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Nuit Debout: Bonnes idées de fin de programme…

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, crise mondiale, démocratie participative, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, politique et social, politique française, résistance politique, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , on 12 mai 2016 by Résistance 71

On aime beaucoup cette analyse depuis l’intérieur du mouvement « Nuit Debout »… Certaines idées rejoignent les nôtres, quoi qu’il en soit créer est le plus difficile…

— Résistance 71 —

 

Fin de programme

Autographie

9 mai 2016

url de l’article:

http://www.lavoiedujaguar.net/Fin-de-programme

http://autographie.org/blog/2016/05/06/fin-de-programme/

 

Le mouvement contre la loi travail a débordé sur les places, on a passé des « nuits debout », de toutes sortes de manières les places débordent sur la rue, et vice-versa. Par tous les moyens, on tente de sortir du programme, non sans peine.

Éternel mais dispensable retour des programmes

C’est dur de parler, de penser, a fortiori ensemble, quand ça fait si longtemps qu’on ne l’a plus fait. On hésite d’abord, puis on y va, on se lâche, puis on se contrôle, on nous contrôle, ça ne peut pas durer éternellement…

Ce drôle de mouvement nous a extraits de nos bulles quotidiennes (aussi « alternatives » soient-elles), et il nous gifle rudement en nous révélant l’ampleur sous-estimée du programme qui s’était installé en nous. L’air de rien, sous la couche superficielle des croyances révolutionnaires, nous avons laissé des formes pourtant classiques de pouvoir nous animer, en se convainquant du progrès — tout relatif — qu’elles apportaient. L’« État social » fait partie de ces oxymores qui nous aident à composer avec une réalité pourtant abjecte.

Et quand nous nous entendons parler ce langage magique, nous mesurons amèrement l’écart abyssal entre les mots que nous échappons au micro et la sensation d’écœurement qui nous a fait sortir dans la rue en premier lieu.

Faute de pouvoir décrire pleinement ce qui se passe ces jours-ci, on reproduit ce que l’on peut, on prend comme un sésame quelques solutions toute faites portées à notre connaissance par des mouvements récents… Puis il ne manque jamais d’animateurs « bien intentionnés », pour nous souffler la suite, quand les mots ou les formes nous manquent. C’est ainsi que l’on voit ressurgir, comme sous l’effet de la « spontanéité » des agrégations nocturnes, des notions qui ont la peau dure et qui n’ont que l’air de la nouveauté.

Nous voilà à peine rassemblés à quelques-uns au beau milieu d’une place que certains se piquent, avant toute autre chose, de « ré-écrire la constitution ». Dix, vingt, mille, deux mille, dix mille personnes, un peu partout, retrouvent tout juste le chemin de la parole publique, et voilà qu’il faudrait qu’elles s’asseyent déjà pour ré-écrire la constitution, revendiquer un revenu garanti pour tous, fonder un nouveau parti, reconstruire la gauche…

Au fil des dernières années, certains d’entre nous se sont égayés dans divers maquis à bricoler dans leur coin des manières de s’en sortir à quelques-uns, de s’extirper de l’économie, de l’emploi, de la course à la reconnaissance. Et ces histoires de « Constitution » là, ça nous coupe un peu la chique. On goûte à peine à la joie de reprendre la rue, de parler aux inconnus, de festoyer au milieu des places, de rendre les coups, d’interrompre le programme, qu’une force obscure nous en prépare déjà un autre, de programme.

L’histoire récente est pourtant jonchée de cadavres constitutionnels, partisans et programmatiques. Il n’a pas fallu deux ans à Podemos pour avoir raison de la vitalité du mouvement des places en Espagne en se posant, avec force communication, comme son débouché politique naturel. Il en avait fallu un peu plus à Syriza pour capter l’essentiel de l’énergie du mouvement révolutionnaire grec et la diriger vers une nouvelle déception électorale. Combien de semaines d’autres apprentis bureaucrates mettront-ils, ici, pour serrer le collet à la vitalité en marche ? Combien de temps sommes-nous capables de résister à cette volonté enracinée dans nos imaginaires de tout programmer ?

Partout, sous des gestes parfois semblables, la manifestation, l’occupation de places, l’occupation de lieux administratifs, il y a des idées du bonheur aux antipodes les unes des autres qui cherchent leur chemin. Nous nous attachons à la vitalité propre des places, à leur brouhaha, à l’énergie nouvelle des manifestations qui sortent partout du cadre admis, qui se trouvent de nouvelles cibles. Nous ne cherchons donc pas à marquer les désaccords, juste à ce qu’ils trouvent le moyen de s’éclairer mutuellement, de se penser.

Sur les places, la plus grande part de la joie palpable vient d’une capacité soudaine à s’organiser, à reprendre un espace public vidé de toute vie, à répondre à nos besoins propres (se retrouver, se nourrir, se parler, jouer…) avec nos propres moyens, sans, pour une fois, rien demander à personne. Beaucoup se précipitent pourtant pour traduire tout cela en « revendications », en « Constitution », en « projet de société », autant de choses qui nous éloignent de notre force présente, immédiate, prometteuse. Ces mauvais réflexes, impliquent toujours un interlocuteur plus grand que nous, un grand ensemble « social » dont nous ne serions que le petit rouage interchangeable. Et pour être interchangeables, compatibles, transparents (j’affiche mes émotions, mes accords et mes désaccords sur « mon mur » ou sur ma face, les mains en l’air ou les bras en croix), il faut bien des formes reproductibles partout, identiquement : la gestuelle altermondialiste, des slogans suffisamment vides pour être rassembleurs, un wiki coopératif constituant, des adresses IP bien identifiables, bref, des formes, des dispositifs en lieu et place de sens. Des systèmes et des économies à la place de la vie.

