Archive pour errico malatesta anarchie et organisation

Réflexion, analyse sur l’État et la guerre avec Résistance 71, Joseph Kessel, Jean Giono, Errico Malatesta et l’Internationale Anarchiste de 1915

Posted in 3eme guerre mondiale, actualité, altermondialisme, autogestion, crise mondiale, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, média et propagande, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, pédagogie libération, philosophie, politique et lobbyisme, politique et social, politique française, résistance politique, science et nouvel ordre mondial, sciences et technologies, terrorisme d'état, Union Europeenne et nouvel ordre mondial with tags , , , , , , , , , , , , , on 28 septembre 2023 by Résistance 71

Dans cette courte lettre à l’éditeur du journal “Liberté”, Malatesta critique, à juste titre, la position de Kropotkine sur la guerre et anticipe la déclaration que signera Kropotkine pour soutenir la guerre contre l’Allemagne et de l’entente cordiale, contre laquelle Malatesta, Emma Goldman et Alexandre Berkman rédigeront un manifeste en février 1915, redéfinissant la position anarchiste contre TOUTE guerre, seule position valide pour tout anarchiste et signé par une trentaine d’anarchistes, devenant un manifeste universel contre la guerre. Texte qu’on voudrait n’être réservé qu’aux archives mais qui est bien tristement toujours d’actualité 110 ans plus tard… Preuve que nous sommes toujours soumis aux mêmes conneries et même pourriture qu’alors. La mission du système est une recette à succès qu’il nous faut détruire : changer (réformer) juste ce qu’il faut afin qu’en fin de compte… rien ne change.

Nous republions ce superbe manifeste contre la guerre sous le texte de Malatesta…

Il n’y a pas de solutions au sein du système et ne saurait y en avoir !… La seule voie et seul slogan valide est : A bas l’État ! A bas la marchandise ! A bas l’argent ! A bas le salariat ! Et remplaçons cette tyrannie déchue par la société des sociétés, celle du “à chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins.”

Tout le reste n’est que pisser dans un violon ! Vive la Commune Universelle de notre humanité enfin réalisée !

~ Résistance 71 ~

“La France est une prison. On y sent la menace, la misère, l’angoisse, le malheur comme une voûte pesante et qui s’affaisse chaque jour davantage sur les têtes. La France est une prison, mais l’illégalité est une évasion extraordinaire.”
~ Joseph Kessel, “L’armée des ombres”, 1943 ~

“Celui qui est contre la guerre est par ce seul fait dans l’illégalité. L’état capitaliste considère la vie humaine comme la matière véritablement première de la production du capital. Il conserve cette matière tant qu’il est utile pour lui de la conserver. Il l’entretient car elle est une matière et elle a besoin d’entretien et aussi pour la rendre plus malléable, il accepte qu’elle vive.
[…] L’état capitaliste se sert de la vie. La guerre n’est pas une catastrophe, c’est un moyen de gouvernement. L’état capitaliste ne connaît pas les hommes qui cherchent ce que nous appelons le bonheur, les hommes dont le propre est d’être ce qu’ils sont, les hommes en chair et en os ; il ne connaît qu’une matière première pour produire du capital. Pour en produire, il a besoin à un certain moment de la guerre, comme un menuisier a besoin d’un rabot, il se sert de la guerre. […] L’état capitaliste a besoin de la guerre, c’est un de ses outils. On ne peut tuer la guerre sans tuer l’état capitaliste. Je parle objectivement. Voilà un être organisé qui fonctionne… Dans cet être organisé, si j’enlève la guerre, je le désorganise si violemment que je le rend impropre à la vie, à sa vie, comme si j’enlevais le cœur au chien, comme si je sectionnais le 27ème centre moteur de la chenille. […]
Je préfère vivre. Je préfère vivre et tuer la guerre et tuer l’état capitaliste. Je préfère m’occuper de mon propre bonheur. Je ne veux pas me sacrifier ; je n’ai besoin de sacrifier qui que ce soit. Je ne veux me sacrifier qu’à mon bonheur et au bonheur des autres. Je refuse les conseils des gouvernements de l’état capitaliste, des professeurs de l’état capitaliste, des poètes, des philosophes de l’état capitaliste. […] Il n’y a qu’un seul remède: notre force. Il n’y a qu’un seul moyen à utiliser: la révolte, puisqu’on n’a pas entendu notre voix. Puisqu’on ne nous a jamais répondu quand on a gémi.”
~ Jean Giono, “Refus d’obéissance”, 1937 ~

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L’antimilitarisme a t’il été bien compris ?

Errico Malatesta

Publié dans le journal “Liberté” en décembre 1914 et repris dans le magazine Mother Earth en janvier 1915)

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

Septembre 2023

(Au rédacteur en chef de “Liberté”)

Cher camarade, permets-moi de dire quelques mots sur l’article de Kropotkine  concernant l’antimilitarisme et publié dans votre dernier numéro. De mon point de vue, l’antimilitarisme est la doctrine qui affirme que le service militaire est une chose abominable et assassine et qu’un homme ne doit jamais consentir à prendre les armes au commandement de ses maîtres et de ne jamais se battre si ce n’est pour la révolution sociale.

Est-ce que ceci est se méprendre sur l’antimilitarisme ?…

Kropotkine semble avoir oublié l’antagonisme de classes, la nécessité de l’émancipation économique et tous les enseignements anarchistes ; et il dit qu’un antimilitariste doit toujours être prêt, en cas de guerre, à prendre les armes en soutien du “pays qui va être envahi” ; ce qui veut dire considérant l’impossibilité, du moins pour le quidam moyen, de vérifier à temps qui est le véritable agresseur, que pratiquement “l’antimilitariste” de Kropotkine doit toujours obéir aux ordres de son gouvernement. Que reste t’il donc après cela de l’antimilitarisme et de fait, de l’anarchisme ?…

En fait, Kropotkine renonce à l’antimilitarisme parce qu’il pense que les questions nationales doivent être résolues avant la question sociale. Pour nous, les rivalités nationales et les haines font partie des meilleurs moyens en possession des maîtres pour perpétuer l’esclavage des travailleurs et nous devons nous y opposer de toute notre force. Et donc pour le droit des petites nationalités de préserver leur langue et leurs us et coutumes, cela fait simplement partie de la question de la liberté et n’aura une véritable solution seulement lorsque l’État sera détruit, que chaque groupe humain, non, que chaque individu aura le droit de s’associer ou de se dissocier, se séparer de tout groupe que ce soit.

Cela me fait particulièrement mal de m’opposer à un si cher ami que Kropotkine, qui a tant fait pour la cause de l’anarchisme. Mais pour cette même raison que Kropotkine est si aimé et respecté par nous tous, il est nécessaire de faire savoir que nous ne le suivons pas dans ses élucubrations sur la guerre.

Je sais que cette attitude de Kropotknie n’est pas nouvelle et que depuis plus de dix ans il a prêché contre le “danger allemand” et je confesse que nous sommes dans l’erreur de ne pas donner d’importance à son patriotisme franco-russe et de ne pas avoir pressenti où son biais anti-allemand le mènerait. Ce fut parce que nous comprîmes qu’il voulait dire d’inviter les ouvriers et travailleurs français à répondre à une possible invasion allemande en faisant la révolution sociale, c’est à dire en prenant possession de la terre française et en essayant de faire fraterniser les travailleurs allemands avec eux dans la lutte contre les oppresseurs français ET allemands. Nous n’aurions sans doute jamais imaginé que Kropotkine puisse inviter les travailleurs à faire cause commune avec les gouvernements et les maîtres.

J’espère profondément qu’il verra son erreur et qu’il sera de nouveau du côté des travailleurs contre TOUS les gouvernements et TOUS les bourgeois, qu’ils soient français, allemands, anglais, russes ou belges, etc…

Fraternellement,
E. Malatesta

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Errico Malatesta sur Résistance 71

Errico Malatesta, textes choisis, PDF

“Manifeste de l’internationale Anarchiste contre la guerre”, février 1915, à l’initiative d’Ericco Malatesta, en PDF réalisé par Jo

N’oublions jamais …

Il n’y a pas de solution au sein du système, n’y en a jamais eu et ne saurait y en avoir ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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5 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

Société des sociétés organique avec Gustav Landauer

Anarchie_Vaincra

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Ce texte fut écrit et publié il y a 108 ans jour pour jour ! Qu’est-ce qui fait qu’il paraisse toujours si actuel, à tel point qu’il aurait pu avoir été écrit hier ?… Serait-ce parce que finalement, rien n’a vraiment changé ? Où en sommes-nous plus d’un siècle plus tard ? Après une première et une seconde boucheries mondiales, organisées par les mêmes parasites de la société étatico-marchande, agissant pour maintenir oppression et exploitation, nous en sommes aujourd’hui en ce 15 février 2023 à nous demander si la 3ème grande boucherie mondiale va avoir lieu ? De fait, haute-finance et complexes industriels ont besoin d’une 3ème guerre mondiale pour relancer  le parasitisme économico-politique institutionnalisé qui les maintient au pouvoir et en “contrôle”.

Comme le disaient déjà les anarchistes en 1915 : NON à la guerre ! Il n’y a absolument aucune justification valide à perpétuer cette violence collective organisée et manipulée à dessein. Ce sont nous, les peuples, qui, sous le joug de l’État, sommes en état de légitime défense permanente… Il est plus que grand temps que nous agissions collectivement en conséquence. Il suffit de dire NON !…

A bas l’État ! A bas la marchandise ! A bas l’argent ! A bas le salariat !

Vive la Commune Universelle de notre humanité réalisée !

~ Résistance 71 ~

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Manifeste de l’Internationale Anarchiste contre la guerre

15 Février 1915

L’Europe en feu, une dizaine de millions d’hommes aux prises dans la plus effroyable boucherie qu’ait jamais enregistré l’histoire, des millions de femmes et d’enfants en larmes, la vie économique, intellectuelle et morale de sept grands peuples brutalement suspendue, la menace chaque jour plus grave de complications militaires nouvelles, — tel est, depuis sept mois, le pénible, angoissant et odieux spectacle que nous offre le monde civilisé.

Mais spectacle attendu, au moins par les anarchistes. Car pour eux il n’a jamais fait et il ne fait aucun doute — les terribles évènements d’aujourd’hui fortifient cette assurance — que la guerre est en permanente gestation dans l’organisme social actuel et que le conflit armé, restreint ou généralisé, colonial ou européen, est la conséquence naturelle et l’aboutissant nécessaire et fatal d’un régime qui a pour base l’inégalité économique des citoyens, repose sur l’antagonisme sauvage des intérêts, et place le monde du travail sous l’étroite et douloureuse dépendance d’une minorité de parasites, détenteurs à la fois du pouvoir politique et de la puissance économique.

La guerre était inévitable : d’où qu’elle vint, elle devait éclater. Ce n’est pas en vain que depuis un demi-siècle, on prépare fiévreusement les plus formidables armements et que l’on accroît tous les jours davantage les budgets de la mort. À perfectionner constamment le matériel de guerre, à tendre continûment tous les esprits et toutes les volontés vers la meilleure organisation de la machine militaire, on ne travaille pas à la paix.

Aussi est-il naïf et puéril, après avoir multiplié les causes et les occasions de conflits, de chercher à établir les responsabilités à tel ou tel gouvernement. Il n’y a pas de distinction possible entre les guerres offensives et les guerres défensives. Dans le conflit actuel, les gouvernements de Berlin et de Vienne se sont justifiés avec des documents non moins authentiques que les gouvernements de Paris, de Londres et de Pétrograd. C’est à qui de ceux-ci et de ceux-là produira les documents les plus indiscutables et les plus décisifs pour établir sa bonne foi et se présenter comme l’immaculé défenseur du droit et de la liberté, le champion de la civilisation.

La civilisation ? Qui donc la représente en ce moment ? Est-ce l’État Allemand avec son militarisme formidable et si puissant qu’il a étouffé toute velléité de révolte ? Est-ce l’État Russe dont le knout, le gibet et la Sibérie sont les seuls moyens de persuasion ? Est-ce l’État Français, avec Biribi, les sanglantes conquêtes du Tonkin, de Madagascar, du Maroc, avec, le recrutement forcé des troupes noires ; la France qui retient dans ses prisons. depuis des années, des camarades coupables seulement d’avoir écrit et parlé contre la guerre ? Est-ce l’Angleterre qui exploite, divise, affame et opprime les populations de son immense empire colonial ?

Non. Aucun des belligérants n’a le droit de se réclamer de la civilisation, comme aucun n’a le droit de se déclarer en état de légitime défense.

La vérité, c’est que la cause des guerres, de celle qui ensanglante actuellement les plaines de l’Europe, comme de toutes celles qui l’ont précédée, réside uniquement dans l’existence de l’État, qui est la forme politique du privilège.

L’État est né de la force militaire ; il s’est développé en se servant de la force militaire ; et c’est encore sur la force militaire qu’il doit logiquement s’appuyer pour maintenir sa toute-puissance. Quelle que soit la forme qu’il revête, l’État n’est que l’oppression organisée au profit d’une minorité de privilégiés. Le conflit actuel illustre ceci de façon frappante : toutes les formes de l’État se trouvent engagées dans la guerre présente : l’absolutisme avec la Russie, l’absolutisme mitigé de parlementarisme avec l’Allemagne, l’État régnant sur des peuples de races bien différentes avec l’Autriche, le régime démocratique constitutionnel avec l’Angleterre et le régime démocratique républicain avec la France.

Le malheur des peuples, qui pourtant étaient tous profondément attachés à la paix, est d’avoir eu confiance en l’État avec ses diplomates intrigants, en la démocratie et partis politiques (même d’opposition comme le socialisme parlementaire), pour éviter la guerre. Cette confiance a été trompée à dessein et elle continue à l’être lorsque les gouvernants, avec l’aide de toute leur presse, persuadent leurs peuples respectifs que cette guerre est une guerre de libération.

Nous sommes résolument contre toute guerre entre peuples et, dans les pays neutres, comme l’Italie, où les gouvernants prétendent jeter encore de nouveaux peuples dans la fournaise guerrière, nos camarades se sont opposés, s’opposent et s’opposeront toujours à la guerre avec la dernière énergie.

Le rôle des anarchistes, quel que soit l’endroit ou la situation dans laquelle ils se trouvent, dans la tragédie actuelle, est de continuer à proclamer qu’il n’y a qu’une seule guerre de libération : celle qui, dans tous les pays, est menée par les opprimés contre les oppresseurs, par les exploités contre les exploiteurs. Notre rôle c’est d’appeler les esclaves à la révolte contre leurs maîtres.

La propagande et l’action anarchistes doivent s’appliquer avec persévérance à affaiblir et à désagréger les divers États, à cultiver l’esprit de révolte et à faire naître le mécontentement dans les peuples et dans les armées.

À tous les soldats de tous les pays qui ont la foi de combattre pour la justice et la liberté, nous devons expliquer que leur héroïsme et leur vaillance ne serviront qu’à perpétuer la haine, la tyrannie et la misère.

Aux ouvriers de l’Usine il faut rappeler que les fusils qu’ils ont maintenant entre les mains ont été employés contre eux dans les jours de grève et de légitime révolte, et qu’ensuite ils serviront encore contre eux pour les obliger à subir l’exploitation patronale.

Aux paysans, leur montrer qu’après la guerre il faudra encore une fois se courber sous le joug, continuer à cultiver la terre de leurs seigneurs et à nourrir les riches.

À tous les parias, qu’ils ne doivent pas lâcher leurs armes avant d’avoir réglé des comptes avec leurs oppresseurs, avant d’avoir pris la terre et l’usine pour eux.

Aux mères, compagnes et filles, victimes d’un surcroît de misère et de privations, montrons quels sont les vrais responsables de leurs douleurs et du massacre de leurs pères, fils et maris.

Nous devons profiter de tous les mouvements de révolte, de tous les mécontentements, pour fomenter l’insurrection, pour organiser la révolution de laquelle nous attendons la fin de toutes les iniquités sociales. Pas de découragement — même devant une calamité comme la guerre actuelle !

C’est dans des périodes aussi troublées, où des milliers d’hommes donnent héroïquement leur vie pour une idée, qu’il faut que nous montrions à ces hommes la générosité, la grandeur et la beauté de l’idéal anarchiste ; la justice sociale réalisée par l’organisation libre des producteurs ; la guerre et le militarisme à jamais supprimés, la liberté entière conquise par la destruction totale de l’État et de ses organismes de coercition.

Vive l’Anarchie !

Leonard D. Abbott — Alexander Berkman — L. Bertoni — L. Bersani — G. Bernard — G. Barrett — A. Bernardo — E. Boudot — A. Calzitta — Joseph J. Cohen — Henry Combes — Nestor Ciele van Diepen — F.W. Dunn — Ch. Frigerio — Emma Goldman — V. Garcia —Hippolyte Havel —T.H. Keell — Harry Kelly — J. Lemaire — E. Malatesta — H. Marques — F. Domela Nieuwenhuis — Noel Paravich — E. Recchioni — G. Rijnders — I. Rochtchine — A. Savioli — A. Schapiro — William Shatoff — V.J.C. Schermerhorn — C. Trombetti — P. Vallina — G. Vignati — Lillian G. Woolf — S. Yanovsky.

