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Histoire, mémoire, état, société.. comme un périscope inversé (SCI Marcos, EZLN)

Posted in 3eme guerre mondiale, actualité, altermondialisme, autogestion, crise mondiale, démocratie participative, gilets jaunes, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, politique et social, résistance politique, société des sociétés, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , on 25 juin 2022 by Résistance 71

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Marcos a écrit ça il y a un quart de siècle !… Visionnaire ?… non, simplement 100% alerte et critique sur la réalité globale qui affecte sa réalité locale déjà à l’époque. La lucidité, la non-complaisance, la solidarité et la désobéissance individuelle et collective sauveront les peuples de ce marasme en progression.
Le 1er janvier 1994, le jour de la mise en application des accords scélérats de “libre-échange” du NAFTA, le monde et le continent américain s’est réveillé au son du cri :
¡Ya Basta!
Les zapatistes nous montrent une certaine voie lumineuse depuis 28 ans.
“Il suffit de passer le pont…” chantait le grand Georges B., de fait qu’attendons-nous ?
~ Résistance 71 ~

“Là où cesse l’État, c’est là que commence l’Homme, celui qui n’est pas superflu : là commence le chant de ce qui est nécessaire, la mélodie unique et irremplaçable. Là où cesse l’État — regardez donc mes frères ! Ne les voyez-vous pas, l’arc-en-ciel et les ponts du surhumain ?”
~ Friedrich Nietzsche ~

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Un périscope inversé ou la mémoire, clef enfouie

(Extraits)

SCI Marcos

24 février 1998

Publié dans le journal mexicain “La Jordana”

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 depuis le livre compilation des textes du sub Marcos “¡Ya Basta!, 10 ans de révolte zapatiste”, 2004” ~

[Marcos commence son essai comme souvent, avec une histoire allégorique de son personnage du “vieil Antoine”, el viejo Antonio, que nous ne traduirons pas ici, Marco a publié un livre sur les histoires du vieil Antoine : “Relatos de el Viejo Antonio”. Marcos a créé une pléiade de personnages qu’il met souvent en scène, souvent de manière allégorique]

II. La coquille chaotique de la mondialisation

Le processus mondial d’homogénéisation / fragmentation amené par la néolibéralisme a balayé les vieilles évidences du pouvoir et les a ré-ordonnées ou remplacées par de nouvelles. Parmi les victimes de cette nouvelle guerre mondiale se trouve l’état-nation et la trilogie sur laquelle reposait sa survie : le marché intérieur, la langue nationale et la culture ainsi que la classe politique locale. Afin de maintenir et de renforcer ces trois aspects, les états-nations se reposaient sur des forces de police et militaire, des gouvernements, des institutions et des lois, des médias et sur des intellectuels, ceci fut brièvement l’essence même de l’état moderne. FUT, car ceci n’est plus.
Le processus complexe de mondialisation, vu pour ce qu’il est, est une guerre de destruction et de ré-agencement, qui pulvérise les marchés intérieurs, il tend à diluer en une brutale homogénéisation les langues nationales et les cultures et insiste sur le déplacement et la destruction des classes politiques locales.
Avec la crise, qui a aussi liquidé les trois fondations des états nationaux, de ses soutiens : l’armée, la police, le gouvernement, les institutions, les législations, les médias et les intellectuels entrent aussi en crise.

Les espaces laissés par cette crise anihilatrice ne demeurent pas vides. 

“La mondialisation financière a créé, d’un autre côté, son propre État. Un état multinational qui a ses propres instruments, ses réseaux et des médias d’action. Il s’agit de la constellation formée par le FMI, l’OCDE et l’OMC.” (Ignacio Ramonet, “Disarming the Markets”, “Le Monde Diplomatique”, décembre 1997)

[…]

La logique de la mondialisation néolibérale n’est pas seulement économique, elle est aussi politique. L’imposition d’une économie trans-frontalières n’est pas seulement une ouverture forcée du capillaire des marchés nationaux, c’est aussi et par dessus tout, un combat contre le responsable de l’émergence et de la protection de ces marchés, l’état-nation. L’homogénéisation de l’économie est en parallèle avec la fragmentation et la pulvérisation de la “vieille” politique et de son remplacement par une classe politique “moderne”. […] Les vieux politiciens sont remplacés par de nouveaux politiciens aux mille visages…

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III. La nouvelle politique et ses souteneurs illégaux. Les 7 visages des politiciens professionnels

