Pas de pardon pour le génocide : le rejet indigène de la “répudiation” par l’église catholique de la doctrine chrétienne de la découverte
Indigenous Action
4 avril 2023
Url de l’article original :
~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~
Le 30 mars 2023, une déclaration conjointe de départements administratifs de la ville état du Vatican a été publiée condamnant “les actes de violence, d’oppression, d’injustice sociale et d’esclavage, incluant ceux commis contre les peuples indigènes.” L’église catholique a déclaré qu’elle “répudie ces concepts qui ont échoué à reconnaître les droits humains inhérents des peuples indigènes, incluant dans ce qui est devenu connu légalement et politiquement comme ‘la doctrine [chrétienne] de la découverte.’”
Nous avons l’habitude des tromperies de l’église et cette “répudiation” ne fait pas exception.
Les mots de l’église catholique ne sont rien d’autre qu’une tentative de contrôle des dégâts et de minimisation de son héritage génocidaire tout en obscurcissant les bénéfices qu’elle continue d’engranger avec et en perpétuation de la violence coloniale.
En 1493, la bulle pontificale “Inter Caetera” du pape Alexandre VI (NdT : Rodrigo Borgia…) fut émise. Le document a établi la “doctrine chrétienne de la découverte” et fut centrale à la stratégie de christianisation développée par l’Espagne pour assurer le “droit exclusif” de réduire en esclavage les peuples indigènes des terres envahies par Christophe Colomb un an auparavant. Ce décret clarifia également la menace du pape d’assimiler par la force les peuples indigènes dans le catholicisme afin de renforcer “l’empire chrétien” (NdT : la chrétienté). Cette doctrine de “civilisation” mena à des schémas générationnels successifs de guerres génocidaires et écodicaires menés par les envahisseurs colonisateurs européens contre les modes de vie indigènes, leurs terres, leur esprit, leur culture et le monde de toutes nos nations sur ce continent. “La destinée manifeste”, l’invasion intensifiée des terres indigènes dans les soi-disants Etats-Unis, fut inspirés et validés par cette “doctrine” religieuse.
En 1823, la “doctrine de la découverte” fut inscrite dans la loi des Etats-Unis comme manière de nier les droits des peuples indigènes dans une affaire qui alla jusqu’à la Cour Suprême des Etats-Unis : l’affaire Johnson vs McIntosh. Dans une décision unanime, le juge de la CS John Marshall écrivit dans son rendu du verdict, que les nations chrétiennes européennes avaient assumé le contrôle total sur les terres de “l’Amérique” durant l’âge de la “découverte”. En déclarant son indépendance de la couronne d’Angleterre en 1776, il nota que les Etats-Unis avaient de facto légalement hérité de l’autorité sur ces terres de la Grande-Bretagne, “ce, nonobstant l’occupation des sols par les natifs qui étaient des païens…” D’après le verdict, les peuples indigènes n’avaient aucuns droits en tant que nations indépendantes, mais seulement en tant qu’occupants des sols, locataires des Etats-Unis et ce sur nos propres territoires. La bulle pontificale Inter Caetera fut inclue dans la loi des Etats-Unis et continue d’être la base même de la “loi de la terre” et la justification de l’occupation coloniale et de la domination sur l’existence indigène.
La doctrine chrétienne de la découverte a de longue date été contestée par les peuples indigènes. De multiples délégations depuis les années 1970 ont visité le Vatican et demandé sa répudiation officielle par l’église. Dans les îles de Hawaii occupées, une cérémonie annuelle de la crémation de la bulle “Inter Caetera” a lieu annuellement depuis 1997.
Inter Caetera, 1493
En réponse à la répudiation de la doctrine de la découverte de l’église catholique, quelques organisations indigènes ont critiqué la déclaration et émettent des demandes pour que l’église catholique prenne la “responsabilité”. Deborah Parker, CEO de la National Native American Boarding School Healing Coalition a déclaré : “Alors que la décision du Vatican de répudier la doctrine de la découverte est une juste décision, elle minimise le rôle et la responsabilité de l’église pour tout le mal que la doctrine a causé aux peuples natifs. Cela ne change pas le fait que les vues de l’église ont autorisé les colonisateurs de saisir les terres natives ancestrales et d’assimiler les peuples natifs…
Nous demandons plus de transparence, incluant un accès aux documents et archives des pensionnats pour Indiens, que l’église a refusés de fournir. Nous demandons que l’église rende les terres aux nations tribales, terres sur lesquelles elle a géré ces pensionnats. Nous demandons que l’église soutienne la loi sur la vérité et la réconciliation, qui établirait une commission fédérale et mènerait une enquête complète sur la politique assimilatrice des pensionnats pour Indiens aux Etats-Unis (NdT : Quoi ?… Remettre les clefs d’une enquête sur un crime contre l’humanité à l’état même qui l’a perpétré ? C’est demander à Al Capone et Lucky Luciano d’organiser leur propre procès, mieux aux dirigeants nazis de mener le procès de Nüremberg !!… Quand comprendront-ils qu’il n’y a pas et ne peut pas y avoir de solution au sein du système ?!!…). Et nous demandons que l’église respecte la souveraineté des nations natives et de leurs modes de vie.”
