Archive pour l’anarchisme africain

Résistance politique: « L’anarchisme africain, l’histoire d’un mouvement » (version PDF)

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Résistance 71

 

16 avril 2018

 

En juin 2015, nous avons publié en quatre parties la traduction de très larges extraits du livre de Sam Mbah et I.E. Igariwey, deux avocats et activistes politiques nigérians « L’anarchisme africain, histoire d’un mouvement », éditions See Sharp Press, 1997. L’ouvrage couvre un bref historique de l’anarchie et surtout quels furent les précédents anarchistes ou assimilés car n’étant pas revendiqués, dans la société traditionnelle africaine.

Le livre se conclut ainsi:
« La pertinence de l’anarchie dans la société humaine n’a nulle part ailleurs été plus évidente qu’en Afrique… Un développement à long terme en Afrique n’est possible que s’il s’opère une cassure radicale avec à la fois le capitalisme et le système étatique, qui sont les instruments principaux du coup d’arrêt de notre développement et de notre stagnation. La société anarchiste est la porte de sortie de l’Afrique. »

Jo de JBL1960 nous en fait un superbe PDF que nous vous livrons ici sans plus tarder, non sans vous avoir fait part d’un de nos échanges au sujet du texte impliqué où nous disions ceci à Jo:
Il est important que les gens puissent faire des connexions entre les différentes cultures et qu’ils comprennent que ce que nous disons est en fait universel, elle est là la véritable « nature humaine », il faut essayer de remettre cela au goût du jour tout en maintenant le message du lâcher-prise avec l’antagonisme, le succès harmonieux ne peut venir que de la complémentarité reconnue et mise en pratique. C’est ce qu’il manquait aux sociétés primordiales qui avait une unité endogène mais maintenant un antagonisme exogène, ciment de leur unité interne… Il faut transcender la relation antagoniste. Un des moyens est de faire comprendre qu’il y a une universalité de l’organisation humaine qui demande néanmoins un effort collectif de tolérance pour parvenir à la complémentarité achevée =

Nous pensons que cette étude inédite de Mbah et Igariwey illustre bien ce propos de la complémentarité.

L’anarchisme-africain-histoire-dun-mouvement-par-sam-mbah-et-ie-igariwey (version PDF)

 

Lectures complémentaires:

Manifeste pour la societe des societes

Notre page PDF: 53 lectures à télécharger gratuitement !

 

Résistance au colonialisme: l’anarchisme africain… 1ère partie: éclairage sur le mouvement anarchiste…

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L’anarchisme africain, histoire d’un mouvement (larges extraits)

 

Sam Mbah & I.E. Igariwey

 

Extraits traduit de l’anglais par Résistance 71 du livre “African Anarchism, the History of a Movement”, éditions See Sharp Press, 1997.

 

Juin 2015

 

Note des traducteurs: Avant d’en arriver à une étude des sociétés traditionnelles africaines, leur relation avec l’anarchisme, le type de socialisme pratiqué en Afrique et le pourquoi de son échec jusqu’ici, les auteurs définissent l’anarchisme pour leurs lecteurs dans le chapitre 1. Le chapitre 2 est consacré à une petite histoire de l’anarchisme. Leur approche et les auteurs cités sont intéressants, nous en traduirons quelques extraits pertinents.

Ce petit livre (108 pages) prend toute sa valeur à notre sens dans son analyse des sociétés traditionnelles africaines et la relation que l’on peut faire et qui est faite du reste par les auteurs, avec la pratique anarchiste. Ceci prend corps à partir du chapitre 3 et suivants.

Dans leur conclusion, les auteurs disent ceci “la relevance de l’anarchisme à la société humaine n’a sans doute jamais été plus évidente qu’en Afrique…”

Nous vous invitons maintenant à savoir pourquoi…

 

1ère partie

2ème partie

3ème partie

4ème partie

 

Chapitre 1 Qu’est-ce que l’anarchisme ?

