Archive pour Howard Zinn « notre problème est l’obéissance civile »

Petit précis de désobéissance civile avec l’historien et militant Howard Zinn (publié 10/11)

Posted in actualité, altermondialisme, coronavirus CoV19, crise mondiale, démocratie participative, gilets jaunes, guerres hégémoniques, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, philosophie, politique et social, politique française, résistance politique, santé et vaccins, science et nouvel ordre mondial, société des sociétés, technologie et totalitarisme, terrorisme d'état, Union Europeenne et nouvel ordre mondial with tags , , , , , , , , , , , , , , , , on 18 janvier 2021 by Résistance 71

 

 

 

 

Article 34
Il y a oppression contre le corps social, lorsqu’un seul de ses membres est opprimé. Il y a oppression contre chaque membre lorsque le corps social est opprimé.

Article 35
Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est, pour le peuple et pour chaque portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs.

(Deux derniers articles 34 et 35 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du citoyen du 24 juin 1793)

“La seule grande et toute puissante autorité naturelle et rationnelle à la fois, la seule que nous puissions respecter, ce sera celle de l’esprit collectif et public d’une société fondée sur l’égalité et la solidarité aussi bien que sur la liberté et sur le respect humain et mutuel de tous ses membres… Elle sera mille fois plus puissante soyez-en certains, que toutes les autorités divines, théologiques, métaphysiques, politiques et juridiques instituées par l’église et l’état, plus puissante que vos codes criminels, vos geôliers et vos bourreaux.”
~ Michel Bakounine ~

 


« On ne peut pas être neutre dans un train en marche »

 

Petit guide de la désobéissance civile en 7 points essentiels

 

Par Howard Zinn

 

Traduit de son livre “Disobedience and Democracy” (Vintage Book, 1968, pages 119-122) par Résistance 71

 

Déjà publié sur Résistance 71 le 28/10/11 :

https://resistance71.wordpress.com/2011/10/28/resistance-politique-petit-guide-de-la-desobeissance-civile-howard-zinn/

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Pour nous guider dans nos décisions de quand obéir et quand désobéir à la loi, peut-être pouvons-nous assembler pour nous-mêmes un petit guide, qui pourrait avoir cette forme pour squelette:

1-   La désobéissance civile est l’infraction délibérée et discriminative à la loi au nom d’une cause sociale vitale. Cela devient non seulement défendable mais nécessaire lorsqu’un manquement à un ou plusieurs droit humain est de rigueur et quand la voie légale n’est pas ou plus adéquate pour garantir ce droit. Ceci peut prendre la forme d’enfreindre une loi odieuse, de protester contre une ou des conditions injuste ou en moquant symboliquement une loi ou une condition existante. Cela pourra ou ne pourra pas être rendu légal à cause de la loi constitutionnelle ou de la loi internationale, mais son objectif est toujours de réduire l’écart entre la loi et la justice et ce dans un processus infini du développement de la démocratie.

2-   Il n’y a aucune valeur sociale à une obéissance générale à la loi, pas plus qu’il n’y a de valeur à une désobéissance générale à la loi. L’obéissance à de mauvaises lois est une façon d’inculquer une soumission abstraite à la “règle de la loi” et ne peut qu’encourager à la tendance déjà très forte pour les citoyens de s’incliner devant le pouvoir de l’autorité, de renoncer à défier le statu quo. Exalter la règle de la loi est une marque absolue de totalitarisme et il est très possible d’avoir une atmosphère de totalitarisme dans une société qui possède beaucoup des attributs d’une démocratie. Insister sur le droit des citoyens à désobéir à des lois injustes et le devoir des citoyens de désobéir à des lois injustes et dangereuses, est l’essence même de la démocratie, qui assume que le gouvernement et ses lois ne sont pas des choses sacrées, mais des outils servant certains buts: la vie, la liberté, le bonheur. Les outils ne sont pas indispensables, les buts si.

3-   La désobéissance civile peut parfois impliquer l’effraction de lois qui ne sont pas odieuses afin de pouvoir protester contre un problème important. Dans chaque cas, l’importance de la loi enfreinte devra être évaluée par rapport à l’importance de l’objet de la contestation. Une loi sur la circulation routière, temporairement désobéie, n’est pas aussi important que la vie d’un enfant renversé par une voiture; l’envahissement illégal de bureaux n’est en rien aussi sérieux que l’assassinat d’innocents dans une guerre, l’occupation illégale d’un bâtiment n’est pas aussi maléfique que le racisme dans l’enseignement. Comme non seulement des lois spécifiques, mais aussi des conditions générales peuvent devenir insupportables, les lois qui ne sont pas ordinairement dures, peuvent aussi être désobéies en signe de protestation.

4-   Si un acte spécifique de désobéissance civile est un acte moralement justifiable de protestation, alors l’emprisonnement de ceux qui s’engagent dans cet acte est immoral et se doit d’être opposé, et contesté jusqu’à la fin. Les manifestants ne doivent pas être plus amènes d’accepter la punition qui va avec l’infraction de la loi, que d’accepter la loi qu’ils enfreignent. Il se peut qu’il y ait des occasions où les manifestants désireront aller de leur plein gré en prison, voyant cela comme un moyen de continuer leur protestation, comme d’une façon de montrer à leurs concitoyens l’injustice occasionnée. Mais ceci est très différent que de dire que les manifestants qui enfreignent la loi doivent aller en prison car cela est la règle du jeu pour ceux qui commettent la désobéissance civile. Le point clé ici est de s’assurer que l’esprit même de la protestation doit être maintenu tout au long du processus, que ceci soit fait par le moyen de rester en prison ou en évitant d’y aller. Accepter  d’aller en prison comme faisant partie de la “règle du jeu” revient en fait à changer brusquement d’un état d’esprit combattant à un état d’esprit soumis, diminuant ainsi le sérieux de l’affaire et du processus de manifestation.

5-   Ceux qui s’engage dans la désobéissance civile doivent choisir des moyens d’action et des tactiques les moins violents possibles, remplissant de manière adéquate l’efficacité des objectifs à atteindre en fonction de l’importance du sujet. Il doit y avoir une relation raisonnable entre le degré de désordre occasionné et l’importance de l’affaire du moment. La différence entre nuire aux personnes et nuire aux biens et aux propriétés est à prendre en considération par dessus tout. Les tactiques employées contre les biens et propriétés peuvent inclure (là encore après évaluation de l’efficacité et de l’affaire): la dépréciation (comme le boycott), les dégâts matériels, l’occupation temporaire et l’appropriation permanente. Dans tous les cas de figures, la force de tout acte de désobéissance civile doit être clairement focalisée de manière discriminatrice sur l’objet de la cause de la protestation.

6-   Le degré de désordre causé dans l’acte de désobéissance civile ne doit pas être soupesé contre une “fausse paix” présumée existante dans le statu quo, mais contre le véritable désordre et la violence qui font parties de la vie quotidienne, exprimés ouvertement internationalement par les guerres, mais caché localement sous une façade “d’ordre”, qui embrouille la question de l’injustice dans la société contemporaine.

