Résistance au colonialisme: L’origine du système de domination américain (Steven Newcomb)

A lire impérativement sur le sujet:

« Païens en terre promise, décoder la doctrine chrétienne de la découverte » (Steven Newcomb, 2008 version PDF)

« Meurtre par décret, le crime de génocide au Canada » (TIDC, 2016) version PDF

 

L’Amérique comme système de domination

 

Steven Newcomb

 

19 mai 2017

 

url de l’article original:

https://indiancountrymedianetwork.com/news/opinions/america-as-a-domination/

 

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

 

Dans son livre “America As A Civilization” (1957), publié il y a 60 ans, Max Lerner y inclut une section sur les “sources de l’héritage”. Il y dit ceci: “En tant que continent impérialiste et colonisateur, l’Europe a donné une part considérable de sa force et de son héritage à la civilisation américaine, qui était destinée à la remplacer en puissance et en vitalité.” (sic)

Lerner fait ici allusion à la trajectoire impérialiste de la chrétienté occidentale qui travailla durant des siècles à s’imposer de manière coercitive sur les nations et peuples libres en colonisant le continent existant à l’Ouest de l’océan Atlantique. Les termes “colonisateur” et “impérialiste” sont deux synonymes des schémas de domination européens chrétiens qui furent transportés au-delà du vaste océan au nom de la “civilisation” humaine et chrétienne, ceci a résulté en la création d’un système de domination et de déshumanisation appelé “l’Amérique”.

Lerner fournit la preuve pour soutenir son affirmation lorsqu’il écrit: “Dans un long segment trouvé chez Tocqueville, il y a une étude remarquable sur le contact et le heurt entre trois cultures ethniques en Amérique, l’indienne, la nègre et l’européenne.

Notez bien les termes de domination que nous avons placé en italique dans la phrase qui s’ensuit: “De Tocqueville décrit l’extermination de la première par la prédation des conquérants, la dégradation de la seconde par l’esclavage et les effets des deux sur la troisième, dont les membres furent les possédants et les poursuivants.”

Mais Lerner emploie de manière habile des mots qui cachent le schéma de domination qui se cache en arrière-plan en ne disant jamais ce nom. Alors qu’il aurait pu écrire “conquérants prédateurs”, il a choisi le terme obscur de “prédation des conquérants” (NdT: subtilité de langage qui existe là en anglais mais pas vraiment en français, en tout les cas difficile à rendre…). Il utilise le terme de “dégradation” au lieu de déshumanisation. Et plutôt que de focaliser sur le comment la dominantion et la déshumanisation furent le résultat de l’extermination et de la mise en esclavage de ceux qui furent soumis à un tel traitement, il dirige l’attention du lecteur vers les effets de ces schémas sur les dominants blancs qu’il nomme les “possesseurs et poursuivants”. Pensez au comment cela aurait pu être plus véridique si Lerner avait intitulé cette section de son livre “Les sources de l’héritage de domination américain”.

Il est tout à fait frappant de constater à quel point la prose de Lerner décrit la domination sans même jamais mentionner ce mot bien spécifique. Prenez par exemple sa description caractéristique des Espagnols dans ce qui suit:

“chasseurs de trésor, conquérants, esclavagistes, prirent la terre sans aucun scrupule, saisirent la richesse, les temples et les palaces, enchaînèrent les Indiens, travail forcé, résistance sanglante, insurrection réprimée dans un bain de sang…”

Quand Lerner dit “la barbarie de la conquête excita la barbarie des conquérants”, il crée par là un faux sens d’équivalence entre les actes de ceux qui envahissaient en comparaison des actes de ceux qui étaient envahis. Il ne dit aucunement que nos peuples et nations étaient alors envahis. Il ne fait que les appeler “les conquis”, c’est à dire “les vaincus”. Lerner écrit ensuite au sujet des “armes de la civilisation”, qui sont toutes des tehniques de domination er des vecteurs de destruction et de mort: “armes à feu et alcool, les systèmes de propriété foncière de la terre des Européens et leurs spéculateurs, les commerçants et les faiseurs de traités, la force et la fraude, la tuberculose et la varicelle.” Lerner continue en citant ce qu’il appelle un cas “d’ironie du sort” tocquevillienne:

Les Espagnols furent incapables d’exterminer la race indienne au moyen de ces atrocités sans précédent qui les marqua du sceau de l’infâmie, ils n’eurant pas plus de succès à supprimer les droits de la race indienne, mais les Américains et les Etats-Unis sont parvenus à réaliser ces deux choses avec une félicité bien singulière, avec tranquillité, légalité, philanthropie, sans effusion de sang (sic) et sans violer un seul grand principe de moralité aux yeux du monde. Il est impossible de détruire des humains en ayant plus de respect pour l’humanité.” (NdT: comment peut-on écrire une pareille ineptie sans sourciller ?… Epoustoufflant !…)

En considérant l’histoire sanglante qui arriva à nos ancêtres, il est bizarre que de Tocqueville dise que les Américains remplirent leur but “sans effusion de sang”. Et pourtant, ce point général est bien mentionné lorsque nous considérons l’expérience politique appelée “Amérique” et sa tendance à faussement se représenter comme “la nation exceptionnelle”, ce qui veut dire exceptionnellement morale et juste.

