Pierre Clastres 1977-2017: 40 ans après sa mort, l’héritage d’un anthropologue politique anarchiste ~ 4ème partie ~

 

Pierre Clastres 1977-2017: 40 ans après sa mort, l’héritage d’un anthropologue politique anarchiste

 

Résistance 71

 

juillet 2017

 

Introduction

1ère partie

2ème partie

3ème partie

4ème partie

 

Qu’est-ce qu’une société primitive ? C’est une société homogène, non divisée de telle façon que, si elle est ignorante de la différence entre le riche et le pauvre a fortiori, c’est du fait que l’opposition entre exploiteurs et exploités est absente. Mais ceci n’est pas le plus important. Ce qui est absent est la division politique entre dominants et dominés: les chefs ne sont pas là pour commander, personne n’est destiné à obéir, le pouvoir n’est pas séparé de la société, qui, en une totalité unique, est la détentrice exclusive du pouvoir. Je l’ai écrit un nombre incalculable de fois auparavant (et il semble que ce ne soit toujours pas assez…), que le pouvoir n’existe que lorsqu’il est exercé: un pouvoir qui n’est pas en exercice est de fait, nul. Que fait donc la société primitive du pouvoir qu’elle possède ? Et bien elle l’exerce et bien sûr en tout premier lieu, sur le chef, précisément pour l’empêcher d’agir comme un chef/commandant. De manière plus générale, la société exerce son pouvoir afin de le conserver, afin d’empêcher la séparation de celui-ci, afin de repousser l’irruption de la division dans le corps social, la division entre maîtres et sujets. En d’autres termes, la société exerce le pouvoir pour assumer la conservation de son être indivisé qui crée une relation entre l’être social et elle-même.

[…] Afin de comprendre la division sociale, nous devons commencer avec la société qui a existé pour l’empêcher. Quant à savoir si je peux ou non articuler une réponse à la question de l’origine de l’État, je n’en sais toujours rien et quelqu’un comme Birnbaum encore moins…
Il m’apparaît petit à petit que cette non-séparation du pouvoir, cette non-division de l’être social n’est pas dûe à l’état embryonnaire des sociétés primitives, pas à un inachèvement, mais cela est lié à une action sociologique, à une institution de socialité comme refus de la division, comme refus de la domination: si les sociétés primitives sont sans État, c’est avant tout parce qu’elles sont contre l’État. […] Ainsi, pour le “marxisme” anthropologique, l’anthropologie marxiste, une évidence commence doucement à émerger: cette “anthropologie” est constituée d’un double mensonge. D’un côté elle affirme mensongèrement et sans honte sa relation avec la lettre et l’esprit de la pensée marxienne ; et d’un autre côté, elle tente tout aussi mensongèrement et fanatiquement d’exprimer l’être social de la société primitive de manière scientifique. Les anthropologues marxistes se foutent royalement des sociétés primitives ! Elles n’existent même pas pour ces théologiens obscurantistes  qui ne peuvent que concevoir et parler de sociétés pré-capitalistes. Le saint dogme sinon rien ! La doctrine par dessus tout ! Spécialement au dessus de l’être social.

[…] Quant à Marx, il a vu un peu plus loin que le bout du nez d’Engels, il les a vu venir, les marxistes en béton armé, bien avant leur temps. Leur idéologie de combat sombre, élémentaire et dominatrice peut être reconnue sous les masques interchangeables appelés léninisme, trotskisme, stalinisme, maoïsme: c’est cette idéologie de conquête totale du pouvoir, c’est cette idéologie de granite, dure à détruire, que Claude Lefort a commencé à façonner.

[…]

Bien que ce ne soit pas bien amusant, nous devons réfléchir un peu sur l’anthropologie marxiste, de ses causes et effets, de ses avantages et inconvénients ; parce que si l’ethno-marxisme est toujours, d’un côté, un courant puissant des sciences humaines, l’ethnologie des marxistes est quant à elle, d’une absolue ou plutôt d’une radicale nullité: elle est nulle à sa racine. Voici pourquoi il n’est pas nécessaire d’entrer dans le travail dans ses détails: il est facile de considérer la production ethno-marxiste dans son entière abondante production, comme un tout homogène qui est égal à zéro. Ruminons-donc sur ce néant, sur cette conjonction entre le discours marxiste et la société primitive.

Revenons en premier lieu sur quelques points historiques. L’anthropologie française s’est développée ces dernières vingt années grâce à la promotion institutionnelle des sciences sociales (avec la création de nombreux cours d’ethnologie dans les universités et au Centre National de la Recherche Scientifique, CNRS), mais elle s’est aussi développée dans le sillage du travail considérable et original de Claude Lévi-Strauss. Ainsi, jusqu’à récemment, l’ethnologie se révéla principalement sous le signe du structuralisme. Mais il y a environ une dizaine d’années (NdT: milieu des années 1960), la tendance s’est renversée: le marxisme (ou ce qui est appelé le marxisme) a graduellement émergé comme une ligne importante dans la recherche anthropologique, reconnu par de nombreux chercheurs non-marxistes comme étant un discours légitime et respectable sur les sociétés que les ethnologues étudient. Le discours structuraliste a donc plié au discours marxiste en tant que ligne directrice de l’anthropologie.

Pour quelles raisons ? Évoquer un talent supérieur à Levi-Strauss pour un marxiste ou un autre n’est rien d’autre que risible. Si les marxistes brillent, ce n’est pas par leur talent, car ils en manquent singulièrement par définition. On pourrait même dire que la machine marxiste ne marcherait pas si son mécanisme avait le moindre talent comme nous allons le voir. D’un autre côté, attribuer comme c’est souvent le cas, la régression du structuralisme au vacillement d’une mode semble être totalement superficiel. D’aussi loin que le structuralisme colporte une forte pensée, elle est trans-conjoncturelle et indifférente à la mode, qui n’est qu’un discours creux et rapidement oublié. Nous verrons bientôt ce qu’il en reste. Bien sûr nous ne pouvons pas non plus rattacher la progression du marxisme en ethnologie à un quelconque fait de mode. Il était prêt par avance à remplir un énorme fossé existant dans le structuralisme (en réalité le marxisme ne remplit rien du tout comme je vais tenter de le démontrer ici). Quel est ce fossé dans lequel l’échec du structuralisme prend sa racine ? C’est que ce discours majeur de l’anthropologie sociale ne parle pas de la société. Ce qui manque, effacé du discours structuraliste (essentiellement celui de Lévi-Strauss car mis à part quelques disciples intelligents de celui-ci, capables au mieux de faire un peu de sous-Lévi-Strauss, qui sont les structuralistes ?), ce dont ce discours ne parle pas parce qu’il n’est pas fait pour cela, est de la société primitive concrète, son mode de fonctionnement, sa dynamique interne, son économie et sa politique.

Mais c’est la même chose entendrons-nous dire, la relation sanguine (liens de parenté), les mythes, cela ne compte t’il pas ? Certainement. A part quelques marxistes, tout le monde est d’accord pour reconnaître l’importance décisive de Lévi-Strauss et de sa recherche “Les structures élémentaires de la parenté”. Ce livre a de plus généré une foule de recherches parmi les ethnologues sur les études de parenté: il y a un nombre incalculable d’études sur le frère de la mère ou la fille de la sœur. Peuvent-elles parler de quoi que ce soit d’autre ? Posons ici néanmoins la véritable question une bonne fois pour toute: Le discours sur la parenté est-il un discours sur la société ? La connaissance sur le système de parenté de telle ou telle tribu nous informe t’elle de leur vie sociale ? Pas du tout: lorsque quelqu’un a écorché un système de parenté, il n’en sait pas beaucoup plus sur la société elle-même, le chercheur en est toujours à l’orée. Le corps social primitif ne peut pas être réduit à ses liens de sang et ses alliances, ce n’est pas seulement une fabrique de relations parentales. La parenté n’est pas la société, cela veut-il dire que les relations de parenté sont secondaires dans la société primitive et sa fabrique sociale ? Bien au contraire: elles sont fondamentales. En d’autres termes, les sociétés primitives, moins que d’autre, ne peuvent pas être envisagées sans les relations de parentés et pourtant l’étude de parenté (telle qu’elle a été conduite jusqu’ici en tout cas), ne nous apprend rien en ce qui concerne l’être social primitif. A quoi servent les relations de parenté dans les sociétés primitives ? Le structuralisme ne peut fournir qu’une seule explication et une énorme en cela: pour codifier la prohibition de l’inceste. Cette fonction de la parenté explique que les humains ne sont pas des animaux et rien d’autre. Cela n’explique pas pourquoi l’homme primitif est un homme particulier, différent des autres. Et pourtant les liens de parenté remplissent une fonction déterminée, inhérente en tant que telle à la société primitive et qui est une société indivisée faite d’égaux: parenté, société, égalité, même combat. Mais ceci est une autre histoire sur laquelle nous nous étendrons une autre fois.

L’autre grand succès de Claude Lévi-Strauss se situe dans le champ de la mythologie. L’analyse des mythes a provoqué moins de vocations que celle de la parenté: d’abord parce que cela est plus difficile et aussi parce que sans aucun doute, personne ne pourrait le faire aussi bien que le maître lui-même. A quelle condition son analyse peut-elle être déployée ? A la condition que les mythes constituent un système homogène, à la condition que les mythes “se réfléchissent les uns les autres”, comme Lévi-Strauss l’a dit lui-même. Les mythes ont un rapport les uns avec les autres, on peut réfléchir sur eux. Très bien. Mais est-ce que le mythe (un mythe particulier) se limite à réfléchir au sujet de ses voisins de façon à ce que le mythologiste puisse réfléchir sur leur ensemble ? Certainement pas. Ici encore, la pensée structuraliste abolit, de manière particulièrement claire le rapport avec le social: C’est la relation des mythes entre eux qui est privilégiée par l’omission de l’endroit de production des mythes, la société. Que les mythes se pensent eux-mêmes entre eux, que leur structure puisse être analysée, sont des choses certaines. Lévi-Strauss le prouve brillamment, mais dans un sens secondaire, car ils considèrent en premier lieu la société qui se considère elle-même en eux, c’est en cela que réside leur fonction. Les mythes représentent, créent le discours de la société primitive sur elle-même, ils ont une dimension socio-politique que bien sûr l’analyse structurelle évite de prendre en considération, encore moins de la décortiquer. Le structuralisme est seulement opérant à condition de couper les mythes de la société, de les saisir de manière éthérée, flottant à bonne distance de leur espace d’origine (la société). Voilà pourquoi il n’est quasiment jamais question de la vie sociale primitive, à savoir le rite. Qu’y a t’il de plus collectif, en fait de plus social qu’un rite ? Le rite est la médiation religieuse entre le mythe et la société, mais pour l’analyse structuraliste, la difficulté provient du fait que les rites ne reflètent pas les uns sur les autres. Il est impossible de réfléchir sur eux. Donc, ouste le rite et avec lui, la société.

