Sortir du marasme total ambiant sur la voie du communisme anarchiste et de la société des sociétés de notre humanité enfin réalisée avec Pierre Kropotkine, Marie Goldsmith et Résistance 71

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A lire et diffuser au plus grand large, devant les attaques et menaces existentielles constantes du système étatico-marchand envers nous, les peuples, aujourd’hui sous la forme d’une attaque biologique SRAS-CoV-2 / COVID19 et de la guerre par procuration en Ukraine, plus que jamais nous devons nous sentir en ÉTAT DE LÉGITIME DÉFENSE permanent et donc agir en conséquence. La réflexion est certes importante, mais elle n’a jamais été suffisante. Elle doit être suivie sans qu’il y ait l’épaisseur d’un cheveu, par une action individuelle et collective concertée décisive et transformatrice de notre réalité. C’est ce qu’on appelle la (r)évolution sociale !
Michel Audiard faisait dire à un de ses personnages dans « Un taxi pour Tobrouk » (Denis de la Patellière, 1961) : « Un con qui marche va plus loin que deux intelligents assis. » Depuis des siècles ce sont les cons qui « marchent » et l’intelligence populaire qui est assise et se demande que faire ?
« Marcheur ! Il n’y a pas de chemin, celui-ci se fait en marchant ! » disait le poète (espagnol) et chacun sait que chaque long voyage commence toujours par le premier pas. Lâchons prise et avançons… ensemble, avant qu’il ne soit trop tard !
Ce texte sur le communisme anarchiste de Kropotkine par son amie Marie Goldsmith éclaire, une fois de plus, la voie.
Alors… On le fait ce premier pas ?…
~ Résistance 71 ~

Le texte en PDF :
Le_communisme_de_Kropotkine_par_Marie_Goldsmith

Le communisme de Kropotkine

M. Korn / Marie Goldsmith

1931

Texte écrit pour le 10ème anniversaire de la mort de Kropotkine par une de ses proches amies et collaboratrices, la biologiste russe Marie Goldsmith. Le texte fut initialement publié en russe.

Traduit de l’anglais par Résistance 71 

Février 2023

Ce fut pour le développement de la théorie du communisme anarchiste que Kropotkine pensa être le plus contributeur au sein de l’anarchisme. De fait, que fut l’idéal économique du mouvement anarchiste avant que Kropotkine ne publie toute une série d’articles célèbres dans le journal “Le révolté” en 1879, articles qui furent ensuit compilés dans le libre “Paroles d’un révolté” ?

Au temps de la formation de l’Internationale, les doctrines socialistes avaient été développées selon deux lignes : le communisme d’état et le proudhonisme. Les communistes cherchèrent à concentrer le pouvoir économique dans les mains de l’État et de structurer la vie sociale de manière militaire : discipline stricte, “détachements” et “armées du travail”, consommation collective obligatoire, dans un environnement de caserne etc. Le communisme d’un Louis Blanc et Étienne Cabet était précisément ce type de “communisme de guerre”, qui proclamait sans doute le principe de “ à chacun selon ses besoins”, mais les besoins de chacun devant être décidés d’en haut, par un système de “réallocation”

Un tel arrangement social ne pouvait pas, bien entendu, satisfaire les esprits libres et Proudhon mit en avant un arrangement de type différent, opposé. Il fonda le système économique du futur sur la notion d’égalité et de réciprocité : la production et l’échange étaient ancrées sur des principes coopératifs voyant des membres de la société échanger des services et des produits de valeur égale. Les privilèges du capital se voyant ainsi annihilés, mais la propriété privée dans le sens où elle ne pouvait être utilisé que pour le travail, continuerait et la notion de sa mise en commun ne rentre pas dans cet arrangement.