7-   Dans notre raisonnement et notre pensée au sujet de la désobéissance civile, nous ne devons jamais oublier que nous et l’État avons des intérêts divergents et nous ne devons pas être leurrés de l’oublier par les agents de l’État. L’État recherche le pouvoir, l’influence, la richesse, comme étant des finalités en eux-mêmes. L’individu recherche la santé, la paix, l’activité créatrice, l’amour. L’État par son pouvoir et sa richesse possède un réservoir sans fin  de portes-parole pour ses intérêts. Ceci veut dire que le citoyen doit comprendre le besoin de penser et d’agir pour et par lui-même, de concert avec ses concitoyens.

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Howard Zinn (né le 24 août 1922 à Brooklyn, New York, mort le 27 janvier 2010 à Santa Monica, Californie) est un historien et politologue américain, professeur au département de science politique de l’Université de Boston.
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, il s’engage dans l’armée de l’air et est nommé lieutenant bombardier naviguant. Son expérience dans l’armée a été le déclencheur de son positionnement politique pacifiste qui élève au rang de devoir la désobéissance civile2.
Il a été un acteur de premier plan du mouvement des droits civiques comme du courant pacifiste aux États-Unis.
Auteur de vingt livres dont les thèmes (histoire, monde ouvrier, désobéissance civile et « guerre juste » notamment) soulignent l’articulation entre ses travaux de chercheur et son engagement politique, il est particulièrement connu pour son best-seller Une histoire populaire des États-Unis, qui « l’a consacré comme l’un des historiens américains les plus lus, bien au-delà des campus américains » (Source Wikipedia)

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“La liberté de l’homme consiste uniquement en ceci qu’il obéit aux lois naturelles parce qu’il les a reconnues lui-même comme telles et non pas parce qu’elles lui ont été imposées de l’extérieur par une volonté étrangère, divine ou humaine, collective ou individuelle, quelconque.”
“En un mot, nous repoussons toute législation, toute autorité et toute influence privilégiée patentée, officielle et légale, même issue du suffrage universel, convaincus qu’elles ne pourront jamais tourner qu’au profit d’une minorité dominante et exploiteuse, contre les intérêts de l’immense majorité asservie.
Voilà dans quel sens nous sommes réellement des anarchistes.”
“Encore une fois, l’unique mission de la science, c’est d’éclairer la route. Mais seule la vie, délivrée de toutes les entraves gouvernementales et doctrinaires et rendue à la plénitude de son action spontanée, peut créer.”
~ Michel Bakounine ~

 

Il n’y a pas de solution au sein du système, n’y en a jamais eu et ne saurait y en avoir ! (Résistance 71)

Comprendre et transformer sa réalité, le texte:

Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »

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4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:

Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être

Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche

Manifeste pour la Société des Sociétés

Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie

 

Histoire et résistance… « Vous ne pouvez pas être neutre dans un train en marche » (compilation pdf de réflexions d’Howard Zinn)

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Résistance 71

13 septembre 2017

Jo de JBL1960 a fait ce superbe PDF de nos traductions d’Howard Zinn depuis 2012 qui met superbement et sobrement en valeur la pensée critique de l’historien militant.

A lire et à diffuser sans aucune modération…

Compilation Howard Zinn « Vous ne pouvez pas être neutre dans un train en marche »(PDF)

Réflexions (optimistes) sur l’histoire et son sens… (Howard Zinn)

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Ce qui suit est la traduction par nos soins d’extraits de réflexions, d’interventions publiques et d’entretiens de l’historien américain Howard Zinn, publiés dans son livre “Failure to Quit, Reflections of an Optimistic Historian”, ouvrage paru en 1993 aux éditions CCP (Common Courage Press)

Nous laissons nos lecteurs absorber ces pertinentes réflexions d’un grand historien et nous nous éclipsons de nouveau jusqu’au 10 septembre prochain environ…

Les PDF à lire et partager sans modération

Bonne lecture et à bientôt !…

~ Résistance 71 ~

 

“Ne pas connaître l’histoire, c’est comme être né hier.”
 » On ne peut pas être neutre dans un train en marche. »
(Howard Zinn)

 

Quelques réflexions d’un historien optimiste (1972-1993)

 

Howard Zinn

 

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 (août 2017) ~

 

Extrait d’un entretien avec David Barsamian (DB), journaliste, hôte d’émission de radio alternative politique émettant depuis Boulder, Colorado, en 1992…

DB: Vous êtes très friand de citer souvent la fameuse phrase de George Orwell: “Qui contrôle le passé contrôle le futur. Qui contrôle le présent, contrôle le passé.”

HZ: […] Ce que je pense qu’Orwell veut dire est l’observation très importante que si vous pouvez contrôler l’histoire, le narratif, ce que les gens savent de l’histoire, si vous pouvez décider de ce qui sera (ou non) dans l’histoire des gens, alors vous pouvez ordonner leur façon de penser ; vous pouvez ordonner leurs valeurs. Vous pouvez de facto organiser les cerveaux en contrôlant la connaissance. Les gens qui peuvent faire cela, qui peuvent contrôler le passé sont de fait les gens qui contrôlent le présent. Les gens qui dominent les médias, qui font publier les livres scolaires et universitaires, qui décident de ce que sont et seront les idées dominantes de notre culture, ce qui sera dit et ce qui ne le sera pas.

DB: Qui sont-ils ? Qui sont ces “gardiens du passé” ? Pouvez commenter là-dessus…

HZ: Ils sont essentiellement riches et blancs. Parfois on réfère à l’histoire des riches hommes blancs. Il y a une histoire qui est faite, écrite par des hommes blancs riches. Non pas que les historiens soient riches et blancs, mais les gens qui font publier les livres le sont, les gens qui contrôlent les médias qui décident quel historien inviter sur les chaînes de grande écoute. Tous ces gens qui contrôlent les grands médias sont riches. […]

DB: Vous avez fait cet époustouflant commentaire disant que l’objectivité et l’érudition dans les médias et ailleurs ne sont pas seulement “dangereuses et trompeuses, mais qu’elles ne sont pas désirables”.

HZ: J’ai en fait dit deux choses à ce sujet que un, elles n’étaient pas possibles et deux elles n’étaient pas désirables.. Pas possible parce que toute l’histoire est une sélection d’un nombre infinis de faits. Dès que vous commencez à sélectionner, vous sélectionnez en rapport avec ce que vous croyez qui est important. Ce n’est déjà plus objectif. […]

Certaines personnes affirment être objectives. C’est la pire des choses à affirmer. Pourquoi ? Parce que vous ne pouvez pas l’être. […] Devant l’étendue des faits historiques, il n’est pas possible d’être objectif et quand bien même cela soit possible, ce n’est pas désirable. […] Nous devrions avoir l’histoire qui mette en valeur l’humain, les valeurs humaines et de fraternité, de paix, de justice et d’égalité. […]

DB: Comment filtrez-vous ces biais ? Le pouvez-vous ?

HZ: Comme je l’ai dit je possède mes propres penchants, ainsi si je parle ou écris quelque chose au sujet de Christophe Colomb, je vais essayer de ne pas cacher le fait que Colomb a fait une chose remarquable en traversant l’Atlantique et en s’aventurant dans des eaux et endroits inconnus. Cela demandait un grand courage physique à cette époque et de grandes qualités de marin et de navigation. L’évènement fut remarquable en bien des points. Je dois dire tout cela  afin de ne pas omettre ce que la plupart des gens voient de positif en Colomb, mais je dois aussi continuer pour dire et expliquer certaines choses à son propos qui sont bien plus importantes que ses qualités de marin, que le fait qu’il ait été très religieux. Je dois parler du traitement qu’il réserva aux gens qu’il trouva sur ce continent. La mise en esclavage, la torture, les exécutions, les assassinats gratuits, la déshumanisation de ces peuples. C’est aussi une chose très importante.