Londres, février 1915

Le texte en PDF

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« Crise des retraites », manipulation marchande et les deux faces de la même pièce capitaliste : le fascisme brun et le fascisme rouge, toujours remis au goût du jour selon les besoins oligarchiques (Résistance 71 avec Errico Malatesta)

Posted in 3eme guerre mondiale, actualité, altermondialisme, autogestion, crise mondiale, guerres imperialistes, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, politique et social, politique française, résistance politique, société des sociétés, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , , on 4 avril 2023 by Résistance 71

Le_Reveil

Une fois de plus… la grande lucidité, simplement exprimée d’Errico Malatesta en 1924. L’anarchiste italien, grand incontournable de la pensée et de l’action anarchistes dont l’évolution politique demeure assez inégalée. Nous mettons sous ce texte une sélection d’écrits choisis en format PDF réalisé par Jo dont la mise en page est la preuve visible de l’inspiration qu’a exercée ces textes… Malatesta fut l’un des signataires du manifeste anarchiste contre la guerre de 1915. Il nous faut sortir du système, penser et agir hors du moule qui nous est imposé. Les manifs de 2023 sont nassées dans une impasse politique avant même que de l’être sur le terrain. Sortir des villes où l’oligarchie veut nous confiner et nous contrôler, redévelopper nos riches zones rurales dans un principe d’entraide et de coopération en associations libres hors marchandise et institutions, nous saisir des moyens de production que nous mettrons directement au service de tous. Refuser de jouer le jeu de la concurrence des privilèges dans une société exsangue de la dictature marchande et recréer nos vies hors cadre, par débordement et réappropriation associative, entraide et coopération volontaires et défense des nouvelles communautés indépendantes. 15% de la population adulte de ce pays représente quelques 7 millions de personnes, qui, réparties sur le territoires, solidaires et interconnectées en associations libres de communes émancipées, reformateraient les relations sociales pour vivre humainement, et non plus survivre en régime de domination et de coercition permanentes.

Il n’y a pas de solution au sein du système, cela doit maintenant être une évidence pour quiconque veut bien réfléchir cinq minutes de manière critique. Tant que nous pensons et agissons dans le carcan imposé nous ne pouvons pas sortir du « samsara politico-marchand » et de ses deux extrêmes, les deux faces de la même pièce : le fascisme brun et le fascisme rouge tous deux inféodés à la dictature marchande nihiliste en marche jusqu’à destruction complète… Conclusion ?…

~ Résistance 71 ~

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Communistes et fascistes (Comunisti e fascisti)

Errico Malatesta

1924

~ Traduction Résistance 71 ~

Avril 2023

Nous ne sommes pas scandalisés par la violence et les complots électoraux du fascisme. Les travailleurs doivent y faire face. La conception communiste des tactiques électorales et parlementaires n’exclut logiquement pas, même de notre côté, le… complot. Si nous pouvions fabriquer des complots et chasser les opposants électoraux des suffrages, ce serait réconfortant car nous serions plus près d’être capables de déployer des forces mûres pour l’offensive.

Ainsi parle l’ingénieur Bordiga dans le journal “l’Unita”, aspirant devenir le Lénine, en modèle réduit, d’une Italie communiste.

Et ceci est la raison fondamentale pour laquelle le fascisme a été capable de triompher et continue de faire des ravages.

Il y a eu, et pas seulement parmi ceux qui se nomment eux-mêmes communistes, un manque de révolte morale contre l’abus de la force brutale, contre le mépris de la liberté et de la dignité humaines, ce qui est la caractéristique du mouvement fasciste.

Trop de gens, même parmi les victimes, ont pensé : nous ferions la même chose si nous avions la force de le faire. Naturellement, beaucoup de ceux qui ont pensé ainsi se sont sentis attirés vers le côté où semblait être la force.

Alors, si les communistes avaient triomphé, quelle différence y aurait-il par rapport au fascisme ?

Les mêmes voyous, petits caïds qui maintenant tabassent, brûlent et tuent au nom de la grande Italie, se retrouveraient dans les rangs communistes et tabasseraient, brûleraient et tueraient au nom du prolétariat et l’ingénieur Bordiga se trouverait lui-même dans la même position dans laquelle semble se trouver Mussolini : après avoir incité la bête, il voudrait la limiter afin d’éviter la chute inévitable où mènent les excès, mais ne le pourrait pas.

La révolution devra être menée au nom de la justice, de la liberté et de la solidarité humaine et devra procéder par des méthodes inspirées par la justice, la liberté et la solidarité. Sinon, nous ne ferons que passer d’une tyrannie à une autre.

Nous avons déjà écrit ce commentaire sur ces lignes de Bordiga, que nous avons prises de “La Giustizia” de Reggio Emilia, lorsqu’on nous a dit que hors du contexte de l’article de Bordiga ces mots ont pris une autre signification.

Nous n’avons pas été capables d’obtenir le texte de l’article, mais laissons passer notre commentaire quoi qu’il en soit, parce que la signification de ces mots nous semble être bien trop claire pour qu’elle suscite quelque spéculation que ce soit.

Après tout, même si Bordiga n’a pas vraiment voulu dire ce qu’il a dit, nous avons entendu ces choses, pire même, dites explicitement par bien des communistes. C’est tout à fait dans le style et ligne de pensée d’une secte.

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NdR71 : Pas de solution au sein du système ! La révolution sociale se fera hors État, hors partis politiques, hors syndicats, hors institutions marchandes, hors marchandise, hors salariat… A bas toutes ces entités fabriquées qui enchaînent la justice, la liberté et la solidarité humaines et ainsi empêchent l’émancipation de la société humaine. Le slogan aujourd’hui dans les manifs ne devraient pas être « Non à la retraite à 64 ans ! », mais « A bas le salariat ! A bas le système étatico-marchand ! »
Quatre ans avant ce texte, en 1920, au moment de la révolution sociale des conseils ouvriers du nord de l’Italie à laquelle il participa activement et qui fut trahie, déjà et en prémisse de l’Espagne 1937, par la pourriture marxiste-léniniste et trotskiste, Malatesta publiait un texte où il disait ceci :

« La seule limite à l’oppression du gouvernement, c’est la force que le peuple se montre capable de lui opposer. Il y a toujours conflit, ouvert ou latent, car le gouvernement ne tient pas compte du mécontentement et de la résistance du peuple, jusqu’à ce qu’il sente le danger de l’insurrection. Quand les protestations sont vives, insistantes, menaçantes, le gouvernement cède ou réprime, selon son inspiration. Mais on en vient toujours à l’insurrection parce que si le gouvernement ne cède pas, le peuple finit toujours par se révolter. Il faut donc se préparer physiquement et moralement pour que la victoire aille au peuple lorsqu’éclatera la violence… »

Voyez-vous une quelconque relation avec ce qu’il se passe aujourd’hui en France et dans le monde occidental, partout ?… Pourquoi a t’on l’impression que ce texte aurait pu être écrit aujourd’hui ? réponse : parce que rien n’a fondamentalement changé. Les « changements »sont toujours « cosmétiques » pour qu’en fin de compte… rien ne change vraiment, surtout pas dans le fond et que les mêmes ordures puissent continuer de dominer et de se barrer avec la caisse.

Quelques lectures complémentaires à lire et diffuser sans aucune modération :

Errico Malatesta, ´´écrits choisis” (PDF)

« Le monde nouveau » Pierre Besnard, 1934

« Manifeste contre le travail », collectif Krisis

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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5 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

Société des sociétés organique avec Gustav Landauer

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Réflexion nécessaire sur une anarchie post/anti gauchisme… Pour une synthèse individualisme-collectivisme/communisme

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, colonialisme, crise mondiale, démocratie participative, documentaire, gilets jaunes, Internet et liberté, média et propagande, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, philosophie, politique et social, résistance politique, société des sociétés, société libertaire, technologie et totalitarisme, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , , on 19 avril 2022 by Résistance 71

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Nous avons particulièrement aimé ce texte récent, que nous avons traduit et commenté en plusieurs de ses endroits clef. Nous pensons que le débat qu’ouvre ce texte vaut la peine car il fait le pont entre deux tendances anarchistes (individualiste dans la lignée Max Stirner et H.D. Thoreau contre collectiviste/communiste, dans la lignée de la trilogie Proudhon, Bakounine, Kropotkine) qui sont souvent, à tort, opposées. Nous l’avons souvent dit : tout part de l’individu. Sans individu et son pouvoir de se rebeller et de dire NON ! pas de groupe, pas de collectif possible, dans le même temps, sans groupe et organisation pas de (r)évolution sociale possible vers le but ultime de la société des sociétés.
En aucun cas s’agit-il d’une antinomie, d’un antagonisme entre l’individu, la personne et le groupe, comme la récupération systémique veut constamment le faire croire, y compris au sein du mouvement anarchiste, mais il s’agit d’une complémentarité, d’une osmose à achever et qui s’achèvera dans la grande logique de la nature humaine enfin réalisée dans son émancipation sociale finale. L’anarchie “post-gauche”, “anti-gauche”, c’est ca : la compréhension et la mise en place de la complémentarité individu/groupe bien comprise.
L’anarchie ne fait pas partie du spectre politique factice créé, comme dit dans le texte, par notre imagination. Elle ne fait pas partie de la classification étatico-marchande allant de l’extrême gauche à l’extrême droite du capital ; elle est notre humanité finale enfin réalisée. Elle est par delà tous les clivages factices politico-économiques diviseurs, au delà du bien et du mal, au delà du rapport individu / groupe, au delà de la dialectique. L’anarchie est l’incarnation de la Raison dans l’histoire, elle est le pont du surhumain, le moyen d’y parvenir et sa réalisation, 2 en 1, l’unité fractale, la réalisation physique de la domestication naturelle du chaos. Pas rien tout ça n’est-ce pas ?… Raison de plus pour l’embrasser, l’Anarchie sera et sauvera le genre humain.
Lisez et partagez le texte ci-dessous, important de sortir du moule car nous sommes en approche du crash systémique final. Pas de révolution mais une (r)évolution !
~ Résistance 71 ~

Astyle

Une dague de sauvage anarchie 

Flower Bomb

Décembre 2021

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

Avril 2022

The world doesn’t owe you shit.
The universe doesn’t know you exist.
Stop waiting for things to happen –
only you can make a change.
– “Do It Yourself” by PUNCH 

Le monde te doit queue dalle.
L’univers ne sait pas que tu existes.
Arrête d’attendre que les choses se fassent d’elles-mêmes,
Toi seul peut changer ces choses.
– “Do it Yourself” par PUNCH
—————————————–

Je me souviens une fois avoir entendu une conversation qui portait sur l’utilisation des expressions “post-gauche” ou “anti-gauche” pour décrire l’anarchie au-delà du gauchisme. J’ai pensé que cela était une conversation intéressante parce que cela me rappelait comment je voyais auparavant ou me situait par rapport à l’anarchie. Je me rappelle avoir vu l’anarchie comme un monde à créer, nécessitant l’organisation des autres pour qu’il se matérialise. Avec le temps, ma relation à l’anarchie changea. Je me retrouvais à penser l’anarchie dans un sens de devenir féroce, sauvage, une révolte personnelle qui mettait l’accent sur le soi, sur la responsabilité plutôt que la co-dépendance aux autres. Ce changement de perspective vint après que j’eus réalisé que le peuple n’est pas la masse d’un troupeau unique et de suiveurs sans jugement, mais est en fait composé d’individus complexes, uniques capables de pensées indépendantes, de décisions et d’actions. Pour moi, l’anarchie au delà du gauchisme, abandonne l’idée que les gens ont besoin d’un leadership organisé et met en avant une compréhension du comment les gens découvrent au mieux leur propre pouvoir quand ils sont le moins gouvernés, organisés, contrôlés.

Dans ce texte, je vais tenter d’élaborer un peu plus sur l’anarchie post-gauche comme je la conçois, la comprend et comment je m’y attache. Comme tous les termes, les définitions et les étiquettes sont sujets à des interprétations individuelles uniques, je ne fais que parler pour moi-même et de ma propre interprétation des théories et des idées mentionnées ici.

Anarchie post-gauche & anti-gauche : les deux tranchants de la même dague

Pour moi, l’anarchie post-gauche est synonyme d’anarchie anti-gauche. Le mot “post” ne représente pas une “nouvelle” forme de gauchisme ou un gauchisme “évolué”, comme certains le clament avec des projets variés anti-état communiste et socialiste. J’utilise plutôt l’expression anarchie post-gauche pour n’exprimer qu’un état d’esprit actuel distinct d’une expérience passée d’avoir identifié et de s’être engagé dans une pensée de gauche. Et de cette perspective, le mot “anti” est synonyme de “post” parce qu’il exprime parfaitement la nature de mon existence présente, mon désir pour une liberté individuelle, sauvage, de manière antagoniste de l’ordre civilisé du gauchisme.

Pour moi, l’anarchie post-gauche n’est pas une sorte d’alignement ou de sympathie avec une politique de droite, je suis tout aussi hostile envers le nationalisme que le fascisme et toutes autres idéologies conservatrices crées au nom de la préservation de la loi et de l’ordre. Je reconnais que les deux idéologies de droite et de gauche sont fondamentalement collectivistes, demandant l’absorption de la liberté individuelle en échange de l’uniformité d’une république. Les deux côtés du spectre politique intègrent le peuple dans une interprétation binaire d’une réalité qui ultimement maintient en place la société industrielle. Ensemble, les politiques de “gauche” et de “droite” encouragent un type de mentalité de ruche où la reproduction de la société est individualisée tandis que le pouvoir autoritaire sur l’individu est maintenu de manière collective.

Mais l’anarchie post-gauche est bien plus qu’une analyse ou quelques idées sur la façon de voir l’anarchie, soi-même et les autres. On peut critiquer des idées philosophiques avec d’autres idées philosophiques et même faire l’expérience d’un changement émotionnel influencé par ces idées. Mais en fin de compte, la philosophie n’est qu’un chaudron d’idées sans retombée. Comme une tige sans pomme, la philosophie est souvent trouvée dans les cimetières affleurant de livres poussiéreux, n’ayant jamais eu l’opportunité de se matérialiser au delà de son emprisonnement académique. C’est pourquoi, pour moi, l’anarchie post-gauche est plus qu’une idée philosophique ou une position prise au-delà du gauchisme. C’est un style de vie anti-gauchiste, une manière de reprendre possession de soi-même, de ses choix, et de ses expériences au lieu d’adhérer à un auto-sacrifice envers un corps social, le groupe, l’organisation ou la commune. L’anarchie anti-gauche est vivante, elle respire la capacité de s’arroger le pouvoir et est un accomplissement en tant que sabotage contre les forces de domestication de la conformité sociale.

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La société industrielle, ou ce que j’appelle “la machine”, est composée d’institutions variées construites sur des idéologies fondamentalement oppressives, imposant leur influence, contrôle et domination civilisatrice sur tous les êtres sauvages. Ces institutions sont avant tout construites, entretenues et conservées, suivies par des individus qui ont collectivement abandonné leur liberté au pouvoir institutionnel. Récemment, j’ai décidé de ne plus utiliser ce mot de “masses” parce que j’en suis venu à comprendre comment ce mot aplanit les importantes différences entre tous les individus. Donc en lieu et place, j’utiliserai le mon “commune” en référence à la continuité sociale de la société industrielle, une commune d’individus uniques dont la majorité a, volontairement ou par endoctrination, souscrit à la vision du progrès industriel. Quand suffisamment d’individus se plient à un système social, ceux qui naissent dedans deviennent endoctrinés. La pensée indépendante devient difficile et bon nombre d’individus préfèrent continuer leur assimilation sociale plutôt que de faire l’expérience d’une isolation sociale due à une vie rebelle.

Les institutions comme la prison, les usines, les bureaux d’entreprises, les écoles etc, partagent tous la même caractéristique : leur endroit de travail cause fonctionnellement, le même sang et la même sueur que ceux qui sont épandus durant le travail de leur construction physique. Et quelque part, ce paradis civilisé de la misère et du stress continue de s’étendre plus rapidement avec chaque année qui passe. Je pense qu’une explication probable de tout ceci pourrait être une compréhension du comment les institutions manipulent notre perception de la réalité. Alors que la société industrielle s’étend, ainsi le fait l’influence visuelle. Durant les premières années de la colonisation de la soi-disante Amérique, on montra intentionnellement aux peuples indigènes des villes afin de les décourager psychologiquement de continuer à résister. A la racine de cette stratégie réside le message subliminal souvent entendu de ceux qui obéissent de désespoir : “Nous sommes bien trop petits, la machine est bien trop forte…

Quand des vitres et devantures de banques sont brisées, saccagées ou des voitures de police incendiées ou lorsque des blocages / opérations escargot bloquent le trafic routier pendant des heures, on peut observer une réaction mitigée des gens qui y assistent. Certains sont excités comme des puces, tandis que d’autres paniquent et sont terrorisés. Je pense que ce types de réactions sont une réponse au chaos de la perturbation du flot normal d’intimidation qui est silencieusement communiqué des institutions aux individus quotidiennement. Le pillage ou la mise à feu de commerces ne doivent rien à la logique pour qu’ils aient lieu. Je pense que ces évènements sont le résultat de la floraison d’une liberté éphémère et sauvage dans des moments où l’ordre étatique et la loi ont été pulvérisés. Ces moments de rupture se produisent souvent lorsque la furie des émotions est très vive et qu’elle dépasse le sentiment de peur, qui est l’arme principale du pouvoir institutionnalisé. Sans la crainte des conséquences légales, de la pauvreté ou de l’isolation sociale, ces institutions se retrouvent exposées comme n’´´tant rien de plus qu’un château de cartes.