Que l’on approche le structuralisme depuis son sommet (avec le travail de Lévi-Strauss), on qu’on considère ce sommet en accord avec ses deux composants majeurs (l’analyse de la parenté et l’analyse des mythes), une observation émerge, l’observation d’une absence: ce discours élégant, souvent riche, ne parle pas de la société. C’est un structuralisme comme une théologie sans dieu: c’est une sociologie sans société.

Ceci combiné avec la montée en force des sciences humaines, une demande forte, et légitime a donc émergé parmi les chercheurs et les étudiants: nous voulons parler au sujet de la société. Parlez-nous de la société ! C’est alors que la scène change. Le menuet gracieux des structuralistes est écarté poliment et il est remplacé par un nouveau ballet, celui des marxistes (comme ils se nomment eux-mêmes): Ils font une robuste danse folklorique dans leurs gros sabots, piétinant maladroitement le sol de la recherche. Pour des raisons variées (politiques et non pas scientifiques), le public applaudit. C’est en effet parce que le marxisme est enclin par nature, en tant que théorie historique et sociale, à étendre son discours dans le champ de la société primitive. Mieux: la logique de la doctrine marxiste la force à ne pas négliger quelque type que ce soit de société; c’est dans sa nature de dire la vérité en regard de toutes formations sociales qui marquent l’histoire. Voilà pourquoi il y a de manière inhérente au discours marxiste général, un discours préparé par avance au sujet de la société primitive.

Les ethnologues marxistes forment une phalange obscure et nombreuse.

[Note du traducteur: s’ensuit ici une description des thèses et doctrines de gens comme Meillassoux, Adler, Godelier, nous référons le lecteur au texte original sur ce sujet…]

[…] Plus compétents et attentifs aux faits que Godelier (ce qui n’est pas difficile), des spécialistes de l’économie primitive comme Marshall Sahlins aux Etats-Unis ou Jacques Lizot ici, concernés par l’ethnologie et non pas par le catéchisme, ont établi que la société primitive fonctionne précisément comme une machine d’anti-production. Que le mode de production domestique (MPD) opère toujours en-deçà de sa capacité, qu’il n’y a pas de relations de production parce qu’il n’y a pas de production car ceci est la dernière des préoccupations de la société primitive (cf ma préface du livre de Marshall Sahlins). Naturellement Godelier, dont le marxisme comme nous le voyons ici, est du même tonneau que celui de son rival Meillassoux, faisant d’eux une sorte de Marx-Brothers, ne peut pas renoncer à la sacro-sainte production. Autrement, il serait ruiné, il perdrait son emploi.

[…]

Godelier oublie une chose, le principe (que les marxistes parviennent à se rappeler lorsqu’il contrôlent l’appareil d’état), à savoir que l’État est l’exercice du pouvoir politique. Nous ne pouvons pas penser pouvoir sans l’État et l’État sans pouvoir. En d’autres termes, là où on localise un exercice du pouvoir effectif d’une partie de la société sur une autre, nous nous trouvons confrontés à une société divisée, c’est à dire une société à État. La division sociale entre les dominés et les dominants est avant toute chose politique ; elle divise les hommes entre les maîtres du pouvoir et les sujets du pouvoir. L’économie, le tribut, la dette, le travail aliéné apparaissent comme les signes et les effets de la division politique de la société le long de l’axe du pouvoir. La société primitive quant à elle n’est pas divisée parce qu’elle ne comprend pas un organe séparé du pouvoir. La division sociale implique d’abord une séparation entre la société et un organe de pouvoir. Ainsi toutes les sociétés non-primitives (c’est à dire divisées) comprennent une figure d’État plus ou moins élaborée. Là où il y a des maîtres, là où il y a des sujets qui paient leur tribut, là où il y a dette, il y a pouvoir, il y a État.

Bien sûr, entre des figures a minima d’État comme certaines entités polynésiennes ou africaines et autres royautés les représentant et les formes plus affirmées d’État, il existe des degrés considérables d’exercice du pouvoir, d’intensité de répression appliquée, le degré final étant celui atteint par le type de pouvoir que les fascistes et les communistes mettent en place: là le pouvoir de l’État est total et l’oppression absolue. Mais ce qui demeure irréductible en tant que point central de l’affaire est ceci: tout comme nous ne pouvons pas penser à la société indivisée sans penser à l’absence de l’État, nous ne pouvons pas penser à la société divisée sans le présence de l’État. 

Ainsi, réfléchir sur l’inégalité, la division sociale, les classes sociales, la domination, revient à réfléchir sur le politique, sur le pouvoir, sur l’État et non pas sur l’économie et la production. L’économique provient du politique, les relations de production proviennent des relations de pouvoir, l’État engendre les classes.

Maintenant que nous avons savouré ces pitreries, occupons-nous de la question importante: Quel est le discours marxiste en anthropologie ? Je parlais au début de cette analyse de la radicale nullité de l’ethnologie marxiste (il faut lire chers lecteurs, les travaux de Godelier, Meillassoux et compagnie: c’est édifiant !). D’abord radicale, pourquoi ? Parce qu’un tel discours n’est pas un discours scientifique (c’est à dire concerné par la vérité), mais un discours purement idéologique (c’est à dire concerné uniquement par l’efficacité politique). Afin de voir ceci clairement, il convient de distinguer entre la pensée de Marx et le marxisme. Marx était, avec Michel Bakounine, le premier critique du marxisme. La pensée de Marx est une grandiose tentative (parfois réussie, parfois échouée) de réflexion sur la société de son époque (la capitalisme occidental) et de l’histoire qui l’a vu naître. Le marxisme contemporain est une idéologie au service de la politique. Le résultat de ceci est que les marxistes n’ont plus rien à voir avec Marx et ils sont les premiers à l’admettre. Après tout Meillassoux et Godelier ne s’accusent-ils pas l’un l’autre d’être des imposteurs pseudo-marxistes ? Ceci est tout à fait vrai et je suis en parfait accord avec eux sur ce point. Ils ont tous deux raison.

[…]

Le marxisme post-marxien, à part être devenu l’idéologie dominante du mouvement ouvrier, est aussi devenu le pire ennemi de celui-ci et il s’est constitué comme étant la forme la plus arrogante de ce que le XIXème siècle a créé de plus stupide: le scientisme. En d’autres termes, le marxisme contemporain s’investit lui-même comme étant le discours scientifique sur l’histoire de la société, comme le discours qui énonce les lois du mouvement historique, les lois des transformations sociétales, dont chacune est engendrée par l’autre. Ainsi le marxisme peut parler de tout type de société, car il comprend ses principes de fonctionnement en avance. Mais il y a plus: Le marxisme peut parler de tous les types de sociétés, qu’elles soient possibles ou réelles, car l’universalité des lois qu’il découvre ne peut pas souffrir d’une seule exception. Si ce n’était pas le cas, la doctrine entière s’effondrerait. Ainsi, afin de maintenir non seulement la cohérence, mais l’existence même de ce discours, il est impératif pour les marxistes de formuler la conception marxiste de la société primitive, afin de constituer une anthropologie marxiste. A défaut de cela, il ne pourrait y avoir de théorie marxiste de l’histoire, mais seulement une analyse d’un type particulier de société, le capitalisme du XIXème siècle, élaborée par quelqu’un appelé Karl Marx.

Mais c’est ici que les marxistes se font piéger par leur marxisme. Ils n’ont en fait pas le choix: ils doivent soumettre les faits sociaux primitifs aux mêmes règles de fonctionnement et de transformation qui commandent d’autres formations sociales. Il ne saurait être question ici de deux poids, deux mesures: s’il y a effectivement des lois de l’histoire, elles doivent être aussi légitimes au début de l’histoire (la société primitive) que dans la continuation de leur course dans le temps. Il ne peut y avoir qu’un seul poids, une seule mesure. Qu’elle est la mesure marxiste des faits sociaux ? C’est l’économie. Le marxisme est un économisme, il réduit le corps social à une infrastructure économique, le social est économique. Voilà pourquoi les anthropologues marxistes tapent sur le corps social primitif qu’ils pensent fonctionner autre part: les catégories de production, les relations de production, le développement des forces productives, l’exploitation, etc… au forceps comme le dit Adler. Et ainsi les anciens exploitent les jeunes (Meillassoux) et les relations de parenté sont des relations de production (Godelier).

Revenons à cette collection de non-sens. Faisons la lumière plutôt sur l’obscurantisme militant des anthropologues marxistes. Ils trafiquent les faits sans vergogne, les piétinent et les écrasent jusqu’au point où il n’en reste plus rien. Ils substituent l’idéologie de leur discours à la réalité des faits sociaux. Qui sont les Meillassoux, Godelier et consorts ? Ils sont les Lisenko des sciences humaines. Jusqu’où peut aller leur idéologie frénétique, leur volonté de piller l’ethnologie ? Jusqu’au bout, ce qui veut dire, aussi loin que l’élimination pure et simple de la société primitive comme une société spécifique, comme un être social indépendant. Dans la logique du discours marxiste, la société primitive ne peut simplement pas exister, elle n’a pas le droit à une existence autonome, son être est seulement déterminé en rapport de ce qu’elle va devenir bien plus tard dans un futur nécessaire. Pour les marxistes, les sociétés primitives ne sont que des sociétés pré-capitalistes, professent-ils savamment. Ici donc, existe un mode et une organisation de la société qui a existé sur terre pendant des millénaires, sauf pour les marxistes. Pour eux, la société primitive n’existe que dans la mesure où elle peut être réduite à la figure de société qui est apparue à la fin du XVIIIème siècle, le capitalisme. Avant cela, rien ne compte: tout est pré-capitaliste. Ces gens ne se compliquent pas la vie. Cela doit-être très relaxant d’être marxiste. Tout ceci peut-être expliqué en commençant par le capitalisme, car ils possèdent la bonne doctrine, la clef qui ouvre la société capitaliste et donc toutes les formations sociales historiques.