Il y a une façon très intéressante par laquelle vous pouvez formuler une phrase et qui va montrer ce sur quoi vous mettez plus d’importance et ceci aura deux résultats bien différents. Vous pouvez cadrer l’affaire Christophe Colomb de la façon dont l’a fait l’historien de Harvard Samuel Elliot Morison: Colomb a commis un génocide, mais c’était un marin extraordinaire. Il a accompli une chose absolument remarquable en trouvant ces îles de ce nouveau continent. Où est placée l’emphase ici ? Il a commis un génocide mais…. c’était un excellent marin. Moi je dis, il fut un bon marin, mais il a traité les autochtones avec la plus grande des cruautés et a commis un vaste génocide. Ceci représente deux façons bien différentes de narrer le même évènement. Tout dépend de quel côté du “mais” vous vous trouvez, vous montrez là votre penchant. Je pense qu’il est bon pour nous de mettre nos biais, nos penchants en direction d’une vision humaine de l’histoire.

DB: En plus d’annihiler la population indigène, les Européens ont dû mettre en place le marché des esclaves et amener des Africains pour travailler la terre.

HZ: Lorsque les Indiens furent décimés comme esclaves, c’est alors que le marché intercontinental prit place et qu’un autre génocide eut lieu, des dizaines de millions d’esclaves noirs furent amenés, mourant par millions dans le trajet au gré du temps, mourant aussi en grand nombre une fois à destination.

DB: Dans un article de l’intellectuel Alan Dershowitz, celui-ci parle de l’unicité de l’holocauste juif en termes de génocide, qu’il est la référence. Acceptez-vous cela ?

HZ: Chaque génocide est unique. Chaque génocide possède ses propres caractéristiques historiques. Mais je pense que c’est faux et nous devrions tous comprendre cela ; prendre un génocide et se concentrer dessus au prix de négliger les autres et agir comme s’il n’y avait eu qu’un seul grand génocide dans l’histoire du monde et que personne ne devrait rapporter les autres sous prétexte que c’est une pauvre analogie. […]

Il y a un point de vue qui perpétue une vision, une notion élitistes de l’histoire, l’idée que l’histoire est faite par le haut et que si nous voulons faire des changements, nous devons dépendre et faire confiance à nos présidents, à nos tribunaux, conseils d’état, notre congrès d’élus. Si l’histoire me montre quelque chose, c’est bien que nous ne pouvons en aucun cas dépendre de ces gens du haut de la pyramide pour qu’ils opèrent les changements nécessaires vers la justice, la paix ; non,  pour cela nous devons dépendre des mouvements sociaux, c’est ce que l’histoire nous enseigne.

Objections à l’objectivité (1989)

[…] Je ne pouvais possiblement pas étudier l’histoire de manière neutre. Pour moi, l’histoire a toujours été une bonne manière de comprendre et d’aider à changer ce qui n’allait pas dans le monde.

[…] Ainsi, le grand problème au sujet de l’honnêteté historique n’est pas le mensonge éhonté ; mais c’est l’omission ou la mise sous étiquette de trivialité de données importantes. Et là, de la définition du mot “important” va bien entendu dépendre des valeurs de chacun. […] Ainsi les historiens n’ont-ils pas été “objectifs” en regard de la guerre. […] Un bon nombre d’historien, dans l’atmosphère frigorifique de la guerre froide dans les années 1950, sélectionnèrent leurs faits historiques pour se conformer à la position du gouvernement.

[…] Ainsi, dans le cas des Etats-Unis, l’assassinat de plus d’un million de Vietnamiens et le sacrifice de la vie de 55 000 jeunes Américains furent perpétrés par des hommes hautement éduqués gravitant autour de la Maison Blanche, des gens qui auraient impressionné lors de l’examen du New York Times. Ce fut un Phi Beta Kappa McGeorge Blundy, qui fut un des chefs responsables du bombardement des civils en Asie du Sud-Est. Ce fut un professeur de Harvard, Henry Kissinger, qui fut le stratège derrière la guerre de bombardement secrète de pauvres villages paysans au Cambodge.

Arrières pensées sur le premier amendement de la constitution (1989)

Une des choses que j’ai vraiment tirée en lisant et étudiant l’histoire fut de commencer à être sérieusement désabusé par la notion de ce qu’est la démocratie. Plus je lis l’histoire, et plus il me semble que clairement quelque soit le progrès qui a été fait dans ce pays sur bien des points, quoi qu’il ait été fait pour le peuple, quelque droit qui ait été gagné, ceci n’a pas été fait par la délibération et la vision du congrès du peuple ni par la sagesse des différents présidents, ni des décisions ingénieuses de la Cour Suprême. Tout progrès accompli dans ce pays l’a été par les actions des gens ordinaires, par les citoyens, les mouvements sociaux. Pas de la Constitution…

En fait la constitution n’a eu aucune importance. Elle fut ignorée pendant plus d’un siècle. Le 14ème amendement (NdT: celui sur l’égalité des droits raciaux, qui n’existait pas dans la constitution originale puisque tous ceux qui l’ont écrite, à de très rares exceptions près, étaient blancs, riches et propriétaires d’esclaves…) n’a eu quasiment aucune signification jusqu’à ce que les noirs américains se soulèvent dans les années 1950 et 1960 dans le sud et créèrent des mouvements de masse dans les endroits les plus difficiles, plus durs, plus dangereux pour quiconque de se soulever, où que ce soit.

[…] En fait voilà ce qu’est la démocratie. C’est ce que des gens font au nom de besoins humains en dehors, parfois même contre la loi, même contre la constitution. Lorsque la constitution était en faveur de l’esclavage, les gens durent aller non seulement contre la loi mais aussi contre la constitution elle-même dans les années 1850 lorsqu’ils pratiquaient toute cette désobéissance civile contre la loi sur les esclaves fugitifs. Les gens doivent créer le désordre, ce qui va à l’encontre de ce qu’on nous a appris au sujet de la loi et de l’ordre dans la société  car “vous devez obéir à la loi” et “force reste à la loi”. Obéissez à la loi, obéissez à la loi. C’est une merveilleuse façon de contenir les choses n’est-ce pas ?…

[…] Au sujet de la liberté de parole (1er amendement de la constitution américaine), où allez-vous obtenir votre information ? Le gouvernement vous ment. Il dissimule l’information, la maquille, vous induit en erreur. Vous devez toujours avoir quelque chose à dire. Vous devez avoir des sources indépendantes d’information (NdT: Zinn écrivait ceci en 1989, si l’internet existait, il n’en était qu’à ses balbutiements et n’avait pas l’audience d’aujourd’hui. L’info indépendante était très rare. L’internet est la presse de Gütemberg 2.0, une seconde révolution de l’information…)

Il y a encore beaucoup à faire pour parler, dire ce que nous pensons… Nous avons besoin d’une information. Les gens doivent savoir, s’informer. Les gens doivent répandre l’information. C’est un boulot qui doit nous engager individuellement, tous autant que nous sommes, quotidiennement et non pas seulement de temps en temps.

