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Combat politique: Albert Camus et les anarchistes ~ 2ème partie ~

Posted in actualité, documentaire, France et colonialisme, militantisme alternatif, neoliberalisme et fascisme, politique et social, politique française, résistance politique, société libertaire, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , , , on 4 mars 2017 by Résistance 71

“Mais l’ennemi perpétuel, c’est la terreur perpétuelle, au niveau de l’État cette fois. L’État s’identifie avec “l’appareil”, c’est à dire l’ensemble des mécanismes de conquête et de répression. La conquête dirigée vers l’intérieur du pays s’appelle propagande (“premier pas vers l’enfer” selon Frank) ou répression. Dirigée vers l’extérieur elle crée l’armée. Tous les problèmes sont ainsi militarisés, posés en termes de puissance et d’efficacité.”

~ Albert Camus, “L’homme révolté”, 1951 ~

“Le thème de la révolution permanente se transporte ainsi dans l’expérience individuelle. Vivre, c’est faire vivre l’absurde. Le faire vivre, c’est avant tout le regarder. Au contraire d’Eurydice, l’absurde ne meurt que lorsqu’on s’en détourne. L’une des seules positions philosophiques cohérentes c’est ainsi la révolte. Elle est un confrontement perpétuel de l’homme et de sa propre obscurité. Elle est exigence d’une impossible transparence. Elle remet le monde en question à chacune de ses secondes.”
~ Albert Camus, “Le mythe de Sisyphe”, 1942 ~

 

camus

 

Albert Camus et les libertaires

 

Lou Marin

 

Novembre 2009

 

Source: http://anarchismenonviolence2.org/spip.php?article89

 

1ère partie

2ème partie

 

Le discours que Camus a tenu à la Bourse du travail de Saint-Etienne en mai 1953, donc devant un public majoritairement de syndicalistes, est certainement l’une de ses contributions politiques les plus belles et les plus engagées pour le mouvement libertaire. Dans son allocution, Camus s’oppose au matérialisme social pour défendre une option plus idéale de la liberté obtenue par la lutte des opprimés, celle défendue par les gouvernements n’en étant pas une.

« La société de l’argent et de l’exploitation n’a jamais été chargée, que je sache, de faire régner la liberté et la justice. Les Etats policiers n’ont jamais été suspectés d’ouvrir des écoles de droit dans les sous-sols où ils interrogent leurs patients. Alors, quand ils oppriment et qu’ils exploitent, ils font leur métier et quiconque leur remet sans contrôle la disposition de la liberté n’a pas le droit de s’étonner qu’elle soit immédiatement déshonorée [25]. »

Puis Camus reproche à Marx d’avoir commis une erreur fondamentale en sacrifiant le mythe des libertés civiques sur l’autel du concept de la liberté en soi :

« Il fallait dire justement que la liberté bourgeoise n’était pas la liberté, ou dans le meilleur des cas, qu’elle ne l’était pas encore. Mais qu’il y avait des libertés à conquérir et à ne jamais plus abandonner. […] D’une juste et saine méfiance à l’égard des prostitutions que cette société bourgeoise infligeait à la liberté, on en est venu à se défier de la liberté même. Au mieux, on l’a renvoyée à la fin des temps, en priant que d’ici là on veuille bien ne plus en parler. […] La liberté bourgeoise, elle, peut procéder en même temps à toutes ses mystifications [26]. »
Camus critique ensuite la dialectique cynique de la guerre froide : « A celui qui présente l’esclave des colonies en criant justice, on montre le concentrationnaire russe, et inversement [27]. »
Mais Camus ne veut pas échanger la justice contre la vraie liberté : « Les opprimés ne veulent pas seulement être libérés de leur faim, ils veulent l’être aussi de leurs maîtres. Ils savent bien qu’ils ne seront effectivement affranchis de la faim que lorsqu’ils tiendront leurs maîtres, tous leurs maîtres, en respect [28]. »

La séparation de la liberté et de la justice équivaudrait à la séparation du travail et de la culture.

Le vrai travail devrait être aussi créatif que le travail d’un artiste. Puisque les gouvernements ne maintiennent pas les libertés démocratiques, mais que celles-ci sont conquises par les mouvements sociaux, les libertés restantes doivent toujours être défendues et même continuellement élargies par les travailleurs. Selon Camus, les libertés acquises ne sont pas de pures illusions, mais le résultat des luttes sociales contre le pouvoir.