L’état social de l’assimilation : la passivité au sein de la marche funèbre

Quand je parle d’anarchie post-gauche, il serait correct de dire que je place une emphase particulière sur l’individu. Je le fais contre un puissant courant collectiviste qui encourage la négation du pouvoir individuel. Avec la négation du pouvoir individuel vient la négation de la responsabilité individuelle pour les choix et actions personnels, ce qui ultimement, fait proliférer les idéologies de l’autoritarisme. Toujours et encore, le blame de l’oppression est mis sur “le système”, les gouvernements, les institutions ou autres groupes de personnes formalisés. Mais à la racine même de la chose, qui contribue à la composition de ces entités sociales ? Il n’y a que très peu d’examen du rôle vital que joue un “individu” en produisant et en maintenant en place ces institutions de contrôle et de domination. Y a t’il vraiment une neutralité dans la participation même à une marche funèbre écocide ?

Une neutralité à participer à sa propre mise en esclavage dans le monde du travail, de l’expansion globale du capitalisme ou de la normalisation de la soumission ? Certains pourraient considérer cela comme tirer sur le pianiste, mais on ne peut en rien nier la malveillance et les tracas réels dont font l’expérience l’individu dans une société. Ma critique n’implique pas d’attribuer tous les problèmes sociaux à un individu particulier, mais plutôt de montrer le fait que sur un plan individuel, le pouvoir peut devenir autoritaire ou anti-autoritaire, soumis ou rebelle. Même le plus apathique des individus fait un bon participant dans une société de domination commune. Sur un plan individuel, ce pouvoir peut se matérialiser au delà de la simple philosophie, soit en union avec d’autres individus, soit seul.

Quand les gens critiquent la police, critiquent-ils juste le fait de la politique de faire la police ou cette même critique s’applique t’elle à chaque policier individuellement qui matérialise volontairement cette philosophie ?

Dans ce texte, il serait inconsistant de ma part d’encourager l’expropriation de la liberté individuelle sans discuter le pouvoir des individus oppresseurs. Soyons honnêtes, une guerre contre la civilisation industrielle et toutes formes d’oppression ne s’arrêtera sans doute jamais, même dans l’après-vis de l’effondrement industriel. Si toutes les institutions oppressives, incluant la société industrielle elle-même, devaient s’effondrer demain (ou même graduellement dans le temps), je pense qu’il y aura toujours des individus avides de pouvoir qui voudront contrôler et dominer les autres. Il est très probable que ces mêmes individus continueront de porter avec eux le résidu de la pensée oppressive. Et il y aura d’autres individus qui voudront capituler devant ces visions, ce qui ulltimement permettra aux autoritaires de matérialiser leur faim de pouvoir.

NdR71 : Cette analyse possède une grand part de vérité, mais cela ne pourrait se produire que si le système, ses rouages, l’embryon du système en place, sa structure, étaient permis de se maintenir et de se (re)développer. Si la société des sociétés des individus associés volontairement existe de manière fonctionnelle hors état, hors institutions, hors marchandise, hors argent et hors salariat, alors il sera impossible à quelque individu que ce soit de remettre en place un système autoritaire de domination, les ponts seront définitivement coupés. La nouvelle société n’aura rien en elle qui permettra le moulage de la fondation d’une société autoritaire, c’en sera fini et sur une ou deux générations, le système étatico-marchand ne sera plus qu’un cauchemar à reléguer au musée de l’histoire humaine. La domination, l’oppression et la violence inhérente ne font pas partie de la nature humaine, ce ne sont que des constructions sociales. Enlevez leur le terreau qui leur permet de croître et elles ne seront plus… Le terreau étatico-marchand est toxique à la société et à la liberté. L’inverse est également vrai…

Ainsi je demande, qui, si ce n’est l’individu, donne le pouvoir à l’idéologie du racisme, du sexisme, du fascisme, du capitalisme, du communisme (autoritaire d’état), à la société industrielle, à la civilisation etc ? Qui, si ce n’est l’individu, construit un concept philosophique, qui lorsque mis en pratique, récompense et permet le contrôle hiérarchique de quelqu’un sur un autre ? Qui, si ce n’est l’individu, est capable de désirer un tel contrôle et une telle domination sur les autres ? Aussi longtemps que les individus ont existé, le conflit, la violence ont aussi existé et des résolutions qui ne se terminent pas toujours pacifiquement.

NdR71 : Là encore, oui et non. L’individu est responsable de la malfaisance lorsqu’un système non seulement le permet mais aussi l’encourage. Si l’humain crée les systèmes sociaux dans lesquels il évolue, à terme, les systèmes créés créent aussi dans leurs institutions et rouages, les individus qui assureront sa continuité. Cela marche dans les deux sens, ce n’est jamais à sens unique. De plus la violence est une construction sociale. L’agressivité fait partie de la nature humaine, c’est elle qui nous permet de nous maintenir en vie, c’est elle qui déclenche notre instinct de survie. La violence, en tant qu’exacerbation d’une agressivité de manière organisée et ciblée est une construction sociale. Conflits et guerres en sont le résultat le plus évident. La guerre en tant que violence collective organisée n’a pas toujours existé. Elle remonte à environ 12 000 ans sur les près de 2 millions d’années de l’existence humaine sur cette planète. L’État n’a pas non plus inventé la guerre, mais il l’a canalisée, domestiquée, pour en faire un outil de conquête, de contrôle par la peur et le chaos.

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Quand la tyrannie devient la loi…
La rébellion devient un devoir

La “machine”, un enfer de civilisation techno-industriel qui mène une guerre sans merci contre la nature et le “sauvage”, a été créée et maintenue dans sa létale fonctionnalité à la fois par ceux qui recherchent une domination totale et par ceux qui demeurent passifs dans cette marche vers la mort. La machine représente une commune industrialisée à grande échelle, un collectif hautement coordonné d’individus totalement subjugués et subordonnés, travaillant au plus haut niveau du progrès anthropocentrique.

Bien trop souvent, les gens font l’erreur d’émettre des assomptions de bien-être des gens de manière générale. Je ne dis pas qu’il n’y a pas de personnes gentilles, paisibles et respectueuses dans le monde ; mais je pense qu’il est bien inconvénient d’assumer qu’il y a “une bonté commune” en chacun de nous, alors qu’en fait le bien est tout à fait subjectif à l’interprétation individuelle. Je pense qu’on peut assumer sans se tromper qu’autant qu’il y a des individus uniques, il y aura toujours des possibilités de faire réémerger des formations sociales autoritaires avec ou sans société industrielle.

NdR71 : Nous comprenons parfaitement la pensée ici invoquée, mais elle est à notre sens en partie fausse parce que l’auteur n’englobe que ce qu’il appelle la “société industrielle”, ce qui est limitatif. La société autoritaire à pouvoir coercitif ne pourra ressurgir que si sont laissés en place ses piliers, son infrastructure de fonctionnement qui sont  l’État, la marchandise, l’argent et le salariat. Si ces 4 piliers de soutien du système disparaissent et ne peuvent plus réapparaître, des “formations sociales autoritaires”, liées donc au pouvoir coercitif, de la séparation du pouvoir du corps social, ne pourront plus réapparaître. La pensée même d’une telle possibilité s’effacera car devenue non seulement irréalisable, mais surtout… impensable.

Contrairement à la croyance populaire, le capitalisme est (à mon avis) un très bel exemple pratique de collectivisme. Malgré l’assertion persistante que le capitalisme est une idéologie individualiste, il est plus évident que le capitalisme exproprie la créativité individuelle afin de pouvoir fonctionner comme un puissant collectif. La même créativité individuelle exploitée pour l’expansion capitaliste pourrait bien être aussi un catalyseur pour tout nombre de formations sociales de contrôle post-effondrement. Si l’individu est reconnu comme puissant et capable d’auto-anticipation, alors il est également possible que le même individu contribue à créer les conditions de contrôle social et de domination. En s’assimilant passivement et en devenant un participant volontaire, un individu peut devenir le co-créateur privé d’une vision du monde autoritaire au travers de la personnification et de l’interaction sociale.

Joie armée : de la théorie à la vie sauvage

“S’il y a une chose certaine dans cette vie, si l’histoire nous a enseigné quoi que ce soit, c’est que vous pouvez tuer n’importe qui.” – Michael Corleone –

Gaetano Bresci fut l’anarchiste qui assassina le roi Umberto 1er d’Italie le 29 juillet 1900. Il tira 4 fois sur le roi avec un pistolet à 5 coups. Inspiré par l’attaque de Bresci, l’anarchiste Leon Czolgosz tuera lui aussi le président des Etats-Unis William McKinley.

De mon opinion, l’individu est l’élément le plus puissant de toute société ou formation sociale. Si un individu (ou union d’individus qui chacun donne de la valeur à leur ego) ne peut pas être convaincu de se soumettre à une idéologie (et par là refuse donc de matérialiser cette idéologie en tant que participant à vie), cette idéologie échoue à avoir le pouvoir de se matérialiser au delà de la philosophie.

Qui, si ce n’est l’individu, a le pouvoir de rejeter l’idéologie du racisme, du sexisme, du fascisme, du capitalisme, du communisme, de la société industrielle, de la civilisation etc ?… Qui, si ce n’est l’individu, peut recouvrer la capacité de création et de survivre au capitalisme sans succomber au système du salariat-esclavage ? Qui, si ce n’est l’individu , peut construire de nouveaux concepts philosophiques qui, lorsque mis en pratique, sabotent le contrat social fondé sur la peur et de l’obéissance à la loi ? Avec des bombes, des assassinats, une criminalité en mode de vie, qui si non l’individu, est capable d’inspirer les autres en dérangeant, en prenant à contre-pied, la routine quotidienne de la soumission ? Ceci est l’essence même de la propagande du fait, de l’action directe illégaliste.

Toute forme d’oppression qui existe est perpétuée, renforcée et maintenue à terme par la participation volontaire des individus. Je reconnais l’importance du rôle que moi, en tant qu’individu, je joue soit en aidant à la prolifération de toutes formes d’oppression, soit en sabotant leur fonctionnement social. De cette perspective, l’anarchie post-gauche pourrait bien mieux être comprise comme une guerre contre la société. Pour moi, il n’est pas suffisant d’attaquer les manifestations institutionnelles de ces idéologies. Je vise aussi l’origine de cette prolifération, ces individus ayant la volonté de permettre et de perpétuer ces formes d’oppression.

Pour moi, l’anarchie anti-gauche n’est pas un état d’esprit naïf qui sert de base philosophique à la négation des réalités matérielles de la société industrielle. Elle n’est pas non plus une excuse égoïste de justification de l’oppression des autres. L’anarchie post-gauche, de la manière dont je me la représente, est une rébellion individualiste contre à la fois les formations théorique et matérielle du contrôle et de la domination. D’une perspective nihiliste, des concepts comme ceux de race, de genre, d’espèce etc, sont tous une construction sociale. A leur racine, ils ne sont que les produits de l’imagination humaine. Mais avec les esprits subordonnés d’une population de personnes, ces incarnations de l’imagination se sont matérialisées dans le monde physique. Bien que ce ne soit que des constructions de notre imagination, le nombre d’individus qui les reproduit au travers des relations sociales leur donnent un certain pouvoir. 

Donc, il n’est pas suffisant de déclarer l’anti-racisme sans attaquer matériellement la mise en application sociale et institutionnelle de la suprématie blanche. Ce n’est pas suffisant de déclarer l’anti-sexisme sans devenir destructeur de l’organisation des rôles de genre, des assignations d’identité et de la société qui les met en place et les renforce.

Que ce soit des institutions physiques ou individuelles, mes ennemis viennent sous toutes les formes. Je n’ai aucun intérêt à nouer des liens artificiels au travers d’une simple politique identitaire, ni à compromettre mes désirs de libération totale au nom de demies-mesures et d’une unité aveugle. Quand j’écris ces textes, je n’utilise pas le “nous” royal parce que je n’ai aucune intention de tromper le lecteur pour qu’il pense que je pense pour d’autres, ni n’assume automatiquement que les autres seront d’accord avec ce que je pense. Mon anarchie post-gauche ne demande pas un consensus pour pouvoir agir, ni une validation émotionnelle ou une camaraderie lorsqu’elle doit faire face à la critique. Personne n’est mieux qualifié que moi pour créer ma vie, je n’ai donc que faire d’une validation de groupe quand j’en parle.

Mon anarchie post-gauche pourrait être comprise comme un style de vie hédoniste contre l’autorité et la civilisation, tout aussi bien que comme une dague tirée contre toutes impositions futuristes de résurgence autoritaire qui survivraient à un effondrement industriel. Plus qu’un simple refus personnel d’être un instrument de répression sociale, l’anarchie veut dire l’attaque. Les mots exprimés dans ce texte ne sont que la finalité philosophique d’un Engin Explosif Improvisé (EEI), une mèche allumée par la flamme du désir égoïste d’une explosion de vie, de rébellion, de jeu et de beauté immortelle de sabotage individualiste et de destruction. Et pour ce style de vie, j’accepte totalement toutes les conséquences qui pourraient survenir, car j’ai appris qu’il vaut mieux vivre que de capituler devant le cimetière toujours en expansion de la théorie politique passive.

NdT : Un texte digne d’un (anti)héros dostoïevskien…

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Lectures complémentaires :

Il n’y a pas de solution au sein du système ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

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Deux communiqués sur la guerre en Ukraine à diffuser sans modération :

Arupestre

Sortir du marasme par le seul changement de paradigme politique… Les deux routes (Errico Malatesta)

Posted in 3eme guerre mondiale, actualité, altermondialisme, autogestion, crise mondiale, démocratie participative, gilets jaunes, guerres hégémoniques, média et propagande, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, pédagogie libération, philosophie, politique et social, politique française, résistance politique, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , on 16 janvier 2022 by Résistance 71

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Écrit il y a 100 ans… Qu’y a t’il de changé ?… Qu’attendons-nous, vraiment ?… Changer de paradigme politique est plus que jamais un impératif incontournable devant la tournure tyrannique que prend immanquablement le système étatico-capitaliste en bout de course. Le chemin à suivre est celui de la société des sociétés de notre humanité enfin réalisée. Malatesta l’avait déjà bien compris et exprimé. Nous l’avons dit le 14 juillet 2021, il n’y a pas de sortie de crise autre que politique. Nous sommes à la croisée des chemins, le choix est imminent.
~ Résistance 71 ~

Les deux routes

Errico Malatesta

1921

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

Janvier 2022

I

Les conditions de vie au sein de la société actuelle ne peuvent pas durer éternellement et nous pourrions dire aujourd’hui qu’elles ne peuvent pas durer bien plus longtemps. Tout le monde s’accorde là-dessus, du moins tous ceux qui y accordent un temps de réflexion.

Il n’y a plus de conservateurs au sens propre du terme. Il n’y a plus que des gens qui profitent du moment et jouissent de leurs privilèges aussi longtemps qu’ils le peuvent sans se soucier de rien, car après eux, le déluge. Il y a aussi les réactionnaires enragés qui voudraient retourner dans le temps, noyer toute tentative de libération dans le sang et soumettre les masses à la loi de l’épée. Sans succès. La réaction pourrait bien teindre l’aube naissante d’un rouge plus vif, mais elle ne parviendra pas à empêcher la catastrophe à venir.

Les masses refusent d’être menées comme un troupeau.

Aussi longtemps que la croyance a tenu que toute cette souffrance était une punition ou une sorte de test mis en place par dieu et que tous les maux d’ici-bas seraient repayés cent fois dans le monde d’après, un système d’iniquité a pu être installé et a perduré, un système dans lequel une poignée de personnes impose sa volonté aux autres, les exploitant et les opprimant selon leur bon vouloir.

Mais une telle croyance n’a jamais été si efficace parce qu’elle n’a jamais empêché les gens de rechercher leur intérêt sur cette terre, ce qui est la raison pour laquelle la religion n’a pas réussi à étouffer complètement le progrès. Cette croyance a aussi sérieusement diminué et est en passe de disparaître. Même le clergé est obligé, afin de sauver la religion et en même temps de se sauver eux-mêmes, d’adopter un air de volonté de résoudre la question sociale et d’apaiser l’affliction des travailleurs.

Dès le moment où les yeux des travailleurs s’ouvrent sur la place qu’ils occupent dans la société, il leur devient impossible de continuer bien longtemps à trimer et à souffrir pour toujours, produisant leur vie durant pour leurs maîtres sans aucune perspective d’avenir, mis à part le repos des vieux jours pour lesquels ils n’ont aucune garantie d’avoir un toit et à manger. Comme ils sont les producteurs de toute la richesse et savent qu’ils peuvent produire afin de bien plus suffire aux besoins de chacun, il leur devient impossible de vouloir se résigner à tout jamais à cette existence de damné sous la menace constante du chômage et de la famine. Étant mieux éduqués, raffinés au contact de la civilisation, pour le bénéfice des autres et ayant goûté la force qu’ils peuvent tirer de l’union et du courage, il leur devient impossible d’accepter ce qu’il reste de la basse classe et de ne pas affirmer leur volonté d’une plus grande part dans les joies de la vie.