 

L’anarchisme en tant que philosophie sociale, théorie de l’organisation sociale et comme mouvement social, est étranger à l’Afrique, en fait presque inconnu en tant que tel. Il est sous-développé en Afrique en tant que corps de pensées systémique et il est très largement inconnu en tant que mouvement révolutionnaire. Mais, comme nous l’allons voir, l’anarchisme en tant que mode de vie n’est en fait pas du tout étranger ni nouveau à l’Afrique.

[…]

La 15ème édition de l’Encyclopaedia Britannica caractérise l’anarchisme comme une philosophie sociale “dont le tenet central est que les êtres humains peuvent vivre justement et harmonieusement sans gouvernement et que l’imposition d’un gouvernement sur les êtres humains est en fait nocif et malfaisant.” […]

Bertrand Russell quant à lui justifie l’anarchisme et sa demande d’abolition de toute forme de gouvernement, incluant celui de la majorité en écrivant: “Il est indéniable que la règle de la gouvernance par la majorité peut-être aussi hostile à la liberté que la règle de la gouvernance de la minorité: le droit divin de la majorité est un dogme aussi dénué de vérité absolue que tout autre.

Ainsi l’anarchisme est tout autant opposé de manière irréconciliable au capitalisme qu’à toute forme de gouvernement. Il se fait l’avocat de l’action directe de la classe des travailleurs afin d’abolir l’ordre capitaliste, incluant toutes les institutions d’État. A la place des institutions d’état/capitalistes et leurs systèmes de valeur, les anarchistes travaillent pour établir un ordre social fondé sur la liberté individuelle, la coopération et l’association volontaire et des communautés productives autogérées librement associées.

[…]

Ce fut Pierre Kropotkine qui donna à la fois une vision pénétrante et systémique à l’anarchisme en tant que pratique politique et philosophie sociale (NdT: Kropotkine est considéré par bon nombre aujourd’hui comme étant le “père fondateur” de la biologie sociale, discipline opposée à la pseudo-science qu’est le darwinisme-social des Thomas Huxley et Herbert Spencer…). Dans deux essais fondamentaux “Anarchisme” et “Communisme anarchiste”, il déclare que la propriété privée de la terre, du capital et de la mnachinerie/moyen de production a eu son temps et qu’elle doit venir à son terme avec la transformation de tous les facteurs de production en une propriété sociale commune, devant être gérée en commun par les producteurs de richesse. Sous cette dispense, l’individu reconquiert sa pleine liberté d’initiative et d’action, au travers de la participation en des groupes librement constitués et des fédérations qui finiront par satisfaire tous les besoins variés de l’humanité. “Le but ultime de la société est la réduction des fonctions du gouvernement à zéro, c’est à dire l’avènement d’une société sans gouvernement, l’anarchie.

Pour Kropotkine: “Vous ne pouvez pas modifier les conditions existantes de la propriété sans changer en profondeur en même temps l’organisation politique de la société. Vous devez limiter les pouvoirs du gouvernement et renoncer à la règle parlementaire. A chaque phase économique correspond une phase politique. La monarchie absolue ou règle de cour, a correspondu au règne du servage. Le gouvernement représentatif a servi la règle du capital ; tous deux étant quoi qu’il en soit des règles de classe.

Mais dans une société où il n’y a plus de différences entre le capitaliste et le travailleur, il n’y aura plus de place pour un tel gouvernement qui deviendra totalement anachronique, une nuisance en fait. Les travailleurs libres demanderont une organisation libre et cela ne peut pas être parachevé sans des accords de coopération libre…

Kropotkine postule le fait que le gouvernement représentatif (la démocratie socio-libérale moderne) a accompli sa mission historique qui fut de donner un coup mortel à la règle de cour, c’est à dire la monarchie absolue… Ainsi l’anarchisme devient la synthèse de deux désirs essentiels de l’humanité depuis l’aube de l’Histoire: la liberté politique et la liberté économique.

