Résistance à l’impérialisme occidental: Le colonialisme et la dépendance étatique ~ 1ère partie ~ (Taiaiake Alfred)

“Transcrire le sens éthique et l’idée de façon à avoir une philosophie politique concise est un peu difficile ; je suggérerai de le conceptualiser comme un anarcho-indigénisme… Les deux éléments qui viennent à l’esprit sont ‘indigène’, évoquant l’enracinement culturel et spirituel en ce territoire et la lutte d’Onkwe’honweh pour la justice et la liberté et la philosophie politique, le mouvement qui est fondamentalement anti-institutionnel, radicalement démocratique et commis à prendre action pour forcer le changement: l’anarchisme.”
~ Taiaiake Alfred, Wasasé, 2009 ~

Note de Résistance 71: Nous invitons les lecteurs à transcrire les passages que nous avons mis en caractères gras dans le contexte de nos vies quotidiennes occidentales et à y réfléchir… N’y voyez-vous pas grande similitude ?… Ne sommes-nous pas tous des colonisés à des degrés coercitifs différents ? Ainsi n’avons-nous pas cause commune contre la même oligarchie?

L’avenir de l’humanité passe par l’union des peuples colonisés avec les peuples occidentaux émancipés œuvrant dans un nouveau paradigme politico-social égalitaire et en associations libres.

 

Le colonialisme et la dépendance étatique (Extraits)

 

Taiaiake Alfred, Ph.D

Directeur de l’École de Gouvernance Indigène, Université de Victoria (Colombie Britannique, Canada)

 

Article publié dans le “Journal de la santé autochtone”

 

Novembre 2009

 

~ Extraits traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

 

Note: Le professeur Alfred est membre de la nation Mohawk de Kahnawake, clan de l’ours.

 

1ère partie

2ème partie

 

Résumé:

 

Cet article conceptualise le colonialisme d’une perspective indigène et analyse les effets de la colonisation sur les nations premières avec une insistance particulière sur l’explication des racines fondamentales des crises psycho-physiques et de la dépendance des nations premières vis à vis de l’état. Central à cette analyse est l’effet des dérangements culturels colonialement générés, qui accroissent les effets de la dépossession, ceci créant une dépendance quasi totale sur le plan psychologique, physique et financier envers l’état.

[…]

Au travers d’une étude et considération de la littérature scolastique, il est possible d’identifier une relation directe entre les lois gouvernementales et leurs politiques appliquées aux peuples indigènes ainsi que la myriade de problèmes de santé physiques et mentaux couplés aux privations économiques. L’article conclut sur un set de recommandations afin de développer des réponses à la politique de situation orientées vers le soutien et la facilité de la reconnexion des peuples indigènes avec leurs territoires, la restauration de pratiques culturelles fondées sur l’ancrage à la terre et la reconstruction des communautés indigènes.

Introduction

Les luttes incessantes indigènes contre le colonialisme consistent essentiellement dans les efforts pour redresser l’injustice fondamentale d’avoir été expulsés de force de leur terre ou de se voir refuser l’accès à la terre afin de continuer leurs activités culturelles traditionnelles. Pourtant, il y a un autre aspect du colonialisme qui est souvent ignoré dans le discours public et qui ne constitue certainement pas un point d’attention majeur de l’organisation des nations premières ni des efforts politiques du gouvernement canadien. Cet aspect est le dérangement culturel colonialement généré affectant les nations premières, qui accroit les effets de la dépossession afin de créer un état de dépendance psychologique, physique et financier quasi total envers l’état.

[…]

Comme cela est typique dans toutes les sociétés coloniales, les nations premières aujourd’hui sont caractérisées comme dépendances retranchées en termes physique, psychologique et financier, des mêmes gens qui ont causés la quasi éradication de notre existence et qui sont parvenus à nous dominer.

