Pourquoi l’Occident diabolise t’il l’Iran ?
Par Stuart Littlewood
Url de l’article original:
http://www.informationclearinghouse.info/article29750.htm
Le 17 Novembre 2011,
~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~
Quand de nouvelles recrues arrivent à la British Petroleum (BP), ont leur raconte l’histoire édulcorée du comment la compagnie a été créée. William Knox D’Arcy, du Devon, étudia le droit et, après avoir émigré en Australie, fît fortune grâce à la ruée vers l’or du Mont Morgan dans les années 1880. De retour en Angleterre, il accepta de financer une recherche pour le pétrole et des minéraux en Perse et des négociations avec Mozzafar al=din Shah Qajar commencèrent en 1901.
Une concession de 60 ans pour prospecter pour le pétrole donna à D’Arcy les droits d’exploitation du pays entier à l’exception de cinq provinces du nord de l’Iran. Le gouvernement iranien recevrait 16% des bénéfices annuels de la compagnie. Mozzafar al-Din, rarement aidé en matière d’affaires d’état par son père, était très naïf en ce qui concerne les affaires et n’était pas non plus préparé pour être roi lorsque le temps arriva. Il emprunta de manière inconsidéré des Russes afin de financer son style de vie extravagant et les coûts de l’état et afin de repayer la dette, il abandonna le contrôle de beaucoup d’industries et de marchés iraniens aux étrangers. Le contrat qu’obtint D’Arcy était bien trop strict et finira par amener des problèmes. Il envoya une équipe d’exploration dirigée par le géologue George B. Reynolds.
Une compagnie fut créée en 1903 et d’Arcy dût dépenser la plupart de sa fortune pour couvrir les coûts. Un soutien financier supplémentaire vînt de la firme de Glasgow Burmah-Oil en échange de grosses parts dans l’entreprise. Le forage dans la Perse méridionale continua jusqu’en 1907, lorsque la prospection changea pour Masjid-i-Souleiman. En 1908, D’Arcy était presque ruiné. Reynolds reçut alors des instructions de la dernière chance: “Forez jusqu’à 530m et abandonnez.” Le 26 Mai, il fora dans du pétrole par 400m de fond. Ce fut un triomphe d’intuition et de détermination.
L’Anglo-Persian Oil Compagny prospéra et construisît un pipeline en 1911 qui relia les champs d’exploitation et sa nouvelle raffinerie d’Abadan. Mais la compagnie eut de nouveaux problèmes en 1914. L’âge d’or du moteur à explosion n’était pas encore arrivé et les marchés industriels pour le pétrole furent bouclés par les intérêts américains et européens. De plus, la forte odeur de soufre du pétrole perse, même après avoir été raffiné, ne le rendait pas propre à la consommation domestique, ainsi D’Arcy avait un problème de marketing.
Fort heureusement, winston Churchill, alors chef de l’amirauté (NdT: “First Lord of Admiralty” en anglais, titre qui n’a pas d’équivalent en français…), désirait convertir la marine britannique du charbon, spécifiquement alors que dès lors une source fiable de pétrole avait été sécurisée. Il déclara alors au parlement britannique, cette phrase devenue célèbre: “Tournons-nous vers les grands horizons des régions pérolières du monde !” Seule la compagnie britannique Anglo-Persian Oil pourra protéger les intérêts britanniques, dit-il alors. Son projet passa et le gouvernement britannique prît de grosses parts de la compagnie; juste à temps du reste, puisque la première guerre mondiale débuta quelques semaines plus tard.
Pendant la guerre, le gouvernement saisît les biens d’une compagnie allemande qui s’appelait British Petroleum afin de faire la promotion de ses produits en Grande-Bretagne. Anglo-Persian Oil acheta biens et avoirs d’un administrateur public le tout incluant un réseau de distribution intégré comprenant des centaies de dépôts, des wagons-citernes, des camions, des péniches et toute la panoplie de distribution. Ceci permit à Anglo-Persian Oil de rapidement développer ses ventes dans une Europe et une Grande-Bretagne affamées de pétrole dans cette période de l’après première guerre mondiale.
Durant l’entre deux guerres la compagnie Anglo-Persian Oil bénéficia grandement de n’avoir à payer que 16% des bénéfices aux Iraniens, si bien que des Iraniens en colère voulurent renégocier le contrat. N’y parvenant pas, les Iraniens annulèrent le contrat de d’Arcy et l’affaire échoua à la Cour permanente de justice de la Hague. De nouveaux accords en 1933 donnèrent un nouveau bail d’exploitation de 60 ans à Anglo-Persian Oil, mais sur une zone d’exploitation bien plus petite. Les nouveaux termes étaient une amélioration pour les Iraniens, mais n’étaient toujours pas équitables. Anglo-Persian changea son nom pour anglo-Iranian Oil Compagny en 1935.
