Kevin « Aigle à la voix profonde » Annett
Traîner en justice et punir le génocide au Canada : Un impératif sous la loi des nations
Une lettre ouverte aux gouvernements, médias et peuples du monde par Kevin Annett, M.A., M.Div.- Canadian Field Secretary, The International Tribunal of Crimes of Church and State (ITCCS)
29 juin 2021
~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~
Offert de bonne foi au delà de l’épais mur de la censure
“Lorsque la faute est un acte de l’État, il ne peut y avoir aucun regret et aucune justice.”
~ Simon Wiesenthal ~
“Les parties prenantes du contrat confirment que le génocide, qu’il soit commis en temps de paix ou en temps de guerre, est un crime qui tombe sous la juridiction du droit international qui les régit pour prévenir et punir… Les personnes qui commettent un génocide doivent être punies, qu’elles soient des dirigeants constitutionnels, des fonctionnaires d’état ou des individus à titre privé.”
~ Convention des Nations-Unies sur la Prévention et la Punition du Crime de Génocide, 1948 ~
Juste avant qu’il ne meure après un violent passage à tabac par la police de la ville de Vancouver, Johny Dawson me parla des enfants qu’ils enterraient de manière si routinière au pensionnat pour Indiens anglican de St Michel à Alert Bay en Colombie Britannique dans les années 1960.
“Ces corps étaient si petits, si diminuées. Je ne l’oublierai jamais. Diminués par le manque de nutrition. Mais nous n’avions plus de place [pour les enterrer], alors nous avons dû mettre les corps de ces enfants dans la grande chaudière du pensionnat. Les gendarmes de la police montée et les prêtres venaient pour nous superviser dans le boulot lorsqu’on les brûlait. Ils avaient pour habitude de rire et d’applaudir alors que nous faisions cette besogne. Le Frère Clancy m’a dit : ‘Il n’y a rien de mal à ça, c’est légal, nous ne faisons que résoudre le problème indien.’ Tout le monde alentour savait ce qu’il se passait, vous pouviez sentir cette odeur putride à des kilomètres à la ronde. Ils prétendent simplement aujourd’hui qu’ils ne savaient pas.”
L’assassinat délibéré de générations d’enfants indiens par l’église canadienne et l’État fut connu et rapporté durant des années, pendant un siècle ; tout comme est connu l’endroit exact de douzaines de charniers contenant les restes de ces pauvres innocents. Il n’y a que peu de temps que le monde a choisi d’en prendre connaissance, comme les membres de la famille d’un tueur en série, qui prétendent ne pas savoir ce qu’il y a sous leur maison. Mais l’ignorance d’un crime n’est pas un système de défense valide selon la loi, pour quiconque d’entre nous.
Durant le quart de siècle écoulé, contre toute attente et la censure, j’ai mené une campagne publique d’exposition au grand jour et de mise en accusation pour les morts de plus de 60 000 enfants aux mains des églises catholique, anglicane et unifiée du canada dans leurs mal-nommés “pensionnats pour Indiens”. Entre 1889 et 1996, toute action définie comme génocide par la Convention des Nations-Unies de 1948 s’est produite dans ces camps d’internement chrétiens, le tout avec la totale bénédiction et le financement de l’état canadien, de ses gouvernements et de la couronne britannique.
Dans ces facilités du meurtre et les hôpitaux indiens affiliés, les enfants étaient affamés de manière routinière, frappés et violés à mort, exposés aux maladies, stérilisés et utilisés comme cobayes humains pour des expériences ; ils étaient petit à petit torturés et menés à la mort par le clergé, les médecins et les personnels des pensionnats. Les preuves montrent que depuis 1910, un quota mensuel de morts était en place en tant que partie d’un plan général de dépopulation des aborigènes dans les régions occidentales du Canada, afin de la rendre “libres de tous païens”. Et pourtant, maintenant, en grave violation du droit international, ces églises criminelles et assassines ainsi que le gouvernement canadien font une entrave active et grave à la justice dans l’enquête sur leurs propres crimes. Ils sont même en train de façonner le narratif officiel sur ces crimes et de se blanchir de leurs atrocités, alors que le monde observe passivement.
