Archive pour effondrement des médias

Résistance politique et réflexion sur les médias…

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De l’autre côté du miroir

Réflexions sur les médias

 

Salto subversion & anarchie

2013

 

« Je ne sais pas ce que vous entendez par “gloire” », dit Alice. Humpty Dumpty sourit d’un air méprisant : « Bien sûr que vous ne le savez pas, puisque je ne vous l’ai pas encore expliqué. J’entendais par là : “Voilà pour vous un bel argument sans réplique !” » « Mais “gloire” ne signifie pas “bel argument sans réplique” », objecta Alice. « Lorsque moi j’emploie un mot, répliqua Humpty Dumpty d’un ton de voix quelque peu dédaigneux, il signifie exactement ce qu’il me plaît qu’il signifie, ni plus, ni moins. » « La question, dit Alice, est de savoir si vous avez le pouvoir de faire que les mots signifient autre chose que ce qu’ils veulent dire. » « La question, riposta Humpty Dumpty, est de savoir qui est le maître… C’est tout. » (Lewis Carroll, De l’autre côté du miroir.)

En Europe, l’État moderne a hérité, en le sécularisant et en l’adaptant aux besoins du capitalisme, du mode de représentation spécifique au christianisme. La démocratie avec les institutions et les formes de représentation qui l’accompagnent et qui la sanctifient – dont les médias sont l’une des pièces maîtresses -, est véritablement le ciel idéalisé du monde terrestre du capital. Elle rappelle, par bien des côtés, l’univers chrétien avec ses fidèles, ses rites, sa hiérarchie ecclésiastique et même ses hérétiques. Les citoyens continuent, sous des costumes profanes, à se comporter en partie comme des chrétiens. Ils protestent parfois contre les abus des ministres terrestres du dieu démocratique et contre la fourberie des interprètes de sa parole, à l’occasion de façon impertinente, en les insultant, en les chassant et parfois en les rossant. Il leur arrive même de refuser de participer aux cérémonies présidant au choix et à l’intronisation de leurs élus par l’intermédiaire des élections – encore le jargon religieux ! Mais ils ne vont pas jusqu’à briser l’idole et à rejeter en totalité le système global de représentation qui l’enveloppe. Là, ils restent paralysés, comme frappés de terreur sacrée face à l’ampleur du sacrilège. Malgré leurs poussées de colère et de méfiance, ils continuent à y croire et à l’accepter pour autant qu’il prenne des apparences plus aimables, fasse mine d’écouter leurs doléances et de les rapporter aux représentants du peuple souverain. Et nombre de contestataires qui crachent sur la mise en spectacle de la réalité effectuée par l’institution étatique n’hésitent pourtant pas à céder aux appels de pied des médias, voire à les solliciter.

Il est donc impossible d’en rester à la stigmatisation des médias pour leurs omissions, leurs déformations, leurs falsifications, leurs calomnies, leur rôle de relais de la police, etc. Sinon, la rupture avec les bases même de l’État, telles qu’elles furent constituées à l’époque de la prise du pouvoir par la bourgeoisie, reste incomplète. Car les illusions sur la possibilité d’utiliser les médias sont la conséquence et la consécration de celles, concomitantes à la création et à la consolidation de l’État démocratique, sur la possibilité de prendre part aux assemblées souveraines, en premier lieu l’assemblée parlementaire, dans l’objectif de les transformer en tribunes de diffusion des idées subversives. L’auréole qui entourait, au lendemain de la Commune de Paris, la représentation parlementaire devait finalement, vu la multiplication des dispositifs et des médiations mis en place dans tous les domaines de la vie sociale, et vu la résorption relative de la politique dans l’économie et dans le social, être élargie à la représentation en général, au fur et à mesure que le capital labourait et domestiquait l’ensemble de la société.

C’est ainsi que le spectacle de la politique, désormais bien décrépi, est devenu le spectacle du monde par l’intermédiaire des médias, la culture jouant ici le rôle de l’une des prothèses essentielles de la politique. Par suite, quasi personne ne pense plus à participer aux élections (nationales ou communales) dans l’objectif de les retourner pour en faire des tribunes et pour en faciliter le dynamitage en cas d’insurrection. Par contre, l’argumentation de type léniniste, employée hier pour justifier la participation à la tribune parlementaire, est reprise presque à l’identique aujourd’hui pour affirmer que les révolutionnaires peuvent utiliser, à l’occasion, les tribunes que représenteraient les médias pour communiquer leurs idées – la communication est la transcription du terme désormais suspect de propagande. Bien entendu, face aux réticences que génèrent leur « subtile » tactique, à peu près aussi « subtile » que le parlementarisme des partis communistes d’antan, les adeptes de la dissidence journalistique déposent les mêmes bémols sur la même partition usée jusqu’à la corde, avec des promesses solennelles du genre : « L’utilisation des médias ne sera pas le nombril de notre activité. » Mais, dès que l’on a mis le pouce dans les engrenages de la représentation, il est difficile de l’en retirer et il n’est pas rare que, peu à peu, le corps y passe en entier, tête comprise. Dans Humain, trop humain, Nietzsche a bien résumé le processus amenant les individus, qui croient possible de jouer au plus malin avec la domination sans disposer du pouvoir réel, à en devenir de vulgaires partisans :

« À force de croire pouvoir endosser sans conséquences les rôles les plus divers, l’individu change peu à peu. À la fin, il n’est plus que ce qu’il croyait paraître. »

