Archive for the syndicalisme et anarchisme Category

Hommage à un anarchiste breton tombé au Rojava en 2018 (Le Monde Libertaire)

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, colonialisme, crise mondiale, démocratie participative, gilets jaunes, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, ingérence et etats-unis, militantisme alternatif, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, politique et social, résistance politique, société des sociétés, syndicalisme et anarchisme, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , on 27 février 2024 by Résistance 71

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KENDAL BREIZH, INTERNATIONALISTE LIBERTAIRE TOMBÉ AU ROJAVA

LIEN PERMANENT : HTTPS://MONDE-LIBERTAIRE.NET/INDEX.PHP?ARTICLEN=7655

Source :

https://www.monde-libertaire.fr/?articlen=7655&article=Kendal_Breizh_internationaliste_libertaire_tombe_au_Rojava

Janvier 2024

Dans une volonté à la fois d’hommage et de réflexion, cet article retranscrit le cheminement politique et pratique de Kendal Breizh. Cet anarchiste bretonnant a marqué son milieu par son combat : libérer les populations et leurs cultures opprimées par l’Etat colonial, que ce soit en France, au Moyen-Orient ou partout sur le globe.

Kendal Breizh : un anarcho-indépendantiste breton

Le 10 février 2018 mourrait Olier dit Kendal Breizh, militant anarcho-indépendantiste breton. Ce qualificatif peut laisser croire à un détournement nationaliste et identitaire de la pensée anarchiste mais la réalité est toute autre. S’il se considère ainsi, c’est pour deux raisons : L’existence du fait colonial et l’existence d’éléments centralisateurs et jacobins dans le mouvement anar (qu’il lui arrive d’appeler anarcho-jacobins ou anarcho-nationalistes). Le courant qu’il défend prône le droit à l’indépendance de tous les peuples opprimés et dominés du monde et non seulement le peuple breton, il ne peut être qualifié de ’nationaliste’ : « en plus de vouloir l’indépendance du peuple breton vis-à-vis de l’État français, je veux la libération de tous les peuples et dans tous les domaines (social, colonial, individuel, culturel) ; c’est là le fondement même de l’internationalisme. » écrit-il dans un article du N°12 de la revueHuchoer. Pour lui, il faut concilier la libération des peuples (anticolonialisme et anti-impérialisme) avec la libération de tous les individus (antisexisme, antiétatisme, autogestion, antirépression, antiautoritarisme) sans se perdre dans l’interclassisme ou dans l’indépendance comme fin en soi. Kendal, au-delà de la cause bretonne s’intéressait, entre autres, aux luttes basques, irlandaises, palestiniennes, zapatistes et kurdes. C’est ainsi qu’il s’engage au Rojava en 2017 et meurt sous les bombardements de l’armée turque à Afrine en février 2018.

Le Syndicalisme, un allié ?

Olier s’intéressa au syndicalisme alliant à la fois revendications sociales et lutte pour l’autonomie des peuples. Il se pencha particulièrement sur l’Espagne de 1936 où la révolution se joua sur fond d’identités régionales (Pays basque, Catalogne) luttant contre le joug de l’Etat central castillan. D’ailleurs, plusieurs combattants ayant participé à la révolution espagnole étaient membres de l’Irish Citizen Army. Cette milice ouvrière de l’ITGWU, syndicat irlandais luttant contre la double oppression du prolétariat en Irlande : l’exploitation capitaliste de la bourgeoisie irlandaise et l’exploitation coloniale de l’Empire britannique.

Ce syndicat s’illustra notamment dans la grande grève de 1913, mouvement massif autant détesté par la Couronne britannique que par les nationalistes du Sin Fein et dont le seul soutien a été les organisations ouvrières anglaises ! 

De nouveau, durant la première guerre mondiale, l’ITGWU réussit à stopper la conscription britannique en Irlande grâce à une autre grève générale en 1918. Ainsi, ce syndicat révolutionnaire s’inscrivant dans la lutte des classes contribua à l’indépendance de l’Irlande qui fut malheureusement récupérée par la bourgeoisie et les nationalistes irlandais. 

Si Kendal perçoit le syndicalisme comme une stratégie utile pour la révolution et pour l’indépendance, cela ne l’empêche pas d’avoir une analyse critique. En effet, il n’hésite pas à dénoncer la bureaucratie et l’hypocrise de la CGT ou de la CFDT.

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Antimilitariste oui, pacifiste non !

Dans de nombreux articles, Olier s’attache à dénoncer le militarisme étatique. Ainsi, la fin du service militaire ne signe pas la fin de l’emprise martiale sur la société vu la police hautement armée et le discours nationaliste dominant valorisant l’armée, telle la Journée d’Appel et de Préparation à la Défense : autant d’incarnations de l’Armée dans nos quotidiens. Ces analyses datant des années 2000 ne peuvent que nous faire écho à l’heure du SNU…

Son antimilitarisme n’est pas dissociable de ses idées anticarcérales et antirépressives qui lui tenaient très à cœur. 

Néanmoins, si Olier est antimilitariste, il n’est pas pacifiste. Il considère la lutte armée décoloniale comme un moyen de libération de l’individu. Il crache sur les libertaires dogmatiques qui seraient prêt-es à rejoindre la bourgeoisie contre un mouvement d’émancipation usant de la violence, alors qu’il considère celle-ci comme pouvant être bénéfique pour les peuples colonisés ou dans les manifs. Cependant, il est conscient du risque des dérives contre-révolutionnaires et militaristes. Pour Olier, la lutte armée est un moyen qui, comme les autres, ne doit pas être utilisé dogmatiquement mais pragmatiquement loin des carcans hiérarchiques de l’Armée. C’est dans cet optique qu’il partit en 2017 combattre au côté des Forces Démocratiques de Syrie pour défendre l’arme au poing la révolution au Rojava, que ce soit contre Daesh ou la Turquie.

NdR71 : le problème réside ici dans les FDS, création des Yankees, qui ont aussi créé Daesh depuis l’Irak pour déstabiliser la région. L’entretien du chaos est incessant pour que l’empire tire les marrons du feu, notamment les contrôle des zones pétrolières du nord de la Syrie, qu’il pille sans vergogne par ses “alliés” de circonstance interposé. Depuis 2016, la révolution sociale du Roja, celle du confédéralisme démocratique d’Ocalan, a été trahie et le “contrat social du Rojava”, ersatz crypto-étatique qui est aussi une création du contrôle yankee régional… Sacré panier de crabe dont ce compagnon est tombé victime.

Colonialisme sur le bout de la langue

Dans son anarcho-indépendantisme, la protection des langues et des cultures est un pan important.

Il ne s’agit pas pour une population de se couper de celles qui ne partagent pas sa langue ou sa culture mais de rompre avec les Etats dont la pratique colonialiste impose langue, culture et lois considérées comme supérieures. 

La valeur d’une langue n’existe que par celleux qui l’utilisent et qui défendent leurs valeurs. Il faut donc refuser tous les impérialismes linguistiques même l’esperanto : l’uniformisation qu’elle soit capitaliste, colonialiste ou « anarchiste » est néfaste pour les individu-es.

Une langue peut tout à fait être victime et oppresseure tel le français qui se défend face à l’anglais en minorant d’autres langues d’où la nécessité d’éviter l’écueil de la promotion d’une langue contre les autres mais de favoriser la liberté d’exister pour toutes.

« Toute langue étant le reflet d’une culture et d’une expression populaire passée ou présente, ancienne ou récente – l’espéranto par exemple –, doit pouvoir perdurer, être transmise et sauvegarder tant qu’il existe un ou plusieurs individus qui le désirent. Il n’existe pas de langue civilisatrice ou sauvage, de langue démocratique ou fasciste, de langue libératrice ou aliénante, bref de langues supérieures ou inférieures : dire le contraire, c’est se lancer dans le chemin fascisant du centralisme ethnique. » écrit Kendal dans le N°11 d’Huchoer

En France, l’équation de l’Etat-Nation : Etat=Nation=Culture=Langue se sent menacée par les différentes cultures et langues sur son territoire, qu’elles soient autochtones ou issues des migrations, ce qui n’empêche pas la France de prôner le français en dehors de ses frontières. 

Cet universalisme rejette les différences pour les supprimer, Olier lui oppose l’internationalisme et la tolérance qui acceptent les différences dans la solidarité.

Défendre la culture et les langues n’est pas défendre corps et âmes des traditions dont les aspects oppressifs notamment patriarcaux doivent être remis en cause. Selon lui cette défense ne peut qu’être populaire : se placer contre ces oppressions culturelles est indissociable de l’opposition à l’oppression des peuples, les oppressions des populations étant bien plus inacceptables. « Le centralisme colonial est l’ennemi majeur du fédéralisme libertaire » dit-il dans le N°12 d’Huchoer.

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Pourquoi cet article ?

Ces lignes s’appuient majoritairement sur ses articles dans l’Huchoer. Elles rendent hommage à un militant internationaliste parmi tant d’autres dont l’idéologie personnelle se rapproche de la nôtre malgré certaines inimitiés entre notre groupe et certains groupes dont il a fait partie, inimitiés qu’il conviendrait de dépasser aujourd’hui pour un internationalisme libertaire d’autant qu’à l’occasion des six ans de sa mort, se tient le 10 février 2024 à Rennes une journée autour de l’internationalisme : Bevañ an Etrebroadelouriezh (Vivre l’Internationalisme en breton) organisée par les ami-es, camarades et la famille d’Olier, Serhildan-Bretagne et le CDK-R (Centre Démocratique Kurde-Rennes).

trimart-Elo et Rictus du groupe La Sociale

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A lire et diffuser: Entretiens avec le collectif « Lutte Anarchiste » du Rojava : 1 et 2 

Il n’y a pas de solution au sein du système, n’y en a jamais eu et ne saurait y en avoir ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

+

5 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

Société des sociétés organique avec Gustav Landauer

Lire notre page « Textes fondateurs pour un changement de paradigme politique »

Rojava : « Confédéralisme démocratique », Abdullah Ocalan, 2011

GLRevolution

L’état n’est pas quelque chose qui peut être détruit par une révolution, mais il est un conditionnement, une certaine relation entre les êtres humains un mode de comportement humain, nous le détruisons en contractant d’autres relations, en nous comportant différemment.
“L’objectif est le peuple, la société, la communauté, la liberté, la beauté, la joie de vivre.”
~ Gustav Landauer 1911 ~

Sortir de la spirale infernale étatico-marchande : l’abolition et l’extinction de l’état et du rapport marchand (Camillo Berneri)

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Texte bien pensé de Berneri, qui nous ramène aussi à l’essence de cette affaire qui est la trahison de la révolution sociale par Marx et Engels dès lors qu’ils publient leur “Manifeste du Parti Communiste” en 1848, que bien des marxistes l’aient transformé sémantiquement et frauduleusement en “Manifeste Communiste”… Marx et Engels ont écrit un manifeste de parti politique, celui du Parti communiste et ont par là ouvert grande la porte pour tous les capitalismes d’état marxistes qui s’en suivirent, léniniste et autres.
Rappelons qu’ils écrivent ceci dans le “manifeste” en section I :
“Cette organisation des prolétaires en une classe et en conséquence en un parti politique, est continuellement dérangée par la concurrence entre les travailleurs eux-mêmes. Mais elle se lève toujours, plus forte, plus ferme, plus puissante. Elle force la reconnaissance législative d’intérêts particuliers des travailleurs en prenant avantage sur les divisions de la bourgeoisie.”
Puis en section II, ils disent ceci concernant les mesures que prendront les prolétaires une fois la suprématie achevée, dans une liste de 10 points :

“2. Un impôt sur le revenu progressivement lourd ou graduel

5. Centralisation du crédit dans les mains de l’état au moyen d’une banque nationale ayant un capital d’état et un monopole exclusif.

6. Centralisation des moyens de communication et de transport dans les mains de l’état.

7. Extension des usines et instruments de production possédés par l’état…”

Ceci met bien en lumière que Marx et Engels n’avaient aucune vision politique de l’abolition de l’état et de l’argent / salariat, qu’ils ne remettaient pas en cause sur un plan pratique, la relation marchande, ne tentant que de la réformer pour plus de “justice sociale” au sein d’un système fondamentalement oppresseur. Alors certes Marx a nuancé certains aspects de tout cela dans de futurs écrits, mais il n’a jamais critiqué son “manifeste” qu’il a même “canonisé” dans la préface ultérieure d’une édition allemande de l’ouvrage en disant en substance que son “Manifeste du parti communiste” était un document historique dont on ne pouvait changer une virgule. Contradiction quand tu nous tient !… Si la critique de l’économie politique de Marx est une grande contribution à la pensée critique humaine, la “science” du matérialisme historique et ses errances politiques douteuses dans ses “solutions pratiques” doivent être prises avec les pincettes nécessaires. Marx aurait-il soutenu Lénine ? Probablement pas à la fin de sa vie, mais son “manifeste du Parti communiste” lui a ouvert grande la porte. Au contraire, l’émancipation viendra de notre changement de relation avec l’État, les institutions et la marchandise. Ignorons-les et bâtissons l’alternative, ensemble ; celle d’une confédération des associations et communes libres hors État, hors marchandise, hors argent et hors salariat… A chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins, le tout dans une organisation non coercitive et non hiérarchisée.
Qu’on se le dise !
~ Résistance 71 ~

QuintetA

L’abolition et l’extinction de l’État

Camillo Berneri

1978

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

Janvier 2024

Alors que nous, les anarchistes, désirons l’extinction de l’État par la révolution sociale et la constitution d’un ordre confédéral autonome, les léninistes désirent la destruction de l’état bourgeois et plus encore, la conquête de l’état par le “prolétariat”. “L’état prolétaire” comme il l’appelle, est un demi-état puisque l’état complet est l’état bourgeois détruit par la révolution sociale. Et même ce semi-état mourra, d’après les marxistes, de mort naturelle.

Cette théorie de l’extinction de l’État qui est la base du livre de Lénine ‘L’état et la révolution” est un dérivé de Lénine des propos d’Engels qui dit dans son “Anti-Dühring” :

Le prolétariat saisit le pouvoir de l’état et d’abord transforme les moyens de production en propriété d’état. Ce faisant, il n’est plus le prolétariat, il annihile la différence d classe et les antagonismes de classe et par conséquent il annihile l’état en tant qu’état. La société telle qu’elle fut et telle qu’elle est présentement est mise en marche par les antagonismes de classes, elle avait besoin de l’état, c’est à dire d’une organisation de la classe exploiteuse ayant pour but de maintenir les conditions externes de la production, en particulier avec une vue de maintenir par la force la classe exploitée des des conditions d’oppression demandées par le mode existant de production (esclavage, servage, salariat).

L’état était le représentant de toute la société, sa synthèse dans une forme visible, mais il ne l’était que dans la mesure où il était l’état d’une classe qui représentait en son temps, la société entière : l’état de citoyens qui possédaient des esclaves dans l’antiquité, l’état de la noblesse féodale au moyen-âge, l’état de la bourgeoisie à notre époque. Mais en devenant le véritable représentant de toute la société, il se rend superflu. Dès qu’il n’y a plus de classe sociale pour maintenir en oppression, dès que les conflits d’intérêts et les excès sont abolis dans le même temps que la domination de classe et la lutte pour l’existence individuelle qui est fondée sur la vieux chaos de la production duquel ils résultent, il n’y a plus rien à réprimer et une force toute spéciale de répression, l’État, devient alors inutile.

La première action par laquelle l’État se confirme comme le représentant de toute la société dans la réalité, prenant possession des moyens de production au nom d cela société, devient en même temps le dernier acte de l’État en tant qu’état. L’intervention du pouvoir d’état dans les relations sociales devient superflu dans un domaine après l’autre, pour finit par s’évanouir de son propre chef. Le gouvernement du peuple est remplacé par l’administration des choses et le contrôle du processus de production. L’état n’est pas “aboli”, simplement il s’´´évanouit, s’estompe. C’est de ce point de vue que nous devons juger l’expression : ‘un état populaire libre’ aussi pour son intérêt éphémère de discussion que pour son inadéquation scientifique définitive, c’est aussi de ce point de vue que les affirmations de ceux qu’on appelle anarchistes et qui désirent que l’État soit aboli du jour au lendemain, doivent être jugées.

Entre l’Etat d’aujourd’hui et l’Anarchie de demain, il y aurait un semi-état. L’état qui meurt est “l’état comme état”, c’est à dire l’état bourgeois. C’est dans ce sens qu’on doit prendre la phrase qui au premier abord semble être en contradiction avec la proposition de l’état socialiste : “prendre possession des moyens de production au nom de la société, qui devient du même fait le dernier acte de l’État.” Prise littéralement hors contexte, cette phrase signifierait que la socialisation économique et l’extinction de l’État se fassent de manière temporellement simultanée. Aussi, pris littéralement et hors du contexte, la phase relatant au prolétariat se détruisant lui-même en tant que prolétariat dans l’action de saisie du pouvoir de l’état pourrait indiquer le manque de besoin d’un “état prolétaire”.

En réalité, Engels, sous l’influence d’un “style didactique”, s’exprime de manière inopportune. Entre l’état bourgeois d’aujourd’hui et le socialisme anarchiste de demain, Engels reconnaît toute une chaîne d’ères successives durant lesquelles l’État et le prolétariat demeurent. C’est pour faire un peu de lumière sur l’obscurité dialectique qu’il ajoute l’allusion finale aux anarchistes ‘qui désirent que l’État soit aboli du jour au lendemain., c’est à dire qui ne permettent pas une période transitoire en regard de l’État, dont l’intervention selon Engels lui-même, devient superflue “dans un domaine après l’autre”, c’est à dire graduellement.

Il me semble que a position léniniste sur le problème de l’État coïncide exactement avec celle prise par Marx et Engels quand on interprète l’esprit des écrits de ces derniers sans se laisser tromper par l’ambiguîté de certaines tournures de phrases.

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Trouvez l’intrus…

NdR71 : pour nous et la vaste majorité des anarchistes, Marx et Engels ont trahi la révolution sociale avec leur “Manifeste du Parti Communiste” de 1848 dans lequel il est clairement dit noir sur blanc que l’État prend tout en charge… ce qui fut une porte grande ouverte, mais pouvait-il en être autrement ? au capitalisme d’état de toutes les tendances marxistes léniniste, trotskiste, staliniste, castriste, maoïste, titiste et autres… mis en place historiquement et qui assassina sur tous les continents les embryons des véritables révolutions sociales qui se mettaient en place des conseils ouvriers italiens de 1920 à ceux de mai 1967-8 en passant par Cronstadt 1921, l’Espagne 1937 et Budapest 1956… -[]-

L’État est, dans la pensée politique marxiste, léniniste, l’instrument politique temporaire de socialisation, temporaire dans la véritable essence de l’Etat, c’est à dire celle d’un organisme de domination d’une classe par une autre. L’état socialiste, en abolissant les classes, se suicide. Marx et Engels étaient des métaphysiciens qui en vinrent souvent à schématiser les processus historiques par amour de système.

“Le prolétariat” qui saisit l’état, lui donnant la propriété complète des moyens de production et se détruisant lui-même tout comme l’état en tant qu’état est une fantasmagorie métaphysique, une hypothèse politique d’abstractions sociales.[1]

Ce n’est pas le prolétariat russe qui a saisi le pouvoir de l’état, mais plutôt le parti bolchévique qui n’a pas détruit du tout la classe prolétarienne et a en revanche créé un capitalisme d’état, une nouvelle classe bourgeoise (NdT : plus tard la fameuse Nomenklatura), toute une série d’intérêts liés à l’état bolchévique qui tend à se préserver eux-mêmes en préservant l’état.

L’extinction de l’état est de plus en plus loin en URSS où l’interventionnisme statique est plus grand et oppresseur et où les classes ne disparaissent pas.

