Archive pour révocation inter caetera romanus pontifex

Vatican et colonialisme: Introduction au mouvement de la Longue Marche sur Rome (printemps 2016)

Posted in actualité, altermondialisme, colonialisme, France et colonialisme, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, ingérence et etats-unis, média et propagande, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, philosophie, politique et lobbyisme, politique et social, résistance politique, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , , , , , , , on 4 mai 2015 by Résistance 71

Nous sommes en train de traduire de la documentation afin de présenter au public francophone une initiative sous l’égide de l’Assemblée des Nations Premières du Canada: La Longue Marche sur Rome (Mai 2016). Cette longue marche verra des membres des peuples indigènes du monde entier (USA, Canada, Mexique, Amérique du Sud, Australie, Nouvelle-Zélande et plus encore…) et des non-indigènes, marcher sur Rome depuis Paris. Arrivés sur la place St Pierre, une délégation sera reçue (on l’espère..) par le pape François 1er pour lui remettre en mains propres une demande officielle de répudiation des bulles pontificales Dum Diversas (1452), Romanus Pontifex (1455) et Inter Caetera (1493), qui servirent de décrets à la doctrine chrétienne de la découverte, dont les effets sont toujours dévastateurs aujourd’hui.

Mise à jour: Information sur la Longue Marche sur Rome (Mai 2016)

— Résistance 71 —

 

La “découverte de l’Amérique” fut-elle une mission chrétienne “sainte et louable” ?

 

Sandra JTM Evers & David MacKinnon

 

3 Mai 2015

 

url de l’article original:
http://indiancountrytodaymedianetwork.com/2015/05/03/was-discovery-america-holy-and-praiseworthy-christian-mission

 

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

 

Est-ce que la découverte et l’acquisition de terres européennes en Amérique, intentionnelles ou par exécution, peuvent-être proprement caractérisées comme un projet de poursuite d’une tâche “sainte et louable” d’encouragement de la divulgation et de la propagation de la foi catholique ? Réfléchissons-y un moment et regardons plus attentivement à l’architecte principal de cette mission “sainte et louable” et à l’homme qui choisît de cadrer cette mission en de tels termes, le pape Alexandre VI.

Qui était le pape Alexandre VI?

Avant son élection, le pape Alexandre VI était le cardinal Borgia et en tant que tel il était membre d’une des plus puissantes familles espagnoles de la Renaissance. Il était un véritable Borgia, de nom et de sang et se caractérisait par une ambition sans borne, une grande avarice, sensualité et la réputation d’être “sans aucun scrupule”. Son élection au saint siège ne fit rien pour limiter ses désirs et ses ambitions. Lorsque le pape, avec le temps, tomba sous l’influence de son fils Cesare Borgia, ses violentes mesures assumèrent cette scélératesse démoniaque qui réagit nécessairement au gré des buts poursuivis. En termes de fomentation et de conspiration, son élection comme pape et représentant de dieu demeure un des points d’honneur des réalisations politiques de son clan sans pitié. Le pape Alexandre VI fut le père de 11 enfants et sa cour est demeurée célèbe pour son népotisme avéré. On dit qu’il mourut empoisonné de sa propre main avec son fils Cesare, après qu’ils eurent mangé par erreurs des brioches destinées à un riche cardinal dont les biens étaient convoités par les deux Espagnols. Le conseiller politique de Cesare Borgia n’était autre que le célèbre Machiavelli, dont le livre “Le Prince” se servit de Cesare Borgia comme d’une inspiration. Le contexte était certes différent, mais à cette époque, le pape Alexandre VI avait un rôle essentiel dans le “grand jeu” naissant de l’expansionnisme chrétien dans le monde au XVème siècle. Si l’on devait donner un équivalent dans le monde moderne au pape Alexandre VI, ce ne serait pas le pape François 1er, mais plutôt un président ou un premier ministre siégeant au plus haut niveau d’un conseil d’administration d’une grande entreprise transnationale.

L’objectif du Vatican était-il de poursuivre le travail “saint et louable” d’évangélisation du monde ?

Le pape Alexandre VI fut aussi l’homme qui proclama la bulle Inter Caetera en 1493, le décret pontifical qui divisa le monde en deux parties et qui altéra la destinée du continent des Amériques. Il parvint au siège suprême de “vicaire du christ, successeur du prince des apôtres, souverain pontif de l’église universelle, souverain de l’état de la ville du Vatican, serviteur des serviteurs de dieu, etc…”, parmi des rumeurs de corruption et sur toile de fond d’un collège des cardinaux bien disposé à de telles pratiques. Le collège des cardinaux n’était plus, loin s’en faut, ce qu’il était au début de l’église romaine et “était devenu un corps représentant des monarques et princes européens et un corps dans lequel les papes pouvaient perpétuer et perpétuaient l’influence de leurs familles dans les affaires de l’église.” Des 27 cardinaux en vie à la mort de son prédécesseur, la pape Innocent VIII, une dizaine étaient des neveux-cardinaux, huit étaient des princes de couronne, quatre étaient des noble romains et un des cardinaux avait obtenu sa fonction en remerciement des services rendus par sa famille au saint siège. Seulement quatre d’entre eux étaient des membres de carrière du clergé montés du rang.

