Résistance politique et activisme: L’histoire sous (bonne) influence…

“La constitution a été écrite par les riches, qui établirent un gouvernement pour protéger leur propriété.”

“Les pères fondateur de cette nation n’étaient pas seulement des organisateurs intelligents d’une nation nouvelle, mais ils étaient également des blancs, propriétaires d’esclaves, des marchands, des actionnaires, qui avaient peur d’une rebellion de la classe inférieure ou comme le disait James Madison: ‘d’une division égale de la propriété’ “.

“Mes héros furent les fermiers de la rebellion de Shay, les abolitionistes noirs qui violèrent la loi pour libérer leurs frères et sœurs, les gens qui ont été jetés en prison pour s’être opposés à la 1ère guerre mondiale, les ouvriers qui se mirent en grève contre de puissantes corporations, défiant la police et les milices patronales, les vétérans de la guerre du Vietnam qui s’opposèrent directement à la guerre, aux femmes qui demandèrent l’égalité dans tous les aspects de la vie.”

– Howard Zinn –

 

Howard Zinn ou l’Histoire au service des peuples et non de l’oligarchie

Par Résistance 71

 

Le 12 Septembre 2012

 

Nous publions en deux parties (1ère partie / 2ème partie) la traduction du chapitre 5 du livre d’Howard Zinn et Donaldo Macedo “On Democratic Education” (2005): “Christophe Colomb et la civilisation occidentale”, chapitre concernant l’histoire de la découverte du continent américain par Christophe Colomb, ses suites, la démythification de son narratif et l’analyse du comment et pourquoi l’histoire officielle a renforcé le mythe progressiste de la “civilisation” occidentale.

Le monde de cette première décennie du XXIème siècle a été placé sous la domination sans précédent de l’empire anglo-américain, domination qui ne s’est exprimée qu’exponentiellement depuis la fin de la seconde guerre mondiale et surtout depuis la fin de la guerre froide en 1991.

La compréhension du monde dans lequel nous vivons, pour lequel nous sommes constamment exploités et spoliés, passe par une compréhension de l’histoire de la civilisation occidentale vue sous un angle différent: celui des participants de tous les jours, des démunis, des travailleurs, des opprimés et non pas comme cela l’est en ce qui concerne les livres d’histoire traditionnels, sous l’angle de vue des industriels, hommes/femmes politiques, présidents, grands généraux et autres “héros” d’une civilisation questionable à bien des égards.

Howard Zinn est sans aucun doute l’historien le plus connu, controversif pour l’establishment, que les Etats-Unis aient connu.

Professeur à l’université de Boston, sa carrière d’historien, de professeur, d’activiste pour les droits civiques et anti-guerre, puise sa force dans son origine prolétaire, ayant eu la possibilité de pousser ses études au retour de la seconde guerre mondiale sous les auspices de la “GI bill”, loi qui donnait la possibilité aux vétérans de l’armée de faire des études en bénéficiant d’une bourse d’état. L’ouvrier de chantier naval devint Docteur en Histoire après avoir poursuivi un cursus d’étude qui le vit être diplômé (Ph.D) de l’université de Colombia.

Zinn devint très vite un critique de l’histoire traditionnelle, dénonçant le bias systématique pris par les recherches et analyses des faits historiques dans le sens d’un consensus pro-establishment. Il passa le reste de sa carrière d’historien à éclairer les faits sous un angle systématiquement différent, déterrant ce faisant certaines vérités que personne dans l’orthodoxie anbiante ne voulait vraiment ni voir ni entendre.

Zinn représente le parfait exemple de ce qu’un historien se doit d’être: un chercheur contradictoire, quelqu’un fouillant les archives et exposant ce que les évènements historiques furent et non pas ce que certains désireraient qu’ils fussent, ce tout en admettant le fait que selon ses dires mêmes: “Dans tous les cas de figure, l’historien ne peut pas choisir d’être neutre, car il écrit dans un train en marche.”

L’histoire a toujours été écrite par la classe moyenne et la classe moyenne supérieure au profit du consesnsus du statu quo oligarchique. Les personnes relatant les faits n’ont que très peu souvent été capables d’évaluer la perception d’évènements du point de vue des classes ouvrières ou des laisser-pour-compte de la société. L’histoire se doit d’être dite de ce point de vue, qui le plus souvent met au défi l’évaluation orthodoxe de faits que l’on pense établis et qu’on nous présente toujours sous un angle favorable à la pensée dominante.