De même, l’antique préjugé religieux sur la toute-puissance attribuée au verbe est loin d’être dépassé, préjugé qui, hier encore, justifiait que les partis léninistes créent des fractions parlementaires, qui ne devaient pas participer aux commissions parlementaires et jouer seulement le rôle de tribuns du haut de leur perchoir. L’histoire du parlementarisme révolutionnaire a montré que les prétendus propagandistes étaient devenus, en règle générale et à bref délai, des députés au sens le plus habituel du terme, leur phraséologie révolutionnaire camouflant leur activité de gestionnaires de l’État. De même aujourd’hui, on imagine parfois pouvoir faire irruption sur le terrain de la représentation médiatique pour le labourer, en quelque sorte, avec le langage de la subversion. Mais ce n’est que dans la mythologie biblique que les trompettes détruisirent les murailles de Jéricho. De telles conceptions, qui accordent des vertus quasi magiques au verbe révolutionnaire, pouvaient faire encore illusion lorsque le système de représentation officiel du capitalisme le traitait en permanence en ennemi, le censurait, l’ignorait, etc. Mais l’histoire des poussées révolutionnaires, en particulier celles des années 1960-1970 et de leurs échecs successifs, est passée par là. Leurs caractéristiques inédites, entre autres leur critique embryonnaire de la séparation politique et du rôle de laquais du pouvoir d’État joué par les médias institutionnels ont affecté en profondeur le système de représentation contemporain. Loin d’être la simple conséquence de l’évolution propre du capital, il est aussi l’exécuteur testamentaire des illusions de ces révoltes, en particulier de la tendance à charger le langage de plus de potentialités subversives qu’il ne peut en avoir. L’État démocratique a pu ainsi effectuer la neutralisation des idées qu’elles portaient plutôt que les interdire.

Désormais, le fossé est pour l’essentiel comblé. Lorsque des formes d’expression hostiles à la société semblent prendre de la vigueur et acquérir quelque influence hors des sentiers balisés, les pires ennemis ne sont plus les censeurs, mais les récupérateurs et les experts en reconnaissance sociale et étatique, des journalistes aux sociologues. La démocratie fonctionne ainsi : les choses qu’elle ne peut pas ignorer, elle les reconnaît pour mieux les réduire à rien en les vidant de leur sens. Pour les irréductibles qui refusent de jouer le jeu, il reste évidemment la coercition. Mais plus les oppositions que l’État arrive à séduire paraissent subversives, plus le système de représentation y gagne. L’essentiel est qu’elles ne dé- bouchent pas sur quelque tentative de transformation du monde. En la matière, le rôle des médias est déterminant. Il y a longtemps qu’elles ne se contentent plus de dépeindre sous des couleurs chatoyantes le monde capitaliste et de stigmatiser en bloc n’importe quelle tentative de le remettre en cause. Bien que le mensonge, en particulier le mensonge par omission, reste nécessaire, la domination actuelle est capable d’absorber sans crises majeures l’étalage des horreurs qui accompagnent son cours. Même la contestation peut parfois devenir marchandise, en particulier lorsqu’elle évolue sur le terrain politique et culturel. Là aussi, la récupération du refus embryonnaire de la politique, qui avait cours dans les années 1960-1970, a été décisive. La politique dite révolutionnaire est devenue objet de représentation officielle, après avoir perdu son sel réellement révolutionnaire. Les médias y gagnent la faculté de représenter de façon réifiée les révoltes, de purger les passions de ce qu’elles peuvent avoir de subversif, de transformer les rêves et les tentatives de bouleverser le monde en d’inoffensives rêvasseries qui ne changent rien à la vie de ceux qui participent au spectacle de la consolation citoyenne. Les médias ont en fait des informations au même titre que le reste, des masses de données à sélectionner, à traiter et à régurgiter aux spectateurs désabusés par le spectacle quotidien du monde, qui va de crises en catastrophes, mais toujours à la recherche de nouvelles drogues médiatiques, aussi excitantes qu’éphémères. Ainsi tourne le monde de la marchandise la plus moderne.

Face à la désaffection envers la politique et à la dégénérescence des partis en clans occupés à gérer les affaires courantes, l’État a reconnu qu’il ne pouvait plus régenter la société seulement par les moyens habituels : par la coercition sans phrases et la gestion administrative des populations. Il y a là des fissures peut-être pleines de risques qui apparaissent et le pouvoir d’État a horreur du vide. C’est pourquoi l’heure est au serrage de vis, mais aussi à la participation de tous au spectacle qu’offre la démocratie. La censure existe toujours par intermittence, mais c’est essentiellement l’autocensure qui domine. La domination moderne ne peut se maintenir par le biais de la seule contrainte imposée comme telle et sans faire participer ceux et celles qu’elle écrase, à des degrés divers, au maintien de leur propre subordination. Elle favorise donc la mise en place des médiations destinées à encadrer et à neutraliser les tentatives de contestation embryonnaires, tels les colloques, les discutions contradictoires et les consultations, relayés par les médias et parfois organisés avec eux, voire par eux, dans lesquels les associations de citoyens sont invitées à débattre et à donner leur avis sur les « questions de société », déjà tranchées pour l’essentiel dans les coulisses du pouvoir d’État, afin de participer à la cogestion de leur aliénation. Les médias, même les plus contestataires d’entre eux, constituent donc des pièces maîtresses du dispositif de neutralisation en cours d’institutionnalisation. Ils jouent le rôle de relais de l’État pour combler les vides générés par l’atomisation de la vie quotidienne, pour « resocialiser les citoyens » et leur « redonner goût à la politique », comme l’affirment les sociologues. En d’autres termes, les médias participent pleinement au processus de sélection et de reconnaissance par l’État de leaders, d’associations, de lobbys, etc., qui sont censés représenter les forces d’opposition qui agitent la prétendue société civile. Au point que, contrairement à ce qui arrivait à l’époque de la reconnaissance par l’État des associations syndicales, il suffit aujourd’hui que telle ou telle vedette de la contestation soit reconnue par les médias comme interlocuteur pour que l’on dise d’elle qu’elle est représentative. Sans même savoir de qui et de quoi. Les médias donnent ainsi quelque apparence de force à des choses qui, parfois, en ont peu, ou pas du tout.