Aujourd’hui, le prolétaire sait, en tant que règle, qu’il est condamné à demeurer prolétaire toute sa vie, à moins qu’il n’y ait un grand chambardement dans l’ordre social. Il sait que ce changement ne peut pas survenir sans l’aide des autres prolétaires et c’est pourquoi il regarde les syndicats comme une force nécessaire pour l’imposer. Les bourgeois et les gouvernements qui les représentent et les défendent le savent également et afin d’éviter d’être balayés dans une sorte de cataclysme social, ils évaluent le besoin de prendre des mesures par étapes et ceux qui ont un gramme d’intelligence sachant aussi que la société actuelle endommage même ceux qu’elle favorise. Ainsi donc, tôt ou tard, d’un bloc ou graduellement, un changement doit se produire.

Mais quelle sera la substance de ce changement et jusqu’où ira t’il ?

La société actuelle est divisée entre les propriétaires rentiers et les prolétaires. Cela peut changer en supprimant la classe prolétaire en rendant tout à chacun co-propriétaire de toute la richesse de la société ou cela peut changer en gardant la structure intacte mais en améliorant la condition prolétaire.

Dans le premier cas, les humains deviendront libres et la société égalitaire ; ils s’organiseront et la société en accord des besoins de tous ; ainsi la nature humaine pourra atteindre son plein potentiel et développer des variations infinies. Dans le second cas, les prolétaires sont des animaux bien nourris et se résigneraient à leur condition d’esclave en étant heureux et satisfaits du meilleur traitement accordé par leurs maîtres. [NdT : c’est l’archétype même de tous les réformismes proposés par les plateformes politiques de “gauche”, syndicats inclus depuis la mi-XXème siècle]

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Liberté, émancipation ou esclavage. Anarchie ou esclavagisme moderne

Ces deux solutions potentielles sont à la racine de deux visions divergentes représentées dans leur manifestation la plus logique et cohérente, d’un côté par les anarchistes et par les socialistes réformistes de l’autre. Avec cette différence : les anarchistes savent ce qu’ils veulent et le revendiquent, c’est à dire la destruction de l’État et une société des associations libres organisées sur une base économique égalitaire, tandis que les socialistes sont en porte-à-faux avec eux-mêmes ; ils affirment être socialistes alors que leurs activités ont tendance à perpétuer le système capitaliste mais en le rendant plus humain, de cette manière, ils renient leur socialisme, dont le sens premier est l’abolition de la division des gens entre propriétaires capitalistes et prolétaires.

La tache des anarchistes et laissez-moi le dire, des véritables socialistes, est de s’opposer à cette tendance à l’acceptation de son sort, de cet esclavage moderne, vers un état esclavagiste atténué qui priverait l’humanité de ses qualités les plus fines, qui nierait la mise en place d’une société au potentiel le plus haut et dans le même temps qui aiderait à maintenir l’appauvrissement et la dégradation sociale dans lesquelles les masses sont précipitées, en les persuadant d’être patientes et de faire confiance en la providence de l’État et en la gentillesse et la compréhension de leurs maîtres.

Toutes les soi-disantes législations sociales, les mesures étatiques faites pour “protéger” le travail et garantir aux travailleurs un minima de bien-être et de sécurité, ainsi que toutes les mesures employées par les capitalistes malins pour enchaîner le travailleur à l’usine au moyen de bonus, financiers, de retraites et autres bénéfices, à moins que ce ne soient que des mensonges et des pièges, ne sont en fait que des pas supplémentaires vers la mise en esclavage étatique, ce qui pose une menace directe à l’émancipation des travailleurs et au progrès véritable de l’humanité.

Un salaire minimum légalement prescrit, des limites légales sur le temps de travail quotidien , un arbitrage obligatoire, des négociations collectives légalement contraignantes, un statut légal pour les associations de travailleurs, des mesures d’hygiène prescrite par le gouvernement dans les usines, une assurance maladie d’état, une assurance contre le chômage, les accidents du travail, les retraites, des plans de partage des dividendes etc, etc ne sont que des mesures pour s’assurer que les prolétaires demeurent des prolétaires pour toujours et que les propriétaires capitalistes le soient à tout jamais ; toutes ces mesures sont des mesures qui amènent un peu plus de confort et de sécurité aux travailleurs (et encore…), mais qui les volent de ce peu de liberté qu’ils ont et qui a la tendance de perpétuer la division de l’humanité en maîtres et esclaves.

Soyons clairs, jusqu’à ce qu’une révolution ne survienne, c’est une bonne chose, qui  nous rapproche de mieux d’une révolution, que les travailleurs essaient de gagner plus en travaillant moins et améliorent leur condition. C’est une bonne chose que les chômeurs ne crèvent pas de faim, que les vieux et les malades ne soient pas abandonnés. Mais ces choses et bien d’autres doivent être gagnées par les travailleurs eux-mêmes, dans la lutte et l’action directe contre leurs maîtres, par leurs propres organisations, par des moyens d’action individuels et collectifs et en chérissant le sens de la dignité de chaque personne et la conscience de ses droits.

Les cadeaux de l’État et les cadeaux des patrons sont des cadeaux empoisonnés, des fruits véreux qui portent en eux les graines de l’esclavage. Ils se doivent d’être refusés.

II

Si accordées et acceptées comme des concessions avantageuses par l’État et le patronat, toutes les réformes qui laissent la division du peuple en propriétaire et prolétaire et donc par conséquent, maintient une forme de “droit” de quelques uns à vivre du travail des autres sans altération, ne peut que ramollir le rébellion des masses contre leurs oppresseurs et mener à un état d’esclavagisme dans lequel l’humanité serait irréversiblement divisée en une classe dominante et une classe dominée esclave. Une fois que ceci est compris et reconnu, il n’y a pas d’autre solution que la révolution ; une révolution radicale, en profondeur, depuis la racine, qui démolisse entièrement la machine d’état, exproprie ceux qui s’accrochent et profitent de la richesse de la société et place tout le monde sur un même pied d’égalité politique et économique.

Cette révolution sera violente par nécessité, bien que la violence en elle-même soit insultante. Elle devra être violente parce que ce serait un non sens que de s’attendre à ce que les privilégiés s’éveillent au malheur et aux injustices qui naissent de leurs privilèges et leur faire comprendre qu’ils doivent les abandonner volontairement. Elle doit être violente parce que la violence révolutionnaire transitoire est la seule façon de mettre un terme à cette plus grande et durable violence qui maintient la très vaste majorité des gens sous un contrôle oppresseur et esclavagiste.

Nous accueillons les réformes à bras ouverts si elles sont possibles réalistiquement. Elles doivent avoir un rôle rassembleur et développer chez les masses plus d’ambition et de demandes, pourvu que les prolétaires gardent toujours à l’esprit que les patrons et les gouvernements sont leurs ennemis et que quelque soit ce qu’on arrive à leur faire concéder par la force ou la peur de la force nous serait arraché si nous relâchions notre attitude. Si par contre, les réformes sont sécurisées au moyen de la négociation et d’accords de collaboration entre les dominants et les dominés, alors ces réformes ne feront que renforcer les chaînes liant les travailleurs à la charrette de parasites.

De plus, ces temps-ci, le danger des réformes induisant les masses à dormir et à consolider avec succès et maintenir l’ordre bourgeois, semble être passé. Seul la tricherie délibérée par ceux qui ont réussi à gagner la confiance des travailleurs par leur propagande socialiste peuvent y attacher quelque valeur que ce soit.

L’aveuglement de la classe dirigeante et l’évolution naturelle du système capitaliste, accéléré par la guerre, a mené à ceci et que quelque réforme que ce soit qui serait acceptable pour les propriétaires capitalistes n’a aucun pouvoir de résolution de la crise qui mine le pays et son travail.

Ainsi la révolution s’impose d’elle-même, la révolution arrive.

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Mais comment cette révolution doit-elle être faite ? Quel développement doit-elle prendre ?

Il est bien entendu nécessaire de commencer par cet acte insurrectionnel qui balaiera tout obstacle matériel, les forces armées des gouvernements qui s’opposent toujours à chaque changement social. Pour cette insurrection, alors que nous vivons ici sous une monarchie [NdT : Italie, 1921], l’union de toutes les forces anti-monarchiques est souhaitable et même essentiel. Il est important de se préparer mentalement, moralement et matériellement de la meilleure façon possible et il est très important de bénéficier de tous les mouvements spontanés et d’œuvrer pour les rendre général et de les transformer en mouvement décisif afin que, tandis que les parties en cause se préparent, les forces populaires ne soient pas épuisées par des éruptions isolées.

Mais après la victoire de l’insurrection, après la chute du gouvernement, que faire ?

Nous, les anarchistes, souhaitons que les travailleurs de chaque localité ou plus à propos, les travailleurs qui ont une vision la plus claire de leur position et l’esprit d’initiative le plus affiné, prennent possession de tous les moyens de productions, de la richesse, de la terre, des matières premières, de la machinerie, des logements, de la nourriture et des stocks et dessinent ensemble le nouveau modèle social. Nous souhaitons que les paysans qui maintenant triment pour des propriétaires terriens ne reconnaissent plus l’autorité de ceux-ci et continuent, intensifient leur travail pour leur compte et celui de la communauté en entrant aussi en contact direct avec les transporteurs en échange de produits. Les ouvriers des industries ainsi que les ingénieurs doivent prendre possession des usines et faire de même que les paysans, continuer et intensifier le travail pour la communauté, transformant le paysage industriel de a fabrication de choses inutiles en choses dont tout le monde a besoin. Que les cheminots continuent de travailler aux chemins de fer, mais pour la communauté, cette communauté de travailleurs volontaires, localement élus et contrôlés par les masses, doivent saisir tous les logements disponibles et donner un toit à tout le monde. Que d’autres comités d’organisation, toujours sous contrôle des masses, organisent la distribution de la nourriture et des articles, produits, ustensiles nécessaires à la vie quotidienne de chacun. Que tous les bourgeois capitalistes rentiers et autres soient placés dans la société pour y être immergés et intégrés, au sein de cette ancienne masse prolétarienne et qu’ils travaillent en son sein afin de pouvoir vivre selon leurs besoins et qu’ils jouissent des mêmes bénéfices sociaux que tout le monde.

Tout ceci doit se faire rapidement, le même jour que la victoire insurrectionnelle ou le lendemain, sans attendre d’ordres de “comités centraux” ou autres autorités néfastes.

C’est ce que veulent les anarchistes et ceci se produirait de fait naturellement si la révolution était une véritable révolution sociale et ne se limitait pas à de simples changements cosmétiques de politique, qui, après quelques convulsions, nous ramèneraient exactement au point de départ.

Soit la classe bourgeoise est rapidement dépossédée de son pouvoir économique et politique ou elle reprendra bientôt le pouvoir que l’insurrection lui a ôté. Pour arracher le pouvoir économique de la bourgeoisie, il est vital et nécessaire d’organiser immédiatement un nouvel ordre économique fondé sur la justice et l’égalité. Les servies économiques, du moins les plus importants n’admettent aucune interruption et doivent être satisfaits rapidement. Les soi-disants “comités centraux” soit ne font rien ou commencent à agir lorsque leur travail n’est plus utile.

En opposition aux anarchistes, bien des révolutionnistes n’ont aucune confiance dans le pouvoir constructeur des masses, ils pensent être en possession de recettes infaillibles pour un bonheur universel ; is ont peur d’une possible réaction ; ils ont souvent plus peur de la concurrence des autres partis et des autres “écoles” des réformistes sociaux et ils veulent donc posséder eux-mêmes tout le pouvoir et remplacer le gouvernement “démocratique” d’aujourd’hui par un gouvernement dictatorial.

Ils veulent dire dictature, mais qui seraient les dictateurs ? Bien entendu ils pensent aux chefs de leur parti. Ils utilisent toujours le terme de “dictature du prolétariat”, soit par habitude ou par un désir conscient d’échapper aux explications, mais ceci est aujourd’hui une farce exposée au grand jour.

Voici l’explication de Lénine ou de quiconque l’écrivit pour lui :

“La dictature veut dire le renversement de la bourgeoisie au moyen d’une avant-garde révolutionnaire (qui est plus révolution que dictature), ce par contraste avec la notion qu’on devrait d’abord sécuriser une majorité par le vote électoral. Au moyen de la dictature, la majorité est obtenue, pas la dictature au moyen de la majorité.”

(Bien, mais si nous avons une minorité qui doit gagner une majorité après avoir saisi le pouvoir, parler de la dictature du prolétariat est un mensonge, le prolétariat étant de facto la majorité.)

La dictature veut dire l’utilisation de la violence et de la terreur.” (par qui et contre qui ?) Car si on suppose que la majorité est hostile et, en accord avec la logique de la dictature, cela ne peut pas être la masse mettant les mains sur les biens et moyens de production, la violence et le terreur doivent donc être celles déployées contre ceux qui ne plient pas aux volontés des dictateurs, exercées par des sbires à leur service.

La liberté de la presse et d’association reviendrait à autoriser la bourgeoisie à empoisonner l’opinion publique.” (donc après l’installation de la dictature du prolétariat, qui est supposée être constituée de la totalité des travailleurs, il y aura toujours une bourgeoisie qui, au lieu de travailler avec ses pairs, aura les moyens donc “d’empoisonner l’opinion publique” et une opinion publique ouverte à l’empoisonnement et séparée des prolétaires, qui mettrait en place la dictature ? Il y aurait des censeurs très puissants qui détermineraient ce qui peut être publié et ce qui ne le peut pas et des préfets auxquels il faudrait demander l’autorisation de publication et de tenir une réunion. Inutile de parler donc de la liberté qui serait accordée à ceux qui ne seraient pas de loyaux sujets des dirigeants du jour…

Seulement après l’expropriation des propriétaires, seulement dans le sillage de la victoire, le prolétariat gagnera t’il les masses de la population, qui jusqu’ici suivait la bourgeoisie.” Une fois de plus nous devons demander : qu’est-ce que c’est que ce prolétariat si ce n’est pas la masse de ceux qui travaillent ? Est-ce que le prolétariat veut donc dire ceux qui appartiennent à un certain parti, plutôt que ceux qui ne sont pas propriétaires ? Laissons donc ce faux terme de “dictature du prolétariat”, qui mène à tant de malentendus et parlons de dictature pour ce qu’elle est, c’est à dire la domination absolue d’un ou de plusieurs individus qui, avec le soutien d’un parti politique ou d’une armée ou des deux, deviennent le ou les maîtres du corps social et imposent leur volonté “avec violence et terreur”.

Leur volonté peut dépendre de la qualité de ceux qui détiennent le pouvoir. Dans notre cas, ce serait a volonté des communistes, c’est à dire une volonté inspirée par le bien commun.

Ceci est déjà bien douteux, parce que la règle veut que ceux qui sont les plus qualifiés pour saisir les rênes du pouvoir ne sont pas les plus sincères et les plus dévoués des amis de la case publique et lorsque la soumission à un gouvernement est prêchée aux masses, ceci ne peut que paver le chemin d’intrigants et d’ambitieux.

Mais supposons que les nouveaux dirigeants, les dictateurs qui mettraient en pratique les buts de la révolution, soient de véritables communistes, zélés, convaincus que le bonheur de l’humanité dépend de leur ardeur au travail et de leur énergie. Ils pourraient bien être des hommes du style de Torquemada ou Robespierre, qui, pour un bon objectif, au nom de la sauvegarde privée ou publique, étranglerait toute voix discordante, détruiraient tout souffle de vie libre et spontanée et seraient pourtant impuissants à résoudre les problèmes pratiques qu’ils retirent d’une gestion compétente des parties impliquées elles-mêmes, ils devront volontairement ou non, céder à ceux qui restaureront le passé.

Les justifications principales de la dictature sont les soi-disantes incapacité des masses et nécessité de défendre la révolution contre les tentatives réactionnaires.

Si les masses étaient vraiment un troupeau de moutons imbéciles incapables de vivre sans la direction d’un berger, si une minorité suffisante et consciente capable de transporter les masses par la persuasion et l’exemple n’existait déjà pas, alors nous serions capables de comprendre le point de vue des réformistes qui ont peur d’une montée populaire et pense qu’ils pourront, petit à petit, petites réformes après petites améliorations, minimiser l’état bourgeois et préparer le chemin du socialisme ; nous serions capables de comprendre les éducationnistes qui, sous-estimant l’influence de l’environnement, espèrent changer la société en changeant au préalable les individus ; mais nous ne pouvons pas comprendre les partisans de la dictature qui veulent éduquer et soulever les masses “par la violence et la terreur” devant ainsi utiliser des gendarmes et des censeurs comme facteurs principaux d’éducation.

En réalité, personne ne pourrait être en position d’établir une dictature révolutionnaire si le peuple n’avait pas au préalable fait la révolution, montrant par là même qu’il est capable de la faire et dans ce cas, la dictature ne pourrait que marcher sur la gorge de la révolution, la faire changer de chemin, l’étrangler et la tuer. 

Marx_worker

NdT : cf la révolution russe et l’écrasement par le parti “communiste” bolchévique lénino-trotskiste de la véritable révolution sociale des soviets, c’est à dire des assemblées du peuple et des travailleurs, soviets dont le premier fut mis en place dès 1905 à St Petersbourg en grande partie par les anarchistes. L’année ou Malatesta écrit ce texte, 1921, le fascisme rouge du capitalisme d’état à la solde de la City de Londres et de Wall Street, emmené par Lénine et Trotski, réprimera dans le sang la rébellion et révolution sociale de Cronstadt. Il en ira de même dans la guerre acharnée des bolchéviques contre les anarchistes paysans ukrainiens de Makhno entre 1918 et 1923…

Dans une révolution politique ne proposant que de renverser le gouvernement tout en laissant intacte l’organisation sociale existante, ceci laisse la porte ouverte pour une dictature à saisir le pouvoir, de placer ses hommes aux postes des fonctionnaires destitués et organiser un nouveau régime depuis le haut de la même structure.

