résistance politique: La désobéissance civile au XXIème siècle (Howard Zinn)

“Les guerres modernes ne sont pas faites pour être gagnées, mais pour durer.”

~ George Orwell ~

 

La désobéissance civile au XXIème siècle (larges extraits)

 

Howard Zinn

 

Lecture à l’université de Denver, Colorado le 9 Octobre 2008

 

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

 

Je vais parler de la guerre. Quand vous parlez de la guerre, vous devez immanquablement parler de la désobéissance civile, parce que c’est la seule façon de sortir de la spirale de la guerre, c’est par la désobéissance civile.

[…]

Les gens parlent de gagner ou de perdre. Vous ne gagnez pas les guerres. Ceci est très important à garder à l’esprit. Ainsi quand j’entends un McCain parler au sujet de “nous allons gagner, je veux que nous gagnons en Irak” et franchement lorsque j’entends Obama dire: “Nous ne devons pas gagner en Irak, nous devons gagner en Afghanistan”, s’il vous plaît non. Nous ne voulons pas gagner. Nous n’avons rien à faire là-bas… Nous n’appartenons pas à l’Irak, ni à l’Afghanistan. Nos troupes n’ont rien à faire autour du monde chez des gens qui ne nous désirent pas sur place et que nous meurtrissons quotidiennement. C’est aussi simple que cela.

[…]

Nous avons tué en Afghanistan bien plus de personnes innocentes que celles qui sont mortes dans les terribles attentats du 11 Septembre 2001. Nous faisons du terrorisme. Nous nous sommes engagés dans le terrorisme avec l’idée que nous allons faire quelque chose de bien contre le terrorisme dans le futur. Mais le fait est qu’avoir bombardé et envahi l’Afghanistan a créé bien plus de terroristes encore en antagonisant les gens en leur donnant une raison de toujours plus d’hostilité. D’où vient le terrorisme ? En grande partie du grand réservoir créé par notre politique étrangère.

[…]

De plus nous sommes une nation qui bombarde sans risque des pays qui ne peuvent pas répliquer… Et si nous analysions plus les réels motifs derrière le terrorisme ?

[…]

Un des tous premiers principes que quiconque étudiant l’histoire ou étudiant les sciences politiques, la sociologie et le monde qui nous entoure, est de vraiment bien comprendre que les intérêts des gouvernements ne sont pas les mêmes que vos intérêts, que nos intérêts…. En fait quand vous étudiez l’histoire des Etats-Unis ou l’histoire de tout pays, vous vous rendez vite compte que les intérêts du gouvernement ne sont pas du tout les intérêts des peuples. Ceci est valide non seulement dans les états totalitaires, mais aussi dans les états soi-disants démocratiques.

Savez-vous que le gouvernement ment ? Il ment tout le temps. Pas seulement notre gouvernement américain, non, c’est dans la nature même de tous les gouvernements. Pourquoi mentent-ils ? Parce qu’ils doivent mentir pour conserver le pouvoir. S’ils disaient la vérité, ils seraient virés du pouvoir en moins de deux semaines. Il y a donc une connexion entre la différence d’intérêt entre les peuples et leurs gouvernements, et les mensonges dits continuellement par ces gouvernements.

[…]

D’après la déclaration d’indépendance des Etats-Unis, lorsque les gouvernements deviennent destructeurs dans leurs fins et ceci sont les mots mêmes de la déclaration: “c’est le droit du peuple d’altérer ou d’abolir le gouvernement” (NdT: similaire en cela à l’article 35 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen française de 1793, où il fut même écrit que l’insurrection contre un gouvernement despotique est non seulement un droit mais aussi un DEVOIR…).

Ainsi la Déclaration d’Indépendance des Etats-Unis est en fait un manifeste de la désobéissance civile.

C’est de cela qu’il s’agit lorsqu’on parle de désobéissance civile. Les lois sont faites par les gouvernements, certaines d’entre elles peuvent être bonnes ; mais lorsque des lois violent les principes moraux de base ou que ces lois protègent en quelque sorte la violation de ces principes citoyens de base, alors il devient du devoir  du citoyen, en tant que personne croyant en la démocratie d’effreindre cette ou ces loi(s) et de se dresser non pas pour le gouvernement mais pour les principes que le gouvernement est supposé défendre.