C’est çà le boulot de la démocratie.

A quel point l’enseignement supérieur est-il libre ? (1991)

[…] L’environnement de l’éducation supérieure est unique dans notre société. C’est la seule situation où un adulte, qu’on regarde comme un mentor, est seul avec un groupe de jeunes gens pour une période de temps établie, définie, agréée et peut assigner n’importe quelle lecture qu’il ou elle choisit aussi bien que de discuter avec ces jeunes gens de quelque sujet que ce soit sous le soleil. Il est vrai que le sujet peut être défini dans le cadre d’un curriculum, par le catalogue de la description du cours et des prérogatives éducatives, mais ceci est bien peu de chose comme obstacle pour un enseignant direct et imaginatif, spécifiquement en littérature, philosophie et en sciences sociales comme l’histoire, qui offrent des possibilités illimitées de discussions libres sur des sujets d’ordre politique et social. Pourtant, c’est exactement cette situation, dans les salles de classe de l’enseignement supérieur, qui effraie au plus haut point les gardiens, les cerbères du statu quo.

Et pourtant, lorsque les professeurs utilisent de facto cette liberté, introduisant de nouveaux sujets, de nouvelles lectures, des idées folles, défiant l’autorité, critiquant la “civilisation occidentale”, perturbant la classification des “grands livres de la littérature occidentale” comme établie par certaines autorités éducatives du passé, alors les “gardiens de la haute culture” auto-proclamés deviennent des chiens enragés.

[…] Lorsque j’ai enseigné l’histoire américaine, j’ai ignoré les canons de l’orthodoxie, ces livres dans lesquels les personnes héroïques étaient systématiquement les présidents, les généraux, les industriels, les grands entrepreneurs. Dans ces manuels, les guerres étaient traitées comme des problèmes de stratégie militaire et aucunement des problèmes moraux. Christophe Colomb, Andrew Jackson et Theodore Roosevelt étaient vus comme des héros de la “démocratie” en marche, sans un mot sur les objets de leur violence.

J’ai suggéré que l’on approche Colomb et Jackson du point de vue de leurs victimes, que nous regardions plus en détail la réussite magnifique du chemin de fer transcontinental du point de vue des ouvriers irlandais et chinois, qui moururent par milliers en le construisant.

Commettais-je alors ce terrible pêché qui fait bouillir les fondamentalistes d’aujourd’hui: “politiser le programme d’histoire ?..” Y a t’il un seul rendu d’une loi constitutionnelle, une seule narration d’un fait historique ayant trait aux Etats-Unis, qui puissent échapper à être vu depuis un angle politique ?

[…] Dans mon enseignement, je n’ai jamais caché mes vues politiques: mon dégoût de la guerre et du militarisme, ma colère contre l’inégalité raciale, ma croyance en un socialisme démocratique, en une distribution juste de la richesse du monde. Prétendre à une “objectivité” qui soit à la fois impossible et indésirable me semblait être malhonnête.

Je disais le plus clairement du monde au début de chaque cours que je donnerai mon point de vue sur le sujet que nous discuterions, que je serai le plus équitable possible avec les autres points de vue et que je respecterai au plus haut point le droit des élèves d’être en désaccord avec moi…

L’éducation supérieure, bien qu’ayant quelques privilèges spéciaux, est toujours bien entendu partie intégrante du système américain, qui est un système de contrôle ingénieux et très sophistiqué. Il n’est pas totalitaire ; ce qui permet toujours de l’appeler une “démocratie” est qu’il permet des fenêtres de liberté sur la base établie que rien ne mettra en danger la forme générale que prend le pouvoir et la richesse dans la société… Et oui, il y a en fait une certaine liberté d’expression dans le monde universitaire et académique. Comment puis-je à l’université de Boston ou Noam Chomsky au MIT ou David Montgomery à Yale, nier que nous avons plus de liberté à l’université que n’en aurions jamais eu dans le monde des affaires ou toute autre profession ? Mais ceux qui nous tolèrent savent très bien que nous sommes peu nombreux, que nos élèves aussi excité(e)s soient-ils/elles par les idées nouvelles, sortiront de l’université pour affronter un monde fait de pression et d’exhortations à la prudence. Ils savent aussi qu’ils peuvent nous citer comme des exemples de l’ouverture d’esprit du monde académique et du système à toutes les idées possibles.

[…] Ai-je eu une liberté d’expression dans mes salles de classes ? J’en ai eu une parce que j’ai suivi le précepte d’Aldous Huxley: “Les libertés ne sont pas données, elles sont saisies.”

Guerres justes et injustes (1991)

[…] Ce qui souvent se cache derrière cette affaire du “on ne peut rien faire au sujet de la guerre…” et du “la guerre, soyez réalistes, acceptez-la, essayez juste de rester en périphérie…” Le plus souvent, quelques minutes dans une discussion au sujet de la guerre ou d’une guerre, quelqu’un va dire: “de toute façon, c’est dans la nature humaine.” N’entendez-vous pas cela souvent ? Vous mettez un groupe de gens à parler de la guerre et à un moment donné, quelqu’un va dire: “c’est la nature humaine.” Il n’y a de fait absolument aucune preuve de cela. Il n’y a aucune évidence, aucune preuve génétique, pas de preuve biologique. Tout ce que nous avons ce sont des faits historiques et ceci n’est en rien la preuve d’une quelconque “nature humaine”, par contre c’est la preuve de circonstances.

Il n’y a pas de preuve biologique, génétique ni anthropologique. Quelle est la preuve anthropologique ? Vous étudiez ces “tribus primitives” comme les anthropologues les appellent, regardez ce qu’elles font et dites: “ah ! ces tribus sont féroces”, ou “ah ces tribus sont gentilles et pacifiques.” Rien n’est clair.

Et l’histoire alors ? Et bien il y a une histoire des guerres et il y a aussi une histoire de la gentillesse et de la compassion, de l’empathie.

[…] On n’a pas besoin d´étudier longtemps l’histoire des Etats-Unis pour voir et comprendre qu’elle est une longue histoire d’agression. De fait, une longe histoire d’agression ouverte et sans fioritures. […]

Christophe Colomb, les Indiens et le progrès humain de 1492 à 1992

George Orwell, qui était d’une grande sagesse, écrivit: “Qui contrôle le passé contrôle le futur et qui contrôle le présent contrôle le passé.” En d’autres termes, ceux qui dominent notre société sont en position de faire écrire nos histoires. Et s’ils peuvent faire cela, ils peuvent alors décider de nos futurs. Voilà pourquoi l’histoire, le narratif de l’affaire Christophe Colomb est très important.

Laissez-moi faire une confession. J’en savais très peu au sujet de Colomb jusqu’à il y a environ 12 ans quand j’ai commencé à écrire mon livre “Une histoire populaire des Etats-Unis de 1492 à nos jours”. J’avais un doctorat en histoire de l’université de Colombia, c’est à dire que j’avais l’entraînement et la formation adéquats d’un historien, mais ce que je savais de Colomb était grosso modo ce que je savais de lui depuis l’école primaire. Quand j’ai décidé d’écrire “Une histoire populaire des Etats-Unis de 1492 à nos jours”, j’ai aussi décidé d’en savoir plus sur lui. J’avais déjà conclus que je ne voulais pas écrire un survol de plus de l’histoire des Etats-Unis, je savais que mon angle d’approche serait différent. J’allais écrire au sujet des Etats-Unis depuis l’angle de vue de ces gens qui avaient été largement négligés par l’histoire classique et ses livres d’histoire: les indigènes de l’endroit, les esclaves africains importés, les femmes, les ouvriers et paysans, qu’ils soient natifs ou immigrants.