En 1950, Abadan était la plus grosse raffinerie de pétrole au monde et la Grande-Bretagne, avec 51% des parts en holding de l’Anglo-Iranian Oil, avait effectivement colonisé une bonne partie du sud de l’Iran. La part minime de profits de l’Iran devint un plus grand problème , tout comme le traitement de ses ouvriers du pétrole; 6000 d’entr’eux se mirent en grève en 1946 et celle-ci fut violemment réprimée. Il y eu 200 morts ou blessés. En 1951, Anglo-Iranian Oil déclara 40 millions de livres sterling de bénéfices nets mais ne donna à l’Iran que 7 millions.
Dans le même temps, Arabian American Oil partagerait les bénéfices avec les Saoudiens sur une base de 50-50. Les appels à la nationalisation s’intensifièrent. L’Iran nationalisa son pétrole pour obtenir une indépendance économique et politique et pour combattre la pauvreté. En Mars 1951, le Majlis et le sénat iraniens votèrent pour nationaliser Anglo-Iranian Oil, qui avait contrôlé l’industrie du pétrole iranienne depuis 1913 sous des conditions très désavantageuses pour l’Iran.
Le respecté réformateur social Dr Mohammed Mossadeq fut nommé premier ministre le mois d’après avec une majorité de 79 contre 12. Le 1er Mai, Mossadeq mit en application les souhaits de son gouvernement, annulant la concession d’Anglo-Iranian Oil qui devait expirer en 1993 et l’expropria de ses avoirs. Son explication, donnée dans un discours en Juin 1951, fut comme suit (M. Fateh, Panjah Sal-e Naft-e Iran , p. 525):
“Nos très longues années de négociations avec les pays étrangers n’ont pas porté leurs fruits jusqu’à présent. Avec les revenus du pétrole, nous pourrions aisément assumer notre propre budget et combattre la pauvreté, les maladies, et l’arriération de notre société. Une autre considération importante est que par l’élimination du pouvoir de la compagnie britannique, nous éliminerions également la corruption et l’intrigue, par lesquels les affaires intérieures du pays ont été influencées. Une fois que cette tutelle aura cessé, l’Iran aura achevé son indépendance économique et politique.
L’état iranien préfère reprendre à son compte la production du pétrole pour et par lui-même. La compagnie ne doit rien faire d’autre que de retourner la propriété à ses propriétaires de plein droit. La loi de nationalisation prévoit que 25% du bénéfice net sur l’exploitation du pétrole soient mis de côté pour remplir toutes les compensations légitimes de la compagnie… Il a été dit à l’étranger que l’Iran a l’intention d’expulser les experts pétroliers étrangers du pays et ensuite de fermer les installations. Non seulement ces suppositions sont absurdes, mais elles ne sont que pure invention…”
Pour cela, il fut éliminé du pouvoir par un coup d’état du MI5 et de la CIA, emprisonné pour trois ans, puis assigné à résidence jusqu’à sa mort.
Dans le même temps, la Grande-Bretagne organisa un boycott mondial du pétrole iranien, gela les avoirs iraniens en livres sterlings et menaça d’actions en justice quiconque achèterait de pétrole produit par les raffineries anciennement contrôlées par les Britanniques. Elle considéra mème une invasion de l’Iran. L’économie iranienne fut bientôt ruinée. Les tentatives du Shah de remplacer Mossadeq échouèrent et il retourna avec plus de pouvoir, mais sa coalition s’effritait bientôt et s’écroulait sous le poids imposé par le blocus britannique.
Dans un premier temps, les Etats-Unis furent reluctants à rejoindre la Grande-Bretagne dans ce jeu destructeur, mais Churchill laissa transparaître que Mossadeq était en train de tourner communiste et qu’il poussait l’Iran dans les bras de Moscou à un moment où la guerre froide battait son plein. Ceci fut suffisant pour récupérer le nouveau président américain, Eisenhower, et pour que les Etats-Unis commencent à comploter avec la Grande-Bretagne pour éliminer Mossadeq.
Le chef de la CIA pour le proche orient et l’Afrique, Kermit Roosevelt Junior, arriva pour jouer le rôle principal dans un mauvais jeu de provocation, de chaos et de mensonge. Une campagne élaborée de désinformation commença et le Shah signa deux décrets, l’un révoquant Mossadeq, et l’autre nommant le protégé de la CIA, le général Fazlollah Zahedi, comme premier ministre. Ces décrets furent écrits sous la dictée de Donald Wilbur, l’architecte du plan de la CIA.
Le Shah s’enfuit alors à Rome. Quand il fut jugé opportun et sécure, il revint le 22 Août 1953. Mossadeq fut arrêté, condamné pour trahison par une cour de justice militaire du Shah et condamné à mort. Mossadeq remarqua: http://www.mohammadmossadegh.com/biography/ …
“Mon plus grand pêché est que j’ai fait nationaliser l’industrie pétrolière iranienne et écarter le système de l’exploitation économique et politique faite par le plus grand empire au monde… Par la volonté de Dieu et l’accord du peuple, j’ai combattu ce système sauvage et cruel de l’espionage international et du colonialisme.
Je sais que mon destin doit servir d’exemple dans le futur pour que le Moyen-Orient brise enfin les chaînes de l’esclavage et de la servitude aux intérêts coloniaux.”