Avec la nouvelle des restes de 215 enfants natifs découverts en 2021 dans un charnier de pensionnat pour Indiens au “Canada”, une rage indigène collective fut déclenchée pour adresser le problème de l’héritage brutal de l’éducation coloniale forcée. La stratégie des pensionnats pour Indiens, fit partie d’une guerre politique, religieuse et idéologique contre les peuples indigènes et cibla particulièrement les enfants. (NdT : “Donnez-nous un enfant pour 7 ans et il nous appartiendra pour la vie”, disent les jésuites…)
En 2007, après des décennies de militantisme pour des réparations au soi-disant Canada, un accord de compromis émergea, le plus gros compromis financier contre l’état colonial. Cet accord incluait le versement d’une somme de 10 000 C$ à environ 90 000 personnes survivantes des pensionnats pour Indiens avec une somme additionnelle de 3 000 $ pour chaque année enduré dans un ou plusieurs pensionnats. Quelques 200 millions de dollars furent allouées pour financer ces programmes d’éducation et réconciliation. Comme partie de ce processus, l’église catholique a payé plus de 50 millions de dollars et a offert de payer 30 de plus. (NdT : en clair, cette manœuvre revient à dire : “prenez du fric, de ce fric que vous aimez tant et fermez vos gueules à tout jamais !”…)
Un groupe appelé la Commission Vérité sur le génocide au “Canada”, qui a accusée les pensionnats d’être responsables de la mort et disparition de dizaines de milliers d’enfants, rejeta cet accord déclarant : “Cette corruption et ce bâillonnement légal et financier est présenté comme la “résolution finale” des plaintes des survivants des pensionnats pour Indiens, comme si un crime si odieux de stérilisation de masse, de viols en bande organisée, de torture rituelle et d’assassinat était solvable ou même réductible à une somme d’argent…”
Le 1er avril 2022, le pape s’est excusé du rôle de l’église catholique dans l’assimilation violente par le moyen des pensionnats pour Indiens “canadiens”. (NdT : Poisson d’Avril !!…) Dans un communiqué écrit, le pape a reconnu le “manque de respect” colonial et l’assimilation forcée et a dit : “Je demande pardon à dieu pour la conduite déplorable de ces membres de l’église catholique et je veux vous dire du fond de mon cœur : je suis désolé. Et je me joins à mes frères, évêques canadiens, pour vous demander pardon.” (NdT : dit Jorge Bergoglio, ensoutané jésuite en chef argentin lors de la sale guerre de la junte militaire argentine de Jorge Videla dont il était un ami et avec qui il trafiqua des centaines d’enfants de “disparus”, pas une attitude déplorable d’un membre de l’église ça aussi ?… Comment peut-on prendre au sérieux les “excuses” d’un tel psychopathe ?…)
Dans la déclaration récente de la répudiation, l’église catholique a l’audace de dire qu’alors que beaucoup de catholiques “… ont donné leur vie pour défendre la dignité des peuples [indigènes]… Beaucoup de chrétiens ont commis des actions maléfiques contre les peuples indigènes pour lesquelles bon nombre de récents papes ont demandé pardon et de nombreuses occasions… Comme a insisté le pape François, leurs souffrances constituent une puissante mise en demeure d’abandonner la mentalité coloniale et de marcher avec eux côte à côte, dans le respect mutuel et le dialogue, reconnaissant les droits et valeurs culturelles de tous les individus et de tous les peuples. A cet égard, l’église est impliquée à accompagner les peuples indigènes et à faciliter les efforts visant à promouvoir la réconciliation et la cicatrisation.”