« Hommage à un journaliste », pour la défense de la liberté de la presse, prend pour exemple l’exil forcé de l’ancien président colombien Eduardo Santos qui fut un président plutôt libéral (1938-1942) de la Colombie. Après lui, il y eut plusieurs régimes militaires en Colombie. Eduardo Santos les a critiqués, spécialement pour la suppression de la liberté de la presse. Début des années 1950, le régime militaire voulut se débarrasser de son critique en le nommant à un poste privilégié, l’ambassade de Colombie en France. Santos refusa et créa le quotidien « El Tiempo » à Bogotà qui fut considéré très vite comme le plus important d’Amérique latine. Eduardo Santos dut essuyé plusieurs tentatives d’attentat et, en août 1955, le journal fut interdit et Santos exilé. Camus utilise son cas pour réfléchir à la signification de la liberté de presse [29]. Avec ces deux textes, la rédaction avait publié un bref extrait de la préface de Camus pour le livre de l’ancien trotskiste Alfred Rosmer, « Moscou sous Lénine ». Cet ouvrage est en gros une défense du léninisme par rapport au stalinisme. Dans l’extrait de la préface, Camus ne partage pas tout à fait la défense du léninisme soutenue par Rosmer. Il critique en particulier Rosmer qui approuva l’écrasement de Kronstadt en 1921 et sous-estima les effets de la dissolution du Parlement russe – prélude aux persécutions de l’ensemble des révolutionnaires. Sur ce sujet, Camus reste hésitant et préfère laisser la question ouverte plutôt que de prendre clairement position [30].

Dans le numéro 424, 1/1958, hormis l’hommage à Santos, on peut lire un appel de Camus critiquant vertement les attentats commis par le FLN, dirigés contre des syndicalistes. Camus se demande ici si ces attentats ne révèlent pas une tendance totalitaire dans le mouvement indépendantiste. Des syndicalistes étaient tués les uns après les autres et avec chaque mort l’aventure algérienne devenait un peu plus ténébreuse. Les libertaires se devaient de pousser un cri d’alarme afin de retirer aux anticolonialistes leur bonne conscience qui justifiait tout, en premier lieu les meurtres. En fait, ces attentats visaient des syndicalistes algériens partisans de Messali Hadj, ancien ami de Camus. Ils avaient lutté ensemble contre le colonialisme pendant les années trente [31].

Le dernier texte de Camus pour « la Révolution prolétarienne » fut publié après son accident de voiture et suivi d’un article nécrologique amical de Raymond Guilloré. C’est une lettre dans laquelle il s’exprime sur la littérature prolétarienne. Camus ne croit pas à une littérature spécifiquement prolétarienne. Comparant André Gide et Léon Tolstoï, il qualifie le premier d’élitiste bourgeois et il admire la capacité du second à pouvoir écrire de façon si simple et si agréable que sa littérature touche le cœur des hommes de toutes les couches de la société. Il s’agit ici d’un talent que Gorki, Istrati et d’autres écrivains possèdent aussi. L’objectif des gens au pouvoir, que ce soit des dictatures ou des démocraties régies par l’argent, est toujours de séparer la culture et le travail. En revanche, la littérature de Tolstoï transcende cette ligne de démarcation [32].

Il faut tenir compte des fréquentations et des amitiés de Camus à « la Révolution prolétarienne » pour bien comprendre le travail qu’il y a effectué. Le journal de Monatte est d’abord aussi le journal dans lequel Simone Weil, dont Camus était un grand admirateur, publia des articles dans les années 1930 [33].

À l’époque où Camus commença d’écrire pour « la Révolution prolétarienne », il travaillait sur une édition des œuvres de Simone Weil qui devait paraître chez Gallimard. Dans les années 1950, « la Révolution prolétarienne » publiait régulièrement des souvenirs et des discussions sur les œuvres de Simone Weil – sur « l’Enracinement » [34] par exemple –, Camus a donc dû s’y sentir à l’aise. D’autant que le journal faisait paraître des commentaires élogieux sur ses propres livres : ainsi le compte rendu de Jacques Muglioni [35] sur « l’Homme révolté », ou bien celui relatant une rencontre de typographes et de correcteurs, arrangée par Nicolas Lazarevitch, chez Camus après que celui-ci eut reçu le prix Nobel. A cette occasion, Camus souligna l’importance d’une notion de créativité du travail – la vraie culture du travail – opposé à la séparation de la culture et du travail. Un travailleur libre doit être créatif comme un artiste, selon Camus. Dans la comparaison connue entre Gide et Tolstoï, Camus s’engage de nouveau en faveur d’une littérature touchant tous les hommes et refuse finalement d’avoir un rôle de dirigeant pour les travailleurs [36].

En lisant les numéros de « la Révolution prolétarienne » des années 1950, j’ai fait une découverte qui m’a surpris moi-même. En décembre 1951, un « cercle Zimmerwald » avait été créé sous l’impulsion de Monatte. Le nom de ce cercle était une allusion aux opposants socialistes et pacifistes de la Première Guerre mondiale qui s’étaient retrouvés lors d’une conférence à Zimmerwald. Contrairement à eux, le cercle, qui craignait une troisième guerre mondiale, cherchait à s’y opposer en propageant l’idée d’une nouvelle internationalisation et en affirmant son indépendance afin d’éviter toute nouvelle léninisation comme cela s’était produit la première fois.