Dans de telles conditions, l’idée d’utiliser à l’avantage des révolutionnaires les niches médiatiques que le pouvoir leur concède n’est pas seulement illusoire. Elle est franchement dangereuse. Leur seule présence sur les plateaux ne suffit à fissurer le carcan de l’idéologie dans la tête des spectateurs. À moins de confondre puissance d’expression et puissance de transformation et à croire que le sens de ce que l’on exprime, par la parole, par la plume, par l’image, etc., est donné a priori, sans avoir à se préoccuper de savoir qui a le pouvoir de le faire. Il y aurait là du contenu qui pourrait exister sous des formes diverses sans en être affecté. Vieille illusion du monde réifié dans lequel les activités apparaissent comme des choses en soi détachées de la société. Mais pas plus que d’autres formes d’expression, la forme subversive du langage est la garante de l’incorruptibilité du sens. Elle n’est pas immunisée contre les dangers de la communication. Il suffit de l’exprimer sur les terrains propres à la domination pour en miner la signification, voire pour l’inverser.

C’est très exactement ce qui arrive sur le terrain des médias, lorsque l’on accepte d’y intervenir, même de façon insolente. Séparées de l’ensemble des conditions qui participaient à leur donner leur sens, les idées contestataires, même lorsque les médias n’y changent pas la moindre virgule, n’apparaissent plus que comme des opinions balancées sur le marché médiatique des idées, comme des interprétations du monde, voire des interprétations de la transformation du monde, parmi d’autres, bref des prises de position sans conséquences réelles. Au fond, il arrive ici, par exemple dans les tables rondes, ce qui est déjà advenu à l’époque de la naissance du parlementarisme. Des députés d’opposition prononçaient même parfois dans l’hémicycle des discours incendiaires qui les conduisaient en prison. Pourtant, en acceptant d’intervenir sur le terrain de la représentation politique, dont la clé de voûte était alors la Chambre des députés, ils apportaient de l’eau au moulin de la domination. À l’origine, ils pensaient sans doute diffuser leurs discours révolutionnaires en direction des populations qui, pétries d’illusions démocratiques, étaient à l’écoute de ce qui était débattu dans l’enceinte parlementaire. En réalité, ils étaient en train de passer de l’autre côté du miroir et commençaient à dialoguer avec le pouvoir d’État. Rien d’étonnant qu’ils aient fini, en règle générale, par y participer, voire par en prendre la direction. Car le spectacle n’est pas réductible à des ensembles d’images, mais il constitue le système de représentation dominant, intégré aux rapports sociaux entre des personnes, médiatisés par des images, rapports propres à la domination du capital. Partie intégrante de la domination, les médias participent également à l’instrumentalisation des relations sociales.

Avec l’introduction et la généralisation des nouveaux médias digitaux comme Internet, l’utilisation des « vieux » médias à des fins « subversives » semble laisser la place à l’intégration de toute une génération d’activistes, voire de révolutionnaires et d’anarchistes, dans les sphères virtuelles. Même quand ils identifient ces médias et leurs corollaires « participatifs » et « sociaux » comme des instruments de la domination, ils croient pouvoir en faire un usage qui nuirait à cette nouvelle forme de production de la pacification sociale. Mais le contenu cède rapidement la place aux exigences inhérentes à ces instruments et à toute la technologie de communication : rapidité, compatibilité avec l’ensemble, réductionnisme, reconnaissance par et dans le spectacle virtuel, efficacité. La subversion dans la pensée et dans les actes ne peut être imaginée que comme un mouvement de libération de telles caractéristiques. La représentation dans le monde virtuel suit la même ligne logique qui va de l’assemblée parlementaire aux médias : elle suscite l’illusion de combler la lacune entre les discours révolutionnaires et les véritables poussées subversives et reculs dans les rapports sociaux. Ce qui peut être représenté, ne saurait longtemps résister à l’intégration dans la gestion moderne de l’ordre.

Les spectateurs, même les plus informés, n’en restent pas moins des spectateurs. Il règne entre eux le silence ou le rabâchage des clichés aussi protéiformes que banals qui correspondent aux rapports entre marchandises. Ils restent isolés ensemble. Toutes les formes de langage leur sont alors étrangères et s’autonomisent comme discours du pouvoir. Le spectacle est l’inverse du dialogue, de la rencontre et de la recherche d’affinités pour combattre le système qui nous sépare et nous traite comme des objets manipulables à volonté. Refusons donc des formes d’instrumentalisation, telles que la participation au spectacle médiatique, et traitons-les comme elles le méritent : en ennemies. N’oublions jamais que, séparés de l’activité subversive, les modes d’expression, aussi subversifs qu’ils puissent paraître, finissent par perdre leur saveur. À nous de mettre en œuvre nos modes de dialogue, par la plume et par d’autres moyens qui nous sont propres.

= = =

Lectures complémentaires:

Manifeste pour la Société des Sociétés

Que faire ?

