Dans cette courte lettre à l’éditeur du journal “Liberté”, Malatesta critique, à juste titre, la position de Kropotkine sur la guerre et anticipe la déclaration que signera Kropotkine pour soutenir la guerre contre l’Allemagne et de l’entente cordiale, contre laquelle Malatesta, Emma Goldman et Alexandre Berkman rédigeront un manifeste en février 1915, redéfinissant la position anarchiste contre TOUTE guerre, seule position valide pour tout anarchiste et signé par une trentaine d’anarchistes, devenant un manifeste universel contre la guerre. Texte qu’on voudrait n’être réservé qu’aux archives mais qui est bien tristement toujours d’actualité 110 ans plus tard… Preuve que nous sommes toujours soumis aux mêmes conneries et même pourriture qu’alors. La mission du système est une recette à succès qu’il nous faut détruire : changer (réformer) juste ce qu’il faut afin qu’en fin de compte… rien ne change.
Nous republions ce superbe manifeste contre la guerre sous le texte de Malatesta…
Il n’y a pas de solutions au sein du système et ne saurait y en avoir !… La seule voie et seul slogan valide est : A bas l’État ! A bas la marchandise ! A bas l’argent ! A bas le salariat ! Et remplaçons cette tyrannie déchue par la société des sociétés, celle du “à chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins.”
Tout le reste n’est que pisser dans un violon ! Vive la Commune Universelle de notre humanité enfin réalisée !
~ Résistance 71 ~
“La France est une prison. On y sent la menace, la misère, l’angoisse, le malheur comme une voûte pesante et qui s’affaisse chaque jour davantage sur les têtes. La France est une prison, mais l’illégalité est une évasion extraordinaire.”
~ Joseph Kessel, “L’armée des ombres”, 1943 ~
“Celui qui est contre la guerre est par ce seul fait dans l’illégalité. L’état capitaliste considère la vie humaine comme la matière véritablement première de la production du capital. Il conserve cette matière tant qu’il est utile pour lui de la conserver. Il l’entretient car elle est une matière et elle a besoin d’entretien et aussi pour la rendre plus malléable, il accepte qu’elle vive.
[…] L’état capitaliste se sert de la vie. La guerre n’est pas une catastrophe, c’est un moyen de gouvernement. L’état capitaliste ne connaît pas les hommes qui cherchent ce que nous appelons le bonheur, les hommes dont le propre est d’être ce qu’ils sont, les hommes en chair et en os ; il ne connaît qu’une matière première pour produire du capital. Pour en produire, il a besoin à un certain moment de la guerre, comme un menuisier a besoin d’un rabot, il se sert de la guerre. […] L’état capitaliste a besoin de la guerre, c’est un de ses outils. On ne peut tuer la guerre sans tuer l’état capitaliste. Je parle objectivement. Voilà un être organisé qui fonctionne… Dans cet être organisé, si j’enlève la guerre, je le désorganise si violemment que je le rend impropre à la vie, à sa vie, comme si j’enlevais le cœur au chien, comme si je sectionnais le 27ème centre moteur de la chenille. […]
Je préfère vivre. Je préfère vivre et tuer la guerre et tuer l’état capitaliste. Je préfère m’occuper de mon propre bonheur. Je ne veux pas me sacrifier ; je n’ai besoin de sacrifier qui que ce soit. Je ne veux me sacrifier qu’à mon bonheur et au bonheur des autres. Je refuse les conseils des gouvernements de l’état capitaliste, des professeurs de l’état capitaliste, des poètes, des philosophes de l’état capitaliste. […] Il n’y a qu’un seul remède: notre force. Il n’y a qu’un seul moyen à utiliser: la révolte, puisqu’on n’a pas entendu notre voix. Puisqu’on ne nous a jamais répondu quand on a gémi.”
~ Jean Giono, “Refus d’obéissance”, 1937 ~
L’antimilitarisme a t’il été bien compris ?
Publié dans le journal “Liberté” en décembre 1914 et repris dans le magazine Mother Earth en janvier 1915)
~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~
Septembre 2023
(Au rédacteur en chef de “Liberté”)
Cher camarade, permets-moi de dire quelques mots sur l’article de Kropotkine concernant l’antimilitarisme et publié dans votre dernier numéro. De mon point de vue, l’antimilitarisme est la doctrine qui affirme que le service militaire est une chose abominable et assassine et qu’un homme ne doit jamais consentir à prendre les armes au commandement de ses maîtres et de ne jamais se battre si ce n’est pour la révolution sociale.