Ils déclarent de manière absurde “… l’église est impliquée à accompagner les peuples indigènes et à faciliter les efforts visant à promouvoir la réconciliation et la cicatrisation.” Mais nous entendons toujours plus de mensonges théocratiques alors que les dogmatiques autoritaires religieux continuent de cracher leurs textes tout en assassinant au nom de leur dieu.
Nous n’avons absolument aucun désir d’être “accompagnés” par l’église dans la “réconciliation”. C’est dans son ombre que notre traumatisme et notre abus continuent et persistent. Nous refusons que ceux qui nous abusent et nous oppriment nous tiennent la main, ceux-là même qui aussi tentent de décider en quels termes la “réconciliation” doit avoir lieu. Des déclarations de remords sur des faits historiques ne servent à rien si les systèmes de domination et d’exploitation coloniaux demeurent.
L’église demande directement pardon, “ce n’est que justice que de reconnaître ces erreurs, reconnaître les terribles effets de la politique d’assimilation et la douleur dont ont fait l’expérience les peuples indigènes et de demander pardon.”
A cela nous déclarons : “Merde à leur demande de pardon”. Comment osent-ils demander “pardon” tout en demeurant assis sur un trône payé par des richesses, terres et ressources volées, pillées dans le monde entier ? Nous attendons avec impatience le jour où leurs murs s’effondreront autour d’eux et que les empires que leurs idéaux ont construits ne soient plus que ruines et gravas fumants !
La chrétienté dans son ensemble a été de longue date une institution autoritaire patriarcale de violence coloniale, qui a perpétué un assassinat de masse des femmes durant sa période de l’inquisition (NdT : “chasse aux sorcières”… qui fut plus virulente chez les protestants certes, mais qui fut une “marque de fabrique” chrétienne quoi qu’il en soit…). La Malleus Maleficarum et la bulle pontificale précédente Summis desiderantes affectibus, furent explicitement utilisées pour diaboliser et assassiner les “sorcières païennes” indigènes de l’Europe. La doctrine fut la base de la suprématie blanche d’incitation inquisitoriale génocidaire afin d’éliminer des cultures européennes ancrées comme les cultures juive, musulmane et gitane alors qu’ils mettaient en place la suppression et la destruction coloniales des cultures et terres indigènes sur les continents d’Afrique et soi-disant des “Amériques”.
L’histoire de leur foi est écrite avec du sang. Ils ne peuvent peuvent pas vraiment répudier la doctrine [chrétienne] de la découverte parce qu’elle est la fondation même de leur “civilisation”. La civilisation chrétienne a toujours été une guerre spirituelle de domination de la terre-mère. A chaque massacre d’indigènes, une croix. Sur chaque pupitre d’enfant indigène des pensionnats, une bible. Sur quasiment tous les bateaux d’esclaves en provenance d’Afrique, un chrétien dévot à la barre.
On ne parle pas de la colonisation au passé simple.
La domination systématique et l’annihilation des peuples indigènes et de leurs modes de vies et des femmes au nom de “dieu” continue de par le monde. La doctrine de la découverte alimente des travaux missionnaires actuels par des catholiques et autres sectes chrétiennes qui essaient de convertir violemment des peuples indigènes dans bien des parties du monde. Ils tirent leurs pratiques et tactiques missionnaires de l’église catholique, celles développées durant l’inquisition et les conquêtes coloniales. Il n’y a pas de différence entre les actuels évangélistes, mormons ou témoins de Jéhovah et tout autre projet d’invasion coloniale de l’Afrique de l’Amérique du Sud et du système des “réserves”. Toutes les dominations chrétiennes faisant un travail de missionnaire font partie de l’héritage de la doctrine chrétienne de la découverte, qui continue de prôner l’assimilation forcée des peuples indigènes aujourd’hui encore.
Ceci est aussi l’héritage que les nationalistes chrétiens suprématistes blancs continuent de maintenir à travers ce qu’on appelle les “Etats-Unis”. Ils essaient d’enterrer la violence politique avec des attaques sur la “théorie critique de la race” tout en continuant de déshumaniser les femmes et les homosexuels. La façade de la pleurnicherie de masse et de fabrication de boucs émissaires ne sont pas suffisants pour échapper aux conséquences d’une histoire de génocide, de mise en esclavage et d’écocide.
L’église catholique tente de réécrire l’histoire et de se distancer de son rôle et de sa responsabilité dans la violence de masse menée dans le monde contre la Terre et l’existence.