L’anarchie pour la jeunesse

petit_precis_sur_la_societe_et_letat

Appel au Socialisme Gustav Landauer

le bouclier du lanceur d’alerte

 

Média, mensonge et propagande: Les rouages du système médiatique… Entretien avec Michel Collon ~ 1ère partie ~

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L’information est trop importante pour la laisser aux seuls journalistes

 

Entretien avec Michel Collon

 

9 mars 2016

 

url de l’article:

http://www.michelcollon.info/L-information-est-trop-importante.html?lang=fr

 

2 ème partie

 

Pour nombre de nos collègues, Michel Collon, c’est l’horreur : hors de la bien-pensance médiatique, décryptant la manipulation de l’information organisée dans leurs journaux, télévisions ou radios pour égarer les citoyens, soulevant les lièvres sur la propagande de guerre, l’économie mondiale, les rapports de domination… Alors, c’est l’omerta.

Ce qu’il dit pourtant, notamment sur sa plateforme Investig’Action (1), est d’une pertinence redoutable. 

Ouvrier en usine à Liège, en Belgique, dans les années 1970, Michel Collon fait ses premières armes de journaliste en couvrant les grèves et luttes sociales pour Solidaire, hebdomadaire du Parti du travail de Belgique. En 1990, sa rédaction lui demande d’écrire sur la première guerre du Golfe. 

« Je ne connaissais rien au Moyen-Orient, ne parlais pas l’arabe, n’avais jamais été en Irak. J’ai donc essayé de me documenter. » 

Il lit Le Monde, regarde TF1, Antenne 2 (ex-France 2) et leurs équivalents belges, Le Soir, la RTBF et RTL. Puis il téléphone, envoie des fax à des experts du Moyen-Orient. Et là, surprise : 

« Les faits qu’on me présentait ici étaient complètement différents de ceux que j’entendais de là-bas. Je parle des faits, et non des opinions. Chacun a son opinion, mais les faits sont noirs ou blancs. » 

À la fin de la guerre, en 1991, il s’entoure d’une dizaine de personnes mobilisées, « dont un certain Majed Nehmé », et procède à ce qu’il appelle un « test-médias ». 

Tous les articles du Monde et du Soir de cette période sont passés par une grille de lecture : nombre de lignes, temps employé (présent ou conditionnel) et aspects de censure.

Et que vous montrait ce test-médias ?

C’était hallucinant : s’étalait devant nous le cortège de tout ce qui est interdit dans les écoles et manuels du journalisme : des informations sans source, non vérifiées, fabriquées, des victimes d’un camp attribuées à l’autre, etc. Avant le lancement des premiers missiles, on a compris qu’une autre guerre avait préparé l’intervention en Irak : celle de l’information. J’ai constaté plus tard les mêmes phénomènes en Yougoslavie et dans d’autres pays. De cela, j’ai tiré un principe : chaque guerre est précédée et accompagnée d’une propagande poussant l’opinion publique à l’approuver, ou en tout cas à ne pas la désapprouver.

Les envoyés spéciaux du Monde et du Soir produisaient exactement les mêmes infos ?

En fait, l’envoyé spécial est généralement utilisé pour valider l’opinion dominante du journal. On appelle cela le « Hilton journalisme » : le rédacteur interroge un barman ou un chauffeur de taxi pour confirmer dans son papier deux ou trois infos qui ont été décidées à Paris ou Bruxelles. Mais, de temps en temps, il arrive que l’un d’eux, spécialement courageux, donne sa propre version des faits. Il voit alors son papier déformé ou retitré par la rédaction centrale. On a des exemples frappants de titres réécrits à Paris ou Bruxelles qui disent exactement le contraire du contenu des articles. Or, sachant que la plupart des gens ne regardent que les titres… Le journaliste américain Peter Arnett a rué dans les brancards lorsqu’il s’est rendu compte qu’il était exploité par sa chaîne. Je l’ai rencontré à Bagdad en 2002 et il était très en colère sur la couverture CNN de l’Irak (2).

Les sources sont-elles toujours accessibles ?

Absolument. Nul besoin d’être Superman ou de se transformer en plombier ou en espion pour accéder à l’info, car les sources sont là, à portée de main. Et elles sont souvent données par les pays eux-mêmes. Aux États-Unis par exemple, tout est écrit noir sur blanc sur les rapports du Congrès, des think tanks, etc. Les États-Unis disent toujours ce qu’ils font, pourquoi ils le font et comment ils le feront mieux la prochaine fois. Au sein de la presse occidentale, il suffit de lire les Américains contredire les Français, lesquels les désavouent à leur tour. Ou encore les Allemands ou les Italiens, jamais bien d’accord avec les guerres qui nuisent à leurs intérêts – en Libye par exemple –, qui n’hésitent pas à balancer des infos, via leurs services secrets, contre les Français, les Britanniques ou les Américains… 

Avec Internet, on trouve très facilement d’autres sources, parfois moins audibles, de l’autre camp par exemple. Dire qu’on n’a pas accès à l’info est donc un prétexte qui ne tient plus.

Mais les journalistes n’ont souvent pas les moyens d’exercer leur métier de façon indépendante et approfondie…

Je ne suis pas d’accord : les journalistes doivent justement aller chercher ce qu’on leur cache. Quand ils disent qu’ils n’ont pas eu l’info, cela veut dire qu’ils n’ont pas su ou voulu la chercher… Qu’on déforme les faits n’est pas nouveau. Lorsque Jules César écrit La Guerre des Gaules, il cache soigneusement ce qui le dérange. On ment aussi à chaque fois qu’on parle de questions économiques et sociales, parce que la politique économique et sociale est une guerre à part entière. On fait croire que des mesures prises défendent tout le monde, alors qu’elles n’avantagent que 1 % de la population.

