Empire, propagande et esclavage numérique (John Pilger)…

Nous avons traduit ici le dernier billet de John Pilger. Son analyse fine comme un scalpel de la propagande impérialiste ne peut que nous reconfirmer dans nos efforts de dénonciation sans relâche des turpitudes et des crimes de l’oligarchie qui a fait main basse sur le grand tout culturel ou ce qui en reste.

L’hégémonie culturelle des malfaisants aux manettes est toujours puissante mais est sur le déclin. La vitrine pseudo-intellectuelle et scientifique de leur paradigme criminel et eugéniste se fissure sous les coups de boutoir répétés des critiques et mises au grand jour d’une intelligentsia et d’un réveil populaire grandissant.

Le chemin est long, la nuit est profonde, mais dans tout tunnel… On y entre et on en sort !… John Pilger est une des rares lumières montrant la voie… Merci à lui et gardons le cap pour rester du bon côté de l’Histoire.

— Résistance 71 —

 

La nouvelle propagande est libérale, le nouvel esclavage est numérique

 

John Pilger

 

Le 14 Mars 2013

 

url de l’article original:

http://johnpilger.com/articles/the-new-propaganda-is-liberal-the-new-slavery-is-digital

 

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

 

Qu’est-ce que la propagande moderne ? Pour beaucoup, elle réside dans un état totalitaire. Dans les années 70, j’ai rencontré Leni Riefenstahl et lui ai posé des questions au sujet de ses films épiques à la gloire des nazis. Utilisant une caméra et des luminosités révolutionnaires, elle produisit une forme documentaire qui hypnotisa les Allemands, son “Triomphe de la volonté” fit sortir le mauvais génie Hitler de sa lampe.

Elle m’a alors dit que les “messages” de ses films n’étaient pas dépendants des “ordres venus d’en haut”, mais du “vide de la soumission” du public allemand. Cela incluait-il la bourgeoisie libérale et éduquée ? “Tout le monde” m’a t’elle répondu.

Aujourd’hui, nous préférons croire qu’il n’y a pas de vide de soumission. Le “choix” est partout. Les téléphones sont des “tremplins” qui lancent chaque demie-idée. Il y a le Google de l’espace si vous en avez besoin. Caressés comme des rosaires, les engins précieux se portent la tête basse, ils sont regardés et mis en exergue sans arrêt. Leur thème dominant est le moi. Mes besoins. Le vide de la soumission de Riefenstahl aujourd’hui est l’esclavage numérique.

Edward Said a décrit cet état de connexion dans son “Culture et Impérialisme” comme menant l’impérialisme dans des endroits que les marines d’antant n’auraient jamais pu atteindre. C’est le contrôle social ultime car il est volontaire, addictif et enrobé des illusions de la liberté individuelle.

Le “message” d’aujourd’hui de grotesque inégalité, d’injustice sociale et de guerre est la propagande des démocraties libérales. Par tout standard du comportement humain, ceci est un extrémisme. Quand Hugo Chavez l’a défié, il fut abusé par une mauvaise foi et son successeur sera trompé par les mêmes zélotes de l’American Enterprise Institute, de l’Harvard’s Kennedy School et les organisations “des droits de l’Homme”, qui se sont appropriés le libéralisme américain et pilotent en sous-main sa propagande. L’historien Norman Pollack appelle ceci le “fascisme libéral”. Il écrivit: “Tout est étalage de normalité. Pour les adeptes du pas de l’oie, substituer pour plus de militarisation rampante de la culture totale et pour le leader qui aime bombarder, travaillant froidement (à la Maison Blanche), planifiant et mettant en œuvre des assassinats, sourire radieux aux lèvres.”

Alors qu’il y a encore une génération, la dissidence et la satire acerbe étaient autorisées dans la culture “de masse”, leurs contre-façons d’aujourd’hui sont aceptables et représentent les règles d’un faux esprit du temps (NdT: “zeitgeist” dans le texte original) moral. “L’identité” seule importe, féminisme en mutation et déclarant les classes obsolètes, de la même manière que les dégâts collatéraux couvrent pour le meurtre de masse, l’ “austérité” est devenue un mensonge tout à fait acceptable. En dessous du vernis du consumérisme, un quart de la population de la grande banlieue de Manchester vit dans “une pauvreté extrême”.