Le programme léniniste de 1917 incluait ces points : la discontinuité de la police et de l’armée, l’abolition de la bureaucratie professionnelle, élections pour toutes positions et fonctions publiques, révocabilité de tous les officiels et fonctionnaires, égalité des salaires des bureaucrates et des travailleurs, le maximum de démocratie, concurrence paisible entre les partis au sein des soviets (assemblées populaires des travailleurs), abolition d cela peine de mort. Aucun de ces points du programme ne fut mis en place.

Nous avons un gouvernement de l’URSS, une oligarchie (nomenklatura) dictatoriale. Le Comité Central de 19 membres domine le Parti Communiste de l’Union Soviétique (PCUS), qui a son tour règne et domine sur l’URSS (NdT : et plus tard ses satellites politiques du pacte de Varsovie)

Tous ceux qui ne sont pas de “loyaux sujets” sont accusés d’être des contre-révolutionnaires. La révolution bolchévique a engendré un gouvernement saturnal qui déporte Riazano, le fondateur de L’Institut Marx et Engels, au moment où il prépare l’édition complète et originale du “Capital”, qui condamne la mort de Zinoviev, président de la ligue communiste internationale, Kameniev et beaucoup d’autres parmi les meilleurs propagateurs du léninisme, qui exclut du parti, puis exile, expulse de l’URSS un “Duce” comme Trotsky, qui pour faire bref est contre 80% des supporteurs du léninisme.

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(NdT : le même Trotsky, patron de l’armée rouge qui écrasa la Commune Libre de Cronstadt en 1921 et mena une guerre sans merci aux anarchistes ukrainiens de Makhno entre 1918 et 1923, anarchistes qu’il fit massacrer, exécuter sommairement ou déporter, qui ordonna, au téléphone, l’exécution de son « ami » anarchiste Voline, fait prisonnier avec des partisans de Makhno en Ukraine… Trotsky une autre pourriture sans nom du capitalisme d’état, soutenu et financé par Wall Street alors que Lénine l’était par la City de Londres via des banques allemandes. La seule différence réside en ceci : Lénine voulait cantonner le capitalisme d’état et le consolider en Russie, Trotsky voulait l’exporter sur le monde, mais tous deux étaient des socialistes autoritaires d’état…)

En 1920, Lénine vantait les vertus de l’auto-critique au sein du Parti Communiste et parlait “d’erreurs” reconnues par le “parti” et non pas le droit des citoyens de dénoncer ces erreurs, ou ces choses qui pour lui semblaient être du parti au sein du gouvernement. Quand Lénine était dictateur, quiconque faisait tanguer le rafiot en dénonçant les mêmes erreurs que Lénine reconnaîtrait a posteriori risquait ou fut exposé à l’ostracisme, la prison et/ou la mort. Le soviétisme bolchévique fut une atroce farce, même pour Lénine qui se targuait du pouvoir quasi divin de Comité Central du PCUS sur toute l’URSS en disant : “Aucune question importante que ce soit de discipline politique ou en rapport avec l’organisation, n’est décidée par une institution étatique dans notre république sans une directive émanant de Comité Central du parti…

Quiconque dit “état prolétarien” dit “capitalisme d’état” ; quiconque dit “dictature du prolétariat” dit “dictature du Parti Communiste” ; quiconque dit “gouvernement fort” dit “oligarchie tsariste de politiciens”.

Léninistes, trotskistes, bordighistes, centristes, ne sont divisés que par de différentes idées tactiques. Tous les bolchéviques, quelque soit la faction dont ils viennent, sous des soutiens de la dictature politique et du socialisme d’état. Tous sont unis par la formule : “dictature du prolétariat” une expression ambigüe qui correspond à celle, jacobiniste, du “peuple souverain” . Quoi que soit le jacobinisme, il est certain de causer une déviation de la révolution sociale et quand elle dévie, alors “l’ombre d’un Bonaparte” plane sur elle.

On doit être complètement aveugle pour ne pas voir que le bonapartisme de Staline n’est en fait que l’horrible et bien vivante ombre de la dictature léniniste.

Notes :

[1] Hypostasis: in theology this word is equivalent to ‘nuance,’ thus the father, son and holy ghost are three hypostases of a single divine substance Here the proletariat’s act of seizing power is a hypostasis which contains several magic processes: destruction of the state and the proletariat.

[2] Saturnal: an allusion to the myth of Saturn who ate his own children. The Party devoured, Trotsky, then Stalin, then Krushchev etc.

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Il n’y a pas de solution au sein du système, n’y en a jamais eu et ne saurait y en avoir ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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5 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

Société des sociétés organique avec Gustav Landauer

Il était une fois la révolution coproduction R71 et JBL1960 030723

Ouragan / Déluge d’Al Aqsa : Voix anarchistes du front de l’occupation sioniste de la Palestine avec le collectif Fauda de Cisjordanie (Black Rose / Fauda)

Posted in 3eme guerre mondiale, actualité, altermondialisme, crise mondiale, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, ingérence et etats-unis, militantisme alternatif, neoliberalisme et fascisme, politique et lobbyisme, politique et social, résistance politique, société des sociétés, syndicalisme et anarchisme, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , , on 25 octobre 2023 by Résistance 71

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Voix du front contre l’occupation sioniste

Entretien avec des anarchistes palestiniens

FAUDA / Black Rose International Relation Committee (IRC)

17 Octobre 2023

Source: https://blackrosefed.org/interview-fauda-palestine/

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

Dans cette nouvelle et encore plus horrifiante phase des 75 ans d’occupation de la Palestine par “Israël”, il est très important de donner une plateforme de communication aux Palestiniens en lutte contre le nettoyage ethnique sioniste en cours.
Black Rose / Rosa Negra (BRRN) a contacté le groupe FAUDA, petit groupe basé en Cisjordanie, qui s’identifie comme une organisation anarchiste palestinienne, afin d’avoir leur perspective dans la lutte actuelle. Fauda est un groupe nouveau pour nous, et nous n’avons pas beaucoup d’information à son sujet au-delà de cet entretien présenté ici et de ce que nous pouvons trouver sur leurs chaînes publiques. Dans la mesure où nous n’avons qu’une compréhension minimale de la politique, stratégie et activité du groupe Fauda, la publication de cet entretien ne constitue pas la fait que nous les approuvons totalement. Nous espérons que cet entretien sera une étape pour la création de plus de connexions entre les révolutionnaires aux Etats-Unis et la jeunesse militante de Palestine et que cela contribuera à plus de connaissance les uns avec les autres.
Quelques soient les similarités ou différences dans nos politiques, nous pensons que nous devons écouter les perspectives de militants  de terrain qui résistent à la violence du nettoyage ethnique financé par les Etats-Unis. Nous espérons que ce court entretien puisse être une contribution à renforcer notre travail ici de torpillage de l’impérialisme et du colonialisme d’occupation. Mis à part quelques modifications pour rendre la lecture plus fluide après traduction, le contenu de l’entretien est présenté ici sans aucune altération. Nous désirons remercier nos amis palestiniens et arabophones pour leur aide dans la conduite et la traduction de cet entretien. Nous désirons aussi étendre notre gratitude au représentant du groupe Fauda qui s’est vraiment engagé dans ses réponses à nos questions pendant un moment d’extrêmes tension et de violence en Palestine occupée.

NdR71 : Nous ne connaissions pas ce groupe anarchiste palestinien et adhérons tout à fait à l’avant-propos de Black Rose et aussi particulièrement avec la démarche tout à fait similaire à la notre du groupe Fauda palestinien, qui tente de rassembler et d’ouvrir débat et coopération entre des factions de résistance souvent politiquement opposées. Notre succès de résistance et de libération à l’échelle planétaire passe par l’union des forces vives de la résistance populaire anti système étatico-marchand, pour la mise en place d’une collaboration d’associations libres au-delà des idéologies et dogmes religieux. Ce défi n’est en rien insurmontable et le groupe Fauda de Palestine nous montre le chemin.

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1. BRRN: Peux-tu nous parler de ton groupe, où sont localisées vos activités et ce qui distingue Fauda des autres groupes politiques palestiniens comme le FPLP, le FPDLP, le Hamas, le Fatah etc ?

1. مجموعتنا تعرف بـ”حركة فوضى بفلسطين” وتتكوّن من شباب نضاليين وأيضا أكاديميين من داخل فلسطين وخارجها.

هدفنا هو تجميع جميع القوى بشتى الأفكار والاتجاهات السياسية والفكرية وتمركزها على محاربة الاحتلال الظالم والفكر الصهيوني العنصري في فلسطين. لهذا لدينا علاقات جيدة مع بعض الشباب من الديانة اليهودية وبعض المتحولين وبعض المسلمين والنصارى وغيرهم.

الفكرة هي أنّ الكثير من الفلسطينيين يخالفون الأعمال العنصرية والظالمة التي يمارسها الاحتلال الصهيوني ولكنهم لا يجدون محورا واحدا يجتمعون حوله ولهذا نرى في كثير من الأحيان انهم بدلا من أن يركزوا على محاربة العنصرية ونظام الفصل العنصري الصهيوني ، يتهجمون على بعضهم البعض.

نحن هنا نلعب دور الوساطة فيما بين الأطراف المختلفة لتجميع كل الامكانيات والقدرات الموجودة لدى الفلسطينيين لمكافحة نظام الفصل العنصري.

وقد قمنا بنشاطات مختلفة منها تعليم الشباب الفلسطيني كيفية النضال وأفكار الأناركيين والفوضويين (الوحدة التعليمية) ، تنسيق وقفات واحتجاجات مختلفة منها سلمية ومنها في شكل كتلة سوداء (الوحدة التنفيذية) ، نشر الاخبار وكل ما يتعلق بفلسطين والشعب الفلسطيني وما يقوم به الجيش الاسرائيلي والانظمة الأمنية من قمع الحريات الفردية والاجتماعية، هدم منازل الفلسطينيين، قتل الاطفال، المجازر والابادة الجماعية في حق الشعب الفلسطيني و.. (الوحدة الأخبارية) ونشر المعلومات المهمة عن تاريخ فلسطين وتاريخ الصراع الفلسطيني والاسرائيلي والاختلافات الفكرية التي ربما يواجهها الجيل الجديد عن ماضيه لأننا هنا نواجه حرب اعلامية شرسة تقوم بتحريف الحقائق وقلب الوقائع لصالح اسرائيل. فكما تعلمون اسرائيل لها قنوات تبث على مدار الساعة باللغة العربية حتى تحرّف الحقائق التاريخية وتنشر روايتها المزيفة عن الماضي وعن ما يجري على أرض الواقع حاليا (الوحدة الاعلامية).

هذه نبذة قصيرة عن حركة فوضى بفلسطين

1. Notre groupe est connu sous le nom de “Mouvement Fauda de Palestine” et consiste en de jeunes activistes, étudiants, universitaires à l’intérieur et à l’extérieur de la Palestine.
Notre objectif est de rassembler toutes le forces des idées politiques et intellectuelles variées et de les focaliser sur la lutte contre l’occupation et la pensée sionistes racistes en Palestine. C’est pourquoi nous avons de bonnes relations avec des jeunes de la foi judaïque, quelques convertis, quelques musulmans, des chrétiens et autres.
L’idée est qu’un grand nombre de Palestiniens s’opposent aux actes injustes et racistes de l’occupation sioniste, mais ils ne trouvent pas un axe unique autour duquel s’unifier. C’est pourquoi nous voyons souvent qu’au lieu de se focaliser sur la lutte conte le racisme et le régime d’apartheid sioniste, ils s’attaquent les uns les autres.
Ici, nous jouons un rôle dans la médiation entre les différentes parties afin de rassembler toutes les possibilités et capacités des Palestiniens à combattre le régime d’apartheid.
Nous avons fait de nombreuses activités, incluant l’enseignement à la jeunesse palestinienne comment lutter et les méthodes de lutte, la pensée anarchiste (par notre unité éducative). Nous avons coordonnée des activités de surveillance et de manifestations, certains évènements pacifiques, d’autres sous la forme d’opération de black bloc (notre unité action). Nous avons publié de l’information et tout ce qui a trait à la Palestine et au peuple palestinien et ce que l’armée israélienne et le système israélien font. La suppression des libertés individuelles et sociales, la démolition des maisons palestiniennes, le meurtre des enfants, massacres et génocide contre le peuple palestinien etc (unité d’information). Nous avons aussi disséminé une importante information sur l’histoire de la Palestine, l’histoire du conflit israélo-palestinien et sur les différences intellectuelles entre maintenant et le passé, parce qu’ici nous devons faire face à une vraie guerre de média qui déforme les faits et toutjour tout en faveur d’Israël. Comme vous le savez, Israël a des chaînes de télévision qui diffusent 7/7, 24/24 en arabe afin de déformer les faits historiques et diffuser un faux narratif sur le passé et sur ce qui se passe de fait actuellement sur le terrain. (unité médiatique)

Ceci constitue un bref résumé sur le mouvement Fauda en Palestine.

2. BRRN: Que voulez-vous que les camarades aux Etats-Unis sachent au sujet de la situation en Palestine en ce moment ?

2. بالنسبة لهذا السؤال أريد أن أخبر جميع اخواننا في ارجاء العالم وليس فقط في الولايات المتحدة ، أن لا تثقوا أبدا بما يخبركم به الامبراطورية الاعلامية العالمية التي طالما رأينا كيف تحرّف الأخبار وتقلبها لصالح الاستعمار العالمي والاحتلال الصهيوني.

نحن هنا في فلسطين نعاني. نعاني من سلب أقل متطلبات الحياة. أريدك أن تعلم أنه لا يوجد يوما واحدا، -أؤكّد لك حرفيا- لا يوجد يوم واحد لا يعتقل الجيش الإسرائيلي شابا او شابة فلسطينية وهي تمشي في الشارع دون أن تعلم ماذا بانتظاره لبقية يومها.

المناطق الفلسطينية في الضفة الغربية دائما ما تعاني من قطع الكهرباء والمياه بشكل شبه يومي. منذ سنين والجيش الإسرائيلي يسعى أن يقوم بتهجير قسري لبعض المناطق الفلسطينية حتى يستولي عليها ويقوم ببناء مستوطنات جديدة فيها. في السابق كان الجيش يمارس جميع المناهج القمعية والعنيفة لإخلاء هذه المناطق ولكن في الآونة الأخيرة نرى أنّهم يقومون بممارسة سياسة ناعمة لنفس الأهداف السابقة أي التهجير القسري. هذه السياسة الناعمة تتمثل في قطع الكهرباء والمياه لفترة طويلة، عدم تجميع النفايات من تلك المناطق بحيث أنّ الرائحة الكريهة تفوح في تلك المناطق، إطلاق مناورات عسكرية شاملة قريبة من تلك المناطق لإيذاء السكان الفلسطينيين في تلك المنطقة وغيرها من الأعمال غير الانسانية التي يقوم بها الاحتلال الصهيوني. هذا قسم صغير وبسيط جدا مما يجري على طول السنة هنا في فلسطين وخاصة في الضفة الغربية.

أما حاليا وفي وسط هذه الحرب العنيفة، قوات الأمن الإسرائيلي قامت باعتقال عدد كبير من المدنيين في الضفة الغربية دون أي اتهامات محددة خشية اندلاع مواجهات في الضفة. تخيل أنّك جالس في بيتك مع عائلتك وفجأة يدخل الجنود الاسرائيليين موجّهين الأسلحوةنحوك ونحو أسرتك ويعتقلك بدون أي جريمة ارتكبتها. هكذا الوضع تماما هنا. وليتها كانت مجرد اعتقالات. في كثير من الاحيان الاعتقالات تؤدّي إلى ممارسة أشدّ التعذيب في السجون وحتى الموت إثر هذه الممارسات الممنهجة.

وأريدكم أن تعرفوا شيئا آخر وهو أن السلطة الفلسطينية والرئيس محمود عباس لا يمثلنا نحن الشعب الفلسطيني ابدا. نحن نرفض السلطة ونرفض عباس وكل وزراءه. لا أدري هل سمعتم باتفاقية التنسيق الأمني فيما بين الاحتلال الصهيوني والسلطة الفلسطينية. لقد عقدت السلطة منذ سنين اتفاقية بموجبها تقوم بخدمة الكيان المحتل أمنيا. أي كل الشباب المناضلين الفلسطينيين الذين يكافحون الاحتلال الصهيوني بشكل أو آخر والاحتلال لا يستطيع ان يلقي القبض عليه، تقوم السلطة بملاحقته والقاء القبض عليه وتسليمه الى الاحتلال ومن ثم لا يعرف أي احد مصير ذلك الشاب او تلك الفتاة. هؤلاء لا يمثلوننا، لا نحن ولا أي فلسطيني آخر. هؤلاء مرفوضون تماما في الشارع الفلسطيني ولكن للأسف معترف بهم رسميا ودوليا من قبل منظمة الأمم المتحدة والولايات المتحدة الأمريكية تدعمها.

2. Concernant cette question, je voudrais dire à nos frères autour du monde, pas seulement aux Etats-Unis, de ne jamais croire ce que les médias de l’empire vous racontent, comme on l’a toujours vu, ils déforment tout, trafiquent les infos toujours en faveur de colonialisme mondialiste et de l’occupation sioniste.
Ici, en Palestine, nous souffrons. Nous souffrons d’être volés d’un minimum de base pour simplement vivre. Si vous voulez savoir, il n’y a pas un seul jour, je dis bien pas un seul, pas un seul jour où l’armée israélienne n’arrête pas un jeune Palestinien, homme ou femme alors que cette personne marche simplement dans la rue.
Les zones palestiniennes de Cisjordanie souffrent toujours de coupures d’eau et d’électricité, de manière quotidienne. Depuis des années, l’armée israélienne a cherché à déporter de force des zones palestiniennes entières afin de les saisir et de construire de nouvelles colonies. Dans le passé, l’armée pratiquait toute sorte de méthodes répressives et violentes pour dégager ces zones et virer les Palestiniens de leur terre, mais nous voyons plus récemment qu’ils pratiquent une politique plus douce dans le même objectif. Ces politiques plus douces consistent à couper l’eau et l’électricité pour de longues périodes, de ne plus collecter les poubelles dans ces zones, ainsi l’odeur nauséabonde émane de ces zones. Ils lancent des exercices militaires très proches de ces zones afin d’importuner et de blesser les populations palestiniennes locales. D’autres actions inhumaines sont aussi pratiquées par l’occupation sioniste. Ceci est quelque chose de simple de ce qui se passe ici en Palestine, dans l’année, jour après jour, spécifiquement en Cisjordanie.
En ce moment, dans cette guerre violente, les forces de sécurité israéliennes ont arrêté un grand nombre de civils en Cisjordanie, ce sans aucune raison ni chefs d’accusation ; elles l’ont fait par peur de confrontations en Cisjordanie. Imaginez être chez vous avec votre famille et soudain des soldats israéliens entrent, vous braquent de leurs armes, vous et votre famille et vous arrêtent sans qu’aucun crime, aucune infraction n’ait été commis. C’est exactement la situation vécue ici. Si seulement cela s’arrëtait aux arrestations… le plus souvent, ces arrestations mènent à une torture sévère et même à la mort des prisonniers ne résistant pas à ces pratiques extrêmes et systématiques.
Je veux aussi que vous sachiez autre chose : le président de l’autorité palestinienne Mahmoud Abbas ne nous représente pas, nous le peuple palestinien, pas du tout. Nous rejetons l’autorité et nous rejetons Abbas et tout ses ministres. Je ne sais pas si vous avez entendu parler des accords de sécurité entre l’occupation sioniste et l’autorité palestinienne. Il y a des années, celle-ci a conclus un accord sous lequel elle servirait l’entité occupante en termes de sécurité. Ce qui veut dire que tous les jeunes activistes palestiniens qui luttent contre l’occupation sioniste d’une manière ou d’une autre, celle-ci ne pouvant pas les arrêter, l’Autorité Palestinienne les poursuit, les arrête et les livre aux forces d’occupation et ensuite plus personne ne sait ce qu’il est advenu du jeune homme ou de la jeune fille. (NdT : copie conforme de la milice vichyssoise qui bossait pour les nazis…). Tout cela ne nous représente pas, ni aucun Palestinien. Ces entités sont complètement rejetées par la rue palestinienne, mais malheureusement, elles sont reconnues et soutenues internationalement par l’ONU et soutenues par les USA.