Que pensez-vous des journalistes qui renoncent à consulter des sources au motif qu’elles pourraient nuire à la ligne de leur journal ?

Je fais une distinction entre médias et journalistes, car les journalistes n’ont pas de pouvoir dans leur média. Cela étant dit, les journalistes se divisent en trois catégories : 5 à 10 % représentent le haut du gratin, vivent très bien, mentent et le savent ; 5 à 10 % travaillent courageusement et difficilement, cherchent à donner la parole aux deux camps, respectent une déontologie. Et le reste : 80 ou 90 % de journalistes qui font leur boulot mais ont aussi une famille à nourrir. Ils ne sont pas forcément malhonnêtes, mais sont placés dans une situation de prolétaires de l’info. On ne leur demande plus d’aller sur le terrain, de faire des enquêtes, de vérifier leur information. Pis : on les en empêche. 

Parce qu’avec la commercialisation de plus en plus forte des médias, jouer Tintin n’est pas rentable : il faut vendre de la pub. Rappelez-vous la fameuse citation de Patrick Le Lay, alors PDG de TF1 : « Ce que nous vendons à Coca-Cola, c’est du temps de cerveau humain disponible. » Le journaliste est juste bon à recopier les dépêches des gouvernements, administrations, entreprises, lobbys, armée. Lorsqu’il arrive au bureau, les informations qu’il doit transmettre sont déjà sur sa table. Il transforme une matière première – la dépêche, le communiqué – en un produit fini – une brève, un papier – qui permet d’engranger de la pub. Il est devenu un prolétaire non seulement mal payé, mais sciemment précarisé. La raison est toute simple : il doit impérativement rester dépendant de son média. 

Pas mal de journalistes prétendent que je les critique. C’est un réflexe purement corporatiste. Ce que je dénonce, ce n’est pas eux, mais le système des médias, c’est-à-dire les patrons, généralement bien placés et très riches. Regardez les grands médias en France. Ceux qui sont à la tête du Figaro, du Monde, de Libé ou de TF1 sont des milliardaires, la plupart liés à l’armement, à Israël et profitant généreusement des guerres menées par la France. Ce sont eux qui décident de ce que vous allez lire, qui désignent « les gentils » et les « méchants », etc.

Mais il existe des médias du service public qui ne dépendent pas principalement de la publicité…

Le service public subit aussi le filtre de la publicité. Comment pourrait-il dénoncer les crimes de Total alors que Total paie grassement ses passages à l’écran ? Comment peut-il appeler à une révolution des transports quand Renault et Peugeot assurent une partie du budget des médias ? Et il y a d’autres filtres. Par exemple les liens entre les dirigeants – ou les journalistes vedettes – des médias et les responsables des affaires et politiques. Ces gens viennent du même monde, et les vases communiquant entre eux biaisent tout accès à l’information. Enfin, il ne faut pas négliger une chose : l’idéologie dominante touche toute la société, et l’individu doit faire un très gros travail sur lui-même pour trier le vrai du faux… Les médias ne sont donc pas libres. La presse est dominée par le 1 % qui nous vend son point de vue.

Y compris en censurant les faits et opinions divergents ?

La censure de l’information est logique dans un système de propagande. Dans leur ouvrage La Fabrication du consentement, Herman et Chomsky expliquent que le but des médias n’est pas d’informer le citoyen, mais de lui faire approuver la politique de son gouvernement. Lorsqu’on est dans un système de propagande, on écarte complètement les principes de base enseignés dans les écoles de journalisme : écouter les deux parties, vérifier les faits, permettre aux lecteurs de se faire une opinion. Aujourd’hui, Le Monde est la voix du CAC 40, Libération celle de ses patrons… On assiste à un phénomène qui se développe de plus en plus : l’achat de médias par des patrons de multinationales. Ces opérations ne leur rapportent pas forcément de l’argent, mais elles leur permettent de contrôler l’opinion et de promouvoir leurs intérêts ainsi que leur guerre. Toutes les guerres sont économiques, je l’ai toujours affirmé. Le rôle des médias est de faire le service promotion de ces guerres. 

Durant la guerre du Kosovo, des dizaines de journalistes grecs étaient sur place, mais la presse occidentale n’en a pas tenu compte : leurs dépêches ne correspondaient pas au scénario officiel. Le Monde a titré « 100 000 morts au Kosovo », ce qui était totalement faux… Le reportage à Pristina de Régis Debray a été donné à lire à Bernard-Henri Lévy avant même sa publication dans Le Monde (3), ce qui a permis à ce dernier d’aussitôt activer la propagande… Cette censure appelle deux commentaires. L’arrogance coloniale d’abord : l’idée de se référer à des journalistes grecs, mais aussi russes, chinois, palestiniens est impensable, car ils sont forcément suspectés de servir un camp… Contrairement à leurs confrères de Paris, Londres et Bruxelles qui, eux, ne font jamais de propagande ! L’ethnocentrisme des médias est terrible. Régis Debray avait écrit : « Ils ont enlevé le casque, mais dessous la tête est restée coloniale. » On en est exactement là. 