Dans le même temps où les états-nations sont détruits, l’État Mondial est consolidé. Mais de dernier n’a besoin d’aucune société, il peut faire sans parce que le pouvoir dont il est dépositaire est celui donné et garantit par les marchés financiers et les mega-corporations. Au lieu d’élire, la bourse accorde la seule et nécessaire légitimité : celle du pouvoir économique.
Les choses étant ce qu’elles sont, l’État Mondial a besoin et produit de nouveaux politiciens pour le mener. Des politiciens qui sont des non-politiciens (car la pierre angulaire de la politique, le citoyen, a été éliminé), qui sont une sorte de mutants cybernétiques capables de remplir plusieurs fonctions après avoir été au préalable programmés selon le logiciel néolibéral bien entendu. Ces non-politiciens sont produits dans des centres éducatif hautement technocratique comme Oxford, Harvard, Yale et sont exportés dans des pays variés pour continuer la destruction des états-nations. Pour ce faire, ils doivent avoir :

1er visage : le gérant-politicien:
Dans l’état-nation “moderne”, la politique est fondamentalement l’économie de marché. Le pays doit être construit comme une entreprise, PME ou plus grande et géré de la même façon. Les plans politiques ressemblent à des budgets d’investissements et des estimations de coûts et profits. La soi-disante “administration publique” devient de plus en plus administrative et de moins en moins publique.
Comme dans une entreprise, le facteur le plus important devient la productivité, tirer le plus de bénéfices au moindre coût. Tout est subordonné à ces critères, des programmes sociaux aux alliances internationales en passant par le processus électoral.
Pour le politicien-gérant, le citoyen n’est guère plus qu’un employé et les fonctionnaires deviennent les contre-maîtres ayant un pouvoir de décision fluctuant. La nation et ses priorités sont vues au travers de critères de “marketing moderne”. Les seules personnes ayant un semblant de valeur sont celles qui pèsent en tant que producteurs/consommateurs. Ceux qui ne valent rien ou pas grand chose peuvent être écartés voire éliminés.

2ème visage : l’avocat-politicien :
Pour la mondialisation de l’économie, la structure législative de l’ancien état-nation devient une camisole et un obstacle à surmonter.
En général, les législations nationales répondent à un triple aspect. D’un côté, l’aspect historique qui collecte le passé de la nation et qui consiste en une assimilation judiciaire de ce passé. D’un autre côté, l’aspect qui incorpore les luttes populaires et leurs demandes et régule au travers des normes judiciaires, la satisfaction de telles demandes et/ou leur redéfinition. A un troisième niveau, gérer les formes judiciaires avec lesquelles les classes politiques dominantes “légalisent” leur pouvoir et leur légitimité.

Mais la structure judiciaire, la force cohésive primordiale de l’état-nation, est un obstacle légal pour amener à la dissolution des nations que la mondialisation assume et dont elle a besoin. De telle façon, que le néolibéralisme rompt avec ce corps légal et en construit un à sa taille. Au nom du “libre échange”, les “législatures” nationales sur l’éducation, le travail, l’environnement, la santé publique, la possession de la terre, l’utilisation des ressources naturelles, la migration etc sont répudiées / abrogées. Pour ce faire, des instruments judiciaires transnationaux sont créés. Un exemple ? Dans l’OCDE, le Multilateral Agreement on Investments ou MAI, secrètement négocié depuis 1995 et devant être signé par les pays membres en 1998. Cet accord donne aux investisseurs plus de pouvoir que les gouvernements dans des affaires d’investissements, de contrats et de bénéfices manageuriaux.
Voilà pourquoi le politicien moderne doit aussi être un avocat des échanges internationaux, un avocat du diable.

3ème visage : L’agent de publicité-politicien :
“L’explosion des marchés” ne fonctionnent pas toute seule. Elle va la main dans la main avec la “révolution technologique” et avec la création résultante de super autoroutes de la communication. Ainsi, la politique mondiale est pratiquée en tant que “publicité mondiale”.
Le leader politique est fabriqué au moins de la publicité. Des personnes bien ternes et médiocres simulent d’avoir une stature d’homme ou de femme d’état (comme le cas typique Ernesto Zedillo ici au Mexique), ce grâce à l’utilisation de techniques de théâtre et de publicité. (NdT : regardons aujourd’hui, un quart de siècle après ces propos lumineux de Marcos, ce que sont les Macron, Zemour, Zelensky et autres Trump…) La “légalité” du gouvernement (et non pas sa légitimité) est plus dépendante chaque jour de la machine publicitaire, qui est aussi capricieuse que le marché qu’elle sert.