Le penseur et écrivain hindou Krishnamurti observa qu’il ne faut que quelques personnes pour commettre un crime mais une communauté entière pour le cacher. Dans notre cas, les criminels furent plus nombreux que “quelques uns”, cela comprenant toute la société canadienne officielle et donc le camouflage se devait d’être absolu et il le fut. Où d’autre que dans un pays intrinsèquement génocidaire un taux de mortalité de quelque 60% dans des pensionnats, puisse faire la une des journaux en 1907 puis de nouveau en 2007 et ne déclenche pas une protestation ni une mise en accusation ? Le meurtre de masse des enfants a été normalisé, trivialisé dans mon pays. Ou des mots mêmes des officiels de l’Eglise Unifiée du Canada qui m’ont expulsé de mon sacerdoce en 1995 pour avoir parlé de notre holocauste domestique:
“Nous sommes au courant de toutes ces morts. Le seul problème, c’est que vous ayez écrit une lettre à ce sujet.”
Malgré tout le tumulte médiatique au sujet de “l’ouverture” des tombes des enfants morts dans les pensionnats, les scènes de crimes sont interdites au public et à la presse et ce par la même agence criminelle qui a fait creuser ces tombes et fosses communes : la police montée / gendarmerie royale du canada (GRC). Le gouvernement a été forcé de reconnaître que “quelques enfants” sont bien morts tout en enfouissant leur propres statistiques qui montrent que la moitié de ces enfants n’en sont jamais sortis vivants. Et les médias gérés par l’état canadien font le portait de générations d’extermination planifiée de ces enfants comme d’un crime sans criminels, bottant en touche le problème inévitable à confronter, à savoir: qui est responsable et comment et quand ils seront traduits en justice pour crimes contre l’humanité.
Le plus grand crime du Canada et son camouflage compte sur les trois secondes de capacité de mémoire de son peuple. En cinq occasions différentes depuis 1998, notre mouvement a mis au grand jour les preuves tangibles de 28 charniers dans les anciens pensionnats pour Indiens à travers la pays et ce dans l’indifférence la plus totale de la presse, de la police et du public en général. En octobre 2011, nous avons conduit une excavation accréditée en pensionnat mohawk de Brantford en Ontario, ce avec l’accord total du conseil local des anciens. L’excavation a produit des ossements qui furent analysés et qui confirmèrent qu’ils appartenaient à de jeunes enfants. Mais une fois de plus, pas un seul média n’a rapporté cette nouvelle pourtant historique.
Alors qu’est-ce qui est différent maintenant ? Pourquoi d’un seul coup d’un seul les charniers de ces enfants aborigènes sont devenus un sujet approuvé et acceptable pour les infos et le gouvernement ? Brièvement, parce qu’il est sécurisant maintenant pour le Canada de laisser ce problème faire surface dans une opération de pirouettage psychologique standard, puisque la plupart de ces charniers ont été détruits par la GRC et les conseils de bandes coloniaux financés par le gouvernement canadien. Le gouvernement a admis que depuis 1960 ses équipes de destruction de documents ont purgé les preuves incriminatoires des archives des pensionnats pour Indiens, ce incluant les archives des certificats de décès et les “journaux de bord” sorte de “main courante” des punitions quotidiennes. De plus, tous les survivants et témoins oculaires ont été réduits au silence par compensation financière ou par baillonnement légal de confidentialité. Alors n’est-ce pas le meilleur moment pour que le gouvernement Trudeau fasse un grand geste public, miné qu’il est de ce scandale grandissant ne pouvant plus resté sous silence de sa complicité dans la prise en main par la Chine de l’économie canadienne ?
La vérité est que l’annonce récente des charniers d’enfants n’est rien d’autre que l’épisode final d’une longue campagne de l’Église et de L’État canadiens pour cacher leurs crimes. Les preuves sont une fois de plus annihilées par les perpétrateurs du crime. Ceci, bien entendu, constitue le comportement standard de tout régime génocidaire dans l’histoire. Le véritable problème aujourd’hui n’est pas ce qu’un tel régime fait pour se protéger, mais ce que le reste de l’humanité est obligé de faire pour y mettre un terme.
Le droit international est très clair en cette petite chose qu’est le génocide : les coupables qu’il soient petits ou grands, doivent être poursuivis, condamnés et punis. C’est du moins la théorie sur le papier. En pratique, la Convention des Nations-Unies contre le Génocide n’a agi que deux fois depuis sa mise en place en 1948, dans les cas du Rwanda et de la Serbie. Aucune grande puissance majeure, qu’elle soit séculière ou religieuse, n’a jamais été traînée en justice pour génocide et ce pour la très simple raison qui me fut expliquée par un ancien de la diplomatie internationale très expérimenté et siégeant à L’ONU en 2008 :
“Toute nation occidentale a commis ces crimes contre les peuples aborigènes [de leurs colonies], donc personne ne veut ouvrir cette boîte de Pandore. C’est une loi non écrite que les nations ne se jettent jamais la pierre l’une l’autre sur un problème qui peut bien se retourner contre elles.”