[…]

Dans l’arrangement des affaires sociales canadiennes, seuls les Indiens assimilés se sont vus offrir l’opportunité, l’espérance de bien-être. Pour ceux qui ont résisté ou refusé les ‘bénéfices’ de l’assimilation, les politiques du gouvernement leur ont assuré une vie ayant une certaine indignité. Ceci est l’essence même de la vie dans la colonie: assimilez-vous et soyez comme nous les colons ou souffrez des conséquences de votre résistance.” (Kirmayer & Valaskakis, 2009, p.xi)

[…]

Afin d’aller au cœur du problème du colonialisme au Canada, il est nécessaire de comprendre que l’oppression expérimentée sur un tel long laps de temps affecte l’esprit des gens de manière particulièrement négative. Des discussions sensées sur le sujet de faire diminuer les maux que la colonisation a amené demande une vision au-delà du colonialisme en tant que processus historique de changements sociétaux ou d’une bordée d’évènements militaires et légaux. Cela veut dire reconnaître que les injustices coloniales et l’oppression ont eu des effets sur à la fois les individus et les collectivités et que se préoccuper de ces effets nécessite des perspectives et des stratégies qui situent les nations premières non seulement comme des groupes d’individus au sein du Canada, mais aussi comme membres de communautés culturelles de la terre. Comprendre cette histoire du colonialisme, les aspects politiques et économiques du changement de relation entre les peuples indigènes et le peuple européen, qui résulta en la subjugation des nations premières aux puissances européennes est, en un sens fondamental, moins important qu’apprécier les dégâts occasionnés à l’intégrité culturelle et mentale ainsi que sur la santé des gens et des communautés qui composent ces nations.

[…]

Cet article considère une approche radicalement différente concernant le changement, consistant dans l’effort de réintégrer les caractéristiques et bénéfices essentiels d’une reconnexion à une patrie, un territoire et des pratiques culturelles “traditionnelles” basées et fondées sur la terre, qui ont prouvées dans bien des cas être une clef à la restauration d’une santé spirituelle, physique et psychologique ainsi qu’à l’avènement de communautés caractérisées par l’harmonie, la paix et la force.

Les institutions politiques et sociales, comme les conseils de bandes/tribus et les agences de services financés par le gouvernement qui gouvernent et influencent la vie des nations premières aujourd’hui (comme hier), ont été pour l’essentiel, moulées et organisées pour servir les intérêts de l’état canadien. Leurs structures, responsabilités et autorité se conforment aux intérêts du gouvernement canadien, tout comme leurs sources de légitimité se fondent dans la loi canadienne et non pas dans les lois et intérêts des nations premières.

[…]

Les transformations commencent avec chaque personne, mais la décolonisation ne commence à devenir une réalité que lorsque les gens rejettent individuellement, collectivement et en toute conscience les identités coloniales, les institutions qui sont le contexte même de la violence, de la dépendance et de la discorde dans les communautés indigènes… La réconciliation et la conscience politique au travers du développement économique et comme résultats attendus de cela, les processus d’autogestion, les accords sur les terres, les droits aborigènes et les stratégies légales de recouvrement des titres fonciers, ne se sont pas matérialisées.

[…]

Les approches conventionnelles sont fondées sur une accession à l’agenda capitalisto-colonial en respect des peuples indigènes et de leurs terres. Cet agenda est lourdement promu par des médias pro-assimilationnistes dans les grandes largeurs ainsi que des universitaires non-indigènes du consensus ; l’intégration dans une économie de marché et une assimilation culturelle avancée sont vues comme les seules voies viables pour une meilleure vie des peuples et nations premiers ainsi que leurs communautés. Cette perspective est aussi au centre même de la politique interne du gouvernement et il est juste de dire que cela forme également la vision de la plus vaste majorité de la population canadienne.

La confiance dans les promesses de l’intégration et de l’assimilation forme aussi une sorte de panacée pour le complexe de colonisation et les souffrances sociales résultantes au sein même du leadership des nations premières.

[…]

Les approches courantes [de règlement de problèmes relationnels autochtones-colons] sont souvent basées sur des concepts de cicatrisation, de réconciliation ou de la construction de la capacité à le faire ; cela en vient toujours à problématiser les personnes et jamais l’attitude de l’état, ainsi de telles approches ne sont pas faites pour changer les causes sous-jacentes coloniales des attitudes destructrices et malsaines ayant cours dans les communautés des nations premières.

Dans l’histoire, les gens qui ont réussis à dépasser les effets de la colonisation et qui ont recouvert leur diginité ainsi que leur capacité à être auto-suffisant et autonome n’ont pu le faire qu’après avoir soutenu un effort de respiritualisation, de revitalisation et de régénération culturelle. Dans la vaste majorité des cas, ils ont pu le faire lorsque les colons s’étaient physiquement retirés de leur espace indigène. Les peuples autochtones dans notre région du monde possèdent ce potentiel de résurgence, bien que cela soit rendu plus complexe du fait de la présence persistante des occupants coloniaux.