On nous a voulus individus jusqu’au bout des ongles, et c’est en tant que tels que nous nous retrouvons sur ces places. Notre vision d’un progrès radical se borne à demander une amélioration de notre condition d’individus isolés : un « revenu garanti » pour tous ou plutôt pour chacun. Résultat, nous passons sans détour de l’autonomie comme puissance d’agir (qui frémit sur les places) à l’autonomie réduite à un « pouvoir d’achat » garanti à chacun, octroyé par on ne sait quelle forme de grand ensemble englobant, neutre, désintéressé, automatique. Le même grand système surplombant, qui devrait garantir, mesurer et comptabiliser l’égalité parfaite de la contribution des uns et des autres à l’effort pacifié, de rédaction d’une « nouvelle Constitution ». Cette propension maladive à apaiser tous les rapports sociaux a pourtant quelque chose de profondément pourri et désarmant. Tout juste après avoir pris des bombes législatives sur la gueule de la part des dirigeants (Loi Travail, État d’Urgence, Loi sur le renseignement…), après s’être fait désarticuler les bras et crever les yeux par leurs CRS, après s’être épuisés dans des jobs absurdes et des usines esclavagistes, après s’être couchés sous la morale de la CAF et de Pôle Emploi, comment pouvons-nous souhaiter avec autant de précipitation, ré-échafauder de semblables institutions ?

Occuper les déserts

De lutte, de combat, et de communauté, il semble à l’inverse difficile de parler sur certaines places (alors même que c’est visiblement cela qui sourd dans tous les coins, en dessous des discours). L’air du temps est au réseau, à la production « collaborative » douce, à la Scop sexy et aux coopératives d’auto-entrepreneur 2.0. Autant de phantasmes technologiques qui derrière leur façade collective masquent une réalité atomisée, où chacun est tenu pour responsable de sa propre misère, de ses propres échecs. Il y a peu de chance que le revenu de base réduise cette division sociale là, puisqu’il n’abolit pas l’obligation plus ou moins implicite de « s’efforcer à réussir », seul de préférence. D’autant plus que notre époque nous a contraints à la débrouille ; version euphémisée de « marche-ou-crève ». Nous sommes acculés. Et le comble de notre aliénation est de ne plus parvenir à nous ériger en « communauté de débrouillards » ou en « communards de la débrouille », autrement dit en classe sociale. Pourtant, notre tâche est bien là, faire en sorte que nos séparations groupusculaires ne soient plus uniquement une réaction de repli face à la violence du monde, mais une force qui fasse sens collectivement, et qui produise tout ce qu’il faut pour la vie de ceux qui brûlent de faire sécession. Faire « service public » là où l’actuel est en pleine déliquescence. Là-même où il a largué la réponse aux besoins de tous pour l’obsession du contrôle de chacun. Voilà tout l’enjeu du mouvement en cours. Si nous ne franchissons pas ce cap, nous serons dilués dans un futur Podemos, franchouillard qui plus est.

Pris dans nos boulots toujours plus insatisfaisants, au mieux, nous bredouillons quelques vieux tics de langage pour décrire la source de notre malheur (« c’est la faute du capitalisme, de la finance »), comme pour se figurer une nouvelle fois un ennemi abstrait dont nous ne reconnaissions plus le visage. Bien sûr, le capitalisme et la finance nous ont dévastés. Ces structures qui nous plient sont effectivement incarnées par des formes et des représentants identifiables ; banques, assurances, holdings, médias, actionnaires, et leurs collègues de classe (sociale et scolaire), qui assurent leur santé en « occupant les places » dans les gouvernements. Mais ils semblent tellement à l’abri derrière leur plafond de verre qu’on se demande bien comment entrer en conflit direct avec eux. Nous n’avons le plus souvent affaire qu’à leurs flics et leur mobilier urbain. À défaut, nous nous tournons vers nos chefferies locales, nos banques de village et nos élus de quartier sans pouvoir. Dans leurs lieux, nous ne rencontrons que du petit personnel politique affairé sur des questions subsidiaires, des voisins de palier employés là, les pères et mères de nos amis d’enfance dans leurs bureaux, et il arrive que nos amis eux-mêmes tiennent le guichet. En somme, des gens qui ont plus ou moins l’air aussi démunis que nous. À l’usine, dans les bureaux, nos cadres et nos contremaîtres ressemblent presque autant que nous à des pantins. Ce qui par ailleurs aurait dû les vacciner définitivement contre les coups de cravache qu’ils continuent de nous infliger. Il y a comme un grand brassage des rôles, un brouillage des lignes, qui bien loin de supprimer les violences de classe, les a rendues innommables. À l’évidence, ces collusions sensibles et humaines ne sont qu’un leurre, mais en avoir conscience n’empêche pas cet « à quoi bon ? » qui nous habite toujours un peu plus. Le capitalisme et ses structures sociales, la finance et ses actionnaires sont certainement pour partie responsables de nos plaies béantes, mais leurs déclinaisons dans le quotidien ont été rendues si peu tangibles, si brouillées, que nous en avons perdu nos cibles et nous nous rongeons nous-mêmes. Nos localités sont désormais faites de ce vide que les superstructures ont laissé derrière elles. Alors occupons d’abord ce désert qui nous est donné là. Jouissons de la liberté offerte par cet espace public abandonné. Et si le croquemitaine se dévoile, se rue sur nous, il aura enfin un visage.

Du haut de nos croyances au caractère exceptionnel de nos individualités, nous refusons de nous envisager comme les produits tous frais de ce monde, ses jouets et ses variables d’ajustement. Cette illusion de libre-arbitre nous limite dans notre capacité à nous arracher hors des programmes et risque bien ne nous faire éternellement réinventer l’eau chaude. C’est là toute la force de ce régime aux apparences libérales, qui nous a dépossédés des moyens de débusquer et de perturber les phénomènes de reproduction. Tout nous paraît moderne et providentiel. À tel point que nous ne voyons même plus comment la République ou la Constitution nous ont si parfaitement domestiqués pendant tant d’années. Si nous sommes incapables de comprendre en quoi les structures actuelles nous enfantent, il est logique que nous nous précipitions à en fabriquer de semblables plutôt que de nous rendre imprévisibles, incontrôlables. Si toute notre action perturbatrice doit se conclure par une assemblée constituante, une République sociale et un revenu garanti, c’est que l’on nous aura définitivement enlevé le sens du rêve.