Résultat: Ce qui mesure la société en général pour le marxisme est l’économie et pour les ethno-marxistes qui vont encore plus loin, ce qui mesure la société primitive est la société capitaliste.

Cékomçà…

Mais ceux qui ne reculent pas devant un peu de fatigue posent la question de la façon dont Montaigne, La Boétie ou Rousseau l’ont posé et ne juge de ce qui arrive après qu’en fonction de ce qui s’est passé avant. Qu’en est-il des sociétés post-primitives ? Pourquoi donc l’inégalité, la division sociale, la séparation de l’organe de pouvoir, l’État, sont-ils apparus ?

[…]

Leur travail [d’un Meillassoux ou d’un Godelier] ne vaut pas un clou, tout le monde comprend cela, mais ce serait une grave erreur que de le sous-estimer: le vide du discours masque en fait l’être duquel il se nourrit, à savoir sa capacité à diffuser une idéologie de la conquête du pouvoir. Dans la société française contemporaine, l’université occupe une place considérable et dans le monde universitaire, notablement dans le domaine des sciences humaines (car il apparaît qu’il est plus difficile d’être marxiste en mathématiques ou en biologie), cette idéologie politique qu’est le marxisme essaie aujourd’hui de gagner une certaine position idéologique dominante. Dans cet appareil global, nos ethno-marxistes occupent une place certes modeste mais non négligeable. Il y a une division politique du travail et ils accomplissent leur part de l’effort général: d’assurer le triomphe de leur idéologie commune. Sapristi ! Ceux ci ne seraient-ils pas de bons vieux stalinistes, de bons bureaucrates en herbe ? On se le demande… Ceci expliquerait pourquoi ils se moquent des sociétés primitives comme nous l’avons vu: les sociétés primitives ne sont pour eux qu’un prétexte pour répandre leur idéologie de pierre et leur langue de bois. C’est pourquoi il s’agit moins de nous moquer de leur stupidité que de les redescendre à la place qui est vraiment la leur: la confrontation politique dans sa dimension idéologique. Les stalinistes ne sont pas de fait, juste des conquérants du pouvoir, ce qu’ils veulent en fait est le pouvoir total, l’État de leurs rêves et l’ultime état totalitaire: ennemis de l’intelligence et de la liberté, tout comme les fascistes, ils clâment avoir une connaissance totale pour pouvoir exercer le pouvoir total. Il y a toutes les raisons d’êtres suspicieux de gens qui applaudissent les massacres du Cambodge et d’Éthiopie parce que ces massacres sont marxistes. Si Amin Dada se proclamait un jour marxiste, on les entendra hurler : Bravo Dada !

Maintenant, collons notre oreille au sol et peut-être entendrons-nous les Brontosaures braire.

Extraits de “L’archéologie de la violence” (publié à titre posthume en 1980), le sous-titre en est: “la guerre dans les sociétés primitives”

Note de Résistance 71: Il convient ici de noter que ceci constitue la mise par écrit des dernières pensées de Pierre Clastres. A l’instar d’Albert Camus, Clastres est mort subitement dans un accident de voiture en 1977. Son œuvre demeure inachevée et il est difficile de juger ce travail dont la grande conclusion était encore en gestation. De par son approche philosophique de l’anthropologie, Clastres est arrivé à une aporie dans sa recherche, une question contradictoire en apparence insolvable avec les éléments disponibles du moment. Depuis, bien de l’eau a coulé sous les ponts reliant anthropologie, ethnologie, paléontologie et histoire. Quel(le) anthropologue reprendra le flambeau de Pierre Clastres de là où il est tombé ?
Nous ferons également part de notre propre réflexion aux endroits clefs du raisonnement de P.Clastres.

[…] On ne sera pas surpris plus que cela de l’avis dédaigneux de Hobbes au sujet des sauvages, ce sont des idées reçues de son époque, mais répétons-le des idées déjà rejetées par Montaigne et La Boétie: une société sans gouvernement, sans État, n’est pas une société ; ainsi donc les sauvages demeurent extérieurs au social, ils vivent dans la condition naturelle des hommes où règne la guerre de tous contre tous.

[…] Le marxisme, en tant que théorie générale de la société et aussi de l’histoire, est obligé de postuler la pauvreté de l’économie primitive, c’est à dire, le très bas taux d’activité de production. Pourquoi ? Parce que la théorie marxiste de l’histoire (et ceci est un sujet de la théorie même de Karl Marx) encadre la loi du mouvement historique et du changement social avec la tendance inéluctable des forces de production à se développer elles-mêmes. […] C’est pourquoi le marxisme, en tant que théorie de l’histoire fondée sur la tendance du développement des forces de production, doit se donner comme point de départ, une sorte de degré zéro des forces productives: c’est exactement l’économie primitive, de là pensée être une économie de la pauvreté, comme une économie qui désirant se sortir de cette pauvreté, aura la tendance à développer donc ses forces de production. […] Mais la société primitive pose une question cruciale à la théorie marxiste: si l’économique n’est pas l’infrastructure par laquelle l’être social devient transparent, si les forces productives, ne tendant pas à se développer, ne fonctionnent pas comme déterminant du changement social, alors qu’est-ce qui est le moteur qui commence le mouvement de l’histoire ?

Ceci dit, retournons au problème de l’économie primitive. Est-elle ou pas une économie de la pauvreté? Est-ce que ses forces productrices représentent le plus petit développement ou pas ? La recherche la plus récente et la plus scrupuleuse en anthropologie économique, montre que l’économie des “sauvages” ou le Mode Domestique de Production (MDP), permet en fait la totale satisfaction des besoins matériels de la société. En d’autres termes, loin de constamment s’épuiser dans leur tentative de survie, les membres de la société primitive, sélectifs dans la détermination de leurs besoins, possèdent une machine de production capable de les satisfaire et qui fonctionne de fait sur le principe de chacun selon ses besoins. Voilà pourquoi l’anthropologue Marshall Sahlins fut capable de parler des sociétés primitives comme des toutes premières sociétés d’abondance. Ainsi les analyses de Sahlins et celles de Jacques Lizot sur la quantité de nourriture  nécessaire à la communauté et sur le temps dévoué à la satisfaction de ces besoins, indiquent que les sociétés primitives, qu’elles soient de chasseurs nomades ou de fermiers sédentaires, sont en fait, à la lumière du peu de temps consacré à ces activités de satisfaction des besoins, de véritables sociétés des loisirs. Le travail de Sahlins et de Lizot est ainsi cohérent et confirme les matériaux ethnographiques fournis par les anciens voyageurs et chroniqueurs.

[…] La recherche récente montre que l’économie primitive est une économie d’abondance et non pas de d’austérité: la violence n’y est donc pas liée à la pauvreté et l’explication économiste de la guerre primitive voit dès lors son argument sombrer.

Pourquoi les tribus sont-elles en guerre ? Au moins nous savons ce qu’en pense les matérialistes et ce que cela vaut et comme l’économie n’a rien à voir avec la guerre, il est peut-être alors nécessaire de se tourner vers le politique. Le discours de l’échange comme origine de la guerre primitive soutient ce qu’avançait Claude Lévi-Strauss… La théorie générale de la société élaborée par Lévi-Strauss dépend étroitement de sa conception de la violence: le discours structuraliste lui-même en dépend. Examinons-le donc. […] [Pour lui] la violence dans la société primitive n’est pas une sphère autonome : elle n’a un sens qu’en relation au réseau général des relations tribales ; la violence n’est qu’un cas particulier de ce système dans son ensemble.

[…] Qu’est-ce que trouve Lévi-Strauss sur la relation entre la guerre et la société ? La réponse est claire: “Les échanges commerciaux représentent des guerres potentielles qui ont été résolues pacifiquement et les guerres sont le résultat de transactions infortunées.”

[…] Ainsi, pour Thomas Hobbes, la société primitive consistait en la guerre de tous contre tous. Le point de vue de Lévi-Strauss est symétrique et inverse de celui de Hobbes : la société primitive est l’échange de chacun avec chacun. Hobbes laissa de côté l’échange, Lévi-Strauss laissa de côté la guerre.

[…] En bref, ce que les écrits des anciens voyageurs et des universitaires modernes hurlent constamment sans pourtant jamais le dire explicitement, est que le société primitive, dans son essence même, est indivisée.

La société primitive n’a pas conscience de la différence entre riche et pauvre, de l’opposition entre exploiteurs et exploités, de la domination du chef sur la société, parce qu’elle l’anticipe et l’empêche. Le MPD, qui assure l’autarcie économique de la communauté en tant que telle, permet aussi pour l’autonomie des groupes liés par le sang, qui composent le corps social et même l’indépendance des individus.  En dehors de la division de genre, il n’y a pas de fait, de division du travail dans la société primitive: chaque individu est polyvalent en quelque sorte, les hommes savent faire tout ce que les hommes doivent savoir faire et les femmes savent faire tout ce que les femmes doivent savoir faire. Aucun individu est moins capable, a moins de connaissances ; aucun individu ne peut être victime des entreprises d’une autre personne plus talentueuse ou plus à l’aise: les parents de la victimes découragerait très vite cette “vocation” de relation apprenti-exploiteur.

[…] La société primitive fonctionne de telle façon que l’inégalité, l’exploitation et la division y sont impossibles. […] La communauté primitive est en même temps une totalité et une unité. Une totalité en ce sens qu’elle est complète, autonome, soudée, attentive à la préservation incessante de son autonomie, c’est à dire une société dans le sens le plus plein du terme. Une unité dans le sens où son être homogène continue inlassablement de refuser la division, exclut l’inégalité afin d’interdire l’aliénation. La société primitive est une totalité unique en laquelle le principe de son unité ne lui est pas exogène: elle n’offre aucune configuration pour que l’un se détache du corps social afin de le représenter (le chef), afin de le personnifier comme unité. Voilà pourquoi le critère de la non-division sociale est fondamentalement politique: si le chef de la société primitive est sans pouvoir, c’est parce la société n’accepte pas que le pouvoir soit séparé de son être, que s’établisse une division entre ceux qui commandent et ceux qui obéissent. Ceci est aussi pourquoi, dans la société primitive, c’est le chef qui a la charge de parler au nom de la société: dans son discours, le chef  n’exprime jamais son propre désir individuel ni ne déclare t’il ses propres lois, mais parle seulement du désir sociologique que la société demeure indivisée… Le chef est le porte-parole de cette loi: la substance de ses paroles réfère toujours à la loi ancestrale que personne ne peut transgresser, car elle est l’être même de la société: violer cette loi, voudrait dire altérer le corps social, introduire l’innovation en son sein, le changement qu’il rejette absolument.