[…]

4ème visage : le général-politicien :
La politique depuis le départ de l’histoire de l’humanité, est avant tout l’exercice de la violence organisée. C’est pourquoi le politicien moderne est aussi un général. Si hier la “nation” était le prétexte de la guerre, aujourd’hui c’est la “liberté bien ordonnée”. L’assassinat de masse et la destruction sont aussi des “médias publicitaires” de marketing. Les Etats-Unis y sont exemplaires en ce domaine. Au Mexique, Acteal et la guerre que Zedillo mène contre les populations natives indiennes lui ont valu les louanges des commentateurs télévisés, des journaux intellectuels, des managers des grandes entreprises, du haut clergé et des juristes décadents.

Les monstres que créent ces généraux n’ont rien ou très peu à voir avec “l’ordre”. Le désordre est la règle et le chaos est administré attentivement par une économie mondiale qui continue à soutenir de manière importante le marché de la guerre. Après la fin de la 3ème guerre mondiale, appelée la “guerre froide”. Les dépenses en armement dans le monde ont quelque peu diminué, mais elles ont recommencé de plus belle vers 1994.
[…]

5ème visage : l’ambassadeur-politicien :
Une fois que les frontières sont détruites pour les capitaux et le marché est redéfini comme maître suprême, l’internationalisation des forces politiques force le politicien moderne à devenir toujours plus un représentant de commerce itinérant, parlant plusieurs langues et adepte de la diplomatie de salon. Le politicien moderne n’a pas de nationalité bien définie et pas d’autre leitmotiv que le marché. Il est nord-américain aux Etats-Unis et en Amérique du Sud, en Europe, en Asie et en Afrique ainsi qu’en Océanie. Sa seule patrie est Wall Street (NdT: succursale de la City de Londres ne l’oublions jamais…), sa couleur le vert du dollar, il pense en anglais et vit selon la mode et les rythmes du Dow Jones et du Nikkei.

6ème visage : l’historien-politicien :
En néolibéralisme, l’histoire se recycle elle-même afin de se nier et de provoquer la repentance. Le sacrifice généralisé des utopies inclut de brûler les drapeaux de la rébellion et les bannières du cynisme et de la conformité sont adoptées en lieu et place. La connaissance se recycle et recycle ses “prêtres”. La nouvelle vérité, celle des marchés financiers, a besoin de nouveaux prophètes. Le nouveau politicien est aussi un historien, mais dans un sens opposé. Pour lui, seul le présent a une valeur et le passé doit être vu comme responsable de tout ce qui se produit de mal. “La véritable histoire”, nous raconte et se raconte à lui-même le néo-politicien, “commence avec moi”.

7ème visage : le généraliste-politicien :
Alors que la logique de marché envahit tout le social et que le politicien est transformé en “chef d’orchestre” d’une telle invasion, sa “connaissance” doit tout couvrir, c’est pourquoi il sent qu’il a la capacité de donner son opinion sur tout. Et si une partie de “cette connaissance générale toute inclusive” n’est pas traduisible en termes de marché, alors cette partie ne mérite aucune attention particulière.

Voilà les 7 visages du politicien moderne. Vous voulez le boulot ? Pas besoin de cerveau ni d’intelligence, regardez Menem en Argentine, Fujimori au Pérou et Zedillo au Mexique. Tout ce qu’il y a à faire c’est d’obéir aveuglément aux marchés.

R71 ON NE SE SOUMETTRA PAS

IV. Le vieux politicien et ses cadavres vivants

La vieille politique, celle des principes et des programmes, se sacrifie à l’autel du marché mondial. Il s’agit maintenant d’une libre interaction entre l’offre et la demande qui détermine l’orientation idéologique des partis politiques “modernes”. Avoir un bon produit pour entrer en compétition avec les autres dans “les choix de consommateurs” est tout ce qui importe. Il s’avère que la proposition politique devient un objet à être consommé, digéré et jeté. Chaque jour, toujours moins de citoyens savent ce que sont de fait l’histoire, les principes et les programmes des organisations politiques.

[…]

La politique moderne est devenue et ne cesse de devenir une expérience de l’élite… La société est passée d’être un acteur sporadique à être un spectateur permanent.

Bientôt la “politique” des citoyens se pratiquera de manière électronique. Devant un ordinateur, le citoyen “votera”, c’est à dire… validera et garantira le système. Plus de rues barrées, plus de manifestations, plus de meetings politiques, plus de prises de bâtiments, plus de perturbations, qui ne font que perturber les marchés, la “nation”. Le citoyen choisira une option politique comme il choisit un produit au supermarché local, il le fera depuis chez lui.