[…]

Le colonialisme au Canada

L’invasion et l’éventuelle domination du sous-continent de l’Amérique du Nord par les empires européens, que nous connaissons sous le vocable de colonisation est mieux compris dans sa forme de culmination de milliers d’années de développements sociétaux différents sous des conditions environnementales spécifiques. Ceci a résulté en différentes caractéristiques émergeant parmi des peuples variés, dont certaines confèrent un certain avantage relatif et d’autres un certain désavantage relatif, lorsque les gens entrent en contact les us avec les autres et commencent à contester l’essence même de l’existence des sociétés: la terre.

Il n’y a aucune preuve de la quelconque supériorité d’un groupe de gens par rapport à un ou plusieurs autres (Diamond, 2003). Ceci bien compris, toute notion de “prédestinations” génétiques ou divines pour dominer doit être rangée au placard en faveur d’analyses des particularités de la relation et des attitudes instrumentales des peuples alors qu’ils intervenaient dans le développement de la relation entre les peuples indigènes et européens dans cette partie du monde.

Ce que nous nommons le “colonialisme” est en fait un cadre théorique pour la compréhension des complexités de la relation qui s’est produite et a évoluée entre les peuples indigènes et les peuples européens alors qu’ils sont venus en contact les uns avec les autres et qui ont par la suite maintenu ces relations initiales dans la construction d’une nouvelle réalité pour ces deux peuples en Amérique du Nord. De manière plus spécifique, le colonialisme est le développement d’institutions et de politiques par les gouvernements colons impérialistes européens et euro-américain, dirigés contre les peuples autochtones. Ce processus a commencé avec le développement de rationalisations religieuses et séculières du simple fait que la présence européenne en amérique du Nord, basée sur la doctrine du Terra Nullius (le principe de la “terre vide” affirmant que l’Amérique du Nord n’était pas habitée ar des humains avant l’arrivée des Européens) et la dépossession “légale” des peuples indigènes de leurs terres ancestrales originelles.

L’affirmation légale du Canada à un territoire est basée sur la doctrine de terra nullius (NdT: et de la doctrine chrétienne de la découverte que le professeur Alfred ne semble pas avoir étudiée en détail… Terra nullius n’est pas la seule doctrine justifiant l’accaparement frauduleux de la terre indigène par les colons parasites), des traités de paix et d’amitié avec les peuples indigènes et un certain nombre de proclamations royales assumant une prérogative impérialiste pour prévenir la reconnaissance de la terre aux indigènes ; la Grande-Bretagne et la France avant elle, ont sécurisé le contrôle contre d’autres puissances coloniales potentiellement prétendantes en reconnaissant nations et souveraineté indigènes a la fois de manière rhétorique et en pratique, car les Européens étaient incapables de vaincre militairement les nations autochtones et avaient besoin d’alliance avec des nations indigènes pour confronter leurs rivaux coloniaux. Une fois que la GB a obtenu la prépondérance du contrôle effectif sur l’Amérique du Nord, elle a ignoré toutes les reconnaissances antérieures de nation et souveraineté aux peuples autochtones, ainsi que toute garantie légale de propriété et d’accès à leur terre, choses qui étaient prévues et établies dans les traités.

[…]

En analyse finale, les puissances européennes et le Canada en tant qu’héritage de l’impérialisme européen en Amérique du Nord (avec les Etats-Unis) ont eu l’objectif consistant centré sur la saisie, le contrôle et l’utilisation des terres indigènes en soutien d’une industrie extractive basée sur les ressources naturelles afin de générer des profits d’abord pour les régimes européens, plus tard pour également la population résidente euro-américaine métropolitaine et plus récemment pour des entreprises/corporations globalisées. La politique des gouvernements européens puis euro-américains depuis le premier contact avec nos nations n’a pas seulement été égarée par des notions fallacieuses de supériorité raciale et de fadaises de droits divins pour la domination , mais aussi largement par et pour les besoins d’un mode capitaliste de production.

[…]

La plupart des Canadiens sont complètement ignorants de cette histoire. Ceci est bien lamentable mais absolument pas surprenant, étant donné qu’ une caractéristique commune des sociétés coloniales est le retranchement des colons dans les notions de supériorité raciale et culturelle. La culture canadienne et les notions dominantes formant l’auto-preception nationaliste canadienne sont surchargées de privilèges coloniaux et des mensonges les plus éhontés et auto-décepteurs (Alfred, 2005). En termes de gouvernement et de législation, ceci s’est manifesté dans des constructions légales fictives qui légitiment l’usurpation coloniale des hommes blancs et par une légitimité feinte est ainsi construite pour normaliser la structure du racisme construite sur les notions que les peuples indigènes n’ont aucun droit à la terre ni de droits politiques. En tant que projet intellectuel, l’arrogance impérialiste prend la forme de littérature, de bourse d’étude et d’art pour démontrer les éminents mérites et pour répliquer les fait simplement fabriqués ainsi que les narratifs nécessaires pour justifier les privilèges coloniaux.