Aussi loin que dans les premières années de l’Internationale, les deux idéaux échouèrent de satisfaire les socialistes avancés et, au cours des congrès qui se tinrent en 1867 et 1868, le principe de propriété publique (par opposition à l’État) de la terre et des instruments de production fut adopté. Dans les années qui suivirent, au faîte de l’activité de Bakounine, cette idée fut développée plus avant pour constituer, sous le nom de collectivisme, le programme économique de la partie fédéraliste de l’Internationale. La signification originelle du mot “collectivisme” souffrit par la suite de diverses altérations, mais à cette époque, cela signifiait : “possession publique (collective) de la terre et des instruments de production ainsi que l’organisation de la distribution au sein de chaque communauté anarchiste de la fédération, ce en accord avec les préférences des membres de cette communauté.” Les membres de l’Internationale définirent alors le “collectivisme” comme un communisme fédéraliste non étatique, se distançant ainsi du communisme d’état centralisé professé par les Babeuf, Blanc, Cabet, Marx et leurs suiveurs.

C’est ce que Bakounine voulut dire lorsqu’il dit au congrès : “Je ne suis pas un communiste, je suis un collectiviste.” Lorsque les “collectivistes” de l’Internationale proclamèrent le principe : “A chacun selon son travail”, ils ne voulurent pas dire que le travail serait évalué et récompensé par quelqu’un ; ils voulurent simplement dire que le travail ne serait pas exploité et que tous les produits du travail seraient utilisés au bénéfice des travailleurs. Comment ces produits seraient distribués demeurait une question ouverte, laissée aux soins de chaque communauté.

Mais, alors que le développement des idées avançait, le collectivisme sous cette forme devint insatisfaisant et la pensée des membres de l’Internationale commença à rechercher une réponse définitive à la question ouverte, une réponse qui serait compatible avec le principe de l’absence de force coercitive, de pouvoir d’état dans la société. Une idée fut proposée que la seule chose qui pourrait guider la distribution serait les besoins de chacun et que l’évaluation exacte du travail de chaque participant était en fait une chose impossible. En 1876, la Fédération Italienne de l’Internationale parla en faveur du “communisme anarchiste” à son congrès de Florence et, quatre ans plus tard, la Fédération du Jura, la plus influente, en arriva à la même décision (au congrès  de Chaux-de-Fonds de 1880).

A ce congrès, le vieux “collectivisme” qui ne faisait que proclamer la communalisation de la terre et des instruments de travail rencontra une nouvelle idée, celle du communisme anarchiste défendue par Kropotkine, Elisée Reclus et Carlo Cafiero, comme étant la seule idée compatible avec un système sans État.

La nouvelle idée triompha et depuis cette époque, le communisme est entré dans la vision anarchiste du monde comme en fait partie inséparable, du moins aux yeux d’une vaste majorité d’anarchistes. Nous devons donner crédit au développement de cette idée sur une base de données tirées de la science et de la vie pratique à Pierre Kropotkine. C’est grâce à lui que l’anarchisme possède ce principe économique guide et fondateur.

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Le communisme de Kropotkine émerge de deux sources : d’un côté, de l’étude des phénomènes économiques et de leur développement historique et d’un autre côté, de l’idéal social d’égalité et de liberté. Sa recherche scientifique objective et sa recherche passionnée pour une formation sociale dans laquelle pourrait prendre corps un maximum de justice, tout cela le mena à la même solution : le communisme anarchiste.

Au cours des siècles, pas à pas, par le travail d’un nombre incalculable de générations, par la conquête de la nature, par le développement des forces productives, par l’amélioration de la technologie, l’humanité a accumulé une grande quantité de richesse depuis les champs fertiles, des entrailles de la terre, dans les villes vibrillonnantes. Un grand nombre d’amélioration technique l’ont rendu possible en facilitant la réduction du travail humain, les plus larges besoins peuvent être satisfaits de mieux en mieux. Ceci est parce qu’une petite poignée de personnes ont tout saisi de ce qui est nécessaire pour créer cette richesse, la terre, les machines, les moyens de communication, d’éducation, de culture, etc, ces possibilités demeurent sans jamais avoir été transcrites dans la réalité.

