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Résistance politique à l’impérialisme (littéralement): Japon et anarchisme… Pas si incompatible qu’il n’y paraît…

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L’anarchisme au Japon avant la guerre

 

Robert Graham

 

Août 2015

 

url de l’article original:

http://robertgraham.wordpress.com/2015/08/15/japanese-anarchism-before-the-war/

 

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

 

Lutte de classe et anarchisme “pur” au Japon

En contraste avec le déclin du mouvemet anarchiste chinois des années 1920, d’après John Crump “les anarchistes au Japon étaient bien supérieurs dans leur organisation qu’ils ne le furent jamais et il y avait une floraison d’idées et de théories, particulièrement parmi les anarcho-communistes” (Crump, 1996). Les anarcho-communistes s’identifiaient comme les “purs anarchistes”. Ils critiquaient les concepts anarcho-syndicalistes du contrôle par les travailleurs des moyens de production existants. Comme le fit remarquer Hatta Shûzô (1886-1934): “Dans une société fondée sur la division du travail, ceux engagés dans la production vitale… auraient plus de pouvoir sur la machinerie de coordination que ceux engagés dans d’autres lignes de production.

Les “anarchistes purs” japonais proposèrent alors un système décentralisé de production communale “faite de manière autonome à l’échelle humaine” et où “la production jaillit de la consommation”, système fait pour répondre aux besoins et désirs individuels et locaux, en contraste avec un système existant de production où la consommation est dérivée par les demandes de la production. Sous un tel système de production décentralisée a l’échelle humaine, les gens “peuvent corrdonner eux-mêmes le processus de trasvail et de production” de façon à ce qu’il n’y ait plus besoin d’un “corps supérieur de contrôle et qu’il n’y ait plus de place pour le pouvoir et le conflit d’intérêt”.

Les partisans anarcho-syndicalistes japonais qui prônaient la lutte des classes furent d’accord pour dire que le système autoritaire existant devrait-être remplacé par la “propriété commune, où il n’y a plus d’exploiteur et d’exploité, plus de maître ni d’esclave”, la société étant “ravivée avec spontanéité et avec le libre accord mutuel de participation comme cœur central de toute l’affaire.” Mais pour créer une telle société une profonde transformation révolutionaire est nécessaire. Les anarcho-syndicalistes argumentèrent qu’un mouvement révolutionnaire ne pouvait prendre corps que par la participation des ouvriers et des travailleurs dans la lutte quotidienne contre le capitalisme et que ceci permettrait aux anarchistes de créer le mouvement nécessaire pour faire voir le jour à la communauté anarchiste à laquelle aspirent les “anarchistes purs”.

Contrairement aux affirmations de “lutte de classe” des anarcho-syndicalistes, les anarcho-communistes ne se tinrent pas à l’écart des luttes des travailleurs mais convainquirent la fédération anarchiste du travail Zenkoku Jiren, d’adopter une position anarcho-communiste annonçant que leur but n’était pas de prendre possession des moyens de production existants et de remplacer le capitalisme et le gouvernement par une administration issue des syndicats, mais de créer un système communal décentralisé de production fondé sur la technologie à l’échelle humaine, une position très similaire de celle adoptée par Murray Bookchin et le communalisme libertaire dans les années 1960. Le Zenkoku Jiren communiqua avec les paysans propriétaires les reconnaissant comme “une force cruciale qui pourra voir l’avènement d’une société alternative anarchiste basée sur la commune”, ceci en accord avec les principes émis par les “anarchistes purs”. (Crump 1996). Le bienfondé de cette vision pour une société alternative endorsée par le monde du travail japonais qu’il soit ouvrier ou paysan, vit le membership du Zenkoku Jiren croître jusqu’à plus de 16 000 membres dès 1931, tandis que la fédération anarcho-syndicaliste n’avait qu’environ 3000 membres.