Cette évaluation pessimiste a été vérifiée récemment avec la facilité avec laquelle le premier ministre canadien Justin Trudeau a publiquement admis le génocide au Canada le 4 juin 2019, sans provoquer un quelconque procès pour crime contre l’humanité, ni même une simple protestation de la part de la “communauté internationale”. Une législation discriminatoire ciblant la race, la loi sur les Indiens ou Indian Act du Canada, est hors-la-loi sous l’égide du droit international, mais cette loi continue à être effective sans que personne n’y trouve rien à y redire ; la loi subordonne les natifs de la terre en tant que non-humains et permet que soit tué tout Indien ou que ses enfants soient saisis et trafiqués sans aucune conséquence légale. Pourquoi donc le monde est-il si choqué de la découverte de ces charniers dans les pensionnats pour enfants indigènes du Canada ?
Nonobstant les limitations de realpolitik des conventions de l’ONU, il demeure de la responsabilité légale de chaque nation d’aider dans la procédure judiciaire et de punir le Canada et ses églises pour leur génocide vieux de plus d’un siècle et toujours actif aujourd’hui, des peuples indigènes. Cet effort inclut l’imposition de sanctions économiques et commerciales et d’un boycott touristique contre l’état voyou qu’est le Canada. L’effort récent de la Russie et d’autres pays pour faire trainer le Canada devant une cour de justice pour ses crimes commis est le bienvenu, mais les palabres politiquement correctes doivent être aussi accompagnées d’actions politiques. Ceci inclut la reconnaissance diplomatique des nations indigènes souveraines et du mouvement bourgeonnant de démantèlement d’une autorité, celle de la couronne criminelle au Canada et d’y créer une nouvelle république.
Il est également impératif pour les gens de conscience, partout, de mettre en place leurs propres actions pour mettre fin aux crimes continuels contre les enfants par l’église de Rome, de laquelle tant de crimes contre les peuples natifs du Canada ont émergé. Les Canadiens, comme tous les gens partout, sont obligés par le droit international de ne pas aider leur propre gouvernement et les églises dans leurs crimes et le maquillage de ceux-ci, ceci incluant des mesures comme ne plus payer ses impôts et son denier du culte.
Tous ces efforts ne sont pas simplement une bonne idée mais une question de vie ou de mort pour les enfants qui sont toujours victimes de trafic et sont tués à travers le Canada ; pour les peuples natifs du grand nord et leurs communautés qui font face à l’extinction aux mains d’entreprises multinationales étrangères et pour ceux d’entre nous qui ont tout risqué et sont devenus des parias dans notre propre pays pour avoir osé confronter le gouvernement et les églises au sujet de leurs atrocités inter-générationelles.
Ne nous laissez pas tomber. N’oubliez pas, ne négligez pas les enfants assassinés et ceux qui vont disparaître demain si nous n’agissons pas maintenant.
……………………
Kevin Annett est un ancien pasteur de l’Eglise Unifiée du Canada, qui fut défroqué sans raison valable et sans procédure légale après qu’il eut exposé l’assassinat d’enfants au pensionnat pour Indiens de la ville d’Alberni en Colombie Britannique. Il créa et assembla le tout premier tribunal contre le génocide au Canada en conjonction avec une NGO proche de l’ONU l’IHRAAM en juin 1998. Kevin fut l’auteur du premier compte-rendu définitif des crimes de l’Eglise et de l’État qui força une “excuse” officielle du Canada au sujet des pensionnats pour Indiens en juin 2008. Il est le co-fondateur du Tribunal International contre les Crimes de l’Eglise et de l’Etat (TICEE), qui aida à la démission du pape Benoït XVI en 2013 et co-créateur de la republic of Kanata. Il est un membre adoptif de la nation Anishinaabe Ojibwe dont le clan de la grue lui donna le nom d’Aigle à la voix profonde en 2007.
Il est l’auteur de huit livres dont Murder by Decree: The Crime of Genocide in Canada (www.murderbydecree.com) . Il a été nominé deux fois pour le prix Nobel de la Paix et est récipient du prix de la paix de la ville de Prague (Prague Peace Award 2016). On peut le joindre sur angelfire101@protonmail.com .
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Notre traduction de “Meurtre par décret, le crime de génocide au Canada” (PDF)
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