Howard Zinn symbolise ce que le révisionnisme historique, prit dans son véritable sens et non dans le sens amalgamé au négationisme promulgué à dessein par la pensée unique dogmatique refusant toute analyse rationnelle, se doit d’être:

 

Etymologie : du latin revisere, revoir.

Le révisionnisme désigne l’attitude critique de ceux qui remettent en cause de manière rationnelle les fondements d’une doctrine, d’une loi, d’un jugement, d’une opinion couramment admise en histoire, ou même de faits établis.

Le révisionnisme est une démarche naturelle de l’historien consistant à réviser en permanence le savoir historique, tout en utilisant les règles et méthodes scientifiques du métier. En se basant sur un apport d’informations nouvelles, sur un réexamen des sources, il propose une nouvelle interprétation de l’histoire.

Le terme a été, à l’origine, employé pour la remise en cause des conclusions rendues au sujet de l’affaire Dreyfus et pour demander la révision de son procès.

Le révisionnisme a plus particulièrement désigné la position de certains communistes qui étaient convaincus de la nécessité de réviser la doctrine marxiste avec l’évolution politique, sociale ou économique de la société, en remettant en cause une partie des thèses révolutionnaires et en s’écartant de l’orthodoxie marxiste-léniniste. C’est ainsi que le Parti communiste français fut traité de révisionniste par ceux-là mêmes qu’il qualifiait de gauchistes.

De nos jours, le révisionnisme désigne, à tort, une tendance à remettre en question les atrocités du nazisme dans les camps de concentration et à minimiser, voire à nier, le génocide des juifs. Il convient, dans ce cas d’utiliser le mot « négationnisme« .

 

Source dictionnaire:

http://www.toupie.org/Dictionnaire/Revisionnisme.htm

Pourquoi avons-nous choisi spécifiquement de traduire ce chapitre sur Christophe Colomb ? Parce que l’interprétation historique faite de cet évènement a conditionné le mythe du “progressisme” de la civilisation occidentale et a justifié depuis lors toutes les exactions commises en son nom. Il a suffi d’étiqueter la découverte de nouveau monde par Christophe Colomb, mercenaire à la solde de la couronne d’Espagne, comme un pas de géant pour le progrès humain et d’occulter officiellement toutes les atrocités commises par les conquistadores pour justifier toutes les atrocités et les crimes subséquents qui se sont abattus sur les natifs de l’endroit, puis sur les populations africaines, au nom de la “morale chrétienne” et de la “civilisation en marche”.

Si les Etats-Unis aujourd’hui sont ce qu’ils sont: un empire criminel hégémonique, c’est en grande partie à cause du mensonge par omission de l’histoire officielle de la découverte du continent. Dénoncer le bias narratif historique au profit de la pensée dominante est non seulement une nécessité déontologique pour l’historien, mais aussi une mesure salvatrice pour la conscience humaine.

Howard Zinn nous a laissé un énorme héritage, tant intellectuel qu’activiste, deux choses qu’il ne séparait jamais. Il a rendu l’histoire des Etats-Unis à son peuple. Bon nombre de ses ouvrages ont été traduits en français dont sa célèbre pièce maîtresse qui fut l’objet, en son temps, de tant de débats animés et de controverses: “Une histoire populaire des Etats-Unis de 1492 à nos jours”, publié en France aux édition Agone.

A ce sujet, un projet de documentaire sur Zinn et son histoire populaire des Etats-Unis est en cours de réalisation.

Ce projet se réalise sous l’égide d’une SCOP (Société Coopérative Participative): Les Mutins de Pangée, coopérative qui lance des initiatives participatrices à ses réalisations. Ce sont les souscriveurs qui financent les projets (http://lesmutins.org/Howard-Zinn-Une-histoire-populaire.html) de manière indépendante. Ils ont déjà produit un excellent documentaire sur Noam Chomsky entr’autres, Zinn est en cours de réalisation.

Howard Zinn n’a pas vraiment d’équivalent en France (la plus proche serait sûrement l’historienne Annie Lacroix-Riz, qui par ses recherches serait pourtant plus proche d’Antony Sutton) et cela est bien dommage. C’est en découvrant son travail et son activisme que peut-être quelques historiens de l’hexagone pourraient devenir nos Howard Zinn et rendre notre histoire plus transparente et… populaire. Ce serait une mesure de salubrité publique !

Biographie d’Howard Zinn:

Source: Les Mutins de Pangée

http://www.lesmutins.org/Howard-Zinn-Une-histoire-populaire.html

Howard Zinn est né en 1922, à Brooklyn, dans une famille d’immigrés. Il est mort le 27 janvier 2010, laissant derrière lui de nombreux ouvrages importants dont l’incontournable Histoire populaire des Etats-Unis, de 1492 à nos jours (éditions Agone). Howard Zinn a traversé le XXème siècle sans se contenter de l’observer.