Comme une vie

La question de la souveraineté du peuple ne cesse de monopoliser les assemblées spontanées. Sa redondance n’est que le signe d’une dépossession extrême du pouvoir d’organiser nos vies. Car en réalité, sa question est bien mal posée. Nous avons une fâcheuse tendance à rechercher prématurément les bonnes modalités d’organisation de la souveraineté politique des individus, comme si nos conditions de vie exécrables nous permettaient d’attendre. Preuve en est, l’inflation actuelle de propositions autour du « tirage aux sorts des représentants » ou de la « révocabilité des mandats ». Et nous laisserions, en vertu de cette logique programmatique, le soin à ces futures institutions républicaines d’organiser pour nous la satisfaction de nos besoins, aussi égalitaire qu’elle puisse être. Or ce programme-là, nous courons après depuis tant d’années et tant de régimes successifs, sans réussite. Notons d’ailleurs que les « grandes avancées sociales » du siècle dernier ont davantage été arrachées aux représentants de la République qu’elles n’en n’ont été les fruits.

Nous proposons donc d’envisager le pouvoir d’organiser nos vies comme un début inévitable. Nous sommes capables, et nous ne partons pas de zéro, d’aller vers une autonomisation dans un maximum de domaines vitaux, de la nourriture au déplacement, en passant par l’habitat ou l’éducation. Jusqu’alors, nous avons été dépossédés de ces savoir-faire par l’expertise technologique propriétaire et la division du travail. À nous d’utiliser la technique à notre avantage, en faveur d’un quotidien qui fait sens, et d’une forme de luxe vital pour tous et toutes. Pas une égalité comptable qui serait là pour nous pacifier en nous abreuvant d’un égal pouvoir d’achat, mais un partage dispendieux de nos moyens, de nos possibilités d’autonomie collective, de nos richesses diverses, qui annulerait tout besoin de calcul. Si devait persister une notion telle que la « souveraineté du peuple », elle passerait probablement moins par son enfermement dans des corps administratifs et constitutionnels que par notre autonomisation collective, et par notre capacité à élaborer nos interdépendances et la mise en pratique(s) de notre tenace passion égalitaire… là où nous sommes et avec ceux avec qui il nous est donné de nous rencontrer, de nous lier, d’où qu’ils viennent. Cela ne peut être programmé, commandé, calculé, ou même revendiqué. Mais seulement mis en route dès maintenant. Nous aurons tout loisir, au terme de quelques avancées, de décider si nous avons besoin d’une Constitution et si oui laquelle.

Dans la situation présente, nous sentons bien un manque de structuration, un flottement, des aléas, que les plus ordonnés d’entre nous voudraient réguler. Nous devrions plutôt suspecter le retour des techniques de management édulcorées, l’utilisation à outrance des savoirs universitaires, des compétences gestionnaires, des élans de planification, des représentants et des écritures de programmes. Plus généralement, nous aurions intérêt à prendre nos distances avec ces pensées toutes faites, qui rampent sur la toile et que l’on nous somme d’adopter. Elles vont si bien à cette société en plein écroulement… Cela ne veut pas dire qu’il faille abandonner tous les outils. Mais que nous aimerions d’abord — et avant tout le reste — nous laisser le temps de vivre ce moment et de nous mettre à l’épreuve.

Car nous n’avions pas vu situation si prometteuse depuis longtemps. Quand bien même nous fabriquions des organisations collectives, elles n’étaient que des outils nécessaires à notre survie. Alors que notre insatisfaction profonde nous soufflait à l’oreille les mots du désordre, du chamboulement, nous nous contentions de pis-aller. Or ce « mouvement », de manifs ensauvagées en Nuits debout agitées, a tout du débordement, de l’échappement, de la perte de contrôle et c’est bien là toute sa force.

Sur les places, quand nous prenons la parole, nous sommes comme nus, dépouillés de nos histoires, de nos bandes, et seuls nos mondes séparés semblent compter (1 plus 1, plus 1, plus 1…). Mais enfin, nous ne sommes pas « un, plus un », nous sommes plusieurs, nous avons des histoires à raconter, des tentatives, des trucs à partager, une expérience en marche qui a besoin de se confronter, de te rencontrer, de le rencontrer lui aussi, et cette bande de potes là aussi, cette famille, ces collègues, ces camarades-là… ce que nous cherchons c’est joindre nos forces, toutes diverses qu’elles sont, pour rouvrir l’espace du choix, les pages de l’histoire.

Non il n’y a pas ici que des individus éthérés, des solitudes numériques, il y a de la vie qui a besoin de prendre sa place, d’exprimer toute son hétérogénéité, de faire tomber des murs, de mettre des pieds dans la porte, de serrer quelques arrogantes cravates, de retourner contre ceux qui les produisent quotidiennement les sentiments de tristesse et d’impuissance.

L’État lui-même, cet appareil technique à qui nous présentions jadis nos revendications respectueuses comme s’il était vivant, est si éclaté dans sa fonction moribonde de gestion et de contrôle au service de l’ordre économique qu’il perd totalement sa capacité à influer sur notre quotidien. En conséquence, prenons acte que nous n’avons plus rien à lui demander.

Au-dessous du volcan

Nous avons en tête cette folle épopée en cours depuis près de vingt ans au Mexique. Cette aventure qui a commencé par le soulèvement des indigènes zapatistes du Chiapas contre la mise en place de l’espace de libre-échange des Amériques, en 1994. Cette irruption locale de ceux qu’on n’attendait plus a trouvé tout un tas de prolongements localement, à l’échelle du pays, à l’échelle du monde. De là sont nés à la fois le mouvement anti-globalisation et, au Mexique, un autre processus plus rampant, plus tenace aussi, qui s’est nommé un temps « La Otra Campaña ».

