Résistance au colonialisme: L’origine coloniale de la xénophobie américaine et de l’occident (Peter d’Errico)

 

La xénophobie américaine: Une force en provenance de l’origine coloniale

 

Peter d’Errico

 

1er juillet 2017

 

url de l’article original:

https://indiancountrymedianetwork.com/news/opinions/american-xenophobia-force-colonial-onset/

 

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

 

 

Pourquoi la xénophobie a t’elle été d’une telle force dans un pays construit par des immigrants ?” a demandé le professeur d’histoire Moshik Temkin dans un récent éditorial du New York Times.

(“Why has xenophobia been such a force in a country built by immigrants?” asked history Professor Moshik Temkin in a recent op-ed piece in the New York Times. )

Temkin n’a pas répondu à sa question. Il l’a posée comme un exemple de requête historique au sujet “du changement politique et social au cours du temps… le pain quotidien de la profession de l’historien”, qui devrait prendre le dessus sur le rôle de bruit de fond que jouent les historiens dans les débats médiatiques actuels.

Je n’ai rien contre ce que montre Temkin, son “souci au sujet de la façon très superficielle et saccadée dont l’histoire est présentée, comme s’il ne s’agissait que de tirer des analogies historiques. Le résultat est que les lecteurs et les spectateurs reçoivent des leçons d’histoire qui sont souvent mal orientées lorsqu’on en arrive à Mr Trump et ne font que peu de lumière sur les travaux courants.” Quiconque est familier avec le “pays indien” connaît la vérité en cette déclaration et pas seulement au sujet de Trump. Comme l’a dit Philip Deere se référant aux étudiants imitant le “cri de guerre indien” si stéréotypé: “Ces gosses ont été à l’université pour obtenir une éducation supérieure et pourquoi ne l’ont-ils pas obtenu ?.. Dans leur esprit ils sont toujours dans un film de John Wayne.”

Quoi qu’il en soit, la question de Temkin porte en elle-même une vision étriquée de l’histoire à savoir la référence à “un pays construit par des immigrants”. Cette notion est devenue une sorte de fétiche dans des débats polarisés mélangeant le statut “d’étrangers” aux Etats-Unis. Ceux qui fréquemment accepte l’immigration assument le “nous sommes tous des immigrants”. Les opposants demandent la déportation des immigrants qui ne sont pas “légaux”. Et les deux côtés se tapent dans le dos en se félicitant de leur “exactitude”, aucun des deux ne prend le recul nécessaire pour examiner l’histoire, “le changement politico-social au fil du temps”, qui permettrait de faire la lumière sur ce sujet. Faisons donc un instant une pause et faisons donc la lumière sur ce point.

L’histoire rend problématique la notion de “pays”. Beaucoup de personnes avaient des pays sur ces terres avant l’invasion coloniale chrétienne. Que ces colonies en terminent dans un “pays” appelé Etats-Unis d’Amérique n’efface en rien l’existence continuelle des pays précédents et originels, et ce malgré les énormes efforts des colons pour le faire, colons qui pratiquèrent le génocide, la violence politique et la fabrication de mythes dans leur tentative d’effacement de l’histoire indigène.

Les envahisseurs, qui sont des immigrants sur ces terres des Amériques, ont même développé des narratifs historiques quasi-scientifiques comme par exemple ce concept largement discrédité aujourd’hui de la migration par le détroit de Béring afin d’insister lourdement sur le fait que les indigènes étaient eux-mêmes des immigrants. Cette imagerie colonialiste se réverbère dans la rhétorique de ceux qui soutiennent l’immigration en affirmant que nous sommes tous des immigrants.

La position de ceux qui font la distinction entre immigrants “légaux” et “illégaux” présente une histoire tout aussi problématique. L’aspect le plus aliénant (de “rendre étranger”) de l’insistance sur la “légalité” provient des efforts des colonisateurs d’affirmer un “titre de propriété” sur les terres qu’ils ont envahies par cette “extravagante prétention” de la “découverte chrétienne”. La Cour Suprêmes des Etats-Unis (CSEU) a gravé dans le marbre cette doctrine en 1823 avec son verdict dans l’affaire Johnson c. McIntosh, qui ne dépeignit pas les peuples originels comme des immigrants, mais de les déposséder de leur statut de propriétaires terriens et par là de “légaliser” le statut de propriété des colonisateurs. Ce tour de passe-passe judiciaire fait écho à la rhétorique de ceux qui demandent la déportation des “immigrants illégaux”.

