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Petit précis de désobéissance civile avec l’historien et militant Howard Zinn (publié 10/11)

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Article 34
Il y a oppression contre le corps social, lorsqu’un seul de ses membres est opprimé. Il y a oppression contre chaque membre lorsque le corps social est opprimé.

Article 35
Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.

(Deux derniers articles 34 et 35 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen du 24 juin 1793)

“La seule grande et toute puissante autorité naturelle et rationnelle à la fois, la seule que nous puissions respecter, ce sera celle de l’esprit collectif et public d’une société fondée sur l’égalité et la solidarité aussi bien que sur la liberté et sur le respect humain et mutuel de tous ses membres… Elle sera mille fois plus puissante soyez-en certains, que toutes les autorités divines, théologiques, métaphysiques, politiques et juridiques instituées par l’église et l’état, plus puissante que vos codes criminels, vos geôliers et vos bourreaux.”
~ Michel Bakounine ~

 


« On ne peut pas être neutre dans un train en marche »

 

Petit guide de la désobéissance civile en 7 points essentiels

 

Par Howard Zinn

 

Traduit de son livre “Disobedience and Democracy” (Vintage Book, 1968, pages 119-122) par Résistance 71

 

Déjà publié sur Résistance 71 le 28/10/11 :

https://resistance71.wordpress.com/2011/10/28/resistance-politique-petit-guide-de-la-desobeissance-civile-howard-zinn/

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Pour nous guider dans nos décisions de quand obéir et quand désobéir à la loi, peut-être pouvons-nous assembler pour nous-mêmes un petit guide, qui pourrait avoir cette forme pour squelette:

1-   La désobéissance civile est l’infraction délibérée et discriminative à la loi au nom d’une cause sociale vitale. Cela devient non seulement défendable mais nécessaire lorsqu’un manquement à un ou plusieurs droit humain est de rigueur et quand la voie légale n’est pas ou plus adéquate pour garantir ce droit. Ceci peut prendre la forme d’enfreindre une loi odieuse, de protester contre une ou des conditions injuste ou en moquant symboliquement une loi ou une condition existante. Cela pourra ou ne pourra pas être rendu légal à cause de la loi constitutionnelle ou de la loi internationale, mais son objectif est toujours de réduire l’écart entre la loi et la justice et ce dans un processus infini du développement de la démocratie.

2-   Il n’y a aucune valeur sociale à une obéissance générale à la loi, pas plus qu’il n’y a de valeur à une désobéissance générale à la loi. L’obéissance à de mauvaises lois est une façon d’inculquer une soumission abstraite à la “règle de la loi” et ne peut qu’encourager à la tendance déjà très forte pour les citoyens de s’incliner devant le pouvoir de l’autorité, de renoncer à défier le statu quo. Exalter la règle de la loi est une marque absolue de totalitarisme et il est très possible d’avoir une atmosphère de totalitarisme dans une société qui possède beaucoup des attributs d’une démocratie. Insister sur le droit des citoyens à désobéir à des lois injustes et le devoir des citoyens de désobéir à des lois injustes et dangereuses, est l’essence même de la démocratie, qui assume que le gouvernement et ses lois ne sont pas des choses sacrées, mais des outils servant certains buts: la vie, la liberté, le bonheur. Les outils ne sont pas indispensables, les buts si.

3-   La désobéissance civile peut parfois impliquer l’effraction de lois qui ne sont pas odieuses afin de pouvoir protester contre un problème important. Dans chaque cas, l’importance de la loi enfreinte devra être évaluée par rapport à l’importance de l’objet de la contestation. Une loi sur la circulation routière, temporairement désobéie, n’est pas aussi important que la vie d’un enfant renversé par une voiture; l’envahissement illégal de bureaux n’est en rien aussi sérieux que l’assassinat d’innocents dans une guerre, l’occupation illégale d’un bâtiment n’est pas aussi maléfique que le racisme dans l’enseignement. Comme non seulement des lois spécifiques, mais aussi des conditions générales peuvent devenir insupportables, les lois qui ne sont pas ordinairement dures, peuvent aussi être désobéies en signe de protestation.

4-   Si un acte spécifique de désobéissance civile est un acte moralement justifiable de protestation, alors l’emprisonnement de ceux qui s’engagent dans cet acte est immoral et se doit d’être opposé, et contesté jusqu’à la fin. Les manifestants ne doivent pas être plus amènes d’accepter la punition qui va avec l’infraction de la loi, que d’accepter la loi qu’ils enfreignent. Il se peut qu’il y ait des occasions où les manifestants désireront aller de leur plein gré en prison, voyant cela comme un moyen de continuer leur protestation, comme d’une façon de montrer à leurs concitoyens l’injustice occasionnée. Mais ceci est très différent que de dire que les manifestants qui enfreignent la loi doivent aller en prison car cela est la règle du jeu pour ceux qui commettent la désobéissance civile. Le point clé ici est de s’assurer que l’esprit même de la protestation doit être maintenu tout au long du processus, que ceci soit fait par le moyen de rester en prison ou en évitant d’y aller. Accepter  d’aller en prison comme faisant partie de la “règle du jeu” revient en fait à changer brusquement d’un état d’esprit combattant à un état d’esprit soumis, diminuant ainsi le sérieux de l’affaire et du processus de manifestation.

5-   Ceux qui s’engage dans la désobéissance civile doivent choisir des moyens d’action et des tactiques les moins violents possibles, remplissant de manière adéquate l’efficacité des objectifs à atteindre en fonction de l’importance du sujet. Il doit y avoir une relation raisonnable entre le degré de désordre occasionné et l’importance de l’affaire du moment. La différence entre nuire aux personnes et nuire aux biens et aux propriétés est à prendre en considération par dessus tout. Les tactiques employées contre les biens et propriétés peuvent inclure (là encore après évaluation de l’efficacité et de l’affaire): la dépréciation (comme le boycott), les dégâts matériels, l’occupation temporaire et l’appropriation permanente. Dans tous les cas de figures, la force de tout acte de désobéissance civile doit être clairement focalisée de manière discriminatrice sur l’objet de la cause de la protestation.

6-   Le degré de désordre causé dans l’acte de désobéissance civile ne doit pas être soupesé contre une “fausse paix” présumée existante dans le statu quo, mais contre le véritable désordre et la violence qui font parties de la vie quotidienne, exprimés ouvertement internationalement par les guerres, mais caché localement sous une façade “d’ordre”, qui embrouille la question de l’injustice dans la société contemporaine.

7-   Dans notre raisonnement et notre pensée au sujet de la désobéissance civile, nous ne devons jamais oublier que nous et l’État avons des intérêts divergents et nous ne devons pas être leurrés de l’oublier par les agents de l’État. L’État recherche le pouvoir, l’influence, la richesse, comme étant des finalités en eux-mêmes. L’individu recherche la santé, la paix, l’activité créatrice, l’amour. L’État par son pouvoir et sa richesse possède un réservoir sans fin  de portes-parole pour ses intérêts. Ceci veut dire que le citoyen doit comprendre le besoin de penser et d’agir pour et par lui-même, de concert avec ses concitoyens.

