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Résurgence politique = Terre + Culture ou la formule naturelle de désintoxication de l’idéologie coloniale…

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, colonialisme, démocratie participative, documentaire, guerres hégémoniques, ingérence et etats-unis, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, philosophie, politique et lobbyisme, politique et social, résistance politique, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , , , , on 24 février 2016 by Résistance 71

“Une existence indigène ne peut pas se réaliser sans respecter toutes les facettes de la tradition: culture, spritualité et gouvernement. Les mystiques qui ignorent la politique et vivent leur identité seulement au travers de leurs arts sont tout aussi perdus que les matérialistes dont les vies sont dénuées de spiritualité.”
“Une raison qui fait que nous avons perdu notre voie est que le système de valeur matérialiste courant nous a aveuglé et nous empêche de voir la beauté subtile des systèmes indigènes fondés sur un profond respect de l’équilibre.”
~ Taiaiake Alfred ~

“Toute personne indigène comprend que nous sommes tous intrinsèquement parties d’un système qui n’est pas au-dessus ou en-dehors ou séparé du monde naturel et de sa loi naturelle ; nous faisons partie de la mosaïque de la vie… Il n’y a aucune honte dans la nature et de vivre par la loi naturelle, il n’y a que de la dignité.”
~ Russell Means ~

 

Conversation avec Taiaiake Alfred au festival Hay de Médelin en Colombie

Entretien avec Erika Valero le 28 Janvier 2016

 

url de l’article original:

http://taiaiake.net/2016/02/05/hay-festival-medellin-interview/

 

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

 

Note: Taiaiake Alfred (Ph.D) est professeur de science politique à l’université de Victoria en Colombie Britannique, Canada. Il est Mohawk, clan de l’Ours du territoire de Kanahwake.

 

Taiaiake Alfred sur Résistance 71

 

Comment décririez-vous votre communauté, les Mohawk ?

Je suis quelqu’un qui a grandi dans une réserve indienne, dans un environnement de terre perdue, de pollution et avec tous les problèmes sociaux qui vont avec. Mais en même temps, je viens d’une communauté qui est très fière et aime se battre pour la justice. J’en ai fait ma propre mission dans la vie que de me battre pour notre terre, pour la nettoyer et pour permettre à nos enfants d’être encore plus indigènes que nous de façon à ce que nous soyons de nouveau en équilibre avec le monde naturel.

Au Canada, nous sommes devenus très résistant au colonialisme, nous y avons gagné la réputation d’être une des nations qui recherche toujours la confrontaton, ce qui est vrai. Ils ont essayé de nous retirer notre terre et notre gouvernement.

Les Mohawks sont aussi connus à New York pour être ceux qui travaillent l’acier, qui construisent les grattes-ciel comme les tours jumelles du WTC et autres bâtiments très hauts. Mon père a fait cela, tous mes copains aussi. C’est ce que les gens pensent de nous à New York lorsque vous dites “Mohawk”…

Dans votre travail, vous parlez au sujet de la revitalisation de la jeunesse et de la culture, pouvez-nous nous expliquer ce concept ?

Mon travail consiste en l’observation de chaque nation et de trouver des opportunités pour qu’elle puisse maintenir une connexion avec leurs pratiques ; ou si ces pratiques culturelles sont perdues, nous essayons de trouver des façons pour ces gens de réapprendre des autres tribus. Le modèle de base est celui du “maître et de l’apprenti”, comme pratiqué avec les langues ou les arts. Beaucoup de nos jeunes sont perdus, à cause de la perte de la terre et des assauts racistes répétés sur notre culture. Ils sont natifs, autochtones, mais ils ne savent pas ce que cela veut vraiment dire. Ils ont perdu les connexions avec leurs traditions. Il y a beaucoup de frustration et de colère, donc il y a beaucoup de violence dans nos communautés aussi bien que des violences latérales et des abus de substances (alcool et drogues).

J’ai été très impliqué dans la politique dans ce qui fut appelé la reivindicación de la tierra (NdT: en espagnol dans le texte original, Alfred donne cet entretien en Colombie rappelons-le). Ceci impliqua le processus légal et politique pour récupérer nos terres. Ce fut mon travail lorsque j’ai commencé ce travail il y a plus de 10 ans. Lorsque je suis passé à la revitalisation culturelle, ce fut lorsque nous ramenions notre jeunesse à des pratiques culturelles et de langues sur la terre que nous avions récupérée.

Il y a 12 ans, j’ai commencé à travailler avec une communauté en particulier. Nous avons essayé de comprendre une nouvelle façon d’impliquer les jeunes et de les maintenir motivés, qu’ils aient un but et qu’ils soient fiers d’être indigènes. Il ne s’agit pas de retourner 100 ans ou plus en arrière, mais d’intégrer notre vécu dans la vie moderne, un nouvel équilibre. Cela fait deux ans maintenant et nous avons observé des changements extraordinaires chez ces jeunes et dans leurs familles.