Est-ce que ceci est se méprendre sur l’antimilitarisme ?…
Kropotkine semble avoir oublié l’antagonisme de classes, la nécessité de l’émancipation économique et tous les enseignements anarchistes ; et il dit qu’un antimilitariste doit toujours être prêt, en cas de guerre, à prendre les armes en soutien du “pays qui va être envahi” ; ce qui veut dire considérant l’impossibilité, du moins pour le quidam moyen, de vérifier à temps qui est le véritable agresseur, que pratiquement “l’antimilitariste” de Kropotkine doit toujours obéir aux ordres de son gouvernement. Que reste t’il donc après cela de l’antimilitarisme et de fait, de l’anarchisme ?…
En fait, Kropotkine renonce à l’antimilitarisme parce qu’il pense que les questions nationales doivent être résolues avant la question sociale. Pour nous, les rivalités nationales et les haines font partie des meilleurs moyens en possession des maîtres pour perpétuer l’esclavage des travailleurs et nous devons nous y opposer de toute notre force. Et donc pour le droit des petites nationalités de préserver leur langue et leurs us et coutumes, cela fait simplement partie de la question de la liberté et n’aura une véritable solution seulement lorsque l’État sera détruit, que chaque groupe humain, non, que chaque individu aura le droit de s’associer ou de se dissocier, se séparer de tout groupe que ce soit.
Cela me fait particulièrement mal de m’opposer à un si cher ami que Kropotkine, qui a tant fait pour la cause de l’anarchisme. Mais pour cette même raison que Kropotkine est si aimé et respecté par nous tous, il est nécessaire de faire savoir que nous ne le suivons pas dans ses élucubrations sur la guerre.
Je sais que cette attitude de Kropotknie n’est pas nouvelle et que depuis plus de dix ans il a prêché contre le “danger allemand” et je confesse que nous sommes dans l’erreur de ne pas donner d’importance à son patriotisme franco-russe et de ne pas avoir pressenti où son biais anti-allemand le mènerait. Ce fut parce que nous comprîmes qu’il voulait dire d’inviter les ouvriers et travailleurs français à répondre à une possible invasion allemande en faisant la révolution sociale, c’est à dire en prenant possession de la terre française et en essayant de faire fraterniser les travailleurs allemands avec eux dans la lutte contre les oppresseurs français ET allemands. Nous n’aurions sans doute jamais imaginé que Kropotkine puisse inviter les travailleurs à faire cause commune avec les gouvernements et les maîtres.
J’espère profondément qu’il verra son erreur et qu’il sera de nouveau du côté des travailleurs contre TOUS les gouvernements et TOUS les bourgeois, qu’ils soient français, allemands, anglais, russes ou belges, etc…
Fraternellement,
E. Malatesta
= = =
Errico Malatesta sur Résistance 71
Errico Malatesta, textes choisis, PDF
“Manifeste de l’internationale Anarchiste contre la guerre”, février 1915, à l’initiative d’Ericco Malatesta, en PDF réalisé par Jo
N’oublions jamais …
Il n’y a pas de solution au sein du système, n’y en a jamais eu et ne saurait y en avoir ! (Résistance 71)
Comprendre et transformer sa réalité, le texte:
Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »
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5 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:
Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être
Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche
Manifeste pour la Société des Sociétés
Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie
Société des sociétés organique avec Gustav Landauer
= = =
Ce texte fut écrit et publié il y a 108 ans jour pour jour ! Qu’est-ce qui fait qu’il paraisse toujours si actuel, à tel point qu’il aurait pu avoir été écrit hier ?… Serait-ce parce que finalement, rien n’a vraiment changé ? Où en sommes-nous plus d’un siècle plus tard ? Après une première et une seconde boucheries mondiales, organisées par les mêmes parasites de la société étatico-marchande, agissant pour maintenir oppression et exploitation, nous en sommes aujourd’hui en ce 15 février 2023 à nous demander si la 3ème grande boucherie mondiale va avoir lieu ? De fait, haute-finance et complexes industriels ont besoin d’une 3ème guerre mondiale pour relancer le parasitisme économico-politique institutionnalisé qui les maintient au pouvoir et en “contrôle”.
Comme le disaient déjà les anarchistes en 1915 : NON à la guerre ! Il n’y a absolument aucune justification valide à perpétuer cette violence collective organisée et manipulée à dessein. Ce sont nous, les peuples, qui, sous le joug de l’État, sommes en état de légitime défense permanente… Il est plus que grand temps que nous agissions collectivement en conséquence. Il suffit de dire NON !…
A bas l’État ! A bas la marchandise ! A bas l’argent ! A bas le salariat !