Il est intéressant de constater que le fondateur et président du premier cercle de Zimmerwald, en dehors de Paris, était un vieil ami de Camus quand celui-ci vivait en Algérie : il s’agissait de Messali Hadj (Camus et Hadj militèrent ensemble au sein du PCF/PCA dans les années 1935-1937). Le socialiste algérien Hadj, exilé pour des raisons politiques, vivait à Niort avec une liberté de mouvement restreinte. Il avait non seulement entretenu des contacts avec des mouvements libertaires mais était lui-même engagé dans le mouvement syndicaliste. Les syndicalistes du cercle de Zimmerwald voyaient toujours un « camarade » en Messali Hadj. Celui-ci avait envoyé un hommage émouvant à l’assemblée plénière du cercle parisien de Zimmerwald de 1954. Il y promettait de poursuivre son engagement en faveur des travailleurs français « malgré les énormes difficultés qui surgissent parfois et malgré l’incompréhension du peuple français » [37] en faveur du mouvement indépendantiste algérien. Il cherchait le contact avec le mouvement libertaire des travailleurs français afin de nouer une alliance avec les travailleurs immigrés algériens, à l’époque tout de même au nombre de 500 000, dont 150 000 vivaient à Paris et aux alentours et dont la plupart appartenaient au Mouvement national algérien (MNA), son mouvement. Il voulait réduire le risque d’une fracture au sein tant de son organisation que du mouvement syndicaliste français – il s’agissait ici d’une conception de mouvement totalement différente de celle du FLN. Hadj, en désaccord avec un Ferhat Abbas modéré et représentant de la bourgeoisie algérienne, se posait plutôt en rival prolétaire et socialiste du FLN, et indépendant de Nasser au Caire et de l’Union soviétique [38].
Même si le nationalisme algérien de Messali Hadj ne concordait pas avec la pensée de certains camarades du cercle de Zimmerwald et de « la Révolution prolétarienne », en particulier, la critique du nationalisme de Roger Hagnauer [39], le dirigeant du MNA maintint son soutien à l’internationalisme et continua à coopérer avec eux. Rien qu’en France, 4000 Algériens furent tués dans les luttes fratricides entre FLN et MNA. En Algérie même, il y eut des massacres, comme celui de Mélouza, en 1957, dans lequel le FLN extermina 374 sympathisants messalistes [40]. Ce fut en particulier à cette époque que « la Révolution prolétarienne » s’engagea, comme Camus, pour que les autorités coloniales françaises cessent de persécuter Messali Hadj : en octobre 1954 contre l’expulsion de Hadj de France, ensuite contre son arrestation en Algérie [41].

L’avocat de Messali Hadj, Yves Dechezelles, proche de l’entourage de « la Révolution prolétarienne », a, en plus, été très clair lors de sa critique de « l’Algérie hors la loi » de Francis et Colette Jeanson (amis de Sartre), désapprouvant le soutien sans condition de la gauche au FLN. Il importe de rappeler que Francis Jeanson était l’auteur de la critique de « l’Homme révolté » dans « les Temps modernes ». Celle-ci avait conduit à la rupture avec Sartre. C’est avec une grande lucidité que Dechezelles démontre, grâce à de longues citations, que Francis et Colette Jeanson avaient pour seul objectif de discréditer Messali Hadj auquel ils reprochaient contre toute réalité de n’avoir aucune influence, de coopérer avec la police coloniale française et finalement d’être trotskiste. En tenant ces propos diffamants, Jeanson et Sartre suivaient une ligne clairement orthodoxe et stalinienne [42].
La critique de Camus à l’égard du FLN, qui se voulait le seul représentant du mouvement indépendantiste, se perçoit d’autant mieux si l’on prend en compte le combat contre les messalistes. Camus les préférait au FLN, jugé trop autoritaire et centraliste, Messali Hadj entretenant des contacts avec les groupes libertaires en France.
Quand le collaborateur de Camus, Jean de Maisonseul, fut interpellé après l’allocution de Camus en faveur d’une trêve en Algérie, Monatte avait annoncé qu’il pourrait organiser une campagne pour le faire libérer [43].
C’est seulement en tenant compte de ce cadre que la position libertaire de Camus s’offre en alternative à l’Occident capitaliste et à l’Est étatique.

  1. Mettre Camus en pratique

Pour conclure, j’aimerais faire une remarque sur l’anarchisme, si on l’oppose au capitalisme et au marxisme. Je ne me considère ni comme un universitaire ni comme un homme de lettres, même si je cherche à écrire avec la plus grande clarté et en collant le plus possible à la réalité : je n’arrive pas à garder l’objectivité qui devrait satisfaire aux exigences scientifiques et d’esthétique littéraire.

