Reprise : Ne pas vivre par le mensonge (Alexandre Soljénitsyne)

Nous avons choisi ce texte écrit par le grand Soljénitsine il y a près de 50 ans pour notre rentrée politique d’automne 2023… Tout est toujours valide aujourd’hui mot pour mot, ainsi que ses prévisions biologiques et scientifiques de fin. Ne pensez pas à ce texte comme seulement descriptif de l’URSS, archipel du goulag dont l’auteur fut pensionnaire, mais regardez autour de vous, visionnez et analysez notre réalité aujourd’hui dans le monde occidental… Nous y sommes, la réalité du goulag est à notre porte, elle nous a pénétré avec la crise COVID fabriquée de toute pièce et c’est pourquoi ce texte demeure si puissant : il n’est pas visionnaire, il est réaliste de la structure despotique étatico-marchande dont l’URSS fut l’avant-garde et qui est générale. Observez la Chine “communiste” d’aujourd’hui… Quand un grand esprit touche à l’universel de notre condition sociale fabriquée et donc illusoire et nous offre un grand début de solution sachant que tout part de l’individu pour y retourner via un collectif organique conscient de sa réalité pour la changer radicalement.

A lire et diffuser sans aucune modération.

~ Résistance 71 ~

“Deviens qui tu es” (Friedrich Nietzsche)

“La parfaite raison fuit toute extrémité.
Et veut que l’on soit sage avec sobriété.”
~ Molière, “Le misanthrope”, 1666 ~

Great Reset = Goulag

Ne pas vivre par le mensonge

Alexandre Soljénitsine (1918-2008)

1974

~ Traduit de l’anglais par résistance 71 ~

Septembre 2023

Il fut un temps où nous n’osions même pas chuchoter. Maintenant nous écrivons et lisons samizdat et parfois quand nous nous réunissons dans le fumoir de l’Institut des Sciences, nous nous plaignons franchement les uns aux autres. Quels trucs nous jouent-ils et où nous traînent-ils ? Il y a affirmations gratuites de réalisations cosmiques alors que la pauvreté et la destruction existent chez nous. Promouvant des régimes barbares lointains, attisant la guerre civile. Nous avons soutenu sans conteste Mao Tsé Tung (à nos frais) et nous serons ceux envoyés pour lui faire la guerre et nous devrons y aller. Y a t’il un échappatoire ? Ils mettent qui ils veulent devant les tribunaux et mettent des gens sains dans des asiles psychiatriques, toujours eux ; nous sommes impuissants.

Les choses sont presque arrivées au fond du trou. Une mort spirituelle universelle nous a déjà tous touché et la mort physique sera bientôt partout et nous consommera tous, nous et nos enfants. Mais, comme auparavant, nous sourirons par lâcheté et marmonnerons de nos langues liées. Que pouvons-nous faire pour arrêter tout ça ? Nous n’avons pas la force. Nous avons été si incroyablement déshumanisés que pour notre ration de pain quotidien nous sommes prêts à abandonner tous nos principes, nos âmes et les efforts de nos prédécesseurs, ainsi que toute opportunité pour nos descendants ; simplement ne venez pas déranger notre fragile existence !

Nous manquons de résolution, de fierté et d’enthousiasme. Nous n’avons même plus peur la mort nucléaire universelle , peut-être pourrons-nous juste nous planquer dans une crevasse. Nous avons juste peur des actes de courage civil. Nous avons peur d’être distancés par le troupeau et de faire un pas en avant seul, pour soudainement nous retrouver sans pain blanc, sans combustible de chauffage et une validation administrative moscovite. Ce dont on nous a rabattu les oreilles dans les cours d’éducation politique, nous l’avons maintenant intériorisé ; vivons confortablement et tout ira bien ensuite. Vous ne pouvez pas échapper à vos conditions sociales et d’environnement. L’existence détermine la conscience. Qu’est-ce que tout cela peut bien avoir à faire avec nous ? A quoi bon, on ne peut rien y faire.