Toute notre industrie, dit Kropotkine, notre production totale, s’est embarquée sur une mauvaise voie : au lieu de servir les besoins de la société, elle n’est guidée que par le seul intérêt du profit. Ainsi donc les crises industrielles, la concurrence, et la lutte pour un marché contre ses inévitables compagnons, des guerres constantes. Le monopole d’une toute petite minorité s’étend non seulement aux biens matériels, mais aussi aux gains de la culture et de l’éducation (NdT : en 2022, moins de 1% de la population mondiale détient plus de 50% de toute la richesse sur cette planète…) ; la mise en esclavage économique de la vaste majorité rend la véritable égalité et la véritable liberté impossibles et empêche les gens de développer des sentiments sociaux et comme toute cette voie et mode de vie est basée sur des mensonges institutionnalisés, tout cela rabaisse leurs standards moraux. (NdT : que vont faire les gens à la traîne de leaders qui passent leur vie à mentir et tromper ? Que peut-on attendre d’une société dont le standard de base est le mensonge, la duperie, l’escroquerie et le crime en bande organisée institutionnalisée ?…)

Ajustée à cette situation des plus anormales, l’économie politique moderne, d’Adam Smith à Karl Marx, suit, dans sa totalité, une fausse route : cela commence avec la production (accumulation de capital, rôle des machines, division du travail etc…) et seulement après passe à la consommation, c’est à dire à la satisfaction des besoins humains ; alors que si cela se faisait de la façon dont cela devrait se faire, par la physiologie de la société humaine, elle “étudierait les besoins réels de l’humanité et les moyens de les satisfaire avec le moindre coût en gaspillage d’énergie humaine.” On doit toujours garder présent à l’esprit que “le but de toute production est de satisfaire un besoin.” (NdT ; et non pas un désir induit…)

Oublier cette réalité, cette vérité mène à une situation qui ne peut en rien durer :

Sous peine de mort qui s’est déjà produite dans bien des états de l’antiquité, les sociétés humaines sont forcées à retourner aux principes premiers : les moyens de production étant le fruit du travail collectif de l’humanité, ils doivent être propriété collective ; l’appropriation individuelle n’est ni juste, ni utile à quoi que ce soit. Toutes choses appartiennent à tout le monde, car tout le monde en a besoin et que tout le monde travaille selon sa force pour les produire et comme il n’est pas possible d’évaluer la véritable part de la production de chaque individu dans la richesse du monde… Oui, tout appartient à tout le monde ! 

Dans cette somme totale de richesse sociale, Kropotkine voit la façon de distinguer entre les instruments de production et les commodités, une distinction qui caractérise les écoles socialistes de type social-démocrate. Comment peut-on séparer l’un de l’autre, spécifiquement dans une société civilisée ?

Nous ne sommes pas des sauvages capables de vivre dans les bois sans autre abris que des branches… Pour le travailleur, un logis proprement chauffé et éclairé est autant un instrument de production que sa marchine-outil. Le même argument s’applique même d’avantage à la nourriture de manière évidente. Les soi-disants économistes auxquels nous parlons ne nieraient sans doute pas que le charbon brûlé dans une machine est aussi nécessaire à la production que les matières premières de coton ou de minerai de fer. Comment donc la nourriture, sans laquelle la machine humaine ne pourrait faire un effort, pourrait elle être exclue de la listes des choses indispensables à la production. La même chose est vraie pour l’habillement et tout le reste.

La distinction entre les instruments de production et les commodités, artificiellement établie par les économistes, non seulement ne tient pas la route de la critique logique, mais ne peut pas non plus être mise en pratique. “ Dans notre société, tout est si étroitement interconnecté, qu’on ne peut pas toucher à quelque chose sans toucher aux autres choses.”