Un voyage dans le cour de l’histoire montre clairement que l’État a toujours été la propriété d’une classe privilégiée ou d’une autre: que ce soit une classe de prêres, une classe aristocratique, une classe capitaliste et finalement une classe “bureaucratique” ou “nouvelle classe” en URSS et en RPC. L’existence d’une classe privilégiée est vitale à la survie de l’État. Comme le disait Michel Bakounine: “Chaque théorie logique et sincère de l’État est essentiellement fondée sur le principe d’autorité, ce qui veut dire, sur l’idée éminemment théologique, métaphysique et politique que les masses, toujours incapables de se gouverner elles-mêmes, doivent se soumettre en permanence au joug bienveillant… qui d’une manière ou d’une autre leur est toujours imposé d’en haut.

Ce phénomène est l’équivalent virtuelle de l’esclavage, une pratique profondément enracinée dans l’État et illustré dans ce passage d’écriture de Kropotkine:

Nous nous lamentons des barons féodaux qui n’autorisaient personne à s’établir sur la terre sans le paiement d’un quart de leur récolte au seigneur du château ; mais nous continuons de faire ce qu’ils ont fait, nous étendons leur système. Les formes ont changé, mais l’essence de l’affaire demeure identique.

Plus poignante est l’expression de Bakounine:

L’esclavage peut changer de forme et de nom, mais son fondement demeure identique. Ce fondement est exprimé par les mots: être esclave c’est être forcé de travailler pour quelqu’un d’autre, tout comme être maître est de vivre du travail des autres. Dans l’ancien temps, en Afrique et en Asie, les esclaves étaient appelés esclaves ; au Moyen-Age ils étaient les “serfs” et aujourd’hui ils sont appelés les “salariés”. La condition de vie des derniers est sans aucun doute moins dure que celle des premiers, mais ils n’en sont pas moins forcés de le faire par la faim et les institutions politiques et économiques… En conséquence ils sont également esclaves et de manière générale aucun état ancien ou moderne n’a été capable de se passer du travail forcé des masses, que ce soient des esclaves, des serfs ou des salariés.

[…]

Au vu de ce qui précède, nous pouvons résumer les aspects théoriques de l’anarchisme de la façon suivante: L’anarchisme recherche l’abolition du capitalisme et du mode de production capitaliste, ce qui inclut les relations sociales qu’il engendre, ses processus de marché et les systèmes de commodités et de salariat. Ceci n’est néanmoins pas possible à faire sans l’abolition simultanée du système étatique dans sa totalité ainsi que de ses systèmes de valeurs et institutionnels, incluant les systèmes légaux et éducatif, les médias de masse (et de propagande), la bureaucratie, la police, l’armée, la famille de type patriarcal, la religion organisée etc. Le système étatique n’est bien évidememnt pas péculier ni exclusif au capitalisme ; il est aussi une caractéristique cardinale du socialisme d’état, c’est à dire du socialisme marxiste représenté à la fois par les systèmes soviétique et chinois. Le système étatique en tout lieu fait montre des mêmes caractéristiques hiérarchiques et autoritaires qui servent à circonscrire la liberté individuelle et donc celle de la société dans les grandes largeurs.

L’anarchisme dérive de la lutte des classes engendrée par la mise en esclavage des travailleurs et de leurs aspirations historiques vers la liberté. La classe en ce sens n’est donc pas juste un concept économique, ni ne se réfère qu’à la propriété des moyens de production, cela représente la quantité de pouvoir incomplète qu’un petit groupe agite, détient et exerce sur le reste de la société.

L’instrument de cette petite élite, l’État, est simultanément la violence organisée de la classe dominante et propriétaire et le système de sa volonté exécutrice. Comme le dit plus avant le groupe Dielo Trouda: “L’État et l’autorité retirent l’initiative des masses, tuent l’esprit créatif et de la libre activité et cultive en elles la psychologile servile de la soumission.

La force de l’anarchisme est affirmée dans le fait que l’être humain a toujours été en quête au cours de son histoire de l’égalité et de la liberté, celle-ci étant indissociable de l’égalité et vice versa. Ce désir prend sa source dans le fait que l’être humain est par nature plus coopératif que compétitif. (cf. Kropotkine).