[…]

Il n’y a plus de transformation de pensée historique en théorie politique et de là en des principes et un programme de lutte. Maintenant, la politique “moderne” n’est que la traduction de l’étude de marché en un programme marketing et ce dernier en une campagne politique publicitaire (NdT : plus bel exemple récent donnant raison à Marcos : Macron et la Macronie, pas de parti juste une nébuleuse tendance à géométrie variable, ne réagissant qu’aux diktats de “marché” ultra-libéraux et un “programme politique” constitué de slogans marketing poussant un agenda de destruction socio-culturelle liberticide, nécessité du marché dans son parcours programmé vers son implosion finale…).

L’atrophie est vertigineuse. La machine partisane devient omnipotente et piétine la philosophie politique…

Une amnésie chronique affecte les organisations politiques dans le monde entier. Si quelqu’un mentionne le passé, ce doit être avec un mélange de condamnation, de honte et de repentance.

Le code culturel de base contient des éléments fixes comme par exemple :

Gauche = révolution = violence = chaos = catastrophe…

“Le bien de l’élite” se transforme en “bien commun”. La conservation du pouvoir est dite équivalente à la consolidation du progrès, de la sécurité et du développement. Une fois de plus, le Mexique prouve être le plus brillant des élèves dans la maîtrise des leçons “politiques” néo-libérales.

[…]

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V. Les courants sous-terrains de résistance critique

L’écrivain portugais Jose Saramago dit que “Contrairement à ce qu’il voudraient vous faire croire, il n’y a rien de plus facile à comprendre que l’Histoire du monde, bien que bon nombre de gens éduqués affirment toujours que c’est bien trop compliqué pour la faible capacité de compréhension des masses.

La peur néolibérale de l’histoire n’est pas tant une peur de son existence (après tout, le pauvre existe aussi et il ne peut être ignoré), mais une peur qu’on peut connaître et apprendre d’elle.

Afin d’éviter cela, l’Histoire est kidnappée par ces “érudits” et adéquatement maquillée pour qu’elle ne soit pas reconnue par ceux d’en bas.

Le kidnapping de l’Histoire par l’élite est fait pour remodeler sa consommation afin de faire disparaître le patrimoine fondamental de l’être humain : la mémoire.

Dans la “nouvelle histoire mondiale”, le présent défait le passé et prend le contrôle du futur. Aujourd’hui est le nouveau tyran, c’est à lui qu’on prête allégeance et obéissance. Mais partout dans le monde, des taupes de toutes les couleurs et de toutes tailles fouillent l’histoire cachée et trouvent et comprennent. De temps en temps, ces taupes émergent et ouvrent des fenêtres de lumière sous-terraines qui illuminent la grisaille de surface du chaos néolibéral.

En plus d’essayer de les tuer, le pouvoir mondialisant forme ses “penseurs” à essayer d’isoler ces taupes de l’Histoire. Les intellectuels modernes déterminent, avec de sombres jurys et jugements, la banalisation et la disqualification de la pensée critique. “Poésie, utopie, messianisme” sont en général les accusations typiques. La peine ? Persécution et calomnie.

On doit bien comprendre que l’émergence constante de ces taupes coïncide scandaleusement avec l’apparence de mobilisations sociales. Et celles-ci défient l’ordre établi parce qu’elles défient aussi les comportement politiques modernes. Les “intrus” de la politique sont derrière chaque coin de l’Histoire.

Contre la politique moderne et avec l’Histoire comme drapeau, la société civile du monde insiste sur sa ré-émergence une fois de plus. Cela pétille au dessus de la surface et plonge de nouveau afin de réapparaître de nouveau.

Cette Phœnix (la société civile) se reconstruit dans le nid de l’Histoire…

[Marcos remet ici une histoire allégorique…]

Ceci me paraît d’une grande évidence ! Celui qui complote, le fait sous la surface et non pas au grand jour. Ceci est connu depuis le début de notre temps. La domination du monde est la domination de ce qui est sous-jacent, des courants sous-terrains.” (Umberto Eco, “Le pendule de Foucault”)

Finalement, je pense que le vieil Antoine a raison quand il dit qu’en dessous de nous, il y a un monde meilleur que celui dans lequel nous souffrons, que la mémoire est la clef du future et que (j’ajoute) l’Histoire n’est rien d’autre qu’un périscope inversé…

Depuis (sous) les montagnes du sud-est mexicain

Subcommandante Marcos,

Planète Terre, février 1998

= = =

Lire notre page sur “Les communes autonomes du Chiapas, Mexique”

« La 6ème déclaration Zapatiste de la jungle de L’abandon »

« Chiapas, feu et parole d’un peuple qui dirige et d’un gouvernement qui obéit »

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Visions politiques: L’abécédaire du Subcomandante Insurgente Marcos de l’EZLN

