Le fléau du colonialisme passé et présent: La mascarade du concept de la « réconciliation »…

On entend souvent parler du concept de « réconciliation » au sujet du colonialisme et de la « cicatrisation » des blessures passées et présentes. Le Canada, à l’instar de l’Afrique du Sud, a institué sa commission sur le « Vérité et la Réconciliation » au sujet de l’holocauste dont les nations autochtones furent victimes aux mains de l’état et des église (idem aux Etats-Unis et en Amérique latine du reste, mais ces écrits demeurent plus spécifiques aux crimes contre l’humanité perpétrés au Canada). Il est important de bien comprendre ce que veut dire le mot « réconciliation » dans ce contexte colonialiste, toujours sous le coups des bulles pontificales Romanus Pontifex de 1455 et Inter Caetera de 1493, comme nous l’avons vu précédemment.

Kevin Annett nous explique la véritable signification de ce qu’est la « réconciliation » aux yeux de l’État et de l’église. Édifiant !!…

— Résistance 71 —

 

A découvert: Génocide au Canada passé et présent (Appendix 4(b), 3ème édition 2010)

 

(“Hidden No Longer: Genocide in Canada Past and Present, appendix 4(b)”)

 

Kevin Annett

 

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

 

Appendix 4(b): Note sur la “réconciliation” et sa véritable signification en tant que re-soumission

 

Comment les mots sont utilisés et ce qu’ils veulent véritablement dire sont deux choses très différentes. Le langage peut-être une arme brandit par ceux-là même qui ont des intérêts bien définis à défendre.

Les églises et les états qui ont massacrés des millions de personnes au nom de leur dieu ont légitimisé leurs devoirs, comme ils le font toujours, avec une vision du monde qui rend le meurtre permis.

Le livre biblique de la Génèse est le paradigme de base de l’euro-christianisme et ainsi de la culture mondiale. Le message essentiel de la Génèse est que l’Homme est mauvais et corrompu, qu’il l’est devenu et a ainsi condamné notre monde, par le truchement d’un acte de désobéissance contre un dirigeant tout-puissant, que nous appelons jehova-dieu. La rédemption de cette damnation n’est possible que par ce que la bible et la chrétienté appellent la “réconciliation” avec celui qui a été offensé.

Le terme “réconciliation” n’est pas ce qu’il semble être ; dans le langage courant cela veut dire que deux opposants enterrent la “hache de guerre” et retournent en terme équitable l’un envers l’autre. La véritable signification de ce mot est en fait l’opposé de ceci et se réfère au moment où une partie rebelle est vaincue et fait pénitence envers son ancien maître, se re-soumettant elle-même entièrement aux termes du dominant.

La définition littérale latine de “réconciliation” est “re-concilio” ce qui veut dire: “forcer de nouveau dans la réunion”, ceci est un acte coercitif d’une partie sur l’autre.

Remontons au Moyen-Age, lorsque l’église catholique lança sa première croisade majeure contre les “sarazins et les païens”, c’est à dire contre quiconque n’est pas un chrétien catholique. Comme nous l’avons vu auparavant, un système légal devait voir le jour afin de justifier les conquêtes et les meurtres de l’église envers “les autres”, incluant, plus tard les peuples indigènes de la planète entière. Ainsi les hommes de loi du Vatican concoctèrent ce que l’on appelle “l’Indulgence”, un outil brillant qui fit du pillage, du viol, du meurtre et de tout acte violent une vertu, s’ils étaient perpétrés au nom de l’église.

D’un seul coup, les chrétiens pouvaient massacrer en toute quiétude sans honte et sans être sujets aux reproches, comme cela est toujours le cas aujourd’hui quand il s’agit de crimes commis par l’église et ses agents. Donc, de cette manière, tous ces “incroyants” qui furent endommagés d’une manière ou d’une autre par l’église n’ont aucune base pour accuser et témoigner des crimes qui ont été commis à leur encontre, car les opposants à l’église étaient, comme les originaux Adam et Eve, la cause de leur propre chute. De plus, ces ennemis de l’église devaient faire une restitution spéciale à celle-ci pour avoir causé la violence qui leur a été infligée !

Cet acte de restitution par le conquis fut appelé la Réconciliation.