Mais dans une révolution sociale où toutes les fondations de la vie sociale existante sont jetées, où la production doit être très rapidement réétablie pour le bénéfice direct des travailleurs, où la distribution des biens et denrées doit être immédiatement régulée en accord avec la justice sociale, une dictature ne peut rien faire. Ou bien les gens suffiront à leurs besoins par et pour eux-mêmes dans les communautés variées de la société ou la révolution sera un échec.

NdT : comme le fut au final la révolution russe de 1917… Disons aussi ici qu’en 1920, les conseils ouvriers italiens du nord de l’Italie avaient expropriés les bourgeois des usines et menés les prémices d’une révolution sociale qui commença à s’étendre au reste de l’Italie. Le mouvement fut trahit… par le parti communiste italien, qui fit des promesses qu’il savait ne pouvoir jamais tenir pour remettre les ouvriers au travail dans les conditions préalables. Une fois de plus, les « communistes » autoritaires d’état ont trahi la révolution, comme ils le feront encore en 1936 en Espagne.  La bourgeoisie fit tellement dans son froc qu’elle finira par mettre Mussolini au pouvoir en Italie pour la protéger, confirmant ainsi le dernier paragraphe du présent texte de Malatesta.

Peut-être qu’au fond (et certains le disent maintenant ouvertement) les supporters de la dictature ne veulent rien d’autre qu’une révolution politique à court terme, en d’autres termes, ils voudraient prendre le pouvoir et c’est tout ; puis progressivement changer la société au moyen de lois et de décrets. Dans ce cas, ils seraient probablement surpris de voir les autres se complaire dans le pouvoir plutôt qu’eux-mêmes et, en tous les cas, ils devraient par dessus tout, penser à lever une force armée (police), requise s’ils veulent imposer leurs propres lois. Dans le même temps, la bourgeoisie continuerait à détenir la richesse et une fois passée le point critique de la colère du peuple, préparerait sa riposte, infiltrerait la police de ses agents, exploiterait la gêne et la désillusion de ceux qui avaient espérer voir un paradis terrestre se mettre en place vaincre contre les dictateurs ou les remplacer par des hommes à elle.

Cette peur de la réaction, utilisée pour justifier le système dictatorial, surgit du fait de la prétention de faire une révolution alors qu’une classe de privilégiés, capable de récupérer le pouvoir, est permise de continuer d’exister.

Si au contraire, le commencement est fait de l’expropriation totale, alors une classe bourgeoise ne peut plus exister (NdT : pourvu que soit aussi abolis la marchandise, l’argent et le salariat dans le même temps…) et les forces vives du prolétariat, toutes les capacités existantes, seront pleinement employées à la reconstruction sociale.

Après tout, dans un pays comme l’Italie (appliquer ces remarques au pays dans lequel nous travaillons) dans lequel les masses sont bien pénétrées de l’instinct rebelle et libertaire, où les anarchistes représentent une force considérable par l’influence qu’ils peuvent exercer séparés de leurs organisations, une tentative de dictature ne pourrait se faire sans provoquer une guerre civile entre travailleurs et travailleurs et ne pourrait avoir de succès à moins que ce ne soit par des moyens tyranniques les plus féroces.

En ce cas, adieu au communisme !

Il n’y a qu’un seul chemin de salut : LIBERTÉ !

= = =

Un texte moderne pour expliquer ce que Malatesta veut dire: « Autonomie des institutions » de Pierre Bance (2022)

Il n’y a pas de solution au sein du système, n’y en a jamais eu et ne saurait y en avoir ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

R71slogan

Société des sociétés : sortir du cercle vicieux réformiste ou l’impossibilité de l’état socialiste (Errico Malatesta)

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, crise mondiale, démocratie participative, gilets jaunes, militantisme alternatif, pédagogie libération, philosophie, politique et social, politique française, résistance politique, société des sociétés, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , on 28 octobre 2021 by Résistance 71

“Tu es roi. Vis tout seul. Sur ton libre chemin
Va donc où te conduit librement ta pensée,
Enrichissant le fruit des meilleures idées,
Et pour un bel exploit sachant n’exiger rien.
Tout est en toi. Tu es ton tribunal suprême.
Plus rigoureux qu’autrui tu juges ton poème.
En es-tu satisfait, artiste sourcilleux ?”
~ Alexandre Pouchkine ~

Texte d’une grande lucidité politique publié par Malatesta il y a 125 ans… Pourquoi ces textes résonnent-ils toujours de grande actualité si ce n’est parce que rien n’a été fait depuis des siècles pour que tout change vraiment. La voie réformiste est celle de changer pour qu’en fait rien ne change jamais vraiment. Il est plus que grand temps de comprendre, devant la menace physique qu’exerce aujourd’hui l’oligarchie sur l’humanité, qu’il n’y a pas de solution au sein du système et qu’il ne saurait y en avoir !
Qu’on se le dise et qu’on le comprenne… enfin ! Ce n’est qu’à cette condition que nos actions deviendront véritablement (r)évolutionnaires.
~ Résistance 71 ~

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L’état socialiste

Errico Malatesta

1897

~ Traduction Résistance 71 ~

Le but des socialistes démocrates est “d’accéder au pouvoir public”.

Nous n’analyserons pas en cette occasion le fait de savoir si ce but est en accord avec leurs théories historiques, qui disent que les classes économiquement dominantes détiennent toujours inévitablement le pouvoir politique et que de là en découle que l’émancipation économique devrait, par nécessité, venir avant l’émancipation politique. Nous ne débattrons pas non plus ici de savoir si, assumant que le pouvoir politique puisse être acquis par une classe déshéritée, les moyens légaux seraient suffisant pour accomplir cette tâche.

Nous voulons à peine discuter ici de savoir si une saisie du pouvoir public serait en accord ou pas avec l’idéal socialiste de la société des êtres libres et égaux, dénuée de maîtres et de divisions de classe.

Les socialistes démocrates, spécifiquement les Italiens, qu’ils l’aiment ou pas, ayant été exposés plus que les autres à l’influence de la pensé anarchiste, ont l’habitude d’affirmer, du moins lorsqu’ils argumentent avec nous, qu’ils veulent eux aussi abolir l’État, c’est à dire le gouvernement et qu’afin d’être en position de pouvoir le faire, ils doivent le saisir. Qu’est-ce que cela veut dire ? S’ils veulent abolir l’État alors qu’ils le capturent, effacer toute garantie légale de “droits acquis”, démanteler toute force armée gouvernementale, mettre un terme au pouvoir législatif, laisser à chaque localité, chaque association et individu une autonomie totale et complète et faire la promotion d’une organisation de la société depuis sa base au travers des fédérations d’associations libres des producteurs et des consommateurs, alors toute l’affaire reviendra à ceci : qu’ils expriment par certains mots ce que nous exprimons avec d’autres. Disant nous voulons nous emparer de la forteresse et la détruire et en disant nous voulons saisir la forteresse et la démolir, cela veut dire exactement la même chose.

Le fait est que de telles déclarations d’intention de capturer l’État afin de a détruire sont soit des outils polémiques tendancieux ou, si sincères, viennent d’anarchistes-en-devenir qui pensent qu’ils sont toujours démocrates.

Il restera toujours entre les socialistes démocrates et nous une différence d’opinion, sans aucun doute de la plus grande importance, au sujet de savoir si la participation en des élections et l’entrée des socialistes au parlement aide ou entrave la révolution ; préparer les gens à une transformation radicale de l’ordre présent ou éduquer les gens à accepter une nouvelle tyrannie après la révolution ; mais sur le but ultime, nous serions entièrement d’accord.

Les véritables socialistes démocrates ont une notion toute différente de “gagner les pouvoirs publics”. Au congrès de Londres, pour ne citer que le plus récent, moment solennel, ils déclarèrent très clairement que le pouvoir public doit être capturé pour être exercé et “afin de légiférer et d’administrer la nouvelle société”. Dans le plus récent numéro de la revue Critica Sociale, nous y avons lu que c’est une erreur que de croire qu’une fois le pouvoir atteint, le parti socialiste sera capable ou même désireux de diminuer les impôts et qu’au contraire, l’État, par une augmentation progressive des impôts, devra absorber graduellement la richesse privée afin de mettre en place de grandes réformes, celles qui sont le but du socialisme (mettre des fonds à disposition des anciens, des handicapés, pour les accidentés, organiser les écoles pour les rendre efficaces dans un pays civilisé, récupérer le capital etc, etc…), avançant ainsi vers le but lointain du communisme parfait, quand tout deviendra service public et la richesse privée et la richesse de la société deviendront une et même chose (Giuseppe Bonzo, “Il Partito socialista e le imposte,” [1] in Critica Sociale, May 1, 1897).

Ainsi donc, les socialistes démocrates ne nous promettent rien d’autre qu’un gouvernement, complet avec toute sa litanie d’inspecteurs et de collecteurs d’impôts, de tribunaux pour les mauvais payeurs, de gendarmes et de prisons (pour tous ceux qui tentent de mettre ce système par la fenêtre), de juges, d’administrateurs de fonds d’assistance publique, de programmes scolaires avec leurs tuteurs des plus officiels, son agence de dette publique pour payer les intérêts du capital emprunté (NdT: Malatesta écrit ça en 1897 !!… Il avait tout compris déjà à l’époque de toute cette vaste escroquerie à la dette publique et le rôle de la haute finance dans le contrôle des nations par la dette…) etc, etc, en plus bien sûr d’un corps législatif faisant des lois et mettant en place des impôts et des ministères variés pour s’assurer de l’administration et de l’application des lois.

Ce faisant, il se peut qu’il y ait différentes modalités, des degrés différents de la centralisation et de ses tendances, ou des méthodes de gestion plus ou moins dictatoriale et un processus d’application plus ou moins abrupt ou graduel, mais dans l’essence de la chose, ils sont tous d’accord les uns avec les autres parce que cela constitue la substance même de leur programme politique.

Maintenant, nous devons regarder si ce gouvernement que les socialistes rêvent de mettre en place, fournit une quelconque garanti de justice sociale : s’il pourrait supprimer ou supprimerait les classes, bannir toute forme d’exploitation et d’oppression de l’homme par l’homme ; s’il pourrait en bref, établir les fondations solides pour une véritable société socialiste.

Les socialistes démocrates partent du principe que l’État, le gouvernement, ne sont que des agents politiques de la classe dirigeante. Ils disent que dans une société capitaliste, l’État de nécessité sert les intérêts des capitalistes et garantit leur droit d’exploiter les travailleurs. Mais dans une société socialiste, avec la propriété privée abolie et les distinctions de classes disparues après la disparition du privilège économique, l’État représenterait tout le monde et deviendrait l’agent impartial des intérêts sociaux de tous les membres de la société.

A ce moment, se lève une difficulté inévitable. S’il est vrai que le gouvernement est toujours par nécessité, l’instrument de quiconque possède les moyens de production, par quel miracle donc un gouvernement socialiste émergerait-il au milieu d’un système capitaliste avec pour mission d’abolir le capitalisme ? Cela se ferait-il comme Marx et Blanqui le voulurent, au travers d’une dictature imposé par une révolution (NdT : dictature du prolétariat), par l’action forcée de décrets révolutionnaires et l’imposition de la confiscation de la propriété privée au bénéfice de l’État, représentant des intérêts collectifs ? Ou bien sera-ce, comme semblent le vouloir tous les marxistes et les blanquistes modernes, par le moyen d’une majorité socialiste gagnée au parlement via le suffrage universel du système électoral ? Y aura t’il une expropriation brutale de la classe dirigeante par une classe économiquement subjuguée et dominée, ou y aura t’il un processus graduel par lequel les propriétaires et les capitalistes seront forcés d’abandonner leurs privilèges petit à petit ?

Tout ceci semble être en porte-à-faux avec la théorie du “matérialisme historique”, qui est le dogme de base des marxistes. Mais dans cette article nous n’avons pas l’intention d’explorer ces contradictions, ni de voir quelle mesure de vérité il peut y avoir dans la doctrine du matérialisme historique.

Imaginons donc que par quelque moyen, le pouvoir soit passé entre les mains des socialistes et qu’un gouvernement socialiste ait été établi. Cela voudrait-il dire que le triomphe du socialisme est en cours ?

Nous ne le pensons pas.

Si l’institution de la propriété privée est la racine de tous les maux que nous connaissons, ce n’est pas parce que tel ou tel bout de terrain est enregistré au nom de telle ou telle personne, mais parce que cette enregistrement autorise cette personne à utiliser ce terrain comme bon lui semble et la façon dont il est utilisé est toujours mauvaise, à savoir, au détriment de ses pairs. Toutes les religions à leur origine, ont affirmé que la richesse était un fardeau qui obligeait les propriétaires à s’occuper du bien-être des pauvres et à agir envers eux comme un père. Quand on regarde l’origine de la loi civile, nous découvrons que le propriétaire est obligé de suivre un grand nombre d’obligation civiques comme devant plutôt être un administrateur de biens dans l’intérêt public qu’un propriétaire au sens moderne du terme. Mais tel est l’homme quand il peut dominer et imposer ses désirs sur les autres, il use et abuse de sa position au point de réduire les autres en esclavage et à l’abjection. Et donc le proprio, qui était supposé être un “père” et un protecteurs des pauvres, s’est toujours transformé en un exploiteur féroce et vorace.

(NdR71 : Malatesta semble ici penser que l’homme est un abuseur par nature, ce qui renforcerait la théorie de Hobbes et de sa nécessité du Léviathan étatique qui serait le moindre mal… Nous pensons comme tout le courant de pensée kropotkinien, que ce sont les circonstances qui induisent la possibilité de l’abus et de la malversation. L’Homme n’est pas un abuseur par nature, l’abus, la violence et la tyrannie sont des constructions sociales. Il peut y avoir bien sûr des exceptions relevant plus de la psychologie / psychiatrie, mais de manière générale, l’humain n’est pas un abuseur, il aurait été incapable de survivre ses temps primordiaux s’il l’avait été. Si l’Homme crée un système, un système puissant créera aussi les hommes nécessaires à sa survie et perpétuation.)

Il en a toujours été ainsi et cela le sera toujours avec les dirigeants également.

Il ne sert à rien de dire que lorsqu’un gouvernement s’en vient du peuple, il servira les intérêts du peuple ; tout pouvoir a toujours découlé du peuple, car seul celui-ci peut lui donner la force nécessaire et ces pouvoirs ont toujours opprimé les peuples. On ne peut en rien dire que lorsqu’il n’y aura plus de classes privilégiées, alors le gouvernement servira le peuple et sera un agent du bien et de la volonté collectifs, les dirigeants constituent une classe à part entière et entre eux une solidarité de classe se développe, bien plus puissante que toute celle existante et ancrée dans le privilège économique.

Il est vrai que de nos jours, le gouvernement sert la bourgeoisie, mais cela tient moins au fait qu’il soit gouvernement que du fait que ses membres appartiennent à la bourgeoisie ; autrement, étant le gouvernement, il méprise ses maîtres et leur ment et les vole, comme tout serviteur. Ce ne fut pas pour servir la bourgeoisie que Crispi vola des banques ou piétina la constitution.

Tous ceux qui sont au pouvoir veulent  y demeurer et peu importe le coût, ils ont l’intention d’imposer leur volonté, et comme la richesse est un puissant instrument de pouvoir, le dirigeant, même s’il n’abuse ni ne vole personnellement, promeut la montée d’une classe autour de lui qui lui doit ses privilèges et possède un intérêt particulier à ce qu’il reste au pouvoir. Les partis dirigeants sont à la politique ce que la classe des propriétaires est à l’économie.

Les anarchistes l’ont dit des milliers de fois et toute l’histoire est faite, est marquée de ce qu’ils ont dit : la propriété privée et le pouvoir politique sont les deux maillons de la chaîne qui entrave l’humanité et sont comme le double tranchant de la lame de l’assassin. Il n’y a aucune façon de se libérer de l’un sans se libérer de l’autre. Abolissez la propriété privée sans abolir le gouvernement et la première sera ressuscitée par ceux qui gouvernent. Abolissez le gouvernement sans abolir la propriété privée et les propriétaires ressusciteront le gouvernement.

Lorsque Frédéric Engels affirma, peut-être pour parer à la critique anarchiste, qu’une fois les classes disparues, l’État n’aura plus de raison d’exister et passera du gouvernement des hommes à l’administration des choses, il ne faisait que jouer sur les mots. Quiconque a pouvoir de domination sur les choses possède la domination sur les hommes ; quiconque gouverne la production gouverne le producteur ; quiconque contrôle la consommation domine et possède le consommateur.

La question en définitive est celle-ci : ou bien les choses sont administrées en accord avec des associations librement acceptées par ceux qui sont concernés, dans ce cas nous avons l’anarchie, ou elles sont administrées en accord avec la loi faite par des administrateurs et nous avons le gouvernement, l’État, qui de manière inévitable bascule dans la tyrannie.

Il n’est pas ici question de la bonne foi ou de la bonne volonté de l’homme, mais de la nécessité dictée par les situations et les tendances générales dont font preuves les hommes lorsqu’ils se trouvent dans certaines circonstances.

(NdR71 : ceci invalide ce que sous-entendait Malatesta plus haut et qui suscita notre note.)

