“Certaines formes de résurgence ont déjà commencé. Il y a des gens dans toutes les communautés qui comprenennt qu’un véritable mouvement de décolonisation ne pourra émerger que lorsque nous aurons changé notre politique d’exprimer nos griefs vers l’engagement dans une bataille politique organisée pour la cause de notre liberté.”
(Taiaiake Alfred, « Wasasé »)
« On ne peut penser la société sans l’état, l’État est le destin de toutes les sociétés. On décèle dans cette démarche un ancrage ethnocentriste d’autant plus solide qu’il est le plus souvent inconscient. »
(Pierre Clastres, « La société contre l’État »)
L’anarcho-indigène Mohawk Taiaiake Alfred parle à l’université McMaster
par Peter Marin
Le 29 Novembre 2008
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~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~
Militant Kanienkeha (nation Mohawk de la confédération des six nations iroquoises), intellectuel et professeur à l’université de Victoria (NdT: sur l’île de Vancouver en Colombie Britannique, Canada), Taiaiake Alfred était invité à l’université McMaster parce qu’il est largement reconnu comme un des universitaires les plus en vue du continent américain en matière d’études indigènes. Mais Taiaiake n’est pas l’universitaire standard, il n’était pas non plus là pour donner une lecture académique, il clarifia ce point d’emblée. Parlant dans le Convocation Hall de l’université, entouré des portraits de bourgeois blancs barbus, la riche élite du passé de McMaster, Taiaiake, un ancien fusillier marin (Marine) avait ceci à dire pour illustrer la situation: “Dans le corps des fusilliers marins nous avons ce dictons: L’ennemi est devant nous, derrière nous, sur notre gauche et sur notre droite. Nous avons ces fils de pute exactement là où nous voulons qu’ils soient.” La scène capture parfaitement la situation de tous les rebelles aujourd’hui: au sein et contre le système qui nous exploite et nous oppresse,
Taiaiake est en premier lieu un guerrier Mohawk ou un militant (NdT: Les “Mohawk Warriors” sont un groupe de militants, qui ont parfois pris les armes contre le gouvernement canadien pour revendiquer leurs droits, un de leur fait d’armes le plus récent fut l’affrontement qui eu lieu dans la ville d’Oka au Québec entre Juillet et Septembre 1990, après que le gouvernement ait rejeté une demande des Mohawk d’arrêter l’extension d’un golf qui devait s’étendre sur des terres sacrées ancestrales Mohawk. http://fr.wikipedia.org/wiki/Crise_d%27Oka ) Son but révolutionnaire est la décolonisation de son peuple et l’autonomie culturelle, politique et économique de toutes les nations indigènes du continent. Le message de son discours, tout comme ses écrits, était plus destiné au membres des nations natives qui formaienrt une grande partie de l’audience. Il parla ensuite dans la réserve des Six Nations près de Caledonia.
Le cœur de son message fut que la décolonisation ne pouvait pas s’effectuer au travers du processus institutionnel légal mis en place par le gouvernement canadien pour gérer les demandes des peuples natifs. D’après Taiaiake, ce sytème, qui inclut les droits “aborigènes” définis par la charte des “Droits et Libertés” et le processus de négociations territorial, est en fait la dernière forme en date de la colonisation.
Ceci parce que ce processus demande aux peuples natifs d’abandonner leur demande de devenir des nations séparées dans une relation de nation à nation avec le Canada, demandes mises en exergue dans les traités internationaux avec la couronne britannique, et ce en retour de “droits indigènes” et d’une petite part des bénéfices effectués dans l’exploitation des territoires indigènes. En d’autres termes, on demande que les peuples natifs soient redéfinis comme une autre minorité canadienne, protégée par des droits des minorités et en tant qu’associés co-propriétaires de territoires privatisés, plutôt que définis comme des peuples conquis militairement recherchant l’autonomie et le retour et la dé-commodification de leur territoire.