Je m’intéresse à Camus sur un plan passionnel et pratique – lire les œuvres du théoricien de la révolte est une inspiration pour la mise en pratique de cette révolte. Le « non » de Camus à l’oppression est un modèle pour mon propre « non » anarchiste et une critique de la violence utilisée contre l’organisation sociale de la RFA : système du chômage, séparation du travail et de la culture, danger croissant du nationalisme et du racisme, xénophobie et expulsion institutionnalisée, État nucléaire toujours présent et armée fédérale sur le pied de guerre. J’interprète le « non » de Camus comme une incitation à s’engager pour la liberté et la révolte contre ce système.

Camus a été un écrivain politique, non, dans le sens de Sartre, comme quelqu’un qui a sacrifié ses propres positions aux nécessités d’un parti ou d’une idéologie, mais dans un sens libertaire en faveur d’une critique de l’idéologie, d’une critique de la violence, d’une critique du nationalisme. Il est difficile de comprendre le fond libertaire de Camus si l’on s’en tient à l’esthétique de son œuvre littéraire.
Les personnages des drames de Camus traduisent bien cet engagement politique : « les Justes », « le Malentendu », « les Possédés », « l’État de siège » ne peuvent pas être compris si l’on ne tient pas compte de son option politique qu’il entend soumettre à débat.

L’expert littéraire de la « Frankfurter Allgemeine Zeitung », Jürg Altweg, a écrit dans « Die langen Schatten von Vichy », paru en pleine phase de renouveau de Camus dans la France intellectuelle des années 1990, au chapitre le concernant : « La critique du totalitarisme par les nouveaux philosophes a provoqué un choc qui a suscité le renouveau de l’intérêt pour Camus, qui s’est maintenu puis amplifié lors de la publication du « Dernier Homme » [44]. »

Nous pouvons nous réjouir en France du renouveau de la pensée de Camus, et en Algérie à cause de la guerre civile, de la réhabilitation de sa position critique sur la violence et le nationalisme du FLN. Cependant, nous devons aussi veiller à éviter que les nouveaux philosophes, apologistes du système, et les conservateurs ne l’instrumentalisent. Présenter Camus seulement comme un des premiers critiques du totalitarisme limiterait sa place au cadre de la guerre froide, ce qu’il a toujours voulu fuir, et négligerait la sensibilité libertaire profonde qui sous-tend son œuvre.

 

 

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[1]

Lothar Baier, Sankt Albert. « Der Mythos von Camus’Größe vom Entstehen einer modernen Heiligenlegende », dans « SZ am Wochenende », n° 130, « Süddeutsche Zeitung », 8/9, juin 1996

[2]

Assia Djebar, « Weißes Algerien », Zürich, 1996

[3]

Abdel Wahab Meddeb, « Le partage » dans « Dédale », « Literaturzeitschrift », printemps 1996.

[4]

Voir Wolfram Beyer, « Albert Camus – ein Libertärer », dans « Albert Camus, Weder Opfer noch Henker », Schriften des Libertären Forums Berlin, n° 1, édité par Internationale der Kriegsgegner/innen (IDK Berlin), Berlin, 1991 ; Wolfram Beyer, « Albert Camus. Weder Opfer noch Henker », dans « Grasswurzelrevolution Kalender 1991 », Berlin, paru auparavant comme traduction allemande dans « Tintenfaß, Magazin für den überforderten Intellektuellen », édité par Franz Sutter, n° 11, Zürich, 1984, écourté un peu par la rédaction ; Wolfram Beyer/Normann Stock, « Albert Camus. Stichwort für das Lexikon der Anarchie », Berlin/Heidelberg, 1997.

[5]

Voir Lou Marin, « Ursprung der Revolte. Albert Camus und der Anarchismus », Heidelberg 1998.8

[6]

Voir par exemple le recueil d’articles assemblés par Heinz Robert Schlette, « Wege der deutschen Camus-Rezeption », Darmstadt

[7]

Voir Horst Wernicke, « Albert Camus. Aufklärer – Skeptiker – Sozialist, Hildesheim/Zürich/New York, 1984 ; Horst Wernicke, « Albert Camus Novelle, Die Stummen » (1957). « Camus’ politische Positionen in den fünfziger Jahren », dans : Franz Josef Klehr/Heinz Robert Schlette, « Der Camus der fünfziger Jahre », Stuttgart, 1997, pp. 39-52 ; Horst Wernicke, « Geist und Mut. Albert Camus, René Char : Haltungen und Handeln im Widerstand », dans Heinz Robert Schlette, « Erkenntnis und Erinnerung. Albert Camus », Pest-Chronik, Bonn, 1998, pp. 35-36.

[8]

Voir Heinz Robert Schlette, « Der Sinn der Geschichte von morgen » « Albert Camus’ Hoffnung », Frankfurt a. M., 1995, p. 27.