Ces précédents historiques au débat courant nous permettent de suggérer une réponse à la question du professeur Temkin au sujet de la xénophobie. Une définition encyclopédique du mot xénophobie la décrit comme “une haine ou peur intense ou irrationnelle de personnes en provenance d’un autre pays.” On ne peut pas trouver un meilleur mot pour décrire les visions du monde des colonisateurs chrétiens, qui arrivèrent emplis de xénophobie envers les “personnes étrangères” qu’ils trouvèrent au “nouveau monde”. Le fait que ces gens accueillirent et même aidèrent les nouveaux arrivants colons n’eut que très peu d’effet sur une tempérance à leur xénophobie.

“L’empire américain” s’est développé d’une croisade messianique violente ayant pour but d’éliminer les non-chrétiens, leurs pratiques et leurs croyances, partout où ils pouvaient les trouver. De fait, le commandement des autorités chrétiennes fut de “croissez et multipliez-vous” et assumez la “domination/dominion”. Les décrets du Vatican et les chartes coloniales insistaient sur le fait que les “découvreurs” chrétiens devaient dominer les non-chrétiens, les païens. Dans l’affaire pénale Johnson de 1823, la CSEU a dit: “Ces affirmations ont été établies et maintenues par l’épée”. L’imposition de l’empire n’a pas éliminé les peuples originels, mais la rhétorique de la loi et politique américaine obscurcit et ne permet pas leur existence en tant que peuples séparés.

Comme l’écrit Jens Bartelson dans son livre de 1996, A Genealogy of Sovereignty, la “découverte au XVIème siècle de formes de vie non-chrétiennes sur le continent des Amériques posa… une menace à la stabilité des valeurs chrétiennes.” qui étaient déjà vacillantes de par la “fragmentation de la chrétienté” dans le “vieux monde”. Bartelson ajoute: “la découverte des peuples amérindiens posa le problème de la confrontation avec quelque chose de radicalement différent du mode de vie chrétien et posa la question de quelles types de relation étaient-ils possible d’entretenir avec cet Autre. D’abord dans quelle mesure est-il possible de connaître l’Indien mis à part comme être inférieur à la civilisation chrétienne ? Secundo, dans quelle mesure est-il possible de lui donner un statut de sujet légal ?” Ces questions animèrent la colonisation et propulsèrent la décision de la CSEU dans l’affaire Johnson c. McIntosh.

Bref, la xénophobie cette peur ou haine de l’Autre, a caractérisé l’histoire américaine depuis son début dans le tumulte des colonies rivales enclines à la domination et à l’exploitation de tout un continent. La position des USA là dessus a toujours été consistante au travers des méandres de ce que nous appelons “la loi fédérale indienne”, de la soi-disante “trilogie du juge Marshall” des deux affaires passées devant la CSEU (Johnson c. MIntosh et deux affaires concernant les indiens Cherokee), jusqu’à la loi de répartition “Allotment Act” et la politique de de termination jusque dans les relations de “gouvernement à gouvernement” du XXIème siècle. La position fondatrice des Etats-Unis est que les peuples indigènes du continent ont été et sont subjugués de manière inhérente à l’autorité politique du gouvernement fédéral américain. Les fêtes nationales que sont “Columbus Day” et “Thanksgiving/jour d’action de grâce” fournissent des vacances fantasmagoriques aux Américains qui parlent de la “découverte” du “nouveau monde”, essayant de faire oublier le bain de sang de la rencontre des deux mondes.