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Howard Zinn (né le 24 août 1922 à Brooklyn, New York, mort le 27 janvier 2010 à Santa Monica, Californie) est un historien et politologue américain, professeur au département de science politique de l’Université de Boston.
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, il s’engage dans l’armée de l’air et est nommé lieutenant bombardier naviguant. Son expérience dans l’armée a été le déclencheur de son positionnement politique pacifiste qui élève au rang de devoir la désobéissance civile2.
Il a été un acteur de premier plan du mouvement des droits civiques comme du courant pacifiste aux États-Unis.
Auteur de vingt livres dont les thèmes (histoire, monde ouvrier, désobéissance civile et « guerre juste » notamment) soulignent l’articulation entre ses travaux de chercheur et son engagement politique, il est particulièrement connu pour son best-seller Une histoire populaire des États-Unis, qui « l’a consacré comme l’un des historiens américains les plus lus, bien au-delà des campus américains » (Source Wikipedia)

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“La liberté de l’homme consiste uniquement en ceci qu’il obéit aux lois naturelles parce qu’il les a reconnues lui-même comme telles et non pas parce qu’elles lui ont été imposées de l’extérieur par une volonté étrangère, divine ou humaine, collective ou individuelle, quelconque.”
“En un mot, nous repoussons toute législation, toute autorité et toute influence privilégiée patentée, officielle et légale, même issue du suffrage universel, convaincus qu’elles ne pourront jamais tourner qu’au profit d’une minorité dominante et exploiteuse, contre les intérêts de l’immense majorité asservie.
Voilà dans quel sens nous sommes réellement des anarchistes.”
“Encore une fois, l’unique mission de la science, c’est d’éclairer la route. Mais seule la vie, délivrée de toutes les entraves gouvernementales et doctrinaires et rendue à la plénitude de son action spontanée, peut créer.”
~ Michel Bakounine ~

 

Il n’y a pas de solution au sein du système, n’y en a jamais eu et ne saurait y en avoir ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

 

Résistance politique: Message (posthume) aux pessimistes (Howard Zinn)

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Une merveilleuse victoire

 

Howard Zinn (2007)

 

Source: http://howardzinn.org/a-marvelous-victory/

 

~ Traduit de l’anglais par Résistsnce 71 ~

 

Dans ce monde de guerre et d’injustice, comment une personne peut-elle demeurer socialement engagée, motivée à la lutte et demeurer saine sans s’épuiser mentalement ni devenir résignée ou cynique ? j’ai totale confiance non pas dans ce que le monde va s’améliorer, mais dans ce que nous ne devons pas abandonner la partie avant que toutes les cartes n’aient été jouées. La métaphore est délibérée: la vie est un pari. Ne pas jouer est se condamner à ne jamais gagner. Jouer, agir, est de créer au moins une possiblité de changer le monde.

Il y a une tendance à penser que ce que nous voyons en ce moment va persister. Nous oublions à quel point nous avons souvent été étonnés par l’effondrement soudain des institutions. Par le changement extraordinaire de la pensée des gens, par l’éruption inattendue de la rébellion contre les tyrannies, par l’effondrement rapide des systèmes de pouvoir qui semblent pourtant invincibles.

Ce qui ressort de l’histoire des quelques derniers siècles, c’est son imprévisibilité flagrante. Une révolution pour renverser le tsar de Russie dans le plus limaçon des empires semi-féodaux non seulement a déclanché des puissances impérialistes avancées, mais prît Lénime lui-même par surprise et il dût se hâter vers Pétrograd en train. Qui aurait prédit le changement bizarre lors de la seconde guerre mondiale, le pacte germano-soviétique et ces photos embarassantes de Von Ribbentrop serrant la main de Molotov, puis l’armée allemande envahissant la Russie, apparemment invincible, causant des dégâts colossaux et étant repoussée aux portes de Stalingrad sur la frontière Ouest de Moscou, suivie de la défaite de l’armée allemande, du siège de Berlin et du bunker d’Hitler attendant la mort ? Puis le monde post-seconde guerre mondiale, prenant une forme que personne n’avait prédit par avance: la révolution chinoise, la tumultueuse et violente révolution culturelle, puis un autre renversement, la Chine de l’après Mao renonçant à ses idées ferventes et ses institutions, s’ouvrant à l’occident, câlinant les entreprises capitalistes, troublant tout le monde.

Personne n’a vu la désintégration si rapide du vieil empire occidental après la guerre ou la grande variété de sociétés qui seraient créées dans les nations nouvellement indépendantes, du socialisme villageois de Nyerere en Tanzanie à la folie de l’Ouganda voisin d’Idi Amin. L’Espagne devint aussi un autre étonnement. Je me souviens d’un vétéran de la brigade Abraham Lincoln qui me disait qu’il ne pouvait pas imaginer le fascisme espagnol tomber sans une guerre des plus sanglantes. Mais après le départ de Franco, une monarchie parlementaire s’en vint, ouverte aux socialistes, aux communistes, aux anarchistes, à tout le monde.

La fin de la seconde guerre mondiale laissa deux super puissances dans le monde ayant leur sphère d’influence respective, rivalisant pour le pouvoir militaire et politique. Et pourtant elles furent incapables de contrôler tous les évènements, même dans ces parrties du monde considérées comme faisant partie de leur sphère. L’échec de l’URSS en Afghanistan, sa décision de se retirer après près d’une décennie d’une sale intervention militaire, fut la plus forte preuve que détenir des armes thermnucléaires ne garantit nullement la domination sur une population bien déterminée à ne pas céder.

Les Etats-Unis ont dû faire face à la même réalité dans leur guerre ouverte en Indochine, perpétrant les pires bmbardements que cette péninsule n’ait subi de son histoire, que dis-je de l’histoire du monde, et pourtant la puissance américaine fut forcée de se retirer. Nous voyons tous les jours dans les manchettes des journaux des instances d’échec des présumés puissants sur les présumés faibles et sans défense, comme en Bolivie et au Brésil, où des mouvements populaires ouvriers et les pauvres ont élu de nouveaux présidents ayant juré de lutter contre le pouvoir entrepreneurial destructeur…

En contemplant ce catalogue d’énormes surprises, il devient clair que la lutte pour la justice ne doit jamais être abandonnée à cause de l’apparente puissance de ceux qui ont les armes et l’argent et qui semblent invincibles dans leur détermination à s’accrocher au pouvoir. Ce pouvoir apparent a , encore et encore, été prouvé vulnérable aux qualités humaines bien plus chétives que leurs bombes et leurs dollars: la ferveur morale, la détermination, l’unité, l’organisation, le sacrifice, l’intelligence, l’ingénuité, le courage, la patience, que ce soit par les noirs de l’Alabama et d’Afrique du Sud, aux paysant du Salvador, du Nicaragua et du Vietnam ou des ouvriers et des intellectuels de Pologne, de Hongrie et d’URSS. Aucun froid calcul de l’équilibre du pouvoir ne doit empêcher les gens d’agir sachant que leur cause est juste.

J’ai pourtant bien essayé de faire comme mes amis et d’entrer en pessimisme au sujet des affaires du monde (sont-ce juste mes amis ?), mais je passe mon temps à rencontrer des gens, qui en plus de toutes ces choses terribles se produisant partout, me donnent de l’espoir. Où que j’aille, je trouve des gens, spécifiquement des jeunes gens, sur lesquels le futur repose. Et au-delà d’une poignée d’activistes, il semble y avoir des centaines, des milliers et plus qui sont ouverts à des idées non-orthodoxes ; mais ils tendent à ne pas connaître l’existence des uns des autres et donc, bien qu’ils persistent, ils le font avec cette patience désespérée de Sisyphe poussant sans relâche sa pierre au sommet de la montagne. J’essaie de dire à chaque groupe qu’ils ne sont pas seuls et que les mêmes gens qui sont désemparés par l’absence d’un mouvement national sont eux-mêmes la preuve du potentielle d’un tel mouvement.