Au début des années 1930, l’état japonais commença une poussée d’expansionnisme impérialiste concertée en envahissant la Manchourie, les autorités de l’état renouvelèrent leur campagne contre le mouvement anarchiste japonais qui était viscéralement anti-impérialiste. Devant l’occupation nipponne de la Manchourie, la Fédération Libertaire Japonaise appela tous les gens à “cesser la production militaire, de refuser le service militaire et de désobéir aux officiers”. Les organisations anarchistes furent interdites et des centaines d’anarchistes furent arrêtés. En 1936, le mouvement anarchiste organisé du Japon finit d’être écrasé par l’état.

 

Autogestion au Japon après la seconde guerre mondiale…

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Vive le contrôle de la production par les travailleurs au Japon (Seisan Kanri)

 

Patrick Le Tréhondat

 

25 Juin 2015

 

url de l’article original:

http://www.autogestion.asso.fr/?p=5276

 

En 1945, le Japon impérial est écrasé. Le pays est mis sous la coupe réglée des Américains et un semblant de démocratie se reconstruit. Le peuple japonais vient de sortir de plusieurs décennies d’un régime autoritaire et militariste. Un puissant désir de libération politique et sociale soulève le pays. Entre avril et mai de la même année, on recense 110 luttes pour le contrôle de la production (seisan kanri) par les travailleurs.

Des conflits sociaux éclatent dans tout le pays. Les travailleurs doivent alors affronter en plus de leur propre patron, un gouvernement hostile aux intérêts ouvriers et surtout un commandement et une armée américaine dirigés par le général Douglas MacArthur et le SCAP (Commandant suprême des forces alliées, en fait les USA). Les conflits portent autant sur des revendications économiques que sur le contrôle de la production.

Le premier quotidien japonais autogéré

Le quotidien Yomuri était dans les années 1930, l’un des trois plus importants quotidiens japonais. Ce journal était dirigé par Skoriki, farouche ultra-nationaliste. Pendant la guerre, le quotidien avait activement collaboré avec le régime fasciste nippon. En 1945, les employés du journal demandent la poursuite de Skoriki pour sa responsabilité dans la guerre et la démocratisation interne du journal. En octobre, 1 000 employés sur les 1 875 que compte le quotidien forment un syndicat. Outre les revendications démocratiques, ceux-ci exigent des augmentations de salaires, le respect du droit humains des employés et la démission collective des responsables de la rédaction. Le SCAP reste circonspect face à ce mouvement. En ce début d’occupation du pays, les autorités américaines entendent organiser la reconstruction du pays, mais elles ne peuvent pas totalement s’appuyer sur les couches dirigeantes issues de l’ancien régime. Aussi, le plus habilement possible, elle gère les contradictions sociales, veillant à ce qu’elles n’aillent pas trop loin. Si la légalisation des syndicats est acquise, pour autant le SCAP entend maintenir dans les limites raisonnables le mouvement de la lutte de classes. Ainsi, lorsque celles-ci sont dépassées, le général MacArthur intervient publiquement pour stopper des développements inquiétants. En mai 1946, il menace publiquement le mouvement populaire et ses manifestations et, plus tard, il interdit la grève générale de février 1947. La direction américaine flaire, à juste titre, un réel danger subversif dans cette ébullition nippone.

Face au refus attendu de la direction du Yomuri  de satisfaire les revendications des employés, un « comité de lutte » est élu dans tous les services du journal, et l’ensemble des comités sont coordonnés par une instance dite « suprême ». Le journal est alors occupé et le 25 octobre les salariés en prennent le contrôle. Un nouveau journal, qui porte toujours le nom de Yomuri, aux positons progressistes sort des  presses. Son tirage atteint 1 700 000 exemplaires. L’ensemble de la gauche (PS, PC et syndicats) le soutient. L’ancien directeur  Shoriki démissionne. Un nouveau conseil de gestion (keiei kyogikai) est élu et composé dans leqquel les salariés sont représentés pour moitié. Le 12 décembre 1945, l’éditorial du Yomuri annonce à ses lecteurs : « Jusqu’ici le journal a été l’organe des capitalistes, il a opprimé le peuple… Maintenant, Yomuri a été libéré du joug du capital… Nous proclamons qu’à partir de maintenant,  Yomuri deviendra le réel ami du peuple et un organe du peuple pour l’éternité ». Le Yomuri  était devenu le premier journal autogéré japonais.