Deuxième remarque : les médias censurent en effet tout ce qui ne correspond pas à la ligne qu’ils défendent. Rappelez-vous Timisoara en 1989, au moment du renversement de Ceausescu. Un charnier de 4 630 cadavres – un chiffre dont la précision peut déjà étonner – est découvert. On affirme alors que ces victimes ont été éventrées à la baïonnette par la police politique du président roumain. À l’époque, quelques cadavres sont montrés à la presse, parmi lesquels une femme avec un bébé posé sur son ventre dont la photo fera le tour du monde… Le rédacteur en chef de Solidaire, qui était médecin (nous n’étions pas des professionnels du journalisme), a tout de suite vu l’erreur : primo, les corps étaient recousus bien droit du pubis jusqu’à la gorge. « Très fort quand on éventre à la baïonnette ! », m’a-t-il dit. Secundo : le cadavre de la femme était blanc alors que celui de son bébé avait noirci, marque d’une décomposition avancée du corps. Pour mon rédacteur en chef-médecin, ces morts avaient donc non seulement subi une autopsie, mais n’étaient pas morts à la même date.

Nous avons décidé de titrer en une de notre hebdomadaire « Timisoara : les images, c’est bidon », en communiquant l’article à toute la presse. Bien sûr, il y a eu un silence total. Trois semaines plus tard, un journal allemand titrait « Timisoara, c’est bidon » et publiait les mêmes analyses. En fait, Timisoara était une vaste mise en scène à laquelle ont adhéré les journalistes. Pas tous, heureusement. Colette Braeckman, envoyée spéciale du Soir, avait écrit qu’elle n’y avait rien vu. Ses patrons lui ont répondu qu’elle se trompait. Ils ont titré : « Charnier à Timisoara »…

Que peuvent faire les journalistes contre les détournements de leur direction ?

Colette Braeckman a eu le courage de dénoncer cette grande manipulation. Le fait est assez exceptionnel pour être rapporté, car les médias occidentaux ne font jamais leur autocritique ni ne procèdent à l’analyse de leurs erreurs. Il y a là un vrai syndrome du journaliste qui se prend pour Dieu, sait tout et ne s’excuse jamais. S’il commençait par se dire : « Je ne sais pas, je vais vérifier », s’il admettait après coup s’être trompé ou avoir été manipulé, il aiderait les citoyens à mieux appréhender l’information et à ne pas l’avaler comme une pizza. Mais cette posture est interdite par l’audimat, la concurrence, la rivalité. Aujourd’hui, il faut être les premiers, les meilleurs, ne pas subir d’autocritique… et surtout ne jamais admettre que de « petits » journalistes sur Internet ou dans un « petit » magazine font mieux qu’eux. Sinon ils perdraient totalement leur raison d’être. La loi du silence les protège.

 

Propos recueillis par Samy Abtroun, Jacques-Marie Bourget, Majed Nehmé, Corinne Moncel et Hassen Zenati

 

Notes :

(1) http://www.investigaction.net/

(2) Peter Arnett sera licencié par CNN en 1998 pour avoir mis en cause le comportement de l’armée américaine pendant la guerre du Vietnam, puis en 2003 par la chaîne NBC pour avoir critiqué la stratégie américaine en Irak.

(3) Dans sa « Lettre d’un voyageur au président de la République », datée du 13 mai 1999, l’anti-guerre Régis Debray écrit notamment : « À Pristina, où vivent encore des dizaines de milliers de Kosovars, on peut déjeuner dans des pizzerias albanaises, en compagnie d’Albanais. » Le lendemain, l’interventionniste Bernard-Henri Lévy critiquera en une du Monde « l’hallucinante naïveté de ce maître médiologue, expert en soupçon et en pensée critique, que l’on voit gober sous nos yeux les plus énormes bobards de la propagande serbe ». 

Fin de la 1ère partie de l’interview (à suivre)

Média propagande et Nouvel Ordre Mondial: La sauce propagandiste occidentale ne prend plus…

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Vers la fin de la propagande états-uniennes

 

Thierry Meyssan

 

21 Avril 2014

 

url de l’article original:

http://www.voltairenet.org/article183332.html

 

L’Empire anglo-saxon est basé depuis un siècle sur la propagande. Elle est parvenue à nous convaincre que les États-Unis sont « le pays de la liberté » et qu’ils ne livrent de guerres que pour défendre leurs idéaux. Mais la crise actuelle à propos de l’Ukraine vient de changer les règles du jeu : désormais Washington et ses alliés ne sont plus les seuls locuteurs. Leurs mensonges sont ouvertement contestés par le gouvernement et les médias d’un autre grand État, la Russie. À l’heure des satellites et de l’Internet, la propagande anglo-saxonne ne fonctionne plus.

Depuis toujours les gouvernants tentent de convaincre de la justesse de leurs actes, car jamais les foules ne suivent les hommes qu’elles savent mauvais. Le XXème siècle a été le théâtre de méthodes nouvelles de propagation d’idées qui ne s’encombraient pas de la vérité. Les Occidentaux font remonter la propagande moderne au ministre nazi Joseph Goebbels. C’est une manière de faire oublier que l’art de fausser la perception des choses fut développé auparavant par les Anglo-Saxons.

En 1916, le Royaume-Uni créa la Wellington House à Londres, suivie par la Crewe House. Simultanément, les États-Unis créèrent le Committee on Public Information (CPI). Considérant que la Première Guerre mondiale opposait des masses et non plus des armées, ces organismes tentèrent d’intoxiquer leur propre population tout autant que celles de leurs alliés et que celles de leurs ennemis.

La propagande moderne commence avec la publication à Londres du rapport Bryce sur les crimes de guerre allemands, qui fut traduit en trente langues. Selon ce document, l’armée allemande avait violé des milliers de femmes en Belgique, les armées britanniques luttaient donc contre la barbarie. On découvrit à la fin de la Première Guerre mondiale que l’ensemble du rapport était une supercherie, faite de faux témoignages avec l’aide de journalistes.