La sentence fut par la suite commuée en trois de confinement dans une prison militaire, suivis par une mise à résidence jusqu’à sa mort le 5 Mars 1967. Les supporteurs et partisans politiques de Mossadeq furent arrêtés, emprisonnés, torturés ou exécutés.
Le nouveau gouvernement de Zahedi obtint bientôt un accord avec les compagnies pétrolière étrangères afin de former un consortium pour restaurer la production du pétrole iranien, donnant la part du lion aux britanniques et aux américains, avec 40% allant à Anglo-Iranian. Le consortium accepta de partager avec l’Iran sur une base de 50-50, mais, toujours aussi nébuleux, refusa de laisser accès libre à sa comptabilité ou de laisser des contrôleurs iraniens s’assoir au conseil d’administration.
Anglo-Iranian Oil changea son nom pour British Petroleum (BP) en 1954.
Les Etats-Unis en reconnaissance, financèrent massivement le gouvernment du Shah, incluant son armée et sa police secrète, la tristement célèbre SAVAK.
La partie de plaisir de l’occident arriva à une fin abrupte avec la révolution islamique de 1979 et le livre se referma sur un chapitre d’entreprise britannique qui commença héroïquement, devînt sauvage et cruel pour terminer dans les larmes.
Les Etats-Unis sont toujours détestés aujourd’hui en Iran pour avoir ramené le Shah et son épouvantable SAVAK et pour avoir démoli le système de gouvernement démocratique iranien, que la révolution n’a malheureusement pas restauré. La Grande-Bretagne est aussi détestée pour son rôle d’instigatrice et d’associée dans cette affaire sordide.
Par dessus tout, L’Iran héberge un grand ressentiment au sujet de la façon dont l’occident, surtout les Etats-Unis, ont aidé l’Irak à développer son arsenal d’armes chimiques et ses forces armées et comment la communauté internationale ne fit rien pour punir l’Irak après qu’il eut utilisé des armes chimiques contre l’Iran dans la longue guerre Iran-Irak. Les Etats-Unis et éventuellement la Grande-Bretagne, penchèrent singulièrement du côté de Saddam Hussein dans ce conflit et cette alliance permit à Saddam d’acquérir plus facilement des armes chimiques et bactériologiques qui étaient interdites. Au moins 100 000 Iraniens en furent les victimes.
Voici comment John King résuma la situation en écrivant en 2003: http://www.iranchamber.com/history/articles/arming_iraq.php
“Les Etats-Unis ont utilisé des méthodes à la fois légales et illégales pour aider Saddam Hussein à développer l’armée la plus puissante du Moyen-Orient derrière Israël. Les USA suppléèrent des agents chimiques et biologiques ainsi que leur technologie à l’Irak alors qu’ils savaient que l’Irak utilisait des armes chimiques contre l’Iran. Les Etats-Unis ont pourvu matériaux et technologie pour ces armes de destruction massive à l’Irak a un moment où il était connu que Saddam avait utilisé cette technologie contre ses propres citoyens kurdes. Les Etats-Unis ont fourni du renseignement et de l’information de planification de batailles quand ces plans de bataille employaient du cyanide, du gaz moutarde et des agents neurotoxiques. Les USA ont bloqué les censures de l’ONU concernant l’utilisation par l’Irak d’armes chimiques. Les Etats-Unis n’ont pas agi seuls dans cette affaire. L’URSS était aussi le plus gros fournisseur d’armes du conflit, mais la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni furent aussi impliqués dans l’envoi d’armement et de technologie.”
Ce qui nous amène à aujourd’hui…Pourquoi entendons-nous sans arrêt les chants et tambours de guerre contre l’Iran alors que nous devrions lui tendre la main en signe d’amitié et de réconcilaition ?
David Cameron (né en 1966) n’était pas même encore une lueur dans les yeux de son père lorsque la Grande-Bretagne écrasa la démocratie iranienne et batifolait sûrement avec ses potes du Bullingdon Club d’Oxford lorsque les Iraniens mourraient par milliers du fait des armes chimiques de Saddam. Que sait-il au juste ?
William Hague (né en 1961) semble tout aussi ignorant des turpitudes ourdies par les anciens ministres des affaires étrangères britanniques contre l’Iran.
Obama (né en 1961 ??) était un organisateur dans la communauté de Chicago quand les Iraniens se faisaient asperger de gaz moutarde que son pays avait fourni à Saddam. Que sait-il ?
Quant à Mme Clinton (née en 1947), elle est assez âgée pour mieux savoir.
Alors pourquoi diabolisent-ils l’Iran au lieu de corriger les erreurs du passé ? Pourquoi ne pas vivre et laisser vivre ?
Parce que l’establishment politique est toujours en ébullition.
Ils sont la nouvelle génération impérialiste, la descendance politique de ceux contre lesquels le Dr Mossadeq et bien d’autres comme lui, ont lutté.
Ils n’ont rien appris du passé et ne lèveront même pas leurs yeux sur un futur meilleur. C’est tellement démoralisant.
Stuart Littlewood est l’auteur du livre “Radio Free Palestine”, qui explique la détresse des Palestiniens sous l’occupation israélienne.