La société primitive est une communauté qui assure le contrôle de son territoire au nom de la loi garantissant sa non-division.

[…] Se tromper sur la guerre disions-nous, c’est se tromper sur la société. Croyant que l’être social primitif est être-pour-l’échange, Lévi-Strauss est conduit à dire que la société primitive est société contre la guerre: la guerre est l’échange manqué. Son discours est très cohérent, mais il est faux. La contradiction n’est pas interne à ce discours, c’est le discours qui est contraire à la réalité sociologique, ethnographiquement lisible, de la société primitive. Ce n’est pas l’échange qui est premier, c’est la guerre, inscrite dans le mode de fonctionnement de la société primitive. La guerre implique l’alliance, l’alliance entraîne l’échange. […]

Hobbes croyait à tort, que le monde primitif n’est pas un monde social parce que la guerre y empêche l’échange, entendu non seulement comme échange de biens et services, mais surtout comme échange des femmes, comme respect de la règle exogamique dans la prohibition de l’inceste. […] Mais l’erreur de Hobbes ne fait pas la vérité de Lévi-Strauss. Pour ce dernier, la société primitive est le monde de l’échange: mais au pris d’une confusion entre l’échange fondateur de la société humaine en général et l’échange comme mode de relation entre groupes différents. Aussi ne peut-il échapper à l’élimination de la guerre en tant qu’elle est la négation de l’échange; s’il y a de la guerre, il n’y a pas d’échange et s’il n’y a plus d’échange, il n’y a plus de société. Certes, l’échange est immanent au social humain: il y a société humaine parce qu’il y a échanges des femmes, parce qu’il y a prohibition de l’inceste.

[…]

Par son conservatisme, que cherche à conserver la société primitive ? Elle cherche à conserver son être même; elle veut persévérer dans son être. Mais quel est cet être ? C’est un être indivisé, le corps social est homogène, la communauté est un Nous. Le conservatisme primitif cherche donc à empêcher l’innovation dans la société, il veut que le respect de la Loi assure le maintien de l’indivision, il cherche à empêcher l’apparition de la division dans la société. Telle est, tant sur le plan économique (impossibilité d’accumuler les richesses) qu’au plan de la relation de pouvoir (le chef est là pour ne pas commander), la politique intérieure de la société primitive: se conserver comme Nous indivisé, comme totalité une. […] Pour pouvoir se penser comme Nous, il faut que la communauté soit à la fois indivisée (une) et indépendante (totalité): l’indivision interne et l’opposition externe se conjuguent, chacune est condition de l’autre.

[…] Qu’est-ce que l’État ?. C’est le signe achevé de la division dans la société en tant qu’il est l’organe séparé du pouvoir politique: la société est désormais divisée entre ceux qui exercent le pouvoir et ceux qui le subissent. La société n’est plus un Nous indivisé, une totalité une, mais un corps morcelé, un être social hétérogène. La division sociale, l’émergence de l’État, sont la mort de la société primitive. Pour que la communauté puisse affirmer sa différence, il faut qu’elle soit indivisée, sa volonté d’être une totalité exclusive de toute s les autres s’appuie sur le refus de la division sociale: pour se penser comme Nous exclusif des Autres, il faut que le Nous soit corps social homogène. […] Si l’on observe, dans une société primitive, l’action de la force centripète, de la tendance au regroupement visible dans la constitution de macro-unités sociales, c’est que la société est en train de perdre la logique primitive du centrifuge, c’est que cette société perd les propriétés de totalité et d’unité, c’est qu’elle est en train de ne plus être primitive.

Refus de l’unification, refus de l’Un séparé, société contre l’État. […] Le refus de l’État, c’est le refus de l’exonomie, de la Loi extérieure, c’est tout simplement le refus de la soumission, inscrit comme tel dans la structure même de la société primitive. Seuls les sots peuvent croire que pour refuser l’aliénation, il faut l’avoir d’abord éprouvée: le refus de l’aliénation (économique ou politique) appartient à l’être même de cette société, il exprime son conservatisme, sa volonté délibérée de rester Nous indivisé.

[…] Qu’est-ce que la société primitive ? C’est une multiplicité de communautés indivisées qui obéissent toutes à une même logique centrifuge. Quelle institution à la fois exprime et garantit le permanence de cette logique ? C’est la guerre, comme vérité des relations entre communautés, comme moyen sociologique de promouvoir la force centrifuge de dispersion contre la force centripète d’unification.

[…] La société primitive est société contre l’État en tant qu’elle est société pour la guerre. Nous voici à nouveau ramenés à la pensée de Hobbes […] Que nous dit en contrepoint la société primitive comme espace sociologique de la guerre permanente ? Elle répète en le renversant, le discours de Hobbes, elle proclame que la machine de dispersion fonctionne contre la machine d’unification, elle nous dit que la guerre est contre l’État.

Note de Pierre Clastres sur le sujet abordé qui pose des questions qu’il résoudra dans son texte suivant sur la relation du guerrier à la société:

“Au terme de cette tentative d’archéologie de la violence se posent divers problèmes ethnologiques, celui-ci en particulier: quel sera le destin des sociétés primitives qui laissent s’emballer la machine de guerre ? En permettant l’autonomie, par rapport à la communauté, du groupe des guerriers, la dynamique de la guerre ne porterait-elle pas en elle le risque de la division sociale ? Comment réagissent les sociétés primitives lorsque cela se produit ? Interrogations essentielles car derrière elles se profile la question transcendantale: à quelles conditions la division sociale peut-elle apparaître dans la société indivisée ? A ces questions et à d’autres, on tentera de répondre par une série d’études que le présent texte inaugure.” (Pierre Clastres)

Notes de Résistance 71 :

Clastres met ici en parallèle son analyse de la société primitive, société contre l’État et pour la guerre avec celle de l’Anglais Hobbes pour qui l’État est contre la guerre. Hobbes voyait l’état et la guerre comme antinomique et contradictoire et pensait que l’État était, par son unification de la diversité, anti-guerre. Hors, l’histoire de l’État est l’histoire de la guerre. Seul l’État a produit des guerres d’extermination, de soumission, génocidaires. Quant à ce que pense Clastres de la société primitive comme société guerrière, on peut sans doute avancer aujourd’hui que Clastres a raisonné en fonction des données scientifiques qu’il avait à sa disposition à l’époque de sa réflexion. La recherche archéologique et anthropologique a progressé depuis plus de 40 ans et il a été établi que la guerre en tant que violence collective organisée n’existe que depuis environ 11 ou 12 000 ans, ce qui veut dire que l’humain a passé plus de 400 000 ans, depuis l’homme de Tautavel , sans la connaître, ne connaissant que de la violence sporadique, domestique et individualisée. La guerre en tant que violence collective organisée est plus récente que les peintures rupestres des grottes de Lascaux (Cro-Magon – 20 000 ans). Il a de plus été établi par l’archéologie, que le rapt des femmes comme origine de la guerre est un mythe, des échanges réciproques avaient lieu effectivement pour éviter l’inceste et maintenir la démographie.

De plus, des sociologues, historiens et ethnologues amérindiens (Vine Deloria Jr, Roxanne Dunbar-Ortiz, Russell Means entre autres) ont également établi que la “guerre” et les sociétés ancestrales nord-américaines comme étant des sociétés guerrières en état permanent de conflit, étaient des mythes, ce qui est en soi en contradiction avec les recherches et les conclusions de Clastres. Ceci dit, Clastres a analysé ce qui était à sa disposition à la fois dans la base de données scientifiques et de terrain. Se peut-il qu’il ait eu tendance à généraliser à toute société primitive ce qu’il constata chez les Indiens Aché du Paraguay et Yanomami du Vénézuéla ? Clastres, Jaulin, Lizot, Sahlins mentionnent et confirment le fait que la “guerre” dans la société primitive n’a rien à voir avec ce que nous appelons la guerre en occident, qui est systématiquement une guerre de conquête, d’extermination de l’autre, d’occupation et d’oppression culturelle et territoriale. La guerre chez les Indiens sud-américains est souvent l’organisation d’un raid de nuit durant lequel une ou deux volées de flèches sont décochés sur un village ennemi, les tireurs décrochant rapidement le tir effectué. On est loin de batailles rangées exterminatrices. Les sociétés divisées régies par l’État ont inventé la guerre génocidaire et ethnocidaire, l’occident l’a perfectionnée depuis les croisades du XIème siècle… voici ce que disent à ce sujet des chercheurs comme Marylène Patou-Mathis (paléonthologue, CNRS), Vine Deloria Jr. (sociologue et historien Lakota), Russell Means (activiste et sociologue Lakota):

Le mythe du ‘rapt des femmes’ durant les temps anciens apparaît dans “Primitive Marriage” de John F. McLennan (1865). Il y donne une image très négative et fausse, des comportements des Hommes à l’aube de l’humanité: violents, en guerre perpétuelle, pratiquant couramment l’infanticide féminin (les femmes n’étant pas susceptibles de combattre), sexuellement dépravés (inceste, viol)… Quant à Morgan et Engels, ils considèrent que le rapt des femmes serait apparu en même temps que la famille appariée au début du ‘stade de la barbarie’, où elles seraient devenues rares et probablement très recherchées. Aujourd’hui, l’hypothèse de la capture des femmes est rejetée par la majorité des archéologues et des ethnologues, qui lui préfèrent celle, ardemment défendue par Lévi-Strauss dans ‘Les structures élémentaires de la parenté’, de l’échange. L’échange permettrait donc de sceller des alliances entre groupes, alliances nécessaires à la survie des sociétés traditionnelles. Mais l’échange sous-tend la réciprocité,  en effet selon Mauss, le don est obligatoirement suivi d’un contre-don selon des codes pré-établis: donner-recevoir-rendre. Dans la société primitive, le système du don et du contre-don permettait la recréation permanente du lien social et éviterait les conflits.” (Marylène Patou-Mathis, 2013)

Il est vrai que Clastres ne mentionne pas la recherche et les conclusions fondamentales de Marcel Mauss sur le système du don et du contre-don dans les sociétés primitives et ne considère que le seul aspect du conflit dans le maintien de l’unité sociétale endogène dont le ciment serait le conflit avec l’Autre.