Formé à la lutte des classes dans les rues du New York de la grande dépression des années 30, jeune ouvrier d’un chantier naval, il s’est ensuite engagé dans la Seconde Guerre mondiale comme bombardier dans l’US Air Force, pour combattre le fascisme en Europe. Bouleversé par le bombardement (inutile) de Royan au napalm et par les conséquences de Hiroshima, il va s’engager toute sa vie contre la logique de guerre américaine.

Dans l’ambiance du maccarthysme d’après-guerre, Howard Zinn décide de se lancer dans des études universitaires d’Histoire, auxquelles il a accès gratuitement en tant que vétéran. Son premier poste de professeur, il l’obtient dans un collège d’étudiantes afro-américaines du sud des Etats-Unis. Il prend alors part activement dans les mouvements pour les droits civiques des noirs américains, contre la ségrégation raciale. Il prend part à la résistance non-violente des étudiants, les manifestations, les sit-in, les freedoms rides, les procès… La pratique de la désobéissance civile traverse les Etats-Unis des années 50 et 60 et marquent énormément la pensée de Howard Zinn.

Renvoyé pour « insubordination », il rejoint l’Université de Boston en 1964, au moment où la guerre du Vietnam éclate et s’engage immédiatement dans les mouvements anti-guerre, au début encore très marginaux. En tant que vétéran, Howard Zinn va jouer un rôle important dans la libération de soldats américains prisonniers, tout en donnant encore plus d’écho aux opposants à la guerre.

Howard Zinn apparait aussi comme témoin dans l’affaire des Pentagone Papers (l’ancêtre de wikileaks en quelque sorte…) qui a donné le coup de grâce à la propagande de guerre dans l’opinion publique américaine de l’époque.

Toujours attentif à s’exprimer pour le plus grand nombre, il est l’auteur de pièces de théâtre à succès : « Emma » (sur la militante libertaire Emma Goldman) et Marx in Soho (traduit en français par Karl Marx, le retour).

De ses souvenirs d’enfant de la « classe laborieuse » dans le New York des années 30 à l’élection de Barack Obama, l’oeuvre de Howard Zinn mêle sa propre expérience et l’histoire populaire, une mémoire qui met sur le devant de la scène les acteurs oubliés de l’Histoire officielle et qui restera comme un modèle de référence pour les générations futures.

 * * *

Livres d’Howard Zinn disponibles en français:

 

  • “Une histoire populaire des Etats-Unis de 1492 à nos jours”
  • “La mentalité américaine”
  • “La bombe, de l’inutilité des bombardements”
  • “Désobéissance civile et démocratie”
  • “Une histoire populaire de l’empire américain”
  • “L’impossible neutralité: autobiographie d’un historien militant”
  • “Le XXème siécle américain de 1890 à nos jours”
  • “Karl Marx, le retour: une pièce historique en un acte”
  • “En suivant Emma: pièce historique en deux actes sur Emma Goldman, anarchiste et féministe américaine”
  • “Une histoire populaire des Etats-Unis pour les ados” (2 volumes)

A lire d’Howard Zinn sur Résistance 71:

– La désobéissance civile en 7 points essentiels

16 Réponses to “Résistance politique et activisme: L’histoire sous (bonne) influence…”

  1. […] Resistance71 Blog Résistance solidaire au Nouvel Ordre Mondial « Résistance politique et activisme: L’histoire sous (bonne) influence… […]

  2. Pour ceux qui fustigent les religions et je suis de ceux là, il faudrait se pencher sur notre rôle au fil des siècles. Si nous avons été un phare en matière de civilisation,avec la philosophie des lumières nous ne l’avons guère appliqué au cours des siècles, car des « la découverte de l’Amérique » par Christophe Colomb, on peut dire qu’une entreprise génocidaire a commencé à Hispanolia, où il a débarqué et par la suite sur tout le contient sud amériacain.

    Pour citer un exemple, le Mexique comptait 25 millions d’h en 1492, il en restait
    1 million en 1615 ! et cette entreprise génociadaire s’est poursuivie en Amérique du Nord pendant 4 siècles !

    Pour autant nous n’avons guère été plus brillant en Orient, car dire que la civilidation
    arabe a eu son apogée au XIIe s est faux, car l’Empire Ottoman qui a eu une extension sur toute l’Europe, puisque leurs possessions s’étendaient sur la plus grande partie du continent européen jusqu’à Vienne mais aussi couvrait le Maghreb.