De plus, si le bien de tous est vraiment en jeu, s’il y a vraiment une intention “d’administrer les choses” dans les intérêts des administrés, qui peut donc mieux le faire que ceux qui produisent les choses et les consomment ?

Quelle est en fin de compte l’utilité d’un gouvernement ?

La toute première action d’un gouvernement socialiste lorsqu’il arrive au pouvoir devrait être celle-ci :

Considérant le fait qu’être gouvernement, nous ne pouvons rien faire de bon et serions en fait un handicap  a l’action des hommes en les forçant à attendre des lois que nous ne pouvons édicter sans sacrifier les intérêts de certains au profit des intérêts d’autres et les intérêts de tout le monde contre nos propres intérêts. Nous, gouvernement, déclarons donc de fait l’abolition de toute autorité et invitons les citoyens à s’organiser eux-mêmes en associations libres, correspondant à leurs besoins variés, de nous soumettre à l’initiative de ces associations et d’y apporter notre contribution par nos efforts personnels.

Aucun gouvernement n’a jamais fait quoi que ce soit ressemblant à cela et un gouvernement socialiste ne le ferait pas non plus. (NdT: le futur donna raison à Malatesta. Tous les gouvernements de capitalisme d’état marxistes n’ont jamais œuvré à ce but, pire même. ils ont réprimé dans le sang tous ceux qui tentèrent de le faire pour l’avènement du bien commun…). Ainsi donc, le jour ou le peuple aura la force du pouvoir entre les mains, s’il est sage et avisé, il empêchera donc l’établissement de quelque gouvernement que ce soit.

*

“L’État, c’est ainsi que s’appelle le plus froid des monstres froids et il ment froidement et le mensonge que voici sort de sa bouche: ‘Moi, l’État, je suis le peuple !’… Là où le peuple existe encore, il ne comprend pas l’État et il le hait comme un mauvais œil et comme un pêché contre les coutumes et les droits… L’État, lui, ment dans tous les idiomes du bien et du mal ; et quoi qu’il dise, il ment et ce qu’il possède il l’a volé. Tout est faux en lui, il mord avec des dents volées, lui qui mord si volontiers. Fausses sont même ses entrailles… ‘Sur Terre il n’est rien de plus grand que moi: je suis le doigt qui crée l’ordre, le doigt de dieu’, voilà ce que hurle ce monstre…”

“L’Église ? répondis-je, c’est une espèce d’État et c’en est l’espèce la plus mensongère. Cependant, tais-toi donc, chien hypocrite, mieux que personne tu connais ta propre espèce !

Tout comme toi, l’État est un chien hypocrite ; tout comme toi il aime à parler par fumée et hurlement afin de faire croire, tout comme toi, qu’en lui parle le ventre des choses. Car il veut à toute force, l’État, être l’animal le plus important sur terre ; et on le croit.”

“Oui, il a été inventé là une mort pour les multitudes, une mort qui se vante d’être la vie: en vérité un fier service rendu à tous les prédicateurs de mort. J’appelle État le lieu où sont tous ceux qui boivent du poison, qu’ils soient bons ou méchants… État le lieu où le lent suicide de tous s’appelle… la vie.” “Là où cesse l’État, c’est là que commence l’Homme, celui qui n’est pas superflu : là commence le chant de ce qui est nécessaire, la mélodie unique et irremplaçable. Là où cesse l’État — regardez donc mes frères ! Ne les voyez-vous pas, l’arc-en-ciel et les ponts du surhumain ?”

~ Friedrich Nietzsche (Ainsi parlait Zarathoustra 1883) ~

Les historiens et les économistes aux gages de l’État nous ont enseigné, sans doute, que la commune de village, étant devenue une forme surannée de la possession du sol, forme qui entravait les progrès de l’agriculture, dut disparaître sous l’action des forces économiques naturelles. Les politiciens et les économistes bourgeois ne cessent de le répéter jusqu’à nos jours ; et il y a même des révolutionnaires et des socialistes — ceux qui prétendent être scientifiques — qui récitent cette fable convenue, apprise à l’école.

Eh bien, jamais mensonge plus odieux n’a été affirmé dans la science. Mensonge voulu, car l’histoire fourmille de documents pour prouver à qui veut les connaître — pour la France, il suffirait presque de consulter Dalloz — que la commune de village fut d’abord privée par l’Etat de toutes ses attributions ; de son indépendance, de son pouvoir juridique et législatif ; et qu’ensuite ses terres furent, ou bien tout bonnement volées par les riches sous la protection de l’Etat, ou bien directement confisquées par l’Etat…

~ Pierre Kropotkine ~

= = =

Lectures complémentaires :

Errico Malatesta, écrits choisis

Gustav Landauer “Appel au socialisme”

Pierre Kropotkine “L’entraide, facteur de l’évolution”

Elisée Reclus « Evolution et révolution »

Pierre Clastres, hommage 40 ans 1977-2017

Hommage à David Graeber

James C. Scott “L’art de ne pas être gouverné”

Guy Debord « La société du spectacle »

Résistance 71 “Du chemin de la société vers son humanité réalisée”

constatA

Commune_1871-2021

Résistance politique : Errico Malatesta, retour sur une vie

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Errico Malatesta, retour sur une vie

Le Monde Libertaire

20 septembre 2021

Source:
https://monde-libertaire.fr/?article=Des_idees_et_des_luttes_Errico_MALATESTA

« La légende est plus vraie que l’histoire, plus intéressante. » Cette citation d’Errico Malatesta au sujet de la Commune de Paris de 1871 pourrait parfaitement s’appliquer à sa vie. On la connaît par les rapports de police essentiellement consacrés à noircir le personnage pour mieux l’enfermer, mais quid de sa vie intérieure, ses sentiments, son introspection. Très difficile exercice car il parlait assez peu de lui-même, tout consacré à une cause, l’anarchie à laquelle il consacrera un livre éponyme. Certes, il existe des articles, des discours, des propos enflammés d’amis, de compagnons qui magnifient le militant charismatique, lui qui voulait rester discret, au service des autres. Vittorio Giacopino publie chez Lux, un livre « roman historique » pour faire vivre la légende. Rien n’est faux, mais il fait parler Malatesta au plus près de ses lettres à ses amis, de ses réflexions. Enfermé vivant dans un petit appartement rue Andrea-Doria à Rome, surveillé, perquisitionné, harcelé par les nervis fascistes de Mussolini, il se remémore sa vie d’aventures, son départ en Amérique du Sud, ses voyages à Londres, un internationaliste qui rencontre Bakounine à Saint-Imier, se lie avec Pierre Kropotkine. 

La Révolution universelle

La Commune de Paris de 1871 sera sa prise de conscience de la nécessité de se battre pour un monde meilleur, il y pense encore en 1931, un an avant sa mort et croit toujours dans la Révolution universelle. « Nous ne reconnaissons d’autre patrie que la révolution universelle, d’autre ennemi que la tyrannie sous quelque forme qu’elle se présente. »

Ses premières actions relèvent du coup de poing, des initiatives à la hâte, des échecs, des procès, de la prison, mais toujours « je ne peux que nourrir du mépris pour ceux qui non seulement ne veulent rien faire, mais se complaisent à blâmer et maudire ceux qui agissent. » Alors, il agit toujours à l’affût d’une action, d’un espoir à relayer. « La foi, ce n’est pas une croyance aveugle : c’est le résultat d’une volonté ferme alliée à une forte espérance. »

Les souvenirs remontent à la surface, des regrets jamais, de la nostalgie parfois comme son séjour à Paris et le retour des communards en 1880, son exclusion de l’Internationale et le mépris de Marx à l’encontre des « anarchistes qui ne représentent pas les vrais travailleurs, mais des gens déclassés avec certains travailleurs abusés, comme troupe. »

Ses propos sont d’une actualité étonnante, bien qu’écrits au début du XXème siècle. « Tout le système social en vigueur est fondé sur la force brutale mise au service d’une petite minorité qui exploite et opprime la grande masse. » Il y oppose Le programme anarchiste qui se conclut ainsi « Nous voulons donc abolir radicalement la domination et l’exploitation de l’homme par l’homme. Nous voulons que les hommes, unis fraternellement par une solidarité consciente, coopèrent volontairement au bien-être de tous. […] Nous voulons pour tous le pain, la liberté, l’amour et la science. »

Une solidarité consciente

Ses regrets ? Oui sans doute le ralliement de Kropotkine et de quelques anarchistes à la guerre en 1914. Et puis aussi la révolution soviétique, même si au début il croit dans cette lumière qui se lève à l’Est, mais il écrit aussi en 1919 qu’en réalité « il s’agit de la dictature d’un parti, ou plutôt des chefs d’un parti […] qui préparent les cadres gouvernementaux qui serviront à ceux qui viendront après pour profiter de la révolution et la tuer. » Dans Pensiero et Volontà, il dénonce Lénine en ces termes, « lui, avec les meilleures intentions, fut un tyran, l’étrangleur de la Révolution russe, et nous qui ne pûmes l’aimer vivant, nous ne pouvons le pleurer mort. » Rappelons que Cronstadt, Mahkno et l’Ukraine, l’élimination des anarchistes sont passés par là. 

« Faire les anarchistes »

En 1920, se développe dans le Nord de l’Italie, une mobilisation ouvrière sans pareil, Malatesta en fait partie évidemment. Il faut occuper les usines et paralyser le système bourgeois. Cependant, les socialistes modérés, les syndicats limitent l’ampleur de la mobilisation et le reflux ne tarde pas à se faire sentir. Il en résultera des attentats du désespoir. 

Poursuivi par les fascistes, il se réfugie à Rome où la situation sera encore pire qu’à Milan. Isolé, il sent ses forces le quitter, entouré par les séides de Mussolini. Alors que faire, Errico Malatesta ? « Faire les anarchistes ; nous unir, nous organiser, approfondir les problèmes d’aujourd’hui et de demain. […] Ce qui importe le plus, c’est que le peuple, les hommes, perdent l’instinct et les habitudes grégaires que l’esclavage millénaire leur a insufflés, et apprennent à penser et à agir librement. Et c’est à cette grande œuvre de libération que les anarchistes doivent se consacrer. »

Francis Pian

Errico Malatesta, Vittorio Giacopino. Ed. LUX, 2018

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Errico Malatesta sur Résistance 71

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

+

4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

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Errico Malatesta : Capitalisme et irréconciliable contradiction…

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Nous avons traduit et publié bon nombre de texte d’Errico Malatesta depuis quelques années sur Résistance 71. Ce texte ci-dessous est remarquable dans sa justesse d’analyse et son actualité… 121 ans plus tard. Serait-ce un signe une fois de plus que rien n’a vraiment changé depuis ?…

Malatesta (1853-1932) rejoignit la 1ère Internationale en 1871 à l’âge de 18 ans. En 1872, il rencontra Bakounine et rejoignit l’Internationale Anarchiste du congrès de St Imier. Malatesta fut longtemps un adepte de la “propagande par le fait”, c’est à dire un avocat de l’insurrection armée, mais il changea d’avis avec le temps. Il fut un des leaders anarchistes qui refusa d’accepter la 1ère guerre mondiale, argumentant que tout cela n’était qu’un accord des riches pour faire s’entretuer les pauvres au nom de leur profit et de leur richesse. Mécanicien et électricien de formation, il milita et aida à l’organisation de la lutte ouvrière dans l’optique de l’établissement de la société anarchiste dans bon nombre de pays, en Italie, son pays d’où il dût s’exiler pendant 35 ans, en Belgique, en France, en Suisse, aux Etats-Unis et en Argentine. Il passa 12 années de sa vie en prison et fut condamné 3 fois à mort.

Errico Malatesta est une des grandes figures historiques de l’anarchisme, grand organisateur et fédérateur de volonté. Il maniait le verbe et l’action avec la même efficacité. Ce n’est pas un hasard si nous le sortons du “placard” à intervalles réguliers. Quand on parle de complémentarité osmotique, il est intéressant de lire et de puiser dans les écrits et la pensée de Proudhon, Kropotkine, Bakounine, Landauer et Malatesta, le meilleur de chacun d’entre eux se cristallisera dans la société des sociétés que nous sommes déjà en train de construire, pour beaucoup sans même le savoir…

~ Résistance 71 ~

L’irréconciliable contradiction

Errico Malatesta

Mars 1900

Traduit de l’anglais par Résistance 71

Avril 2021

Ils écrivent depuis Bari en Italie :

Notre ville subit une bien triste crise. La fabrique de tonneaux, qui fut autrefois une industrie flamboyante, est de plus en plus sur le déclin. La cause de ce déclin réside dans l’introduction de nouveaux tarifs pour le transport ferrovier, qui permet le retour de tonneaux vides à un très bas prix, ce qui occasionne un déclin dans la consommation de tonneaux. Il y a quelques temps, les maîtres d’œuvre de la fabrication des tonneaux demandèrent que les prix de transport des tonneaux vides soient augmentés. Dimanche dernier, devant la préfecture, ils ont rencontré les autorités pour leur demander de les aider. Un comité de 12 membres de la corporations des tonneliers, accompagnés d’un inspecteur de la sécurité publique, fut reçu par le préfet, qui a promis de résoudre cette affaire.

Comment diable le préfet va t’il résoudre cela ?

En donnant l’ordre aux compagnies ferrovières d’augmenter encore le prix de transport des tonneaux vides ? Comment cela se peut-il, si les capitalistes sont ceux qui possèdent les chemins de fer, ceux qui commandent aux préfets et qui sont les maîtres de ceux-ci !

Et puis, augmenter le prix du retour des tonneaux vides fera immanquablement augmenter le prix du vin.

Si les consommateurs de vin en venaient à se retourner contre le préfet, leur promettrait-il ces choses aussi ?

Ce pauvre préfet doit se sentir dans la position de dieu tout puissant à qui une personne demande de la pluie et une autre le beau temps. Et il n’est même pas omnipotent !…

Mais nous nous préoccupons en vain de la position des préfets, qui savent parfaitement bien comment se sortir de tels meli-melos… en faisant des promesses à tout le monde et n’en tenant aucune !

Ce sont ces pauvres travailleurs qui méritent bien plus notre considération car, ignorants de la cause initiale de leurs problèmes, se laissent berner et moquer d’eux au point qu’ils se laissent escorter à la préfecture par un inspecteur de la sécurité publique et espèrent que les autorités vont s’occuper de leur fardeau.

Ce cas des tonneliers de Bari est un cas typique, qui montre on ne peut plus clairement la totale absurdité de la société capitaliste.

Dans ces cas similaires, il ne peut pas y avoir d’autre cure que l’abolition du capitalisme et la transformation radicale du système de production. Et chaque corps de métier, chaque forme d’activité humaine doit, tôt ou tard, se retrouver dans le même dilemme, ce qui est déjà abondamment étendu dû au fait de la surabondance de travail.

Les associations ne sont d’aucun secours, ni ne le sont les grèves, ni les coopératives ni toute autre forme de résistance dans le système.

A chaque fois qu’on n’a pas besoin du travail d’un ouvrier, celui-ci ne peut pas imposer quelque sorte d’accord que ce soit : il doit mourir de faim, plus ou moins lentement, plus ou moins convulsivement, mais il doit mourir de faim… à moins qu’il puisse se libérer du système en cours.

De plus, le progrès a la tendance à rendre le travail de plus en plus de personnes inutile.

Ceci est l’ultime et irréconciliable contradiction entre le capitalisme et le progrès. Tous deux empêchent un véritable progrès, glorifiant les castes actuelles, abolissant la concurrence entre les capitalistes, interdisant tout développement de production, toute nouvelle machine, toute application scientifique nouvelle et réduisant les ouvriers au statut d’animaux domestiques auxquels leurs maîtres donnent une pitance rationnée, en bref, un régime tel que celui mis en place par les jésuites au Paraguay. Pour en sortir, nous devons détruire le capitalisme et organiser la production non pas pour le profit du petit nombre, mais pour le plus grand bien-être de tous.

La requête des tonneliers de Bari pour augmenter le tarif de transport des tonneaux vides afin que les marchands de vin trouvent plus faciles de les brûler après usage plutôt que de les renvoyer, est la même chose que de demander aux tonneliers de n’envoyer que 10 tonneaux sur 100 qu’ils fabriquent sur le marché et de détruire les 90 autres avant qu’ils ne soient utilisés.

Est-il possible de faire cela ? Bien sûr que non, et pourtant la structure actuelle de la société est si absurde que cela rendrait bénéfique une telle mesure.

Quand des gens meurent de faim parce qu’il y a trop de choses ou parce que c’est trop facile de le produire ou parce que c’est trop durable, la destruction peut apparaître et bizarrement être plus utile que la production. Un grand incendie ou un tremblement de terre peuvent être une aubaine, amenant du travail et du pain aux sans emplois. [NdT: à noter que toutes les grandes crises modernes se sont “résolues” au sein du système par de non moins grandes guerres, détruisant beaucoup et tuant des millions de gens. Guerre et reconstruction sont faites par les mêmes entités qui profitent de tout et les banques qui les financent plus encore, le contrôle est mis d’amont en aval de toute crise, le plus souvent planifiée, rien ou si peu n’arrive par hasard…]

Mais la destruction de richesse n’est pas la manière dont les travailleurs pourront s’émanciper. Et par bonheur, le temps est passé, du moins dans les pays les plus avancés, durant lequel les ouvriers pensaient pouvoir arrêter le progrès et mettre autant d’énergie à briser les machines que cela aurait demander pour les contrôler.