La violence militariste perpétrée contre des centaines, des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants inconnus par “nos” gouvernements, n’est jamais un crime contre l’humanité. En s’entretenant avec Tony Blair il y a 10 ans sur son invasion criminelle de l’Irak, Kirsty Wark de la BBC lui offrit un moment dont il n’aurait osé rêver: Elle permit à Blair d’agoniser publiquement sur sa “décision difficile”, plutôt que de le rendre responsable des mensonges monumentaux et du bain de sang qu’il déclancha. Cela rappelait Albert Speer (NdT: Ministre de la guerre d’Hitler à partir de 1942).

Hollywood est retournée dans son rôle de la guerre froide, emmené par les libéraux. Le film gagnant des oscars de Ben Affleck “Argo” est le premier film si intégré au système de propagande, que son message subliminal d’alerte de la “menace” de l’Iran est offert alors qu’Obama se prépare, encore et toujours, à attaquer l’Iran. Que la “véritable histoire” d’Affleck des gentils contre les “méchants musulmans” soit une fabrication de la même mouture que la justification d’Obama pour ses plans de guerre, est noyé dans les applaudissements gérés par la relation publique idoine. Comme le critique indépendant Andrew O’Hehir l’a si bien noté, “Argo” est “un film de propagande dans le plus pur sens du terme, un de ceux qui affirme être innocent de toute idéologie.” A savoir, il réduit l’art cinématographique en reflet de l’image du pouvoir qu’il sert.

La véritable histoire est que, depuis 34 ans, l’élite de la politique étrangère américaine a piaffé d’impatience pour une vengeance de leur perte du Shah d’Iran, leur tyran bien-aimé et son état de la torture fait pour lui sur mesure par la CIA. Quand les étudiants iraniens ont occupé l’ambassade des Etats-Unis en 1979, ils y ont trouvé une mine de documents incriminatoires, qui révélait qu’un réseau d’espionage israélien opérait au sein même des Etats-Unis, volant des secrets scientifiques et militaires. Aujourd’hui, l’allié sioniste duplicite, et non pas l’Iran, est la seule et unique menace nucléaire au Moyen-Orient.

En 1977, Carl Bernstein, rendu célèbre pour son reportage sur le Watergate, a révélé que plus de 400 journalistes et exécutifs de bon nombre d’organisations médiatiques libérales des Etats-Unis avaient travaillé pour la CIA ces 25 dernières années. Incluant des journalistes du New York Times et des grosses chaîne de télévision. De nos jours, une telle force de travail criminelle est relativement inutile. En 2010, le New York Times n’a fait aucun secret de sa collusion avec la Maison Blanche en censurant les Wikileaks war logs. La CIA possède un “bureau de liaison de l’industrie du spectacle”, qui aide les réalisateurs et les producteurs à refaçonner son image, celle d’un groupe de mafieux hors-la-loi qui assassine, renverse des gouvernements et traffique la drogue. Alors que la CIA d’Obama multiplie les assassinats par drones, Affleck, lui, loue les “services clandestins, qui font quotidiennement des sacrifices pour les Américains.. Je désire les remercier profondément.” Le film gagnant aux Oscars 2010 “Zero Dark Thrity” de Kathryn Bigelow, qui n’est que prosélytisme et apologie de la torture, était pratiquement fait sous license du Pentagone.

La prise de marché du cinéma américain au Royaume-Uni atteint souvent 80% et la petite portion cinématographique britannique est essentiellement en co-production américaine. Les films d’Europe et du reste du monde ne sont qu’une infime fraction de ceux que nous sommes permis de visionner. Dans ma propre carrière de réalisateur, je n’ai jamais connu une époque où les voix du désaccord et de la dissidence dans les arts visuels ont été si peu nombreuses et silencieuses.