Au moment de la transformation de l’ordre capitaliste en une formation socialiste, l’expropriation doit affecter absolument toute chose : des demies-mesures ne feront que causer de graves perturbations dans la société en dérangeant ses routines et ne fera que mener au mécontentement général. On ne peut pas par exemple retirer les terres des mains des propriétaires terriens (NdT : essentiellement aujourd’hui les banques) et laisser les usines en possession des capitalistes. On ne peut pas non plus laisser les usines aux ouvriers en laissant le système financier et bancaire en l’état. “Il n’est pas possible pour une société de s’organiser en suivant deux principes contraires… Kropotkine condamne toute rémunération du travail, tout achat et toute vente.

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Il est impossible de récompenser tout le monde pour son travail sans exploiter ce travail et violer la justice. Tous les systèmes socialistes établissant une rémunération en proportion du travail (que ce soit en argent, en chèques/bons de travail ou quoi que ce soit d’autre) font une concession essentielle à l’esprit capitaliste. Au premier abord, cela semble être un paradoxe. “En fait, écrit Kropotkine dans sa critique du salariat, “dans une société comme la notre, dans laquelle plus les gens travaillent et moins ils sont rémunérés, ceci à première vue pourrait passer pour une plaidoirie envers la justice, mais ce n’est en fait que la perpétuation d’injustices passées.

Ce fut par la vertu de ce principe que commença le salariat : ’à chacun selon ses actions’, pour finir dans cette inégalité aveuglante et toutes les abominations de la société actuelle. Du premier jour où le travail fut récompensé en monnaie ou toute autre forme de salaire, du premier jour où il fut accordé que les travailleurs ne recevraient que le salaire qu’ils pourraient gagner , toute l’histoire de la société capitaliste aidée par l’État fut aussi bonne qu’elle fut écrite…

Les services rendus à la société, que ce soit le travail en usine ou dans les champs ou l’apport des services intellectuels, ne peuvent pas être monétisés. Il ne peut pas y avoir de mesure exacte de la valeur (de ce qui est faussement dénommé la “valeur d’échange”) ni de la valeur d’usage en rapport de la production… Nous pourrions dire que tout travailleur qui durant sa vie s’est privé de dix heures par jour de loisir, a donné plus à la société que celui qui s’est privé de 5 heures par jour ou qui ne s’est pas privé du tout. Mais nous ne pouvons pas prendre la quantité de travail fournie durant deux heures par un travailleur et dire que cela vaut deux fois plus que celui d’un autre qui ne travaille qu’une heure et rémunérer les travailleurs en proportion. Ceci nous ferait ignorer tout ce qui est complexe dans l’industrie, l’agriculture, l’artisanat et dans toute la vie de la société actuelle. Ce serait ignorer que le travail produit par un travailleur aujourd’hui est le résultat d’un travail présent et passé de la société humaine dans sa totalité. Cela voudrait dire que nous nous penserions vivre à l’âge de pierre alors que nous vivons dans l’âge de l’acier.

Donc, Kropotkine ne reconnaît aucun réel fondement à la théorie de la valeur du travail qui joue, nous le savons, le rôle le plus essentiel dans l’analyse économique marxiste. De la même manière, il ne reconnaît pas la distinction entre le travail simple et le travail avancé demandant plus de spécialisation, distinction à laquelle quelques mouvements socialistes souscrivent. Sur la base de la théorie de la valeur de Ricardo et de Marx, ils essaient de justifier scientifiquement de cette distinction en argumentant qu’entraîner un technicien coûte plus à la société qu’un simple ouvrier, que le coût de production du premier est plus important. Kropotkine lui, argumente que la colossale inégalité qui existe à cet égard dans la société moderne n’est pas créée par le “coût de production” mais par l’existant monopole de la connaissance : la connaissance constituant une sorte de capital qui peut être plus facilement exploité parce qu’un salaire plus élevé pour un travail plus qualifié est souvent juste une question de profit calculé par l’entrepreneur. Kropotkine pense que maintenir ces distinctions dans une société socialiste, même considérablement arrangées, est extrêmement dangereux parce que cela voudrait dire que “la révolution reconnaît et cautionne comme principe un fait brutal auquel nous nous soumettons de nos jours, mais que nous n’en trouvons pas moins injuste.