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3. BRRN: Comment s’est passée cette dernière semaine pour toi personnellement ?

3. القضية ليست قضية أسبوع أو أسبوعين يا أخي. نحن نعيش حالة القمع وسلب الحريات الفردية والاجتماعية طوال السنة. نعم في الأسبوع الماضي كانت الفجائع والأخبار المؤلمة أكثر بكثير من الأشهر الماضية. تلقينا خبر وفاة الكثير من أقرباءنا وأصدقاءنا في كافة الأراضي الفلسطينية. وهذا مؤلم جدا. لدينا أصدقاء كثيرون في الداخل وفي غزة. السكان الفلسطينيون في غزة يعيشون الآن حالة خطرة جدا. أكثر من ثلاثة أو أربعة أيام قاموا بقطع الكهرباء والمياه على قطاع غزة. عندما تقطع الكهرباء الكثير من الخدمات الاجتماعية تتوقف وعلى رأسها المستشفيات. القصف مستمر على أهالي غزة على طول الساعة. حتى في منتصف الليل يقصفون هذه المنطقة الصغيرة. اسرائيل قامت بحصر هذه المنطقة بشكل كامل. لا يستطيع الناس حتى الهروب منها. الاحتلال يمنع المساعدات الإنسانية من الوصول الى غزة. يمنع الطعام، يمنع المياه، يمنع الدواء و و و كل شيء. أصبحت غزة زنزانة صغيرة تقصف من كل جانب ومكان. تخيل أنّ والدة ترى طفلها الصغير الرضيع مجروحا وينزف دما ولكن لا يوجد أي مستشفى يقدم الخدمات بسبب انقطاع الكهرباء. كيف تريد أن تصف مشاعر هذه الوالدة؟

يا أخي الكلمات لا يمكنها أن تصف ما يجري هنا.. أصبحت هذه المنطقة جحيما بسبب الاحتلال ووجود الصهيونية فيها.

3. Ce problème n’est pas une affaire d’un semaine ou deux mon frère… Nous vivons perpétuellement dans un état d’oppression et de privation des libertés individuelles et sociales, toute l’année, en permanence. Oui, la semaine dernière, il y a eu plus de tragédies et d’infos douloureuses que les derniers mois. Nous avons reçu l’information de la mort de nombreux de nos parents et amis chers au travers tous le territoire palestiniens. Ceci est très douloureux. Nous avons beaucoup d’amis en Cisjordanie et à Gaza. La population palestinienne de Gaza vit maintenant une situation particulièrement dangereuse. Depuis maintenant trois ou quatre jours, les forces d’occupation sionistes ont coupé l’électricité et l’eau dans la bande de Gaza. Quand elle est coupée, beaucoup de services sociaux s’arrêtent, spécifiquement les hôpitaux.
Les bombardements continuent sur les habitants de Gaza non-stop. Même au milieu de la nuit, ils bombardent cette petite zone. Israël a complètement mis cette zone sous embargo et sous siège. Les gens ne peuvent pas fuir. L’occupation empêche toute aide humanitaire d’entrer. Elle interdit la nourriture, l’eau, les médicaments et quoi que ce soit d’autre. Gaza est devenu un donjon, bombardée de tous les côtés. Imagines une mère voyant sous enfant saigner, mais il n’y a pas d’hôpital ou les services sanitaires sont quasi inexistants dû au manque d’électricité. Comment décrirais-tu les sentiments de cette mère ?…
Mon frère, les mots ne peuvent pas décrire ce qui se passe ici. C’est devenu l’enfer à cause de l’occupation et de la présence du sionisme.

4. BRRN: Quels mouvements en Palestine penses-tu détenir le plus d’espoir pour le futur des Palestiniens et pourquoi — par exemple, l’Antre du Lion de Naplouse (The Lion’s Den), ou d’autres mouvements de lutte de travailleurs ?

4. نحن نحتاج الى حركات شبابية تؤمن بأصل الحرية وتتناغم مع باقي الحركات والتيارات في فلسطين. التجربة أثبتت أن الحركة الواحدة بمفردها لا تستطيع أن تقوم بانجاز كبير يؤدي الى تحرير فلسطين. نحتاج الى أن نتعامل جميعا مع بعضنا البعض سواء مسلمين أو يهوديين أو نصرانيين أو متحولين أو أناركيين، وغيرها من الأفكار الموجودة في الساحة الفلسطينية. وهذا ما نسعى اليه: أن نجمع الجميع تحت راية واحدة وبغية هدف واحد وهو مكافحة الصهيونية وتحرير فلسطين واستعادة حريتنا. طبعا توجد الكثير من الحركات في الساحة الفلسطينية ومنها عرين الأسود. ولكن عرين الأسود ليست الحركة الوحيدة، هناك الكثير من التيارات والحركات الأخرى ومنها النضالات العمالية تجتهد بكل طاقتها ولكن بسبب الأوضاع الأمنية المتشددة والسياسات القمعية الممنهجة التي يمارسها الاحتلال وأيضا السلطة الفلسطينية الخائنة لا يُرى لها بروزا ظاهرا وكبيرا في العلن. لانها دائما تتوخى الحيطة والحذر. ولهذا السبب لم أكن أستطيع أن أجري معك مقابلة بالصوت والصورة..

4. Nous avons besoin de mouvements de jeunesse qui croient en la possibilité de la libération et que cela travaille à unifier le reste des mouvements et des tendances en Palestine. L’expérience a prouvé qu’un mouvement unique ne peut pas accomplir un succès de l’ampleur de la libération de la Palestine. Nous devons agir les uns avec les autres, musulmans, juifs, chrétiens, convertis, anarchistes et toutes autres idées existantes dans la réalité politique palestinienne. C’est ce que nous recherchons activement : rassembler tout le monde sous une bannière et un but, celui de combattre le sionisme, de libérer la Palestine et de restaurer notre liberté. Bien sûr il y a beaucoup de mouvements activistes et de lutte en Palestine, incluant l’Antre du lion, mais celui-ci n’est pas le seul mouvement. Il y a bien d’autres tendances de luttes des travailleurs, luttant avec toute leur énergie, mais à cause des conditions très strictes de sécurité et des politiques de répression systémique pratiquées par l’occupation sioniste, sans oublier la traîtresse autorité palestinienne, ces mouvements ne sont pas vus et compris de manière significative par le public. Nous devons toujours faire attention. C’est pour cette raison aussi qu’il ne fut pas possible de faire cet entretien avec vous sous format vidéo ni même audio.

5. BRRN: En 2021, les Palestiniens de la Cisjordanie et de Gaza et mêmes ceux qui sont citoyens d’Israël, ont participé à une grève générale en réaction des évictions de familles palestiniennes à Sheikh Jarrah. Quel rôle vois-tu dans les grèves et les grèves générales en cette période ?

5. اعتقد أننا اجتزنا مرحلة الاضرابات العامة في إسرائيل. طبعا لا أريد أن أنكر أهمية الاضرابات ومدى فاعليتها ولكن الأوضاع هنا في فلسطين والتجربة أثبتت أن الحل الوحيد هو النضال وحتى المكافحة المسلحة ضد نظام الفصل العنصري.

الاحتلال لا يأبى ممارسة أي نوع من انواع الجراىم والظلم والاضطهاد.

حتى لو كنت تملك مهنة او محلا وقمت بالاضراب ستكون النتيجة انهم يسرقوا محلك ويعطونه الى صهيوني آخر او سيقومون بإغالتك من عملك وبالتالي سيأخذ الوظيفة صهيوني آخر. بكل سهولة!

الأوضاع هنا تختلف تماما عن ما يجري عندكم في الولايات المتحدة يا أخي.

5. Je pense que nous avons passé le stade de la grève générale ici. Bien sûr, je ne veux en aucun cas nier l’importance de ce mode d’action et de son efficacité, mais la situation ici en Palestine ainsi que l’expérience ont prouvé que la seule solution est la lutte et même la lutte armée du peuple contre le régime d’apartheid.

L’occupation sioniste n’hésite jamais à commettre tout type de crime, d’injustice ou de persécution.
Même si tu as une profession ou possède ton magasin, ton affaire et que tu te mets en grève, le résultat sera qu’ils vont venir voler ton magasin et le donner à un sioniste, ou tu seras viré illico de ton travail et un autre sioniste viendra prendre ta place, aussi simple que ça !

Les conditions ici sont totalement différentes de ce qui se passe pour vous aux Etats-Unis mon frère.

6. BRRN: Crois-tu qu’il y ait un espoir qu’un grand nombre de travailleurs israéliens abandonnent jamais le sionisme, comme l’ont fait un petit nombre d’anarchistes et de socialistes, ou penses-tu que l’attachement au colonialisme d’occupation est trop fort pour qu’ils le dépassent jamais ?

6. الصهيونيون المتواجدون هنا على الأراضي الفلسطينية جاؤوا الى هنا على أساس مبدأ أيديولوجي وهو أن هذه الأرض أرضهم وأن القوم اليهودي هو القوم المختار. طبعا كل من يعتقد بهذا الأصل ويتبنى هذه الأيديولوجية لا يستطيع أن يتخلى عن الصهيونية بسهولة ولا أن يعترف بحرية الآخرين وأصل المساواة بين أبناء البشر.

ولكن نحن نضع فارقا بين الصهيونية واليهودية. لدينا أصدقاء يهوديون يتحدثون بالعبرية ويؤمنون بالتوراة ولكنهم لا يؤمنون بالصهيونية بل ويساعدوننا في نشاطاتنا ضد الكيان المحتل. لهذا نعم نأمل بأن يزداد عدد هؤلاء وأن يتخلى الكثير منهم خاصة في الطبقة العاملة عن هذا المبدأ الفكري العنصري الذي لا يمت الى اليهودية بصلة ابدا. ونحن نرحب بهم ونستقبلهم برحابة صدر ويمكننا أن نتعامل معهم وأن نعيش معم في سلام.

6. Les sionistes qui sont ici dans les territoires palestiniens sont venus ici sur la base du principe idéologique que cette terre est leur terre et que le peuple juif est le peuple élu, choisi par dieu. Bien sûr, quiconque croit en ce principe et adopte cette idéologie, ne peut pas facilement abandonner le sionisme, ni reconnaître la liberté des autres et le principe d’égalité entre les êtres humains.
Mais nous faisons une distinction entre sionisme et judaïsme. Nous avons des amis juifs, parlant hébreu et qui croit en la Torah, mais qui ne croit pas au sionisme et ils nous ont même aider dans nos activités anti-sionistes contre l’entité occupante. Ainsi donc, oui, nous espérons que le nombre de ces gens va augmenter et que beaucoup d’entre eux, surtout dans la classe travailleuse, vont abandonner le principe idéologique raciste qui n’a aucune connexion avec le judaïsme. Nous ouvrons nos bras à ces personnes et nous pouvons travailler et vivre en paix ensemble.

7. BRRN: Que penses-tu être les actions les plus efficaces pour la libération de la Palestine que les camarades aux Etats-Unis peuvent faire pour vous aider ?

7. أعتقد أن أهم شيء يمكنكم فعله هو الدعم الإعلامي للفلسطينيين. يمكنكم أن توضحوا للناس في الولايات المتحدة القضية الفلسطينية على ما هي عليها، لا حسب الرواية الاسرائيلية المزيفة. يمكنكم أن تنشروا الأخبار والأحداث التي تجري على أرض فلسطين. هناك الكثير من الفيديوهات والصور لجرائم الكيان المحتل اليومية في المواقع الفلسطينية. نحن أيضا ننشر هذه الأخبار على صفحتنا في انستغرام @fauda_palestine و قناتنا في تلغرام @fauda_ps . يمكنكم أن تترجموا هذه الأخبار وتوصلوا الحقائق لإخوتنا في الولايات المتحدة. لا تجعلوا مصادركم الوحيدة التي تتلقون منها الأخبار وتتابعون الأحداث الإعلام الرسمي والقنوات الأمريكية والإسرائلية. تابعوا الاعلام الفلسطيني ايضا. الاعلام الفلسطيني يواجه تعتيم اعلامي شديد جدا. حاولوا ان تكسروا هذا التعتيم وتتوصلوا الى بعض الحقائق الجارية في الساحة الفلسطينية.

7. Je pense que la chose la plus importante que vous puissiez faire est un soutien médiatique pour les Palestiniens. Vous pouvez expliquer à plus de gens en Amérique ce qu’est le problème en Palestine et pour les Palestiniens et que cela n’a rien à voir avec le faux narratif, la propagande diffusés par Israël et les médias sionistes. Vous pouvez publier des informations en provenance de Palestine, de choses se passant en Palestine Il y a beaucoup de photos et de vidéos des crimes quotidiens commis par l’entité sioniste d’occupation  sur notre page Instagram @fauda_palestine et sur notre chaîne Télégram @fauda_ps. Vous pouvez faire traduire ces infos et livrer les faits à nos frères des Etats-Unis. Ne faites pas des médias et chaînes de télé américains et israéliens vos seules sources d’information. Suivez aussi les médias palestiniens. Ces médias subissent un très sévère black-out, une sévère censure. Essayez de briser cette censure et diffusez certains des faits les plus marquants et courants de l’arène politique palestinienne.

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Lire nos dossiers “Ouragan/D´éuge d’Al Aqsa”
et « Palestine, anarchistes contre le mur et le mur du silence »

(Re)lire notre communiqué du 13 octobre 2023 sur la situation en Palestine occupée :

A lire et diffuser : Communiqué de Résistance 71 sur l’Opération Ouragan / Déluge Al Aqsa en Palestine occupée (octobre 2023)

 Paulo Freire « La pédagogie des opprimés », format PDF, en ARABE

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Il n’y a pas de solution au sein du système, n’y en a jamais eu et ne saurait y en avoir ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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5 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

Société des sociétés organique avec Gustav Landauer

Fauda_Palestine_actionDirecte

Jeunesse de Cisjordanie !
Plus nous obstruons les routes des colons
Plus nous protégeons Gaza d’une agression majeure
L’équation est simple : 
L’armée d’occupation doit être occupée à protéger les colons de Cisjordanie
avant de pouvoir attaquer Gaza…
Votre rôle n’est pas si simple, mais il est grandiose.
Agissez et faites votre part. Agissez pour maintenir l’armée d’occupation…
occupée sur plusieurs fronts.
Apprenez quelques techniques de combat de rue.

heurerevolte

Tuer le message et le messager : la manipulation politico-sémantique historique de diabolisation de l’anarchie et de ses idées universelles… maintenir la division pour un statu quo oligarchique

Posted in 3eme guerre mondiale, actualité, altermondialisme, autogestion, désinformation, militantisme alternatif, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, philosophie, politique et social, politique française, résistance politique, société des sociétés, syndicalisme et anarchisme, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , , , on 7 octobre 2023 by Résistance 71

« La machine de l’État est oppressive par sa nature même, ses rouages ne peuvent fonctionner sans broyer les citoyens, aucune bonne volonté ne peut en faire un instrument du bien public ; on ne peut l’empêcher d’opprimer qu’en le brisant. »
~ Simone Weil ~

“Mais l’ennemi perpétuel, c’est la terreur perpétuelle, au niveau de l’État cette fois. L’État s’identifie avec “l’appareil”, c’est à dire l’ensemble des mécanismes de conquête et de répression. La conquête dirigée vers l’intérieur du pays s’appelle propagande (“premier pas vers l’enfer” selon Frank) ou répression. Dirigée vers l’extérieur elle crée l’armée. Tous les problèmes sont ainsi militarisés, posés en termes de puissance et d’efficacité.”
~ Albert Camus, “L’homme révolté”, 1951 ~

Anarchie_Vaincra

Accuser l’anarchisme, inventer la “terreur”

Depuis 1898, la propagande d’état a systématiquement mal représenté l’anarchisme et en a fait un bouc-émissaire pour maintenir un statu quo violent

William C. Anderson

0ctobre 2023

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

“La loi est en procès, l’anarchie est en procès… Messieurs du jury, condamnez ces hommes, faites-en un exemple, pendez-les et vous sauvez nos institutions, notre société.” – Julius S. Grinnell, procureur du procès des Haymarket Martyrs —

“Les manifestants pacifiques devraient être protégés, mais les vandales et les anarchistes devraient être poursuivis en justice et les forces de l’ordre locales peuvent le faire.” – Joe Biden

La nouvelle de la mise en accusation de 61 personnes dans la lutte contre la construction d’un centre d’entrainement militarisé de police dans la ville d’Atlanta (NdT : état de Georgie et ville QG de Coca Cola) affublé du sobriquet de “Cop City” ou “Flicville” en a laissé plus d’un choqué. Voir des douzaines de personnes mises en accusation sous le statut RICO (NdT : loi de 1970 sur les organisations criminelles de racket et de corruption) de l’état et de son racket organisé était suffisamment trouble car les autorités ciblant un mouvement décentralisé utilisant une loi faite pour lutter contre le crime hautement organisé. Mais ce qui a laissé les gens encore plus perplexes c’est comment les 109 pages d’accusation incluaient des descriptions de l’anarchisme. Le document dit très tôt : “les anarchistes violents entent de cadrer le gouvernement. Comme violent et oppresseur, justifiant ainsi la violence anarchiste.” Des mots comme ceux-ci résonnent comme ceux d’une des pires périodes de répression politique dans l’histoire des mouvements anarchistes dans le monde et devraient préoccuper aujourd’hui les organisateurs anti-fascistes.

Nous sommes les témoins d’une résurgence des pires impulsions fascistes et ceci se produit sous une présidence “démocrate” dans une ville sous contrôle “démocrate” ayant une représentation noire très importante. Alors que les conseils d’´´éducation scolaires conservateurs bannissent des livres et que la droite supprime l’histoire et l’éducation, nous devons nous éduquer sur ce qui nous a mené à ce point. Ce qui se passe à Atlanta a commencé il y a bien plus d’un siècle avec la “guerre contre la terreur” originale, qui fut une guerre mondiale contre l’anarchisme. Ces évènements ont défini des appareils policiers nationaux et internationaux.

En septembre 1898, l’anarchiste italien Luigi Lucheni assassina Elisabeth, impératrice d’Autriche et reine de Hongrie. Quelques anarchistes, comme Lucheni, utilisèrent la “propagande par le fait” ou la violence ciblée comme l’assassinat, pour catalyser un soulèvement révolutionnaire. A la fin de cette année là, des politiciens, des membres de la classe dirigeante et les autorités à travers le monde furent suffisamment préoccupés par l’anarchisme pour appeler à une conférence internationale. Celle-ci se réunit à Rome sous le label de “Conférence Internationale pour La Défense de la Société contre les Anarchistes”. Richard Bach Jensen écrit dans son livre : “”La bataille contre le terrorisme anarchiste” sur laquelle on s’accorda lors de cette conférence qui dura près d’un mois a joué un rôle clef dans la campagne anti-anarchisme de près d’un quart de siècle qui s’en suivit.” Jensen fait remarquer “la facilitation de la coopération inter-police en Europe en fut le résultat le plus important.” Cela est à l’origine de l’influence obtenue pour la création future de coopération policière menant éventuellement à Interpol. Ceci fut suivi par le développement d’une autre agence policière tristement célèbre qui crédite l’anarchisme comme étant à son origine.