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, canada USA états coloniaux, colonialisme, crise mondiale, démocratie participative, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, média et propagande, militantisme alternatif, N.O.M, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, philosophie, politique et lobbyisme, politique et social, résistance politique, société libertaire, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , , , , , , on 4 mai 2017 by Résistance 71

« Par ma voix parle la voix de l’EZLN.
Frères et sœurs d’Afrique, des Amériques, d’Asie, d’Europe et d’Océanie. Frères et sœurs venant assister à la 1ère rencontre internationale pour l’humanité et contre le néolibéralisme.
Bienvenue à la Realidad zapatiste. Bienvenue sur ce territoire en lutte pour l’humanité, bienvenue sur ce territoire en rébellion contre le néolibéralisme et l’oppression. »
~ Subcommandante Insurgente Marcos, août 1996 ~

« Planter l’arbre de demain, voilà ce que nous voulons faire… L’arbre de demain est un espace où tout le monde se trouve, où l’autre respecte et connait les autres et où la fausse lumière perd sa dernière bataille. »
~ Sub Marcos, août 1999 ~

« Étant ce qu’ils étaient, veilles et mémoires chargées sont plus réelles que l’intangible présent. La soirée précédant un voyage est un précieux moment de celui-ci. »
 Jorgès Luis Borgès ~

A lire en complément:

6ème_déclaration_forêt.lacandon

Appel au Socialisme (PDF)

 

L’abécédaire du sous commandant Marcos (Galeano)

 

Ballast

 

1er mai 2017

 

url de l’article original:

http://www.revue-ballast.fr/labecedaire-commandant-marcos/

 

Le zapatisme semble être passé de mode. Après avoir secoué le monde au mitan des années 1990 — les puissants juraient que leur « démocratie » marchande avait partout triomphé lorsqu’une armée, masquée et majoritairement composée d’Indiens mexicains, se dressa contre ce qu’elle nommait la Quatrième Guerre mondiale : le néolibéralisme et le capitalisme financier —, le mouvement porté par le sous-commandant insurgé Marcos, dit « Sup », a quelque peu disparu des radars médiatiques, voire militants. Ne parlons d’ailleurs plus de Marcos puisqu’il annonça lui-même son auto-dissolution il y a trois ans de cela : il se nomme à présent Galeano. Marcos n’est plus mais le zapatisme bouge encore ; il entend même présenter, en 2018, une candidate indienne aux élections présidentielles. Diable ! Le zapatisme n’a-t-il pas martelé qu’il refusait de s’emparer de l’État, qu’il se félicitait d’avoir permis « la création du pouvoir d’en-bas » (contre « l’en-haut »), qu’il se réjouissait d’avoir pratiqué une politique du quotidien et d’être passé « des leaders aux peuples » ? Galeano et son camarade Moisés s’en sont expliqué il y a quelques mois maintenant : il ne s’agit pas d’accéder à la fonction suprême ni de devenir un parti mais d’utiliser cette visibilité pour « amener le message de lutte et d’organisation aux pauvres de la campagne et de la ville du Mexique et du monde ». L’occasion de revenir, par cet abécédaire, sur ce mouvement et cette figure qui nous sont chers.

Armes : « Nous pensons que celui qui conquiert le pouvoir par les armes ne devrait jamais gouverner, car il risque de gouverner par les armes et par la force. Celui qui recourt aux armes pour imposer ses idées est certainement très pauvre en idées. » (La Dignité rebelle — Conversations avec le sous-commandant Marcos, Galilée, 2001)

Blues : « Quand Dieu a créé le monde, il a d’abord créé le blues. Après, le blues a commencé à avoir ses humeurs, comme on dit, et de là est né le jazz et ensuite le rock. Mais au début, comme dans la Genèse, qui dit qu’en premier la lumière fut, en musique, au début fut le blues, c’est de là que tout vient. Le blues, c’est comme si on vous agrippait le cœur et qu’on le chiffonnait comme ça. » (« Entretien avec le sous-commandant insurgé Marcos », Raymundo Reynoso, AMATE, novembre 2006)

Cœur : « Quand nous, hommes et femmes zapatistes, parlons, nous mettons en avant le cœur rouge qui bat en nous collectivement. […] Je sais que les sentiments n’ont pas leur place dans la théorie, du moins dans celle qui avance en trébuchant aujourd’hui. Qu’il est très difficile de ressentir avec la tête et de penser avec le cœur. Et qu’envisager cette possibilité a donné lieu à pas mal de masturbations théoriques […]. Nous le savons et nous le comprenons. Mais nous insistons : c’est la bonne conception. » (Saisons de la digne rage, « Sentir le rouge », Climats, 2009)