[9]

Voir « Maurice Laisant condamné » et « Le pacifiste » dans « Albert Camus et les Libertaires », « Volonté anarchiste », 26, Paris, 1984, p. 19 et p. 37

[10]

Lire la reproduction électronique de cette revue sur le site de la Presse anarchiste], Pierre Monatte et André Rosmer de « la Révolution prolétarienne », Louis Lecoin de « Défense de l’homme » et de « Liberté », Gaston Leval et Georges Fontenis du « Libertaire », Giovanna Berneri de « Volontà » (en Italie) et José Ester Borràs de « Solidaridad Obrera (en Espagne). Camus avait en outre des contacts avec des journaux anarcho-syndicalistes suédois (« Arbetaren »), allemand (« Die freie Gesellschaft ») et latino-américain (« Reconstruir » en Argentine) [[Voir Lou Marin (note 5), p. 65

[11]

Voir Helmut Rüdiger, « Albert Camus als politischer Denker », dans « Arbetaren », Stockholm, n° 2, 1960, en version allemande dans Helmut Rüdiger, « Sozialismus und Freiheit », Münster/Wetzlar, 1978, pp. 146-150, ici p. 148

[13]

Ibid, pp. 101-122.

[14]

Herbert R. Lottman, « Camus. Eine Biographie », Hamburg 1986, p. 184.

[15]

Marin (note 5), p. 36

[16]

Ibid, p. 111

[17]

Robert Proix, « À Albert Camus, ses amis du Livre », Paris, 1962.

[18]

Monatte, cité d’après Lou Marin (note 5), p. 56

[19]

Helmut Rüdiger en tant qu’« Observateur » : « Französische Diskussionen über Zimmerwald », dans « Die freie Gesellschaft », n° 29, 3/1952, p. 145.

[20]

Charles Jacquier, « Avant-propos », dans Charles Jacquier, « Simone Weil, l’expérience de la vie et le travail de la pensée », Arles, 1998, p. 10

[21]

Chiffre trouvé dans les mentions légales de « la Révolution prolétarienne » à l’IISG, Amsterdam, juin 1999

[22]

Albert Camus, « L’Europe de la fidélité », dans « la Révolution prolétarienne » n° 351, 5/1951, p. 159

[23]

Albert Camus, « Franco, défenseur de la culture ! », dans « la Révolution prolétarienne », n° 364, 7/1952

[24]

Albert Camus, « Fragen der Zeit », Reinbeck ,1960, 223.

[25]

Ibid. p. 76 ou Albert Camus, « Restaurer la valeur de la liberté », dans « la Révolution prolétarienne », n° 376, 1953, p. 242.

[26]

Ibid., p. 77.

[27]

Ibid., p. 78

[28]

Ibid., p. 80

[29]

Albert Camus, « Ehrung eines Verbannten », dans « Fragen der Zeit » (note 24), pp. 83-89, en français : Albert Camus, « Hommage à un journaliste exilé », dans « la Révolution prolétarienne », n° 424, 1/1958, p. 218

[30]

Albert Camus, « Ceux qui ont refusé le déshonneur et la désertion », dans « la Révolution prolétarienne », n° 420, 9/1957, p. 170

[31]

Albert Camus, « Post Scriptum », dans « la Révolution prolétarienne », n° 424, 1/1958, p. 220.

[32]

« Albert Camus et la littérature prolétarienne », dans « la Révolution prolétarienne », n° 447, 2/1960, p. 26

[33]

Patrice Rolland, « Simone Weil et le syndicalisme révolutionnaire », dans Charles Jacquier, « Simone Weil, l’expérience de la vie et du travail de la pensée, Arles, 1998, pp. 69-106.

[34]

Voir A. Sousbie dans « la Révolution prolétarienne », n° 335, 1/1950, p. 24, voir aussi les analyses théoriques et les explications d’Albertine Thévenon, « Simone Weil que nous avons aimée, quand il était temps », dans « la Révolution prolétarienne », n° 357, 12/1951, p. 379, et la série d’articles d’Andrieux/Lignon : « Simone Weil et la condition ouvrière, dans « la Révolution prolétarienne », n° 367, 11/1952, 317-324 ; n° 368, 12/1952, 355-360 ; n° 370, 2/1953, pp. 33-36.

[35]

Jacques Muglioni : « La Révolte contre l’histoire », dans « la Révolution prolétarienne », n° 358, 1/1952, p. 40.

[36]

« Albert Camus chez les travailleurs du Livre », dans « la Révolution prolétarienne », n° 424, 1/1958, p. 23.<

[37]

Messali Hadj, « Message de sympathie à l’assemblée générale du cercle Zimmerwald à Paris », dans « la Révolution prolétarienne », n° 381, 2/1954, pp. 62 et 64 : « La Vie des cercles ».

[38]

Voir Lou Marin (note 5), pp. 141 et 158.

[39]

  1. Rüdiger, « Französische Diskussion über Zimmerwald » (note 19), p. 147.

[40]

Voir Lou Marin (note 5), p. 141 et p. 158.