A la place d’une société organisée le long de lignes de classe, marquées par la hiérarchie et l’autorité, l’anarchisme se fait l’avocat d’une société autogérée, auto-suffisante, fondée sur la coopération volontaire, l’entr’aide mutuelle et l’association, sans gouvernement (sans forces de coercition). Dans une telle société, la propriété des moyens de production n’échoit pas à un groupe en particulier de manière exclusive et préservée et le travail salarié devient non-existant ; ce qui permet aux individus d’exercer leur créativité, leur liberté et leur initiative personnelle pour le bien du développement de la société (de l’intérêt général bien compris).

[…]

Ceci ne veut pas dire une absence d’organisation, simplement les anarchistes pensent que l’organisation horizontale fonctionne mieux, une organisation décentralisée, non hiérarchique, mais non dénuée d’expertise. Le fondement organisationnel serait d’ordre décentralisateur, favorisant l’individu et l’autonomie locale, l’égalité sociale et le processus démocratique de prise de décision (assemblées générales). L’anarchisme rejette la lutte pour le pouvoir d’état, prenant les ouvriers et paysans en otages pour une solidarité nationale voire internationale. Ainsi, la tâche d’émanciper le peuple revient au peuple lui-même. Cette émancipation consiste en la réduction des fonctions de l’État à zéro s’assurant qu’à tout moment, le contrôle sur toutes les formes d’organisation sociale vienne d’en-bas.

S’il est important de savoir ce qu’est l’anarchisme, il est aussi important de savoir ce qu’il n’est pas afin de désamorcer les non-sens le plus souvent commis de manière délibérée, ainsi que les déformations pathétiques que les marxistes et les groupies du capitalisme propagent au sujet de l’anarchisme.

La plus grande erreur faite, et de loin, concernant l’anarchisme est de dire que celui-ci est synonyme de rejet de tout ordre, de l’amour du désordre et du chaos, de la destruction et de la violence. Rien ne peut-être plus éloigné de la réalité.

Kevin Doyle du magazine “Workers Solidarity” écrit: “L’anarchisme a été volontairement, délibérément calomnié et faussement représenté, pas seulement par ceux qui pilote cette société, mais aussi par presque toute la “gauche”. Ceci a été fait délibérément pour la simple et bonne raison que la critique radicale et sans compromis de la société et comment la changer posent un défi qui ne peut pas être confronté à coups d’arguments politiques, seule la calomnie et l’invective pouvant (illusoirement) sauver la mise. Son enracinement et son association avec la classe des travailleurs dans le monde entier disent la vérité telle qu’elle est.

L’anarchisme est opposé à la violence et au désordre, au chaos et à toute forme de terrorisme. Les anarchistes du monde prêchent la paix, rejettent la guerre, les armées, le militarisme et le développement et l’acquisition de technologies faisant la promotion de la guerre (nucléaire).

Les anarchistes ne défendent la violence que pour les cas d’auto-défense.

[…]

Le rejet de la violence d’agression et du terrorisme ne fait néanmoins pas des anarchistes des pacifistes. Au contraire, un mouvement anarchiste à succès fera face à la violence de l’État (NdT: exemples historiques nombreux: Commune de Paris, révolution espagnole, Makhnovichna ukrainienne, et en ce moment le mouvement zapatiste du Chiapas depuis 1994…).

La façon de combattre la violence répressive de l’État n’est pas par le terrorisme ou au travers de la création d’organisations hiérarchiques militaires, mais par la création d’un système de défense basé sur la communauté et d’organisations éducatives prêtes et volontaires à défendre leurs propres structures sociales.

Le soutien anarchiste à une forme de défense organisationnelle collective est né de la reconnaissance historique de l’État comme étant le plus brutal et le plus froid agent de terreur qui soit et que son utilisation de la violence dépend quasiment entièrement du degré de perception du défi ressenti par l’État. Les anarchistes reconnaissent depuis longtemps et en cela ne sont pas dupes, que l’État (et les forces qui l’animent) fera tout ce qu’il devra faire, y compris les actions les plus viles et horribles pour maintenir son pouvoir intact.