Comment utilisez-vous le conte de tradition orale, la langue et l’art pour ramener les jeunes vers leurs traditions ?

Je fais pas mal de choses différentes, mais c’est toujours le même chemin. J’avais l’habitude d’écrire des choses plus académiques et plus politiques dans ce but, mais maintenant, j’écris plus créativement et narrativement.

Il y a pas mal de gens qui le font en utilisant la langue, mais pour nous c’est plus en parlant à des groupes et en communiquant à leur niveau, ce qu’ils n’ont pas l’habitude d’entendre. A l’école, ils étudient l’histoire et le leadership. C’est très politique. Mais lorsque je vais y faire des cours, je leur parle de la grande Terre, parce que je vis dessus. J’ai souffert ce qu’ils ont souffert. J’essaie de les convaincre que toutes les réponses que le gouvernement leur donne ne vont pas les aider. La seule chose qui va les aider à se sentir entier de nouveau est d’être dans une saine relation de respect avec leur territoire, leur terre, et respecter la vision de leurs ancêtres au sujet du fait d’être indigène.

Quelle est la vision ancestrale d’être indigène ?

C’est très simple. Juste d’être respectueux, durable et d’honorer la relation avec tous les autres éléments du monde naturel ; de ne pas mettre l’humain au-dessus de quoi que ce soit d’autre, de regarder cette relation comme une arme secrète inter-connectée. Les relations qui existent et maintiennent cet équilibre sont sacrées. Les humains sont en bonne santé lorsque l’environnement est en bonne santé, il en va de même pour les animaux. C’est très simple mais très profond dans le même temps.

Il est presque impossible d’avoir cette vision maintenant à cause du capitalisme. Ce système voit tout comme une commodité, une marchandise, ceci inclut les personnes. Il est très difficile d’avoir une vision de respect des uns des autres dans ce contexte. Donc, nous créons ces espaces non-capitalistes où les gens peuvent expérimenter ce que cela veut vraiment dire d’être une personne indigène.

Comment décririez-vous votre travail en tant qu’éducateur ?

Mon travail à l’université de Victoria en Colombie Britannique est d’enseigner le leadership indigène. J’éduque, je forme des leaders au niveau de la maîtrise et du doctorat, ainsi ils peuvent retourner dans leurs communautés avec une connaissance et un baguage culturel. Ces leaders sont déjà dans les deux mondes (indigène et colonial), mais nous sentons qu’ils doivent être responsables de la tradition indigène et non pas d’une autre idée de progrès ou du capitalisme. La plupart des autochtones au Canada sont victimes de la ségrégation, un peu de la même façon que les indigènes d’ici en Colombie. Il n’y a rien pour eux. Ils sont isolés dans des zones climatiques dures et froides ; ils ont le plus souvent été expulsés et relocalisés des bonnes terres (ancestrales) vers des terres marginales de façon à ce que d’autres personnes prennent possession et tirent avantages des resseources naturelles. C’est çà le colonialisme.

Au Canada, l’option donnée à ces gens est de quitter leurs terres et d’aller à l’école, à l’université. Pour moi, c’est une destruction de leur identité nationale et même avec cette option, ils n’y arrivent pas. Ils doivent en plus aller dans la bonne université. Il y a pas mal d’écoles donc nous essayons de nous occuper de leur éducation politique de façon à ce qu’ils puissent tirer le meilleur parti des deux mondes.

Pensez-vous qu’il soit possible de vivre entre deux cultures et d’avoir une vision indigène de la vie dans votre système économique et social actuel ?

C’est très difficile, vous devez faire des sacrifices et vous impliquer. Vous ne pouvez juste pas avoir une vie normale et vous attendre à en avoir le bénéfice. Vous devez sacrifier quelque part du confort et des récomprenses matérielles qui viennent en participant à ce système afin de maintenir cette connexion. C’est du temps et de l’argent, mais c’est possible.

Quand je vais à la chasse, j’emmène parfois des gamins, mes gamins ou d’autres personnes pour maintenir la connexion. Cela coûte de l’argent mais cela vaut le coup parce que vous pouvez avoir une toute autre relation avec ce que vous mangez, avec ce que vous cuisinez et avec la conservation de la viande. On a juste besoin de tirer un élan (orignal) et on a de la viande pour un an pour toute la famille. Nous utilisons des fusils et des munitions qui ne font pas souffrir l’animal. Il y a plusieurs façons de conserver la viande, maintenant nous la congelons essentiellement.