En général, le principe d’évaluation et de rémunération du travail doit être abandonné une fois pour toute. Si la révolution sociale ne le fait pas, dit Kropotkine, cela mettra un obstacle à plus de développement de l’humanité et maintiendra le problème irrésolu que nous avons hérité du passé.

Si la classe moyenne pourrit, si nous nous sommes fourvoyés dans une impasse de laquelle nous ne pouvons pas émerger sans attaquer les vieilles institutions avec des torches et des haches, c’est précisément parce que nous avons trop calculé ; parce que nous nous sommes laissés influencer à donner pour recevoir, parce que nous avons eu pour but de transformer la société en un gigantesque commerce fondé sur le débit et le crédit.

Ainsi, Kropotkine appelle au courage de pensée, au courage de construire un nouveau monde sur de toutes nouvelles fondations. Et à cet égard, il est d’abord nécessaire de “mettre les besoins des gens avant leur travail”, il est nécessaire de “reconnaître et de crier haut et fort que tout le monde, quelque soit le statut dans la vieille société, fort ou faible, capable ou incapable, a avant toute chose le droit de vivre et que la société est tenue de partager entre tous, tous les moyens d’existence à sa disposition.

“N’ayons aucune limite à ce que la communauté possède en abondance, mais un partage équitable et une division de ces commodités qui sont par nature plus rares ou plus aptes à devenir rares.”

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Mais qu’est-ce qui doit nous guider lorsque nous établirons ces limites nécessaires ? Qui va devoir les endurer ? Il va sans dire que Kropotkine ne peut pas accepter l’existence de différentes catégories de citoyens fondées sur leur “valeur”, économique ou politique, dans la société ; il ne peut pas non plus accepter toute importance que ce soit de leur position sociale présente ou passée.

Sa mesure est bien plus simple et bien plus humaine , c’est la seule mesure humaine : des privilèges sont accordés à ceux qui ont le plus de mal à endurer le manque : les faibles et les malades, les enfants et les personnes âgées. Ceci est si naturel, si compréhensible pour chacun que, sur cette base, il n’est pas difficile d’en venir à un accord mutuel sans qu’il y ait confrontation ni coercition.

Ainsi donc, au cœur même de la nouvelle société, il y a le travail volontaire et le droit de chacun de vivre. Ceci soulève immédiatement pas mal de questions. Une telle société communiste ne serait-elle pas une société de gens affamés et destitués ? Est-ce que la productivité ne chuterait pas en l’absence de cet éperonnage toujours présent de la faim ? Kroptkine au contraire, montre par un certain nombre d’exemples à quel point la productivité humaine a toujours augmenté lorsque le travail est devenu relativement libre : après l’abolition des droits féodaux en France en 1792, après l’abolition de l’esclavage des noirs en Amérique et après la destruction du servage en Russie.

Et, sur une plus petite échelle, tous les exemples de travail libre collectif dans les villages russes, suisses et allemands, dans les associations coopératives des travailleurs, parmi les pionniers aux Etats-Unis, les Russes Doukhobors au Canada, les communautés Mennonites etc, etc… montrant une telle productivité, une telle surcharge d’énergie dans les travailleurs, qu’aucune entreprise utilisant le système du salariat ne peut rivaliser.

(NdT : A Résistance 71, nous disons depuis bien des années que l’argent, le salariat, sont en fait des FREINS avérés au véritable progressisme de la société humaine. L’argent et ses conséquences relationnelles de concurrence, empêchent bien des développements par blocage de projets parce que telle ou telle partie ne pourrait pas en profiter…Pour les fanas de l’exploration spatiale dont nous me sommes pas, sans le rapport au fric et le monopole de quelques uns, nous serions déjà sur Mars…)

Le travail salarié est un travail servile, qui ne peut pas et n’est pas supposé rapporter tout ce dont il est capable. Il est grand temps de mettre un terme à cette histoire de salaires comme étant le meilleur moyen d’obtenir un travail productif.  Si l’industrie d’aujourd’hui produit des centaines de fois plus qu’elle ne le fit à l’époque de nos ancêtres, nous le devons au développement rapide de la connaissance en physique et en chimie à la fin du siècle dernier ; ceci n’est en rien dû au système capitaliste du salariat, mais de fait, malgré lui.