Vive la Commune Universelle de notre humanité réalisée !
~ Résistance 71 ~
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Manifeste de l’Internationale Anarchiste contre la guerre
15 Février 1915
L’Europe en feu, une dizaine de millions d’hommes aux prises dans la plus effroyable boucherie qu’ait jamais enregistré l’histoire, des millions de femmes et d’enfants en larmes, la vie économique, intellectuelle et morale de sept grands peuples brutalement suspendue, la menace chaque jour plus grave de complications militaires nouvelles, — tel est, depuis sept mois, le pénible, angoissant et odieux spectacle que nous offre le monde civilisé.
Mais spectacle attendu, au moins par les anarchistes. Car pour eux il n’a jamais fait et il ne fait aucun doute — les terribles évènements d’aujourd’hui fortifient cette assurance — que la guerre est en permanente gestation dans l’organisme social actuel et que le conflit armé, restreint ou généralisé, colonial ou européen, est la conséquence naturelle et l’aboutissant nécessaire et fatal d’un régime qui a pour base l’inégalité économique des citoyens, repose sur l’antagonisme sauvage des intérêts, et place le monde du travail sous l’étroite et douloureuse dépendance d’une minorité de parasites, détenteurs à la fois du pouvoir politique et de la puissance économique.
La guerre était inévitable : d’où qu’elle vint, elle devait éclater. Ce n’est pas en vain que depuis un demi-siècle, on prépare fiévreusement les plus formidables armements et que l’on accroît tous les jours davantage les budgets de la mort. À perfectionner constamment le matériel de guerre, à tendre continûment tous les esprits et toutes les volontés vers la meilleure organisation de la machine militaire, on ne travaille pas à la paix.
Aussi est-il naïf et puéril, après avoir multiplié les causes et les occasions de conflits, de chercher à établir les responsabilités à tel ou tel gouvernement. Il n’y a pas de distinction possible entre les guerres offensives et les guerres défensives. Dans le conflit actuel, les gouvernements de Berlin et de Vienne se sont justifiés avec des documents non moins authentiques que les gouvernements de Paris, de Londres et de Pétrograd. C’est à qui de ceux-ci et de ceux-là produira les documents les plus indiscutables et les plus décisifs pour établir sa bonne foi et se présenter comme l’immaculé défenseur du droit et de la liberté, le champion de la civilisation.
La civilisation ? Qui donc la représente en ce moment ? Est-ce l’État Allemand avec son militarisme formidable et si puissant qu’il a étouffé toute velléité de révolte ? Est-ce l’État Russe dont le knout, le gibet et la Sibérie sont les seuls moyens de persuasion ? Est-ce l’État Français, avec Biribi, les sanglantes conquêtes du Tonkin, de Madagascar, du Maroc, avec, le recrutement forcé des troupes noires ; la France qui retient dans ses prisons. depuis des années, des camarades coupables seulement d’avoir écrit et parlé contre la guerre ? Est-ce l’Angleterre qui exploite, divise, affame et opprime les populations de son immense empire colonial ?
Non. Aucun des belligérants n’a le droit de se réclamer de la civilisation, comme aucun n’a le droit de se déclarer en état de légitime défense.
La vérité, c’est que la cause des guerres, de celle qui ensanglante actuellement les plaines de l’Europe, comme de toutes celles qui l’ont précédée, réside uniquement dans l’existence de l’État, qui est la forme politique du privilège.
L’État est né de la force militaire ; il s’est développé en se servant de la force militaire ; et c’est encore sur la force militaire qu’il doit logiquement s’appuyer pour maintenir sa toute-puissance. Quelle que soit la forme qu’il revête, l’État n’est que l’oppression organisée au profit d’une minorité de privilégiés. Le conflit actuel illustre ceci de façon frappante : toutes les formes de l’État se trouvent engagées dans la guerre présente : l’absolutisme avec la Russie, l’absolutisme mitigé de parlementarisme avec l’Allemagne, l’État régnant sur des peuples de races bien différentes avec l’Autriche, le régime démocratique constitutionnel avec l’Angleterre et le régime démocratique républicain avec la France.
Le malheur des peuples, qui pourtant étaient tous profondément attachés à la paix, est d’avoir eu confiance en l’État avec ses diplomates intrigants, en la démocratie et partis politiques (même d’opposition comme le socialisme parlementaire), pour éviter la guerre. Cette confiance a été trompée à dessein et elle continue à l’être lorsque les gouvernants, avec l’aide de toute leur presse, persuadent leurs peuples respectifs que cette guerre est une guerre de libération.