Pendant l’inquisition espagnole par exemple, les catholiques qui avaient pêchés en devenant luthériens (protestants) furent “réconciliés au travers de la perte de propriétés et furent obligés d’endurer des temps d’incarcération”. En 1612, cinq citoyens de Madrid furent “soumis à la réconciliation pour faits de judaïsme et furent envoyés aux galères en tant qu’esclaves” (Henry Charles Lea, “The Inquisition of the Spanish Dependencies”, New York, 1908, p.421).

Citons l’historien de l’époque médiévale Henry Charles Lea:

“La réconciliation avec l’église comprend la confiscation et était originellement accompagnée d’autres pénalités en rapport avec les antécédents du coupable et la promptitude avec laquelle il avait confessé et rejeté sa faute. Cela pouvait être des peines de prison, l’humiliation publique, la flagelation ou l’envoi aux galères.” (Ibid, p 421)

En effet, le rebelle indemnise le conquérant (cela semble t’il familier ?..) en reconnaissant que la violence et les injustices faites par celui-ci étaient justes et nécessaires, libérant ainsi le conquérant de tout blâme possible et de toute culpabilité, de honte ou de responsabilité de ses actes: ceci veut dire qu’il est publiquement établi qu’aucun crime n’a été commis, sauf par le conquis et le rebelle faisant acte de re-soumission.

Ceci est exactement ce que les survivants du programme des pensionnats pour Indiens ont été forcés de faire sous la loi canadienne en relation des institutions qui ont essayées de les tuer.

Cette notion et cette pratique de blâmer une victime pour sa souffrance aux mains du dirigeant et de s’attendre à ce que tout rebelle ou opposant fasse repentance selon les termes du dirigeant, est le cœur même du message de la version de l’église du texte de la Génèse et la philosophie opératoire de la “civilisation” moderne. C’est un thème qui est tellement basique à la croyance philosophique grecque et romaine que le puissant a toujours raison, que le pouvoir et la puissance sont la vertu et que les conquis n’ont aucun droit ni statut et doivent faire amende honorable et repentance au conquérant.

Les Romains avaient institutionalisé cette croyance au travers des rites de leur religion où les chefs des conquis ou autres ennemis de Rome demandaient pardon à genoux devant l’empereur avant d’être publiquement étranglés. En tant qu’héritière directe de l’empire romain, l’église catholique a incorporé cette pratique dans son traitement de tout ennemi qu’elle conquiert, ceci incluant les chrétiens dissidents, les juifs, les musulmans et les peuples autochtones des nations conquises.

L’essence de cette pratique, l’indemnisation publique du dirigeant par ses victimes et la condamnation et le meurtre de ces dernières, est simplement un acte, une représentation du paradigme de base de l’église: la supposée “chute” de l’humanité et le besoin de notre “réconciliation” avec “dieu” comme ses esclaves de nouveau soumis.

Tout ceci devint lumineux pour moi au printemps 2009 alors que je regardais le “chef” indien du gouvernement fédéral Phil Fontaine de l’Assemblée des Premières Nations canadiennes (AFN), rampant de soumission devant le pape Joseph Ratzinger de Rome (Benoit XVI), après que ce dernier ait énoncé un “regret” pour le non-holocauste et pour les “quelques dommages” infligés aux Indiens dans les pensionnats. Non seulement le pauvre Phil embrassa l’anneau papal (et sans aucun doute d’autres parties…), mais il “accepta” chaleureusement la déclaration du pape comme “preuve que finalement la cicatrisation s’est enfin produite”.

Ce que Fontaine faisait en fait n’était que rejouer un ancien rite de re-soumission. Comme tout chef conquis cherchant à se re-soumettre au groupe avant son exécution publique (Phil fut destitué de ses fonctions de “chef” de l’AFN un mois environ après son audience papale), Phil Fontaine s’engageait dans la “réconciliation”.

Malheureusement, chaque survivant des pensionnats est forcé d’endurer la même humiliation publique, en acceptant une pitance financière insultante et re-traumatisante, pour ensuite absoudre ses bourreaux de toute malversation et de tout crime, pour lesquels il peut obtenir une ré-acceptance en tant qu’esclave “réconcilié”, aussi celui qui est “cicatrisé, guéri”.