Après que l’anarchiste autoproclamé Leon Czolgosz eut assassiné le président américain William McKinley, le président suivant, Theodore “Teddy” Roosevelt lança une campagne domestique contre l’anarchisme et donna pour mission à Charles Bonaparte (la grand-neveu de Napoléon) de développer l’organisation policière qui deviendra par la suite le FBI. Roosevelt déclara explicitement au Congrès que l’état avait besoin “d’entrer en guerre avec une efficacité sans relâche non seulement contre les anarchistes, mais contre tous sympathisants actifs ou passifs des anarchistes.” Qu’il étiqueta comme “un corps de criminels qui s’opposent à tous les gouvernements, qu’ils soient bons ou mauvais,

La guerre contre les anarchistes deviendrait plus tard la Première Peur Rouge et sera marquée par la loi anti-immigration, comme l’Anarchist Exclusion Act de 1903. Les Palmer Raids de 1919-20 menés par le ministère de la justice américain menèrent à l’arrestation et déportation de milliers de syndicalistes, italiens, slaves et d’immigrants juifs, ainsi que d’anarchistes connus comme Emma Goldman. Là réside l’ère illustrant les origines de la politique, du flicage et de la persécution politique utilisés contre les radicaux aujourd’hui.

Le site internet même du FBI déclare : “les anarchistes, en un sens, furent les premiers terroristes de l’ère moderne”. Ceci nous aide à comprendre comme les mots “anarchisme”, “anarchie” et “anarchistes” devinrent de manière sémantique erronée, synonyme de “terreur”, “chaos” et de “désorganisation”. La tactique a été mainte fois employée dans des moments célèbres comme durant le procès du Haymarket suivant l’attaque à la bombe sr le marché Haymarket de Chicago en 1886 et durant le procès subséquent des anarchistes italiens Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti. Ce procès captura une attention internationale et fut utilisé pour créer le moule du croquemitaine anarchiste qui existe toujours aujourd’hui. Ce recadrage du contexte historique clarifie ce qui est mis en place pour qualifier les manifestants contre “Fiicville” à Atlanta.

Tragédie, exploitation et problèmes sociétaux sont tous des opportunités pour créer un bouc émissaire utile. Ceux qui portent le blâme ont souvent été “anarchistes par association”, choix ou accusation. C’est à dire, comme “terroriste”, cela n’a pas toujours d’importance si quelqu’un est anarchiste idéologiquement ou pas, parce que les autorités ont rendu le terme malfaisant afin d’aider les mises en accusation.

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La mauvaise compréhension de l’anarchisme est une partie centrale pour pouvoir le stigmatiser dans un tribunal, dans les mouvements sociaux et les compte-rendus historiques. L’anarchisme est sans aucun doute une des sections les plus mal comprises et représentées de toute la gauche politique. Au lieu de le voir comme une ombrelle sous laquelle se trouvent les socialistes, les communistes, les radicaux qui s’opposent idéologiquement à la formation de l’État et à ses réformes stériles, les critiques malveillants l’ont rendu synonyme d’aventurisme immature, de terreur et de nihilisme individualiste. Bien que ces éléments existent dans certaines factions anarchistes, les hypertrophier fut un projet propagandiste d’un bon nombre de gens dans les spectre politique et le public est tombé victime de cette sémantique fallacieuse. On peut aussi dire que la mauvaise information populaire fait partie de ce qui facilite la manipulation sur un plan légal. L’ouverture très large, la décentralisation et l’autonomie de l’anarchisme, en tant que politique même, le rend vulnérable à la déformation sémantique et la manipulation. Ceux qui trainent devant la justice les manifestants anti-“Flicville” et les activistes de Defend the Atlanta Forest utilisent déjà tout cela à leur avantage de manière si familière.

L’état de Georgie utilise le statut RICO contre les défendants et a aussi fourni une sorte de flexibilité punitive, ce qui n’est pas nouveau. [NdT : ici l’auteur fait un résumé d’évènements locaux en relation au système d’éducation publique d’Atlanta… ceci n’est pas essentiel à l’argument présenté. la loi RICO de 1970 est la loi sur Racketter Influenced and Corrupted Organizations Act, loi utilisée aux Etats-Unis pour récupérer des dommages et intérêts suite à vandalisme en bande organisée…] La culpabilité par association permet à la loi RICO de rendre quiconque et quelque entité que ce soit comme un syndicat du crime, une entité à caractère mafieux.

Maintenant, l’action la plus élémentaire de protestation, de manifestation de mécontentement ou de désaccord, de construction d’un mouvement de contestation et de solidarité envers de tels mouvements sont criminalisés. Ceci n’est pas nouveau ; criminaliser les manifestations a été étendu exponentiellement devant la montée des mouvements de mécontentement contre la destruction environnementale et la violence d’état. Ces dernières années, près de 50 gouvernement d’états et le Congrès des Etats-Unis “ont considéré la mise en place de 246 lois ou projets de lois anti-manifestations, ces lois ont été votées et mises en place dans 20 états de l’Union.” Les conséquences sont très graves parce que si ce qu’essaie de mettre en place le système de procuration fonctionne, l’État va l’utiliser au delà de la Georgie.

La dissémination des idées anarchistes se fait de bouche à oreille, par internet et sous forme écrite”, dit l’acte d’accusation. Il va jusqu’à dire que ceux qui sont mis en accusation travaillent pour promouvoir “la fausse idée que le groupe est non-violent”. Roosevelt a dit quelque chose de similaire dans sa première adresse au Congrès : Aucun homme ou groupe de personnes prêchant les doctrines anarchistes devraient être laissés en liberté, pas plus que ceux qui prêchent le meurtre de quelques individus spécifiques. Les discours, écrits et réunions anarchistes sont essentiellement séditieux et traîtres.

Les gens se battent pour stopper la construction d’un centre de police militarisé, qui menace dans le processus les “quatre poumons” (forêts, espaces verts) d’Atlanta. Qu’ils soient anarchistes ou autre, ils ont mis leur vie en danger. Une de ces personnes, Manuel “Tortuguita” Teran, a été assassiné par la police dans un acte de terreur policière usuel. Ceci est la véritable terreur avec laquelle nous sommes le plus familiers. Ceci est la terreur qui a tué des milliers de personnes car dernières années. Parmi bon nombre des victimes connues ou inconnues, se trouvent des gens souvent diabolisés après leur assassinat extra-judiciaire. Et ce qui est absolument certain c’est qu’aucun groupe anarchiste dans l’histoire de ce pays n’est jamais arrivé à la cheville des meurtres perpétrés en toute impunité, actes que l’état et sa police exercent chaque jour. La vieille propagande nous dit que l’anarchisme est une menace majeure alors que l’État donne toute légitimité à ses forces pour tuer sans relâche sur des facteurs raciaux. Voilà ce que nous devrions mettre collectivement devant la justice et non pas les gens qui résistent à un tel arrangement social.

“L’Etat, cet instrument de coercition aux mains de minorités privilégiées dans la société, dont la fonction est de mettre les larges masses sous le joug de l’exploitation économique et de la tutelle intellectuelle, est l’ennemi juré de tous les rapports directs des hommes entre eux ; il cherchera toujours à ce que ceux-ci ne s’établissent que par l’intermédiaire de ses médiateurs. Aussi l’histoire de l’Etat est celle de la servitude de l’homme…”
~ Rudolph Rocker, 1919 ~

“En fait, Landauer se réfère à l’État comme une “entité non spirituelle”, une coquille vide maintenu seulement par “l’ignorance et la passivité du peuple”. Voir l’État comme étant tout puissant, c’est s’engager dans un fétichisme qui finit par donner à l’illusion une forme réelle.”
~ Saul Newman ~

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Lire notre PDF : “L’anarchie pour la jeunesse, mieux comprendre pour mieux agir”

Nos pages : “Bakounine sur R71” “Murray Bookchin et le municipalisme libertaire”.

“Kropotkine, entraide et évolution”, “Proudhon anarchisme et fédéralisme”

“Textes fondateurs pour un changement politique”

« Manifeste de l’Internationale Anarchiste contre la guerre » (1915)

Il n’y a pas de solution au sein du système, n’y en a jamais eu et ne saurait y en avoir ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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5 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

Société des sociétés organique avec Gustav Landauer

SlogBD5

SlogBD7

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Réflexions sur anarchie et démocratie 2/2 (Robert Graham)

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, démocratie participative, gilets jaunes, militantisme alternatif, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, philosophie, politique et social, politique française, société des sociétés, syndicalisme et anarchisme, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , on 27 septembre 2023 by Résistance 71

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Anarchie et démocratie

Robert Graham

Juillet 2023, republication d’un texte de 2017

Source :

https://robertgraham.wordpress.com/2017/06/03/robert-graham-anarchy-and-democracy/

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

Septembre 2023

1ère partie

2ème partie

Karl Marx (1818-1883), qui siégeait au Conseil Général, était en désaccord fondamental avec cette approche, ce qui mena éventuellement à la scission de l’Internationale en 1872 entre Marx et ses supporteurs et les fédéralistes, anti-autoritaires et anarchistes. Marx essaya de transformer le CG en corps gouvernant qui pourrait imposer des politiques à ses membres et aux groupes appartenant à l’Internationale et pourrait exclure quiconque ne suivait pas les directives. Il s’opposa à toutes les tentatives de faire du CG un conseil de délégués mandatés par les associations membres, de telle façon que le CG devint (au mieux) un corps représentatif ne fonctionnant plus en démocratie directe. Une des politiques que Marx tenta d’imposer, ce malgré l’opposition de la majorité des groupes membres de l’Internationale, fut qu’ils créent des partis politiques de la classe des travailleurs, qui participeraient aux systèmes existant de gouvernement représentatifs, avec pour objectif de “conquérir” le pouvoir politique. (NdT : comme stipulé dans son opuscule trahissant le révolution sociale du “Manifeste du parti communiste” de 1848)

Ce fut au travers du conflit avec l’approche marxiste de la gouvernance interne de l’Internationale et les impositions de Marx sur une politique de participation forcée des groupes membres de l’Internationale à la politique parlementaire, que bon nombre d’opposants à Marx commencèrent à se définir comme anarchistes. Dans le processus, ils en vinrent à développer de nouvelles idées parfois divergentes, au sujet de la relation entre anarchie et démocratie.

Michel Bakounine (1814-1876) est un cas de figure. Avant de rejoindre l’Internationale en 1868, Bakounine avait esquissé une variété de programmes socialistes révolutionnaires se faisant l’avocat d’une forme anarchiste de démocratie directe. Par exemple, dans son programme de 1866 pour la “Confrérie Internationale” des socialistes révolutionnaires, Bakounine avait promu une fédération de communes autonomes au sein de laquelle individus et groupes jouiraient de pleins droits d’association libre, mais envisagea que ces fédérations soient éventuellement remplacées par des fédérations d’associations de travailleurs “organisées en accord avec les requis non pas politiques mais de production”. Ces vues étaient très similaires à celles de Proudhon et des éléments proudhonistes plus radicaux de l’Internationale, alors qu’ils ne s’identifiaient pas eux-mêmes comme anarchistes.

Ce que certains en vinrent éventuellement à partager avec Bakounine fut le concept de l’anarchie comme une forme de ce que je décrirais comme une démocratie directe “associative”, une démocratie directe conçue comme une association (ou fédération) d’associations sans aucune autorité centrale ou État au dessus d’elles, avec les groupes membres, chacun ayant sa propre prise de décision en démocratie directe, coordonnant leurs activités au travers d’une fédération volontaire avec d’autres associations, utilisant le principe des délégués révocables sujets à un mandat impératif au plus hauts niveaux de la fédération afin de poursuivre une action commune pour le bien commun.

Mais, en résultat des tentatives de Marx de transformer l’Internationale en une organisation pyramidale hiérarchisée avec le CG agissant comme pouvoir exécutif, Bakounine et certains autres internationalistes commencèrent à développer une critique de l’organisation fédéraliste qui souleva des problèmes en regard de la démocratie directe associative, à la fois en termes de méthode par laquelle les groupes fédérés pourraient coordonner leurs activités tout en préservant leur autonomie et en termes de l’organisation internationale et des procédures de prise de décision au sein des groupes associés.

Bakounine et autres argumentèrent que la seule façon d’empêcher qu’un niveau supérieur du corps de coordination comme le CG, soit transformé en un pouvoir exécutif, est de mettre fin à ces corps de coordination dans leur ensemble. En lieu et place, les associations variées communiqueraient directement les unes avec les autres afin de coordonner leurs activités, incluant l’organisation de conférences et de congrès politiques, où des délégués des groupes variées débattraient des problèmes du jour, comme la grève générale révolutionnaire ou la commune révolutionnaire, l’anarchisme communiste ou l’anarchisme collectiviste, la propagande par le fait ou l’insurrection.

Lorsque les anti-autoritaires, fédéralistes et anarchistes reconstituèrent la défunte Internationale, ils firent un compromis sur ce problème, se mettant d’accord d’avoir un bureau de correspondance pour la coordination, mais les sièges de ce bureau seraient en rotation d’une fédération à une autre chaque année. (NdT  c’est ce que font les Amérindiens dans l’organisation traditionnelle de leurs nations). De manière plus importante, l’internationale anti-autoritaire décida que toute politique approuvée à un congrès international ne serait pas une obligation à suivre pour les autres groupes membres. Il appartenait à chaque groupe et à ses membres, de déterminer quelles politiques ils adopteraient ou non. Ceci fut fait pour assurer que ce soit les membres eux-mêmes au travers de leurs propres organisations de démocratie directe, qui suivraient les politiques qu’ils désireraient suivre, plutôt que des délégués dans des congrès internationaux, même si ceux-ci étaient soumis à des mandats impératifs révocables (que les déléguées pourraient toujours violer comme ce fut le cas au congrès de La Haye de 1872, lorsque certains délégués des sections fédéralistes se rangèrent du côté des marxistes, contrairement à ce que leur préconisait leur mandat…).

Mais si les politiques approuvées dans un congrès de délégués sujets à mandat impératif et leur révocabilité ne pouvaient pas forcer sur d’autres groupes membres dont les membres décidaient de ces problèmes, alors comment des politiques adoptées par des membres des groupes constitutifs pourraient être forcées sur d’autres membres de ces groupes qui n’avaient pas voté en leur faveur ? Bakounine entre autre, commença à développer une critique des politiques ou de législations forcées, même si elles étaient décidées après un vote démocratique. Ceci mena à l’idée que le vote devrait être remplacé par un “accord librement consenti” et du développement de théories anarchistes d’organisation basées plus sur les notions d’associations volontaires que sur les notions de démocratie directe. Une fois de plus, l’anarchie et la démocratie furent conçues comme différentes plutôt que complémentaires dans leurs concepts surtout par des anarcho-communistes comme Élisée Reclus (1830-1905), Errico Malatesta (1853-1932) et Pierre Kropotkine (1842-1921).

Ecrivant au sujet de la Commune de Paris de 1871, Kropotkine suggéra que la Commune n’avait pas plus besoin d’un gouvernement interne que d’un gouvernement central au dessus d’elle, le peuple en lieu et place, formant “des associations librement consenties en accord avec les nécessités dictées par la vie elle-même.” Plutôt qu’une structure formelle même comme des assemblées de démocratie directe fédérées dans une commune ou une organisation de la taille d’une ville, pus régionale, nationale et internationale, il y aurait “le plus haut développement de l’association volontaire dans tous les aspects, à tous les degrés possibles, pour tous buts imaginables ; toujours changeante, toujours en mouvement, ces associations modifiées portant en elles-mêmes les éléments de leur durabilité et assumant constamment de nouvelles formes répondant aux multiples aspirations de tous.

Tandis que quelques anarchistes et socialistes de l’Internationale anti-autoritaire commencèrent à aller vers une position “communaliste”, comme Paul Brousse, Gustave Lefrançais et Adémar Schwitzguébel, prônant la participation aux élections municipales et la création de communes socialistes, Élisée Reclus et d’autres anarcho-communistes rejetèrent cette approche (NdT : nous l’aurions rejetée également à l’époque et la rejetons toujours aujourd’hui, car nous savons qu’il n’y a pas de solution au sein du système et ne saurait y en avoir…) rappelant à tout le monde qu’ils n’étaient ‘“pas plus communalistes qu’étatistes, nous sommes anarchistes, ne l’oublions jamais !” Comme l’a dit plus tard Malatesta : “Les anarchistes ne croient pas que la majorité en tant que telle, même s’il était possible d’établir sans l’ombre d’un doute ce qu’elle voulait, ait le droit de s’imposer sur des minorités dissidentes par l’action de la force.

Dans des endroits différents d’Europe, quelques anarcho-communistes optèrent pour de petits groupes de militants anarchistes sans aucun réseau formel ni fédérations, les décisions étant prises dans une relation d’accord libre entre leurs membres. En Espagne, la majorité des anarchistes continuèrent de promouvoir l’utilisation de syndicats révolutionnaires et d’utiliser une structure de démocratie directe fédéraliste avec délégués révocables à mandat inpératif au plus haut niveau des fédérations. D’après l’historien anarchiste Max Nettlau (1865-1944) les groupes anarcho-communistes en France, qui seraient décrits aujourd’hui comme des “groupes d’affinité”, demeurèrent isolés du peuple, il y eut une “belle floraison d’idées anarchistes”, “mais peu de considération pour le fruit qui aurait dû résulter de ces fleurs…”

Il y eut un retour vers des formes plus fédéralistes d’organisation fondées sur la démocratie directe des groupes quand les anarchistes tournèrent une fois de plus leur attention sur les mouvements de la classe travailleuse pour l’auto-émancipation, ce qui mena à la naissance de mouvements syndicalistes révolutionnaires et anarchistes avant la première guerre mondiale. Durant le tumulte révolutionnaire, les travailleurs commencèrent à créer leurs propres structures politiques, dont beaucoup eurent une structure empruntée à la démocratie directe, ce en opposition aux gouvernements existant.

Les anarchistes participèrent ardemment au premier soviet de la révolution russe en 1905 (St Petersbourg), puis dans les soviets qui se créèrent en 1917 durant la révolution. Mais il y avait une préoccupation quant à savoir si les soviets ne fonctionnaient pas comme des parlements de travailleurs, avec bon nombre de leurs membres représentant les plateformes de leurs différents partis politiques plutôt que la vision des travailleurs qu’ils étaient supposés représenter. Ceci mena certains anarcho-syndicalistes russes à promouvoir une nouvelle forme de démocratie directe : le comité d’usine ou conseil ouvrier. Les anarchistes italiens et allemands soutinrent également les mouvements des conseils ouvriers. (NdT : il y eut un fort mouvement révolutionnaire de conseils ouvriers en Italie en 1920). Pendant la révolution espagnole (1936-39), une nouvelle forme de démocratie directe d’auto-gouvernement se fit jour sous la pulsion anarchiste, les collectifs libertaires (NdT : comme en Aragon et au Levant et bien sûr à Barcelone), dans lesquels tous les membres de la communauté participèrent quelque soit leur rôle dans le processus de production et de distribution.

Les anarchistes critiques de la notion de règle de la majorité, même dans des organisations de démocratie directe, comme Malatesta, ont néanmoins participé à ces mouvements, essayant de les pousser aussi loin que possible. Ceci fut aussi l’approche promue par Kropotkine. Malgré le fait d’avoir l’anarchie comme objectif, où les relations sociales et les prises de décisions collectives seraient fondées sur l’accord volontaire et les associations libres, ils reconnurent néanmoins que les organisations populaires de démocratie directe étaient déjà un pas vers ce but.

Dans les années 1960, Murray Bookchin argumenta pour la communauté démocratique directe ou ls assemblées de voisinage, qui permettraient à tout le monde de participer au processus de décision politique, comme la base politique pour une forme écologique décentralisée de l’anarchisme. Mais il vit aussi un rôle positif pour à la fois les groupes d’affinité, qui ajouteraient une “catalyse” révolutionnaire et formerait aussi le “tissus cellulaire” d’une société éco-anarchiste, ainsi que les conseils ouvriers ou d’usines ou de lieux de travail par lesquels les travailleurs gèreraient leurs propres lieux de travail. Plus tard il devint plus étroitement focalisé sur le concept de démocratie directe de gouvernement municipal, qu’il appela le “communalisme” et éventuellement finit par rejeter l’étiquette d’anarchiste.