Nous ne devons pas nous battre contre le progrès, mais au contraire le diriger pour qu’il profite vraiment à tout le monde.

Pour que cela se produise, il faut que les travailleurs prennent possession du capital, de toute la richesse sociale de façon à ce que ce soit dans leur intérêt de voir une abondance de produits et une production demandant le moins d’effort possible.

Voilà pourquoi il est nécessaire de faire une révolution [sociale]

L’organisation du travail, les syndicats, les grèves et toute sorte de résistance peuvent à un certain point de l’évolution capitaliste améliorer les conditions de travail et de vie des travailleurs ou empêcher que ces conditions ne se détériorent ; elles peuvent bien servir à entraîner les travailleurs à la lutte ; ils sont toujours en de bonnes mains, un bon moyen de promotion des idées ; mais ils sont sans espoir et impuissants à résoudre la question sociale. Tout cela doit donc être utilisé de façon à aider à préparer les esprits et le muscle pour la révolution, pour l’expropriation.

Quiconque ne voit pas et ne comprend pas cela en est réduit à aller mendier devant les préfets… et d’en être la risée.

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Lecture complémentaire : Nous conseillons tout particulièrement cette compilation d’écrits de Malatesta qui sont d’une justesse et d’une actualité (hélas !) sans bornes…

Errico Malatesta, écrits choisis

Il n’y a pas de solution au sein du système, n’y en a jamais eu et ne saurait y en avoir ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

+

4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

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Manifeste pour la Société des Sociétés

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1ère action directe : dire NON !

Analyse politique: Errico Malatesta conseille les Gilets Jaunes depuis 1930… Comment concevoir la révolution

Posted in actualité, autogestion, gilets jaunes, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, politique et social, politique française, résistance politique, société des sociétés, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , on 10 janvier 2020 by Résistance 71

 

Comment concevoir la révolution

 

Errico Malatesta

Mars 1930

 

Vers l’anarchie

Il est assez coutume de croire que par le fait que nous nous disons révolutionnaires, nous entendons que l’avènement de l’anarchie doive se produire d’un seul coup, comme conséquence immédiate d’une insurrection, qui abattrait violemment tout ce qui existe et substituerait à cela des institutions vraiment nouvelles. A dire vrai, il ne manque pas de camarades qui conçoivent la révolution de telle façon.

Ce malentendu explique pourquoi parmi nos adversaires beaucoup croient, de bonne foi, que l’anarchie est une chose impossible ; et cela explique aussi pourquoi certains camarades, voyant que l’anarchie ne peut venir soudainement, étant donné les conditions morales actuelles de la foule, vivent entre un dogmatisme qui les met en dehors de la vie réelle et un opportunisme qui leur fait pratiquement oublier qu’ils sont anarchistes et, qu’en cette qualité, ils doivent combattre pour l’anarchie.

Maintenant, il est certain que le triomphe de l’anarchie ne peut être l’effet d’un miracle, pas plus qu’il ne peut se produire en dépit, en contradiction de la loi de l’évolution : que rien n’arrive sans cause suffisante, que rien ne peut se faire si la force nécessaire manque.

Si nous voulions substituer un gouvernement à un autre, c’est-à-dire imposer notre volonté aux autres, il suffirait, pour cela, d’acquérir la force matérielle indispensable pour abattre les oppresseurs et nous mettre à leur place.

Mais au contraire, nous voulons l’Anarchie, soit une société fondée sur l’accord libre et volontaire, dans laquelle personne ne puisse imposer sa volonté à autrui, où tous puissent faire comme ils l’entendent et concourir volontairement au bien-être général. Son triomphe ne sera définitif, universel que lorsque tous les hommes ne voudront plus être commandés ni commander à d’autres et auront compris les avantages de la solidarité pour savoir organiser un système social dans lequel il n’y aura plus trace de violence et de coercition.

D’autre part comme la conscience, la volonté, la capacité augmentent graduellement et ne peuvent trouver l’occasion et des moyens de se développer que dans la transformation graduelle du milieu et dans la réalisation des volontés au fur et à mesure qu’elles se forment et deviennent impérieuses, de même l’anarchie ne s’instaurera que peu à peu pour s’intensifier et s’élargir toujours plus.

Il ne s’agit dons pas d’arriver à l’anarchie aujourd’hui ou demain ou dans dix siècles, mais de s’acheminer ver l’anarchie aujourd’hui, demain et toujours.

L’anarchie est l’abolition du vol et de l’oppression de l’homme par l’homme, c’est-à-dire l’abolition de la propriété individuelle et du gouvernement. L’anarchie est la destruction de la misère, des superstitions et de la haine. Donc, chaque coup porté aux institutions de la propriété individuelle et du gouvernement, est un pas vers l’anarchie, de même que chaque mensonge dévoilé, chaque parcelle d’activité humaine soustraite au contrôle de l’autorité, chaque effort tendant à élever la conscience populaire et à augmenter l’esprit de solidarité et d’initiative ainsi qu’à égaliser les conditions. Le problème réside dans le fait de savoir choisir la voie qui réellement nous rapproche de la réalisation de notre idéal et de ne pas confondre les vrais progrès avec ces réformes hypocrites, qui, sous pré texte d’améliorations immédiates, tendent à distraire le peuple de la lutte contre l’autorité et le capitalisme, à paralyser son action et à lui laisser espérer que quelque chose peut être obtenu de la bonté des patrons et des gouvernements. Le problème est de savoir employer la part de forces que nous avons et que nous acquérons de la façon la plus économique et la plus utile à notre but. Aujourd’hui dans chaque pays il y a un gouvernement qui, par la force brutale, impose la loi à tous, nous contraint tous à nous laisser exploiter et à maintenir, que cela nous plaise ou non, les institutions existantes, à empêcher que les minorités puissent mettre en action leurs idées et que l’organisation sociale en général puisse se modifier suivant les variations de l’opinion publique. Le cours régulier pacifique de l’évolution est arrêté par la violence et c’est par la violence qu’il faudra lui ouvrir la route. C’est pour cela que nous voulons la révolution violente aujourd’hui et que nous la voudrons toujours ainsi, aussi longtemps que l’on voudra imposer à quelqu’un par la force une chose contraire à sa volonté. La violence gouvernementale est supprimée, notre violence n’aurait plus sa raison d’être.

Nous ne pouvons pour le moment abattre le gouvernement existant, peut-être ne pourrons-nous pas empêcher demain que sur les ruines du gouvernement actuel, un autre ne surgisse ; mais cela ne nous empêche pas aujourd’hui de même que cela ne nous empêchera pas demain de combattre n’importe quel gouvernement en refusant de nous se soumettre à la loi chaque fois que cela nous est possible et d’opposer la force à la force.

Chaque fois que l’autorité est amoindrie, chaque fois qu’un plus grand nombre de liberté est conquise et non mendiée, c’est un progrès vers l’anarchie. Il en est de même chaque fois aussi que nous considérons le gouvernement comme un ennemi avec lequel il ne faut jamais faire trêve, après nous être bien convaincus que la diminution des maux engendrés par lui n’est passible que par la diminution de ses attributions et de sa force et non dans l’augmentation du nombre des gouvernants ou par le fait de les faire élire par les gouvernés eux-mêmes.

Par gouvernement nous entendons tout homme ou groupement d’individus, dans l’Etat, les Conseils, la Municipalité ou l’association, ayant le droit de faire la loi ou de l’imposer à ceux à qui elle ne plaît pas.

Nous ne pouvons pour le moment abolir la propriété individuelle, nous ne pouvons pour l’instant disposer des moyens de production nécessaires pour travailler librement ; peut-être ne le pourrons-nous pas encore lors d’un prochain mouvement insurrectionnel ; mais cela ne nous empêche pas aujourd’hui déjà, comme cela ne nous empêchera pas demain, de combattre continuellement le capitalisme. Chaque victoire, si minime soit-elle, des travailleurs sur le patronat, chaque effort contre l’exploitation, chaque parcelle de richesse soustraite aux propriétaires et mise à la disposition de tous, sera un progrès, un pas sur la voie de l’anarchie, comme chaque fait tendant à augmenter les exigences des ouvriers et à donner plus d’activité à la lutte, toutes les fois que nous pourrons envisager ce que nous aurons gagné, comme une victoire sur l’ennemi et non comme une concession dont nous devrions être reconnaissants, chaque fois que nous affirmerons notre volonté d’enlever par la force, aux propriétaires, les moyens que, protégés par le gouvernement, ils ont enlevés aux travailleurs.

Le droit de la force disparu de la société humaine, les moyens de production mis à la disposition de ceux qui veulent produira, le reste sera le résultat de l’évolution pacifique.

L’anarchie ne serait pas encore réalisée ou elle ne le serait que pour ceux qui la veulent et seulement pour les choses où le concours des non anarchistes n’est pas indispensable. Elle s’étendra ainsi gagnant peu à peu les hommes et les choses, jusqu’à ce qu’elle embrasse toute l’humanité et toutes les manifestations de la vie.

Une fois le gouvernement disparu, avec toutes les institutions nuisibles qu’il protège, une fois la liberté conquise pour tous ainsi que le droit aux instruments de travail, sans lequel la liberté est un mensonge, nous n’entendons détruire toutes choses qu’au fur et à mesure que nous pourrons en substituer d’autres.

Par exemple : le service de ravitaillement est mal fait dans la société actuelle, il s’effectue d’une façon anormale avec un grand gaspillage de force et de matériel et seulement en vue des intérêts des capitalistes ; mais en somme de quelque façon que s’opère la consommation, il serait absurde de vouloir désorganiser ce service, si nous ne sommes pas en mesure d’assurer l’alimentation du peuple plus logiquement et plus équitablement.

II existe un service des postes, nous avons mille critiques à en faire, mais pour l’instant nous nous en servons pour envoyer nos lettre ou pour en recevoir, supportons-le donc comme il est tant que nous n’aurons pu le corriger.

Il y a des écoles, hélas, combien mauvaises, pourtant nous ne voudrions pas que nos fils restassent sans apprendre à lire ni à écrire, en attendant que nous ayons pu organiser des écoles modèles suffisantes pour tous.

Par là nous voyons que pour instaurer l’anarchie il ne suffit pas d’avoir la force matérielle pour faire la révolution, mais il importe aussi que les travailleurs associés selon les diverses branches de production, soient en mesure d’assurer par eux-mêmes le fonctionnement de la vie sociale sans le recours des capitalistes et du gouvernement.

On peut constater de même que les idées anarchistes, loin d’être en contradiction avec les lois de l’évolution basée sur la science, comme le prétendent les socialistes scientifiques, sont des conceptions qui s’adaptent parfaitement à elles : c’est le système expérimental transporté du terrain des recherches dans le champ des réalisations sociales.

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Lectures complémentaires:

Tintin_Vive-la-Revolution_1989_2010

Impasse_Citoyenniste

Alexandre_Skirda_Organisation_anarchiste_de_Proudhon_a_nos_jours

Voline_La_synthese_anarchiste

Murray_Bookchin_Ecoute_Camarade

Exemple_Charte_Conféederale_Bakounine_MAJ

Murray_Bookchin_Le_municipalisme_libertaire

Guy_Debord_La_societe_du_spectacle

TAZ_Fr

Charles-Macdonald_Anthropologie_de_l’anarchie

Pierre_Kropotkine_La_Commune_de_Paris_PDF

James_C_Scott_L’art_de_ne_pas_être_gouverné

Rudolph Rocker_Anarchie de la theorie a la pratique

Errico_Malatesta_écrits_choisis

Il n’y a pas de solution au sein du système, n’y en a jamais eu et ne saurait y en avoir !

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

+

4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

 


Les deux « A »: Amour et Anarchie

Analyse politique et compréhension de notre réalité: Prisonniers d’un seul monde…

Posted in actualité, altermondialisme, gilets jaunes, guerres hégémoniques, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, politique et social, politique française, résistance politique, société des sociétés, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , on 22 décembre 2019 by Résistance 71

 

Prisonniers d’un seul monde

 

Gruppo anarchico insurrrezionalista “E. Malatesta”

 

Journal anarchiste Canenero, 1996

 

« Le fait est que l’État ne serait pas si maléfique si celui qui le désire pouvait l’ignorer et vivre sa vie à sa façon, à côté de ceux avec qu’il s’entend bien. Mais il a envahi toutes les fonctions de la vie sociale, domine tous les actes de notre vie et nous empêche même de nous défendre, lorsque nous sommes attaqués. Il faut le subir ou l’abattre. »

Errico Malatesta —

Si nous n’étions pas profondément insatisfaits par ce monde, nous n’écririons pas dans ce journal, et vous ne liriez pas cet article. Cela est donc inutile d’employer davantage de mots pour réaffirmer notre aversion envers le pouvoir et ses expressions. Ce qui, en revanche, ne nous paraît pas inutile est d’essayer de comprendre si une révolte qui ne se pose pas ouvertement, résolument contre l’État et le pouvoir est-elle possible.

Cette question ne doit pas paraître bizarre. Il y a en effet des personnes qui ne voient, dans la lutte contre l’État, rien d’autre qu’une confirmation ultérieure de combien il a pu entrer à l’intérieur de nous-mêmes, au point de déterminer, même en négatif, nos actions. Avec son encombrante présence, l’État nous distrairait de celui qui devrait être notre véritable objectif : vivre notre vie à notre façon. Si on pense à abattre l’État, à l’entraver, à le combattre, on n’a pas le temps de réfléchir à ce que nous voulons faire. Au lieu d’essayer de réaliser nos désirs et nos rêves ici et maintenant, nous suivons l’État partout, devenons son ombre et repoussons à l’infini la concrétisation de nos projets. A force d’être antagonistes, d’être contre, on finit par ne plus être protagonistes, ne plus être pour quelque chose. Du coup, si on veut être soi-même, il faut arrêter de s’opposer à l’État et commencer à le considérer non plus avec hostilité, mais avec indifférence. Plutôt que s’affairer à détruire son monde, le monde de l’autorité, il vaut mieux construire le notre, celui de la liberté. Il faut arrêter de penser à l’ennemi, à ce qu’il fait, où il se trouve, comment faire pour le frapper, afin de se consacrer à nous-mêmes, à notre « vécu quotidien », à nos rapports, à nos espaces qu’il faut élargir et améliorer de plus en plus. Sinon, on ne fera jamais rien d’autre que de suivre les échéances du pouvoir.

Aujourd’hui, de tels arguments foisonnent au sein du mouvement anarchiste, à la recherche perpétuelle de justifications déguisées en analyses théoriques, pour excuser sa propre inaction totale. Il y en a qui ne veulent rien faire parce que sceptiques, d’autres parce qu’ils ne veulent rien imposer à autrui, d’autres qui pensent que le pouvoir est trop fort pour eux et enfin d’autres qui ne veulent pas en suivre les rythmes et les temporalités ; tout prétexte est bon. Mais est ce que ces anarchistes ont-ils un rêve capable de leur enflammer le cœur ?

Pour débarrasser le camp de ces excuses minables, ce n’est pas inutile de rappeler deux-trois choses. Il n’y a pas deux mondes, le leur et le nôtre, et même si ces deux mondes existaient, ce qui serait absurde, comment pourraient-ils cohabiter ? Il y a un seul monde, le monde de l’autorité et de l’argent, de l’exploitation et de l’obéissance : le monde dans lequel nous sommes obligés de vivre. Il n’est pas possible d’en sortir. Voilà pourquoi on ne peut pas se permettre l’indifférence, voilà pourquoi on n’arrive pas à l’ignorer. Si on s’oppose à l’État, si on est toujours prêt à saisir l’occasion pour l’attaquer, cela n’est pas parce qu’on en est indirectement façonnés, cela n’est pas parce qu’on a sacrifié nos désirs sur l’autel de la révolution, mais parce que nos désirs seront irréalisables aussi longtemps que l’État existera, aussi longtemps qu’existera un quelconque pouvoir.(*) La révolution ne nous détourne pas de nos désirs, mais au contraire elle est la seule possibilité qui donne les conditions pour leur réalisation. Nous voulons subvertir ce monde, le plus tôt possible, ici et maintenant, car c’est ici et maintenant qu’il y a casernes, tribunaux, banques, béton, supermarchés, taules. Ici et maintenant, il n’y a qu’exploitation. Tandis que la liberté, ce qu’on entend par liberté, elle n’existe pas du tout.

Ceci ne veut pas dire qu’on doit négliger la création d’espaces à nous où expérimenter les rapports que nous préférons. Il signifie simplement que ces espaces, ces relations, ne correspondent pas à la liberté absolue que nous voulons, pour nous ainsi que pour tout le monde. Ce sont un pas, un premier pas, mais pas le dernier, encore moins le pas définitif. Une liberté qui se termine sur le seuil de notre squat, de notre commune « libre », ne nous suffit pas, ne nous satisfait pas. Une telle liberté est illusoire car elle ne nous rendrait libres que de rester chez nous, de ne pas sortir des limites qu’on s’est données. Si on ne considère pas la nécessité d’attaquer l’État (et sur ce concept d’ « attaque » il y a aurait beaucoup à dire), au fond nous ne faisons que lui permettre de faire davantage et à jamais ce qui lui plaît, nous limitant à survivre dans la petite « île heureuse » qu’on se sera construite. Rester à distance de l’État signifie garder sa vie, l’affronter signifie vivre.