Droite, gauche et centre : « Le centre du pouvoir n’est plus dans les États nationaux. Cela ne sert donc à rien de conquérir le pouvoir. Un gouvernement peut être de gauche, de droite, centriste et, finalement, il ne pourra pas prendre les décisions fondamentales. » (La Dignité rebelle — Conversations avec le sous-commandant Marcos, Galilée, 2001)

Échec : « Si on arrivait à se fondre dans la montagne, ce serait notre arme la plus puissante. […] On vivait de fruits sauvages, de la chasse, on a ouvert un réseau de chemins qui nous permettait de nous déplacer d’une montagne à l’autre sans être vus. C’était une époque de grande solitude : rien dans la réalité mondiale ou nationale n’indiquait que ce sacrifice valait la peine ou qu’on avait une chance de gagner, au contraire, tout semblait dire qu’on allait à l’échec total. » (Le Rêve zapatiste, Seuil, 1997)

Fertiliser : « Je t’assure, on n’aspire pas à fertiliser de notre sang le chemin de la libération du Mexique. On préférerait franchement le fertiliser de notre vie ! […] Notre mort n’est pas indispensable pour que le Mexique soit libre, on fera tout ce qu’on pourra pour rester en vie. » (Le Rêve zapatiste, Seuil, 1997)

Guerre : « On ne peut comprendre et expliquer le système capitaliste sans le concept de guerre. Sa survie et sa croissance dépendent de façon primordiale de la guerre et de tout ce qui s’y associe et qu’elle implique. Par la guerre et dans la guerre, le capitalisme pille, exploite, réprime et discrimine. Dans l’étape de mondialisation néolibérale, le capitalisme fait la guerre à l’humanité entière. » (Saisons de la digne rage, Climats, 2009)

Homosexuels : « Dans les communautés indiennes, on ne persécute pas les gays. Les gens font des blagues, rigolent, mais ils ne sont ni exclus ni pourchassés… En plus, depuis le premier moment, les gens ont vu que le mouvement gay, mexicain surtout, envoyait de l’aide ; ils se sont fait expliquer ce qu’était ce mouvement et ce n’est pas l’aspect sexuel qui les a frappés mais l’exclusion sociale. “Ils doivent se cacher pour ce qu’ils sont, c’est comme nous, on devait se cacher pour être zapatistes.” » (Le Rêve zapatiste, Seuil, 1997)

Inversion : « Nous n’allons pas créer une force politique pour participer à la lutte pour le pouvoir, nous voulons au contraire organiser une inversion du pouvoir. Voilà le pari que nous faisons. On nous dit que cela ne peut pas être fait, que cela n’existe dans aucune théorie politique, qu’il est impossible de projeter une révolution politique sans vouloir la prise du pouvoir. Mais tout cela est faux […]. » (Marcos, le maître des miroirs, Mille et une nuits, 1999)

Joie : « Nous, on dit qu’on est un joyeux bordel ! Par notre composition sociale, on est un mouvement indien, ou majoritairement indien, en armes ; politiquement, on est un mouvement de citoyens en armes, avec des exigences de citoyens. » (Le Rêve zapatiste, Seuil, 1997)

Kissinger : « “Une guérilla qui ne perd pas gagne. Et une armée régulière qui ne gagne pas perd…” Et ça, ce n’est pas le Che qui l’a dit, c’est Kissinger ! Nous, tant qu’on ne perd pas on gagne, et notre ennemi, tant qu’il ne gagne pas il perd — même s’il est très supérieur, avec tous ses tanks et ses hélicoptères. » (Propos recueillis par Dauno Tótoro Taulis, La Realidad, octobre 1995)

Lectures : « Quand je suis quelque part, comme ici, où il y a Internet, je me connecte et je lis et je regarde tout. Mais, en littérature, je lis surtout du théâtre, les pièces de Brecht, des romans et les classiques comme Cervantès. Le meilleur livre de théorie politique est L’Ingénieux Hidalgo don Quichotte de la Manche. » (« Entretien avec le sous-commandant insurgé Marcos », Raymundo Reynoso, AMATE, novembre 2006)

Médias alternatifs : « Pour nous, le rôle que jouent les médias alternatifs et celui des gens qui y travaillent continuent d’être essentiel. Je peux même vous dire qu’un jour, je ne me rappelle plus où, j’ai eu une prise de bec avec les organisateurs d’une des étapes parce qu’ils voulaient commencer sans attendre les médias alternatifs qui n’étaient pas encore là et que moi, j’insistais en disant qu’eux étaient plus importants que moi. » (« Entretien avec le sous-commandant insurgé Marcos », Raymundo Reynoso, AMATE, novembre 2006)