    Cet empire de distinguait par une civilisation brillante qui ne s’est décomposé qu’à partir du milieu du XIX e s et cette agonie a connu son apogée au XXes en 1914, où nous avons pris le relais pour les Dominer et les soumettre et les puissances obscurantistes ont reprise le dessus, installées par nos soins : démantelement des Etats et spoliations de toutes sortes : et nous reprenons pied pour continuer à les opprimer !

  3. […] Ceci est la traduction du chapitre 5 de son livre: “On Democratic Education” avec Donaldo Macedo (2005) ~ Présentation, cliquez ici ~ […]

  4. Ced GlobalChange Says:

    Bonjour,
    Encore merci pour vos précieuses et constantes traductions.

    J’aimerai si possible, et avec votre autorisation, reproduire cet article sur un blog traitant exclusivement de révisionnisme historique. (Je passe par ce biais n’ayant pas trouvé de contact privé).

      • Ced GlobalChange Says:

        Non, celui-ci https://explicithistoire.wordpress.com/

        Quelle coïncidence, je termine un billet (sur un autre blog) sur Medicine Groove Trio que vous connaissez aussi)

        • Oui on communique bien avec JM, coïncidence en effet, oui vas-y publie pas de problème.
          On va mettre le blog en lien.
          Peux-tu nous mettre le lien de ton billet sur Medicine Groove Trio, çà intéressera sûrement du monde.
          Merci.
          Hoka Hey !

          • Ced GlobalChange Says:

            On fignole une interview en ce moment même, et j’y ai déjà linké ton site, rapport à Howard Zinn 🙂 Décidément !
            Merci

            • C’est nous qui te remercions, Howard Zinn se doit d’être lu, vu, entendu et diffusé sans aucune modération. Il est crucial pour comprendre le monde impérialiste moderne.
              Nous ne savons pas si tu as vu notre page Zinn, on a traduit un paquet de son œuvre:
              https://resistance71.wordpress.com/howard-zinn/

            • Ced GlobalChange Says:

              En fait (et sans faire dans la surenchère de compliments) je découvre en ce moment ce monsieur grâce à votre/ton? site, donc merci, je compte en effet éplucher ça. D’autant que j’ai aperçu sa bibliographie francophone; étant un assez récent bibliovore, si tu as un conseil pour débuter -en matière de livre- , pour le reste je compte farfouiller dans les archives du site.

            • Le livre phare de Zinn, sa pièce maîtresse c’est « L’Histoire populaire des Etats-Unis de 1492 à nos jours », qui est publié en français chez Agone.
              Après la compil’ Zinn/Arnove « Voix de l’histoire populaire des Etats-Unis », qui a été récemment édité en français avec un CD. Ce livre est complémentaire du premier.
              Le troisième à lire est inconstestablement sont autobiographie au titre français bien nul de: « L’impossible neutralité: autobiographie d’un historien militant »… Le titre original en anglais est: « You can’t be neutral on a moving train », excellente autobiographie.
              Et pui, les Mutins de Pangée sortent un film/documentaire en salles très bientôt, documentaire d’1h40 sur Zinn. Plusieurs d’entre nous ot participé au Crowdfunding de ce documentaire.
              On l’a visionné en DVD édition spéciale, très bon… même si nous ne sommes pas d’accord avec son découpage. Deux autres DVD suivront.
              Zinn a été prolifique à la fois en tant qu’historien et en tant que militant. Un homme remarquable, un des grands esprits du XXème siècle qui a donné ses lettres de noblesse au véritable révisionnisme historique, qui devrait être la démarche de TOUT historien, à savoir la recherche permanente de nouveaux angles d’approche afin que la couverture historique d’évènements marquants et déterminants soit faite considérant tous les participants possibles et tous les angles d’approche possibles, afin que tout biais et toute « indulgence » historiographique deviennent quasiment impossibles.
              C’est parce que l’histoire est sous influence que la propagande pèse si lourd et remplit ses fonctions d’enfumage. Cela devient heureusement de + en + évident pour de + en + de gens…

        • Ced GlobalChange Says:

          Découverte du groupe Medicine Groove Trio sur https://activeast.wordpress.com/2015/04/19/medicine-groove-trio/

  5. […] que l’histoire révisionniste nous enseigne est que notre inertie de citoyens à abandonner le pouvoir politique à une élite, a […]

  6. […] que l’histoire révisionniste nous enseigne est que notre inertie de citoyens à abandonner le pouvoir politique à une élite, a […]

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