Cette « autre campagne », avait pris le prétexte d’une élection présidentielle mexicaine pour agréger, pan par pan, toutes les forces distinctes pour lesquelles il était impossible de se projeter, une nouvelle fois, dans un tel numéro d’illusionnisme électoral. Communautés indigènes en lutte, syndicats enseignants, usines occupées, comités de quartier, bandes de jeunes émeutiers, villages ruraux, écoles agraires, radios locales, journaux, centres sociaux occupés, collectifs divers se sont mis à s’inventer un plan de bascule commun. Ce qui s’est formé alors, au fil des mois puis des années, c’est un mouvement discontinu, hétérogène, illimité, de sécessions d’avec le champ irrespirable de la politique des partis et de la représentation. Une façon de déposer le cadre, sans prétendre le refaire. Ne pas laisser qui que ce soit prétendre le refaire, c’est d’emblée penser les plans de coopération, d’alliances, de stratégies communes entre tous ceux qui ne veulent plus être contenus dans quelque cadre (national) que ce soit, fût-il a priori « bienveillant ».

Le moment étant venu d’imaginer l’étape d’après des manifestations et de l’occupation des places, nous ne pouvons plus nous contenter de reproduire de place en place les dernières trouvailles issues de la place de la République. Chaque localité pourrait trouver son propre tempo, sa propre texture, revisiter les lieux qu’elle occupe d’un regard neuf et trouver en elle les ressorts du dépassement que tout le monde appelle de ses vœux. Ce dépassement est une mise en commun et un déploiement de nos puissances d’agir propres à notre classe débrouillarde. Que nous soyons sortis de l’emploi en prenant les baffes moralisatrices de ceux qui aimeraient nous voir souffrir au travail, ou que nous y trimions encore, contraints par dépendance aux revenus qu’il nous concède et forcés par son organisation de plus en plus démente, il y a là une multitude inattendue de groupes qui commencent à se constituer et à prendre vie sur les places.

Ce débordement de vie collective n’entre pas dans les cases des prêts-à-porter militants. « La Commune », elle-même, est peut-être moins un nom emblématique pour notre désir actuel de dépassement qu’un des rendez-vous avec le passé et son inaccompli. Sortir du programme va sans doute nous amener à transcender nos localités, nos communes, avec ou sans « c » majuscule. Ainsi ces vies collectives, tout en s’autonomisant, auraient depuis leurs situations singulières, et en miroir les unes des autres, à penser de fond en comble les problèmes dont elles se saisissent et les plans sur lesquelles elles peuvent communiquer entre elles, construire des objectifs communs. Un de ces plans, en écho à cette expérience mexicaine, et dans le but d’en finir avec ce qui nous programme, ne pourrait-il pas être d’envisager que l’élection présidentielle de 2017 — à l’idée de laquelle tout le monde suffoque déjà — n’ait tout simplement pas lieu. Car la laisser advenir « normalement », c’est s’assurer qu’elle aura sur le soulèvement naissant, l’effet d’un bon vieux Tour de France bien commode, qui tous les ans trahit les promesses du printemps, mais pour bien plus longtemps.

Ne plus se contenir, ouvrir les vannes

La perspective de l’absence d’élection présidentielle comme emblème de tout ce qui nous programme ouvrirait un champ de possibles et de déclinaisons pratiques :

Comment constituer un véritable espace public sous l’espace médiatique et institutionnel ? Faire surgir notre propre agenda ?

Comment arracher un maximum de lieux à l’emprise du rouleau compresseur électoral (qu’ils ne trouvent plus nulle part où aller serrer des mains tranquillement) ? Comment perturber les canaux par lesquels il s’impose à tous ?

Et depuis là, faire ce nous avons à faire pour construire nos forces et dévier le cours du temps. Car du temps il nous en faudra bien plus que celui qu’est prêt à nous concéder l’éternel parti de l’urgence et son État. Faisons disparaître cette échéance de l’horizon et en lieu et place de ce mauvais spectacle déployons nos expérimentations, diverses, parfois même antagoniques… ouverture de lieux de convergence et d’organisation, grèves, occupations illimitées de places, enquêtes, déploiement de nos services publics libres (seuls à même d’entraîner avec nous tous ceux qui nous entourent), transversalité des expériences et des savoirs. Prendre enfin le temps de ne pas suivre la course folle de ce monde qui ne court qu’après son effondrement toujours imminent.

Arrêter les pendules, déchirer le calendrier. À chacun de décliner ce non-programme comme il lui paraîtra juste, et d’emplir ce vide de la vie qu’il mérite.

Nous sommes nombreux.


Nous sommes insatisfaits.


Nous sommes (à) la fin du programme.


On arrive.

= = =

A lire:

La sixième déclaration de la forêt de Lacandone (Mouvement Zapatiste du Chiapas, Mexique, 2005)

« Nuit Debout » et promotion médiatique… Taranis News, Empire et Soros…

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La phagocytose de Nuit Debout par les requins de l’impérialisme devient de plus en plus évidente de jour en jour… Pour que « Nuit Debout » ne devienne pas la Foire aux Dupes…

— Résistance 71 —

 

Article connexe: « Quelques réflexions sur l’actualité Nuit Debout »

 

Nuit Debout et Taranis News

 

Réseau Voltaire

 

25 Avril 2016

 

url de l’article original:

http://www.voltairenet.org/article191470.html

 

La promotion de « Nuit debout » est assurée par une agence de presse alternative, Taranis News. Celle-ci est liée à un réseau soutenant la politique étrangère états-unienne et Israël.

Deux médias en particulier ont couvert le mouvement de contestation du projet de loi El Khomri sur la réforme du Code du Travail français (« Nuit debout »), dès son origine et au plus près de l’action : Russia Today et la petite agence de presse alternative Taranis News.

Pendant un temps, à la suite de menaces, le correspondant de RT a été contraint de suspendre sa couverture des événements, laissant un quasi-monopole à Taranis News.

Pratiquant un journalisme très engagé Taranis News (ex-Rennes TV) s’inscrit clairement dans la mouvance anti-fasciste et de l’extrême gauche.

Son fondateur et gérant Gaspar Glanz, 29 ans, a travaillé pour des organes d’information aussi divers qu’Antenne 2, Rue 89, Canal+, l’AFP et l’agence de presse russe Ruptly. Gérard Glanz a couvert en particulier les affrontements autour du sommet de l’Otan à Strasbourg et du camp de réfugiés de Calais ainsi que ceux de Notre-Dame des Landes et de Sivens.

Il est à noter que Gaspard Glanz rédige régulièrement des articles pour la très atlantiste agence de presse Vice France spécialisée dans la production de contenus à destination des jeunes.