Nos cris : « Est-ce utile de parler ? Nos cris sont-ils chargés comme des bombes ? Notre parole sauve-t-elle la vie d’un enfant palestinien ? Nous, nous pensons que, oui, ça sert à quelque chose, que peut-être que nous n’arrêtons pas une bombe, que peut-être que notre parole ne se transforme pas en un bouclier blindé qui empêche que cette balle de calibre 5.56 mm ou 9 mm dont les lettres IMI, “Industrie militaire israélienne”, sont gravées sur la cartouche, n’arrive à la poitrine d’une petite fille ou d’un petit garçon palestinien, mais que peut-être notre parole arrivera à s’unir à d’autres du Mexique et du monde et peut-être qu’en premier elle se convertira en un murmure, puis en une voix plus forte et enfin en un cri qu’on entendra à Gaza. » (Intervention du sous-commandant Marcos lors du Festival de la Digne Rage, janvier 2009)

Ouvriers : « Le zapatisme a du mal à embrayer sur le mouvement ouvrier en général, pas seulement sur les maquiladoras [usines, ndlr]. Il a eu beaucoup d’impact dans les communautés indiennes, chez les employés, les enseignants, les intellectuels, les artistes, mais pas dans la classe ouvrière mexicaine. […] C’est un échec flagrant. » (Le Rêve zapatiste, Seuil, 1997)

Peur : « Ce que nous voulons, c’est pouvoir nous lever chaque matin sans que la peur soit à l’ordre du jour. La peur d’être Indiens, femmes, travailleuses ou travailleurs, homosexuels, lesbiennes, jeunes, vieux, enfants, autres. Mais nous pensons que cela n’est pas possible dans le système actuel, dans le capitalisme. » (Saisons de la digne rage, Climats, 2009)

Question éthique : « La révolution devient une question essentiellement morale. Éthique. Plus qu’une question de répartition de la richesse ou l’expropriation des moyens de production, la révolution représente la possibilité d’un espace de dignité pour l’être humain. La dignité commence à devenir un mot très important et cette idée ne vient pas de nous, groupe urbain, elle vient des communautés. » (Le Rêve zapatiste, Seuil, 1997)

Régime cubain : « Le zapatisme adopte une distance respectueuse, mais pas suiviste : on n’est pas des fanatiques du régime cubain ; d’ailleurs il faut reconnaître qu’on ne sait pas au juste ce qui se passe là-bas et quoi qu’on dise, pour ou contre, ça nous retomberait dessus. […] Ils ne parlent pas de nous, ni en bien ni en mal, faisons pareil. » (Le Rêve zapatiste, Seuil, 1997)

Starification : « [Le Che] était un homme droit, honnête, noble, mais un homme, au bout du compte. Ce n’était pas un Dieu ou un leader. Et si je pouvais, c’est ce que j’aimerais être, un homme honnête et juste, avec ses défauts, etc., et ne pas être déifié ou transformé en une idole ou en une personnalité éminente. D’ailleurs, je ne sais pas ce qui est pire, être une idole ou un monstre sacré. » (« Entretien avec le sous-commandant insurgé Marcos », Raymundo Reynoso, AMATE, novembre 2006)

Théories : « Les théories non seulement ne doivent pas s’isoler de la réalité, mais doivent chercher en elles les leviers qui leur sont parfois nécessaires quand elles se retrouvent dans une impasse conceptuelle. Les théories rondes, complètes, achevées, cohérentes, sont parfaites pour présenter un examen professionnel ou remporter un prix, mais généralement elles sont réduites en miettes au premier coup de vent de la réalité. » (Saisons de la digne rage, « Sentir le rouge », Climats, 2009)

Utopie : « Je demande qu’on me dise s’il y a jamais eu un progrès social dans l’histoire du monde qui n’ait d’abord été considéré comme une utopie avant de voir le jour. Non, il n’y a jamais rien eu de tel. » (Marcos, le maître des miroirs, Mille et une nuits, 1999)

Visages : « Pourquoi ces masques ? Pourquoi vous cachez-vous ? Soyons sérieux. Personne ne nous regardait lorsque nous avancions à visage découvert, et maintenant on nous remarque parce que nous dissimulons nos visages. » (Marcos, le maître des miroirs, Mille et une nuits, 1999)