C’est la liberté qui est capable d’augmenter la productivité au travail, alors que toutes autres mesures, toute pression d’en haut, que ce soit sous la forme de mesure disciplinaires ou de salaires à la pièce, tout cela a l’effet inverse. Ces mesures ne sont que des vestiges de l’esclavage et du servage, quand les propriétaires terriens russes se disaient entre eux que les paysans étaient des fainéants et qu’ils ne travailleraient pas la terre s’ils n’étaient pas surveillés.

Et ne voyons-nous pas en Russie une brillante confirmation des mots de Kropotkine : la productivité chute, le pays glisse dans la pauvreté alors que les mesures disciplinaires ont drastiquement augmenté, transformant le pays en casernes et les travailleurs en soldats mobilisés ? (NdT : ceci est écrit rappelons-le en 1931 sous Staline…)

Puis, il y a une autre question : supposons que le communisme soit capable d’assure le bien-être et même la richesse dans la société, mais cela ne tuerait-il pas aussi la liberté individuelle ? Le communisme d’état le fera, répond Kropotkine, mais pas le communisme anarchiste.

Le communisme, comme institution économique, peut prendre toutes les formes, de la liberté individuelle totale à la mise en esclavage de tous.” Mais toute autre forme économique est pire parce que cela demande l’existence d’un pouvoir coercitif : quand propriété et salariat sont préservés, certains deviennent dépendants d’autres et les privilèges ainsi créés doivent être gardés par la force contre une réaction potentielle d’une autre partie désavantagée de la société. Non seulement le communisme n’est pas un conflit avec la liberté individuelle, mais au contraire, “sans communisme, l’Homme n’attendra jamais le plein développement de sa personnalité, ce qui est peut-être le plus ardent désir de tout être vivant pensant.”

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Le communisme, du moins en relation avec les nécessités de la vie, constitue la solution vers laquelle la société moderne se dirige pas à pas et dans une société civilisée, le seul communisme possible est celui proposé par les anarchistes, c’est à dire un communisme sans autorité. Tout autre forme de communisme est impossible, non viable, nous l’avons dépassé. Le communisme dans son essence, présuppose l’égalité de tous ses membres des communes et donc nie le pouvoir coercitif (NdT: historiquement séparé du corps social par nécessité) D’un autre côté, aucune société anarchiste d’une certaine taille n’est concevable sans qu’elle ne commence par donner à tout le monde un certain niveau de confort de vie, obtenu conjointement par toutes et tous. Ainsi donc les concepts de communisme et d’anarchie sont de fait totalement complémentaires…

Des objections sont mises en avant contre le communisme entre autre, sur la base de l’échec souvent éprouvé de bon nombre de sociétés communistes, communautés religieuses ou colonies socialistes. Les deux souffrent de défauts qui n’ont rien à voir avec le communisme et ce sont par ces défauts que ces deux sociétés périssent. En premier lieu, Kropotkine fait remarquer qu’elles sont souvent trop petites et non-connectées ; leurs membres, par la force des choses, vivent une vie artificielle dans une sphère d’intérêts trop limitée. Ces communautés le plus souvent se retirent de la vie du reste de l’humanité, de ses luttes et de ses progrès.