[…]

Gardons toujours présent à l’esprit une chose simple: Les gens qui ont le pouvoir et souvent vous êtes très intimidés par les gens du gouvernement qui ont ce pouvoir, n’ont ce pouvoir que parce que tout le monde leur obéit. Lorsque les gens arrêtent d’obéir, le pouvoir disparaît. Quand les soldats commencent à désobéir, le pouvoir de faire la guerre disparaît ; tout comme lorsque les ouvriers arrêtent d’obéir, le pouvoir d’une grande entreprise disparaît. Lorsque des consommateurs boycottent un ou des produits, les fabricants qui produisent ces produits sont sans défense, ils ne peuvent plus rien faire. Les peuples ont du pouvoir s’ils s’organisent, s’ils organisent, s’ils agissent, parfois dans le cadre de la loi, parfois contre la loi, dans des actes de désobéissance civile. Mais les gens doivent savoir qu’ils ont ce pouvoir. C’est ce que cela demandera pour faire arrêter les guerres et faire de notre pays un autre type de pays, une nation amoureuse de la paix, qui utilise la richesse non pas pour toujours plus de guerre mais pour la santé, l’éducation et pour prendre vraiment soin des gens.

Afin que cela puisse se produire, nous devons tous commencer à faire quelque chose, quoi que ce soit, des petites choses. Pas besoin de faire des choses héroïques. Il y a des gens qui font des choses héroïques et d’autres qui feront de petites choses. Ces petites choses s’additionnent. C’est ainsi que se développent les mouvements sociaux. Quelqu’un fait une petite chose, quelqu’un d’autre fait aussi quelque chose d’apparence insignifiante (NdT: comme Rosa Parks qui refusa le 1er décembre 1955 à Montgomery, Alabama, d’obéir à l’injonction qui lui était faite d’aller s’assoir au fond du bus réservé aux noirs… le reste est historique…), puis une autre et encore une autre, puis bientôt, vous avez un million de personnes qui font quelques petites choses, puis cela fusionne à un moment précis de l’histoire en une grande force capable d’amener un bouleversement des choses.

Pensons-y.

Merci de votre attention.

 

=  =  =

 

Source:

“Howard Zinn Speaks”, Arnove A.,  2012, chapitre 16, pp 225-239

 

7 Réponses to “résistance politique: La désobéissance civile au XXIème siècle (Howard Zinn)”

  1. C’est toujours un plaisir de lire Howard Zinn et tellement enrichissant. Et puis, on constate tout de même, que les lignes bougent en ce moment. En fait, la désobéissance civile, toujours sans haine, sans violence ; Y’a pas besoin ; C’est la Voie souveraine. Enfin, c’est mon avis. Rien du modèle actuel, du système actuel ne doit perdurer. Un point c’est tout ! Là…
    Sur ces bonnes paroles ; Merci R71 et A+

  2. Je suis un abonné de votre blog. Je viens de faire un petit article sur l’image chronophage qui pourrait vous intéresser… http://jeanpaulgalibert.wordpress.com/2014/01/14/limage-chronophage/

  3. […] “Les guerres modernes ne sont pas faites pour être gagnées, mais pour durer.” ~ George Orwell ~ La désobéissance civile au XXIème siècle (larges extraits) Howard Zinn Lecture à l’université de Denver, Colorado le 9 Octobre 2008 ~ Traduit de…  […]