De là, Lerner tire ensuite une comparaison raciste entre “la culture des conquérants européens” (dominateurs), qu’il appelle “une société technique, rationaliste, acquisitrice et hautement mobile” et les peuples natifs qu’il rabaisse comme “la culture symbolique, passive, rituelle et non-rationnelle des Indiens”. Il suffit de lire le livre de Charles C. Mann “1491”, ou “Indian Givers” de Jack Weatherford et l’Encyclopédie des Amérindiens pour constater à quel point il est mensonger que de dire de nos ancêtres qu’ils étaient “irrationnels”. De plus, une simple observation de la résistance ds nations premières révèle que nos ancêtres n’étaient pas vraiment “passifs”.

Malgré la poussée pour la domination au moyen de la colonisation, de l’esclavage, de l’extermination et du déplacement des populations, Lerner dit au lecteur que les “Britanniques vinrent en Amérique apportant avec eux les hauts principes de morale.” Dans le même paragraphe, il nous dit que “toute la politique du déplacement des Indiens et des réserves dans le territoire sud avait pour but d’ouvrir le royaume du coton pour les propriétaires d’esclaves du sud.” Il continue en disant:

Prenez l’assurance puritaine d’un but de droiture commune, plus le centrisme de l’esprit yankee du “aller et prendre”, plus la faim de terre des pionniers et la faim de profits des spéculateurs fonciers, plus le dynamisme de la ‘course impérialiste vers l’Ouest’ et la doctrine de la ‘destinée manifeste’ de l’Amérique, ajoutez tout cela et vous avez une recette pour le glas de la culture indienne.

Une combinason toxique et mortelle pour les nations autochtones pour sûr ; et tout cela pointe une fois de plus vers les schémas d’oppression qui ont résulté dans l’élaboration de la loi et politique fédérales indiennes. Maintenant, 60 ans après que Lerner ait écrit son livre, nous devons nous demander comment nous, peuples et nations autochtones, faisons l’effort d’identifier et de nommer la domination et la déshumanisation qui nous furent imposées et à nos ancêtres avant nous, et qui sont maintenues aujourd’hui au moyen de schémas de réalité institutionnels et métaphoriques sur lesquels la société dominante s’appuie toujours et sur les précédents et jurisprudences de la Cour Suprême des Etats-Unis et les cadres législatifs actuels. Voici le point que je veux mentionner: Tant que nous n’apprendrons pas à diagnostiquer correctement et précisément et à nommer le système de domination auquel nous avons à faire, nous ne serons jamais capables de nous adresser à ce sytème de manière compréhensive et puissante.

9 Réponses to “Résistance au colonialisme: L’origine du système de domination américain (Steven Newcomb)”

  1. L’histoire est écrite et valorisée par les vainqueurs et grâce à Demoule et à vous qui l’avez porté à notre connaissance, notamment, on a pu lire que cela remontait loin, et que la France était totalement amnésique sur son passé et préférait présenter les choses de manière avantageuse https://jbl1960blog.wordpress.com/2017/03/17/la-france-amnesique-au-passe-reglemente-par-jean-paul-demoule-fin-et-version-pdf/
    Comme les Zuniens aujourd’hui…

    Newcomb continue d’ascensionner dans sa réflexion, et il nous emmène avec lui, qui le suivons depuis le début.
    Cela m’a remis en mémoire une « victoire » au prix de nombreuses vies, dans cette barbarie de conquête. La résistance des Aztèques à Tenochtitlan terrassant les troupes de Cortés, un temps…

    Je le reblogue bien évidemment ce Newcomb, en lien avec les derniers qui expliquent, clairement, que cette Amérique moderne, que Buther, Smith, PCR et d’autres veulent à nouveau forte, unique, exceptionnelle et indispensable, dont les Natifs sont totalement exclus, est bien une nouvelle Théocratie qui remplace le « Nouveau Monde » et à laquelle nous appelons à résister justement.
    Profond et efficace, comme toujours…

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