Way of life : « Cette mondialisation répand aussi un modèle général de pensée. L’American way of life, qui avait suivi les troupes américaines en Europe lors de la Deuxième Guerre mondiale, puis au Vietnam et, plus récemment, dans le Golfe, s’étend maintenant à la planète par le biais des ordinateurs. Il s’agit d’une destruction des bases matérielles des États-nations, mais également d’une destruction historique et culturelle. […] Le néolibéralisme impose ainsi la destruction de nations et de groupes de nations pour les fondre dans un seul modèle. Il s’agit donc bien d’une guerre planétaire, la pire et la plus cruelle, que le néolibéralisme livre contre l’humanité. » (« La quatrième guerre mondiale a commencé », Le Monde diplomatique, août 1997)

XXe siècle: « Le néolibéralisme, comme système mondial, est une nouvelle guerre de conquête de territoires. […] L’ordre mondial est revenu aux vieilles époques des conquêtes de l’Amérique, de l’Afrique et de l’Océanie. Étrange modernité qui avance à reculons. Le crépuscule du XXe siècle ressemble davantage aux siècles barbares précédents qu’au futur rationnel décrit par tant de romans de science-fiction. De vastes territoires, des richesses et, surtout, une immense force de travail disponible attendent leur nouveau seigneur. » (« La quatrième guerre mondiale a commencé », Le Monde diplomatique, août 1997)

Yeux : « Nous sommes des guerriers et en tant que tels nous connaissons notre rôle et notre heure. À l’aube du premier jour du premier mois de l’année 1994, une armée de géants, c’est-à-dire d’indigènes rebelles, est descendue dans les villes pour, de son pas, secouer le monde. À peine quelques jours plus tard, le sang de nos tombés encore frais dans les rues citadines, nous nous sommes rendus compte que ceux de l’extérieur ne nous voyaient pas. Habitués à regarder de haut les indigènes, ils n’ont pas levé les yeux pour nous voir. Habitués à nous voir humiliés, leur cœur ne comprenait pas notre digne révolte. » (Dernier communiqué du sous-commandant Marcos, annonçant sa propre disparition, mai 2014)

Zapatistes : « Pour les zapatistes, les valeurs éthiques sont une référence fondamentale, beaucoup plus que la realpolitik. Les choix des zapatistes leur font manquer beaucoup d’occasions de realpolitik, parce qu’ils accordent plus de valeur aux implications morales. » (Le Rêve zapatiste, Seuil, 1997)

Résistance au colonialisme: EZLN un message de la nuit de 500 ans…

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Message du SCI Marcos

 

Traduit de l’espagnol par Résistance 71

 

Al Pueblo de Mexico

A los pueblos y gobiernos del mundo:

Hermanos,

Nosotros nacimos de la noche

En ella vivimos

Y moriremos en ella

Pero la luz será mañana para los más

Para todos aquellos que hoy lloran la noche

Para quienes se niega el día

Para todos la luz

Para todos todos

Nuestra lucha es por hacernos escuchar

Y el mal gobierno grita soberbia

Y tapa con cañones sus oídos

Nuestra lucha es por un trabajo justo y digno

Y el mal gobierno compra y vende cuerpos y vergüenzas

Nuestra lucha es por la vida

Y el mal gobierno oferta muerte como futuro

Nuestra lucha es por la justicia

Y el mal gobierno 
se llena de criminales y asesinos

Nuestra lucha es por la paz

Y le mal gobierno anuncia guerra y destrucción

Techo tierra trabajo pan salud educación
,

Independencia democracia libertad

Están fueron nuestras demandas

En la larga noche de los 500 años

Estas son hoy nuestras exigencia.

= = =

Au peuple du Mexique

Aux peuples et gouvernements du monde:

 

Frères,

Nous sommes nés de la nuit

Nous vivons en elle

Et nous mourrons en elle

Mais la lumière sera demain pour plus

Pour tous ceux qui aujourd’hui pleurent dans la nuit

Pour ceux à qui le jour refuse

Pour tous la lumière

Pour tous tous

Notre lutte est pour nous faire écouter

Et le mauvais gouvernement crie son arrogance

Et il couvre ses oreilles (du bruit) des canons

Notre lutte est pour un travail juste et digne

Et le mauvais gouvernement achète et vends des corps et des parties honteuses

Notre lutte est pour la vie

Et le mauvais gouvernement offre la mort comme futur

Notre lutte est pour la justice

Et le mauvais gouvernement se comble de criminels et d’assassins

Notre lutte est pour la paix

Et le mauvais gouvernement annonce la guerre et la destruction

Logement, terre, travail, pain, santé, éducation,

Indépendance, démocratie, liberté

Furent nos requêtes

Dans la grande nuit de 500 ans

Elles sont aujourd’hui nos exigences

= = =

Vidéo sur une musique de Manu Chao (que nous mettons en section commentaire egalement):

http://www.youtube.com/watch?v=wcJCD5OZDDQ