Vice France est une émanation de Vice News, chaîne d’information mondiale produisant des articles et des documentaires. Cette chaîne s’est notamment distinguée pour sa couverture de la contestation des régimes vénézuélien et ukrainien où elle épouse les orientations de la politique extérieure états-unienne.

Cette ligne éditoriale n’a rien de surprenant : Vice News appartient à Vice Media dont les propriétaires sont notamment The Walt Disney Company, Time Warner et 21st Century (Robert Murdoch).

Gaspar Glanz est propulsé « journaliste préféré de la génération Nuit debout » par le site français d’information en ligne StreetPress qui lui consacre un portrait hagiographique. Il est à noter que comme ses confrères de Vice News, StreetPress épouse les orientations de la politique étrangère US avec une très nette inclination pro-israélienne.

Le directeur de la rédaction de StreetPress n’est autre que Johann Weisz, ancien journaliste dans les très sionistes Proche-orient.info (site aujourd’hui disparu qui était financé par l’État d’Israël) et Radio Shalom. À ses débuts StreetPress, partageait en outre les locaux de l’ONG Bibliothèques sans frontières, financée en partie par Alexander Soros, fils de l’omniprésent George Soros, et par la Ford Foundation. À l’initiative de l’ambassade d’Israël à Paris, Proche-orient.info et StreetPress ont participé par le passé avec beaucoup de mauvaise foi à une campagne de presse contre le Réseau Voltaire.

Ainsi il apparaît que l’une des figures de proue du journalisme alternatif français est indirectement financée par Mickey, tandis que la famille Soros lui tresse des louanges. Décidément le logo de Taranis News — la face noire d’un requin — n’est pas usurpé.

« Nuit Debout »… Paroles (essentielles) d’un prolétaire

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Vos nuits debouts sont aussi celles des prolétaires

Kevin Amara

18 Avril 2016

url de l’article original:

http://www.cercledesvolontaires.fr/2016/04/18/nuits-debout-aussi-celles-des-proletaires/

Je fais partie de ces millions de Français qui ne se rendent pas aux Nuits Debout de leurs villes. Qui ne les suivent pas plus sur Périscope, mais qui — parfois par choix, parfois bien malgré eux — ont un œil scruté dessus depuis plusieurs semaines par le truchement des réseaux sociaux. Des réseaux sociaux, voire des médias, pour ceux qui ne sont pas encore débranchés de ces outils de propagande que sont la télévision et la radio, publiques ou non, investis par de tristes sires qui se font le relais d’une oligarchie désormais clairement identifiée.

Non pas que nous ne nous y rendions pas par désintérêt, non, simplement, nous sommes le prolétariat. Le prolétariat en bleu de travail, qui se retrouve contraint à se soumettre à un système salarial devenu de plus en plus déshumanisé et que nous combattons par l’esprit au quotidien. Celui qui se lève à 6 heures du matin pour aller vendre sa force de travail et son temps au Capital. Capital qui ne nous considère pas plus que nous ne considérons nous-mêmes nos machines, de plus en plus présentes et qui nous font craindre de plus en plus ce que d’aucuns appellent progrès mais que nous appelons nous autres robotisation et mise à l’écart de l’Homme. Celui qui regarde tous les espaces de liberté et de contestation de ce système morbide qu’est le capitalisme d’un air envieux, fiévreux, et dont nous accompagnons les volontés et les aspirations de nos pensées les plus sincères.

Nous ne sommes pas debout la nuit parce que nous sommes debout la journée, et nos nuits, quand elles ne sont pas blanches, sont remplies d’idées noires.

Rappelons-nous de ce qui fit de Mai 68 un moment si particulier de l’histoire de France, et de l’histoire des luttes sociales plus généralement. Enfin, les ouvriers (appelés les « non-étudiants » par les médias aux ordres, tant ils craignaient la convergence des luttes) échangeaient avec les étudiants. Enfin, les étudiants avaient l’occasion de se rendre aux conseils ouvriers. Enfin, les ouvriers pouvaient aller dans les AG étudiantes. La lutte sociale se débarrassait de ses divergences, faisait fi de ses clivages, pour ne plus faire qu’une, et chacun trouvait sa place dans ce chaos ordonné, dans lequel chacun aspirait enfin à un monde plus humain, plus égalitaire (et non pas égalitariste).
Réunion de deux forces vives de la nation. Il est des moments où l’émergence de tels mouvements est inéluctable, comme le disait si bien l’ami Hugo : Rien n’est plus puissant qu’une idée dont l’heure est venue.

Si j’écris ce texte aujourd’hui, c’est pour assurer les participants — qu’ils soient chômeurs ou marginaux, étudiants précaires ou artistes ruinés (etc.) simples citoyens enfin — de notre sympathie.

Sachez créer cet espace de convergence dans lequel nous saurons être présents lorsque l’idée de la grève générale verra son heure arriver.
Soyez acteurs de la création de cet espace d’autonomie, auquel se grefferont tôt ou tard les classes laborieuses, lorsque la masse critique enfin atteinte, permettra une mise en danger personnelle qui ne laissera pas entrevoir en fin de compte que licenciements et drames familiaux.
Soyez les farouches défenseurs d’idées qui ne vous appartiennent pas, qui ne sont la propriété de personne, mais partagées par le plus grand nombre.
Sachez être dignes de notre confiance, confiance qui ne peut pour le moment être suivie d’actes, mais qui peut être un moteur utile lorsque les attaques venues de l’extérieur et de l’intérieur même de votre mouvement commenceront à vous faire douter, voire, vaciller.
Ne soyez pas passifs lorsque la discussion est confisquée par quelques gaillards dont la mauvaise volonté est manifeste : il n’est pas nécessaire de répondre à la violence par plus de violence, mais il faut savoir répondre à la violence par la fermeté et la solidarité.
S’agit-il là de la cristallisation d’un ras le bol général et généralisé, ou bel et bien d’un soudain besoin de changer de monde ?