Des productions en réseau

Dans les mines de Takahagi, du 6 avril au 14 juin 1947, les mineurs prennent, eux aussi, le contrôle de l’extraction de charbon et c’est le syndicat qui perçoit le produit des ventes. À la même période, les ouvriers de la chimie, les mineurs et les fermiers vivent une expérience étonnante.

Tokyo Gosei était une petite entreprise chimique qui devait fermer. Immédiatement, ses 190 salariés fondent un syndicat et décident de poursuivre la production sous leur propre gestion. Ils apprennent alors que les salariés d’une autre entreprise chimique de Tokyo, Edogawa Manufacturing (500 employés), ont pris la même décision et vendent leur production au nom de leur syndicat. Des contacts sont noués et il apparaît que Edogawa Manufacturing a besoin de la matière première produite par Tokyo Gosei. Aussi les ouvriers de Tokyo Gosei passent un accord avec les salariés de Edogawa Manufacturing pour leur vendre les produits dont ils ont besoin et encaissent ainsi 300 000 yens. Le même type d’accord commercial est passé avec une association de coopératives agricoles de Niigata forte de 15 000 membres pour lui vendre des fertilisants. Des coopérations ouvriers-paysans se tissent rapidement. Ainsi l’association des coopératives agricoles échange du riz contre du charbon avec des mineurs, mais leurs achats de fertilisants avec Tokyo Gosei  se paient en espèce. Tokyo Gosei vend également du méthanol à Edogawa Manufacturing qui achète en espèces du charbon aux mineurs.

En 1947, les usines de Nippo Kokan (NKK, sidérurgie) à Kawasaki et Tsurumi connaissent une forte mobilisation.  Les travailleurs considéraient tout simplement que si les revendications n’étaient pas satisfaites, ils devaient expulser les directions d’entreprise et assurer eux-mêmes la production. En 1946, le Japon connaissait une grave crise d’approvisionnement. Le syndicat de NKK obtint alors le droit de fabriquer du sel dans l’entreprise en utilisant son infrastructure industrielle, pour ensuite, le distribuer aux ouvriers qui pouvaient ainsi l’échanger au marché noir contre de la nourriture. Le syndicat met également en place « un comité de crise contre le ravitaillement » qui gère cette production et sa distribution. Ce comité négocie aussi avec la compagnie des « congés d’approvisionnement » qui devaient permettre aux ouvriers d’aller dans les campagnes faire leurs opérations de troc.  Ces opérations d’échange avaient lieu avec des coopératives qui allaient apporter des pommes de terre, plus tard, en solidarité avec les grévistes de NKK. Des terrains de la société laissés en friche sont également récupérés par le syndicat qui les cultive. Enfin des quantités de charbon sont allouées et distribuées par le syndicat. Cette appropriation syndicale des moyens de l’entreprise dans l’intérêt des salariés  renforçait la culture syndicale autogestionnaire. Dès 1946, le syndicat avait exigé un droit de veto sur les licenciements et le monopole de l’embauche. De son côté, la direction acceptait au mieux de consulter les représentants des travailleurs sur ces sujets.  Le 4 octobre 1946, la grève éclate. Le 9 octobre, la direction concède un droit de veto sur les principes de la politique d’embauche et les sanctions. Le syndicat accepte le compromis.

Alors qu’en janvier 1948, la direction refuse une augmentation salariale, le syndicat se met à examiner les livres de comptes de l’entreprise et attire l’attention de tous sur les dépenses somptuaires de la direction. Il donne consigne à ses sections d’atelier de contrôler le matériel et de signaler tout gaspillage. Le résultat de cet « audit » syndical connu, la direction de l’entreprise concède le 6 mars la prime réclamée par le syndicat. Porté par cette dynamique, le syndicat présente, le 15 mars, « Un projet pour un mouvement de relance de la production par et pour les travailleurs ». Cette initiative visait à quasiment confier aux travailleurs la gestion de l’entreprise. Elle n’était pas acceptable pour les propriétaires de l’entreprise et échoua.