Ceci est une forme subtile mais mortelle de colonisation qui apparaît comme un compromis négocié, complèté avec des excuses officielles pour le mal passé fait (exemple des excuses du premier ministre Harper aux victimes du programme des internats scolaires), tout en travaillant pour terminer le comment les nations natives ont traditionnellement imaginé leurs communautés et leur relation avec la couronne britannique et plus tard l’état canadien (NdT: Qui rappelons-le est toujours sujet à un gouverneur général nommé(e) par la reine d’Angleterre, qui elle-mème a fait dissoudre le parlement canadien à plusieurs reprises… Belle indépendance !… http://www.blacklistednews.com/?news_id=13356 )
D’après Taiaiake, Les peuples indigènes doivent répondre à cet assaut de deux manières inter-connectées. Premièrement, les façons de vivre traditionnelles des peuples natifs doivent être récupérées et ré-établies dans tous les domaines de leus sociétés, de l’attitude personnelle et individuelle, jusque dans les formes de gouvernement. Agir de la sorte veut dire retrouver et mettre en pratique des façons de vivre radicalement opposées au capitalisme, à l’état et leurs complices de toujours, racisme et patriarcat.
Deuxièmement, suffisamment de territoires volés ou annexés doivent être récupérés et placés sous le contrôle autonome des communautés indigènes. Ces deux luttes sont en fait une et unique. Puisque la terre est centrale aux cultures indigènes, suffisamment de celle-ci doit être récupérée si ces cultures doivent survivre et s’épanouir. En retour, la redécouverte des valeurs et des voies indigènes d’organisation de la vie bâtit et renforce le pouvoir de la communauté et devient la fondation de laquelle il sera possible d’attaquer l’état canadien et de reconquérir suffisamment de territoires volés afin de donner une base de ressources sur laquelle l’autonomie locale pourra être établie.
En écoutant Taiaiake en tant qu’anarchiste et non-natif, je fus frappé par les similarités entre la vision de Taiaiake concernant la lutte révolutionnaire et la vision anarchiste de la “construction du nouveau monde dans la matrice de l’ancien”. Pour Taiaiake, ceci veut dire tirer des avantages du passé et des méthodes indigènes existantes pour organiser la vie et réclamer, récupérer la terre. Pour les anarchistes, cela veut dire: tirer les conséquences des histoires de nos rebellions petites et grandes, qui nous ont données les idées de la démocratie directe, de l’entre aide mutuelle, de l’association libre, de l’action directe et de modèles tel que les assemblées de voisinage, les zones de travail autogérées et la dé-commodification des biens et des ressources.
Dans les deux cas, la lutte est de récupérer ou de créer, dans l’ici et maintenant, des formes de coopération et de communauté qui vont défier le capitalisme patriarcal et l’état et qui vont donner une fondation croissante de laquelle il sera possible de lancer plus d’attaques sur le système en plaçant de plus en plus de ressources sous le contrôle des communautés.
J’ai personnellement demandé à Taiaiake s’il se définissait lui-même comme un anarcho-indigène à cause de toutes ces similarités et il acquiesça. Il plaisanta aussi sur le fait qu’une fois que vous vous rebellez contre le capitalisme et l’état, les anarchistes sont les seuls alliés non-natifs fiables qui restent alors que les “avocats et les libéraux” se débinent. En gardant ceci à l’esprit, il est bon de savoir que beaucoup d’anarchistes à travers le pays et ici en Ontario ont été solidaires et ont milité pour les peuples indigènes à Caledonia, Tyendinaga, Barrier Lake, Ardoch et ailleurs.
Il y a cependant encore beaucoup à apprendre afin de devenir des alliés efficaces. Nous avons un long chemin à faire avant d’être capable de bâtir le type de soutien politique et de force communautaire au sein des communautés non-natives, ce qui pourrait être une barrière plus efficace contre plus d’oppression étatique sur les luttes indigènes. Comme les organisateurs natifs l’ont dit encore et toujours, ceci est le mieux accompli en éduquant et en organisant nos voisins non-natifs et co-travailleurs. En tant qu’anarchistes, nous devrions également argumenter que le meilleur soutien des luttes contre la colonisation est la lutte anti-capitaliste et contre l’état dans nos propres communautés.