Le changement révolutionnaire ne vient pas d’un évènement cataclysmique (faites attention à de tels moments !!), mais par une succession sans fin de surprises, bougeant en zig-zag vers une société plus décente. Nous n’avons pas à nous engager dans de grandes actions héroïques pour participer au processus du changement. De petites actions, lorsqu’elles sont multipliées par des millions de gens, peuvent tranquillement devenir le pouvoir qu’aucun gouvernement ne peut supprimer., un pouvoir qui peut transformer le monde.

Même lorsque nous ne “gagnons” pas, il y a du plaisir et de la satisfaction dans le fait que nous avons été impliqués, avec d’autres gens, dans quelque chose qui vaut la peine. Nous avons besoin d’espoir. Un optimiste n’est pas nécessairement un siffleur insouciant dans les ténèbres de notre époque. Avoir de l’espoir dans les mauvaises périodes n’est pas être stupidement romantique. Cela est basé sur le fait que l’histoire humaine est une histoire non seulement de concurrence et de cruauté mais aussi de compassion, de sacrifice, de courage et de bonté.

Ce sur quoi nous choisissons d’insister dans cette histoire complexe déterminera nos vies. Si nous ne voyons que le pire, cela détruit notre capacité à entreprendre. Si nous nous rappelons ces époques et ces endroits, et il y en a tant, où les gens se sont comportés de manière si magnifique, cela énergétise, nous pousse à agir et lève au moins la possibilité de renvoyer ce monde toupie tourner dans une différente direction, Et si nous agissons, même petitement, nous n’avons pas à attendre pour un quelconque grand futur utopique. Le futur est une infinie succession de présents et vivre maintenant de la manière dont nous pensons que les êtres humains devraient vivre, en défi de tout ce qui est malsain et mauvais autour de nous, est déjà en soi une merveilleuse victoire.

L’empire à nu… Connaître l’histoire pour ne plus se faire rouler dans la farine… (Howard Zinn)

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Honneur à Howard Zinn pour ouvrir le bal 2015 ! Texte écrit en 2006 sous Bush, la validité et l’actualité de ce texte 9 ans plus tard est stupéfiante…

— Résistance 71 —

 

Les leçons sur la guerre d’Irak commencent avec l’histoire des Etats-Unis

 

Howard Zinn

 

Mars 2006

 

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

 

En ce 3ème anniversaire de la débâcle en Irak du président Bush, il est important de considérer pourquoi le gouvernement a si facilement berné tant de gens à soutenir la guerre.

Je pense qu’il y a deux raisons essentielles, qui sont profondément ancrées dans notre culture nationale.

La première est l’absence quasi-totale de perspective historique. La seconde est une inhabilité de penser en dehors des limites du nationalisme.
Si nous ne connaissons pas l’histoire, alors nous sommes bons à être mangés tout cru par nos politiciens carnivores et par les intellectuels et les journalistes qui leur donnent les couteaux à découper. En revanche, si nous connaissons un peu d’histoire, si nous sommes au courant du nombre de fois où des présidents nous ont menti, alors on ne nous y reprendra pas.
Le président Polk a menti à la nation sur les raisons du pourquoi nous entrions en guerre contre le Mexique en 1846. Cela n’avait absolument rien à voir avec le fait que soi-disant “les Mexicains avaient versé le sang américain en territoire américain” et tout à voir avec le fait que Polk et l’aristocratie esclavagiste américaine convoitaient la vaste majorité du territoire mexicain.
Le président McKinley a menti en 1898 sur les raisons d’envahir Cuba, disant que nous voulions libérer les Cubains de l’emprise espagnole, mais en fait il voulait que les Espagnols quittent Cuba pour libérer la place pour des entreprises américaines comme United Fruit et autres. Il a aussi menti au sujet des raisons de notre guerre contre les Philippines, clâmant que nous ne voulions que “civiliser” les Filipinos, alors que la véritable raison était de posséder un bon bout de terrain dans l’Asie profonde, et ce aux dépends de la vie de centaines de milliers de Philippins qui y perdirent la vie.

Le président Wilson a menti sur les raisons de l’entrée des Etats-Unis dans la première guerre mondiale disant que ce fut une guerre “pour rendre le monde plus sécure pour la démocratie”, tandis que ce n’était en fait qu’une guerre pour rendre le monde plus sécure pour la puissance américaine montante.

Le président Truman a menti quand il a dit que la bombe atomique fut larguée sur Hiroshima parce qu’elle était une “cible militaire” et tout le monde a menti au sujet du Vietnam, le président Kennedy a menti au sujet de l’amplitude de notre engagement, le président Johnson au sujet de l’incident du Golfe du Tonkin et le président Nixon au sujet du bombardement secret du Cambodge (et du Laos). Ils ont tous affirmé que la guerre était nécessaire pour maintenir le Vietnam du Sud libre du communisme, mais ce qu’ils voulaient vraiment était de maintenir le Vietnam comme un poste avancé américain à la lisière du continent asiatique. Le président Reagan a menti au sujet de l’invasion de la Grenade, affirmant de manière erronée qu’elle représentait une menace pour les Etats-Unis.

Le père Bush a menti au sujet de l’invasion de Panama, menant à la mort des milliers de gens ordinaires de ce pays et il a encore menti au sujet des raison d’attaquer l’Irak en 1991, pas pour protéger l’intégrité du Koweït, mais plutôt pour affirmer la puissance américaine dans le Moyen-Orient riche en pétrole.

Il y a même un plus gros mensonge: L’idée arrogante que ce pays est le centre de l’univers, exceptionnellement vertueux, admirable, supérieur et indispensable.

Si notre point de départ pour évaluer le monde autour de nous est la croyance ferme en ce que cette nation est quelque part frappée par la Providence avec des qualités uniques qui la rendent moralement supérieure à tout autre nation sur terre, alors il y a peu de chances que nous questionnions le président lorsqu’il dit que nous envoyons des troupes ici et là ou que nous bombardons là-bas, afin de disséminer nos valeurs, la démocratie, la liberté et n’oublions pas au passage la libre-entreprise, dans des endroits du monde littéralement “oubliés de dieu” selon l’expression consacrée.
Mais nous devons faire face à certains faits qui perturbent l’idée d’une nation uniquement vertueuse.

Nous devons faire face à notre très longue histoire de nettoyage ethnique, par lequel le gouvernement américain a expulsé des millions d’Indiens natifs de leurs territoires en les massacrant et en les évacuant de force.

Nous devons faire face à notre longue histoire esclavagiste qui n’est toujours pas derrière nous, de politique de ségrégation et foncièrement raciste.
Et nous devons faire face à la mémoire persistante d’Hiroshima et de Nagasaki.

Ceci n’est pas une histoire dont nous pouvons être fiers.

Nos leaders l’ont pris pour argent comptant et ont planté la croyance dans les esprits que nous sommes autorisés a tout faire à cause de notre supériorité morale, à dominer le monde. Les deux partis politiques républicain et démocrate ont embrassé cette notion.
Mais sur quoi l’idée même de notre supériorité morale est-elle fondée ? Une façon bien plus honnête de nous évaluer en tant que nation nous préparerait tous pour le prochain tir de barrages de mensonges qui va immanquablement accompagné la prochaine proposition d’infliger notre pouvoir et notre puissance sur une autre partie du monde.
Cela pourrait nous inspirer de créer une histoire différente pour nous-mêmes, en écartant notre pays des menteurs qui le gouvernent et en rejetant cette arrogance nationaliste de façon à ce que nous rejoignions les gens autour du monde pour la cause commune de la paix et la justice.

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Source:

http://howardzinn.org/lessons-iraq-war-start-with-us-history/

Changement de paradigme politique: Le système est au-delà de toute rédemption (Howard Zinn)

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Peut-on fixer le système ?