Quand le Canada, ses médias et ses églises parlent de la “réconciliation” avec ses victimes autochtones, de manière si extatique, leur joie n’est pas déplacée. Ils sont parfaitement au courant qu’être “réconcilié” avec les victimes des pensionnats pour Indiens veut dire, moralement et pratiquement, que ces Indiens fauteurs de trouble et gênants se sont de nouveau soumis aux termes de la société blanche : en abandonnant toute action légale, en libérant les blancs de toute responsabilité et en pardonnant publiquement le Canada chrétien pour ses crimes de sang, comme cela s’est produit de manière si pathétique au printemps 2010 à la présentation d’une “Charte du Pardon” formelle au Canada et à ses églises par les officiels aborigènes d’Ottawa, financés par l’état.

Pour les survivants d’un génocide chrétien, la “réconciliation” veut dire rendre les armes, l’humiliation et la défaite. Leurs conquérants chrétiens n’ont simplement jamais eu l’honnêteté de leur expliquer la signification réelle de ce terme.

20 Réponses to “Le fléau du colonialisme passé et présent: La mascarade du concept de la « réconciliation »…”

  1. Adam et Eve – le déluge – Abraham – Moise – tout cela est un remake de Sumer –

    Dieu jaloux, vengeur ,,,,, difficile à avaler

    mais parlez nous un peu des sarazins ……..

  2. C’est ce qui se passe au Canada où les multinationales qui veulent exploiter le gaz de schiste attaquent l’Etat qui refuse de concéder ce droit sur une des régions, en alléguant que ce droit d’exploiter appartient à celui qui est capable de tirer le meilleur parti ( soit profit ) des ressources naturelles. Donc de ce fait nous perdrions même le droit de conserver tel quel quoi que ce soit sur notre territoire.

    C’est la version moderne de ce qui s’est passé il y a plusieurs siècles avec l’Eglise.

    L’accord de libre échange d’abord avec le Canada ensuite avec les USA est leur voie royale, pou priver les Etats de tout droit de regard sur leurs ressources.

    • Mais les États n’ont aucun « droit », tout ceci n’est qu’une vaste fumisterie, un dogme, une falsification, qui fonctionne sur deux piliers: la propagande et la coercition, même les peuples n’ont aucun « droit », nous empruntons c’est tout et notre devoir premier est de protéger.

      « La terre ne nous appartient pas… Nous appartenons à la terre »
      ~ Proverbe Sioux ~

  3. Même si les peuples se récoltent en masse, nous allons entrer dans une période sombre, le cycle de l’exploitation à marche forcée, à savoir les premiers à être sacrifiés, nous le voyons en France, les paysans et les ouvriers, sous le prétexte dumping social à grande échelle : un continent entier esclavagiste les pays d’Asie et en Allemagne comme nous el démontre le probléme breton : si on emploie dans les abattoirs des salariés venant des pays de l’Est, avait on besoin de soumettre au m^me régime les 7 millions d’alemends qui ont des minis jobs et on nous rpésente ce pays comme un modéle.

    Mais cela ne va pas s’arrêter là et les fonctionnaires vont être soumis au m^me régime, pas aussi voyant que les ouvriers : baisse des rémunérations et allongement des horaires. On n’a plus besoin de leur donner des avantages pour obtenir leur soutien.

    Car le nouvel ordre mondial continue à se mettre en place !

    • Foutre tout çà par dessus bord ! rien d’inéluctable, çà ne l’est que si on dit OUI !
      Boycott, organisation de l’autogestion, développement du contre-pouvoir, le système devient obsolète et caduque, les citoyens reprennent tout en compte et fonctionnent d’eux-mêmes: confédération des communes libres.
      Tout le reste n’est que cataplasme sur jambe de bois…
      Il faut raisonner hors de la boîte, pas dedans !…

  4. Mais comme ça n’en prend pas le chemin, quand on voit que l’UMP et le PS s’extrême droitise, pour des raisons électoralistes et que l’opinion pour 70 % d’entre eux applaudit et pendant ce temps le capitalisme lié au fascisme avance, continuant à nous détrousser.

  5. Hum, comme Emma la période qui s’annonce va être sombre, on y va direct, et ce n’est pas du catastrophisme à deux balles.
    Ils nous poussent vers l’extrémisme, et il y a forcément une raison.
    Alors ok pour foutre tout ça par dessus bord : je vais commencer par mon voisin qui astique son audi, voir ce qu’il en pense.