Nous sommes résolument contre toute guerre entre peuples et, dans les pays neutres, comme l’Italie, où les gouvernants prétendent jeter encore de nouveaux peuples dans la fournaise guerrière, nos camarades se sont opposés, s’opposent et s’opposeront toujours à la guerre avec la dernière énergie.
Le rôle des anarchistes, quel que soit l’endroit ou la situation dans laquelle ils se trouvent, dans la tragédie actuelle, est de continuer à proclamer qu’il n’y a qu’une seule guerre de libération : celle qui, dans tous les pays, est menée par les opprimés contre les oppresseurs, par les exploités contre les exploiteurs. Notre rôle c’est d’appeler les esclaves à la révolte contre leurs maîtres.
La propagande et l’action anarchistes doivent s’appliquer avec persévérance à affaiblir et à désagréger les divers États, à cultiver l’esprit de révolte et à faire naître le mécontentement dans les peuples et dans les armées.
À tous les soldats de tous les pays qui ont la foi de combattre pour la justice et la liberté, nous devons expliquer que leur héroïsme et leur vaillance ne serviront qu’à perpétuer la haine, la tyrannie et la misère.
Aux ouvriers de l’Usine il faut rappeler que les fusils qu’ils ont maintenant entre les mains ont été employés contre eux dans les jours de grève et de légitime révolte, et qu’ensuite ils serviront encore contre eux pour les obliger à subir l’exploitation patronale.
Aux paysans, leur montrer qu’après la guerre il faudra encore une fois se courber sous le joug, continuer à cultiver la terre de leurs seigneurs et à nourrir les riches.
À tous les parias, qu’ils ne doivent pas lâcher leurs armes avant d’avoir réglé des comptes avec leurs oppresseurs, avant d’avoir pris la terre et l’usine pour eux.
Aux mères, compagnes et filles, victimes d’un surcroît de misère et de privations, montrons quels sont les vrais responsables de leurs douleurs et du massacre de leurs pères, fils et maris.
Nous devons profiter de tous les mouvements de révolte, de tous les mécontentements, pour fomenter l’insurrection, pour organiser la révolution de laquelle nous attendons la fin de toutes les iniquités sociales. Pas de découragement — même devant une calamité comme la guerre actuelle !
C’est dans des périodes aussi troublées, où des milliers d’hommes donnent héroïquement leur vie pour une idée, qu’il faut que nous montrions à ces hommes la générosité, la grandeur et la beauté de l’idéal anarchiste ; la justice sociale réalisée par l’organisation libre des producteurs ; la guerre et le militarisme à jamais supprimés, la liberté entière conquise par la destruction totale de l’État et de ses organismes de coercition.
Vive l’Anarchie !
Leonard D. Abbott — Alexander Berkman — L. Bertoni — L. Bersani — G. Bernard — G. Barrett — A. Bernardo — E. Boudot — A. Calzitta — Joseph J. Cohen — Henry Combes — Nestor Ciele van Diepen — F.W. Dunn — Ch. Frigerio — Emma Goldman — V. Garcia —Hippolyte Havel —T.H. Keell — Harry Kelly — J. Lemaire — E. Malatesta — H. Marques — F. Domela Nieuwenhuis — Noel Paravich — E. Recchioni — G. Rijnders — I. Rochtchine — A. Savioli — A. Schapiro — William Shatoff — V.J.C. Schermerhorn — C. Trombetti — P. Vallina — G. Vignati — Lillian G. Woolf — S. Yanovsky.
Londres, février 1915
Le texte en PDF
Résistance politique : Errico Malatesta, retour sur une vie
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Le Monde Libertaire
20 septembre 2021
Source:
https://monde-libertaire.fr/?article=Des_idees_et_des_luttes_Errico_MALATESTA
« La légende est plus vraie que l’histoire, plus intéressante. » Cette citation d’Errico Malatesta au sujet de la Commune de Paris de 1871 pourrait parfaitement s’appliquer à sa vie. On la connaît par les rapports de police essentiellement consacrés à noircir le personnage pour mieux l’enfermer, mais quid de sa vie intérieure, ses sentiments, son introspection. Très difficile exercice car il parlait assez peu de lui-même, tout consacré à une cause, l’anarchie à laquelle il consacrera un livre éponyme. Certes, il existe des articles, des discours, des propos enflammés d’amis, de compagnons qui magnifient le militant charismatique, lui qui voulait rester discret, au service des autres. Vittorio Giacopino publie chez Lux, un livre « roman historique » pour faire vivre la légende. Rien n’est faux, mais il fait parler Malatesta au plus près de ses lettres à ses amis, de ses réflexions. Enfermé vivant dans un petit appartement rue Andrea-Doria à Rome, surveillé, perquisitionné, harcelé par les nervis fascistes de Mussolini, il se remémore sa vie d’aventures, son départ en Amérique du Sud, ses voyages à Londres, un internationaliste qui rencontre Bakounine à Saint-Imier, se lie avec Pierre Kropotkine.