 

Howard Zinn

 

Boulder, Colorado, 2002

 

~ Extraits d’un entretien traduit par Résistance 71 ~

 

Note du traducteur: Ces extraits font partie d’un entretien que l’historien Howard Zinn a eu sur la radio KGNU (Boulder et Denver) en Août 2002. Il y répondait à des questions d’un journaliste indépendant. Nous en avons traduit la teneur la plus importante à nos yeux.

Q: La crise actuelle du capitalisme est-elle systémique ? (Notons ici que cet entretien a eu lieu 6 ans avant le début de la crise actuelle et le mot “crise” y est déjà prononcé…)

HZ: C’est systémique dans le sens où ce n’est pas juste une abération qui va disparaître si et quand quelques escrocs entrepreneuriaux se retrouveront en prison… La maladie fondamentale du système demeurera et ce même si la bourse remonte et si les pires excès du système corporatiste ont été légèrement corrigés, les problèmes fondamentaux demeureront. Ceci est essentiellement dû à la très mauvaise distribution de la richesse, où 1% de la population possède plus de 40% de la richesse de cette nation, où il y a d’énormes salaires au sommet et des gens dans la misère en bas, des gens sans abris, beaucoup d’américains vivant dans des logements de plus en plus insalubres, incapables de payer les loyers.

C’est systémique, parce qu’il y a une énorme erreur dans le système. Je pense que ce qui est fondamental au système capitaliste est un problème systémique, en l’occurence que le profit, les bénéfices sont la force dominante qui décide de ce qui doit être fait dans la société. C’est la base. Cet aspect de dégager des bénéfices veut dire que des habitations à loyer modéré ne seront pas construites pare qu’il n’y a pas d’argent à faire là-dessus. Les salaires des enseignants ne seront pas doubblés comme ce devrait être le cas. Les rivières, les lacs et les océans ne seront pas nettoyés parce qu’il n’y a aucun bénéfice pécunier à en tirer […]

L’incentif du profit, que les gens qui veulent glorifier notre système qualifient de chose merveilleuse, va peut-être mener à une production énorme de façon à ce que le PIB augmente et augmente, mais si vous regardez bien ce qui constitue ce PIB, c’est très… dégeulasse (NdT: Ici Zinn joue avec les mots disant que c’est “gross”, dégueulasse, tandis que PIB en anglais se dit Gross Domestic Product ou GDP, “gross” voulant dire là “brut”…). Il consiste en choses qui ne résolvent pas vraiment les besoins quotidiens des citoyens ordinaires. Il consiste essentiellement en machines de guerre et en produits de luxe pour les riches.

[…]

De plus en plus de pays souffrent non seulement de nos multinationales et de leurs actions, mais aussi des interventions du FMI et de la Banque Mondiale. Ce n’est donc pas systémique aux Etats-Unis, mais au monde en général, dû au fait que les Etats-Unis le dominent.

Note du traducteur: Suit une question demandant à HZ de réagir sur une citation d’Antonio Gramsci: “Le vieux (monde) se meurt et le nouveau ne peut pas naître. Dans cet intervalle, une grande variété de symptômes morbides apparaissent.

HZ: […] Le vieux système commence à révéler ce qui ne va pas de manière qui va provoquer l’émergence du nouveau, car de plus en plus de gens se révoltent contre le vieux système. Les gens qui apparemment non aucun pouvoir en ont en fait un énorme. […] Bien qu’un nouveau mode de vie, de société, n’a pas encore émergé, il y a des gens partout dans le monde qui commencent à compendre que quelque chose est fondamentalement mauvais et que quelque chose doit vraiment être fait. Vous pourriez dire qu’ils sont les graines de la rébellion contre le vieux système et les premiers signes de l’émergence de quelque chose de nouveau.

La question suivante se rapporte à la description du colonialisme faite par Joseph Conrad dans son livre “Au cœur des ténèbres” publié en 1902 et de la brutalité des atrocités de la Belgique au Congo. Howard Zinn commente…

HZ: […] Ceci est quelque chose qui s’est produit en Afrique et dans d’autres parties du monde au XIXème siècle et précédemment et se produit toujours au XXème et en ce moment. Regardez la politique américaine en Amérique Latine. Que pourrait-être plus violent et moche que ce que les Etats-Unis ont fait en Amérique Latine depuis plus de cent ans ?

[…]

En fait, le gouvernement des Etats-Unis n’a fait qu’intervenir au service des intérêts des compagnies pétrolières, de l’industrie du sucre, des banques et des chemins de fer…

Lorsque les Etats-Unis ont mis Pinochet au pouvoir en 1973 au Chili, ceci s’est produit en résultat direct de l’influence d’ITT et des cuivres Anaconda dans le renversement du gouverement démocratiquement élu de Salador Allende. Au Guatémala, le gouvernement du président Jacobo Arbenz, le chef d’un autre gouvernemnt démocratiquement élu, qui fut renversé en relation directe de la relation entre l’United Fruit Company (NdT: dont un des deux frères Dulles était un administrateur, l’autre étant… patron de la CIA…) et le gouvernement Eisenhower. Ce que décrit Joseph Conrad a toujours cours aujourd’hui.

[…]

Pouvons-nous indiquer les choses merveilleuses qui se sont produites dans les pays sous contrôle et influence américains ? Pouvons-nous indiquer le bonheur se produisant en Indonésie lorsque les Etats-Unis ont soutenu le régime de Suharto dans sa guerre contre le Timor oriental et les communistes, campagne qui fit des centaines de milliers de morts ? L’impérialisme est toujours aussi moche et aussi brutal qu’il l’a toujours été ; mais il semble important pour ses défenseurs intellectuels de venir s’épancher dans les pages du New York Times magazine et ailleurs pour essayer de donner bonne mine à ce que sont toujours “les guerres sauvages de la paix” de Kipling.

Note: Une autre question mentionne l’ancien général de l’USMC Smedley Butler expliquant le comment et le pourquoi l’armée américiane agit comme le racketteur au profit des transnationales qui dirige le gouvernement américain.

HZ: Smedley Butler est un des grands lanceurs d’alerte de l’histoire de cette nation. Une de ces personnes qui sortent de l’establishment dont elles font partie et exposenr au grand jour ce qui est fait. Elles le font avec grande autorité parce qu’elles ont participé à ce qu’elles dénoncent.

[…]

L’histoire de l’expansionnisme américain est si longue et odieuse que si vous la connaissiez, vous ne pourriez pas parler de bons motifs. Seulement un manque de connaissance de l’histoire permet aux gens de croire que la puissance américaine va être utilisée pour de bonnes choses. L’histoire remonte à l’extermination des peuples et nations indiens, puis de la guerre avec le Mexique et jusqu’à aujourd’hui avec le soutien aux forces armées de Colombie et la soi-disante guerre contre le terrorisme.

[…]

Parlant d’armes de destruction massive et de Saddam Hussein, les Etats-Unis disent qu’il a utilisé ces armes. C’est vrai. Hussein a gazé les Kurdes en 1988, mais les Etats-Unis ne l’ont pas désapprouvé à cette époque. Les Etats-Unis ont utilisé leurs armes de destruction massive de bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki à la guerre du Golfe en passant par le Vietnam, ce qui a provoqué des pertes en vies humaines bien plus importantes que n’importe quel autre pays au monde. Il est très hypocrite de la part des Américains de parler des armes de destruction massive.