J’ai beaucoup lu qu’il ne s’agissait là que d’un rassemblement de jeunes bobos désœuvrés, tels que la capitale sait en produire toujours davantage. Je ne sais si cela est vrai ou non, n’ayant pu me rendre sur place. J’ai également beaucoup lu que les ouvriers, qui ne se rendent pas à ce rassemblement, regardaient d’un œil méprisant ces initiatives citoyennes. Il n’en est rien. C’est même précisément le contraire. Les discussions qui vous animent, sont les mêmes que celles que nous tenons le matin dans les vestiaires, et le midi, lorsque nous disposons du temps nécessaire pour avoir un échange un tant soit peu concret.

Le monde que vous vous proposez de radicalement transformer, celui qui a pu permettre à la loi El-Khomri d’être discutée comme s’il ne s’agissait là que d’une petite broutille sans intérêt, nous le condamnons avec la même fermeté : car il nous broie. Il nous enchaîne à une condition qui n’est pas naturelle pour l’Homme et que ce dernier se ferait bien de détruire une fois pour toutes. Nous le condamnons car il n’est pas, pour nous, qu’un concept. Nos tendinites nous le rappellent avec une régulière intensité.

Le spectre de la division entre ouvriers et « jeunes bobos » est un leurre. Créé et entretenu par les mêmes qui n’hésitent pas à agiter une fois encore le spectre du voile dans l’espace public pour camoufler les vrais problèmes qui gangrènent notre système devenu fou. La division n’existe qu’entre les quelques privilégiés d’une classe dominante toujours plus offensive et dangereuse pour le bien-être commun et ceux qui n’en font pas partie. C’est-à-dire vous, nous, et tous ceux qui craignent demain autant qu’ils le voient arriver avec espoir.

Peut-être que ce mouvement s’affaissera aussi rapidement qu’il aura surgi. Peut-être que dès la semaine prochaine, tout le monde sera rentré chez soi, laissant les places occupées être à nouveau le théâtre du ballet mondain des promeneurs solitaires.
Ce n’est pas cela qui compte. Ce qui importe vraiment, c’est qu’il aura existé, et qu’il porte en lui les germes d’une révolution à venir que tout le monde attend. C’est là son grand mérite. Cette révolution, que tout le monde attend, et surtout, que tout le monde se met dorénavant à construire, a trouvé un terreau propice, qu’il conviendra d’arroser régulièrement et de ne pas en regretter le feuillage clairsemé.

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Quelques réflexions sur « Nuit Debout » (Résistance 71)

Résistance politique: Les dessous de « Nuit Debout » sont-ils propres ?…

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Plus loin que notre réflexion sur « Nuit Debout » du 8 Avril, Meyssan explique ce qu’on ne voulait pas qu’il arrive chez nous… Il passe de la récupération à la création par l’habituelle machine à fabriquer les « révolutions colorées ». Inquiétant…

— Résistance 71 —

 

“Nuit debout”, un mouvement à dormir debout

 

Thierry Meyssan

 

10 Avril 2016

 

url de l’article original:

http://www.voltairenet.org/article191181.html

 

Le mouvement « Nuit debout » qui vient de se créer en France, mais aussi en Espagne et en Allemagne, ambitionne de faire barrage au projet de loi El-Khomri sur la réforme du Code du travail et, plus généralement, de lutter contre le néolibéralisme. Thierry Meyssan dénonce des discussions creuses et incohérentes. Il relève les références explicites des organisateurs aux manipulations de l’équipe de Gene Sharp, qui a organisé pour le compte de la CIA les révolutions colorées et le printemps arabe.

La presse parisienne se pâme devant la naissance d’un mouvement politique, « Nuit debout ». Des centaines de personnes se rassemblent sur les grandes places des principales villes françaises pour discuter et refaire le monde.

Ce mouvement « spontané » s’est organisé en quelques jours. Il dispose désormais de deux sites internet, d’une radio et d’une télévision web. À Paris, place de la République, 21 commissions ont été constituées comme dans un inventaire à la Prévert : animation artistique, climat, cantine, création d’un manifeste, dessin debout, jardin des savoirs, manifestations, campement, démocratie, science debout, gréve générale, éducation, économie, féminisme, LGTBI+, TV debout, vote blanc, transparence, Françafrique, infirmerie, communication. C’est dans ce bavardage que se jouerait l’avenir du pays.

« Nuit debout » aurait surgi de la projection d’un film militant «  Merci patron  » de François Ruffin, le 23 février. Les spectateurs auraient constitué un collectif « Convergence des luttes », avec l’idée de rassembler les préoccupations des salariés, des migrants, etc. [1]

Cependant, la lecture de l’appel rédigé par « Convergence des luttes » ne manque pas surprendre. On peut y lire : 
« Ce mouvement n’est pas né et ne mourra pas à Paris. Du printemps arabe au mouvement du 15M, de la place Tahrir au parc de Gezi, la place de la République et les nombreux autres lieux occupés ce soir en France sont l’illustration des mêmes colères, des mêmes espoirs et de la même conviction : la nécessité d’une société nouvelle, où démocratie dignité et liberté ne sont pas des déclarations vides » [2].

Si ce mouvement n’est pas né à Paris, comme l’affirment ses initiateurs, qui en a eu l’idée ?

Les références au « printemps arabe », au « mouvement du 15M », à la « place Tahrir » et au « parc de Gezi » renvoient toutes quatre à des mouvements clairement soutenus, sinon initiés par la CIA. Le « printemps arabe », c’est le projet du département d’État de renverser les régimes laïques arabes et de les remplacer par les Frères musulmans. Le « mouvement du 15M », en Espagne, c’est la contestation de la politique économique des grands partis tout en affirmant l’attachement aux institutions européenne. La « place Tahrir » en Égypte est habituellement considérée comme un des lieux du printemps arabe, et l’en distinguer ne peut faire référence qu’à son occupation par les Frères musulmans de Mohamed Morsi. Quant au parc Gezi, ce fut le seul mouvement laïque des quatre, mais il était instrumenté par la CIA pour mettre en garde Recep Tayyip Erdoğan, qui n’en a pas tenu compte.