[…]

Devant ceci, l’autogestion et le développement économiques sont inefficaces pour confronter le colonialisme, car plutôt que de s’attaquer aux racines mêmes du problème, ils ne font que perpétuer une relation dualiste et dépendante entre les premières nations et l’état… L’isolation forcée et la pauvreté sur les réserves ne sont pas différentes de l’exploitation destructrice de la terre d’une perspective indigène ; tout cela décime les possibilités de vivre sa vie en accord avec les valeurs culturelles traditionnelles indigènes et leurs mandats spirituels.

[…]

La résurgence d’une conscience indigène est un potentiel explosif capable de transformer les individus et les communautés en altérant les conceptions basiques de soi et dans la relation avec les autres peuples du monde. Ses éléments sont la régénération des identités consistant avec l’enseignement sacré qui vient de la terre, de l’implication à se relever pour soi-même et de la juste restitution pour les maux et les torts que nos peuples ont endurés.

A suivre…

9 Réponses to “Résistance à l’impérialisme occidental: Le colonialisme et la dépendance étatique ~ 1ère partie ~ (Taiaiake Alfred)”

  1. HS ; Si même Jimy Carter le dit ; http://alalumieredunouveaumonde.blogspot.fr/2015/08/jimmy-carter-les-us-sont-une-oligarchie.html#more Depuis un moment, mais ça s’accélère, le vernis craque en Zunie !

  2. Sans rapport avec votre article, je me permets de vous coller ce que je viens de lire sur le toujours excellent saker ; http://lesakerfrancophone.net/quel-est-le-probleme-avec-notre-systeme-monetaire-et-comment-y-remedier/ Je ne suis pas d’accord avec certains points, mais l’analyse sur le fonds est correcte. Par ailleurs, prétendre que le Pape a tout compris et qu’il est le dernier a sonné l’alarme, est pour moi un véritable point de divergence compte tenu des liens étroits entre la City de Londres et la Banque du Vatican et ce précisément depuis plus de 250 ans au moins avec l’avènement du nouveau peuple élu du nouveau monde… Mais, au moins le questionnement est toujours utile. Certes, l’auteur pense qu’il est possible de corriger le Système, alors que perso, je pense que c’est impossible. Et que la mise à bats de ce Système entraînera de facto son anéantissement total. Alors, pas d’un claquement de doigts, mais je pense que c’est ça l’idée, me trompe-je ?

  3. Par ailleurs, je vous colle l’analyse de Paul Craig Roberts lue sur le saker francophone également qui est la plus fine et la plus poussée, pour moi, de PCR ces derniers temps, vraiment excellente car pour une fois il avance des propositions mêmes timides pour résolution. De plus en plus de personnes attaquent le problème de l’intérieur et pas des moindres c’est en cela que c’est intéressant et presque unique, non ? Voici ; http://lesakerfrancophone.net/la-cinquieme-colonne-de-washington-en-russie-et-en-chine/

  4. Enfin je ne résiste pas et je vous colle l’interview faite par l’AIL de Jacob Cohen, écrivain antisioniste (et juif) qui parle le mieux de cet événement que fut « Tel-Aviv sur Seine » ; http://gaideclin.blogspot.fr/ Je prétends pour ma part que le meilleur outil, pacifique et à utiliser sans modération et autant que nécessaire est le BOYCOTT ! Mais ce n’est que mon avis…

  5. A reblogué ceci sur Boycott.

  6. JBL1960 Says:

    Je n’arrive pas à vérifier l’authenticité de cette information lue sur RT France ; http://francais.rt.com/international/5630-explosion-conroe-texas Après la terrible explosion en Chine, dont on ne sait rien, je trouve que ça fait beaucoup. Par ailleurs, Vlad essaie de démontrer que l’Ukraine a utilisé des bombes au phosphore dans le Donbass, et tout le monde joue des mal-entendants ! Bon, perso, je trouve l’air ambiant… Délétère. Pas vous ?

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