En ce qui concerne l’anarchisme et le terrorisme, une infime portion des anarchistes se sont historiquement résolus à des actes de terreur.

[…]

L’anarchisme dans ses manifestations actuelles de syndicalisme révolutionnaire, d’anarcho-syndicalisme et d’anarcho-communisme se fait l’avocat de l’action directe politique et sociale, mais en aucun cas d’actes violents ou terroristes. Le terme “anarchisme ou anarchie” ne veut pas dire absence d’organisation bien au contraire. Les anarchistes rejettent toute forme d’autorité hiérarchique (pas de chefs, de grades etc…) qui érode liberté et égalité, mais ils ne rejettent aucunement une forme d’organisation horizontale fondée sur un principe de prise de décisions véritablement démocratique ( décisions prises en assemblée), décentralisée, en association volontaire et en coopération volontaire. Ce mode horizontal est de fait vital à la vision anarchiste de la société.

Concernant les religions… L’organisation religieuse est un des piliers des relations sociales capitalistes. Elle personnifie les caractéristiques hiérarchiques et autoritaires ; son idéologie et ses institutions sont toutes aussi antithétiques à la quête individuelle de la liberté et de l’égalité.

Les anarchistes opposent toutes les religions car ils ne pensent pas que celles-ci puissent rester dans la sphère privée et ne peuvent que déborder intrusivement dans la vie publique.

[…]

Dans ses deux ouvrages précédemment cités Pierre Kropotkine dit ceci à propos d’un capitalisme d’état:

“… Le capitalisme d’état augmenterait seulement la bureaucratie et le capitalisme. Le véritable progrès réside dans la direction de la décentralisation à la fois territoriale et fonctionnelle, dans le développement de l’esprit d’initiative local et personnel et de la fédération libre allant du plus simple au plus compliqué à la place de la hiérarchie actuelle allant du centre vers la périphérie.

[…] Les anarchistes reconnaissent que les moyens déterminent les fins, cela veut ainsi dire que les anarchistes embrassent l’association volontaire, la coopération, l’entr’aide mutuelle, etc… et que tout ceci doit nécessairement être en adéquation avec leur fins/objectifs. Sur le long terme, cette stratégie sera fructifiante et donnera une société libre et égalitaire, mais sur le court terme, ceci veut aussi dire qu’il y a peu de chances pour des réparations rapides de la société.

[…]

Chapitre 2 Abrégé d’histoire de l’anarchisme

La relation entre l’anarchisme et les mouvements sociaux similaires, notablement le syndicalisme, le socialisme de guilde et le socialisme marxiste (dans ses 57 variétés telles que le léninisme, le stalinisme, le maoïsme, le trotskisme, le titisme, le castrisme, jusqu’à la social-démocratie etc, etc…), demeure tout aussi tumultueuse aujourd’hui qu’elle ne le fut dans le passé, bien que tous partagent le but commun de l’abolition du capitalisme et la reconstruction radicale de la société.

[…] Voici ce qu’a dit Bakounine de Marx entre autre: “… notre relation n’a jamais pu être fort amicale, nos tempéraments respectifs n’auraient pu le souffrir. Il me qualifiait d’idéaliste sentimental et il avait raison. Je le qualifiais de vain, perfide et de talentueux et j’avais aussi raison.

[…] Au 4ème congrès de l’Internationale à Bâle en Septembre 1869, une dispute et rupture majeure intervint entre Marx et ses suiveurs et Bakounine et les siens. Bakounine nota que “Ceci est fondamentalement une différence sur la question du rôle de l’État dans le programme socialiste. La vision marxienne est essentiellement celle qui voudrait que l’État soit utilisé afin d’amener et de consolider le socialisme, les vues des bakouninistes furent que l’État devait être aboli. Et qu’il ne devait en aucune circonstance, être utilisé pour ateindre toute autre forme de socialisme ou de justice sociale pour les travailleurs.