Dépeindre le Vatican pendant l’âge de la découverte comme étant une mission chrétienne bien intentionnée ne reflète en rien la réalité d’un corps servis par des représentants très chevronnés dans l’art des accords et encore moins les inclinaisons du souverain pontif lui-même. Bien qu’il n’y ait aucune mention d’amener les “nations barbares” à la foi catholique (NdT: ceci fut fait dans la bulle Romanus Pontifex du pape Nicolas V en 1455), l’intention sous-jacente de la bulle Inter Caetera et principalement des deux bulles la précédant Romanus Pontifex (1455) et Dum Diversas (1452), était de légitimiser l’engagement de la monarchie portugaise dans le commerce des esclaves et par la suite, de justifier les prises de terres du nouveau monde par d’autres monarques chrétiens.

Le prétexte moral/légal invoqué par le Vatican pour ratifier le projet de la couronne d’Espagne pour découvrir et saisir des terres aux Amériques, invite à la comparaison avec certaines entités modernes para-publiques qui justifient d’énormes acquisition de terres et de ressources en Afrique sur la base de causes supérieures, comme le développement durable, la sécurité alimentaire et même la protection de la nature. Cette technique vaut la peine d’être enquêtée plus avant.

Les bulles pontificales étaient-elles des vœux naïfs de partage des évangiles de Jésus Christ avec les païens ?

Toute suggestion que la destruction et l’oppression des peuples indigènes sont des résultats non intentionnels d’une mission altruiste qui aurait dérapée apparaîtrait en contradiction directe avec les termes mêmes des bulles pontificales. L’existence même du Nouveau Monde au temps de ces bulles était sujet à controverse au XVème siècle. Mais l’intention d’exploration était sans équivoque dès le départ. Le but et objectif final étaient l’acquisition (des terres) et sa motivation la veulerie. Romanus Pontifex autorise le roi du Portugal à “envahir, traquer, capturer, vaincre, subjuguer quelques païens et sarrazins que ce soient et tout autres ennemis du christ… et de réduire leurs personnes en esclavage perpétuel.” Les lettres de patente données aux explorateurs père et fils Cabot (par le roi d’Angleterre), qui souligne le titre de propriété radical de tout le territoire d’Amérique du Nord, autorisent les explorateurs à “subjuguer, occuper et posséder toutes les villes, villages, châteaux et îles.. des païens et des infidèles, pourvu que ces terres soient inconnus de rois chrétiens.

Un nombre croissant de chercheurs et écrivains spécialistes des titres de propriété sur les terres indigènes, principalement Steven Newcomb, ont argumenté depuis des années que la base de la notion que le gouvernement des Etats-Unis possèdent le titre des terres en Amérique est fondée sur ces bulles pontificales. Comme Newcomb, Peter d’Errico et Robert Miller l’ont montré à maintes reprises, Le verdict du cas légal de la cour suprème des Etats-Unis dans l’affaire Johnson contre McIntosh, reconnaît implicitement la connexion entre les bulles pontificales de la découverte et l’affirmation des titres supérieurs de propriété par le gouvernement. Cette affaire est en train de gagner une audience mondiale (NdT: aussi grâce à nos traductions en français depuis plusieurs années pour dénoncer ces faits dans le monde francophone…). La Longue Marche sur Rome sera une marche des peuples indigènes sur le Vatican pour officiellement demander la révocation par le pape des bulles pontificales incriminées. Cette marche est programmée pour le mois de Mai 2016. Les peuples indigènes et non-indigènes peuvent tous bénéficier de comprendre comment la Vatican au XVème siècle, a fabriqué un système d’inégalité pour d’abord légitimiser le commerce des esclaves (pour les Portugais) puis l’assertion de souveraineté sur le Nouveau Monde, sans aucune considération sur l’impact qu’aurait une telle politique sur les peuples indigènes du monde entier.

David MacKinnon est un ancien avocat de cour, membre de la Law Society of British Columbia et du Barreau du Québec.

Dr Sandra J.T.M Evers est professeur et chercheuse en anthropologie sociale et culturelle à l’université VU d’Amsterdam au Pays-Bas.

La Longue Marche sur Rome 2016 est un mouvement public de prise de conscience et une marche des peuples indigènes sur le Vatican afin de demander formellement l’abrogation sans réserve des bulles pontificales de la découverte, Dum Diversas, Romanus Pontifex et Inter Caetera.

Note de Résistance 71: Bientôt plus d’info sur la Longue Marche sur Rome, nous sommes en train de traduire une partie de leur doc.

Pour plus d’information, veuillez consulter:

http://longmarchtorome.com/

Article connexe: « Vers le démantèlement de la doctrine chrétienne de la découverte » (Steven Newcomb, traduction Résistance 71, Novembre 2014 )