Les tribunaux , les politiciens et même bizarrement certains leaders autochtones, ont répétitivement insistés sur ce qu’ils appellent le “pouvoir plénier” du congrès des Etats-Unis pour faire ce qu’il lui plait avec les Indiens et les terres indiennes. Une histoire critique et juste des lois américaines, incluant bien des lois que beaucoup considèrent comme “pro-indiennes”, montrent ce processus à l’œuvre: La loi sur la citoyenneté de 1924 a “prolongé le projet d’assimilation des nations autochtones dans les Etats-Unis plutôt que de reconnaître leur souveraineté.La loi de réorganisation indienne de 1934 a “remplacé les structures de gouvernance traditionnelles par un système électoral occidental.. les constitutions tribales. La Commission des Doléances Indiennes de 1944 fut “le début de l’ère de fin de non-recevoir”. Les “amis des Indiens” appelant pour des “droits égaux” aujourd’hui visent à l’élimination finale de la nationalité native séparée.

Retournons à l’appel du professeur Temkin pour les historiens de “faire mieux à expliquer à Mr Trump et rendre plus clair que les Américains peuvent améliorer leur histoire.” Cela ne servira à rien de célébrer le “tout inclusif” qui obscurcit le débat, tout comme ce très bizarre show sur Broadway “Hamilton”, dans lequel des acteurs non-blancs chantent et dansent l’histoire des hommes blancs qui fondèrent le projet fédéral de la construction de l’empire, tout comme il ne serait pas acceptable de sanctifier le statut “légal” comme le facteur déterminant des droits d’immigration. L’histoire que les Américains ont faite existe toujours. Le débat autour des immigrants demandent de se préoccuper des lois, des pratiques et des politiques d’héritage qui exercent jusqu’à ce jour une force dominante sur les peuples originels de la terre.

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Lectures complémentaires:

Abolir l’empire, mouvement pour la répudiation de la doctrine chrétienne de la découverte

David Graber Fragments Anthropologiques pour Changer l’histoire de l’humanité

Comprendre-le-systeme-legal-de-loppression-coloniale-pour-mieux-le-demonter-avec-peter-derrico1

Comprendre-le-systeme-legal-doppression-coloniale-pour-mieux-le-demonter-avec-steven-newcomb1

Effondrer le colonialisme

La_City_de_Londres_au_coeur_de_lempire

Manifeste pour la societe des societes

si-vous-avez-oublie-le-nom-des-nuages-vous-avez-oublie-votre-chemin

Païens en terre promise, décoder la doctrine chrétienne de la découverte


A l’abordage !

10 Réponses to “Résistance au colonialisme: L’origine coloniale de la xénophobie américaine et de l’occident (Peter d’Errico)”

  1. Toujours si juste, et tellement exact dans son propos le Pd’E…

    Quel plaisir de le lire, à nouveau et à braver la censure des médias alternatifs qui fait rage jusqu’au muselage progressif de la pensée critique, amérindienne, et autre ► https://jbl1960blog.wordpress.com/2018/09/01/de-la-censure-des-medias-alternatifs/

    Faisons passer à nos voisins…

    Jo

    • oui, on avait ce texte sous le coude depuis un moment, on a mis du temps à le traduire, il n’a rien publié depuis un moment… Idem pour Newcomb. Leur plateforme de communication a tee torpillée et rachetée par des… évangélistes. On comprend leur réticence et refus de publier là-dessus.

  2. […] Résistance au colonialisme : L’origine coloniale de la xénophobie américaine et de l’occident (Peter d’Errico) […]

  3. Tenez, j’ai rajouté le lien vers l’appel au mouvement pour abolir l’empire par la débaptisation en masse dans APOSTASIE COLLECTIVE ► https://jbl1960blog.wordpress.com/2018/09/22/la-xenophobie-americaine-une-force-en-provenance-de-lorigine-coloniale-de-peter-derrico/

    Ainsi que mon billet sur la Théorie du Détroit de Béring appelée « Théorie de la Connerie » justement pour les raisons données par Peter D’Errico.