Pour toutes les poignées de main concernant l’enquête de Leveson, le “moule Murdoch” demeure intact. Les écoutes téléphoniques ont toujours été une distraction, un moindre mal, comparées aux tambours de la guerre martelés par les médias pour les guerres criminelles. D’après un sondage de Gallup, 99% des Américains croient que l’Iran constitue une menace pour eux, tout comme la majorité a cru que l’Irak était responsable des attaques du 11 Septembre.

“La propagande gagne toujours”, a dit Leni Riefenstahl, “si vous l’y autorisez.”

 

11 Réponses to “Empire, propagande et esclavage numérique (John Pilger)…”

  1. Sujet de philo que la soumission volontaire…

    A propos des bidules numériques et des multiples applications malsaines, dinosaure que je suis, il en est une que je viens de découvrir au cours d’une discussion et qui fait froid dans le dos : le taggage de photos.
    Via ce taggage et la reconnaissance faciale, le visage des utilisateurs (gamins surtout) est potentiellement instantanément reconnu sur des clichés, quels qu’ils soient. N’importe ou ou ils peuvent apparaitre, à leur insu ou non, et même perdus en arrière plan.
    Le rêve pour un état policier. Glups.

    • oubli : je parlais de facebook bien entendu.

      • La sagesse dicte de ne pas être sur Facebook, twitter etc… des usines à espionner et à collecter de l’info privée livrée VOLONTAIREMENT à Big Brother.
        Idem avec Google qui est noyauté depuis quasiment le départ par la NSA et dont InQ-Tel ( la branche IT de la CIA) a été partie prenante… La plus vaste fumisterie IT récente est le fameux « cloud » ou « nuage » en français où les majors demandent innocemmment aux gogos de stocker toute leur info en ligne !
        Brillant !… Même plus besoin de hackers !

  2. […] Nous avons traduit ici le dernier billet de John Pilger.  […]

  3. « 99% des Américains croient que l’Iran constitue une menace pour eux »

    hum, hum… respect à Pilger dont je partage les idées et les observations, mais là il est tombé dans le panneau comme un débutant avec ce sondage bidon. Il s’agit d’un résultat sorti par Gallup. Autant dire par un département du Ministère de la Propagande de l’Empire ! Ces faux sondages sont publiés pour créer le consentement – et démotiver les dissidents – il devrait quand même le savoir..

    http://thediplomat.com/flashpoints-blog/2013/02/21/gallup-poll-99-of-americans-view-iran-developing-a-nuclear-weapon-as-a-threat/

  4. L’Empire est en train de s’effondrer mais il est barbare et il déploie toute sa barbarie, partout où il dispose des manettes du pouvoir qu’il a installé minutieusement à toutes les échelles du pouvoir de la base au sommet au cours des dernières décennies, au nom de la démocratie dévoyée et corrompue et ce pouvoir ce sont toutes les structures politIques qui lui sont inféodées.

    Les peuples se révoltent mais c’est seulement en ordre dispersé et il en faudra du courage et de la volonté pour faire reculer l’hydre qui nous menace et cela non sans pertes.

    • Oui si nous l’affrontons physiquement et frontalement… pas vraiment sûr si nous amenons le contre-pouvoir autogestionnaire.
      La stratégie de l’EZLN du Chiapas serait la meilleure, tout en l’adaptant, mais nous n’avons plus 10 ans de préparation clandestine… Ni l’endurance des indiens à l’oppression.
      Néanmoins c’est dans la direction du contre-pouvoir qu’il faut agir. Il n’est plus possible de gagner la partie sur les barricades, mais de la gagner en remplaçant le système étatique et institutionnel par l’autogestion confédérée, unie et solidaire.
      Il ne faut pas se tromper de méthode. L’oligarchie nous attend sur la terrain de la violence, elle en a le monopole depuis des lustres, des siècles… Il faut la jouer plus fine. Personne ne le fera pour nous !

  5. […] Suivez toutes les réponses à cet article par flux RSS 2.0. Vous pouvez laisser une réponse ou envoyer un rétrolien depuis votre […]

  6. Merci pour cette honnête traduction du texte de Pilger. Comme le public prend d’avantage conscience des méthodes utilisées pour modeler ses opinions, il se montrera d’autant plus réceptif à tout ce qui va dans le sens de ses intérêts.

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