[41]

Déclaration du cercle Zimmerwald sur la déportation de Messali Hadj, dans « la Révolution prolétarienne », n° 401, 12/1955, p. 287 et « Libérez Messali Hadj ! », dans « la Révolution prolétarienne », n° 404, 3/1956, p. 22

[42]

Yves Dechezelles, « À propos d’un livre sur l’Algérie : lettre ouverte à Francis et Colette Jeanson », dans « la Révolution prolétarienne », n° 403, 2/1956, p. 45.

[43]

Voir Lou Marin (note 5), p. 139

[44]

Jürg Altweg, « Die langen Schatten von Vichy », Wien, 1998, p. 193.

Vérité, lucidité, engagement et combat… Le journalisme d’Albert Camus ou l’idéal bafoué

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“Résister, c’est ne pas consentir au mensonge.”

~ Albert Camus ~

 

“Le journalisme, c’est imprimer ce que quelqu’un d’autre ne veut pas imprimer. Tout le reste n’est que relation publique.”
~ George Orwell ~

 

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 D’Alger à Paris, Albert Camus journaliste

 

Téo Cazenaves

 

Octobre 2016

 

Source: https://ledesk.ma/grandangle/dalger-paris-albert-camus-journaliste/

 

D’Alger Républicain à Combat, le prix Nobel de Littérature 1957 est aussi un journaliste de talent. Dans « Albert Camus, periodista », Maria Santos-Sainz – docteur en sciences de l’information et professeur de journalisme – rappelle toute l’actualité des combats brûlants de l’intellectuel algérois pour l’indépendance de la presse.

« Nous pensions alors qu’un pays vaut souvent ce que vaut sa presse. Et s’il est vrai que les journaux sont la voix d’une nation, nous étions décidés, à notre place et pour notre faible part, à élever ce pays en élevant son langage. » Albert Camus, 31 août 1944.

Financé par crowdfunding et publié en octobre 2016 aux Éditions Libros.com, « Albert Camus, periodista » est un manuel de combat, selon son auteur, Maria Santos-Sainz. L’ancienne journaliste reconvertie dans l’enseignement, qui a dirigé pendant six ans l’Institut de Journalisme de Bordeaux, poursuit sa démarche auto-réflexive après avoir publié en 2006 « L’élite journalistique et son pouvoir » aux Éditions Apogée. Préfacé par Edwy Plenel, le président et co-fondateur de Mediapart, l’ouvrage met en lumière une dimension oubliée de l’œuvre d’Albert Camus, dont les romans L’Étranger et La Peste constituent désormais des monuments du patrimoine littéraire international. Journaliste à plein temps à certaines étapes de sa vie, Albert Camus est aussi l’un des premiers à tenter de cerner les risques qui pèsent sur la profession et à définir des règles déontologiques afin de « libérer les journaux de l’argent et de leur donner un ton et une vérité qui mettent le public à la hauteur de ce qu’il y a de meilleur en lui ».

Né en 1913 à Mondovi, près de l’actuelle Annaba, en Algérie, dans une famille du prolétariat pied-noir, Albert Camus ne connaît pas son père, qui meurt en 1914 alors qu’il sert l’armée française lors de la Première Guerre mondiale. Élevé dans une famille analphabète, en proie aux silences de sa mère sourde et muette et aux coups répétés de sa grand-mère, c’est son instituteur algérois, Louis Germain, qui l’aide à dépasser sa condition. Admis au lycée, il découvre la philosophie et évolue comme gardien de but au RCA Alger. Lorsque sa tuberculose chronique se déclare, il abandonne à regret les terrains de football. Il adhère en 1935 au Parti Communiste algérien et rédige la même année sa première œuvre littéraire, L’Envers et l’Endroit, qui sera publiée deux ans plus tard. Il quitte le PC en 1937 en raisons de divergences sur la question de la solidarité envers les camarades indépendantistes, et est alors recruté par Pascal Pia au sein d’ Alger Républicain, qui entend donner un souffle nouveau à une presse coloniale dont l’indépendance n’est pas le souci premier. Il y publie notamment en 1939 une enquête détaillée sur l’échec de la réforme agraire, Misère de la Kabylie, qui le fait connaître. Mais le pouvoir colonial et les soucis économiques ont raison de l’aventure journalistique algéroise.

Camus s’installe dans un Paris en guerre l’année suivante. Après un bref passage à Paris-Soir, il continue d’écrire L’Étranger et Le Mythe de Sisyphe, qui paraissent en 1942. En 1943, il succède à son ami Pascal Pia à la tête du quotidien clandestin Combat. Pendant plus de trois années, il multiplie les éditoriaux, dans la France occupée puis libérée, et met toute son ardeur à défendre la nécessité d’une presse libre et indépendante face aux égarements du journalisme français durant l’Occupation.