De son côté, aux États-Unis, George Creel inventa un mythe selon lequel la Guerre mondiale était une croisade des démocraties pour une paix réalisant les droits de l’humanité.

Les historiens ont montré que la Première Guerre mondiale répondait à des causes autant immédiates que profondes, la plus importante étant la compétition entre grandes puissances pour étendre leur empires coloniaux.

Les bureaux britanniques et états-unien étaient des organismes secrets, travaillant pour le compte de leurs États. À la différence de la propagande léniniste, qui ambitionnait de « révéler la vérité » aux masses ignorantes, les Anglo-Saxons cherchaient à les tromper pour les manipuler. Et pour cela, les organismes étatiques anglo-saxons devaient se cacher et usurper de fausses identités.

Après la disparition de l’Union soviétique, les États-Unis ont négligé la propagande et lui ont préféré les Relations publiques. Il ne s’agissait plus de mentir, mais de tenir la main des journalistes pour qu’ils ne voient que ce qu’on leur montre. Durant la guerre du Kosovo, l’Otan fit appel à Alastair Campbell, un conseiller du Premier ministre britannique, pour raconter à la presse une histoire édifiante par jour. Pendant que les journalistes la reproduisaient, l’Alliance pouvait bombarder « en paix ». Le story telling visait moins à mentir qu’à détourner l’attention.

Cependant, le story telling est revenu en force avec le 11-Septembre : il s’agissait de concentrer l’attention du public sur les attentats de New York et de Washington pour qu’il ne perçoive pas le coup d’État militaire organisé ce jour-là : transfert des pouvoirs exécutifs du président Bush à une entité militaire secrète et placement en résidence surveillée de tous les parlementaires. Cette intoxication fut notamment l’œuvre de Benjamin Rhodes, aujourd’hui conseiller de Barack Obama.

Au cours des années suivantes, la Maison-Blanche installa un système d’intoxication avec ses principaux alliés (Royaume-Uni, Canada, Australie et bien sûr Israël). Chaque jour ces quatre gouvernements recevaient des instructions, voire des discours pré-écrits, du Bureau des médias globaux pour justifier la guerre en Irak ou calomnier l’Iran [1].

Pour diffuser rapidement ses mensonges, Washington s’appuyait, depuis 1989, sur CNN. Avec le temps, les États-Unis créèrent un cartel de chaines d’information satellitaires (Al-Arabiya, Al-Jazeera, BBC, CNN, France 24, Sky). En 2011, lors du bombardement de Tripoli, l’Otan parvint par surprise à convaincre les Libyens qu’ils avaient perdu la guerre et qu’il était inutile de résister encore. Mais en 2012, l’Otan a échoué à reproduire ce modèle et à convaincre les Syriens que leur gouvernement allait inévitablement tomber. Cette tactique a failli parce que les Syriens ont eu connaissance de la manipulation effectuée par les chaînes de télévision internationales en Libye et ont pu s’y préparer [2]. Et cet échec marque la fin de l’hégémonie de ce cartel de « l’information ».

La crise actuelle entre Washington et Moscou à propos de l’Ukraine a contraint l’administration Obama à revoir son système. En effet, désormais Washington n’est plus seul à parler, il doit contredire le gouvernement et les médias russes, accessibles partout dans le monde via les satellites et Internet. Le secrétaire d’État John Kerry a donc désigné un nouvel adjoint pour la propagande, en la personne de l’ancien rédacteur en chef de Time Magazine, Richard Stengel [3]. Avant même de prêter serment, le 15 avril, il occupait déjà sa fonction et, dès le 5 mars, envoyait aux principaux médias atlantistes une « fiche documentaire » sur les « 10 contre-vérités » que Vladimir Poutine aurait énoncées sur l’Ukraine [4]. Il récidivait le 13 avril avec une seconde fiche présentant « 10 autres contre-vérités » [5].

Ce qui frappe en lisant cette prose, c’est son ineptie. Elle vise à valider l’histoire officielle d’une révolution à Kiev et à discréditer le discours russe sur la présence de nazis dans le nouveau gouvernement. Or, on sait aujourd’hui qu’en fait de révolution, il s’agissait bien d’un coup d’État fomenté par l’Otan et mis en œuvre par la Pologne et Israël en mixant des recettes des « révolutions colorées » et des « printemps arabes » [6]. Les journalistes qui ont reçu ces fiches et les ont relayées connaissent parfaitement les enregistrements de conversations téléphoniques de l’assistante du secrétaire d’État Victoria Nuland, sur la manière dont Washington allait changer le régime au détriment de l’Union européenne, et du ministre estonien des Affaires étrangères, Urmas Paets, sur la véritable identité des snipers de la place Maidan. En outre, ils ont pris connaissance ultérieurement des révélations de l’hebdomadaire polonais Nie sur la formation deux mois avant le début des événements des émeutiers nazis à l’Académie de police polonaise. Quant à nier la présence de nazis au sein du nouveau gouvernement ukrainien, cela revient à clamer que la nuit est lumineuse. Il n’est pas nécessaire de se rendre à Kiev, il suffit de lire les écrits des ministres actuels ou d’écouter leurs propos pour le constater [7].

En définitive, si ces argumentaires permettent de donner l’illusion d’un consensus des grands médias atlantistes, ils n’ont aucune chance de convaincre des citoyens curieux. Au contraire, il est si facile avec Internet de découvrir la supercherie que ce type de manipulation ne pourra qu’entamer un peu plus la crédibilité de Washington.