    Il me permet d’introduire mon prochain billet sur la Kanaky, car nous pouvons apporter notre soutien aux peuples kanaks à s’émanciper de l’empire colonial français, représenté et ce n’est pas un hasard par Transhu1er et non pour retomber dans un système étatique mais plutôt dans l’idée de ce qui se pratique en territoire ZOMIA et comme nous l’avons avec le PDF de James C. Scott, l’Art de ne pas être gouverné, que j’ai rajouté, ainsi que le tout dernier de Marshall Sahlins.

    Jo

  4. Avez-vous vu cette info ?

    Les catholiques d’extrême droite de Civitas Toulouse lancent une campagne nauséabonde en ligne ► https://www.ladepeche.fr/article/2018/09/24/2874930-catholiques-extreme-droite-civitas-toulouse-lancent-campagne-nauseabonde-ligne.html

    Un chimpanzé punk au visage couvert de piercings. C’est l’étrange image que diffuse ce lundi sur les réseaux sociaux la nouvelle section toulousaine du parti catholique intégriste Civitas. Ce parti d’extrême droite vient d’ouvrir un bureau en cette rentrée dans la Ville rose.

    L’image est barrée du slogan « Français déchristianisés = pays dégénéré ». Une campagne provocatrice visant sûrement à se faire connaître. Civitas Toulouse cherche visiblement à dénoncer la laïcisation de la société et la perte de vitesse de la religion catholique.

    Et par là même, à attirer en son sein de nouveaux identitaires. Mais l’illustration de la « dégénérescence » supposée du pays par un singe qui fait la grimace laisse peu de doute sur les positions du parti.
    Le parti Civitas en pleine offensive politique

    Ce photomontage semble viser les Français issus de l’immigration africaine et faire référence, sans la nommer, à la théorie controversée du « Grand remplacement », dont l’extrême droite française est friande. Elle tient en l’idée suivante : l’immigration jugée « massive » en Europe est un projet politique qui vise à remplacer la population blanche européenne.

    D’autres détails présents sur l’image, notamment la pyramide du Louvre, devant laquelle Emmanuel Macron a été intronisé président, laissent perplexes. Une partie de l’extrême droite y voyant un symbole de la franc-maçonnerie.

    Contactée par La Dépêche lundi en fin d’après-midi, la section toulousaine Civitas n’a pas donné suite, mais ce mardi en fin de matinée, Civitas national a publié une réponse cinglante sur son compte Twitter.

    Ces catholiques d’extrême droite de Civitas se sont notamment faits connaître du grand public lors des débats enflammés sur le mariage pour tous en 2013. Cette association nationale s’est muée en parti politique en 2016 et se cherche un nouvel avenir. Le mois dernier, Civitas a d’ailleurs organisé sa première université d’été près de Poitiers.
    =*=
    Eux vont célébrer le lundi 8 octobre prochain, comme Jour de la Race, sans aucun doute…

    Et après on va nous dire que c’est nous les haineux !

    Jo

    • qui est derrière toute cette fange catho intégriste ? Les mêmes qui sont aux manettes pour pousser au « clash/conflit des civilisations » bidon complètement fabriqué par la propagande christs-sioniste d’outre-atlantique
      Tout est fait pour maintenir les peuples dans la division et toutes les lignes de découpage sont bonnes.
      La hantise de l’oligarchie, ce qui l’empêche vraiment de dormir la nuit, c’est de se réveiller demain matin pour faire face à des gens sortis de leur torpeur induite, conscient de leur humanité, prête à œuvrer ensemble dans le grand tout complémentaire qui nous constitue… Les Attal and co chient dans leur froc à cette simple pensée qui signifie la fin irrémédiable et sans espoir de retour de leur mascarade manipulatrice qui n’a que trop duré.
      A bas l’État, à bas l’argent, à bas la marchandise, à bas le salariat !
      Pour que surgisse la société des sociétés !
      Tout le reste n’est que pisser dans un violon… 😉

      • Ouais, c’est pourquoi on s’attache à mettre en PDF des textes essentiels comme la peste religieuse, l’Art de ne pas être gouverné, l’Antéchrist, la nature humaine : une illusion occidentale…

        Pour aider le « RÉVEIL » le DÉCLIC des consciences afin que surgisse la société des sociétés = On est bien d’accord !

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