Je voulais raconter l’histoire du progrès industriel de la nation non pas du point de vue des Rockefeller, Carnegie et des Vanderbilt, mais du point de vue de ces gens qui travaillaient pour eux, dans leurs mines, dans leurs champs pétroliers et qui ont perdu leurs membres, leur santé ou leur vie en construisant leurs chemins de fer.

[…] Ainsi donc, comment devais-je raconter l’histoire de Colomb ? J’en conclus alors que je devais la raconter vue des yeux de ceux qui étaient là lorsqu’il arriva, ces gens qu’on appela “Indiens” parce qu’il croyait qu’il était en Asie.

[à lire pour plus de détails, notre traduction d’Howard Zinn: “Christophe Colomb et la civilisation occidentale” en deux parties, publiées en Septembre 2012 ~ https://resistance71.wordpress.com/2012/09/12/howard-zinn-ou-lhistoire-sous-bonne-influence-christophe-colomb-et-la-civilisation-occidentale1ere-partie/ )

[…] Les expéditions de Colomb ont-elles marqué la transition de la sauvagerie à la civilisation ? Quid de la civilisation amérindienne qui s’est construite au cours des millénaires avant l’arrivée de Colomb (NdT: dans la période dite “pré-colombienne”…) ? Las Casas et autres se sont émerveillés de l’esprit de partage et de générosité qui marqua les sociétés indiennes, les bâtiments communaux dans lesquels ils vivaient, leur sensibilité esthétique, l’égalitarisme notamment entre les hommes et les femmes.

Les colons britanniques d’Amérique du Nord furent stupéfaits du niveau de démocratie de la confédération des nations iroquoises, qui occupaient les terres de ce qui est aujourd’hui les états de New York et de Pennsylvanie, (NdT: l’Ontario et le Québec dans leurs parties aujourd’hui canadiennes). L’historien américain Gary Nash décrit la culture iroquoise: “Pas de lois ni de décrets ni d’ordonnances, pas de sheriffs ni de policiers, pas de juges no de jurés, pas de tribunaux ni de prisons, cet appareil autoritaire des sociétés européennes, ne pouvaient être trouvés dans les forêts du nord-est avant l’arrivée des Européens. Et pourtant, des limites de comportement acceptable étaient bien établies. Bien qu’étant très fiers de l’autonomie individuelle, les Iroquois maintenaient néanmoins un strict sens du bon et du mauvais…

Au cours de son expansion territoriale vers l’Ouest, la nouvelle nation des Etats-Unis vola les terres indiennes, massacra les indigènes lorsqu’ils résistèrent, détruisit leurs ressources en nourriture et leurs abris, les poussa dans des sections territoriales de plus en plus petites et organisa la destruction systémique de la société indienne.

[…] Ainsi, regarder le passé et Colomb de manière critique, c’est lever toutes ces questions au sujet du progrès, de la civilisation, de nos relations les uns avec les autres, de notre relation avec le monde naturel.

Vous avez probablement déjà entendu, comme cela m’est souvent arrivé, qu’il est en fait mal pour nous de traiter l’histoire de Colomb de la façon dont nous le faisons. Ce qu’ils nous disent en substance est ceci: “Vous prenez Colomb hors de son contexte, vous le regardez et l’analysez avec vos yeux et votre pensée du XXème siècle. Vous ne devez pas superposer les valeurs de notre temps sur des évènements qui ont eu lieu il y a plus de 500 ans. C’est a-historique.

Je trouve cet argument bizarroïde. Veut-il dire que la cruauté, l’exploitation, la veulerie, la mise en esclavage, la violence systémique contre des peuples sans défense ou presque, sont des valeurs péculières au XVème et XVIème siècles ? Que nous au XXème siècle sommes bien au-delà de tout çà ?… N’y a t’il pas certaines valeurs qui sont communes de l’époque de Colomb et de la nôtre ? La preuve de cela est que de son temps comme du nôtre, il y a eu des esclavagistes, des exploiteurs, de son temps comme du nôtre, il y a aussi eu ceux qui ont protesté contre ces ignominies, au nom de la dignité et des droits humains.

[…] Nous devons faire tout ce que nous pouvons pour regarder le monde et son histoire d’un autre point de vue que celui sans cesse proposé. Nous devons le faire si nous voulons ce nouveau siècle qui vient être différent, si nous ne voulons pas qu’il soit un siècle américain, ou un siècle occidental ou un siècle blanc, ou un siècle mâle ou celui de quelque nation ou quelque groupe que ce soit, mais enfin un siècle de l’humanité.

Refus d’abandonner (1990)

Je peux comprendre le pessimisme, mais je n’y crois pas. Ce n’est pas simplement une affaire de croyance, mais de preuve historique. Juste suffisamment pour donner espoir, car pour l’espoir nous n’avons pas besoin de certitude mais seulement de possibilité.

[…] Il est certain que l’histoire ne recommence pas avec chaque décennie qui passe. Les racines d’une ère poussent et fleurissent dans des ères subséquentes. Des êtres humains, des écrits, des transmissions invisibles de toutes sortes, portent des messages au travers des générations. J’essaie d’être pessimiste pour faire comme certains de mes amis. Mais je pense aux décennnies passées et regarde autour de moi et là il m’apparaît que si le futur n’est pas certain, il est néanmoins possible.

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Repose en paix Howard Zinn, grand historien de notre temps, ton héritage de pensée critique et humaniste est intarissable. 

Résistance 71

“Ce que l’histoire révisionniste nous enseigne est que notre inertie de citoyens à abandonner le pouvoir politique à une élite a coûté au monde environ 200 millions de vies humaines entre 1820 et 1975. Ajoutons à cela la misère non dite des camps de concentration, des prisonniers politiques, de l’oppression et de l’élimination de ceux qui essaient de faire parvenir la vérité en pleine lumière… Arrêtons le cercle infernal du pillage et des récompenses immorales et les structures élitistes s’effondreront. Mais pas avant que le majorité d’entre nous trouve le courage moral et la force intérieure de rejeter le jeu frauduleux qu’on nous fait jouer et de le remplacer par les associations volontaires ou des sociétés décentralisées, ne s’arrêteront le pillage et le massacre.”

~ Antony Sutton, historien, et professeur de sciences politiques, Stanford U, 1977 ~

Résistance politique: « Notre problème est l’obéissance civile » (Howard Zinn)

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, crise mondiale, démocratie participative, documentaire, militantisme alternatif, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, philosophie, politique et social, politique française, résistance politique, société libertaire with tags , , , , , , , , , , on 11 décembre 2012 by Résistance 71

Nous avons traduit ci-dessous un texte essentiel d’Howard Zinn, texte qui est un discours qu’il fit en 1970 et qui est devenu un des textes le plus connu et cité concernant la désobéissance civile et sa légitimité. De fait historiquement, toutes les avancées sociales et politiques ont été obtenues par la désobéissance civile de groupes de personnes motivées et opiniâtres. En bas de l’article nous avons mis le lien d’une vidéo de Zinn (en anglais) lorsqu’il fut appelé à la barre des témoins dans un procès pour désobéissance civile contre 7 personnes (en 1983). Sa plaidoirie est grandiose !