[…]

En fait, personne ne devrait être surpris. Les citoyens n’ont jamais eu l’opportunité d’exprimer leur désaccord lorsque le pays est envoyé à la guerre. Une des raisons en est que les médias ont toujours été alignés avec la politique du gouvernement pour préparer et aller à la guerre. Nous n’avons jamais eu de système véritablement ouvert et transparent. C’est en fait tout le contraire, le système est fermé de manière plus hermétique au fil des ans.

[…]

Ainsi les autres pays ne se voient pas bénéficier de la domination américaine du pétrole au Moyen-Orient.

= = =

Source:

“Original Zinn, conversations on History and Politics”, David Barsamian, Harper Perennial, 2006, chapitre 1.

Envisager un changement radical de société: Remettre en cause le soi-disant inéluctable avec Howard Zinn…

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, économie, démocratie participative, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, pédagogie libération, philosophie, politique et social, résistance politique with tags , , , , , , , , , , , , , , , on 17 octobre 2014 by Résistance 71

« J’ai commencé à vraiment comprendre certaines choses sur l’anarchisme dans les années 1960, en lisant l’autobiographie d’Emma Goldman, en lisant Alexandre Berkman, Pierre Kropotkine et Michel Bakounine. L’anarchisme veut dire pour moi une société où vous avez une véritable organisation démocratique de la société, tant dans la prise de décision politique, que dans l’économie où l’autorité du capitalisme n’existe plus… Les gens auraient une véritable décision de leur destinée, dans laquelle ils ne seraient plus forcés de choisir entre deux partis politiques, qui ne représentent en rien les intérêts du peuple. Je vois donc l’anarchisme comme un moyen de démocratie politique et économique et ce dans le meilleur sens du terme. »

– Howard Zinn (2006) –

 

Au sujet de récompenser les gens pour leur talent ou leur travail assidu

 

Howard Zinn (1999)

 

Source:

http://howardzinn.org/on-rewarding-people-for-talents-and-hard-work/

 

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

 

Il y a deux problèmes ici: Premièrement, pourquoi devrions-nous accepter notre définition culturelle de ces deux facteurs ? Pourquoi devrions-nous accepter que le “talent” de quelqu’un qui écrit les jingles, musiques pour une entreprise de publicité faisant de la pub pour de la nourriture pour chiens et qui gagne 100 000 US$ par an (NdT: en 1999) est supérieur au talent d’un mécanicien automobile qui ne gagne que 40 000 US$ par an ? Qui a le droit de dire que Bill Gates travaille plus dur que le plongeur dans un restaurant qu’il fréquente, ou que le CEO d’un hôpital qui gagne 400 000 US$ par an travaille plus dur que l’infirmière qui ne fait que 30 000 US$ par an ?

Le président de l’université de Boston gagne 300 000 US$ par an. Travaille t’il plus dur que l’homme qui nettoie son bureau et ceux de l’université ? Le talent et le travail sont des facteurs qualitatifs qui ne peuvent pas être mesurés quantitativement. Comme il n’y a pas de moyens de les mesurer quantitativement, nous acceptons la mesure qui nous est donnée par les mêmes personnes qui bénéficient de cette mesure !

Je me rappelle de Fiorello Laguardia se tenant devant le Congrès des Etats-Unis dans les années 1920, argumentant contre une loi fiscale qui bénéficierait au ministre du trésor, Andrew Mellon et demandant si Mellon travaillait plus dur que la ménagère d’East Harlem qui devait élever trois enfants sur un maigre revenu. Et comment mesurez-vous le talent d’un artiste, d’un musicien, d’un poète, d’un acteur, d’un romancier, dont la plupart dans cette société, ne peuvent pas faire suffisamment d’argent pour survivre contre le talent des chefs de quelque entreprise que ce soit.

Je défie quiconque de mesurer quantitativement les qualités de talent et de travail Il y a une seule réponse possible à mon défi: les heures de travail contre les heures de loisir. Oui, ceci constitue une mesure quantitative. Et bien avec cette mesure, la ménagère devrait recevoir bien plus que les exécutifs des entreprises. Et le travailleur qui a deux boulots (NdT: c’est légal aux Etats-Unis) et il y en a des millions et qui n’a pratiquement aucun temps de loisir, devraient être récompensés bien mieux que l’exécutif d’entreprise qui peut prendre des pauses repas de deux heures, a tous ses week-ends dans sa résidence secondaire et prend ses vacances en Italie ou sur la Riviera française.

Puis vient la seconde question: Pourquoi le “talent et le travail”, même si vous pouviez les mesurer quantitativement, devraient-être le critère pour les “récompenses” (à savoir de l’argent)? Nous vivons dans une culture qui nous enseigne comme s’il y avait une vérité venue du ciel, alors qu’en fait cela ne sert que les intérêts des riches, spécifiquement dès lors qu’ils ont déterminé pour nous (comme remarqué ci-dessus) comment définir “le talent et le travail assidu”.

Pourquoi ne pas utiliser un critère alternatif pour la récompense ? Pourquoi ne pas récompenser les gens en fonction de leurs conributions à la société, de ce qu’il y apportent ? Ainsi l’éducateur social s’occupant d’enfants ou de personnes âgées, ou l’infirmière, ou l’enseignant ou l’artiste, devraient gagner bien plus que l’exécutif d’une entreprise construisant des voitures de luxe et devraient gagner bien plus que ces exécutifs d’entreprises fabriquant des bombes, des armes nucléaires ou des polluants chimiques. Mieux encore, pourquoi ne pas utiliser comme critère de rémunération ce dont les gens ont besoin pour vivre décemment et comme tout le monde a grosso modo les mêmes besoins basiques il n’y aurait pas de grande différence dans le revenu mais tout le monde aurait largement assez pour manger, se loger, subvenir à ses besoins de santé, d’éducation, de loisir, de vacances.

Bien sûr il y a toujours l’objection standard qui dit que si on ne rémunère pas des gens avec de gros salaires, la société s’effondrerait, parce que le progrès dépend de ces gens à gros salaires. Un argument très contestable. Où est la preuve que les gens ont besoin de gros salaires pour leur donner un incentif de faire des choses importantes ?

En fait, nous avons bien des preuves que l’incentif du profit et de la richesse mène à des choses très destructives. Quoi que ce soit qui rapporte sera produit. Ainsi, les armes nucléaires étant plus profitables que les crèches, elles seront plus produites. Les gens font des choses merveilleuses (enseignants, médecins, infirmières, artistes, scientifiques, inventeurs), sans avoir à la clef d’énormes revenus ou profits. Parce qu’il y a d’autres récompenses que les récompenses monétaires, qui font bouger les gens à produire de bonnes choses, la récompense de savoir que vous contribuez grandement à la société, la récompense de gagner le respect des gens autour de vous. S’il devait y avoir des incentifs pour récompenser certains types de travaux, ces incentifs devraient aller aux personnes faisant les travaux les plus ingrats et les plus indésirables de façon à être sûr que le travail soit fait et bien fait. Je travaillais dur en tant que prof d’université, mais mon travail était plaisant en comparaison de celui de la personne qui venait nettoyer mon bureau. selon quel critère, autre que celui artificiellement créé par notre culture, suis-je enclin à plus d’incentif que cette personne ? Ceci vaut également pour tout professeur de droit ou autre…

D’autre part, si vous pouviez montrer que le talent et le travail assidu, aussi stupidement défini que notre culture les définissent, devraient déterminer les revenus, en quoi cela concerne t’il les petits enfants ? Ils n’ont pas encore eu “la chance de démontrer leur talent ou leur capacité à travailler dur”, donc pourquoi certains devraient-ils vivre dans le luxe et d’autres dans la pauvreté ? Pourquoi les bébés de riches devraient avoir plus de chances de vivre que les bébés des pauvres, tant il est défini que le taux de mortalité infantile est plus important chez les pauvres que chez les riches ?