Derrière ces quatre références et bien d’autres, on trouve un même organisateur : l’équipe de Gene Sharp, jadis baptisée Albert Einstein Institute [3] et aujourd’hui Centre for Applied Nonviolent Action and Strategies (Canvas), exclusivement financée par les États-Unis [4]. Des gens très organisés, directement liés à l’Otan et ayant une sainte horreur du spontanéisme de Rosa Luxembourg.

La non intervention de la préfecture de police, le discret soutien de l’Union européenne à Radio Debout, et la présence parmi les organisateurs de personnalités jadis soutiens d’Action directe [5] ne semblent pas poser de problème aux participants.

Bien évidemment, le lecteur se demande si je ne force pas la dose en voyant ici aussi la main de Washington. Mais les manipulations de l’équipe de Gene Sharp dans une vingtaine de pays sont aujourd’hui largement attestées et étudiées par les historiens. Et ce n’est pas moi, mais les organisateurs de « Nuit debout » qui font référence à ses actions.

L’équipe de Gene Sharp intervient avec des recettes toujours identiques. Selon les cas, les manifestations manipulées visent soit à changer le régime, soit au contraire à stériliser l’opposition, comme c’est le cas ici. Depuis 2000, cette équipe utilise un logo emprunté aux communistes pour mieux les combattre : le poing levé. C’est évidemment le symbole qu’à choisi « Convergence des luttes ».

Le slogan de « Nuit debout », « On ne rentre pas chez nous », est nouveau dans la longue succession des opérations de Gene Sharp, mais il est tout à fait typique de sa manière d’intervenir : ce slogan ne comprend aucune revendication positive, ne propose rien. Il s’agit juste d’occuper la rue et de distraire les médias pendant que les choses sérieuses se déroulent ailleurs.

Le principe même de « Nuit debout » exclut toute participation des travailleurs. Il faut être bien noctambule pour pouvoir passer ses nuits à discuter. Les « salariés et les précaires » que l’on est censé défendre travaillent, eux, le matin et ne peuvent pas se permettre de nuits blanches.

Ce ne sont pas les commissions de « Nuit debout » —où l’on s’intéresse à tout sauf aux ravages de l’exploitation et de l’impérialisme— qui mettront fin à la domination de la France par une coterie de nantis, qui l’ont vendue aux Anglo-Saxons et viennent d’autoriser le Pentagone à y installer des bases militaires. Imaginer le contraire serait croire une histoire à dormir debout.

[1] « Nuit debout : genèse d’un mouvement pas si spontané », Eugénie Bastié, Le Figaro, 7 avril 2016.

[2] « Appel de la Nuit Debout », place de la République le 8 avril 2016, Paris.

[3] « L’Albert Einstein Institution : la non-violence version CIA », par Thierry Meyssan, Réseau Voltaire, 4 juin 2007.

[4] La présence de l’équipe de Gene Sharp est attestée au moins dans : la chute des Caucescu (1989), la place Tian’anmen (1989), la Lituanie (1991), le Kosovo (1995), la « révolution des Bulldozers » en Serbie (2000), l’Irak (2002), la « révolution des roses » en Géorgie (2003), l’« insurrection de Maafushi » aux Maldives (2003), la « révolution orange » en Ukraine (2004), la « révolution du cèdre » au Liban (2005), la « révolution des tulipes » au Kirghizistan (2005), la « marche du désaccord » en Russie (2006-7), les « manifestations pour la liberté d’expression » au Venezuela (2007), la « révolution verte » en Iran (2009), « Poutine doit partir » (2010), la « révolution de jasmin » en Tunisie (2010), la « journée de la colère » en Égypte (2011), « occupy Wall Street » aux États-Unis (2011), le « mouvement du 15M » en Espagne (2011), le « sit-in » de Mexico (2012), « le départ » à nouveau au Venezuela (1014), la « place Maidan » à nouveau en Ukraine (en 2014), etc.

[5] Action directe fut un groupe d’extrême gauche, qui organisa 80 attentats et assassinats dans les années 80, et fut en définitive manipulé par le Gladio, c’est-à-dire les services secrets de l’Otan.

Quelques réflexions sur l’actualité « Nuit Debout »…

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« Afin que la lutte ait une signification, les opprimés ne doivent pas, en cherchant à reconquérir leur humanité, devenir à leur tour des oppresseurs des oppresseurs, mais ils doivent plutôt restaurer l’humanité dans les deux parties. Ceci donc, est le grand objectif humaniste et historique des opprimés: se libérer eux-mêmes ainsi que leurs oppresseurs. »
~ Paolo Freire, 1970 ~

 

Nuit Debout… Liberté Partout ou Répression Surtout ?

 

Résistance 71

 

8 Avril 2016

 

Note: Nous plaçons sous ce billet une petite bibliographie pouvant être utile à diffuser sans modération surtout aux plus jeunes “nuiteux”. En section commentaire nous plaçons un remarquable documentaire sur l’organisation des collectifs espagnols en Aragon, Andalousie, Castille, Levant et Catalogne dans l’Espagne de la révolution sciale de 1936. A voir en famille et à diffuser également sans modération !

Le mouvement politique populaire français récent nous suggère ces quelques brèves réflexions à mettre dans sa poche, mouchoir par dessus, çà ne mange pas de pain.

Nuit Debout” se revendique à juste titre du mouvement de “Los Indignados” espagnol qui débuta sur la Playa del Sol de Madrid le 15 mai 2011, on peut aussi bien sûr le mettre en parallèle avec le mouvement “Occupy Wall Street” qui commença le 17 Septembre 2011 à New York.

On ne peut que soutenir des mouvement populaires de la base et œuvrer ensemble pour qu’il le demeure.

Qu’est-il advenu des deux mouvement pré-cités ? Bien sûr ils existent toujours, mais quel est leur impact aujourd’hui ? Proche de zéro. Pourquoi ?