Notre société actuelle part en lambeaux, les « acquis sociaux » sont laminés par le pouvoir et les aristocrates qui gèrent ce pouvoir usurpé au peuple. Il est grand temps que la désobéissance civile revienne au goût du jour. Elle ne peut être efficace que si elle est alimentée par un pensée critique et constructive, ce qui est fort heureusement dans la nature humaine, contrairement à ce qu’on nous martèle depuis des siècles.

L’obéissance civile est notre problème… Vraiment et depuis bien trop longtemps !

— Résistance 71 —

 

Le problème est l’obéissance civile

Howard Zinn (1970)

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

Je pars de la supposition que le monde est sens dessus-dessous, que les choses vont mal, que les personnes qui ne devraient pas être en prison le sont et celles qui le devraient ne le sont pas, que les personnes qui ne devraient pas être au pouvoir le sont et ceux qui devraient avoir plus de pouvoir n’en ont pas, que la richesse non seulement dans ce pays mais dans le monde est distribuée d’une manière qu’une petite réforme n’est pas suffisante, mais qu’une refonte totale du système d’allocation de la richesse est nécessaire. Je pars de la supposition que nous n’avons pas trop de choses à dire à ce sujet car il nous suffit de penser un instant à l’état du monde d’aujourd’hui pour que nous nous rendions compte que tout est à l’envers. Daniel Berrigan, un prêtre catholique, un poète qui s’oppose à la guerre, est en prison tandis que J. Edgard Hoover est libre comme l’air voyez-vous. David Dellinger, qui a combattu la guerre depuis qu’il est haut comme çà et utilisé toute son énergie et sa passion contre elle, est en grand danger d’aller en prison, tandis que les perpétrateurs du massacre de My Lai ne comparaissent devant aucune cours de justice. Ils sont à Washington, remplissant diverses fonctions importantes et subordonnées, qui ont à faire avec la perpétration de massacres, qui les surprennent quand ils surviennent. A l’université d’état de Kent, quatre étudiants ont été tués par la garde nationale et des étudiants ont été inculpés. Dans chaque ville de cette nation, des participants lors de manifestations, qu’ils aient manifesté ou pas, sont attaqués et matraqués par la police, puis sont arrêtés et détenus pour avoir attaqué un policier.

J’ai étudié attentivement tout ce qu’il se passe chaque jour dans les palais de justice de Boston, Massachussetts. Vous seriez abasourdis, ou peut-être pas, si vous avez vécu, peut-être avez-vous été frappés par le cycle quotidien d’injustice qui coule au sein de cette chose merveilleuse qu’on appelle la procédure légale. Bon, ceci est mon postulat.

Tout ce que vous avez à faire est de lire les lettres de Seledad de George Jackson, qui fut condamné à une lourde peine de prison, dont dix effectuées, pour un bracage de 70 dollars dans une station essence et il y a ce sénateur américain qui a gardé 185 000 dollars par an, ou quelque chose d’avoisinant, de l’allocation sur le manque d’essence. D’un côté c’est un vol, de l’autre une législation. Quelque chose ne va pas, quelque chose ne va pas du tout quand nous envoyons 10 000 bombes remplies de gaz neurotoxiques à travers le pays et qu’on les immerge dans la piscine d’un autre pour ne pas déranger la nôtre. Alors vous perdez le sens de la perspective après un moment. Si vous ne pensez pas, si vous ne faites que regarder la télévision et lisez de la littérature académique, alors vous commencez à penser que les choses ne vont pas si mal, ou que simplement de petites choses sont à côté de la plaque. Mais vous devez vous détacher un peu, puis revenir contempler ce monde et là, vous êtes horrifiés. C’est pourquoi nous devons partir de cette supposition que les choses sont sens dessus-dessous.

Et notre sujet est sens dessus-dessous: La désobéissance civile. Dès que vous prononcez le mot désobéissance civile comme sujet d’étude, vous dites que notre problème est la désobéissance civile. Ce n’est pas notre problème… Notre problème est l’obéissance civile. Notre problème est le nombre de gens qui ont écoutés les diktats des leaders de leurs gouvernements et qui sont allés en guerre de part le monde et des millions de gens ont été tués à cause de cette obéissance. Notre problème est cette scène dans “A l’Ouest rien de nouveau” où les élèves marchent comme un seul homme vers leur devoir de faire la guerre. Notre problème est que les gens sont obéissants, partout dans le monde, face à la pauvreté, face à la famine, la stupidité, la guerre et la cruauté. Notre problème est que les gens obéissent et que les prisons sont pleines de petits délinquants, tandis que les grands truands gèrent le pays. C’est notre problème. Nous reconnaissons ce fait pour l’Allemagne nazie. Nous savons que le problème là-bas fut l’obéissance, que le peuple a obéit à Hitler. Les gens ont obéit et cela est mal. Ils auraient dû défier et résister le système et si seulement nous avions été là, nous leur aurions montré. Même dans la Russie de Staline nous pouvons comprendre que les gens sont obéissants, tous ces moutons.

Mais l’Amérique est différente. C’est ce qu’on nous a inculqué depuis toujours. Depuis le temps où nous étions haut comme trois pommes et je l’entends toujours résonner dans la déclaration de Mr Frankel, marquez une, deux, trois, quatre, cinq choses sympas à propos de l’Amérique que nous ne voulons pas trop déranger. Mais si nous avons appris quoi que ce soit ces dix dernières années, c’est que ces quelques jolies choses à propos de l’Amérique ne furent jamais jolies. Nous avons été expansionnistes, agressifs, et mal intentionnés envers les gens de ce pays et ce de manière très injuste. Nous n’avons jamais eu quelque justice que ce soit dans les cours de justice pour les pauvres, pour les noirs, pour les radicaux. Comment pouvons-nous affirmer que l’Amérique est tellement spéciale ? Elle n’est pas spéciale. Vraiment pas.

Et bien, ceci est notre sujet, notre problème: l’obéissance civile. La loi est très importante. Nous parlons ici d’obéissance à la loi, cette merveilleuse invention des temps modernes, que nous attribuons à la civilisation occidentale et dont nous parlons avec fierté. La règle de la loi, oh, comme c’est merveilleux, tous ces cours sur la civilisation occidentale, partout. Vous rappelez-vous ces tristes temps où les gens étaient exploités par le féodalisme ? Tout était si terrible au Moyen-Age, mais maintenant, nous avons la civilisation occidentale, la règle de la loi. La règle de la loi a maximisé et régularisé l’injustice qui existait avant elle, voilà ce que la règle de la loi, le système légal a fait. Commençons à regarder ce système de manière réaliste et non pas avec cette suffisance métaphysique avec laquelle nous l’avons toujours observé auparavant.