L’unanimisme des médias atlantistes le 11-Septembre a permis de convaincre l’opinion publique internationale, mais le travail réalisé par des très nombreux journalistes et citoyens, dont j’ai été le précurseur, a montré l’impossibilité matérielle de la version officielle. Treize ans plus tard, des centaines de millions de personnes ont pris conscience de ces mensonges. Ce processus ne pourra que se développer avec le nouveau dispositif de propagande états-unien. En définitive, tous ceux qui relayent les argumentaires de la Maison-Blanche, notamment les gouvernements et les médias de l’Otan, détruisent eux-mêmes leur crédibilité.

Barack Obama et Benjamin Rhodes, John Kerry et Richard Stengel n’agissent qu’à court terme. Leur propagande ne convainc les masses que quelques semaines et contribue à les révolter lorsqu’elles comprennent la manipulation. Involontairement, ils sapent la crédibilité des institutions des États de l’Otan qui les relayent consciemment. Ils ont oublié que la propagande du XXème siècle ne pouvait réussir que parce que le monde était divisé en blocs qui ne communiquaient pas entre eux, et que son principe monolithique est incompatible avec les nouveaux moyens de communication.

La crise en Ukraine n’est pas terminée, mais elle a déjà profondément changé le monde : en contredisant en public le président des États-Unis, Vladimir Poutine a franchi un pas qui empêche désormais le succès de la propagande états-unienne.

[1] « Un réseau militaire d’intoxication », Réseau Voltaire, 8 décembre 2003.

[2] « L’OTAN prépare une vaste opération d’intoxication », par Thierry Meyssan, Komsomolskaïa Pravda , Réseau Voltaire, 10 juin 2012.

[3] « Le rédacteur en chef de Time Magazine, nouveau patron de la propagande US », Réseau Voltaire, 16 avril 2014.

[4] « Fiche documentaire du département d’État : 10 contre-vérités sur l’Ukraine », Réseau Voltaire, 5 mars 2014.

[5] « Note aux médias du Département d’État : 10 contre-vérités russes à propos de l’Ukraine », Réseau Voltaire, 13 avril 2014.

[6] « Ukraine : la Pologne avait formé les putschistes deux mois à l’avance », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 17 avril 2014.

[7] « Qui sont les nazis au sein du gouvernement ukrainien ? », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 2 mars 2014.

 

Média et propagande: Les merdias franchouillards ont du plomb dans l’aile…

Posted in actualité, altermondialisme, désinformation, Internet et liberté, média et propagande, neoliberalisme et fascisme, politique et lobbyisme, politique et social, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , on 8 février 2014 by Résistance 71

Excellent éditorial de Théophraste du Grand Soir, à mettre en parallèle avec notre article récemment traduit sur l’effondrement des médias de masse au pays du goulag levant. Il serait intéressant de connaître les derniers chiffes des comparses propagandistes du Monde, Figaro and co, mais cela ne doit pas être bien reluisant non plus.

Les merdias se meurent ? Abrégeons leur agonie… A trop vouloir en faire, la propagande devient un bruit de fond.. comme cette musique d’ascenceur que personne n’écoute… E la nave va.

« Il y a une guerre de l’information et nous sommes en train de la perdre. » (Hillary Clinton devant une commission du congrès, 2010)

— Résistance 71 —

 

La clope la picole, Libération et Charlie Hebdo, j’arrête quand je veux.

 

Théophraste du Grand soir

 

6 février 2014

 

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http://www.legrandsoir.info/la-clope-la-picole-liberation-et-charlie-hebdo-j-arrete-quand-je-veux.html

 

Les ventes de Libération sont passées en dessous de 100.000 exemplaires en décembre 2013. Le quotidien d’Édouard de Rothschild et du promoteur immobilier Bruno Ledoux (oui, Sartre et mort) a vu ses ventes en kiosques baisser de 28 %.

Les ventes de Charlie Hebdo s’effritent malgré un recours massif au pipi-caca-bite-cul et des sursauts éphémères dus à des « coups » où Mahomet est instrumentalisé. Les éditions Rotative (éditrices de Charlie Hebdo et Hara-Kiri) dont le gérant est Charb ont du plomb dans l’aile. Le bilan comptable notait en 2012 : « La situation financière de l’entreprise présente des éléments de fragilité ». Pour 2013 : « La situation financière de l’entreprise est fortement dégradée ».

En 2000, Charlie Hebdo et Libération avaient noué un partenariat pour des échanges d’encarts publicitaires. A ce jour, Laurent Joffrin (ex-vacancier avec Jean-Marie Le Pen) n’est plus à Libération (labellisé « de gôche » par Charlie Hebdo), mais au Nouvel-Observateur (propriétaire de Rue89). Qui se ressemble…

Nos fidèles lecteurs n’ont pas oublié comment Libération truqua naguère des paroles de Chavez pour en faire un antisémite (1) et comment Charlie Hebdo s’est livré à la même attaque ignominieuse contre Le Grand Soir (saloperie relayée par Rue89).

Faut-il se réjouir de la santé précaire de quelques-uns de ces calomniateurs ? Que non ! Manquerait plus qu’ils défuntent sans avoir confessé au Grand Prêtre de la Vérité Imprimée certains petits mensonges…

Théophraste R.(ex-fumeur-buveur-acheteur de journaux. Sevré à ce jour : corps sain, âme saine, idées claires).

(1) http://www.legrandsoir.info/Chavez-antisemitisme-et-campagne-de-desinf…