De plus, elles demandent toujours la complète subordination de leurs membres au collectif : la vie de tout à chacun est contrôlée, ils ne s’appartiennent jamais à eux-mêmes, tout leur temps est absorbé par la communauté. C’est pourquoi les personnes un peu indépendante par nature, surtout les jeunes, finissent par fuir ces communautés. S’il est vrai que la plupart des gens conçoivent travail et relations sociales en communauté, il n’en va pas de même pour le temps libre et la vie privée où les moments intimes sont et doivent être privilégiés.

[…]

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Par essence, note Kropotkine, les objections au communisme anarchiste soulevées par les autres branches socialistes ne sont pas fondamentales et pratiquement tout le monde reconnaît le communisme anarchiste comme un idéal à atteindre. Après tout, les marxistes aussi mentionnent la disparition de l’État suivant la disparition des classes comme un projet futur. Le communisme anarchiste est souvent rejeté sur la base de sa soi-disante “nature utopiste”. La majorité des socialistes ne conçoivent pas la possibilité d’une transition directe du capitalisme à un communisme anarchiste et ne focalise pas leur travail pratique sur cela mais sur une forme de vie économique qui, de leur point de vue, serait réalisée pendant une période de transition inévitable. (NdT : appelée de la très vague et jamais vraiment définie “dictature du prolétariat”..) Kropotkine n’a pas cherché à prouver que le communisme anarchiste serait immédiatement implanté dans sa forme parfaite, mais il a posé la question de la période transitoire de manière différente.

Mais nous devons nous rappeler que toute discussion des transitions qui devront être faites sur le chemin du but à réaliser, sera inutile à moins d’être basée sur l’étude de ces directions, ces formes rudimentaires transitoires qui émergent déjà.” Et là, Kropotkine pointe vers ces directions qui mènent exactement au communisme. Il y a un grand nombre d’exemples et de preuves de tout ceci , nous référons le lecteur au texte.

Cela ne fera pas de mal de rappeler une autre expression. Nous savons tous à quel point l’extrême optimisme de Kropotkine est mentionné, par certains avec une certaine condescendance (“idéaliste, grand homme !”) et avec censure par d’autres. De fait, ils disent qu’un tel système social ne demande pas une personne moderne, mais quelqu’un de bien plus moralement avancé. Ils mettent de côté toute pensée de ceci jusqu’au moment où les gens vont se développer d’une façon inconnue. Oui, bien sûr Kropotkine croit en l’Homme, dans le peuple, spécifiquement dans sa capacité à développer et ces aspects de socialité et de solidarité inhérents à sa nature ; mais ce type d’optimisme n’est-il pas une caractéristique indispensable pour toute personne de progrès, révolutionnaires et réformistes ? Après tout, cet argument que l’Homme est imparfait, que les gens sont “immatures”, qu’ils sont sauvages et ignorants, incapables de se gérer sans être surveillés etc a toujours été du domaine des conservatismes de tout bord, des défenseurs de l’ordre établi contre toute tentative de libération, d’émancipation.

Mais les progressistes ont toujours su que pour élever le peuple à être meilleur, plus développé, plus savant, ils doivent d’abord s’élever à de meilleures conditions de vie ; que l’esclavage ne peut jamais vous enseigner d’être libre et que la guerre de tous contre tous ne peut jamais générer des sentiments humains.

La même chose est vraie ici : seul le système anarchiste peut produire des anarchistes accomplis comme Kropotkine le fut et comme quelques autres aujourd’hui. Ainsi donc, il est nécessaire de travailler en ce sens, d’avancer dans cette direction sans attendre que la qualité des gens ne s’élève ; les gens vont grandir alors que la liberté et l’égalité dans les formations sociales s’étendent. Et ce ne sont certainement pas les socialistes ni les gens du futur, qui puissent jamais avoir le droit d’utiliser l’argument que les masses sont imparfaites et non préparées.