Quand dans toutes les nations du monde, la règle de la loi est la chérie des leaders et la peste du peuple, alors nous devons commencer à reconnaitre ceci. Nous devons transcender ces frontières nationales dans notre pensée. Nixon et Brejnev ont plus en commun entre eux que nous avec Nixon. J. Edgar Hoover a plus en commun avec le chef de la police secrète soviétique qu’avec nous. C’est la motivation internationale à suivre la loi et l’ordre qui lie les leaders de toutes les nations dans un lien de camaraderie si solide. C’est pour cela que nous sommes toujours surpris, quand lorsqu’ils se retrouvent, ils sourient, se serrent les mains, fument des cigares, ils s’aiment entre eux et ce indépendemment de ce qu’ils disent. C’est comme les partie républicain et démocrate, qui clâment à qui veut les entendre qu’ils feront une grande différence si l’un ou l’autre gagne et pourtant, c’est toujours la même chose. Au bout du compte… C’est eux contre nous.

Yossarian avait raison, vous vous rappelez, dans Catch 22 ? Il a été accusé d’avoir donné aide et réconfort à l’ennemi, ce dont personne ne devrait jamais être accusé et Yossarian dit alors à son ami Clevinger: “L’ennemi est quiconque en veut à notre peau de quelque côté que cela vienne”. Mais cela n’eut pas d’effet, alors il ajouta: “Maintenant tu te rappelles bien de çà ou un jour tu seras tué.” Et vous vous rappelez, quelque temps plus tard, Clevinger mourut. Nous devons nous rappeler en toute circonstance que nos ennemis ne sont pas divisés le long de lignes nationales, que les ennemis ne sont pas des gens qui parlent une langue différente et qui vivent dans des territoires différents. Les ennemis sont ceux qui veulent nous tuer. On nous demande: “et si tout le monde désobéissait à la loi ?” Mais une meilleure question serait: “et si tout le monde obéissait à la loi ?” La réponse à cette question est plus facile à trouver parce que nous avons énormément d’évidences empiriques sur ce qu’il se passe quand tout le monde obéit à la loi ou si la plupart des gens lui obéissent. Ce qu’il se passe est ce qu’il s’est passé, ce qu’il se passe maintenant. Pourquoi les gens révèrent-ils la loi ? et nous le faisons tous, même moi je dois lutter, car cela a été intégré dans mes os très jeune, lorsque j’étais boy scout. Une des raisons pour laquelle nous révérons la loi est à cause de son ambivalence. Dans le monde moderne nous devons gérer des mots, des phrases qui ont plusieurs sens, comme par exemple “sécurité nationale”. Ah oui, nous devons faire ceci pour la “sécurité nationale”. Ok, qu’est-ce que cela veut dire ? La sécurité nationale de qui ? Où ? Quand ? Pourquoi ? On ne prend pas la peine de répondre à ces questions… même pas de les poser.

La loi cache bien des choses. La loi est la “Bill of Rights”, la déclaration des droits, c’est ce à quoi nous pensons lorsque nous développons notre révérence à la loi. La loi est quelque chose qui nous protège, la loi est notre droit, la loi est la constitution. Le jour de la déclaration des droits, concours de dissertation sur le sujet par la Légion Américaine, c’est la loi. C’est bien.

Mais il y a un autre aspect de la loi qui n’est pas mis sur un piedestal, la législation qui continue jour après jour, mois après mois, année après année, depuis le début de la république et qui aloue les ressources de ce pays de telle façon que cela laisse quelques personnes très riches et bien d’autres très pauvres et d’autres courant comme des poulets sans tête pour s’octroyer le peu qui reste. C’est la loi. Si vous allez en fac de droit, vous verrez tout cela. Vous pouvez quantifier tout cela en comptant simplement le nombre de gros bouquins de droit que les gens trimballent avec eux et voir sur combien d’entre eux pouvez-vous y lire “droit constitutionnel” et combien aussi mentionnent: “propriété”, “contrats”, “délits”, “droit commercial”. Voilà ce que la loi représente en grande majorité. La loi est l’allocation de pénurie d’essence, bien que nous n’ayons pas de jour de pénurie d’essence, nous n’écrivons pas de dissertations au sujet de la loi sur l’allocation sur la pénurie d’essence. Il y a donc une partie de la loi qui est mise en exergue, voilà la loi, la constitution et il y a les autres parties de la loi, celles qui font leur boulot en sourdine et personne n’en dit rien.

Cela a commencé il y a bien longtemps. Quand la Bill of Rights fut passée en première instance, vous vous rappelez, dans le premier gouvernement de Washington ? Super truc ! La Bill of Rights est passée ! Roulements de tambours. Dans le même temps le programme économique d’Alexander Hamilton fut également passé. Propre sur lui, calme, l’argent aux riches, je simplifie un peu, mais pas tant que çà. Le programme économique de Hamilton a tout déclenché. Vous pouvez tracer une ligne directe entre son programme économique et la loi sur l’allocation sur la pénurie d’essence, jusquà l’effacement des impôts pour les entreprises. De A à Z, c’est l’histoire. Publicité pour la Bill of Rights, catimini pour la législation économique.

Vous savez que faire respecter les différentes parties de la loi est aussi important que la publicité faite autour des différentes parties de la loi. La Bill of Rights est-elle respectée ? Pas vraiment. Vous allez découvrir que la liberté d’expression et de parole dans la loi constitutionnelle est un concept très ambigu et opaque. Personne ne sait vraiment quand est-il ok pour vous de vous lever pour parler et quand çà ne l’est pas. Analysez simplement toutes les décisions de la cour suprême des Etats-Unis. Vous parlez de la prédictabilité d’un système alors qu’on ne peut pas prévoir ce qu’il va vous arriver si vous vous mettez à un coin de rue et commencez à parler. Essayez de trouver les différences entre le cas de Terminiello et celui de Feiner et essayez de prédire ce qu’il va se passer. Au fait, il y a une part de la loi qui elle n’est pas vague du tout et celle-ci implique le fait de distribuer des tracts dans la rue. La cour suprême a été très claire là-dessus. Décision après décision, on nous accorde le droit indéniable de distribuer des tracts dans la rue. Essayez. Allez juste dans la rue et distribuez des tracts. Lorsqu’un policier survient et vous dit: “circulez !” vous lui dites: “Ah ah ! Connaissez-vous la jurisprudence de Marsh contre l’état d’Alabama en 1946 ?” Ceci est la réalité de la Bill of Rights. Ceci est la réalité de la constitution, cette portion de la loi qui nous est dépeinte comme superbe et merveilleuse. De plus, sept ans après le passage de la Bill of Rights, qui stipule clairement que “le congrès n’a pas le droit de restreindre la liberté d’expression et de parole”, le congrès passa une loi restreignant la liberté d’expression et de parole: Vous souvenez-vous ? le Sedition Act de 1798.

Ainsi la constitution, la Bill of Rights ne furent pas respectées. Le programme d’Alexander Hamilton le fut, parce que lorsque les fermiers du whisky se rebellèrent vous vous souvenez en 1794 en Pennsylvanie ? Hamilton lui-même monta sur son cheval pour aller réprimer la révolte afin de s’assurer que la loi de l’impôt sur le revenu soit appliquée. Vous pouvez tracer cette histoire jusqu’à aujourd’hui, quelles lois sont appliquées et lesquelles ne le sont pas. Vous devez donc être prudents quand vous dites: “Je suis pour la loi, je révère et obéis à la loi” De quelle partie de la loi parlez-vous ? Je ne suis pas contre la loi. Je pense en outre, que nous devrions commencer à faire une distinction importante au sujet de quelles lois font quoi et à quelles catégories de gens.