Si la thèse néo-hobbésienne de l’existence dans chaque humain d’une violence originelle et de l’idée que la guerre est inhérente aux sociétés humaines n’est pas acceptée par tous les chercheurs, certains dont l’anthropologue américain Napoleon A. Chagnon, sont allés dans son sens. Ses travaux sur les tribus amérindiennes des Yanomamis l’avaient conduit à suggérer que l’agression était inscrite dans nos gènes. Engagés dans des conflits sans fin à propos des femmes, du prestige ou de querelles familiales, les Yanomamis étaient alors présentés comme l’exemple type de la condition humaine primitive. (Note de R71: le résultat des recherches de Chagnon fut publié en 1968, c’est à dire dans la période où Clastres était lui aussi actif sur le terrain anthropologique..) Mais en 2000, le livre du journaliste Patrick Tierney dans lequel il accusait Chagnon d’être à l’origine des guerres qu’il avait décrites, suscita un vif débat entre les anthropologues pro et anti-Chagnon. Ce jourmaliste s’appuyait sur les travaux de l’anthropologue américain Brian R. Ferguson (entre autre), qui suggérait que les guerres chez les Indiens d’Amérique du Sud étaient fortement liées à la présence des Européens depuis le XVIIIème siècle: les conflits armés auraient été menés pour avoir accès aux biens distribués par les colons. (Ferguson, 1995)” (Marylène Patou-Mathis, 2013)

L’épistémologue et anthropologue Raymond Corbey nous dit également ceci: “La sauvagerie intérieure n’est pas une construction mentale imaginaire influencée par les idéologies du XIXème siècle comme le racialisme ou l’eugénisme.” (Corbey, 1993)

D’après les données archéologiques évoquées précédemment, les Hommes préhistoriques du paléolithique vivaient sans violence institutionnalisée. L’apparition de celle-ci a donc des causes historiques et sociales… La guerre n’est donc pas indissociable de la condition humaine, mais le produit des sociétés et des cultures qu’elles engendrent. Elle est l’un des vecteurs de mutation de leur histoire. […] L’Homme n’est pas le descendant d’un ‘singe tueur’ ; la violence n’est pas inscrite dans ses gènes. Alors est-ce l’empathie, voire l’altruisme et non la violence, qui a été le catalyseur de l’humanisation ?..” (Marylène Patou-Mathis, 2013)

La violence envers autrui remonte à au moins 120 000 ans, la guerre, elle, n’a pas toujours existé. Apparue il y a moins de 12 000 ans, elle est peut-être, comme le pensaient certains anthropologues du XIXème siècle, le produit de la ‘civilisation’.” (Patou-Mathis, 2013)

Les désaccords entre les nations indiennes étaient très largement résolus sans verser le sang.” (Vine Deloria Jr.)

Les six nations iroquoises traditionnellement résolvent leurs différents au moyen du jeu de Lacrosse. Les Indiens des nations du sud ont un jeu similaire. Les Indiens de la région atlantique ont un jeu qui ressemble au football. Bien sûr, ce sont des jeux violents, mais les disputes sont résolues sans grand épanchement de sang. Les Maoris de Nouvelle-Zélande, qui tatouent leurs visages de manières très complexes et résolvent leurs disputes dans une compétition de la plus horrible des expressions faciales, qui sont rendues encore plus horribles par leurs tatouages. Le vainqueur est celui qui fait l’expression la plus horrible. Incidemment, la plus grande insulte chez les Maoris est de rester impassible devant l’ennemi.” (Russell Means, 2012)

J’ai été dans une convention de l’American Association of Archeologists, une convention de pilleurs de tombes donc, afin de défier leur affirmation que les nations amérindiennes sont des sociétés “de la guerre”. J’ai donc demandé à l’assemblée d’archéologues la question suivante: Dans les tombes pré-colombiennes que vous avez pillées, avez-vous jamais trouvé une arme de guerre dans aucune de ces tombes ? Si vous pouvez produire une arme de guerre en provenance d’une quelconque tombe, je me suiciderai ici et maintenant sur cette estrade ! Ne pensez-vous pas que quelques-uns de ces archéos auraient adoré me voir me faire sauter le caisson devant eux ou du moins essayer de m’en dissuader ? Mais, en tant qu’expert du pillage de tombes, ils savaient bien la différence entre l’alignement de l’empennage de plumes et de la pointe d’une flèche de chasse faite pour percer une cage thoracique verticale, de celui d’une flèche de guerre faite pour percer une cage thoracique horizontale ; ce type de flèche étant du reste abondamment trouvé dans les tombes européennes qu’ils pillent. Quelle fut la réponse à mon défi de cette audience de pillards ? Un tonnerre de silence des plus assourdissant…” (Russell Means, 2012)

Ainsi l’aporie à laquelle arrive Clastres en résultat de ses études peut se libeller de la sorte:

Si les sociétés primitives unies et totales contre l’État sont des sociétés de la guerre en opposition aux sociétés à État pour qui la guerre est (serait) contradictoire (selon Hobbes), comment se fait-il que l’histoire de l’État se confonde avec l’histoire de la guerre ?

De là découle la dernière analyse de Clastres publiée elle aussi à titre posthume, sur le “malheur du guerrier sauvage” mais si Clastres parvient à une stupéfiante conclusion de la finalité et du sort de la société des guerriers au sein de la société primitive et de l’interaction intriquée qui les anime, il n’a pas résolu la question contradictoire à laquelle mène sa recherche et que nous avons tenté de libeller ci-dessus. Mort dans un accident de voiture le 29 juillet 1977, l’œuvre de ce grand anthropologue politique demeure inachevée. Parce qu’elle gêne et met à mal la doxa systémique anthropologique structuraliste et marxiste en vigueur, elle fut peu à peu rangée dans les tiroirs et mise en retrait, pourtant, la pensée de Pierre Clastres est fondamentale pour la bonne compréhension de l’impasse sociétale dans laquelle nous nous trouvons, au crépuscule de l’aventure étatique et capitaliste contre nature à laquelle une vaste majorité de l’humanité a été contrainte et forcée depuis des siècles et de nous faire entrevoir le chemin à suivre en suivant le vieux proverbe africain qui nous dit: “Lorsque tu ne sais pas où tu vas, arrête-toi, retourne-toi et regarde d’où tu viens.” Là réside le futur de l’humanité: adapter notre lointain passé de société organique à l’évolution technologique moderne afin de retrouver l’équilibre et la liberté originels, sans utiliser le conflit et la guerre comme ciment de l’unité. Nous en savons suffisamment dans notre conscient collectif pour mettre en place une société des sociétés la plus organique qui soit.

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Extraits du “Malheur du guerrier sauvage”:

On ne peut pas penser la société primitive, écrivais-je récemment, sans penser en même temps à la guerre. […] La violence guerrière apparaît dans l’univers des Sauvages comme le principal moyen de conserver dans l’indivision l’être de cette société, de maintenir chaque communauté en son autonomie de totalité une, libre et indépendante des autres: obstacle majeur dressé par les sociétés sans État contre la machine d’unification que constitue l’État, la guerre appartient à l’essence de la société primitive.

[…] Contrairement à une opinion aussi fausse que répandue (le chef ne disposerait d’aucun pouvoir, sauf en temps de guerre), le leader guerrier,  à aucun moment de l’expédition (préparation, bataille, retraite) n’est en mesure, au cas où telle serait son intention, d’imposer sa volonté, d’intimer un ordre dont il sait très bien par avance que personne n’y obéira. En d’autres termes, la guerre, pas plus que la paix, ne permet au chef de faire le chef. […] Les anciennes chroniques des voyageurs et des missionnaires, les travaux récents des ethnologues se rencontrent sur ce constat: lorsqu’un chef cherche à imposer son propre désir de guerre à la communauté, celle-ci l’abandonne, car elle veut exercer sa libre volonté collective et non se soumettre à la loi d’un désir de pouvoir. Au chef qui “veut faire le chef”, au mieux, on tourne le dos, au pire… on le tue.

[…] Il convient tout d’abord de constater que les sociétés guerrières ne représentent pas une essence spécifique, irréductible, immuable de la société primitive : elles n’en sont qu’un cas particulier, la particularité de leur cas tenant à la place spéciale qu’y occupent l’activité guerrière et les guerriers.

[…] Qu’est-ce qui fait, en un mot, courir le guerrier ? C’est on l’a vu, le désir de prestige, que seule la société peut reconnaître ou refuser. Tel est le lien qui unit le guerrier à sa société, le troisième terme qui met en rapport le corps social et le groupe des guerriers, en déterminant d’emblée une relation de dépendance: la réalisation de soi du guerrier passe par la reconnaissance sociale, le guerrier ne peut se penser comme tel que si la société le reconnaît pour tel. L’accomplissement de l’exploit individuel n’est qu’une condition nécessaire pour l’acquisition d’un prestige que seul confère l’assentiment social. […] La guerre est ici le seul moyen de réaliser un but individuel: le désir de gloire du guerrier, qui est à lui-même sa propre fin. Volonté non de puissance mais de gloire, tel est le guerrier, homme pour qui la guerre constitue le moyen de loin le plus rapide et le plus efficace d’accomplir sa volonté. […] Dans la société primitive en général, la guerre ne comporte aucune finalité économique.

[…] Y a t’il un problème ? Quel peut-en être l’énoncé ?