Pendant les mouvements anti-nucléaires des années 1970 et 80, parmi le plus radical des la “seconde vague” des mouvements féministes de la même époque, puis avec les soi-disants mouvements “anti-mondialisation” et “Occupy” de ces plus récentes années, les anarchistes ont recherché à créer des groupes d’affinité basés sur ls mouvements sociaux se diluant dans des réseaux ou toiles plus larges, créant un amalgame de formes sociales combinant des petits groupes d’affinité avec des formes plus variées de démocratie directe et de fédération volontaire, similaires à ce que Bookchin préconisait dans les années 60.

Mais les anarchistes contemporains comme l’anthropologue David Graeber, conçoivent la démocratie directe en termes plus larges que Bookchin, reconnaissant qu’il y a des formes “non-occidentales” de démocratie directe qui sont plus fondées sur le consensus, en contraste avec des systèmes où les décisions sont essentiellement prises à la majorité des voix. […]

Pourtant, le débat pour savoir si anarchie et démocratie sont compatibles, continue. On peut argumenter pour plus de processus de prises de décisions plus inclusives et en prévention de la domination de groupes s’appuyant sur la démocratie directe via de fortes personnalités, ou simplement par ceux qui sont plus actifs ou ont une plus grande forme physique ; ou on peut argumenter sur le fait que le concept de “démocratie” soit devenu si corrompu, que les anarchistes ne devraient même plus l’utiliser. (NdT : ceci constitue notre position à Résistance 71…)

Mais on peut aussi argumenter pour dire que le concept “d’anarchie” est devenu aussi si tordu dans l’imagination populaire, que ses connotations négatives dominent maintenant le positif à un tel degré que le concept devrait aussi être abandonné. (NdT : nous le pensons également à Résistance 71, c’est pourquoi, sans abandonner le “concept”, nous n’employons plus le terme “anarchie” ou “anarchisme”, que nous avons à notre sens revalorisé grâce à la pensée de Gustav Landauer pour adopter le concept de “société des sociétés” et celui de Kropotkine sur les “communes et associations libres”…) Ceci dépend vraiment des circonstances concrètes dans lesquelles vous vous trouvez. Plutôt que d’argumenter sur quelle étiquette employer ou promouvoir, peut-être serait-il mieux de travailler avec les autres afin de créer des organisations non-hiérarchiques dans lesquelles tout les monde aurait vraiment une voix égale et voir ainsi où cela peut nous mener.

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L’état n’est pas quelque chose qui peut être détruit par une révolution, mais il est un conditionnement, une certaine relation entre les êtres humains un mode de comportement humain, nous le détruisons en contractant d’autres relations, en nous comportant différemment.
~ Gustav Landauer ~

“La vaste majorité des humains est déconnecté de la terre et de ses produits, de la terre et des moyens de production, de travail. Ils vivent dans la pauvreté et l’insécurité. […] L’État existe afin de créer l’ordre et la possibilité de continuer à vivre au sein de tout ce non-sens dénué d’esprit (Geist), de la confusion, de l’austérité et de la dégénérescence. L’État avec ses écoles, ses églises, ses tribunaux, ses prisons, ses bagnes, l’État avec son armée et sa police, ses soldats, ses hauts-fonctionnaires et ses prostituées ; là où il n’y a aucun esprit et aucune compulsion interne, il y a forcément une force externe, une régimentation, un État. Là où il y a un esprit, il y a société. La forme dénuée d’esprit engendre l’État, L’État est le remplaçant de l’esprit.”
~ Gustav Landauer ~

Il n’y a pas de solution au sein du système, n’y en a jamais eu et ne saurait y en avoir ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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5 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

Société des sociétés organique avec Gustav Landauer

democracy-v-anarchy

Luttes et révolution sociales : La trahison systématique des partis politiques et syndicats (Le Monde Libertaire)

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SINE_CGT_1968

Il n’y a pas de hasard

Justhom

16 mai 2023

Url de l’article original :

Lorsque les partis politiques et les syndicats n’ont pas la mainmise sur le déroulement des luttes, disons qu’ils sont débordés par l’ampleur que prennent les manifestations, ils mettent tout en œuvre pour saboter le mouvement et faire en sorte qu’il s’étiole. 

NdR71 : de fait, tous les grands mouvements efficaces de lutte sociale révolutionnaire des révolutions de 1848 en Europe, de la Commune de Paris aux Gilets Jaunes en passant par la révolution des conseils/soviets russes de 1917,  des conseils ouvriers de Bavière en 1918, des conseils ouvriers italiens de 1920, Cronstadt 1921, Espagne/Barcelone 1937, Budapest 1956, les grèves sauvages de 1968 et maintenant la gronde contre la destruction sociale initiée par la “Grande Réinitialisation” de la dictature étatico-marchande technotronique, ont été cassés par les partis politiques socio-démocrates et marxistes autoritaires d’état et les syndicats ou une combinaison de ces trois plus grands traîtres à la révolution sociale de l’histoire. La pourriture systémique politico-étatico-marchande est toujours à la manœuvre aujourd’hui. Toute révolution sociale (forcément) cohérente devra se faire hors de cette merdasse collabo. Apprenons des leçons de l’histoire est cessons de faire confiance aux traîtres qui nous entubent depuis des siècles.

C’est ce qui se passe actuellement avec la lutte que mène le peuple pour refuser la loi mortifère sur les retraites que le gouvernement a fait passer en force (49-3). Depuis maintenant quatre mois, le peuple et les travailleurs(es) sont dans la rue pour protester, refuser et exiger le retrait de cette loi. Au fil des manifestations les cortèges grossissent et fédèrent (les jeunes, les lycéen nes, les étudiant·es, les chômeur·euses, les travailleur·euses de l’industrie, du service public : cheminots, hospitaliers, fonctionnaires, retraité·es, personnes qui ont manifesté pour la première fois…) On peut dire sans se tromper que ce sont plusieurs millions de personnes qui disent NON ! Cette loi fait l’unanimité contre elle et les sondages viennent renforcer ce mécontentement puisque 90 % des Français.es soutiennent cette lutte.

Et ça mon colon, cela ne plaît pas ni aux boutiquiers syndicaux ni aux politicards. Ils voient d’un mauvais œil leur pouvoir s’amoindrir. Ils ne maîtrisent pas, ou mal, les manifestations. Comme on dit, ils prennent le train en marche ou descendent de leur vélo pour se regarder pédaler ! 

C’est pourquoi ils s’ingénient à mettre tout en œuvre pour saper le mouvement contestataire qui vient d’en bas. 

Leur but n’est pas de combattre le système capitaliste qui est la source de tous nos maux mais de l’adapter. Et pour cela, les boutiquiers syndicaux se font les alliés objectifs des partis politiques qui eux n’aspirent qu’à une chose, prendre le pouvoir. (NdR71 : ce qu’ont toujours fait les partis communistes marxistes autoritaires d’état- Italie 1920, Espagne 1937 avec la complicité de certains anarchistes trahissant en entrant au gouvernement espagnol…)

Être calife à la place du calife 

Et quoi de mieux que de s ’appuyer sur le peuple mais, pour cela, il faut maîtriser ses « débordements » et les « canaliser », c’est à cela que s’emploient les boutiquiers syndicaux. Et ce, au nom de l’unité syndicale, pour disent-ils une plus grande efficacité. C’est vrai qu’ils mettent une « ardeur unitaire » à mener le mouvement dans l’impasse.

Il n’y a pas de hasard 

C’est ainsi que la décision qu’ils ont prise le 13 avril 2023 après la dernière grande manifestation du 12 avril, de programmer la prochaine manifestation le 1er Mai (soit 18 jours plus tard) est le début du renoncement. Ils tablent sur l’épuisement du peuple. Tout comme le gouvernement qui espère la lassitude et le fatalisme du peuple.

Et maintenant, après la manifestation du 1er Mai, ne viennent-ils pas de décider en intersyndicale, le 2 mai, de programmer une manifestation le 6 juin (soit 36 jours plus tard !) 

Pourquoi ne pas battre le fer tant qu’il est chaud, appeler à la grève générale et occuper la rue, pratiquer le harcèlement de rue jusqu’à ce que nous soyons débarrassés de ces encombrants. 

Eh bien non, tous ces tarés craignent que le peuple ne prenne son destin en mains sans ces autoproclamés guides.

NdR71 : dans cette veine, la seule arme décisive est la GRÉVE GÉNÉRALE ILLIMITÉE et EXPROPRIATRICE  !! Ce que les compagnons anarchistes contemporains semblent avoir quelque peu oublié… C’est à dire : saisie des moyens de production qui sont immédiatement mis en œuvre par la masse des travailleurs pour subvenir aux besoins de tous et non plus pour enrichir patrons et multinationales… Le but n’est pas de paralyser un pays et de plomber encore plus les masses travailleuses, mais de mettre la machine productive au service des besoins de tous !

Souvenons-nous, et soyons vigilants, il y a 87 ans quasiment jour pour jour ! 

Lors des grandes grèves de 1936, suite aux accords de Matignon des 7 et 8 juin, le mouvement était en plein essor et se poursuivait depuis plusieurs jours alors que les accords étaient signés. Certes, les avancées ne furent pas négligeables : la création des conventions collectives, l’obtention de la semaine de 40 heures, de 13 jours de congés payés plus 2 jours de repos en fin de semaine… Alors pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? 

Que les travailleurs continuent la grève, c’était insupportable pour le Parti communiste français, inféodé à Moscou et autoproclamé « le parti des travailleurs ».

Comment ? La classe ouvrière osait désobéir, défier l’autorité ! 

Le Parti communiste avait pour ambition d’accéder au pouvoir, au plus haut sommet de l’État. C’est dans ce contexte que le chef stalinien Maurice Thorez déclara, le 12 juin 1936 : « Il faut savoir terminer une grève ! » Par ces propos qui niaient la lutte des classes, il portait un coup fatal à la possibilité de transformation profonde la société. C’était évident qu’il ne supportait pas de voir son autorité et son objectif d’accéder au pouvoir remis en cause par les travailleurs. Par contre, se servir des luttes des travailleurs pour y accéder, cela ne le gênait pas. Il lui fallait pour cela une classe ouvrière obéissante et aux ordres.

Plus près de nous, les événements de Mai 68 et les grandes grèves 

Tout comme en 1936, ces événements accompagnés de grandes grèves avaient débouché le 27 mai 1968 sur les accords de Grenelle. Le peuple et les travailleurs avaient obtenu des avancées significatives (augmentation des salaires, des petites retraites (déjà), la reconnaissance de la section syndicale, réduction du temps de travail…).

Georges Séguy, secrétaire général de la CGT, était allé à Billancourt et avait présenté ces accords aux travailleurs de chez Renault, comme une grande victoire. Concrètement, il fallait cesser la grève et les manifestations. Il s’est fait huer. Car les travailleurs voulaient continuer la lutte, prendre leur destin en mains et instaurer une autre société, une société au sein de laquelle ils seraient partie prenante, sans les politicards, sans les boutiquiers syndicaux où ils s’approprieraient les moyens de production (sans le grand patronat).

Sous la pression des travailleur.ses, le Parti communiste français et sa courroie de transmission, la CGT, organisent, le 29 mai, une manifestation qui rassemblera plus de 500 000 personnes avec comme mot d’ordre « le gouvernement populaire », alors que le peuple et les travailleurs refusaient l’idée de gouvernement , symbole de « l’oppression ».

Le lendemain de cette grande manifestation, de Gaulle annonce la dissolution de l’Assemblée nationale et la tenue de nouvelles élections, en juin. Encore une fois, les travailleurs étaient trahis par le Parti communiste et lâchés par la CGT.

A chaque grand mouvement qui part de la base et qui échappe aux politicards et aux boutiquiers syndicaux, ces derniers s’ingénient à casser cet élan révolutionnaire.

Les révolutions inachevées 

En 1936, c’est le PCF qui appelle à « savoir terminer une grève » et dénonce les anarchistes comme des fauteurs de troubles et les responsables du chaos ! 

En 1968, c’est la CGT qui appelle à la reprise du travail contre la volonté des travailleurs. En 2023, c’est l’ensemble des syndicats qui s’emploie à dévoyer la lutte en espaçant la date des manifestations (au nom de l’unité syndicale) et qui préconise « une pause ». 

Ils sont favorables à une rencontre avec le gouvernement de Madame Borne. Alors que, jusqu’à présent, ce dernier les a ignorés et a dit « niet » aux revendications. Ils – CFDT, CGT, FO, CFE-CGC et CFTC – vont s’y rendre en rang d’oignons à cet enterrement de première classe les 16 et 17 mai !

Justhom

Unknown

Le tumulte social français vu d’Iran : des millions de personnes demandent un changement de régime dans les rues… C’est l’arroseur arrosé (Press TV)

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Micronus_pitre

[« A well regulated Militia, being necessary to the security of a free State, the right of the people to keep and bear Arms, shall not be infringed. »] /
« Une milice bien régulée* étant nécessaire pour la sécurité d’un état libre, le droit du peuple de conserver et de porter les armes ne doit pas être enfreint. »
~ Second amendement de la constitution des Etats-Unis ~

(*) qui est « la milice bien régulée » ? => le peuple en arme, ce que fit également la France des sections entre 1790 et 1793. La contre-révolution bourgeoise s’est empressée de désarmer le peuple et de l’envoyer guerroyer dans l’Europe entière, l’armée de la Convention ayant été la première armée de l’histoire ayant 1 million d’hommes. Distraire le peuple avec des chimères au lieu de consolider la véritable révolution sociale à domicile ce qui nuit au petit nombre usurpateur, une manœuvre qui deviendra un classique du genre. Preuve supplémentaire s’il en fallait encore une, que tant que l’État est, tous les garde-fous mis en place même constitutionnellement, seront outrepassés pour que perdure la domination oligarchique, conclusion ?… (Résistance 71)

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France : des millions de personnes demandent un changement de régime

Défaite et morosité : des millions de personnes se rassemblent pour un changement de régime dans la France de Macron

Par Syed Zafar Mehdi

Press TV 

25 mars 2023

Url de l’article original:

https://french.presstv.ir/Detail/2023/03/25/700399/France%C2%A0–Macron-se-trouve-dos-au-mur

Quelques jours après avoir accueilli à Paris en novembre dernier des agitateurs anti-iraniens financés par la CIA, le président français Emmanuel Macron avait qualifié avec fantaisie les violentes émeutes en Iran de « révolution ».

« La diplomatie, c’est parler avec des gens avec qui on n’est pas d’accord et essayer de faire quelque chose d’utile », avait-il déclaré à l’époque, ne sachant pas ou ne voulant pas savoir que la vraie révolution se préparait chez lui.

Au cours des trois derniers mois, des manifestations antigouvernementales ont saisi la France à propos de la décision controversée de Macron de relever l’âge de la retraite de 62 à 64 ans, rappelant à beaucoup le mouvement des Gilets jaunes, un phénomène sans précédent dans l’histoire des mouvements socio-économiques mondiaux.

Ces derniers jours, les manifestations en France ont pris de l’ampleur, des millions de personnes étant descendues dans la rue à travers le pays, exigeant le renversement du gouvernement impopulaire de Macron.

Selon les syndicats CGT, près de 3,5 millions de personnes ont pris d’assaut les rues lors d’une grève générale nationale jeudi, la colère du public ne montrant aucun signe d’apaisement. Bien que le président assiégé ait survécu de peu au vote de défiance de lundi, son destin politique est pratiquement scellé.

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En d’autres termes, les manifestants en colère ne demandent pas simplement l’annulation du soi-disant « plan de réforme des retraites », mais appellent avec véhémence à un changement de régime en France et au bannissement de Macron.

Vendredi, le roi de Grande-Bretagne Charles III a également été contraint d’annuler sa visite d’État en France alors que la violence a éclaté dans de nombreuses villes en réponse à l’appel à la grève nationale lancé par les syndicats.

Les écoles, les entreprises, les transports, les raffineries de pétrole et les centrales énergétiques ont été gravement touchés par les troubles, en particulier après que Macron a annulé la décision des législateurs de repousser la décision sans le vote du Parlement.

Jeudi, comme l’ont rapporté les médias locaux, des manifestants en colère ont scandé « Macron dehors » alors qu’ils défilaient à Paris et se rassemblaient place de la Bastille – où la Révolution française a commencé.

Dans la capitale française, des vidéos circulant sur les réseaux sociaux montraient des policiers lançant des grenades lacrymogènes sur des manifestants, forçant la fermeture de supermarchés et de fast-foods.

Plus de 500 manifestants ont été arrêtés cette semaine seulement, la plupart à Paris, bien plus que les arrestations lors des précédents cycles de manifestations en janvier et février, selon les médias français.

Les manifestations qui font rage et la répression policière brutale montrent que le président français assiégé n’a pas tiré les leçons du mouvement massif des Gilets jaunes lors de son premier mandat en 2018-19.

Dans une interview la semaine dernière, Macron a parlé de manifestations «légitimes», les différenciant des «manifestations violentes», tout en mettant en garde contre une émeute de style Capitole survenue le 6 janvier.

Il est utile de rappeler ici qu’il n’y a pas si longtemps, le président français était déterminé à donner une légitimité aux émeutiers violents soutenus par l’Occident en Iran et à qualifier leurs actes de violence et de vandalisme de « révolution ».

Le ministre français de l’Intérieur, Gérald Darmanin, lors de sa visite du siège de la police jeudi, a qualifié les manifestants de « fauteurs de troubles » qui, selon lui, « veulent renverser l’État et tuer la police ».

En Iran, cependant, des émeutiers et des terroristes qui se sont récemment déchaînés à travers le pays, tuant de sang-froid des policiers et des volontaires du Basij, ont été salués comme des « combattants de la liberté » par les responsables français.

Dans un communiqué publié vendredi, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Nasser Kanaani, a poliment rappelé aux autorités françaises leur responsabilité de parler aux manifestants et d’écouter leurs doléances, au lieu de se mêler des affaires intérieures des autres pays.

Remarquablement, alors que les grands médias occidentaux sont devenus fous pendant les émeutes en Iran et ont effrontément poussé à un récit du «changement de régime» par la déformation des faits, les protestations actuelles en France font passer Macron pour une victime en mettant les manifestants français pourtant « pacifiques » sur le banc des accusés, pour avoir exigé une justice sociale.

Selon les sondages, les deux tiers de la population française ont rejeté la réforme des retraites de Macron et des millions de personnes sont déjà dans la rue depuis la mi-janvier, ce qui signifie que « c’est écrit sur le mur » ou plutôt on entrevoit déjà ce qui attend Macron au final.

La France d’aujourd’hui n’est pas à bout de ces troubles civils. Elle fait déjà face à une guerre civile. Le gouvernement impopulaire de Macron est condamné et le président assiégé lui-même écrit sa nécrologie.

L’heure est au « changement de régime » en France. Et ce changement ne nécessite aucune intervention extérieure. Les Français sont assez mûrs pour ne plus avoir bientôt affaire avec Emmanuel Macron.

Syed Zafar Mehdi est un journaliste, commentateur politique et auteur basé à Téhéran. Il a réalisé des reportages pendant plus de 13 ans sur l’Inde, l’Afghanistan, le Cachemire et l’Asie occidentale pour des publications de premier plan dans le monde entier.