Mais nous le pouvons ! Nous nous mentons à nous-mêmes pour préserver la paix de nos esprits. Nous ne devons pas les blâmer, nous ne pouvons que nous blâmer nous-mêmes. On peut objecter, mais ne pas imaginer ce qu’on pourrait faire contre. On nous a baillonné. Personne ne nous demande notre avis et personne ne veut nous écouter. Comment peut-on les forcer à nous écouter ? Il est impossible de changer leur esprit. Il serait donc logique de les voter hors de leur fonction, mais il n’y a pas d’élections dans notre pays (NdT : et s’il y en a à l’ouest elles sont truquées et manipulées…). En occident, les gens manifestent et font la grève, mais nous sommes trop minimisés et c’est trop horrible pour nous. Comment peut-on d’un seul coup renoncer à un boulot et descendre dans la rue ? D’autres chemins fatals testés au siècle dernier dans notre pays sont même moins justifiables pour nous et franchement, nous n’en avons pas besoin.

Maintenant que les haches ont fait leur œuvre et que tout ce qui fut semé a germé, nous pouvons voir que les jeunes personnes présomptueuses qui pensaient faire de notre pays un havre de justice et de bonheur par la terreur, la rébellion sanglante et la guerre civile, furent eux-mêmes trompés. Pas de remerciements, pères des Lumières ! Nous savons maintenant que de tristes méthodes mènent à de tristes résultats… Que nos mains soient propres !

La boucle a t’elle été bouclée ? N’y a t’il pas d’échappatoire ? N’ y a t’il plus qu’une chose à faire ? Attendre sans rien faire ? Peut-être que quelque chose de spontané va se produire. Mais cela ne se produira pas aussi longtemps que nous reconnaissons et renforçons quotidiennement, et ne nous séparons pas, du plus perceptible de tous ces aspects : le mensonge. Lorsque la violence s’immisce dans la vie paisible, son visage resplendit de confiance en soi, comme si elle portait une banderole et criait : “Je suis la violence, poussez-vous, place ! Place ! Je vais vous écraser.” Mais la violence vieillit très vite. Après seulement quelques années, elle perd confiance en elle-même et afin de maintenir un aspect respectable, elle fait appelle à la tromperie et au mensonge à sa rescousse, car la violence peut se cacher habilement avec rien d’autre que des mensonges et les mensonges ne peuvent être maintenus et perdurer que par la violence. La violence ne pose pas sa patte sur chaque épaule chaque jour : elle ne nous demande qu’obéissance aux mensonges et notre participation quotidienne à ceux-ci. Et cette soumission est le véritable cœur du problème. La clef la plus simple et la plus accessible à notre libération auto-négligée est celle-ci : la non-participation personnelle aux mensonges.. Bien que les mensonges puissent tout cacher, qu’ils puissent tout contrôler, nous devons nous obstiner sur ce petit point crucial : laissons les en contrôle, mais sans aucune aide de nous tous. Ceci ouvre une brèche dans l’encerclement imaginaire, illusoire causé par notre inaction. C’est la chose la plus facile pour nous à faire et la plus destructrice, dévastatrice pour les mensonges. Parce que lorsque les gens renoncent aux mensonges, cela réduit grandement leur durée de vie. Comme les virus, ils ne peuvent survivre que dans un organisme vivant.

Admettons-le : nous n’avons pas suffisamment de maturité pour marcher sur les places publiques et crier les vérités ou exprimer à haute voix ce que nous pensons vraiment. Ceci est notre voie, la plus facile et la plus accessible, qui permet notre couardise inhérente et bien enracinée et cela est plus facile (ceci est même choquant de le dire), que la forme de désobéissance civile prônée par Gandhi. Notre chemin n’est pas de donner un soutien conscient aux mensonges sur quoi que ce soit. Une fois que nous comprenons où sont les périmètres de la tromperie et du mensonge (tout le monde les voit à sa propre façon…), notre voie donc est de nous éloigner de cette frontière gangrénée. Si nous ne maintenions pas en place les os et écailles mortes de l’idéologie, si nous ne rafistolions pas les vieux oripeaux pourris, nous serions très surpris de voir à quelle vitesse les mensonges deviendraient inefficaces et disparaîtraient. Ce qui devrait être nu apparaîtrait vraiment nu devant le monde entier.

Ainsi, dans notre timidité, faisons chacun un choix : soit demeurer consciemment un serviteur du mensonge (bien sûr, ce n’est pas par désir profond, mais pour continuer à pouvoir nourrir femmes et enfants que nous élevons notre progéniture dans l’esprit du mensonge…), soit s’en débarrasser et devenir une honnête personne gagnant le respects de ses enfants et de ses contemporains.