Ok, soyons pratiques. Nous sommes, comme nous le savons, loin d’achever une société égalitaire, mais nous pouvons sans aucun doute bouger dans cette direction au moyen d’un véritable impôt sur le revenu progressif, avec un gouvernement assurant un revenu minimum décent, des soins, de l’éducation et le logement pour chaque famille. Pour les gens, en général aisés, qui s’inquiètent de ce que tout le monde ait un revenu identique, vous pouvez appaiser leurs craintes et leur disant que l’égalité absolue n’est pas possible ni même désirable, mais que les différences entre les revenus et les richesses accumulées ne doivent pas être aussi grandes, extrêmes qu’elles ne le sont ; qu’il devrait y avoir un standard de vie minimum pour tous, spécifiquement pour les enfants, qui sont d’innocentes victimes de toute ce philosophage grandiloquent au sujet de la richesse et de la pauvreté.

First published at ZCommunications • November 25, 1999

Illusion démocratique: Ce que nous enseigne l’histoire… (Howard Zinn)

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, démocratie participative, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, ingérence et etats-unis, militantisme alternatif, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, philosophie, politique et social, société libertaire, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , , on 17 juillet 2013 by Résistance 71

La révolte prochaine des gardes

 

Howard Zinn

 

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

 

Note de Résistance 71:

Ce texte correspond à des extraits du chapitre 23 du livre d’Howard Zinn “Une histoire populaire des Etats-Unis de 1492 à nos jours”, réédition en langue anglaise de 2005 (1ère édition, 1980) que nous avons traduits.

La version française du livre existe aux Editions Agone (2008) et nous ne pouvons qu’encourager nos lecteurs à se procurer ce livre, car il constitue une véritable mine d’or d’information afin de vraiment comprendre pourquoi le monde d’aujourd’hui est ce qu’il est et sous domination américaine. En politique et donc en histoire, rien n’arrive vraiment par hasard et comprendre la véritable histoire des Etats-Unis, c’est comprendre comment l’empire en est arrivé là et pourquoi nous sommes au bord de la 3ème guerre mondiale aujourd’hui.

 

~ Le titre de ce chapitre n’est pas une prédiction mais un espoir, que je m’en vais vous expliquer…

Toutes les histoires de ce pays centrées sur les pères fondateurs de la nation et de ses présidents pèsent oppressivement sur la capacité d’agir des citoyens ordinaires. Elles suggèrent toujours qu’en temps de crise, nous devons chercher quelqu’un pour nous sauver: les pères fondateurs dans la crise révolutionnaire, Lincoln dans la crise de l’esclavage, Roosevelt dans la crise de la grande dépression, Carter dans la crise du Vietnam / Watergate et qu’entre ces crises occasionnelles, tout va bien et qu’il est suffisant pour nous d’être restaurés à cet état normal des choses. Elles nous enseignent que l’acte suprême de la citoyenneté est de choisir parmi les sauveurs en nous isolant dans un bureau de vote tous les quatre ans environ afin de choisir entre deux hommes blancs anglo-saxons, riches et de personnalité inoffensive possédant des opinions orthodoxes.

L’idée même du sauveur a été construite dans toute la culture, bien au-delà de la politique. On nous a appris à regarder les vedettes, les leaders, les experts dans chaque domaine, comme des dieux, nous forçant à abdiquer nos propres forces, à ne plus croire en nos propres capacités, à nous annihiler nous-mêmes. Mais de temps en temps, les Américains rejettent cette idée et se rebellent.

Les rebellions ont jusqu’ici été contenues, car le système américain est le système de contrôle le plus ingénieux de l’histoire du monde. Dans un pays si riche en ressources naturelles, en talent, et en force de travail, le système peut se permettre de distribuer juste assez de richesse à juste suffisamment de personnes pour limiter le mécontentement à une minorité à problèmes.

[…]

Il n’y a pas de système de contrôle avec plus d’ouvertures, d’apertures, de flexibilité, de récompenses pour ceux qui ont été choisis et de tickets gagnants à la lotterie. Il n’y en a aucun qui disperse son contrôle de manière plus complexe à travers le système électoral, la situation de l’emploi, l’église, la famille, l’école, les médias de masse, aucun ayant plus de succès à assouplir l’opposition avec des réformes, isoler les personnes les unes des autres, à créer une loyauté patriote.

Un pourcent de la population possède un tiers de la richesse (NdT: depuis c’est bien pire… 1% détient plus de 40% de la richesse nationale). Le reste de la richesse est distribué de telle façon que cela crée une opposition au sein des 99% restant: les petits propriétaires contre ceux qui n’ont rien, les noirs contre les blancs, les citoyens “de souche” contre ceux d’ascendance étrangère, les intellectuels et éduqués contre les manuels et les ignares. Ces groupes se sont détestés et se sont combattus l’un l’autre avec tant de véhémence et de violence que cela a obscurci leur position commune de partageurs des miettes dans ce qui est un pays très riche.

Contre la réalité de cette bataille amère et désespérée pour des ressources rendues rares par le contrôle de l’élite, je prends la liberté d’unifier ces 99% restant et de les nommer “le peuple”. J’ai écrit une histoire qui tente de représenter leur intérêt commun, submergé et dévié par la même élite. Insister sur la communalité des 99%, déclarer un profond conflit d’intérêt avec le 1%, c’est faire exactement ce que tous les gouvernemets des Etats-Unis et les élites richissimes qui leurs sont alliées, des pères fondateurs à aujourd’hui, ont essayé d’empêcher. Madison avait peur d’une “faction majoritaire” et espérait que la nouvelle constitution la contrôlerait. Lui et ses collègues commencèrent le préambule avec les mots “Nous, le peuple…” prétendant que le nouveau gouvernement représenterait tout le monde et espérant que ce mythe, accepté pour fait, assurerait la “tranquilité intérieure”.

[…]

Mais même avec tous les contrôles du pouvoir et les punitions infligées, les attractions et concessions, diversions et leurres, opérant au gré de l’histoire de la nation, l’establishment n’a pas été capable de se maintenir en sécurité de la révolte. Chaque fois qu’il a pensé avoir réussi, les mêmes gens qu’il pensait avoir réduits, séduits, soumis, sortirent de leur torpeur et se soulevèrent. Les noirs cajolés par les décisions de la cour suprême de justice et les statuts du congrès se rebellèrent. Les femmes, ignorées et villipendées, romantisées et maltraitées, se sont rebellées. Les Indiens, que tout le monde croyait morts, sont réapparus, défiants. Les jeunes, malgré les leurres de carrières confortables, ont déserté. La classe laborieuse, pensée calmée par les réformes, réduites par la loi, maintenue dans les lignes imparties par leurs propres syndicats, se mît en grève. Les fonctionnaires intellectuels, ayant juré silence et obéissance, commencèrent à fuiter des secrets d’état. Les prêtres passèrent de la piété à la protestation.

Rappeler ceci aux gens, c’est leur rappeler ce que l’establishement voudrait tant qu’ils oublient: cette énorme capacité qu’ont les gens en apparence sans défense de résister, et des gens en apparence contentés de demander le changement. Découvrir cette histoire, c’est trouver une forte impulsion humaine pour réaffirmer son humanité. C’est conserver et ce même dans des temps de pessimisme profond (NdT: comme la période historique que nous traversons depuis le tout début du XXIème siècle…), la possibilité d’une grande surprise.