Le congrès de Bâle servit à établir deux courants très forts dans la 1ère Internationale comme le fit remarquer Bertrand Russell: “Les Allemands et les Anglais suivirent Marx et sa croyance que l’État comme il était devait demeurer après l’abolition de la propriété privée, ils le suivirent également dans son désir de fonder des partis de travailleurs dans bon nombre de pays et d’utiliser la machinerie de la démocratie pour gagner des élections et mettre des représentants des travailleurs dans les différentes assemblées nationales. D’un autre côté, les nations latines dans leur vaste majorité suivirent Bakounine en s’opposant à l’État et à la croyance dans la machinerie du gouvernement représentatif.” Les dissentions entre les deux camps ne firent que s’amplifier et cela se termina par l’éviction de Bakounine de l’Internationale Ouvrière lors de son congrès général d’Amsterdam en 1872.

[…] En fait, pour Bakounine, les marxistes se faisaient les avocats non pas de l’abolition du pouvoir coercitif de l’État, mais simplement de la substitution d’une nouvelle classe dominante à la place de l’ancienne, à la tête de la machine étatique.

Bakounine surenchérît alors en disant:

“… Nous ne comprenons pas que quiconque puisse parler de solidarité internationale alors que le désir de maintenir l’État demeure intact. L’État est, de par sa nature profonde, en rupture avec la solidarité entre les personnes. L’État veut dire la domination et toute domination présuppose la subjugation et la soumission des masses et par conséquent leur exploitation pour le profit d’une minorité ou d’une autre.”.

Il ajouta par ailleurs:

Les marxistes se consolent dans l’idée que leur règne sera temporaire… Mais il y a en fait une grande contradiction dans leur théorie, en effet, si leur État était vraiment un État du peuple, pourquoi alors vouloir finalement le supprimer ? Tout État, et leur état également, est un joug, développant le despostisme d’un côté et l’esclavage de l’autre. […]

De cette contradiction a résulté la fin de notre polémique. Ils insistent que seule une dictature (bien sûr la leur… NdT: celle du “prolétariat”) peut créer la liberté pour le peuple. Nous répondons à cela que toute dictature n’a que pour seul objectif son auto-perpétration et que l’esclavage n’est que tout ce qu’elle peut engendrer et instiller chez les gens qui en souffent. La liberté ne peut provenir que de la liberté,

Comme l’avait si bien anticipé Bakounine, le maintien du système étatique sous le socialisme ne pourrait mener qu’à un régime de barraquements et de camps.

[…] Néanmoins, le marxisme ne rejette pas le programme anarchiste complètement. L’anarchisme et le marxisme sont tous deux champions des aspirations du salarié pour abolir le salariat. Le marxisme n’est pas d’accord avec l’apparente impatience de l’anarchisme et sa volonté d’ignorer la loi “scientifique” de l’évolution qui détermine de manière supposée la marche ordonnée de l’histoire. Les deux systèmes politiques ont néanmoins le désir commun de faire disparaître les maux du capitalisme au travers de l’abolition du travail salarié, des modes et moyens d’échange de commodités et plus que tout, la misère, l’inégalité et l’exploitations inutiles caractérisant la relation entre ceux qui n’ont rien et les propriétaires du capital.

[…]

A suivre… Dans la seconde partie: les précédents anarchistes en Afrique

Contre le colonialisme, la société traditionnelle africaine et le communalisme égalitaire…

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, économie, colonialisme, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, philosophie, résistance politique, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , on 2 décembre 2014 by Résistance 71

La plus grande partie des sociétés traditionnelles originelles africaines, du continent des Amériques, d’Asie, d’Oceanie et de l’Europe pré-athénienne, sont des sociétés communalistes au pouvoir partiellement ou totalement dilué dans les peuples des communautés. L’humanité a vécu des dizaines de milliers d’années de la sorte et contrairement au dogme inculqué, l’Etat n’est pas le « stade ultime » de la société humaine et encore moins sa plus grande « réussite », de fait, l’anthropologie politique démontre qu’il est une « anomalie », un artifice mis en place pour maintenir la division politique de la société une fois celle-ci apparue.