Il s’agit de savoir si la société primitive ne court point de risque de laisser croître en son sein un groupe social particulier, celui des guerriers. Il y a quelques fondements à s’interroger ainsi à leur propos: l’existence dans une société primitive, d’un groupe de chanteurs ou une confrérie de danseurs par exemple, n’affecte en rien l’ordre social établi. Mais il est question ici de guerriers, à savoir d’hommes qui détiennent un quasi-monopole de la capacité militaire de la société, le monopole en quelque sorte de la violence organisée. Cette violence, ils l’exercent sur les ennemis. Mais pourrait-il se faire qu’ils en viennent à l’exercer aussi sur leur propre société ? Non pas la violence en sa réalité physique (“guerre civiles” des guerriers contre leur société), mais en tant qu’elle pourrait donner lieu à une prise de pouvoir par le groupe des guerriers qui l’exerceraient dès lors sur, et au besoin contre, la société ? Les groupe des guerriers comme groupe spécialisé du corps social, pourrait-il devenir un organe séparé du pouvoir politique ? En d’autres termes, la guerre recèle-t-elle en soi la possibilité de ce que toute société primitive s’attache, par essence, à conjurer: à savoir la division du corps social en Maîtres (ici la minorité guerrière) et Sujets (le reste de la société) ? […] Ce qui revient en fait à poser une seule question: qu’est-ce qu’un guerrier ? C’est un homme qui met sa passion guerrière au service de son désir de prestige. […] Pas plus qu’en ces sociétés le fils n’hérite de la gloire du père, pas davantage n’est tenu le jeune guerrier pour quitte de sa prouesse initiale [celle-là qui l’a fait accepter au sein du groupe des guerriers]: il lui fait à chaque instant recommencer, car chaque exploit accompli est à la fois source de prestige et mise en question de ce prestige. Le guerrier est par essence condamné à la fuite en avant. La gloire conquise ne suffit jamais à soi-même, elle demande à être sans cesse prouvée et tout exploit réalisé en appelle aussitôt un autre. Le guerrier est ainsi l’homme de l’insatisfaction permanente. La personnalité de cette figure inquiète résulte d’une convergence entre le désir individuel de prestige et la reconnaissance sociale qui seule le confère.

[…] Le guerrier n’existe que dans la guerre, il est voué comme tel à l’activisme: le récit de ses prouesses, déclamées lors des fêtes, n’est qu’un appel à d’autres prouesses. Plus le guerrier fera la guerre et plus a société lui conférera de prestige.

Il s’ensuit que si la société seule accorde ou refuse la gloire, le guerrier est dominé, aliéné par la société. Mais ce rapport de subordination ne peut-il pas se renverser au profit du guerrier et au détriment de la tribu ? Cette possibilité est en effet inscrite dans la même logique de la guerre qui aliène le guerrier dans une spirale ascendante de l’exploit toujours plus glorieux. Cette dynamique de la guerre, à l’origine pure entreprise du guerrier, pourrait bien la transformer peu à peu en entreprise collective de la société: il est à la portée du guerrier d’aliéner la tribu dans la guerre. L’organe (l’ensemble des guerriers) peut développer la fonction (l’activité guerrière). De quelle manière ?  Il faut d’abord considérer que les guerriers, bien que voués par nature à l’accomplissement individuel de leur vocation, constituent ensemble, un groupe déterminé par l’identité de leurs intérêts: sans cesse organiser de nouveaux raids pour accroître leur prestige. […] Il en résulte que l’existence, dans telle ou telle société, d’un groupe organisé de guerriers “professionnels” tend à transformer l’état de guerre permanent (situation générale de la société primitive) en guerre effective permanente (situation particulière des sociétés à guerriers). Or, une telle transformation, poussée à son terme, serait porteuse de conséquences sociologiques considérables en ce que touchant à la structure même de la société, elle en altèrerait l’être indivisé. Le pouvoir de décision quant à la guerre et quant à la paix (pouvoir absolument essentiel) n’appartiendrait plus en effet à la société comme telle, mais bien a la confrérie des guerriers, qui placerait son intérêt privé avant l’intérêt collectif de la société, qui ferait de son point de vue particulier le point de vue général de la tribu. Le guerrier entraînerait la société en un cycle de guerres dont elle ne se voulait pas. La politique extérieurs de la tribu ne serait plus déterminée par elle-même, mais par une minorité qui la pousserait à cette situation impossible: la guerre permanente contre toutes les nations voisines.

[…] La guerre porte en elle donc le danger de la division du corps social homogène de la société primitive. Surprenant paradoxe: d’une part la guerre permet à la communauté primitive de persévérer en son être indivisé ; d’autre part, elle se révèle comme le fondement possible de la division en Maîtres et Sujets. La société primitive comme telle obéit à une logique de l’indivision, la guerre tend à y substituer une logique de la division. […] Ainsi, ou bien la logique sociologique l’emporte pour abolir le guerrier ; ou bien la logique guerrière s’impose pour détruire la société comme corps indivisé. Il n’y a pas de voie moyenne. Comment se pose dès lors la question du rapport entre la société et les guerriers ? Il s’agit de savoir si la société est en mesure de mettre en place les mécanismes de défense aptes à la protéger de la mortelle division à quoi, fatalement, le guerrier conduit la société.C’est pour la société, un problème de survie : ou ben la tribu, ou bien le guerrier. Qui des deux sera le plus fort ?

[…] C’est l’individualisme obligé de chaque guerrier qui interdit à l’ensemble des guerriers d’apparaître comme une collectivité homogène. Le guerrier désireux d’acquérir du prestige ne peut et ne veut compter que sur ses propres forces: il n’a que faire d’une éventuelle solidarité de ses compagnons d’armes avec qui il devrait en ce cas partager les bénéfices de l’expédition. Une bande de guerriers ne mène pas forcément un jeu d’équipe… Ainsi, chaque fait d’armes salué et célébré par a tribu le met, en fait, dans l’obligation de viser pus haut, de regarder au-delà, de repartir en somme à zéro en renouvelant la source de son prestige, en étendant toujours la série de ses exploits. La tâche du guerrier est, en d’autres termes, une tâche infinie, toujours inachevée, jamais il n’atteint un but sans cesse hors de sa portée: pas de repos pour le guerrier, sinon à l’infini de sa quête. […] La vie guerrière est un combat perpétuel. […] Il faut qu’à chaque fois l’entreprise soit plus difficile, le danger affronté plus terrible encore, le risque couru toujours plus considérable. Pourquoi en outre, faut-il qu’il en soit ainsi ? Parce que c’est le seul moyen pour le guerrier de maintenir sa différence individuelle par rapport à ses compagnons, parce qu’il y a entre les guerriers, compétition pour le prestige. […] Comment cette escalade se traduit-elle concrètement sur le terrain ? Il s’agit pour les guerriers de rechercher la difficulté maximale qui créditera leur victoire d’une valeur d’autant plus grande. Les expéditions, les raids, seront de plus en plus longs, s’enfonçant de plus en plus profond en territoire ennemi.

[…] Guerre pour le prestige, logique de la gloire: à quel degré ultime de bravoure peuvent-elles conduire le guerrier ? C’est l’acte du guerrier, qui seul, s’en va attaquer le camp des adversaires. […] Seul contre tous, tel est le point culminant de l’escalade dans l’exploit. […] Le guerrier n’est jamais un guerrier, sinon à l’infini de sa tâche, lorsque, réalisant l’exploit suprême, il y gagne avec la gloire absolue, la mort. Le guerrier est, en son être, être-pour-la-mort.

Ainsi, revendiquer la gloire qui s’attache au titre de guerrier revient à en accepter, à plus ou moins long terme, le prix: la mort. Analyse on ne peut plus claire du rapport qui lie la société à ses guerriers. La tribu accepte que se constitue en son sein un groupe autonome d’hommes de guerre, dont elle encourage la vocation par une généreuse reconnaissance de prestige. Mais ce groupe de prestige ne risque t’il pas de devenir un groupe de pression puis un groupe de pouvoir ? Or, il est trop tard pour le guerrier: s’il ne renonce pas à l’être en perdant honteusement la face, il se trouve déjà piégé sans remède dans sa propre vocation, prisonnier de son désir de gloire qui le conduit tout droit à la mort. Il y a échange entre la société et le guerrier: le prestige contre l’exploit. Mais dans ce face à face, c’est la société qui, maîtresse des règles du jeu, a le dernier mot: car l’ultime échange, c’est celui de la gloire éternelle contre l’éternité de la mort. D’avance le guerrier est condamné à mort par la société: point de heurt pour le guerrier sauvage, seulement la certitude du malheur. Mais pourquoi en est-il ainsi ? Parce que le guerrier pourrait faire le malheur de la société, en y introduisant le germe de la division, en devenant organe séparé du pouvoir. Tel est le mécanisme de défense que la société primitive met en place pour conjurer le risque dont est porteur, comme tel, le guerrier: la vie du corps social indivisé, contre la mort du guerrier. Se précise ici le texte de la loi tribale: la société primitive est, en son être, société-pour-la-guerre ; elle est en même temps et pour les mêmes raisons, société contre le guerrier.

[…] Les réflexions précédentes fournissent en effet quelques éléments de réponse au problème des relations entre hommes et femmes dans ce type de société: ou plutôt elles permettent d’établir en quoi il s’agit là d’un faux problème. Les promoteurs de l’anthropologie marxiste, les besogneux fabricants de ce catéchisme indigent qui n7a rien à voir ni avec la pensée de Marx, ni avec la réalité sociale primitive, faute de pouvoir trouver la lutte des classes dans la société primitive, découvrent qu’en fin de compte, le conflit social, c’est la lutte des sexes, lutte où les perdants sont les femmes: dans cette société, la femme est aliénée, exploitée, opprimée par l’homme.

[…] Pour l’énoncer plus clairement, dans les sociétés primitives, souvent marquées, sous certains aspects, de masculinité, voire de culte de la virilité, les hommes sont néanmoins en position défensive face aux femmes, parce qu’ils reconnaissent, mythes, rites et vie quotidienne l’attestent suffisamment, la supériorité des femmes. […] L’homme doit être constamment disponible pour la guerre ; de temps en temps, il la fait effectivement. On sait bien qu’en général, la guerre primitive est très peu meurtrière, sauf bien entendu dans le cas très spécial des sociétés à guerriers. Il n’en demeure pas moins que, puisque la possibilité de la guerre est constamment présente, la possibilité du risque de la blessure ou de la mort, est inscrite d’avance dans le destin masculin. L’homme de la société primitive se trouve donc, par définition, marqué par sa condition: avec plus ou moins d’intensité, il est être-pour-la-mort. […] Il y a donc par la médiation de la guerre, une relation intime, un voisinage essentiel entre masculinité et mort.

Qu’en est-il en contrepoint pour les femmes ?

[…] La propriété essentielle des femmes, qui définit intégralement leur être, c’est d’assurer la reproduction biologique et, au-delà, sociale de la communauté: les femmes mettent au monde les enfants. Loin d’exister sur le mode d’objet consommé, ou sur celui du sujet exploité, elles sont au contraire productrices de ceux dont la société ne peut, sauf à décider de disparaître, se passer: les enfants, comme futur immédiat de la tribu, comme son avenir lointain. […] La féminité c’est la maternité, d’abord comme une fonction biologique, mais surtout comme une maîtrise sociologique exercée sur la production des enfants : il dépend exclusivement des femmes qu’il y ait ou pas d’enfants, et c’est cela qui assure la maîtrise de la femme sur la société.