  4. […] « Les guerres modernes ne sont pas faites pour être gagnées, mais pour durer. » ~ George Orwell ~ La désobéissance civile au XXIe siècle (larges extraits)Par Howard Zinn (*) – Lecture à l’université de Denver, Colorado le 9 octobre 2008 ~ traduit de l’anglais par Résistance 71. Je vais parler de la guerre. Quand vous parlez de la guerre, vous devez immanquablement parler de la désobéissance civile, parce que c’est la seule façon de sortir de la spirale de la guerre, c’est par la désobéissance civile.[…] Les gens parlent de gagner ou de perdre. Vous ne gagnez pas les guerres. Ceci est très important à garder à l’esprit. Ainsi quand j’entends un McCain parler au sujet de « nous allons gagner, je veux que nous gagnions en Irak » et franchement lorsque j’entends Obama dire : « Nous ne devons pas gagner en Irak, nous devons gagner en Afghanistan », s’il vous plaît non. Nous ne voulons pas gagner. Nous n’avons rien à faire là-bas… Nous n’appartenons pas à l’Irak ni à l’Afghanistan. Nos troupes n’ont rien à faire autour du monde chez des gens qui ne nous désirent pas sur place et que nous meurtrissons quotidiennement. C’est aussi simple que cela.[…] Nous avons tué en Afghanistan bien plus de personnes innocentes que celles qui sont mortes dans les terribles attentats du 11 septembre 2001. Nous faisons du terrorisme. Nous nous sommes engagés dans le terrorisme avec l’idée que nous allons faire quelque chose de bien contre le terrorisme dans le futur. Mais le fait est qu’avoir bombardé et envahi l’Afghanistan a créé bien plus de terroristes encore en antagonisant les gens en leur donnant une raison de toujours plus d’hostilité. D’où vient le terrorisme ? En grande partie du grand réservoir créé par notre politique étrangère.[…] De plus, nous sommes une nation qui bombarde sans risque des pays qui ne peuvent pas répliquer… Et si nous analysions plus les réels motifs derrière le terrorisme ?[…] Un des tous premiers principes que quiconque étudiant l’histoire ou étudiant les sciences politiques, la sociologie et le monde qui nous entoure, est de vraiment bien comprendre que les intérêts des gouvernements ne sont pas les mêmes que vos intérêts, que nos intérêts…. En fait quand vous étudiez l’histoire des États-Unis ou l’histoire de tout pays, vous vous rendez vite compte que les intérêts du gouvernement ne sont pas du tout les intérêts des peuples. Ceci est valide non seulement dans les états totalitaires, mais aussi dans les états soi-disant démocratiques. Savez-vous que le gouvernement ment ? Il ment tout le temps. Pas seulement notre gouvernement américain, non, c’est dans la nature même de tous les gouvernements. Pourquoi mentent-ils ? Parce qu’ils doivent mentir pour conserver le pouvoir. S’ils disaient la vérité, ils seraient virés du pouvoir en moins de deux semaines. Il y a donc une connexion entre la différence d’intérêt entre les peuples et leurs gouvernements, et les mensonges dits continuellement par ces gouvernements.[…] D’après la déclaration d’indépendance des États-Unis, lorsque les gouvernements deviennent destructeurs dans leurs fins et ceci sont les mots mêmes de la déclaration : « c’est le droit du peuple d’altérer ou d’abolir le gouvernement » (NDT : similaire en cela à l’article 35 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen française de 1793, où il fut même écrit que l’insurrection contre un gouvernement despotique est non seulement un droit, mais aussi un DEVOIR…). Ainsi la Déclaration d’Indépendance des États-Unis est en fait un manifeste de la désobéissance civile.C’est de cela qu’il s’agit lorsqu’on parle de désobéissance civile. Les lois sont faites par les gouvernements, certaines d’entre elles peuvent être bonnes ; mais lorsque des lois violent les principes moraux de base ou que ces lois protègent en quelque sorte la violation de ces principes citoyens de base, alors il devient du devoir du citoyen, en tant que personne croyant en la démocratie d’enfreindre cette ou ces lois et de se dresser non pas pour le gouvernement, mais pour les principes que le gouvernement est supposé défendre.[…] Gardons toujours présent à l’esprit une chose simple : Les gens qui ont le pouvoir et souvent vous êtes très intimidés par les gens du gouvernement qui ont ce pouvoir, n’ont ce pouvoir que parce que tout le monde leur obéit. Lorsque les gens arrêtent d’obéir, le pouvoir disparaît. Quand les soldats commencent à désobéir, le pouvoir de faire la guerre disparaît ; tout comme lorsque les ouvriers arrêtent d’obéir, le pouvoir d’une grande entreprise disparaît. Lorsque des consommateurs boycottent un ou des produits, les fabricants qui produisent ces produits sont sans défense, ils ne peuvent plus rien faire. Les peuples ont du pouvoir s’ils s’organisent, s’ils organisent, s’ils agissent, parfois dans le cadre de la loi, parfois contre la loi, dans des actes de désobéissance civile. Mais les gens doivent savoir qu’ils ont ce pouvoir. C’est ce que cela demandera pour faire arrêter les guerres et faire de notre pays un autre type de pays, une nation amoureuse de la paix, qui utilise la richesse non pas pour toujours plus de guerres, mais pour la santé, l’éducation et pour prendre vraiment soin des gens. Afin que cela puisse se produire, nous devons tous commencer à faire quelque chose, quoi que ce soit, des petites choses. Pas besoin de faire des choses héroïques. Il y a des gens qui font des choses héroïques et d’autres qui feront de petites choses. Ces petites choses s’additionnent. C’est ainsi que se développent les mouvements sociaux. Quelqu’un fait une petite chose, quelqu’un d’autre fait aussi quelque chose d’apparence insignifiante (NDT : comme Rosa Parks qui refusa le 1er décembre 1955 à Montgomery, Alabama, d’obéir à l’injonction qui lui était faite d’aller s’assoir au fond du bus réservé aux noirs… le reste est historique…), puis une autre et encore une autre, puis bientôt, vous avez un million de personnes qui font quelques petites choses, puis cela fusionne à un moment précis de l’histoire en une grande force capable d’amener un bouleversement des choses. Pensons-y. Merci de votre attention. Source :« Howard Zinn Speaks », Arnove A., 2 012, chapitre 16, PP 225-239 (*) Howard Zinn est un historien et politologue américain, professeur au département de science politique de l’université de Boston.  […]

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