nostalgie parfois comme son séjour à Paris et le retour des communards en 1880, son exclusion de l’Internationale et le mépris de Marx à l’encontre des « anarchistes qui ne représentent pas les vrais travailleurs, mais des gens déclassés avec certains travailleurs abusés, comme troupe. »

Ses propos sont d’une actualité étonnante, bien qu’écrits au début du XXème siècle. « Tout le système social en vigueur est fondé sur la force brutale mise au service d’une petite minorité qui exploite et opprime la grande masse. » Il y oppose Le programme anarchiste qui se conclut ainsi « Nous voulons donc abolir radicalement la domination et l’exploitation de l’homme par l’homme. Nous voulons que les hommes, unis fraternellement par une solidarité consciente, coopèrent volontairement au bien-être de tous. […] Nous voulons pour tous le pain, la liberté, l’amour et la science. »

Une solidarité consciente

Ses regrets ? Oui sans doute le ralliement de Kropotkine et de quelques anarchistes à la guerre en 1914. Et puis aussi la révolution soviétique, même si au début il croit dans cette lumière qui se lève à l’Est, mais il écrit aussi en 1919 qu’en réalité « il s’agit de la dictature d’un parti, ou plutôt des chefs d’un parti […] qui préparent les cadres gouvernementaux qui serviront à ceux qui viendront après pour profiter de la révolution et la tuer. » Dans Pensiero et Volontà, il dénonce Lénine en ces termes, « lui, avec les meilleures intentions, fut un tyran, l’étrangleur de la Révolution russe, et nous qui ne pûmes l’aimer vivant, nous ne pouvons le pleurer mort. » Rappelons que Cronstadt, Mahkno et l’Ukraine, l’élimination des anarchistes sont passés par là. 

« Faire les anarchistes »

En 1920, se développe dans le Nord de l’Italie, une mobilisation ouvrière sans pareil, Malatesta en fait partie évidemment. Il faut occuper les usines et paralyser le système bourgeois. Cependant, les socialistes modérés, les syndicats limitent l’ampleur de la mobilisation et le reflux ne tarde pas à se faire sentir. Il en résultera des attentats du désespoir. 

Poursuivi par les fascistes, il se réfugie à Rome où la situation sera encore pire qu’à Milan. Isolé, il sent ses forces le quitter, entouré par les séides de Mussolini. Alors que faire, Errico Malatesta ? « Faire les anarchistes ; nous unir, nous organiser, approfondir les problèmes d’aujourd’hui et de demain. […] Ce qui importe le plus, c’est que le peuple, les hommes, perdent l’instinct et les habitudes grégaires que l’esclavage millénaire leur a insufflés, et apprennent à penser et à agir librement. Et c’est à cette grande œuvre de libération que les anarchistes doivent se consacrer. »

Francis Pian

Errico Malatesta, Vittorio Giacopino. Ed. LUX, 2018

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Errico Malatesta sur Résistance 71

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

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