Il est plus que grand temps que nous retournions sur le chemin de la Nature dont nous nous sommes égarés en suivant une fausse signalisation routière…

— Résistance 71–

 

L’anarchisme africain et son origine communaliste

 

Sam Mbah & I.E. Igariwey, 1997

 

url de l’article original:

http://robertgraham.wordpress.com/2014/11/22/sam-mbah-in-memoriam/

 

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

 

Les sociétés traditionnelles africaines étaient pour la plus grande part, fondées sur le communalisme. Le terme est utilisé ici dans un sens binaire. D’abord il dénote un mode défini de production ou de formation sociale qui vient généralement, mais pas inévitablement, des sociétés de chasseurs-cueilleurs et précèdent le féodalisme. Si on accepte l’évolution culturelle, on peut voir que la plupart des sociétés européennes et asiatiques sont passées par ces étapes du développement. (NdT: Ce qui inscrit cette réflexion dans un cadre anthropologique structutaliste évolutioniste [Levi-Strauss] et qui prescrit que la société passe par des étapes évolutives allant des sociétés primitives aux sociétés structurés étatiques, l’État représentant le stade ultime du développemnt sociétaire humain. Cette théorie a été démontée par la recherche et l’analyse de l’anthropologue politique français Piere Clastres que nous avons abondamment publié sur ce blog, à lire pour en savoir plus…)

Le communalisme est aussi utilisé dans un second sens pour dénoter une façon de vivre qui est distinctivement africaine. Ce mode de vie peut-être entr’aperçu dans la structure collectiviste des sociétés africaines dans lesquelles:

  • Des communautés différentes apprécient une indépendance (presque) inconditionnelle l’une de l’autre
  • Les communautés gèrent leurs propres affaires et agissent en tout point de manières autogestionnaire et
  • Chaque individu sans exception prend part, soit directement ou indirectement, à la prise de décision et à la gestion des affaires de la communauté et ce à tous les niveaux

En contraste avec l’Europe et l’Asie. L’essentiel du continent africain ne s’est jamais développé au-delà du stade communaliste. Malgré le développement féodal indigène et plus tard l’imposition du capitalisme (NdT: nouvelle forme de féodalisme surtout dans sa forme néo-libérale extrême…), les caractéristiques communales persistent toujours aujourd’hui, parfois pervasiment, dans la plupart des sociétés africaines qui se situent en dehors des grandes agglomérations et des banlieues/bidonvilles de celles-ci. De manière essentielle, la plupart de l’Afrique est communaliste à la fois au sens culturel (production/formation sociale) et descriptif (structurel).

Parmi les caratérisrtiques les plus importantes du communalisme africain figurent l’absence de classes sociales, de stratification sociale, l’absence de relations exploitantes ou socialement antagonistes, l’existence d’un accès égalitaire à la terre et aux autres éléments de production, égalité au niveau de la distribution du produit social et le fait que de forts liens de familles et de relations fraternelles forment la base même de la vie sociale dans les sociétés africaines communalistes. Au sens de ce cadre défini, chaque famille a été capable de subvenir à ses besoins fondamentaux. Sous le communalisme, par vertu d’être un membre d’une famille ou d’un communauté, chaque Africain était assuré d’avoir suffisamment de terre pour subvenir à ses propres besoins.

Parce que dans les sociétés traditionnelles africaines l’économie était largement horticole et la subsistence fondée, comme le note Robert Horton “souvent sur de petits vllages agriculteurs, chasseurs, éleveurs, pêcheurs etc… qui s’occupaient d’eux-mêmes de manière indépendante avec peu de référence au reste du continent.” Des communautés variées produisaient des surplus ou des commodités qu’elles échangeaient au moyen du troc, contre les choses qui leur manquaient. La situation était telle que personne ne mourrait de faim tandis que d’autres s’empiffraient et jetaient les excédents.