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Il n’y a pas de solution au sein du système ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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5 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

Société des sociétés organique avec Gustav Landauer

peuple_en_arme

Manifeste conspirationniste

DrBones_Insurrection et Utopie

3-textes-de-reflexions-sur-le-peuple-en-armes-la-resistance-et-la-rebellion

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Peuple en arme et autodéfense : les milices populaires dans la révolution sociale espagnole (Edward Conlon)

Posted in 3eme guerre mondiale, actualité, altermondialisme, autogestion, colonialisme, crise mondiale, démocratie participative, gilets jaunes, guerres hégémoniques, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, politique et lobbyisme, politique et social, politique française, résistance politique, société des sociétés, syndicalisme et anarchisme, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , on 3 mars 2023 by Résistance 71

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“Qu’est-ce que l’État ? C’est le signe achevé de la division dans la société, en tant qu’il est l’organe séparé du pouvoir politique: la société est désormais divisée entre ceux qui exercent le pouvoir et ceux qui le subissent. La société n’est plus un Nous indivisé, une totalité une, mais un corps morcelé, un être social hétérogène… »
~ Pierre Clastres ~

“Les deux grandes questions incontournables de l’anthropologie politique sont:
1- Qu’est-ce que le pouvoir politique, c’est à dire qu’est-ce que la société ?
2- Comment et pourquoi passe t’on du pouvoir politique non-coercitif au pouvoir politique coercitif, c’est à dire qu’est-ce que l’histoire ?”
~ Pierre Clastres, 1974 ~

Les milices dans la guerre civile espagnole

Edward Conlon

Extraits du chapitre 2 de son livre “La guerre civile espagnole, l’anarchisme en action” (1986)

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

Le gouvernement se retrouva dans une situation particulière lorsque la poussière retomba après le 19 juillet. Alors qu’il demeurait gouvernement, il n’avait aucun moyen d’exercer son autorité. La vaste majorité de l’armée s’était rebellée contre lui. Où la rébellion fut vaincue, l’armée avait été démantelée et les travailleurs étaient maintenant armés. Les syndicats et les organisation de gauche se mirent immédiatement à organiser ces travailleurs armés. Des milices furent formées et elles devinrent des unités de l’armée révolutionnaire. Dix jours après le coup d’état, il y eut 18 000 travailleurs organisés dans les milices de Catalogne. Leur très grande majorité faisaient partie de la CNT (NdT : syndicat anarcho-communiste). Il y avait plus de 150 000 volontaires prêts à se battre à tout moment.

Ce n’était pas une armée ordinaire. Il n’y avait pas d’uniforme (des foulards portés autour du cou indiquaient de quelle organisation un milicien faisait partie), pas d’officiers privilégiés sur les soldats du rang. C’était une armée révolutionnaire qui reflétait les principes révolutionnaires de ceux qui la composaient. La démocratie était en contrôle. L’unité de base était le groupe, généralement composé de dix personnes, qui élisaient un délégué. Dix groupes formaient une centurie, qui elle aussi élisait un délégué. Un certain nombre de centuries formaient une colonne. Il y avait des élections internes et les colonnes rendaient compte aux travailleurs. Les colonnes souvent avaient des anciens officiers et experts en artillerie qui les conseillaient mais ne commandaient pas. Ils n’avaient aucun pouvoir.

Les travailleurs rejoignaient les colonnes sur la base du volontariat. Ils comprenaient la nécessité du combat et de créer une “armée populaire”. Ils acceptaient la discipline non pas parce que cela leur était imposé, mais ils comprenaient le besoin d’agir de manière coordonnée. Les membres des milices acceptaient les ordres parce qu’ils avaient vraiment confiance en ceux qui les donnaient, pas parce qu’ils étaient obligés (NdT : principe du “chef de guerre” amérindiens, qui n’a aucun pouvoir en dehors de la manœuvre militaire…). Ils avaient été élus depuis leurs rangs. Les milices étaient alignés avec différentes organisations qui comprenaient le lien entre la politique révolutionnaire et la guerre. Les milices formées à Barcelone ne perdirent pas de temps pour marcher sur l’Aragon où la capitale, Saragosse, avait été prise par les fascistes. La colonne Durutti, du nom d’un des leaders de la CNT, mena cette marche et graduellement libéra la région village par village. Le but était de libérer Saragosse qui reliait la Catalogne avec la seconde région industrielle, le Pays Basque, qui en plus d’être une source de matière première, possédait une industrie lourde et des usines de fabrication d’armes.

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La colonne Durruti montra la voie du comment combattre le fascisme. Ils avaient compris qu’une guerre civile est une guerre politique, pas seulement un conflit militaire. Alors qu’ils remportaient victoire après victoire, ils encourageaient les paysans de se saisir des terres et de les collectiviser. La colonne fournissait la défense nécessaire afin que ceci puisse se faire. Les paysans se rallièrent à eux. Ils nourrirent les travailleurs-soldats et bon nombre rejoignirent leur force. De fait, Durutti lui-même dû supplier un bon nombre de ne pas rejoindre la colonne afin de ne pas dépeupler les terres arables qui devaient être cultivées et pour que la collectivisation puisse continuer à se faire.

Alors que les milices anarchistes remportaient nombre de succès, du terrain était perdu sur d’autres fronts. Saragosse ne fut pas libérée et une longue ligne de front se développa. Le système de milice en fut blâmé. Les stalinistes dirent que les travailleurs étaient indisciplinés et n’obéissaient pas aux ordres. Ils accusèrent les anarchistes de ne pas vouloir travailler avec les autres pour battre les fascistes.

Bien sûr, tout ceci n’était que non-sens. Les anarchistes appelaient continuellement à un effort de guerre uni et même pour un commandement unifié. Ce qu’ils demandèrent en revanche, fut que le contrôle de l’armée demeure dans la classe travailleuse. Les anarchistes ne pensaient pas que l’établissement d’un commandement unifié veuille dire la restauration du vieux régime militaire et de caste des officiers.

Le problème majeur auquel devaient faire face les milices était le manque d’armes. L’industrie des munitions fut coupée et les ouvriers de Barcelone improvisèrent grandement. Des armes furent fabriquées et transportés au front mais il n’y en avait toujours pas assez. George Orwell (qui combattit avec les  milices P.O.U.M) décrivit la situation des armes sur le front d’Aragon (NdT : où il fut blessé à la gorge par une balle perdue…). L’infanterie “était bien plus mal armée qu’un Officers Training Corps d’école publique anglaise, avec de vieux fusils Mauser qui souvent s’enrayaient après cinq cartouches, environ une mitrailleuse pour 50 hommes (sic) et un pistolet ou revolver pour 30 hommes (sic). Ces armes, si nécessaires dans la guerre de tranchées, n’étaient pas fournies par le gouvernement… Un gouvernement qui envoyait des gamins de 15 ans au front avec des fusils vieux de 40 ans et qui gardaient ses meilleurs soldats et armes les plus modernes à l’arrière, montrant par là sans équivoque, qu’il était plus inquiet de la révolution sociale que des fascistes.

Ô combien avait-il raison ! Une embargo sur les armes fut imposé par la Grande-Bretagne empêchant la vente d’armes des deux côtés, mas pas avant la mi-août. Le gouvernement qui avait 600 millions de dollars en or, aurait pu acheter des armes. Eventuellement, cet or fut envoyé à Moscou en échange d’armes mais lorsqu’elles arrivèrent, il y eut un refus systématique de fournir les zones d’Aragon contrôlées par les anarchistes. Les armes qui arrivèrent, furent mises entre les mains des stalinistes et des centres qu’ils contrôlaient. Un membre du ministère de la guerre se référant aux armes arrivées en septembre commenta : “J’ai remarqué que ces armes ne furent pas données en quantité égale, mais il y avait une préférence marquée pour des unités constituant le 5ème régiment.

Ceci fut contrôlé par les stalinistes. Les usines de munitions catalanes, qui dépendaient du gouvernement central pour leur financement, furent obligées de fournir leur production à qui le gouvernement choisissait. Cette restriction sur les armes fut fondamentale dans la stratégie des stalinistes et de leurs alliés au gouvernement pour briser la puissance et le prestige de la CNT. Les marxistes voulaient diminuer les milices dans leurs efforts de redémarrage de l’armée.

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Le manque d’armes ne fit pas qu’affecter le front d’Aragon. La ville d’Irun tomba à cause de cette pénurie d’armes. Un journaliste le décrivit comme suit : “Ils (les travailleurs d’Irun) combattirent jusqu’à la dernière cartouche. Quand ils furent à court de munitions, ils balancèrent de la dynamite. Quad ils furent à cours de dynamite, ils se ruèrent à l’assaut à mains nues, tandis qu’un ennemi soixante fois plus fort les massacrait à la baïonnette.” Dans les Asturies, les travailleurs furent contraints d’essayer de prendre Oviedo armés de quelques fusils et de bombes artisanales. Alors que furent demandés quelques avions et pièces d’artillerie, leur demande fut refusée. Là encore, la peur du gouvernement des travailleurs révolutionnaires fut plus grande que celle des fascistes et cela domina les débats et prévalut sur l’objectif de vaincre les fascistes.

C’est un mensonge courant de dire que les milices, supposées être indisciplinées et incontrôlables, furent responsables de l’avancée et gains de terrain de Franco. Tous ceux qui virent les milices en action n’ont eu que louanges pour l’héroïsme dont ils furent les témoins. Le gouvernement a fait un choix tout à fait délibéré, il a choisi de restreindre l’accès aux armes pour les travailleurs révolutionnaires en armes, le gouvernement a décidé que vaincre la révolution sociale était plus important que de vaincre le fascisme.

NdT : ce qui est tristement logique… tout gouvernement va défendre l’État et les institutions, la révolution sociale espagnole a été écrasée à partir de 1937 par l’alliance entre les factions de préservation de l’état-marchand : les fascistes de Franco d’un côté aidés par Mussolini et Hitler et l’URSS de l’autre, marxiste-stalinisme, quelques traîtres anarchistes entrés au gouvernement, et les états européens, dont la France du Front Populaire socialo-marchande ne l’oublions pas, qui ferma ses frontières et n’aida en rien la révolution sociale espagnole en cours et parqua les réfugiés espagnols, anarchistes ou non dans des camps jusqu’à la seconde guerre mondiale. Pourquoi croyez-vous que TOUS se soient ligués contre la société anarchiste organique en mouvement en Espagne ? Parce que cette société nouvelle qui voyait le jour dans les collectifs catalans, aragonais et de Levant, faisait trembler le système étatico-marchand, qui s’en est instinctivement protégée en déployant toutes les énergies en apparence antagonistes pour que tout puisse politiquement et économiquement continuer comme de routine… Une révolution est un changement pour qu’en fait, rien ne change vraiment. Nous n’avons pas besoin de révolution mais d’évolution et la société des sociétés est cette évolution tant attendue pour que se réalise enfin pleinement notre humanité muselée, freinée et étouffée depuis quelques cinq mille ans.

L’état n’est pas quelque chose qui peut être détruit par une révolution, mais il est un conditionnement, une certaine relation entre les êtres humains un mode de comportement humain, nous le détruisons en contractant d’autres relations, en nous comportant différemment.
~ Gustav Landauer ~

“On peut dire qu’il n’y a pas encore eu de révolution dans l’histoire, il ne peut y en avoir qu’une qui serait une révolution définitive. Le mouvement qui semble achever la boucle en entame déjà une nouvelle à l’instant même où le gouvernement se constitue. Les anarchistes, Varlet en tête, ont bien vu que gouvernement et révolution sont incompatibles au sens direct. Il implique contradiction, dit Proudhon, que le gouvernement puisse être jamais révolutionnaire et cela pour la raison toute simple qu’il est gouvernement.’  […] S’il y avait une seule fois révolution, en effet, il n’y aurait plus d’histoire. Il y aurait unité heureuse et mort rassasiée.“
~ Albert Camus ~

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« Réflexions sur le peuple en arme, la résistance et la rébellion, 3 textes » (PDF)

« Petits précis sur la société et l’État » (Résistance 71)

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Il n’y a pas de solution au sein du système ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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5 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

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Société des sociétés organique avec Gustav Landauer

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Aujourd’hui comme hier…
¡Ya Basta!

Argent, dette, système étatico-marchand : une analyse (David Graeber)

Posted in 3eme guerre mondiale, actualité, altermondialisme, autogestion, économie, crise mondiale, gilets jaunes, guerres hégémoniques, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, philosophie, politique et social, résistance politique, société des sociétés, syndicalisme et anarchisme, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , on 18 février 2023 by Résistance 71

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David Graeber (1961-2020)
Anthropologue politique anarchiste

“Qu’est-ce que l’État ? C’est le signe achevé de la division dans la société, en tant qu’il est l’organe séparé du pouvoir politique: la société est désormais divisée entre ceux qui exercent le pouvoir et ceux qui le subissent. La société n’est plus un Nous indivisé, une totalité une, mais un corps morcelé, un être social hétérogène… »
~ Pierre Clastres ~

“Les deux grandes questions incontournables de l’anthropologie politique sont:
1- Qu’est-ce que le pouvoir politique, c’est à dire qu’est-ce que la société ?
2- Comment et pourquoi passe t’on du pouvoir politique non-coercitif au pouvoir politique coercitif, c’est à dire qu’est-ce que l’histoire ?”
~ Pierre Clastres, 1974 ~

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La signification de l’argent

David Graeber

2014

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

Février 2023

Je veux parler de l’argent en tant que technologie morale. Une des choses qui m’a fasciné lorsque je travaillais sur mon livre “Dette, les premiers 5000 ans”, c’est la tendance de la logique du marché de coloniser et d’envahir d’autres formes de moralité, même le langage et la religion. Pratiquement toutes les grandes religions du monde sont incroyablement riches dans le langage de la finance, prenez des mots comme rédemption et ceci ne se produit pas seulement avec le christianisme mais quasiment dans toutes.

La moralité a eu la tendance à être traitée comme une affaire de payer ses dette. Ce fut une des raisons qui m’amena dans ce voyage intellectuel si particulier ; je fus fasciné par le pouvoir moral de l’idée de la dette et par sa tendance à tromper toute autre forme de moralité, ainsi les gens purent justifier de choses qu’ils n’auraient jamais osé rêver justifier en d’autres circonstances : la famine et la mort de bébés par exemple sur la simple base causale que “ce pays a emprunté de l’argent…”

L’invasion du langage de la morale par celui de la dette et de l’argent semble être partie d’un autre phénomène, qui est la réduction de toutes les relations sociales à des formes d’échange. Vous trouvez que presque toutes les grandes religions du monde commencent avec le présupposée que la bonne moralité est simplement une question de payer ses dettes. Dans la théologie brahmane par exemple, toutes les formes de moralité sont à la base des formes de dettes. Cela commence avec la dette envers les dieux, qui est une dette de vie, de laquelle on paie des intérêts sous forme de sacrifices et d’offrandes et dont nous payons le principal après notre mort.

Si on y regarde de plus près pourtant, les autres exemples que les brahmanes utilisent  complètement subvertissent l’idée que ces obligations morales soient vraiment de la dette. Ils disent que vous avez une dette envers vos parents que vous repaierez en ayant des enfants ; vous avez aussi une dette envers le sage que vous repaierez en apprenant la sagesse et en devenant vous-même un sage. Vous avez aussi une dette envers l’humanité car elle rend votre vie possible, que vous repaierez en étant généreux avec des étrangers. Rien de tout cela ne prend la forme de repayer une dette sous la forme et le sens classiques. En fait, ceci semble impliquer que l’on efface une dette en comprenant que vous devez tout cela à une totalité qui vous inclut et que donc l’idée de dette devient saugrenue. Votre dette envers les dieux n’est qu’une dette envers l’univers. Vous ne pouvez pas repayer une dette à l’univers parce que cela impliquerait que vous et l’univers êtes des associés égaux dans une entreprise vous liant. C’est l’absurdité de cela qui annule l’idée de la dette. Dans la tradition judéo-chrétienne, il y a cette notion similaire de dette primordiale, mais il en résulte que ce qui est sacré n’est pas de repayer sa dette, mais l’annulation des dettes : la rédemption. C’est presque comme si tout le monde devait commencer en disant : “la moralité est de payer ses dettes”, puis ils s’en écartent.

La question est : Pourquoi font-ils cela ? Pourquoi ces conceptions populaire de moralité sont-elles déjà si profondément cadrées qu’elles semblent toujours devoir commencer avec ces présuppositions, alors qu’éventuellement, elles s’en écartent ? La meilleure réponse que j’ai pu me faire est que cela a à faire avec des relations de pouvoir. Essentiellement, une chose que l’histoire a révélé encore et toujours est que la moralité de la dette est la manière la plus puissante de faire paraître des relations de pouvoir violentes et arbitraires non seulement morales, mais aussi de donner aux victimes le rôle de pêcheurs et de personnes de fait à blâmer. Les Mafiosi comprennent cela bien entendu, ainsi que les chefs d’armées conquérantes, qui en général annoncent péremptoirement que tout le monde leur doit la vie parce qu’ils ont en fait le pouvoir de les tuer. Cela vous met dans une position où vous pouvez être le bon et les victimes courant partout misérables et se sentant mal à l’aise et mal placées. Cela semble être efficace pour un moment. Le problème est que cela explose périodiquement. Comme l’a fait remarqué Moïse Finley, il semble y avoir un programme révolutionnaire dans toute l’antiquité, qui a annulé la dette et redistribuer la terre, dans cet ordre précis.

La dette semble inspirer le sens à se révolter plus que n’importe quelle autre forme d’inégalité, peut-être parce qu’elle est supposée reposer sur une notion initiale d’égalité. Si vous dites être d’une caste inférieure, vous dites que vous êtes fondamentalement inférieur, ce que les gens n’aiment probablement pas, mais acceptent comme un ordre naturel des choses. Mais si vous refaçonner ça dans le langage de la dette, vous dites en fait “nous aurions du être égaux, mais vous avez foiré quelque part.” Cela semble percuter mieux et la réponse commune que l’on rencontre encore et encore au fil de l’histoire est de dire : “Eh, attendez un peu : qui doit quoi à qui ? Nous faisons votre nourriture, nous vous nourrissons…

Quelque soit le cadrage, ce que tend à se passer est la seule façon de résister à ce langage de la dette en tant que moralité et de cadrer votre réponse dans le même langage, de telle façon que cela en fait étend la zone à laquelle la dette s’applique. Cela a pour effet que vous reformuliez les relations morales dans le même langage. Vous voyez de nos jours la même chose se produire dans les débats sur la dette du tiers-monde. Qui doit quoi et à qui ? Et c’est exactement ce que les gens finissent par dire : “vous nous devez pour le colonialisme” ; avant de s’en rendre compte, tout ceci s’applique à une multitude de mauvaises actions historiques, dans des zones que vous ne vous seriez jamais attendus à chosifier, comme les dégâts écologiques. La rébellion contre la dette devient incorporée au langage de la dette. Avec ce langage de la dette vient, bien entendu, la logique de l’échange en tout et pour tout, ce qui essentiellement, peut être étiqueté, cadré en termes de marché.

La relation argent, dette, moralité change régulièrement selon les époques, cela dépend de la conception dominante de l’argent, qui dépend elle-même de la forme de monnaie dominante que les gens utilisent à une période donnée de l’histoire. Il semble qu’il y a des glissements réguliers à travers l’Eurasie, du moins entre ce que je j’appellerai des périodes d’argent de crédit virtuel et des périodes d’argent commodité, où les gens utilisent des objets, en général l’or et l’argent, dans chaque transaction et où les gens conçoivent l’argent comme une chose. J’ai été fasciné de constater qu’il n’y a pas de consensus entre les économistes quant à savoir ce que l’argent est de fait. On pourrait bien penser que s’il y avait une chose sur laquelle les économistes pourraient s’accorder, ce serait cela ; mais en fait l’argent est un peu un os pour les économistes. Les écoles dominantes pèsent de tout leur poids derrière l’idée de l’argent comme moyen d’échange ; il y a des arguments tout aussi valides disant que l’argent devrait être considéré comme une unité de compte et que donc les tokens d’argent sont en fait des tokens de dette. De ce point de vue, l’argent est essentiellement une dette qui circule. Des économistes comme Keith Hart argumentent  que si vous observez les deux faces d’une pièce, vous y voyez régulièrement la même chose. D’un côté un symbole d’autorité d’État, d’accord et de confiance, l’argent comme relation sociale, qui est le crédit et de l’autre côté se situe le chiffre de l’unité de mesure d’argent, qui implique que l’argent est une chose, une commodité.