La Révolution universelle
La Commune de Paris de 1871 sera sa prise de conscience de la nécessité de se battre pour un monde meilleur, il y pense encore en 1931, un an avant sa mort et croit toujours dans la Révolution universelle. « Nous ne reconnaissons d’autre patrie que la révolution universelle, d’autre ennemi que la tyrannie sous quelque forme qu’elle se présente. »
Ses premières actions relèvent du coup de poing, des initiatives à la hâte, des échecs, des procès, de la prison, mais toujours « je ne peux que nourrir du mépris pour ceux qui non seulement ne veulent rien faire, mais se complaisent à blâmer et maudire ceux qui agissent. » Alors, il agit toujours à l’affût d’une action, d’un espoir à relayer. « La foi, ce n’est pas une croyance aveugle : c’est le résultat d’une volonté ferme alliée à une forte espérance. »
Les souvenirs remontent à la surface, des regrets jamais, de la nostalgie parfois comme son séjour à Paris et le retour des communards en 1880, son exclusion de l’Internationale et le mépris de Marx à l’encontre des « anarchistes qui ne représentent pas les vrais travailleurs, mais des gens déclassés avec certains travailleurs abusés, comme troupe. »
Ses propos sont d’une actualité étonnante, bien qu’écrits au début du XXème siècle. « Tout le système social en vigueur est fondé sur la force brutale mise au service d’une petite minorité qui exploite et opprime la grande masse. » Il y oppose Le programme anarchiste qui se conclut ainsi « Nous voulons donc abolir radicalement la domination et l’exploitation de l’homme par l’homme. Nous voulons que les hommes, unis fraternellement par une solidarité consciente, coopèrent volontairement au bien-être de tous. […] Nous voulons pour tous le pain, la liberté, l’amour et la science. »
Une solidarité consciente
Ses regrets ? Oui sans doute le ralliement de Kropotkine et de quelques anarchistes à la guerre en 1914. Et puis aussi la révolution soviétique, même si au début il croit dans cette lumière qui se lève à l’Est, mais il écrit aussi en 1919 qu’en réalité « il s’agit de la dictature d’un parti, ou plutôt des chefs d’un parti […] qui préparent les cadres gouvernementaux qui serviront à ceux qui viendront après pour profiter de la révolution et la tuer. » Dans Pensiero et Volontà, il dénonce Lénine en ces termes, « lui, avec les meilleures intentions, fut un tyran, l’étrangleur de la Révolution russe, et nous qui ne pûmes l’aimer vivant, nous ne pouvons le pleurer mort. » Rappelons que Cronstadt, Mahkno et l’Ukraine, l’élimination des anarchistes sont passés par là.
« Faire les anarchistes »
En 1920, se développe dans le Nord de l’Italie, une mobilisation ouvrière sans pareil, Malatesta en fait partie évidemment. Il faut occuper les usines et paralyser le système bourgeois. Cependant, les socialistes modérés, les syndicats limitent l’ampleur de la mobilisation et le reflux ne tarde pas à se faire sentir. Il en résultera des attentats du désespoir.
Poursuivi par les fascistes, il se réfugie à Rome où la situation sera encore pire qu’à Milan. Isolé, il sent ses forces le quitter, entouré par les séides de Mussolini. Alors que faire, Errico Malatesta ? « Faire les anarchistes ; nous unir, nous organiser, approfondir les problèmes d’aujourd’hui et de demain. […] Ce qui importe le plus, c’est que le peuple, les hommes, perdent l’instinct et les habitudes grégaires que l’esclavage millénaire leur a insufflés, et apprennent à penser et à agir librement. Et c’est à cette grande œuvre de libération que les anarchistes doivent se consacrer. »
Francis Pian
Errico Malatesta, Vittorio Giacopino. Ed. LUX, 2018
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Errico Malatesta sur Résistance 71
Comprendre et transformer sa réalité, le texte:
Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »
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4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:
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Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche
Manifeste pour la Société des Sociétés
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