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Le communisme anarchiste de Kropotkine est endossé par une vaste majorité d’anarchistes, mais pas par tous. Il y a les anarchistes individualistes, certains d’entre eux sont des soutiens de la propriété privée, tandis que d’autres n’ont que peu de préoccupation pour toute organisation sociale future, concentrant leur attention sur la liberté intérieure d’un individu dans quelque ordre social que ce soit, il y a aussi les anarchistes proudhoniens (NdT : fédéralistes, mutualistes). Mais le fait que le communisme anarchiste soit accepté par tous ceux impliqués dans la lutte sociale de notre temps, essentiellement dans le mouvement des travailleurs, n’est ni une coïncidence, ni une question de succès temporaire d’une idée sur une autre.

Seul le communisme fournit le fil de guidage dans la résolution d’une série de problèmes de construction positive, parce qu’il constitue la condition nécessaire pour que soit rendue possible une société sans État. Tous les autres systèmes anarchistes sont minés par des contradictions internes insolubles ; seul le communisme anarchiste remplit les deux requis que sont la consistence théorique et ce qui peut mener à la création de programmes pratiques.

Le texte en PDF :
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Biographie de l’auteure

Marie Goldsmith (1871 – 1933), alias M. Korn et M. Isidine, était une biologiste anarchiste russe, qui passa l’essentiel de sa vie en France. Elle fut une amie proche et collègue de Pierre Kropotkine et traduisit bon nombre de ses publications en français et en russe durant leurs vies. Leur correspondance a même révélé qu’il y eut des plans pour que Goldsmith l’aide à assembler un second volume de son “Entraide, facteur de l’´évolution”. Bien que tristement oubliée depuis son décès précoce, la vie et le travail de Goldsmith font maintenant l’objet d’un projet de recherche visant à ramener ses écrits biologistes et anarchistes au XXIème siècle. Pour plus de détail, visiter le site (en anglais) : mariegoldsmith.uk.

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Pierre Kropotkine (1842-1921)

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Lectures complémentaires :

Pierre Kropotkine sur Résistance 71 :

La page “Pierre Kropotkine, anarchisme, entraide et évolution”

« Communisme et anarchie, 2 parties », Pierre Kropotkine

“Le prince de l’évolution”, Lee Alan Dugatkin

« L’action anarchiste dans la révolution française »

“La morale anarchiste”, Pierre Kropotkine

“La conquête du pain”, Pierre Kropotkine

“L’anarchie dans l’évolution socialiste”, Pierre Kropotkine

“Lettre de Kropotknie à Max Nettlau”

“L’anarchisme et la science moderne”, Pierre Kropotkine

“L’entraide, un facteur de l’évolution”, Pierre Kropotkine

“L’inévitable anarchie”, Pierre Kropotkine

“Champs, usines et ateliers”, Pierre Kropotkine

“La Commune de Paris 1871”, Pierre Kropotkine

Autres textes qui ne sont pas en PDF

Aussi, il n’y a pas d’auteur et de pensée plus complémentaires à celle de Kropotkine que Gustav Landauer que nous vous invitons à (re)découvrir :

Gustav Landauer et la société des sociétés organique

Compilation essentielle PDF Gustav Landauer

Nos manifeste pour la société des sociétés de 2017 et la synthèse d’anthropologie politique qui s’ensuivit en 2019-20 puisent profondément entre autre, dans les pensées et visions émancipatrices de Pierre Kropotkine et Gustav Landauer.

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Et dans une aube nouvelle,
Le peuple se dressa.

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L’esprit du peuple…

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2 Réponses to “Sortir du marasme total ambiant sur la voie du communisme anarchiste et de la société des sociétés de notre humanité enfin réalisée avec Pierre Kropotkine, Marie Goldsmith et Résistance 71”

  1. […] à la publication il y a quelques jours de notre traduction du superbe texte « Le communisme de Kropotkine », que Marie Goldsmith écrivit en 1931 pour le 10ème anniversaire de la mort de son grand ami, Jo […]

  2. […] suite à la publication il y a quelques jours par R71 de sa traduction du superbe texte « Le communisme de Kropotkine », que Marie Goldsmith écrivit en 1931 pour le 10ème anniversaire de la mort de son grand ami, […]

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