Cette tension est toujours là en ce qui concerne la définition de l’argent. J’ajouterais qu’au fil du temps, la définition de l’argent va de l’un à l’autre. Mais, de manière intéressante, l’argent comme crédit virtuel vient en tête. Aussi loin que nous le sachions, si des gens allaient au marché à Sumer, ils n’emmenaient certainement pas quelque chose ressemblant à de l’argent physique. Ils n’avaient pas de pièces de monnaie, ils n’avaient même pas de balance de production. Ils avaient probablement la technologie de le faire, mais ils ne fabriquaient pas de balances suffisamment précises pour peser les tous petits morceaux d’argent qui auraient servi à acheter un cochon, un mouton, un marteau ou une chemise. Il semble qu’alors, toutes les transactions étaient très largement basées sur le crédit. Certaines choses circulaient par achat en argent, certains grains etc mais tout était basé essentiellement sur une économie de crédit, ce qui rendait possible d’annuler de la dette, ce qui est bien plus difficile à faire en période d’argent commodité. La période où fut inventé l’argent dit “liquide” correspond aussi à la période fameusement nommée par Carl Jaspers “L’âge axial”, durant lequel on voit aussi l’émergence de nombreuses philosophies dans le monde et les majeures religions, exactement dans les mêmes endroits où l’argent fut créé : en Méditerranée orientale, dans les vallées du Gange en Inde et dans les plaines du nord de la Chine.

Il semble que la fabrication de pièce de monnaie soit très largement un effet secondaire de la technologie militaire, qui est très liée aux systèmes de taxation. L’or et l’argent sont bien les sortes de choses que les soldats habitués au pillage vont transporter d’un endroit à l’autre. Des soldats itinérants et lourdement armés sont sans doute les dernières personnes à qui vous feriez, en tant que commerçant local, crédit. Mais ils ont de l’or et de l’argent. Eventuellement, après une période où les marchands et les soldats commercent en or et en argent, l’État s’en mêle et découvre que la meilleure façon de contrôler les troupes est de leur donner systématiquement de petites portions de ces métaux précieux et de dire à tout le monde sous votre coupe de rendre ces pièces. D’un seul coup, vous vous louez les services de tout le monde dans votre royaume pour entretenir les troupes.

Cela marcha très très bien. La chose fascinante au sujet de cet âge axial est que vous avez des armées, que l’argent à tendance à suivre les armées constituées. Vous avez aussi la montée en puissance des religions du monde, qui dans presque tous les cas, nient une partie de la logique morale de ces marchés d’argent comptant impersonnels qui sont permis par l’argent commodité, ainsi donc l’idée de charité semble jaillir presque simultanément C’est comme si vous disiez : “créons donc cet espace où nous aurons cette chose appelée intérêt particulier…” et si nous essayons d’obtenir le plus de choses matérielles pour nous-mêmes, quelqu’un va venir et dire “bon, et bien ici nous aurons un espace où nous pensons pourquoi les choses matériels ne sont pas importantes ; c’est mieux de donner que de recevoir.” Ceci se passe régulièrement dans chaque endroit.

La chose la plus extraordinaire, c’est que tout cela se coordonne vraiment bien à travers toute l’Eurasie. Au Moyen-Age, ces empires ont atteint leur apogée et ils s’effondrent. Avec la disparition des armées en campagne et de l’esclavage privée, la frappe de monnaie disparaît dans les grandes largeurs, mais au lieu de revenir au troc, les gens en fait retourne aux systèmes de crédit. Ces systèmes de crédit sont essentiellement contrôlés par les systèmes moraux et religieux qui se sont levés en opposition au monde de la transaction en argent physique intrinsèquement identifiée au militarisme et l’état d’avant. Avec cela vint l’interdiction de l’usure, qui n’existait pas du tout dans le vieux monde. Il semble que dans les période où on conçoit l’argent comme une relation sociale, un système de conventions sociales, la définition d’Aristote encore, ne fut pas largement adoptée dans l’antiquité mais au moyen-âge, il devient possible de faire certaines choses comme pratiquées dans le monde ancien : annulation des dettes dans l’islam et le christianisme médiévaux, ou interdictions de l’usure, ce qui est bien plus difficile à faire dans des périodes où on considère l’argent comme une chose, une commodité.

Malgré le fait que les constitutions athénienne et romaine furent créées essentiellement en réaction aux crises de la dette, les anciennes économies ne se sont jamais résolues à des annulations totales de la dette. Au lieu de cela, elles mirent en place des politiques de redistribution dans lesquelles elles jetèrent de l’argent à la face du problème et donc frapper la monnaie devient une sorte de technologie morale. Par exemple, dans l’Athènes antique, les gens étaient payés pour aller à l’Agora et pour voter. Il y a tous ces mécanismes de redistribution de l’argent par le truchement de moyens politiques ainsi les gens ne tombaient pas dans la dette profonde au point de devenir les esclaves des riches et ainsi donc risquer de détruire la base militaire de l’État.

Dès 1450 et avant même la découverte ibérique des Amériques, l’argent commodité retourne sous la forme de lingots et avec cela renaissent de larges empires, des armées de conquêtes, l’esclavage personnel, qui réapparaît sous une forme altérée. J’argumenterais que cette période est celle dont nous venons à peine de sortir maintenant, mais de manière très lente et sporadique. Le point standard de rupture est l’année 1971, quand Nixon a sorti définitivement le dollar américain du standard or.

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Il est intéressant de noter que l’interdiction de l’usure qui fut maintenue pendant le moyen-âge fut graduellement érodée. J’ai toujours pensé qu’une des raisons du pourquoi l’église a été si véhémentement opposée à l’usure par rapport à d’autres éléments du capitalisme émergent, c’est parce que la moralité de la dette était si puissante, que l’église pouvait reconnaître un rival quand elle en voyait un. Le fait est que la dette est le meilleur moyen de transformer les gens en des acteurs utilitaires rationnels, comme les économistes aiment à l’imaginer, où on a peu de choix que de voir simplement le monde en termes de sources possibles de profit et de danger. Une des choses qui m’a le plus fasciné fut de regarder les histoires de quelques personnes qui se comportèrent de la manière d’acquisition irrationnelle la plus bizarre que vous puissiez imaginer, devenant des paradigmes de l’insatiabilité des êtres humains : les conquistadores par exemple.

Ceux-ci étaient submergés par la dette. Ils commencèrent dans la dette et ne s’en échappèrent jamais vraiment. Une des raisons pour laquelle ils recherchaient toujours de nouveaux royaumes était parce que, même après la conquête du royaume Aztèque, Cortez se retrouva de nouveau dans la dette 15 ans plus tard et il commença à repartir sur le chemin de la conquête. Tous ces hommes étaient endettés jusqu’au cou et devaient faire ce qui était nécessaire pour acquérir de l’or, commettant au passage d’énormes atrocités pour repayer leurs dettes.

Ce genre de manipulation de la dette comme forme de moralité en lui-même fut lancé et devint “naturel”, quand vous pensez à l’argent comme une chose naturelle : comme un objet plutôt qu’une création sociale. En tant que technologie morale, l’argent permet à certains types de moralité d’émerger, ceux-ci étant très puissants. Les gens de pouvoir qui ont originellement découvert le pouvoir de la moralité de la dette il y a si longtemps, ne veulent pas les abandonner. Un des grands mystères est que lorsque vous avez des périodes de crédit d’argent virtuel, que ce soit dans la Mésopotamie antique ou au moyen-âge, vous voyez des gens qui créent des moyens de s’assurer que ceux qui ont le pouvoir de créer du crédit ne terminent pas à réduire les autres en esclavage. Cela se produit encore et encore et prend différentes formes, d’où les annulations de dette périodiques dans la Mésopotamie ancienne, les célèbres jubilées dans la Judée antique et les lois variées sur l’usure. Vous trouvez que tout cela était en combinaison avec la promulgation par les bouddhistes des monts de piété et autres alternatives afin d’empêcher les prêts à haut taux d’intérêt. La première utilisation des monts de piété fut en fait une affaire religieuse (NdT ; d’où le nom en français, en anglais cela se dit “pawn shop”, ce qui n’a rien à voir..) mise en place par des moines bouddhistes en Chine puis, plus tard, par les moines dominicains en Europe, de manière indépendante présumée.

Il y a tous ces mécanismes créés pour protéger les endettés en période d’argent crédit virtuel. Où sont nos versions de ces mécanismes ? D’accord, nous ne sommes que 40 ans environ dans ce système. Ceci n’est pas très long de par les standards auxquels nous nous référons, souvent des cycles de 500 à 1000 ans. Mais nous avons fait exactement l’opposé. Ce que nous avons fini par créer, ce sont des institutions comme le FMI ou Standard & Poor’s c’est à dire des institutions faites pour protéger les créditeurs contre les endettés. Sans surprise, le résultat de ces 40 premières années a été toute une série de crises de la dette. Considérez la dette du tiers-monde, qui a mené à des formes de résistance particulièrement efficace, d’abord en Extrême-Orient, puis en Amérique Latine, d’où le FMI a quasiment été viré. Ces crises de la dette sont continues, elles augmentent, elles semblent réunir la tendance historique pour une économie basée sur l’argent crédit.

Voilà pourquoi j’insiste sur le pouvoir de l’argent comme moralité. Je pense qu’il y a une contradiction entre les intérêts du système sur le long terme et ces mécanismes idéologiques qui sembleraient vouloir le légitimer. La moralité de la dette et la moralité du travail semblent être les deux zones dans lesquelles les vertus capitalistes, les vertus du système économique, sont profondément inculquées dans la conscience populaire et très largement acceptées. Questionner cela, ouvre les portes dont je pense que beaucoup de personnes ont peur d’ouvrir, malgré le fait qu’à ce point, l’annulation de la dette semble quasiment inévitable. 

La raison pour laquelle je dit “quasiment” est parce qu’il y a une telle résistance. Elle est remarquable. C’est tellement clairement dans l’intérêt de la classe dirigeante de commencer à annuler de la dette sur une grande échelle. La Réserve Fédérale a grandement essayé de voir la dette sur les emprunts fonciers annulée et ils n’ont pas avancé depuis l’an dernier (2013) Qu’est-ce qui le retient ? Cela doit être un attachement à cette idée morale fondamentale, parce qu’il n’y a plus beaucoup de soutien moral du système qui soit.

L’une d’entre elles est la valeur morale du travail. Keynes avait prédit que dès maintenant, nous pourrions bien avoir une journée de travail de 4 heures si nous le voulions et nous pourrions remarquer “Et bien visiblement nous ne le voulons pas, mais cela montre de manière évidente que plutôt que d’être heureux avec les biens que nous avons, cela a quelque chose à voir avec le désir, avec cette pulsion de la consommation.

Je pense que ce n’est absolument pas vrai. Si vous regardez ce que font les gens pendant une journée, ils ne font pas grand chose qui contribue à la production de produits de consommation. En fait, un phénomène inexploré en Amérique aujourd’hui est le fait de combien de personnes sont secrètement convaincues qu’ils ne font pas vraiment grand chose de la journée, que leur boulot est complètement inutile et n’a aucune valeur et ne devrait probablement pas exister. Je rencontre des gens comme ça tout le temps. Je connais tant de personnes qui en sont au bout du rouleau professionnellement et ne savent pas quoi faire, qui ont été en fac de droit et qui sont maintenant des avocats d’affaire pour des entreprises, je n’en ai pas rencontré un qui n’admettrait pas, du mois avec quelques verres dans le nez que “ce boulot est complètement inutile et stupide et ne devrait pas exister.” Vous pouvez faire beaucoup d’argent à faire ce boulot et aucun en étant un poète, ou autre chose. Cela vous dit quelque chose d’intéressant sur ce qu’on appelle “le marché” : il semble qu’il y ait très peu de demande pour des poètes ou des musiciens de talent, mais une demande quasi infinie pour des avocats d’affaire…

Je pense que nous devons penser cela en termes moraux. Pensez aux gens qui travaillent 4 heures par jour. Vous savez qu’il y a une foule de gens qui vont au travail tous les jours, s’assoient 8 heures mais ne font de fait que peut-être 3 ou 4 heures de travail effectif durant cette vacation. Le reste du temps, ils sont maintenant sur Facebook, ils tweetent, téléchargent du porno ou quoi que ce soit d’autre. Je parle à une quantité de gens et un grand nombre me dit : “En fait, je fais 2 ou 3 heures de travail productif dans la journée.” En fait, nous travaillons 4 heures par jour, mais à cause de cette moralité profonde attachée au travail, nous ne voulons pas en fait l’admettre.

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Tout le pouvoir aux ronds-points !…

Nous voudrions penser à un parallèle avec l’Union Soviétique. Je pense vraiment que le système soviétique était basé sur une contradiction fondamentale du fait qu’il a hérité d’une consistance essentiellement anarchiste (NdT : ne pas oublier que le premier “soviet” qui veut dire “assemblée populaire” en russe a été créé à St Petersbourg en 1905 par des anarchistes. Le concept de “soviet” est anarchiste par essence, il a été spolié plus tard par les marxistes autoritaires d’état en mission pour la City de Londres et sa succursale de Wall Street dont Lénine et Trotsky étaient les agents à succès…) et d’une idéologie marxiste. Pendant les années 1920 et 1930, on nota souvent la différence entre les syndicats anarcho-syndicalistes et les syndicats socialistes dans le fait que les anarchistes demandaient toujours une réduction des heures de travail et les socialistes une hausse des salaires. Essentiellement, ce furent les socialistes qui amenèrent le système productiviste et consumériste. Les anarchistes voulaient juste en sortir : “Nous ne voulons rien à voir à faire avec ça. Nous voulons travailler le moins possible.” Il y eut un célèbre débat entre Marx et Bakounine au sujet d’où la révolution viendrait-elle ? Serait-ce en provenance du prolétariat allemand plus avancé ? “Non, non, ce sera en provenance des paysans et artisans récemment prolétarisés en Russie et en Espagne”, dit alors Bakounine, l’avenir lui donna raison. Donc ces entités anarchistes qui voulaient moins d’heures de travail ont fini par créer des révolutions qui finirent absorbées par une élite marxiste-productiviste affirmant vouloir mettre en place une société de consommation, mais en étant incapable. Mais un des bénéfices de leur système fut qu’on ne pouvait pas être viré de son travail, donc les gens travaillaient de fait 4 heures par jour, à vie.

La grande contradiction en ce qui me concerne de ces systèmes, fut qu’ils ne purent reconnaître ou prendre la responsabilité du bénéfice social qu’ils donnèrent au public, à savoir la sécurité de l’emploi dans une journée de travail de 4 heures par jour. Si vous y pensez bien, passer d’une économie arriérée à lancer des satellites en orbite sur la base d’une journée de travail effectif de 4 heures par jour est assez impressionnant. Mais ils ne pouvaient pas admettre ce qu’ils donnaient aux gens. Tout le monde prétendait travailler 8 heures par jour, mais en fait ne travaillait que 4. (NdT : surtout dans une société bureaucrate où des boulots de gratte et pousse papiers / dossiers numériques sont légions, pas seulement dans les pays “socialistes”, mais partout aujourd’hui dans le monde occidental…)

Il semble que nos sociétés ressemblent à ça de plus en plus et tant de boulots sont dénués de sens ou de buts, mais là encore les gens se sentent obligés de le faire pour des raisons morales ou idéologiques, de le faire encore et encore. Je pense que beaucoup de la politique peut être expliqué de la sorte. J’ai toujours argumenté pour dire qu’une grande partie du populisme de droite est fondé sur le ressentiment des gens qui ont des boulots insensés. L’élite culturelle est vue comme ces gens qui monopolisent ces boulots où vous pouvez être payées pour faire quelque chose qui n’est pas juste pour un salaire. Comment tous ces salopards osent-ils prendre tous les boulots altruistes ?

Dans la même veine, je trouve fascinant ce ressentiment contre les ouvriers de l’automobile ou les enseignants. Je pense que cela peut être expliqué en ces termes moraux, il semble qu’il y ait un sens pour les gens à dire :”Quoi ? Vous les mecs faites quelque chose de réel. Vous enseignez aux enfants, vous fabriquez des voitures, vous voulez aussi des bénéfices ?” Il est important à mon sens que nous repensions en quoi le type de moralité que l’argent permet, à la fois en termes de dette et de travail, devient une force politique en elle-même et que bon nombre de ces problèmes que nous concevons être des problèmes économiques ne sont en fait que des problèmes politiques déguisés. 

(NdT : donc de “pouvoir”, nous ramenant à la seconde citation de Clastres que nous avons mis en début de texte et nous rajouterions celle-ci du même Pierre Clastres :

“La relation politique de pouvoir précède et fonde la relation économique d’exploitation. Avant d’être économique, l’aliénation est politique, le pouvoir est avant le travail, l’économique est une dérive du politique, l’émergence de l’État détermine l’apparition des classes.”
~ Pierre Clastres, directeur de recherche en anthropologie politique au CNRS, 1974 ~ )

Le texte en PDF : David_Graeber_La-signification-de-largent

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David Graeber sur Résistance 71

Les historiens et les économistes aux gages de l’État nous ont enseigné, sans doute, que la commune de village, étant devenue une forme surannée de la possession du sol, forme qui entravait les progrès de l’agriculture, dut disparaître sous l’action des forces économiques naturelles. Les politiciens et les économistes bourgeois ne cessent de le répéter jusqu’à nos jours ; et il y a même des révolutionnaires et des socialistes — ceux qui prétendent être scientifiques — qui récitent cette fable convenue, apprise à l’école.
Eh bien, jamais mensonge plus odieux n’a été affirmé dans la science. Mensonge voulu, car l’histoire fourmille de documents pour prouver à qui veut les connaître — pour la France, il suffirait presque de consulter Dalloz — que la commune de village fut d’abord privée par l’Etat de toutes ses attributions ; de son indépendance, de son pouvoir juridique et législatif ; et qu’ensuite ses terres furent, ou bien tout bonnement volées par les riches sous la protection de l’Etat, ou bien directement confisquées par l’Etat…
~ Pierre Kropotkine ~

L’état n’est pas quelque chose qui peut être détruit par une révolution, mais il est un conditionnement, une certaine relation entre les êtres humains un mode de comportement humain, nous le détruisons en contractant d’autres relations, en nous comportant différemment.
~ Gustav Landauer ~

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Il n’y a pas de solution au sein du système, n’y en a jamais eu et ne saurait y en avoir ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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5 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

Société des sociétés organique avec Gustav Landauer

Cobra_peuple

heroisme

Anarchie et double pouvoir : possibilité ou illusion, quelques notes sur le développement du mouvement anarchiste avec Matt Crossin 2/2

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RIEN ne s'oppose TOUT se compose

 

Notes critiques sur les développements au sein du mouvement anarchiste

Matt Crossin

Août 2022

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

Décembre 2022

1ère partie

2ème partie

A travers les Etats-Unis, l’insurrection s’est graduellement transformée en manifestations légalement gérées. Le militantisme des premiers moments se volatilisa sans avoir établi quelques formes organisationnelles ou stratégie propice à sa propre reproduction, sans parler de l’escalade. Le commissariat du 3ème district de Minneapolis fut entièrement brûlé, des fenêtres furent brisées et les produits des magasins pillés, partagés entre les communautés en deuil. Mais la police, les prisons, les entreprises capitalistes et la production de marchandise demeurent. Les capitalistes continuent de plus belle à être une classe possédante et opprimante ayant besoin de l’État pour la protéger et l’État, lui-même propriétaire de bon nombre de moyens de production (et de services), continue d’avoir besoin du système de propriété afin de se reproduire lui-même et le privilège de la règle politique.

Ces relations sociales ne peuvent pas être écrasées ou explosées dans les rues. Elles ne peuvent pas être abolies en simplement attaquant les individus qui nous gouvernent et nous contrôlent. Elles ne peuvent être transformées qu’à leur racine, au sein de la sphère de production par l’expropriation de la propriété et la destruction de force de l’État.