D’après Walter Rodney: “De cette façon, l’industrie du sel d’une localité serait stimulée, tandis que l’industrie du fer serait encouragée dans une autre. Dans une zone côtière, de lac ou de rivière, le poisson séché pouvait devenir profitable, tandis que le yams et le millet poussaient très bien ailleurs, ce qui donnait une base solide d’échange.” Ainsi, dans bien des parties de l’Afrique une symbiose se développa entre des groupes gagnant leur vie de manières différentes, ils échangeaient des produits et coexistaient à leur avantage mutuel.

L’organisation politique sous le communalisme était une structure horizontale, caractérisée par un haut niveau de diffusion des fonctions et du pouvoir. Le leadership politique, pas l’autorité, prévalait et le leadership n’était pas fondé sur l’imposition des choses, sur la coercition ou la centralisation; il se dégageait d’un consensus commun ou d’un besoin mutuellement ressenti.

Le leadership développé sur la base des liens de la famille et de la fraternité, de la reconnaissance confraternelle, évoluait autour des anciens ; il n’était conféré que par l’âge, un facteur qui a de profonde racine dans le communalisme. En Afrique, l’âge avancé était équivalent et l’est toujours du reste, à la possession de la sagesse et du jugement rationnel. Les anciens présidaient aux réunions et dans les règlements des disputes, mais pratiquement jamais avec un sens de “supériorité”, leur position ne conférait pas à une autorité étendue socio-politique associée au système moderne de l’État ou avec les états féodaux. (NdT: A ce sujet, la ressemblance est stupéfiante avec la structure de fonctionnement socio-politique des sociétés traditionnelles du continent des Amériques. Ceci représente une fonction universelle de la société humaine et confirme de plus en plus que la forme de gouvernance moderne de “l’État”, si elle est un avantage pour maintenir la division politique puis économique des peuples et donc de maintenir le consensus oligarchique du pouvoir, n’est pas en fait comme on veut nous le faire entendre, une “logique naturelle” de la société humaine, mais bel et bien une anomalie qui se doit d’ètre corrigée, une autre de ces “ruses de la raison” si chères au philosophe Friedrich Hegel…)

Il y avait un sens profond d’égalité parmi les membres de la communauté. Le leadership se concentrait sur les intérêts du groupe plutôt que sur l’autorité sur les membres de la communauté. Invariablement, les anciens partageaient le travail avec le reste de la communauté et recevaient la même part ou valeur du total social produit que le reste des personnes, souvent sous forme aussi de tributs et de mécanismes de redistribution (NdT: similaires aux potlaches des communautés amérindiennes du nors-ouest du continent)

La relation entre les segments de coordination de la communauté était caractérisée par l’équivalence et l’opposition et ceci avait tendance à empêcher l’émergence d’un rôle de spécialisation et donc d’une division du travail parmi les individus. Généralement, les anciens présidaient à l’administration de la justice, des disputes et de leurs arrangements ainsi que de l’organisation des activités communales, des fonctions qu’ils partageaient nécessairement avec des représentants sélectionnés de leurs communautés, dépendant de la nature spécifique de la dispute ou du problème impliqué.

De telles réunions ou assemblées n’étaient pas guidées par des lois écrites, car il n’y en avait simplement pas. Au lieu de cela, elles se fondaient sur les systèmes de croyance traditionnelle, du respect mutuel, des principes indigènes de la loi naturelle et de la justice. Les sanctions sociales existaient pour des cas variés de transgressions pour vol, sorcellerie, adultère, homicide, viol etc… Quand un individu commettait une offense à la communauté, souvent sa famille entière, ses parents et sa famille étendue souffraient avec lui et parfois pour lui/elle. Ceci était dû au fait que de telles offenses, crimes étaient vus par la communauté comme quelque chose qui amenait la honte non seulement sur l’individu contrevenant, mais encore plus parfois sur sa famille.