La suite appartient désormais au panthéon de l’histoire intellectuelle : le succès littéraire, la relation conflictuelle avec Jean-Paul Sartre, le prix Nobel de Littérature en 1957, des silences qui dérangent lors de la Guerre d’Algérie puis l’accident tragique du 4 janvier 1960 qui met brutalement fin à une vie d’engagements. Mais loin des fastes de la grande littérature, Camus est aussi un journaliste amoureux de la profession dont les articles et éditoriaux sont riches d’enseignements. A cet égard, l’ouvrage de Maria Santos-Sainz rend toute sa grandeur à une facette méconnue mais infiniment actuelle du personnage.

EXTRAIT I

À Alger, « dialoguer avec le réel »

Le journalisme lui permet de bénéficier de son premier emploi stable et de réaliser son rêve de « dialoguer avec le réel » au travers de l’écriture. Cet engagement pour la réalité – qu’il n’abandonnera jamais -, il le révèle déjà dans ses confidences formulées dans les Carnets en novembre 1936, lorsqu’il annote : « Je préfère tenir les yeux ouverts ». Et c’est précisément le journalisme qui va le rapprocher de la réalité, de ce qui se passe réellement sur le terrain. Il décrit ce qu’il voit avec les mêmes rigueur et exactitude qu’il met à retransmettre l’ambiance sensorielle et vivante de la ville d’Alger. Ses chroniques transportent le lecteur sur les lieux des événements par les cinq sens : il leur fait voir, sentir et ressentir, toucher et comprendre ce qu’il se passe devant ses yeux. Avec un style d’écriture dans lequel il mêle parfois le charnel et le sensuel au dramatique et au tragique. […] Camus choisit là une conception éthique du journalisme qui ne le quittera plus. Il convient de souligner qu’à cette époque, « il règne en Algérie une presse coloniale qui réunit tout ce que Camus rejette : le racisme, la vulgarité intellectuelle, le despotisme capitaliste et la bonne conscience des conformistes ».

EXTRAIT II

Un éditorialiste dans la Résistance

“Camus se dévoile tout de suite comme le « leader moral d’une génération qui exige le changement ». Son passage par le journalisme à cette époque laisse une marque indélébile. Symbole de la jeunesse dans sa lutte antifasciste, ses premiers éditoriaux dans Combat incarnent la voix du mouvement populaire de la Résistance, et délivrent des appels combatifs pour une France juste et libre. Comme nous l’avons déjà souligné, l’originalité de Combat réside dans son indépendance, libre de la main-mise de partis politiques ou d’intérêts financiers des entreprises. Les journalistes sont les uniques actionnaires, propriétaires de leur média : le journal leur appartient.

Et ils choisissent la ligne éditoriale qu’ils souhaitent donner au journal, grâce à un traitement critique de l’information. Ils ouvrent ainsi la voie à un nouveau journalisme qu’ils appellent – selon les mots de Camus – le journalisme critique, un journalisme de société qui recoupe les sources et les témoignages et remet en cause tous les pouvoirs. Tout cela conduit à l’émergence d’un journal d’analyses et d’idées, qui aspirer à régénérer la société par une information rigoureuse et objective. […]

Camus a publié dans Combat un total de 165 textes, parmi lesquels 138 éditoriaux et 27 articles, sans conter les cinq chroniques signées sous le pseudonyme de « Suétone ». Tous ses écrits journalistiques mettent en lumière la voix passionnée d’un auteur engagé face aux grandes horreurs du vingtième siècle, dans une période européenne turbulente marquée par de fortes divisions idéologiques. Ses éditoriaux expriment « espérances et déceptions » pour les événements historiques de son temps. Ils plaident aussi, de manière intemporelle, en faveur de la « lucidité et de la vigilance ». Il y développe ses réflexions sur la liberté, la justice, le rôle des médias, la vérité et la démocratie, dans des textes qui ont laissé « une résonance incroyable dans la conscience contemporaine ». La modernité de Camus réside également en sa facette de précurseur dans la revendication d’une déontologie journalistique, nécessaire à son époque tout autant qu’aujourd’hui. Précisément, son regard critique transcende les débats de son temps. Au final, la postérité lui donnera raison dans ses combats idéologiques en faveur de causes justes, pour lesquelles il a toujours mis en avant la morale plutôt que les convenances politiques.”

EXTRAIT III

Le rôle du journaliste

“Camus considère le rôle journalistique comme celui du chien de garde plus que comme simple vecteur de l’information. Le rôle du journaliste ne se réduit pas à celui de témoin de l’Histoire : il exerce aussi comme « avocat » et « justicier », met ses idées au service de la vérité dans une logique journalistique active et interventionniste. Il développe ici sa conception du journalisme critique – ou journalisme d’idées, comme il le nomme – qui consiste en un commentaire politique et moral de l’actualité. Camus définit le journaliste comme « un homme qui d’abord est censé avoir des idées ». Une conception différente du modèle journalistique anglo-saxon, construit sur un système de valeurs professionnelles basées sur l’objectivité.