Il est vrai que sur-estimer la conscience de classe, exagérer les succès de la rébellion, serait trompeur. Cela ne tiendrait pas compte du fait que le monde, pas seulement les Etats-Unis, mais partout, est toujours sous le joug des élites, que les mouvements populaires, même s’ils démontrent une énorme capacité de récurrence, ont été jusqu’ici soit défaits, soit absorbés, soit pervertis, que les “révolutionnaires socialistes” ont trahi le socialisme, que les révolutions nationalistes ont mené à de nouvelles dictatures. Mais la plupart des historiographies sous-estiment la révolte, insistent par trop sur l’étatisme et ainsi encouragent l’impotence et la résignation des citoyens. Lorsque l’on étudie de près les mouvements de résistance et même les formes isolées de rebellion, nous découvrons que la conscience de classe, ou toute autre prise de conscience d’une injustice, a en fait plusieurs niveaux. Elle a plusieurs niveaux d’expression, plusieurs manières de se révéler, ouverte, subtile, directe, cachée, détournée. Dans un système d’intimidation et de contrôle, les gens ne montrent pas tout ce qu’ils savent, leurs sentiments profonds,  jusqu’à ce que le sens pratique les informe qu’ils peuvent le faire sans être détruits.

[…]

Dans une société hautement développée, l’establishment ne peut pas survivre sans l’obéissance et la loyauté de millions de gens à qui on donne de petites récompenses pour maintenir le système en état de fonctionnement: les soldats et la police, les enseignants et les ministres, les administrateurs et les travailleurs sociaux, les techniciens et les travailleurs de production, les médecins, avocats, infirmières, travailleurs des transports et des communications, éboueurs et gens de voirie, pompiers ; tous ces gens, les employés, quelque part les privilégiés, sont attirés à faire alliance avec l’élite. Ils deviennent les gardes du système, les tampons entre les classes supérieures et inférieures. S’ils arrêtent d’obéir, le système s’effondre.

Ceci arrivera, je pense, seulement lorsque tous et toutes qui sommes un peu privilégiés et un peu mal à l’aise, commencerons à voir que nous sommes comme les matons de la prison d’Attica en révolte, de la chair à canon, que l’establishment, quelques soient les récompenses qu’il nous donne, nous tuera également, si cela est nécessaire pour maintenir le contrôle.

Certains faits nouveaux, dans notre époque, émergent de manière si claire, que cela peut mener à un retrait général de la loyauté au système. Les nouvelles conditions de l‘économie, de la technologie, et de la guerre, dans l’ère atomique, rend de moins en moins possible pour la garde du système, les intellecteuls, les propriétaires fonciers, les contribuables, les travailleurs qualifiés, les professionnels, les fonctionnaires, de rester immunisés contre la violence (physique et psychologique) infligée aux noirs, aux pauvres, aux criminels, aux ennemis étrangers…

Nous sommes tous devenus les otages de nouvelles conditions de la technologie de l’apocalypse, d’une économie à la dérive, de l’empoisonnement globalisé, de guerre incontenable. Les armes atomiques, les radiations invisibles, le chaos économique, ne font pas de distinction entre les gardes et les prisonniers et ceux en contrôle n’auront aucun scrupule de ne pas faire la différence. Gardons à l’esprit cette réponse de l’état-major des armées à la nouvelle en 1945 que des prisonniers de guerre américains pouvaient être stationnés à côté de Nagasaki, la réponse fut: “Les cibles déterminées au préalable demeurent inchangées”.

Il y a des preuves d’une insatisfaction grandissante parmi les gardes. Nous savons depuis un moment déjà que les pauvres et les ignorés du système constituaient la masse de ceux qui ne votent pas, aliénés qu’ils sont du système politique dont ils pensent ne pas être aimés. Maintenant l’aliénation s’est propagée bien au-delà de la ligne de pauvreté. Il y a ces ouvriers blancs, ni pauvres ni riches, mais en colère contre l’insécurité économique, mécontent de leur travail, inquiets au sujet de leur voisinage, hostile aux gouvernements, combinant des éléments de racisme et de conscience de classe, méprisant la classe inférieure et détestant les élites et donc ouverts à toute suggestion politique de droite comme de gauche.

[…]

Nous pourrions bien, dans les années à venir, nous retrouver dans une course pour le mécontentement de la classe moyenne (NdT: écrit dans les années 1990, ceci était visionnaire, car depuis le début de la crise de 2007, c’est ce qu’il se passe de fait…).

Le fait de ce mécontentement est clair. Les recherches en la matière depuis le début des années 1970, montrent que 70 à 80% des citoyens américains ne font confiance ni aux gouvernements ni à l’armée, ni au système entrepreneurial. Ceci veut dire que le manque de confiance va bien au-delà des noirs, des pauvres et des radicaux de tout poil. Il s’est propagé au sein même des travailleurs qualifiés, des cols blancs, des professionnels du service, et pour la première fois de l’histoire de cette nation, peut-être qu’à la fois les classes du bas et les classes moyennes, les prisonniers et les gardes, ont été désillusionnés par le système.

Il y a d’autres signes qui ne trompent pas: augmentation de l’alcoolisme, nombre de divorces plus important (de un sur trois on est passé à un sur deux couples qui divorcent…), augmentation des consommations de drogues et de tranquilisants, augmentation des dépressions nerveuses et maladies mentales. Des millions de gens ont désespérément cherché des solutions à leur sentiment d’impuissance, leur solitude, leur frustration, leur aliénation aux autres, au monde, à leur travail, à eux-mêmes. Ils ont adopté d’autres religions, ont rejoint des groupes, comme si une nation entière se retrouvait en thérapie de groupe. Ceci intervient dans une époque où la classe moyenne est de plus en plus insécure économiquement.

[…]

Le capitalisme a toujours été un échec pour les classes sociales inférieures, maintenant le capitalisme est en train d’échouer avec les classes moyennes. La menace du chômage, toujours présente dans les foyers des pauvres, s’est propagée aux cols blancs, aux professionnels. Un diplôme universitaire n’est plus une garantie contre le chômage et un système qui ne peut plus assurer un futur aux jeunes qui sortent des écoles et universités a de sérieux problèmes. Si cela ne se passe que pour les enfants des pauvres, la situation est gérable, il y a les prisons. Si cela arrive aux enfants de la classe moyenne, alors tout peut très vite devenir hors de contrôle. Le pauvre a l’habitude d’être pressé et de ne pas avoir d’argent. Mais ces dernières années, la classe moyenne également a commencé à sentir le vent du boulet de la hausse des prix et de l’augmentation des impôts.

[…]

Dans les dernières décennies, la peur d’un assaut criminel a été rejoint par une plus grande peur encore. Les morts par cancer ont commencé à se multiplier et les chercheurs médicaux semblaient impuissants à en connaître la cause. Il est devenu de plus en plus évident que la cause de ces morts provenait de l’environnement empoisonné par les expériences militaires et la gourmandise commerciale de l’industrie. L’eau que les gens boivent, l’air qu’ils respirent, les particules de poussière des bâtiments dans lesquels ils travaillent, ont été doucement contaminés au fil des ans par un système si avide de croissance et de profits que la santé et le bien-être des êtres humains ont été totalement ignorés. Un nouveau danger mortel apparût bientôt: le virus HIV donnant le SIDA, qui se répandit très rapidement chez les homosexuels et les drogués.