  6. …mauvais clic, pas terminé…

    l’audi du voisin est une image, représentative du fait que nombreux sont ceux qui ne lacheront pas « l’acquis », quitte à ce que soient nombreux les cadavres, tant que l’astiquage d’audi restera possible.

    • oui nous le savons, mais comme le dit la « solution à 10% », si le blaireau à l’audi embraye ok, si non… l’Histoire se passera de lui et de ses semblables et il continuera à astiquer une caisse dans un autre paradigme. Le plus difficile est de trouver un certain équilibre entre « leaders » et « suiveurs », beaucoup de gens « suivent » et « suivront » sans être hostiles, juste pour voir si on peut mieux faire en autogestion. De toute façon à un moment donné ce sera la croisée des chemins et comme le dit fort justement l’historien Howard Zinn: « On ne peut pas être neutre dans un train en marche« …

  7. La seule embellie, est que l’Amérique latine pour un grand nombre de pays s’affranchit de la tutelle des USA et les manifestations que ce soit au Brésil ou au Chili ont bien compris que l’ennemi n°1 est le capitalisme et les multinationales qu’il faut chasser ainsi que les groupes dirigeants autochtones qui leur sont liés et que tout point de croissance doit s’orienter vers l’affectation de moyens dans le domaine de l’éducation et de la santé, alors que nous sommes en train de démanteler notre systéme éducatif dont maintes formations sont payantes et dernièrement les activités périscolaires refilées aux mairies qui ne pourront l’assumer pour la plupart avec des professeurs au rabais : animateurs et même les petites communes commencent à dire qu’elles ne pourront assumer la charge d’animateurs qui ouvrent déjà la voie au clientélisme et qu’il est question de recruter des bénévoles et des retraités : ce qui va avoir pour conséquence que certains parents, ceux qui ont les moyens retireront leurs enfants de ces écoles et les enverront dans d’autres écoles, fabricant encore ainsi des ghettos pour les pauvres, après avoir enfermés les immigrés dans les cités.

    • Raisonner et sortir de la boîte Emma, sortir de la boîte… regarder le marasme ambiant et chercher des solutions pratiques au sein du système n’aboutira jamais à rien. Le problème de l’éducation, de toutes les institutions etc… est un problème de fond, de structure politique avant tout. Rien ne changera jamais dans le système car il est programmé pour que rien ne change, pouvoir, richesse centralisés, coercition, exploitation qu’on fait avaler au travers du ministère de la propagande et tournez manège !

      Le carroussel ne s’arrêtera pas, il faut descendre en marche, le forcer à s’arrêter, une fois arrêter, c’est là le truc, il ne fait pas penser « Oh, çà va aller mieux maintenant, c’était une malfonction, allez on remonte »… Non, il faut DETRUIRE le carroussel et être sérieux et arrêter les manèges…
      😉

  8. Amérique Latine uniquement.
    Si demain est un monde multipolaire, l’éclate ne sera certainement pas russe ou encore chinoise.
    En fait les plus fortunés seront retranchés dans des bunkers ultra sécurisés avec des « robocops » dans tous les coins.
    Hollywood a déjà prévenu.
    Et nous, les Morllocks, on se bouffera entre nous.
    Pendant qu’ils oeuvrent à un monde meilleur, transhumaniste, gadgetisé ou encore spatial, notre auto-esclavagisme a déjà commencé, ainsi que la baston.
    Ne sentez vous pas que tout un chacun marche pour son propre compte, et uniquement ? On s’écrase entre nous pendant qu’ils rigolent et nous méprisent.

    • Oui, c’est leur but avoué… Jusqu’ici çà marche pas mal… Cela durera t’il ?
      Il y a un autre monde possible, il y a non seulement une vie au-delà du capitalisme, mais il y a une société en dehors de l’État, il suffit de dire non et de remettre les choses à leur juste place.
      Ce n’est ni plus ni moins le message des Indiens des Amériques que nous relayons car d’une pertinence extrême de nos jours.
      Entre réalisme et pessimisme il n’y a qu’un petit pas souvent vite franchi… Prudence !
      😉

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