En d’autres termes, se dévoile ici une proximité immédiate entre vie et féminité, telle que la femme est en son être, être-pour-la-vie. Dès lors éclate, dans la société primitive, la différence entre homme et femme: comme guerrier, l’homme y est l’être-pour-la-mort ; comme mère, la femme y est l’être-pour-la-vie. C’est leur rapport respectif à la vie et à la mort sociales et biologiques qui détermine les relations entre hommes et femmes. Dans l’inconscient collectif de la tribu (la culture), l’inconscient masculin appréhende et reconnaît la différence des sexes comme supériorité irréversible des femmes sur les hommes. Esclaves de la mort, les hommes envient et craignent les femmes, maîtresses de la vie. Telle est la primitive et primordiale vérité que révèlerait une analyse sérieuse de certains mythes et rites.

[…] Faiblesse, déréliction, infériorité des hommes face au femmes ? C’est bien ce que reconnaissent, un peu partout dans le monde, les mythes qui fantasment l’âge d’or perdu ou le paradis à conquérir comme un monde asexué, comme un monde sans femmes.

[…]

Note de Résistance 71: Avant d’être publiés en 1980 dans le livre “Recherches d’anthropologie politique” aux éditions Seuil, les deux derniers textes d’étude de Clastres furent publiés en 1977 dans la revue “Libre”, qui publia cette note les concernant:

“Ce texte et le précédent devaient inaugurer un travail plus ample, qui restera inachevé. Pierre Clastres a laissé dans ses notes quelques indications sommaires sur le champ qu’il comptait explorer. Voici ce que paraîssaient devoir être les autres articulations principales de son livre: Nature du pouvoir des chefs de guerre ; La guerre de conquête dans les sociétés primitives comme amorce possible d’un changement de la structure politique (le cas des Indiens Tupi) ; le rôle des femmes relativement à la guerre ; la guerre “d’État” (Les Incas).”

Ancien élève d’Alfred Métraux et de Claude Lévi-Strauss, Clastres a défriché une nouvelle voie pour l’anthropologie politique. Maître de recherche du laboratoire de l’anthropologie sociale du CNRS, Clastres est décédé dans un accident de voiture sur une route de Lozère le 29 juillet 1977.

16 Réponses to “Pierre Clastres 1977-2017: 40 ans après sa mort, l’héritage d’un anthropologue politique anarchiste ~ 4ème partie ~”

  1. […] INTRODUCTION – 1ÈRE PARTIE – 2ÈME PARTIE – 3ÈME PARTIE – 4ÈME PARTIE […]

  2. Tenez, j’ai donc intégré cette 4ème et dernière partie sur Clastres dans ce billet que j’estime majeur, pour mon tout petit blog s’entend ► https://jbl1960blog.wordpress.com/2017/06/25/tuer-lindigene-pour-sauver-lhomme/

    Je m’apprête à rédiger un billet de relayage très complet de l’article de Rick Kearns sur l’ouverture d’une procédure d’enquête aux USA des disparus des Pensionnats pour Indiens aux USA.

  3. Bien, alors donc, comment s’est passée la division ?
    – On ne sait pas !

    Je pensais pour ma part comme la fin de l’article le suggérait que les guerriers en quête de prestige avaient instauré des états de guerre plus longs et que le chef de guerre qui, s’il n’avait pas au départ de pouvoir de déclarer la guerre, l’avait pendant le raid dans le commandement, et trouvant ça bien prestigieux s’était débrouillé pour le garder en décrétant  » un état d’urgence « , qu’on m’excuse je n’ai pas pu résister…. : -) , permanent.

    Mais la 2ème partie, de mémoire , avait établi que le pouvoir aurait été pris par les prophètes ( dont on n’entend absolument pas parler ici )

    Que sont-ils devenus, à l’instar du trou dans la couche d’ozone , oubliés aussi vite qu’ils étaient apparus ?

    – Alors, les gars de R71, faut les lire les livres , mettre en ligne des articles et résumés ça va bien 5 mn mais ça fait pas avancer le schmilblick intellectuel !

    On n’a rien appris, comme je le disais suite à la 3ème partie.

    • pas de « prophètes » dans l’exposé de Clastres non…
      Clastres n’explique pas tout hélas, on a une idée: le boulot de Clastres doit être continué, les apories résolues… la porte est ouverte, vas-y apprends nous quelque chose…
      On est heureux que tu n’aies rien appris, cela veut dire que ta connaissance était déjà à ce niveau anthropologique, cool… Y a un paquet de gens qui ont sans aucun doute appris un tas de trucs, parce que ce n’est pas le genre de choses que l’on discute dans les écoles de l’oligarchie républicaine ni autour d’une table le dimanche. Peut-être que maintenant, le problème du pouvoir et de la division politique de la société fera une timide entrée dans quelques foyers, qui sait ?….
      Ne généralise pas à l’emporte-pièce… TU n’as rien appris, cool… personne ne peut rien dire des autres… 😉

  4. Des tas de gens j’en doute puisqu’il n’y a pas de commentaires sur ce blog contrairement à d’autres. Quand tu enlèves l’habituel maison, JBL, il reste qui ?

    Vous ne tenez pas la route, pour vous mettre les points sur les i.

    Dans les premières parties il était clairement affirmé que les chefs n’avaient pas pu prendre le pouvoir parce qu’il n’y pensaient pas.
    Et que la Société indivisée ne l’aurait pas permis.

    Avec déjà la contradiction que lorsque cela se produisait ( la preuve qu’ils pouvaient y penser ) la société les tuait.

    Puis, maintenant on apprend que Clastres avait en projet d’écrire : La guerre de conquête dans les sociétés primitives comme amorce possible d’un changement de la structure politique (le cas des Indiens Tupi)

    Votre article nous dirigeait vers les prophètes pour ce coup d’Etat si j’ose dire 🙂 , où est passée cette piste intéressante non développée ?

    Retro-pédalage vers la chefferie ( de guerre ) ?

    Vous ne maîtrisez rien parce que vous n’avez pas lu les livres vous-mêmes, vous faites des copier-coller d’articles de journalistes ou d’intervenants. On reste dans de l’approximatif.

    À la sortie on s’informe plus sur l’anti-marxisme que sur l’ethnologie car en la matière vous avez avez pondu 4 parties dont 2 inutiles pour répéter à l’infini une seule phrase : la société primitive était indivisée.

    Ok, on a compris, on le savait d’ailleurs, pourtant elle s’est divisée et personne, ici, n’explique comment, ce qui était le sujet présentant un intérêt majeur !

    Le  » scientisme marxiste  » démontré, certes intéressant en sciences politiques , ne me semblait pas le but de départ.

    • Une fois de plus, il n’a jamais été question de prophètes. On a dit, comme les éditeurs des livres, que le travail de Clastres était inachevé. Le fondement de la recherche de Clastres est la la mise en évidence que la société primitive n’est pas structurellement inachevée comme le pensait les anthropologies structuraliste et marxiste et qu’elle possède en elle les mécanismes ancestraux de prévenir l’instauration de l’État et du système coercitif avenant. Des questions se posent, certaines ont été résolues d’autres non. Les cas des chefs tués sont des cas particuliers très peu fréquents. Si tu lis par exemple la Grande Loi de la Paix de la confédération Iroquoise, tu verras qu’il y a quelques articles qui expliquent la procédure pour faire rentrer un « chef errant » hors de l’intérêt commun dans le rang, jusqu’à la procédure de sa mort en dernier recours.
      Après tes attaques, tes insinuations etc… tu penses bien évidemment ce que tu veux. Notre but n’est pas de te faire changer d’avis, mais de donner un éventail d’arguments pour que la majorité silencieuse, celle qui ne s’exprime pas, mais qui lit, absorbe et cogite, afin de voir certains problèmes sous des angles différents.
      Ton problème est que tu abordes les choses au travers du prisme de tes convictions, donc à un moment donné, la dissonance cognitive te rattrape, c’est fatal…
      Une question en passant: quelle est ta motivation à perdre ton temps avec des baltringues comme nous comme tu n’apprend rien ? C’est un peu stérile tout çà non ?
      Mais bon, tu fais aussi partie des meubles maintenant… cool hein ?
      Autre question qui nous vient comme çà: Le monde dans lequel on vit te satisfait-il ? Que changerais-tu et comment si tu le pouvais ?

  5. Jamais question de prophètes, tiens donc, relis ta partie 2 :

    Les sociétés primitives sont des sociétés sans État parce que l’État y est impossible. Et pourtant tous les peuples civilisés ont d’abord été sauvages: qu’est-ce qui a fait que l’État a cessé d’être impossible ? Pourquoi les peuples cessèrent-ils d’être sauvages ? Quel formidable évènement, quelle révolution laissèrent surgir la figure du despote, de celui qui commande à ceux qui obéissent ? D’où vient le pouvoir politique ? Mystère, provisoire peut-être, de l’origine.

    […] Le chef n’est pas un commandant, les gens de la tribu n’ont aucun devoir d’obéissance. L’espace de la chefferie n’est pas le lieu du pouvoir. Et la figure bien mal nommée du “chef” ne préfigure en rien celle d’un futur despote. Ce n’est certainement pas de la chefferie primitive que peut se déduire l’appareil étatique en général.

    […]

    Mais en tout cas, l’acte insurrectionnel des prophètes contre les chefs conférait aux premiers, par un étrange retournement des choses, infiniment plus de pouvoirs que n’en détenaient les seconds.. Alors peut-être faut-il rectifier l’idée de la parole comme opposé de la violence. Si le chef sauvage est commis à un devoir de parole innocente, la société primitive peut aussi, en des conditions certainement déterminées, se porter à l’écoute d’une autre parole, en oubliant que cette parole est dite comme un commandement: c’est la parole prophétique. Dans le discours des prophètes gît peut-être en germe le discours du pouvoir et, sous les traits exaltés du meneur d’hommes qui dit le désir des hommes se dissimule peut-être la figure silencieuse du Despote.

    Parole prophétique, pouvoir de cette parole: aurions-nous là le lein originaire du pouvoir tout court, le commencement de l’État dans le Verbe ? Prophètes conquérants des âmes avant d’être maîtres des hommes ? Peut-être.

    […] L’histoire des peuples qui ont une histoire est, dit-on, l’histoire de la lutte des classes. L’histoire des peuples sans histoire, c’est, dira t’on avec autant de vérité au moins, l’histoire de leur lutte contre l’État.