Au début des années 90, le faux socialisme du système soviétique tomba et le système américain senbla devenir totalement hors de contrôle, une fuite en avant capitaliste, une fuite en avant technologique, une fuite en avant militariste et du gouvernement qui clâme toujours représenter le peuple. Le crime, le SIDA, les cancers, étaient hors de contrôle, les prix et les impôts également, le pourrissement des villes et la cassure du système familial étaient aussi hors de contrôle et les gens s’en apercevaient grandement.

[…]

Ainsi, imaginons un instant et ce pour la première fois dans l’histoire de cette nation, ce que ferait une population unifiée pour un grand changement fondamental… Imaginons un instant ce qu’un changement radical nécessiterait de nous.

Note du traducteur:

Après les rappels historiques, Zinn explique maintenant sa vision d’une société radicalement différente, un modèle, qui sans en dire le nom, se rapproche énormément de la flexibilité du modèle anarchiste d’une société sans état, non-coercitive, autogérée, antiautoritaire, anticapitaliste et donc libre:

 

~ Les leviers du pouvoir de la société devront être retirés à ceux dont la conduite des affaires a mené au marasme présent: les entreprises géantes, l’armée (et son complexe militaro-industriel) et leurs politiciens collaborateurs. Nous aurons besoin, par un effort coordonné des groupes locaux partout dans le pays, de reconstruire l’économie à la fois dans un souci d’efficacité et de justice, produisant de manière coopérative tout ce dont les gens ont besoin le plus. Nous commencerions dans les voisinages, dans nos villes et villages, sur nos lieux de travail. Chacun devra avoir un travail et ce incluant ceux qui sont aujourd’hui maintenus à l’écart de la force de travail (NdT: le profit ne sera plus le but…), les enfants, les personnes âgées, les personnes handicapées (qui tous ont quelque chose à offrir). La société pourra utiliser cette énorme énergie qui est maintenant en veilleuse, les capacités et les talents qui sont maintenant inutilisés. Tout le monde pourra partager les travaux routiniers quotidiens mais pourtant nécessaires pour quelques heures par jour, cela laissera la plus grande partie du temps libre pour le plaisir, les activités créatives, les travaux de passion et d’amour tout en produisant suffisamment pour une ample distribution de biens et de denrées pour tous. Certaines choses de base seront très abondantes et pourront être obtenues sans échange monnétaire aucun et seront à la disposition de toutes et tous gratuitement, comme par exemple: la nourriture, le logement, la santé publique, l’éducation et les transports.

Le plus grand problème sera de réaliser cela sans la création d’une bureaucratie centralisée, sans utiliser les prisons et les punitions comme principe de la carotte et du bâton, mais d’utiliser les avantages issus de la coopération, qui viennent naturellement des désirs humains, qui ont été utilisés dans la passé par l’état dans les temps de guerre, mais aussi par les mouvements sociaux qui ont donnés quelques indices sur le comment les gens peuvent se comporter dans différentes situations. Les décisions seront prises par de petits groupes de personnes sur leurs lieux de travail, dans leurs voisinages, dans les réseaux coopératifs, en communication avec les autres, mettant en place un socialisme de voisinage évitant la hiérarchisation et de créer une classe de chefs comme dans le capitalisme et les dictatures qui ont pris le nom de “socialisme”.

Avec le temps, les gens, au sein de communautés amicales, pourront créer une culture plus diversifiée, non violente, dans laquelle toute forme de d’expression personnelle et de groupe serait possible. Les hommes et les femmes, les blancs et les noirs, les vieux et les jeunes, pourraient alors s’enthousiasmer de leurs différences en tant qu’attributs positifs d’une société et non pas comme une raison de domination. De nouvelles valeurs de coopération et de liberté pourront voir naissance dans les relations entre les gens, l’éducation et l’apprentissage des enfants.

Pour faire tout cela dans des conditions complexes de contrôle aux Etats-Unis, demanderait de combiner l’énergie de tous les mouvements précédents de l’histoire américaine: des insurgés du travail, aux rebelles noirs en passant par les luttes des nations natives, des femmes, de la jeunesse, ainsi que la nouvelle énergie d’une classe moyenne en colère.. Les gens devront commencer à transformer leur environnement immédiat, leurs lieux de travail, la famille, l’école, la communauté, par une série de luttes contre l’autorité absente, pour donner le contrôle de ces endroits aux gens qui y vivent et y travaillent.

Ces luttes impliqueront toutes les tactiques utilisées auparavant par les mouvements populaires: manifestations, marches, désobéissance civile, grèves, boycotts, grèves générales (expropriatrices), action directe pour redistribuer la richesse, pour reconstruire les institutions, pour revamper les relations, créant au passage une nouvelle culture musicale, littéraire, dramatique, de tous les arts et de tous les domaines du travail et des loisirs de la vie quotidienne, une nouvelle culture de respect, et une nouvelle joie dans la collaboration des gens heureux de s’aider les uns les autres.

Il ya aura de nombreuses échecs. Mais lorsqu’un tel mouvement se sera tenu dans des centaines de milliers d’endroit à travers le pays, il deviendra impossible de le supprimer, parce que les gardes sur lesquels le système dépend pour écraser un tel mouvement (NdT: comme cela a déjà été fait dans le passé: Commune de Paris 1871, mouvements populaires anarchistes de Cronstadt et makhnoviste ukrainien, mouvement ouvrier italien de 1920, révolution espagnole 1936-39, pour ne citer que les plus connus…) seront parmi les rebelles. Ce sera un nouveau type de révolution, la seule qui puisse se produire, je pense, dans un pays comme les Etats-Unis. Cela prendra une énergie énorme, un sacrifice, de la motivation et de la patience. Mais parce que cela sera un processus qui s’étalera dans le temps, le commencer sans retard il y aurait la satisfaction immédiate que les gens ont toujours trouvée dans les liens affectifs créés dans la lutte commune pour un but commun.

[…]

L’avenir verra des temps de troubles, de lutte, mais aussi d’inspiration. Il y a une chance qu’un tel mouvement puisse réussir en faisant ce que le système n’a jamais fait: amener un grand changement avec très peu de violence. Ceci est possible parce qu’un plus grand nombre des 99% commencent à se voir comme des partageurs de besoins, plus les gardes et les prisonniers voient leur intérêt commun et plus l’establishment devient isolé et inefficace. Les armes de l’élite, l’argent, le contrôle de l’information, seront inutiles face à une population déterminée. Les serviteurs du système simplement refuseraient de continer à servir le vieil ordre mortifère et commenceraient à utiliser leur temps, leur espace, toutes les choses que le système leur donne pour rester tranquilles, pour démanteler ce système tout en en créant un autre simultanément.

Les prisonniers du système continueront à se rebeller, comme avant, et de manière qui ne peut pas être établie maintenant ni en des temps qui peuvent être prédits. Le facteur nouveau de cette ère est qu’ils seront sans doute rejoints par les gardes du système. Nous, lecteurs et écrivains de livres, avont été pour la plupart parmi les gardes du système. Si nous comprenons cela et agissons en conséquence, non seulement la vie deviendra plus gratifiante, plus juste, mais nos petits-enfants, nos arrières-petits-enfants, pourront sans aucun doute comtempler un monde différent et merveilleux.

=  =  =

Note de Résistance 71:

Nous tenons à dire ici, que les propos d’Howard Zinn dans ce chapitre correspondent grandement à notre vision de la société future et de la révolution à venir qui l’établira.

10% de la population, motivés et non influençables sont suffisants pour faire avancer des idées parfois vues marginales et en faire un consensus général.

Ceci est maintenant scientifiquement prouvé. L’oligarchie utilise cette évidence depuis des lustres pour nous manipuler.

Retournons l’arme de la persuasion contre les criminels en charge.

Ya Basta !

Les peuples prévaudront !…