Parce que si cela part toujours de bonnes idées, le fait même que ces mouvements se “centralisent” sur des places publiques qui à Madrid, qui à New York, qui à Paris etc favorise dans le temps, l’infiltration, la récupération et à terme la phagocytose de ces mouvements par la pourriture de la politique politicienne bien en place et rôdée à la subversion et à l’enfumage du peuple. Très vite le mouvement populaire est parasité par les provocateurs à la solde de l’État, qu’ils soient agents de celui-ci ou travaillant à leur insu pour lui et par les “évangélistes de la politique systémique de gooooche”, comme les inévitables partis politiques d’une “gauche” mangeant dans la main du pouvoir et de l’état depuis bien longtemps, marxistes de tous poils inclus.

L’État ne peut pas gérer des situations décentralisées au maximum, il ne peut pas gérer des fantômes, par contre il est le champion de la gestion canalisée. Donc si un mouvement de masse se veut sans leaders, les autorités publiques avec l’aide des médias sous contrôle vont isoler les “leaders” naturels inhérents à chaque mouvement et les monter en épingle, leur faire endorser le mouvement, les mettre en avant comme les leaders, souvent contre leur gré, ceci s’est déjà produit en très peu de temps avec “Nuit Debout”, plusieurs noms circulent déjà. Le cooptage est en cours. Il y a toujours quelques personnes désireuses de se “faire mousser”, qui seront exploitées à bon escient par le système.

Ensuite l’État et sa pressetituée à la botte va utiliser la vieille recette qui marche si bien: diviser pour mieux régner. Ici, la division se fera ensentiellement entre les militants pacifistes et les plus “musclés”, souvent pilotés par les services de police quand la police ne joue pas elle-même le rôle des “casseurs”.

Bref, un mouvement populaire le plus pacifique soit-il est en permanence “agressé” souvent au-delà de ce qui est visible à l’œil nu.

Alors que faire ? Comment en sortir ?

Nous n’avons pas la science infuse loin s’en faut, mais quelques idées émergent de la pratique et des erreurs passées:

  • Maintenir le mouvement décentralisé et sans leaders
  • Propager le plus possible: il est facile de contrôler une place publique à Paris, beaucoup plus difficile pour l’État de contrôler 5, 10, 20, 50000 places publiques où le peuple se rassemble simultanément, décide et se disperse pour agir !
  • Ne pas se contenter des AG et des palabres nécessaires certes, mais qui doivent être suivies d’action politique sous peine de sombrer dans la complaisance “intellectuelle”.
  • Plus le mouvement gagne du terrain et plus il est possible de prendre des décisions en AG puis de se disperser et appliquer ces décisions dans la vie concrète: dans les bahuts, universités, voisinages, lieux de travail etc
  • Parler pour parler ne sert à rien. Il faut développer sa conscience politique en la poursuivant dans l’action politique et sociale directe
  • Mettre en place les associations libres. Le simple fait que les gens décident de se rassembler en place publique est déjà une association libre pour l’intérêt commun, il faut poursuivre la dynamique dans la vie quotidienne pas seulement pour les quelques heures passées sur une place publique… Décisions en AG… Applications pratiques locales
  • Discuter en AG du problème inhérent à l’action politique hors système: la désobéissance civile. La France est sous le coup de “l’état d’urgence” (le pourquoi du comment est hors sujet ici), c’est à dire un état qui se durcit, un état qui se totalitarise à vue d’œil sous un gouvernement dit “de gauche”… A un moment donné, les citoyens associés volontairement vont se heurter aux lois et régulations de l’État qu’il rend à dessein de plus en plus drastiques. Refuser de suivre des lois ou réglementations jugées injustes ou abusives s’appelle la désobéissance civile, elle est inhérente à tous les mouvements de résistance au système établi, mais elle est nécessaire. Le mouvement des droits civils aux Etats-Unis n’aurait jamais abouti si Rosa Parks par un beau matin n’avait pas refusé d’aller s’assoir au fond du bus réservé aux noirs par la législation ségrégationniste, la suite est dans les bons livre d’histoire. Il est important que soit discutée l’attitude individuelle et collective en situation de désobéissance civile. Ceci est un aspect important qui ne doit pas être éludé !

Voilà quelques remarques, réflexions qui nous viennent à l’esprit. Le danger est la division que l’état va s’efforcer d’insinuer et la récupération politique par le système et son cirque du grand guignol étatico-électoral.

Regardez ce qu’il s’est passé en Espagne (Podemos), Grèce (et la grande trahison de Syriza), Occupy Wall Street et le cooptage pro-Obama et maintenant pro-Sanders, cooptage qui a totalement muselé le mouvement anti-guerre chez les Yanks et a fait d’Obama un des présidents les plus belliqueux de l’histoire, couronné de la farce d’un “prix nobel de la paix”… La récupération systémique est de tous les instants entre le noyautage de la politique politicienne et les faux-nez d’une dissidence de façade.

Confiance zéro aux politcards du système ! Refusons toute approche étatique et œuvrons pour les associations libres de personnes politiquement et socialement responsables et engagées localement, confédérons nos efforts et créons la société des sociétés, introduisons l’autogestion dans nos vies ici et maintenant. Le système étatique obsolète, doctrinaire et totalitaire ne sera pas vaincu par des barricades, mais par un changement d’attitude individuel et collectif vis à vis de la société. Cela commence avec “Nuit Debout”, mais cela doit rayonner dans le quotidien sous peine de dilution totale dans la fange systémique. L’État est une machine à broyer.

Nous créons et perpétuons l’État et ses institutions par notre acquiescement, notre participation à cette imposture pseudo-démocratique. Retirons notre consentement, à commencer par le boycott du système électoral inique ; unissons-nous au delà des classes, races, cultures pour gérer nous-mêmes notre société, un nouveau paradigme organique et non plus mécanique et inhumain.

Gardons toujours présent à l’esprit une chose essentielle: pour exister l’État et ses institutions ont besoin de nous… Nous n’avons AUCUNEMENT besoin d’eux pour exister, il serait grand temps de bien le comprendre et d’agir politiquement en conséquence de ce fait criant de vérité.

¡Ya Basta! Pour que vive la société organique émancipée et adaptée!

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Petite Biblio se voulant utile:

– Notre dossier “Illusion démocratique”

– Le manifeste du “Confédéralisme Démocratique”

Trois textes fondateurs pour un changement de paradigme politique

– Un exemple de charte de collectivité dans l’Espagne de 1936