Dans l’indifférence envers l’État se trouve, implicitement, notre capitulation. C’est comme si on admettait que l’État est le plus fort, il est invincible, il est irrésistible, donc autant déposer les armes et penser à cultiver son jardin. Comment appeler cela révolte ? Il nous semble plutôt une attitude toute intérieure, limitée à une sorte de méfiance, d’incompatibilité et de désintérêt pour ce qui nous entoure. Mais dans une telle attitude demeure, implicitement, la résignation. Une résignation dédaigneuse, si l’on veut, mais toujours de la résignation.

Tel un boxeur sonné qui se limite à parer les coups, sans même essayer d’abattre l’adversaire, que pourtant il haït. Mais notre adversaire ne nous donne pas de répit. On ne peut pas descendre de ce ring et il continue à nous prendre pour cible. Il faut subir ou abattre l’adversaire : l’esquiver ou lui signifier notre mécontentement ne suffit pas.

(*) Note de Résistance 71 : Le groupe anarchiste italien Malatesta remet quelques pendules à l’heure ici avec ce texte percutant… Remettons aussi leur pendule à l’heure concernant la notion de “pouvoir”. Ils disent ceci:

“… nos désirs seront irréalisables aussi longtemps que l’État existera, aussi longtemps qu’existera un quelconque pouvoir.”

Nous sommes d’accord avec la première hémistiche de la phrase, pas la seconde. En effet, le pouvoir, la capacité et la volonté décisionnaires, est nécessaire à la vie en société. Il n’y a pas et ne saurait y avoir de société humaine sans pouvoir, celui-ci lui est inhérent, il existe et est exercé ; en revanche il y a deux types, deux méthodes de pouvoir l’un conciliant, harmonieux et naturel: le pouvoir non-coercitif utilisé dans toute société égalitaire non politiquement divisée et le pouvoir coercitif, sectaire, divisionnaire, répressif et destructeur, contre-nature, consolidant la division dans le fait qu’il sort du corps social et est maintenu dans une bulle de privilège. Nous vivons depuis un peu plus de 5000 ans sur les plus de 2 millions d’années de l’existence de l’Homo erectus et de sa descendance, sous le joug du second mode, il ne tient qu’à nous de changer et de réintégrer le pouvoir dans le corps social pour une gestion complémentaire et harmonieuse de la société humaine dans son ensemble. On ne peut pas se débarrasser du “pouvoir”, mais en revanche on peut choisir son mode d’application.

Là réside la clef de l’affaire que nous avons expliquée plus en détail dans notre “Manifeste pour la société des sociétés” (2017)…

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Il n’y a pas de solution au sein du système, n’y en a jamais eu et ne saurait y en avoir !

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

 


Qui ose gagne !…

Analyse et vision politique de changement radical de société… Pas à pas vers l’anarchie (Errico Malatesta)

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« Anarchisme: Le nom donné à un principe de théorie et de conduite de la vie sous lequel la société est conçue sans gouvernement, l’harmonie dans une telle société étant obtenue non pas par la soumission à la loi ou par l’obéissance à l’autorité, mais par les consentements libres conclus entre des groupes territoriaux et professionnels variés, librement constitués pour les fonctions simples de production et de consommation et également pour la satisfaction d’une variété infinie de besoins et d’aspirations d’être civilisé. Dans une société développée selon ces lignes de conduite, les associations volontaires qui commencent déjà à couvrir tous les secteurs de l’activité humaine, prendraient une plus grande extension pour finir par se substituer elles-mêmes pour l’état et de ses fonctions. »

Pierre Kropotkine (début de la définition de l’anarchisme qu’il écrivit pour la 11ème édition de L’Encyclopedia Britannica, 1910) –

En 1899, Malatesta était toujours un défenseur de la “propagande par le fait”, c’est à dire de la violence ciblée pour faire avancer l’Idée. 20 ans plus tard, il avait sérieusement mis de l’eau dans son vin, comprenant que cela était sans doute plus au détriment de la cause de la révolution sociale qu’en sa faveur. Nous ne sommes pas en faveur de la violence, mais demeurons convaincu de la nécessité de la légitime défense. Nous devons considérer le fait que les peuples du monde sont sous le joug d’institutions de mauvais gouvernements, d’un mauvais système qui ne perdurent que par l’exercice d’un monopole de la violence pseudo-légitime pour préserver ce qu’ils appellent la “paix civile/sociale”, qui n’est en fait que le statu quo de la domination et de l’exploitation oligarchique d’une vaste classe opprimée par une classe minoritaire privilégiée, détenant tous les leviers du système répressif politico-économique, exerçant de fait une violence sociale quotidienne sur ceux et celles qu’elle opprime, violence sociale se transformant de plus en plus souvent en violence physique envers ceux qui osent affirmer publiquement leur mécontentement.

Ainsi, les peuples sont en état de légitime défense permanente et sont en droit de lutter pour redresser tous les torts qui leur sont occasionnés et à lutter pour changer de paradigme politique, de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour abolir le système oppresseur coercitif en place et le remplacer par une société de paix et de justice sociale pour toutes et tous, égalitairement, sans recours à l’État, ses institutions obsolètes et criminelles, la propriété privée des moyens de production et de distribution, l’argent et le salariat, substitut moderne de l’esclavagisme qui n’a aucun lieu d’être.

Dans ce texte ci-dessous que nous pensons inédit en français, Malatesta, dans son style unique direct et sans détour qui fait son charme incontestable, nous livre sa pensée sur le chemin à prendre pour une société plus juste et meilleure aux antipodes du marasme socio-politique dont nous vivons en ce premier quart du XXIème siècle, sans doute les premiers soubresauts de son entrée en phase terminale d’effondrement.

Il ne tient qu’à nous, unis, ensemble, de fonder cette nouvelle société antiautoritaire, non-pyramidale, égalitaire, non-hiérarchique et donc libre, société des sociétés humaine qui aura embrassé la complémentarité dans sa diversité culturelle et par là même, définitivement lâché prise de tous les antagonismes induits, fabriqués depuis des siècles par le système oppresseur et ses timoniers sociopathes pour nous maintenir dans la division, le conflit, la haine, la précarité, la jalousie, la violence et la stupidité.

Pour agrémenter ce texte simple et lumineux de ce grand penseur et activiste que fut Malatesta, nous ajoutons dessous, quelques textes essentiels à (re)lire et diffuser sans aucune modération. Bonne lecture !

~ Résistance 71 ~

 


Malatesta, écrits choisis

 

Vers l’anarchie

 

Errico Malatesta

 

Publié dans “La questione sociale” de décembre 1899

 

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

 

Mai 2019

On pense généralement que nous, parce que nous nous disons révolutionnaires, nous attendons que l’anarchie arrive d’un seul coup, comme le résultat immédiat d’une insurrection qui attaque violemment tout ce qui existe et le remplace avec de toutes nouvelles institutions. Pour dire la vérité, une telle idée ne manque pas chez certains compagnons qui conçoivent aussi la révolution de la sorte.

Ce préjugé explique pourquoi tant d’opposants honnêtes pensent l’anarchie être impossible et explique aussi pourquoi certains compagnons, écœurés par la condition morale actuelle du peuple et voyant que l’anarchie ne peut pas se réaliser bientôt, navigue entre un dogmatisme extrême qui les aveugle des réalités de la vie et un opportunisme qui leur fait pratiquement oublier qu’ils sont anarchistes et que l’anarchie est ce pour quoi ils doivent lutter.

Bien sûr le triomphe de l’anarchie ne peut pas être la conséquence d’un miracle, il ne peut pas survenir en contradiction avec les lois du développement (un axiome de l’évolution qui dit que rien ne peut se produire sans une causalité suffisante) et que rien ne peut être accompli sans les moyens adéquats.

Si nous voulions substituer un gouvernement pour un autre, qui impose ses désirs aux autres, on n’aurait qu’à combiner les forces matérielles dont on a besoin pour résister aux oppresseurs actuels et nous mettre ensuite à leur place.

Mais nous ne voulons pas cela ; nous voulons l’anarchie qui est une société fondée sur l’accord libre et volontaire, une société dans laquelle personne ne peut forcer ses désirs sur les autres et où chacun peut faire comme bon lui semble et réunir ensemble toute la volonté libre pour le bien-être de la communauté. A cause de cela, l’anarchie ne connaîtra pas un triomphe universel et définitif tant que les Hommes ne voudrons pas seulement ne plus être commandés mais aussi ne voudrons plus commander ; l’anarchie ne viendra pas à moins qu’ils comprennent les avantages de la solidarité et ne saurons pas comment organiser un plan de vie sociale au sein duquel il n’y aura plus aucune trace de violence, de coercition et d’imposition de quoi que ce soit.

Alors que la conscience, la détermination et la capacité des hommes se développent continuellement et trouve des moyens d’expression dans la modification graduelle du nouvel environnement et dans la réalisation des désirs en proportion de leur être formé, ainsi en est-il de l’anarchie. L’anarchie ne peut venir que petit à petit, doucement mais sûrement, croissante en intensité et en extension.

Ainsi le sujet n’est pas peut-on arriver à l’anarchie aujourd’hui, demain ou dans dix siècles, mais que nous marchions vers l’anarchie aujourd’hui, demain et toujours. L’anarchie est l’abolition de l’exploitation et de l’oppression de l’Homme par l’Homme, c’est à dire l’abolition de la propriété privée et du gouvernement ; l’anarchie c’est la destruction de la misère, des superstitions, de la haine. Donc, tout coup porté contre les institutions de la propriété privée et le gouvernement, toute exaltation de la conscience humaine, tout dérangement des conditions présentes, tout mensonge démasqué, toute augmentation de l’esprit de solidarité et d’initiative, sont des pas supplémentaires vers la réalisation de l’anarchie.

Le problème réside dans le comment choisir le chemin qui nous rapproche vraiment de l’idéal et de ne pas rendre confus le véritable processus de réalisation avec des réformes hypocrites. Car avec le prétexte d’obtenir des améliorations immédiates, ces fausses réformes tendent à distraire les masses de la lutte contre l’autorité et le capitalisme ; elles servent à paralyser leurs actions et les font espérer en quelque chose à obtenir par la bonté et la bonne volonté des exploiteurs et des gouvernements. Le problème réside en savoir comment utiliser le peu de pouvoir que nous avons, que nous gagnons sans cesse, de la manière la plus économique et la plus avantageuse pour notre objectif.

Il y a dans chaque pays un gouvernement qui, avec force brutale, impose ses lois sur tout le monde ; il force tout le monde à être sujet de l’exploitation et de maintenir, que les gens aiment ou pas, les institutions existantes. Il interdit aux groupes minoritaires d’actualiser leurs idées et empêche les organisations sociales en général, de se modifier en accord et avec les modifications de l’opinion publique. Le cours normal pacifique de l’évolution est arrêté par la violence et donc avec la violence est-il nécessaire de rouvrir le cours de cette évolution. C’est pour cette raison que nous voulons une révolution violente aujourd’hui et que nous la désirerons toujours, aussi longtemps que l’Homme est soumis à l’imposition de choses qui vont à l’encontre de ses désirs naturels. Retirez la violence gouvernementale et la notre n’aura absolument plus aucune raison d’être.

Nous ne pouvons pas encore renverser les gouvernements établis ; peut-être demain depuis les ruines du gouvernement actuel, nous ne pourrons pas empêcher un autre similaire de venir. Mais ceci ne nous décourage en rien, ni aujourd’hui, ni demain, car résister à quelque forme d’autorité que ce soit, refuser toujours de se soumettre à ses lois dès que possible et constamment utiliser la force contre la force est une nécessité.

Chaque affaiblissement de quelque autorité que ce soit, chaque accession à plus de liberté, seront un progrès vers l’anarchie ; toujours à conquérir, jamais à demander, cela doit toujours servir notre plus grande force dans la lutte, nous renforcer, toujours nous faire considérer l’État comme un ennemi avec lequel il n’y a pas de paix possible, cela doit toujours nous rappeler que la diminution des maux du gouvernement consiste en la diminution de sa capacité de pouvoir et non pas en l’augmentation du nombre de dirigeants ou de les choisir pour diriger. Par gouvernement nous voulons dire toute personne ou groupe de personnes dans l’état, le pays, la communauté ou l’association qui ont le droit de faire les lois et de les imposer à ceux qui n’en veulent pas.

Nous ne pouvons pas encore abolir la propriété privée ; nous ne pouvons pas réguler les moyens de production nécessaires pour pouvoir travailler librement ; peut-être ne serons-nous pas capables de le faire dans le prochain mouvement insurrectionnel  ; mais cela ne nous empêche pas maintenant, ni dans le futur, de continuellement dénoncer et lutter contre le capitalisme. Chaque victoire, même la plus petite, remportée par les travailleurs contre les exploiteurs, chaque diminution de profits, chaque petite parcelle de richesse prise aux propriétaires particuliers et mis à la disposition de tous, sera un progrès, un pas de plus vers l’anarchie. Toujours ceci doit servir à agrandir les demandes des travailleurs et d’intensifier leur lutte ; toujours ceci doit être accepté comme une victoire sur l’ennemi et non pas une concession pour laquelle nous devons être reconnaissants. Nous devons toujours demeurer fermes dans notre résolution de prendre par la force dès que possible, ces moyens que les propriétaires, protégés par les gouvernements, ont volé aux travailleurs.

Le droit de la force ayant disparu, les moyens de production étant placés sous la gestion de tous ceux qui veulent produire, le reste doit être le fruit d’une évolution pacifique.

Ce ne sera pas encore l’anarchie, ou ce le sera pour ceux qui le veulent et seulement pour ces choses qui peuvent être faites sans la coopération des non-anarchistes. Ceci ne veut pas nécessairement dire que l’idéal de l’anarchie ne fera pas ou peu de progrès, car petit à petit, ses idées s’étendront à toujours plus d’hommes et de femmes et plus de choses seront acceptées et faites jusqu’à ce que cela se soit étendu à toute l’humanité et à toutes manifestations de la vie.

Ayant renversé les gouvernements et toutes les institutions dangereuses existantes défendues avec force, après avoir conquis la liberté complète pour tout le monde et avec elle, le droit de jouir des moyens de production sans lesquels la liberté ne serait qu’un mensonge de plus, et durant le temps où nous luttons pour arriver à ce point, nous n’avons aucune intention de détruire ces choses que nous reconstruirons petit à petit.

Par exemple, les services de distribution de nourriture et de biens de consommation dans la société actuelle. Ceci est mal fait, géré de manière chaotique, à grande perte de matériel et d’énergie et seulement en vue d’intérêts capitalistes de profit, mais d’une manière ou d’une autre, nous devons manger. Il serait absurde de vouloir désorganiser le système de production et de distribution de la nourriture à moins que nous ne pouvions lui substituer quelque chose de meilleur et de plus juste.

Il y a un service postal. Nous avons des milliers de critiques à lui adresser, mais en même temps, nous l’utilisons pour envoyer des lettres et nous continuerons à l’utiliser, souffrant de tous ses maux, jusqu’à ce que nous soyons capables de le remplacer.

Il y a des écoles, mais comment sont-elles inefficaces. Cependant nous ne permettrons pas à nos enfants de demeurer ignorants, refusant l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Dans le même temps nous attendons et luttons pour un temps où nous serons capables d’organiser un système modèle d’école qui prendra en compte tout le monde.

De cela, nous pouvons voir que pour parvenir à l’anarchie, la force matérielle n’est pas la seule à mettre en œuvre pour faire la révolution ; il est aussi essentiel que les travailleurs, regroupés dans les branches variées de la production, se placent dans une position qui assurera le bon fonctionnement de la vie sociale, sans l’aide ou le besoin des capitalistes ou des gouvernements.

Nous voyons également que les idéaux anarchistes sont bien loin d’être en contradiction, comme l’affirment ces “socialistes scientifiques” (NdT: les marxistes), des lois de l’évolution prouvées valides par la science ; ils sont un concept qui va parfaitement à ces lois ; ils sont le système expérimental amené du terrain de la recherche à celui de la réalisation sociale.

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Lectures complémentaires:

Errico Malatesta, écrits choisis

La Morale Anarchiste de Kropotkine)

Erich_Mühsam la liberté de chacun est la liberté de tous

petit_precis_sur_la_societe_et_letat

Appel au Socialisme Gustav Landauer

Manifeste pour la societe des societes

Daniel_Guerin_L’anarchisme

Un monde sans argent: le communisme

Entraide_Facteur_de_L’evolution_Kropotkine

Dieu et lEtat_Bakounine

L’anarchisme-africain-histoire-dun-mouvement-par-sam-mbah-et-ie-igariwey

Ecrits-choisis-anarchistes-sebastien-faure-mai-2018

Rudolph Rocker_Anarchie de la theorie a la pratique

Un-autre-regard-anarchiste-sur-la-vie-avec-emma-goldman

James-C-Scott-Contre-le-Grain-une-histoire-profonde-des-premiers-etats

Chiapas-Feu-et-Parole-dun-Peuple-qui-Dirige-et-dun-Gouvernement-qui-Obeit

Paulo_Freire_La_pedagogie_des_opprimes

zenon_pourquoi suis je anarchiste ?

Zenon_Inversion

3ri-et-societe-des-societes-du-chiapas-zapatistes-aux-gilets-jaunes-en-passant-par-le-rojava-fevrier-2019

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Leducation-comme-pratique-de-la-liberte_Paulo_Freire_1965

Paulo_Freire_Extension ou Communication

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