La révolte de 2020 sans nul doute marque un moment significatif. L’expérience a transformé le mode de pensée de beaucoup de ceux qui y ont participé, voire même n’en furent que des témoins. L’expression de solidarité sans parallèle avec les Palestiniens toujours sous l’assaut d’Israël juste un an plus tard fut dû en grande partie au glissement de la conscience populaire autour du sujet de la domination raciale. L’opposition militante à la police a aussi aggravé la crise du recrutement en cours dans les forces de l’ordre établi. Ceci a intensifié le cycle dans lequel l’institution expose sans fard son caractère autoritaire, alors que ce sont de manière disproportionnée les plus fascistes qui continuent à être attirés par cette profession.

Mais comme l’écrivain Shemon Salam le demanda à la suite de la rébellion : “En quoi les émeutes sont-elles le chemin de la révolution si elles ne peuvent pas se généraliser au niveau de la production, à moins que cette dernière ne soit plus utile ?” “Bonne chance à tous d’obtenir de la bouffe une fois que l’épicerie du coin est pillée…

De la même manière, la pertinente analyse de Tristan Leoni du mouvement des Gilets Jaunes en France nous mène à la même conclusion :

Les Gilets Jaunes ont ciblé la circulation plutôt que la production. Pourtant, bloquer veut aussi dire bloquer les gens pour aller au travail ou le travail des autres. Ce n’est que parce que des gens produisent des choses et que d’autres les transportent qu’un blocage routier a un quelconque “impact” : en d’autres termes, le blocage est le résultat d’une minorité, parce que la majorité n’entre pas en grève. Par définition, la sphère de la circulation n’est pas centrale, elle est en amont et en aval de la production. […] En mai 1968 (NdT: commencé en fait en 1967), quand 10 millions de travailleurs entrèrent en grève, puis en grève sauvage. Il n’y avait plus rien à bloquer ! Donc, pour faire une révolution, bloquer ou arrêter la production n’est pas suffisant […] il est nécessaire de changer le sens de la production, du haut vers le bas ainsi que de changer les relations sociales inhérentes. Ceci est difficile à faire si vous ne vous rebellez que lors de vos temps de loisir…

Avec l’augmentation des activités de grève dans le monde, avec les syndicats, sans eux et même contre la volonté des bureaucrates syndicalistes, il est intéressant de noter que les avocats de l’insurrection sont devenus bien silencieux au sujet de “l’inutilité et de l’obsolescence” d’une organisation de classe. On en entend même de moins en moins sur la supposée suffisance des groupes d’affinité !

Qui peut possiblement argumenter maintenant que la rébellion George Floyd aurait été “bureaucratisée” avec la participation d’anarchistes appartenant à des organisations anarchistes , encourageant les activités en accord avec une analyse anarchiste partagée et un programme ? Qui pourrait ne pas être d’accord avec un mouvement étant passé des batailles de rues à un système de routes et de parcs “autonomes”, à l’occupation et à la redéfinition de chaînes essentielles de production sous contrôle des travailleurs ? Peut-on vraiment douter que les travailleurs organisés, fédérés en solidarité et capables de mener à bien leur connaissance technique partagée dans leurs industries respectives contre la production capitaliste elle-même, seraient vraiment mieux préparés pour ce genre de soulèvement ?

Sans révolution, un tel développement des choses aurait terrifié les classes dirigeantes bien plus que d’avoir fait crâmer quelques bagnoles de flics…

Acceptant ceci, les anarchistes insurrectionnels auraient bénéficié de revisiter quelques unes des idées exprimées par un de leurs penseurs les plus sérieux : le révolutionnaire italien Alfredo Bonanno.

Son travail le plus célèbre “Joie armée” (1977), est en bien des points représentatif des écrits anarchistes insurrectionnels. Certainement, cela reflète les défauts que cela implique, le plus criant étant la tendance d’écrire dans un style pédant et prétentieux. L’essai est néanmoins notoire en cela que quand il ne réduit pas simplement notre politique de lutte de classe à soit une parodie de syndicalisme conservateur ou une énumération opportuniste des mouvements sociaux, il concède beaucoup à l’analyse anarchiste de masse.

“Joie armée” balaie les “réunions”, le “modèle rigide de l’attaque frontale contre les forces capitalistes” et les efforts de “se saisir des moyens de production” au travers d’un système “d’auto-gestion”. Bonanno clarifie qu’il est bien plus impressionné par ceux qui simplement “font l’amour, fument [des joints], écoutent de la musique, vont marcher, dorment, rient, tuent des flics, des journalistes pathétiques, tuent des juges et font péter des barraquements” etc. Et pourtant, Bonanno reconnait le besoin d’auto-organisation des producteurs sur les lieux de travail” afin de mettre en place le communisme : “L’affirmation que l’humain puisse se reproduire et s’objectiver dans une non-relation de travail par des solicitations variées que cela stimule en lui.” Pour Bonanno, le communisme est un mode de production dans lequel :

“La production ne sera plus la dimension par laquelle l’Homme se détermine lui-même et cela se manifestera dans la sphère du jeu et de la joie… il sera possible de stopper la production à tout moment lorsqu’il y aura assez.”

Les plus contrariants des insurrectionistes peuvent bien prétendre autre chose, mais si les mots de Bonanno doivent avoir une cohérence, ceci revient à “une attaque frontale sur les forces capitalistes”, “prise des moyens de production” et à “l’auto-gestion” communiste, telles qu’articulées dans le mouvement de masse anarchiste classique.

Les parallèles avec la pensée anarchiste de masse (particulièrement dans le domaine de la double organisation de type “plateformiste”) sont encore plus clairs dans d’autres travaux de Bonanno, comme ceux qui décrivent une stratégie fondée sur le “nucleus de production”. Par exemple dans l’essai “Critique des méthodes syndicalistes” dans lequel il argumente en faveur de :

La lutte directe organisée par la base ; petits groupes de travailleurs qui attaquent les centres de production. Ceci serait un exercice de cohésion pour de futurs développements dans la lutte qui pourraient se produire après avoir obtenu une formation détaillée et la décision de passer à la phase finale de l’expropriation du capital, c’est à dire la révolution.

Il continue en assumant que :

La situation économique pourrait être organisée sans aucune structure oppressive la contrôlant ou la dirigeant ou décidant ses buts à atteindre. C’est ce que les travailleurs comprennent très bien. Le travailleur, l’ouvrier, sait parfaitement comment l’usine, son lieu de travail est structuré et que, cette barrière franchie, il pourrait parfaitement être capable de travailler l’économie pour l’intérêt commun. Le travailleur sait parfaitement que l’effondrement de cet obstacle voudrait dire la transformation des relations à la fois dans et hors de l’usine, l’école, la terre, et toute la société. Pour le travailleur, le concept de gestion prolétarienne est avant tout celui de la gestion de la production […] C’est donc le contrôle sur le produit qui manque de sa perspective, et avec cela, les décisions sur les lignes de production, les choix à effectuer etc […] ce qui est requis est de lui expliquer la façon dont ce mécanisme pourrait être amené à une économie communiste, comment il pourrait avoir autant de produits que l’exigent ses véritables besoins et comment il pourrait participer à une production utile et efficace en accord avec son propre potentiel.

Qui Bonanno pense t’il devrait expliquer cela ? Pas des “délégués privilégiés” ou des “salariés bureaucrates”, mais plutôt des “animateurs politiques” : des activistes qui doivent travailler dans le sens des besoins des travailleurs. “En d’autres termes, la minorité des militants anarchistes devrait encourager le développement et l’activité des “fédérations des organisations de base”, en accord avec les principes qui nous conviennent, à la poursuite à la fois de l’amélioration (au travail et en dehors du travail) tout autant que de la révolution sociale.

Notre rôle en tant que “animateurs politiques” ou “activistes” devient-il inévitablement bureaucratique si nos organisations sont impliquées dans des taches plus qu’immédiates, singulières et sont guidées par des programmes révolutionnaires à la disposition de tous ?

Bonanno note les risques pour les organisations qui donnent la priorité à leur propre reproduction comme des organisations se plaçant au dessus de leur fonction supposée. Pour des organisations de masse comme les fédérations d’associations de travailleurs, localisées au point même de la lutte, le problème devient celui de sacrifier potentiellement la lutte en faveur de l’auto-préservation.

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Mais ceci n’est pas une vision unique de l’anarchisme insurrectionnel ! Et Bonanno le sait très bien. En fait, il cite et acquiesce à ces mots de l’anarchiste hollandais Ferdinand Donnera Nieuwenhuis :

Je suis anarchiste avant toute chose, puis un syndicaliste, mais je pense que beaucoup d’entre nous sont des syndicalistes avant tout et des anarchistes ensuite. Il y a une grande différence… Le culte du syndicalisme est aussi toxique et dangereux que celui de l’État… Comme les aficionados anarchistes de la double organisation l’ont disputé depuis longtemps, ce dont on a besoin est de la capacité continue pour les anarchistes à maintenir une position anarchiste constante ; d’être capables d’agir de manière indépendante de toute organisation de masse tout en maintenant des opportunités d’intervenir dans les luttes de nos compagnons ouvriers et travailleurs.

Bonanno cite l’expérience de la CNT dans la révolution sociale espagnole démontrant le danger institutionnel et psychologique posé par “la fusion d’un mouvement anarchiste spécifique avec des organisations de masse non spécifiques de lutte et d’action directes.” La déférence montrée par tant de travailleurs envers les politiques collaboratrices de la CNT, incluant la permission à des leaders anarcho-syndicalistes de prendre des positions au sein du gouvernement, indique le besoin d’une indépendance organisationnelle des anarchistes. Cette approche stratégique nous prépare mieux pour les circonstances dans lesquelles nous devons faire sécession des positions douteuses des organisations de masse, à la fois mentalement et dans la pratique, ce qui nous permettra d’encourager une ligne révolutionnaire claire au sein du mouvement ; redirigeant notre énergie là où l’auto-organisation de la lutte nous mène.

Mais Bonanno renforce cet argument avec des citations de… Malatesta ! Qui a argumenté que le syndicalisme anarchiste était soit limité aux anarchistes et donc “faible et impuissant, juste un groupe de propagande” ou construit sur une base de classe, rendant “le programme initial […] rien d’autre qu’une formule vide.”

C’est une fois de plus Bonanno se faisant l’écho de la double organisation. Le reste de son argumentation vaut par son insistance que les organisations anarchistes ne peuvent rien faire d’autre que de se bureaucratiser et de devenir une force contre-révolutionnaire si elles adoptent une continuité dans le membership et un programme anarchiste. Il affirme aussi sans preuve que c’est la forme de “nucleus de production” qui est uniquement immune aux tendances inhérentes aux syndicats, qu’ils soient réformistes, syndicalistes révolutionnaires ou anarchistes.

Aussi peu convaincant que ce soit, il convient de noter à quel point nous sommes loins du “fumer des pétards, baiser et tuer des flics”, ou des slogans préférés des admirateurs contemporains de Bonanno, appelant à la “destruction de l’économie”, “de la production”, et à l’abandon des vieux rêves comme “l’auto-gestion révolutionnaire”.

Si les anarchistes insurrectionnels, fatigués des émeutes sans fin et désorientés par le retour de l’organisation de terrain, peuvent parvenir aussi loin que le meilleur travail de Bonanno, peut-être alors pourront-ils aussi se permettre de concéder que la tradition anarchiste de masse est quelque chose qui vaut la peine d’être ranimé.

Laissons en place les groupes d’affinité ; pensons ensemble le monde et comment le changer ; écrivez vos idées et partagez les avec vos camarades, parlez, discutez avec vos collègues de travail sur le comment agir contre les patrons, diffusez les informations de lutte partout ; reconnaissez où réside notre pouvoir au sein de la société capitaliste et utilisez ce pouvoir.

Construisons la capacité organisationnelle de lutte au sein de nos industries respectives. Dans le processus de cette lutte, nous pouvons de la même manière construire la capacité de “saisir le contrôle des moyens de production” (excusez cette phrase poussiéreuse…). Ceci demande que nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir pour encourager le renouvellement d’un mouvement militant des travailleurs, avec une coordination au travers de l’économie et des liens avec des mouvements sociaux radicaux au-delà des lieux de travail.

Pour ceux vraiment intéressés à l’anarchie et au communisme, ceci demeure une tache centrale.

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Les anarchistes et le parlementarisme : élections et changement social

Il y a ceux qui maintenant se considèrent anarchistes et qui nous disent “Oui, l’anarchie est notre but, mais nous sommes très loin de sa réalisation et nous devons penser à désespérément gagner des réformes tant attendues. Ceci veut dire faire campagne pour des politiciens, même faire campagne pour nous faire élire de façon à ce que des lois puissent être passées dans l’intérêt de la classe travailleuse.”

Il y a plusieurs problèmes avec de tels propos. D’abord, il est important de clarifier que l’anarchisme non seulement comprend une croyance dans l’idéal de l’anarchie, d’une société sans domination, sans état, sans argent et sans capitalisme etc… mais aussi une méthode, une théorie de changement social, basée sur une analyse spécifique des relations sociales, des processus et des institutions existants.

Tout communiste, même le plus enthousiaste champion du pouvoir étatique (tenu entre les mains des “communistes”, bien entendu…) peut affirmer que l’abolition du capitalisme et de l’État sont ses buts ultimes et indéfectibles. Ils peuvent même réellement croire que leurs tactiques autoritaires sont les seules capables d’y parvenir. Marx lui-même concéda que l’idéal de l’anarchie était consistant avec sa vision du communisme, bien qu’il se fit l’avocat d’une politique électorale et d’une forme “d’état révolutionnaire transitoire” comme moyen d’y parvenir. Il est important de réitérer le fait que ce qui distingue vraiment l’anarchisme n’est pas seulement le but, mais aussi notre insistance sur une unité nécessaire entre les moyens et les fins ; sur le besoin d’agir en dehors et contre l’État, plutôt qu’à travers lui.

Une erreur identique est l’idée qu’une telle vue n’est importante que quand une révolution semble imminente et que, en attendant, nous devrions nous impliquer politiquement dans les campagnes de politique électorale pour changer les parlements et donc les législations comme un moyen n’étant que “la seule façon d’accomplir des réformes”.

Les anarchistes rejettent cette forme de compréhension sur le comment le changement social, même réformiste, se produit. Les changements dans les gouvernements et les politiques sont motivés par les besoins d’ajustement de l’État et du capital, dans des paramètres établis par l’équilibre existant des forces de classes. Les réformes ne sont pas le produit de bonnes ou de mauvaises idées, de politiciens ou de législations changeantes, mais sont plutôt le résultat de l’État servant les meilleurs intérêts du capitalisme en tant que système. Lorsqu’il y a une pression soutenue d’en bas, dirigée contre les patrons et les gouvernements, la classe dirigeante doit s’adapter à la menace posée au profit et à la stabilité du système. Lorsque la force brute n’est pas suffisante pour éliminer le danger de l’activité de la classe du travail organisée, la menace est pacifiée par des concessions et la récupération de la grogne au profit du système.

Les victoires électorales et parlementaires (incluant les referendums et les assemblées constituantes) sont souvent étiquetées comme faussées, mais nécessaires, des culminations de l’énergie du mouvement social en un “véritable pouvoir”. En fait, ceci devrait être vu et compris comme étant l’effort de canaliser l’activité extra-parlementaire, le seul pouvoir que nous ayons, en des formes gérables, légales et contrôlables à terme sans aucun danger pour le système.

Quiconque examine avec sérieux les archives historiques trouvera que cela a toujours été la lutte et l’action directes et jamais la politique légale, qui ont permis de faire changer les choses. Ainsi, les anarchistes affirment que les réformes et la révolution sont le résultat de la même sorte d’activité. Cela ne peut pas être séparé…

Grèves, sabotage, blocages, désobéissance civile, émeutes, insurrection : ce ne sont pas seulement les outils de la révolution, mais les seules armes que nous ayons à notre disposition pour changer les choses radicalement. Ce sont aussi une passerelle entre deux objectifs : réforme et révolution, en ce que cela bâtit notre capacité à mettre la pression sur les patrons et les gouvernements tout en développant nos forces, nos idées et notre confiance en nous-mêmes pour nous départir de toutes les formes d’oppression et d’exploitation, que nous avons l’intention intangible de remplacer par la société libre communiste.

Les campagnes électorales, la routine du boulot quotidien de la bureaucratie parlementaire et l’exercice du pouvoir d’état, ne font que distraire et détourner l’attention des travailleurs, nous détourner de l’auto-organisation, de l’autonomie et de la lutte de classe. Cela nous mélange de manière toxique dans des modèles d’organisation autoritaires et donne pour tache à ceux qui gèrent d’obtenir des positions dans le système politique, dans le gouvernement en maintenant les intérêts d’une classe propriétaire exploiteuse, dont les intérêts (vu leur contrôle absolu de la vie économique de la société) doivent être servis par l’État de manière inévitable et que tout gouvernement se doit de produire immanquablement s’il veut continuer d’être gouvernement ayant le pouvoir de gouverner la société en tant qu’élite privilégiée.

Les anarchistes pensent ces tactiques nécessaires au vu de l’attitude de ceux qui ont pris part, quelques soient les croyances personnelles ou leurs intentions. Ceci n’est pas une question de corruption ou de trahison, mais plutôt d’impératifs systémiques et de logique institutionnelle qui ne peuvent pas être dépassés, résolus par même les plus radicaux des politiciens. (NdT : pour la France, pensez à des gugusses du style Mélenchon ou Cohn Bendit… tous deux de bons petits roquets du système trompant leur monde depuis des lustres…)

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Ce qui nous ramène à ce principe qui est au cœur même de l’anarchisme : l’unité nécessaire entre les moyens et les fins. Comme je l’ai déjà dit, ceci demande que nous refusions toute participation à la politique électorale ou à la formation de tout autre “nouvel” ´état, quelle soit ses prétentions “révolutionnaires”. Mais cela veut aussi dire que nous devons nous organiser, prendre des décisions (NdT : c’est à dire d’exercer le pouvoir qui est inhérent à la société humaine, il n’y a pas et ne saurait y avoir de “société sans pouvoir”, il n’y a que le pouvoir non-coercitif et le pouvoir coercitif, comment repasse t’on de ce dernier au premier ? cf P. Clastres et notre résolution de son aporie d’anthropologie politique…) et agir de telle façon que cela reflète à la fois l’idéal pour lequel nous œuvrons pour établir et directement altérer l’équilibre des forces de classe, ce sans déférence que ce soit envers des leaders ou des institutions de quelque sorte que ce soit. Nos organisations doivent être construites de manière libre depuis la base et notre stratégie d’orientation doit aller vers l’action directe contre les patrons et les gouvernements.

En commentaire final, cela vaut la peine de noter que cette analyse institutionnelle de l’État s’étend également au niveau local ou municipal et que l’anarchisme ne peut pas se réconcilier avec de telles expériences de “démocratie de mairie” ou “directe”. La rupture de Murray Bookchin avec l’anarchisme à la fin des années 90 semble avoir été “oubliée” par les anarchistes qui recherchent maintenant une inspiration du côté de sa théorie sur le municipalisme (libertaire). Ses suiveurs se font à tort, l’écho de la croyance municipaliste qui veut que les impératifs structurels de l’état capitaliste disparaissent plus un corps gouvernemental se rapproche de sa population. Malheureusement, pour les municipalistes, les formes organisationnelles de la politique parlementaire, les manières dont elles nous transforment et nous changent en tant que peuple et leur fonction au sein de la société capitaliste, demeurent toutes identiques au niveau du conseil municipal. Un socialisme d’état de localité est toujours un socialisme d’état.

Le texte complet en PDF :
Matt-Crossin-Anarchie-et-double-pouvoir-notes-critiques-sur-le-developpement-du-mouvement-anarchiste

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Il n’y a pas de solution au sein du système ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

 

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