    Extraits des recherches en anthropologie politique (publié à titre posthume en 1980 )

    Petite mise au point dans tes gencives !

    Vous n’êtes même pas capables de noter les passages importants d’un texte.

    Des chèvres, comme je l’ai souvent expliqué.

    Il ne suffit pas d’être anarchiste pour être brillant, il y a des niais chez les anarchistes comme dans tous les groupes humains.

    Vos questions sont de votre niveau.

    La dissonance cognitive pauvre cuistre, tu viens de comprendre à qui elle s »appliquait en priorité.

    T’es pas au niveau pour te mesurer à moi alors reste à ta place.

    C’est toi, le niais, qui avais mis en ligne l’article sur les singes japonais, pour lequel je m’étais tellement foutu de votre gueule il y a deux ans que vous aviez fini par me censurer , qui étaient censés faire de la transmission de pensée avec ceux de l’île voisine ?

    Par opération du Saint-esprit, pauvre gland , pour rappel un anarchiste n’a ni dieu ni maître ?

    • Autant pour nous pour les prophètes, tu as raison sur leur mention et nous aurions dû vérifier.
      Pour le reste, ton arrogance stérile et les insultes qui vont avec ont plus que probablement été la cause de ton passage à la trappe il y a quelques années, certainement pas les idées émises.
      Il n’y a que toi qui parle de « brillance » ici, marrant, ton ego sur-dimensionné te fait faire de la perpétuelle projection narcissique.
      Nous maintenons notre remarque sur la dissonance cognitive.
      Notons également que le débat ne t’intéresse pas puisqu’il est évident que ce n’est pas ton objectif. Refuser de répondre à de si simples questions pour ton niveau en dit suffisamment long sur la motivation réelle de tes interventions que ce soit avec nous ou d’autres intervenants.
      Abaisse-toi donc à notre niveau et réponds donc à nos questions, toujours intéressant d’être exposé à une autre vision de l’affaire.

      • Avant de vérifier vous auriez déjà dû comprendre ce que vous mettiez en ligne. Et on me parle de dissonance cognitive…
        Tiens, pour une fois, je n’éructerai pas tellement je me pisse dessus de rire.

        Pourtant vous l’aviez lu il me semble, puisque vous faites des inserts, vous n’avez même pas l’excuse de n’avoir pas lu…

        Arrêtez-moi, je pleure. Finalement vous m’aurez fait passer un bon moment.

        Vois-tu jeune homme, tu as eu tort de faire de l’ironie lors de ma 1ère remarque sur la partie un : qui sème le vent récolte la tempête !

        L’arroseur arrosé vient chialer , juif sioniste peut-être ( les maîtres incontestés dans le domaine ) ?

        Donc en terme d’arrogance aussi tu ferais bien de regarder d’abord la poutre dans ton oeil avant la paille dans celui des autres.

        Cependant, autre privilège de l’âge , et différence entre nous, moi je m’assume, je sais que je suis méprisant envers les cons
        et ne le conteste pas.

        Toi, tu branches les autres puis quand tu tombes sur un os tu chiales, et là tu nous sors les grands principes….

        Convertis-toi au Judaïsme, tu as toutes les qualités du faux-cul intégral , la première des auto-proclamés élus.

        Shalom, mon frère , toi qui as tellement souffert 🙂

        • « tombes sur un os » ? Vraiment ? tu vois ton arrogance narcissique est constante… Tu ne fais que ferrailler dans l’émotionnel.
          Réponds à nos questions, qu’on puisse débattre sur nos visions respectives.
          Tes dernières tirades en disent suffisamment long…

          • Arrogance narcissique, mais ça n’a jamais été un sujet de tiraillement entre nous, je t’ai dit que j’asssumais ?!

            Tu n’as plus que ça à me reprocher, on est en bonne voie….

            Je réponds à ce que je veux, je n’ai ni dieu ni maître 🙂

            Le fait que je sois là répond déjà, anarchiste, aussi, comment un anar pourrait-il être heureux dans ce monde ?

            Mais pour autant tous les anars ne sont pas égaux, puis il faudrait définir précisément le terme : je ne suis pas libertarien par exemple. Il y a plusieurs courants dans l’Anarchisme aussi.

            Quant à ceux qui veulent se lancer dans une lutte, de G4G par ex, il faudrait qu’ils aient la bonne analyse des choses.
            Les bonnes sources et les bonnes conclusions.

            Ce qui change les modes opératoires et les objectifs car bien des prétendus résistants ne sont en réalité que des idiots utiles du Système comme l’abruti avec lequel tu m’as vu en conflit écrit
            ( pour info je l’ai contacté sur l’adresse qu’il avait laissée sans obtenir de réponse )

            il n’y a pas que des gens malintentionnés volontairement dans ce monde, mais également bcp de gens qui n’ont pas les infos ni les analyses pertinentes.

            Je ne suis 100% d’accord avec personne et donc en conflit avec tout le monde de la toile, qui quoi qu’il en dise fait son beurre avec la crise. J’ai commencé le harcèlement avec Paul Jorion
            puis Askoha ( abruti québécois vendu au Système, du nom de JP Algarath qui avait créé un blog disparu de la circulation ) et mes commentaires désobligeants, ou des sources affichées venant d’autres blogs que les leurs, ont toujours été censurés.

            Moi, je n’en ferai pas parce que ma santé ne me le permet pas, particulièrement d’être fiché S, si ce n’est déjà fait.

            Je prends à droite et à gauche, dans l’info, je précise, ce qui me plaît et rejette le reste.

            Je n’ai pas ( plus ) d’amis pour cette raison, ni de relation sociale avec personne, je suis asocial. Je vais au bout de mes convictions .

            Je dis souvent avec le sourire aux lèvres aux gens que je croisais encore il y a peu:  » Allez tous vous faire enculer  »

            Je le pense.

            Je ne cherche qu’une chose : rétablir la vérité historique d’abord pour ma curiosité et pour prouver que ce monde que j’ai rejeté était bel et bien pourri. De fait je suis hors-la-loi….

            Et des gens qui ne mentent jamais, ou ne véhiculent jamais d’erreurs je n’en connais pas.

            N’attends rien de moi, tu perds ton temps.

            J’accumule des infos pour écrire un livre, qui ne verra peut-être jamais le jour. Une bombe atomique dont tu n’as pas idée.

            Et si un jour je rencontre la personne idoine qui sache travailler pour me compléter, planquez-vous ça va secouer !

            • on t’encourage dans ta démarche. On souhaite que ton bouquin voit le jour. Un projet du même type est en cours chez nous et une fois fait, nous n’aurons plus rien à dire… Ce sera en ligne pour qui cela intéressera.

            • on te rejoint tout à fait sur la différence entre anars, elle a toujours existé selon les tendances, mais le monde moderne a assujetti un grand nombre.. Il suffit de lire de ci de là ce qui s’écrit sur les sites/blogs anarchistes ou « anarchistes » pour comprendre que la récupération, l’infiltration et la cooptation sont de mise à bien des égards.
              Pour l’histoire, oui, on préfère dire que l’on précise des faits car la « vérité » historique varie selon l’angle d’approche de l’évènement. Ceci dit la manipulation est de tous les instants et bien des précisions et changements d’angles doivent se faire afin d’avoir une vision plus claire des choses. Ce qui est insupportable est le catéchisme historique, la doxa, ligne du parti oligarchique et que certains pays envisagent de carrément laisser tomber l’enseignement des sciences sociales et humaines en dit long sur le projet.
              Si nous vivons dans un monde technologique et technocratique, ce ne sont pas des formules de maths qui feront comprendre à la masse les enjeux historico-politiques de notre époque en liaison avec la chaîne d’évènements s’étalant des sociétés primitives jusqu’à aujourd’hui… D’où nos publications. A un moment donné, l’histoire ne suffit plus, il fat aussi avoir recours à l’anthropologie, la paléontologie, l’archéologie et connecter les points avec évènements historiques et la pensée philosophique et spirituelle, c’est un tout, qui de loin semble déconnecté et émet un brouhaha cacophonique répulsif pour bon nombre. Le boulot est de dépoussiérer et d’accorder les violons… 😉
              Nous ne sommes rien, que des fourmis portant leur fardeau et même si ce que nous faisons ne sert à rien, il est important de le faire.
              En fait, nos attitudes sont similaires, simplement nous ne voyons plus la nécessité d’être agressif, ce qui ne veut pas dire que certains d’entre nous ne le furent pas. Dans les années 2004-2010, certains furent de bien des forums et des ferraillages en ligne. On ne le fait plus depuis 2011, le noyau de R71 n’intervient plus nulle part. On fait ce qu’on a à faire et c’est tout. Le reste est hors de notre contrôle et c’est très bien comme ça. 😉

  6. Ce que je cherche c’est des infos, fiables, qui ne se contredisent pas comme chez Clastres. Je n’ai aucun à-priori, en recherche scientifique on ne doit pas en avoir. Sorti en 1980 qui a mis en pages Recherches en anthropologie politique ?

    Ne souhaitant pas perdre de temps, à mon âge , j’essaye d’utiliser toutes les sources possibles pour dégrossir et éliminer.

    Mais comme vous n’avez rien lu, vous contentant de résumés, vous ne me servez pas à grand chose c’est vrai.

    Un résumé c’est subjectif, personne n’a le même avis que moi et je l’ai vérifié : je trouve toujours plus d’infos dans les livres que celles relatées dans des résumés. Vous passerez donc toujours à côté de l’essentiel.

    Il n’y a que les intellectuels pour se taper le boulot de la lecture, les rigolos en quête d’importance, soucieux avant tout de passer sur la toile, ne resteront jamais que des sous-fifres.

    Plumes sur la tête ou dans le cul, chevauchant une grande tortue à la recherche du grand Manitou, ou pas c’est pareil : il y avait un truc à noter et vous êtes passés à côté.

    Les oeillères on voit qui les porte.

  7. […] Clastres (1934-1977) dont le travail, certes inachevé, a marqué l’étude anthropologique  ; Résistance71 présente un petit résumé de sa pensée et de ses conclusions de recherches qui ne demandent […]

  8. […] Clastres (1934-1977) dont le travail, certes inachevé, a marqué l’étude anthropologique  ; Résistance71 présente un petit résumé de sa pensée et de ses conclusions de recherches qui ne demandent […]

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