Des déclarations récentes disent : “La “doctrine de la découverte” ne fait pas partie de l’enseignement de l’église catholique. La recherche historique démontre très clairement que les documents pontificaux en question, écrits dans une période historique bien spécifique et reliés à des affaires et questions politiques bien précises, n’ont jamais été considérés comme expressions de la foi catholique… ces documents furent manipulés à des fins politiques par des puissances coloniales concurrentes afin de justifier d’actes immoraux qui furent perpétrés contre les peuples indigènes, parfis, sans opposition des autorités cléricales.”
NdR71 : ceci est FAUX ! Il suffit de lire les bulles qui ne sont on ne peut plus explicite ! Nous les avions traduites il y a plusieurs années, veuillez les lire ici et juger par vous même. L’original de la bulle Inter Caetera de 1493 en latin est conservée au musée espagnol de la marine et de la colonisation à Séville en Andalousie. Steven Newcomb, auteur, chercheur et analyste historique Pawnee a fait le déplacement avec un éminent latiniste pour analyser le document et confirme ce qui y est écrit et que nous avons traduit…
Malgré les protestations indigènes, le pape François a canonisé Junipero Serra en 2015. En 1769, Serra fonda la première de 21 missions catholiques dans ce qui était déjà appelé “la Californie”. Sous Serra, des dizaines de milliers de natifs furent réduits en esclavage et brutalisés. Alors que les statues de racistes étaient déboulonnées durant le soulèvement anti-racial de 2020 après le meurtre de George Floyd, des statues de Junipero Serra (au moins 7 d’entre elles) furent déboulonnées et décapitées, des statues et monuments à la gloire de Christophe Colomb furent aussi saccagés et détruits. En soi-disant Californie, 5 personnes furent mises en accusation pour vandalisme pour leur rôle présumé dans le déboulonnage d’un monument à la gloire de Serra.
De Poppy à Toypurina, des ancêtres indigènes brûlèrent les missions et tuèrent les missionnaires catholiques pour défendre notre terre-mère et toute existence. Alors que toujours plus de cadavres d’enfants disparus sont retrouvés dans les charniers des pensionnats pour Indiens au soi-disant Canada, 68 églises ont été rapportées vandalisées, beaucoup brûlées par la rage et le désir de vengeance indigène.
Des excuses ne sont pas suffisantes, une dette obligée est à régler sous bien des formes, comment pourrons-nous jamais la solder ? Alors que beaucoup demandent des réparations, nous devons contrer cet effet : nous ne voulons pas de compensation financière, de paiement, mais nous voulons la ruine des institutions et des idéaux de la domination, du contrôle et de l’exploitation. Nous ne faisons aucune demande de ce et sur ce que nous voulons abolir. Alors que des sites sacrés demeurent sous attaque et que les blessures inter-générationnelles demeurent béantes, nous continuons de résister aux incessants et brutaux héritages de la violence religieuse coloniale. Leur répudiation arrive 500 ans trop tard. Nous recherchons l’abolition du système et la vengeance.
###
Read our previous post: Colonial Education is Still War. Indigenous knowledge & rage is power.
Vatican statements:
https://press.vatican.va/content/salastampa/en/bollettino/pubblico/2023/03/30/230330b.html
https://press.vatican.va/content/salastampa/it/bollettino/pubblico/2022/04/01/0232/00500.html#en
Recommended reading:
Columbus and Other Cannibals The Wetiko Disease of Exploitation, Imperialism, and Terrorism, Jack Forbes
An Indigenous Peoples’ History of the United States, Roxanne Dunbar-Ortiz
Dans l’esprit de Cheval Fou…
= = =
Lectures complémentaires sur Résistance 71 en PDF :
“Païens en terre promise, décoder la doctrine chrétienne de la découverte”, Steven Newcomb
“Comprendre la doctrine chrétienne de la découverte pour mieux abattre le colonialisme” version Steven Newcomb, — version Peter d’Errico —
“Nous sommes tous des colonisés”, Résistance 71
« Effondrer le colonialisme », JBL1960
“Wasase”, Taiaiake Alfred
« Un manifeste indigène », Taiaiake Alfred
“Chiapas, le feu et la parole”, textes zapatistes choisis
“Zapatistes, Chiapas, les origines indigènes d’une communauté en armes”, Tikva Honig-Parnass
Nos pages : “Colonialisme et doctrine chrétienne de la découverte” et “Colonialisme et luttes indigènes”
« Les excuses ne veulent rien dire…
tant que la violence du système colonial demeure ! »