Pour Camus, le rôle du journaliste est caractérisé par sa responsabilité sociale, et c’est pourquoi il doit être attentif au langage, en proposant une véritable réflexion sur sa dimension éthique : « En face des forces désordonnées de l’Histoire, dont les informations sont le reflet, il peut être bon de noter, au jour le jour, la réflexion d’un esprit ou les observations communes de plusieurs esprits. Mais cela ne peut pas se faire sans scrupules, sans distance et sans une certaine idée de la relativité. Certes, le goût de la vérité n’empêche pas la prise de parti. » […]

L’auteur de l’Étranger et de la Peste considère que le journaliste est « un historien au jour le jour, et son premier souci doit être de vérité ». Camus estime que la recherche de la vérité est la première obligation du journaliste. La vérification des faits – que l’on nomme aujourd’hui fact-checking suite à l’invasion des anglicismes – n’est autre que l’un des fondamentaux et piliers du journalisme d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Il recommande ainsi : « Il revient au journaliste, mieux renseigné que le public, de lui présenter, avec le maximum de réserves, des informations dont il connaît bien la précarité. À cette critique directe, dans le texte et dans les sources, le journaliste pourrait ajouter des exposés aussi clairs et aussi précis que possible qui mettraient le public au fait de la technique d’information ».

Il exprime également dans plusieurs éditoriaux le rôle important dévolu au journaliste envers les lecteurs, à qui il doit procurer une information fiable mais aussi les moyens de développer un esprit critique : « L’avantage serait de mettre en garde son sens critique au lieu de s’adresser à son esprit de facilité ». Entre autres qualités essentielles du journalistes, il met l’honnêteté au premier rang, puisque selon lui « Résister, c’est ne pas consentir au mensonge ». Il plaide ainsi pour un journalisme honnête qui permettrait de sauver la crédibilité des médias.”

EXTRAIT IV

Camus l’iconoclaste et ses deux pays

“Le sens de l’engagement mène Camus à l’analyse et au décryptage des événements de son temps, détaché des courants idéologiques et des partis. Esprit libre, fidèle à sa conscience morale et toujours fidèle à ceux qu’il appelle les siens, ceux qui « souffrent et subissent ». Un héritage influencé par les écrivains qui l’ont le plus marqué : Pascal, Simone Weil, Tolstoï, Dostoievsky et Nietzche. La pensée et l’univers intellectuel de Camus gravitent autour de ces cinq auteurs. D’autre part, son absence d’affiliation à quelque courant de pensée que ce soit fait sentir ses effets dans une époque propice à l’engagement partisan. C’est ainsi qu’à certaines périodes, certaines sphères de l’intelligentsia parisienne, plus proches du marxisme, l’ont voué à un véritable ostracisme accompagné de critiques acerbes. Mais c’est aussi la trajectoire biographique atypique d’Albert Camus, loin de la voie traditionnelle de formation tracée par les élites françaises, où la reproduction sociale est la règle, qui le constitue en oiseau rare du paysage intellectuel français. Camus n’a appartenu à aucun clan, tribu ou école.

Il a forgé son bagage intellectuel avec l’effort d’une pupille de la République, sans passer par les instances consacrées de l’excellence dans lesquelles la France forme ses élites. Autodidacte, il obtient son seul diplôme à la faculté de philosophie de l’Université d’Alger. Il n’a pas été éduqué à la manière d’autres intellectuels, dans les écoles élitistes de Paris, comme Jean-Paul Sartre ou Raymond Aron qui étaient normaliens, diplômés de la prestigieuse École Normale Supérieure. […]

Dans une posture de pédagogue, face aux préjugés qu’il attribue à la presse métropolitaine vis-à-vis de l’Algérie, il se rappelle son enfance et évoque la mémoire du pays qui l’a vu grandir. Quand il emploi le « nous », il se réfère aux français métropolitains. Il critique dans ses chroniques les fractures qui se sont succédées pour aboutir à la situation actuelle : la mauvaise gestion coloniale, les rendez-vous manqués, les injustices, etc. Nombreuses de ses propositions énoncées là se font l’écho des reportages qu’il a réalisé pendant la période Alger Républicain, en particulier son grand reportage Misère de la Kabylie, dans lequel il avait dénoncé le désastre engendré par la politique agraire.

Il fait référence à tout ceci dans une autre chronique, publiée le 23 juillet 1955 et intitulée « L’avenir algérien ». Il renforce son analyse par une contextualisation historique qui permet de comprendre l’accumulation des échecs de la politique coloniale en Algérie. Il promeut le dialogue entre les deux camps dans ses articles du 9 juillet et du 16 octobre 1955. Camus vise à mettre sur pied une conférence pour réunir tous les acteurs engagés dans le conflit, une proposition de dialogue qui peut   toujours s’appliquer à tout processus de paix : « Le monde aujourd’hui est celui de l’ennemi invisible  le combat y est abstrait et c’est pourquoi rien ne l’éclaire ni ne l’adoucit. Voir l’autre, et l’entendre, peut donner sens au combat, et peut-être aussi le rendre vain. »