Et donc, à dater de ce jour, la personne :

• Ne signera pas, n’écrira pas, n’imprimera pas une seule phrase qui, de son point de vue déforme la vérité
• Ne prononcera une telle phrase ni dans une conversation privée, ni en public, ni de son propre chef, ni à la demande d’un tiers, ni en tant qu’agitateur politique, enseignant, éducateur ni en tant qu’acteur
• Ne décrira pas, ni ne soutiendra ou diffusera une seule idée dans laquelle on peut voir une déformation de la vérité, que ce soit en peinture, en sculpture, en photographie, en science technique ou en musique
• Ne citera pas en dehors de son contexte qu’il soit verbal ou écrit, une seule citation pour faire plaisir à quelqu’un, pour renforcer son propre nid, pour parvenir au succès dans son travail, s’il ne partage pas complètement les idées de la citation ou s’il ne reflète pas de manière précise ce qui y est représenté
• Ne permettra pas de se voir contraint de participer à toute manifestation ou meeting si cela est contraire à son désir
• Sortira immédiatement de toute réunion, session, conférence, lecture, performance ou film où il entend des mensonges ou un non-sens idéologique ou toute propagande éhontée
• Refusera d’acheter ou s’abonner à tout journal ou magazine dans lequel l’information est déformée et où les faits primaires sont cachés ou omis

Je n’ai bien sûr pas énuméré toutes les façons possibles et nécessaires d’éviter les mensonges, mais quiconque commence à se nettoyer va facilement appliquer cette méthode de nettoyage à d’autres cas. Ce ne sera pas la même chose pour tout le monde dans un premier temps. Certains vont perdre leur boulot, mais il n’y a pas d’échappatoire pour quelqu’un qui veut être honnête. Chaque jour possible, chacun d’entre nous, même ceux qui travaillent en sécurité au sein des sciences techniques, sera confronté à au moins un de ces choix. Soit la vérité, soit le mensonge et la tromperie vers l’indépendance spirituelle ou vers la servitude spirituelle.

Et celui qui n’est pas assez courageux pour défendre son âme, ne le laissez pas être fier de ses vues soi-disant “progressistes” et ne le laissez pas se targuer d’être un académicien ou un artiste du peuple, un personnage distingué ou un général. Laissez-le se dire à lui-même : je fais partie du troupeau et suis un couard. Tout m’est égal pourvu que je reçoive ma pitance et que je puisse demeurer au chaud.

Même ce chemin, le plus modéré de tous les chemins de la résistance, ne serait pas facile pour ceux d’entre nous qui sont devenus trop routiniers. Mais ce serait bien plus facile qu’une grève de la faim ou une auto-immolation. Les flammes ne toucheraient pas votre corps, vos yeux n’éclateraient pas sous l’intense chaleur et votre famille pourrait toujours avoir du pain noir et de l’eau du robinet.

La grande nation européenne de la Tchécoslovaquie, que nous avons trahie et trompée, ne nous a t’elle pas démontré comment une poitrine sans armure, si elle nourrit un cœur vaillant et respectable, peut résister au massacre des chars ?

Ceci ne sera pas un chemin facile, mais le plus facile de tous. Pas un chemin facile, mais il y a des gens parmi nous, des douzaines d’entre eux, qui ont observé ces conditions depuis des années et qui vivent par la vérité. Vous ne serez donc pas les seuls ni les premiers à emprunter ce chemin, vous rejoindrez bien d’autres ! Ce sera plus facile et plus court si nous empruntons ce chemin en plus grand nombre. Si nous sommes des milliers et des milliers, ils ne pourront pus rien faire. Si nous sommes des dizaines de milliers, nous ne reconnaîtrons plus notre propre pays !

Si nous avons trop peur, alors nous devons cesser de nous plaindre d’être suffoqués et opprimés. Nous le faisons à nous-mêmes en très grande partie. Si nous courbons l’échine plus avant et attendons plus longtemps, nos frères biologistes pourraient bien aider à rapprocher le jour où nos pensées pourront être lues et nos gènes restructurés.

Si nous avons trop peur de faire quoi que ce soit, alors nous sommes un peuple inutile et sans espoir et ces lignes de Pouchkine nous vont alors comme un gant :

“Quelle utilité pour les troupeaux que la liberté ?
Le fouet et le carcan avec des clochettes,
Voilà leur héritage, légué à chaque génération.”

Moscou le 12 février 1974

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Il n’y a pas de solution au sein du système, n’y en a jamais eu et ne saurait y en avoir ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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5 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

Société des sociétés organique avec Gustav Landauer

Le goulag numérique est à notre porte…
Seule solution : BOYCOTT !