Il y a d’autres problèmes avec la loi. C’erst bizarre, nous pensons que la loi amène l’ordre. La loi ne l’amène pas. Comment savons-nous que la loi n’amène pas l’ordre ? Regardez autour de vous. Nous vivons sous le coup de la loi. Avez-vous noté quel ordre avons-nous ? Les gens disent que nous devons nous méfier de la désobéissance civile car elle mène à l’anarchie. Regardez bien le monde actuel, qui est le résultat de la règle de la loi. Ceci est au plus près de ce que les gens appelle “l’anarchie” dans la confusion des esprits populaires, que nous qualifierions ici de chaos, de banditisme international. Le seul ordre qui vaille vraiment quelque chose ne vient pas au travers du respect, du renforcement de la loi, il vient de l’établissement d’une société qui est juste et dans laquelle des relations harmonieuses sont établies et dans laquelle vous avez un minimum de régulations pour créer une forme décente d’arrangements parmi les gens. Mais l’ordre fondé sur la loi et sur la force de la loi est l’ordre de l’état totalitaire, et cela mène inévitablement soit à l’injustice totale ou éventuellement à la rebellion, en d’autres termes, à un très grand désordre.

Nous grandissons tous avec cette notion que la loi est sacrée. Ils ont demandé à la mère de Daniel Berrigan ce qu’elle pensait de son fils qui enfreignait la loi. Il a brûlé des archives et documents de la conscription militaire, un des actes les plus violents de ce siècle sans nul doute, en protestation contre la guerre, il a été condamné à être emprisonné comme tout criminel se doit de l’être. Ils ont demandé à sa mère, qui a plus de 80 ans, ce qu’elle pensait de son fils hors-la-loi. Elle a regardé le journaliste droit dans les yeux et lui a dit: “Ce n’est pas la loi de Dieu”. Nous avons une tendance à oublier cela. Il n’y a rien de sacré à propos de la loi. Pensez à qui fait les lois. La loi n’est pas faite par Dieu, elle est faite par Strom Thurmond. Si vous avez une notion de sainteté, de beauté, de révérence à propos de la loi, regardez bien les législateurs de cette nation, ceux et celles qui font les lois. Allez vous assoir dans une session législative de votre état, allez assister à une session du congrès, car ces gens sont ceux qui font les lois que nous sommes supposés révérer.

Tout ceci est fait de manière à nous tromper. C’est cela le problème. Dans le temps, les choses étaient confuses, vous ne saviez pas; maintenant vous savez. C’est écrit dans les livres.  Maintenant nous avons une procédure légale, Les mêmes choses se passent qu’auparavant, sauf que nous sommes passés par les bonnes procédures. A Boston, un policier est rentré dans un hôpital et a fait feu cinq fois sur un noir qui l’avait fouetté au bras avec une serviette éponge et le tua. Une procédure judiciare fut engagée, Le juge décida que le policier avait eu raison, parce que s’il ne l’avait pas fait, il aurait perdu le respect de ses collègues. Ceci est ce qui s’appelle une procédure légale, à savoir le type n’a pas échappé au système. On est passé par la procédure en bonne et dûe forme et tout fut règlé. Le decorum, la caractéristique de la loi nous abusent.

La nation fut fondée sur le non respect de la loi, puis vint la constitution et la notion de stabilité que Madison et Hamilton aimaient beaucoup. Ensuite, nous trouvons une période cruciale dans notre histoire où le cadre légal ne suffisait plus et afin d’abolir l’esclavage, nous avions besoin de nous écarter du cadre légal, comme nous avions dû le faire du temps de la révolution ou de la guerre civile. L’union a du sortir du cadre légal afin d’établir certains droits dans les années 1930 et en ce moment, qui est peut-être encore plus critique que la révolution ou la guerre civile, les choses sont si horribles, que nous devons sortir du cadre légal juste pour dire quelque chose, pour prendre position, pour résister, pour commencer à établir le modèle d’institutions et de relations qu’une société décente devrait avoir. Non, pas juste casser et démolir les choses, et en construire d’autres. Mais même si vous essayez de construire des choses qui ne sont pas supposées être construite, vous essayez de construire un parc populaire, ce n’est pas détruire quelque chose, vous construisez quelque chose, mais c’est illégal, la milice vient et vous vire. Voilà la forme que prendra de plus en plus la désobéissance civile: les gens vont construire une nouvelle société au milieu de la vieille obsolète.

Qu’en est-il du vote et des élections ? On nous dit que nous n’avons pas trop besoin de la désobéissance civile parce que nous pouvons nous en remettre au système électoral. Et pourtant, nous devrions avoir appris depuis tout ce temps, mais peut-être ne l’avons nous pas, parce que nous avons grandi avec cette notion que l’isoloir est un endroit sacré, presque comme un confessional. Vous entrez dans l’isoloir, vous en sortez, ils prennent une photo et vous mettez le papelard dans l’urne avec un visage béat. Vous avez voté, c’est la démocratie. Mais si vous lisiez ce que les politologues disent, mais qui le peut vraiment je vous l’accorde ? au sujet de la procédure électorale, vous verriez que ce processus de vote est une supercherie. Les états totalitaires adorent le vote. Vous amenez les gens aux urnes et vous obtenez leur consentement, leur approbation. Je sais qu’il y a une différence, ils ont un seul parti, nous en avons deux. Vous voyez… Nous avons un parti de plus qu’eux…

J’assume que ce que nous essayons de faire, est de vraiment retourner aux principes, aux buts et à l’esprit de la déclaration d’indépendance. Cet esprit est celui de la résistance à une autorité illégitime et à des forces qui privent les gens de leur vie, de leur liberté, de leur droit de poursuivre le bonheur et donc, sous ces conditions, ils clâment le droit d’altérer ou d’abolir leur forme courante de gouvernement, en insistant sur ce terme d’abolir. Mais pour rétablir les principes de la déclaration d’indépendance, nos allons devoir sortir du cadre légal, d’arrêter d’obéir à des lois qui demandent de tuer ou qui aloue la richesse de la façon dont cela a été fait, ou de mettre des gens en prison pour de petit délits et laisser les grands criminels libres. Mon espoir est que cet esprit de résistance reprenne corps non seulement dans ce pays, mais aussi dans bien d’autres car ils en ont besoin. Les peuples de tous les pays ont besoin de la désobéissance à l’état, qui n’est pas une entité métaphysique mais une entité de force brute et de richesse et nous avons besoin d’une forme de déclaration d’inter-dépendance entre les peuples de tous les pays du monde, peuples qui aspirent tous à la même chose.

Source: http://www.thirdworldtraveler.com/Zinn/CivilObedience_ZR.html

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Vidéo d’Howard Zinn à la barre des témoins comme expert de la défense sur la désobéissance civile lors du procès de 7 activistes dans l’affaire AVCO plowshared, 1983. A cette occasion, Zinn dresse depuis la barre des témoins, un portrait empirique de la désobéissance civile étayé, de l’historiographie la concernant au cours de l’histoire des Etats-Unis ; avec un tel témoin à la barre, la désobéissance civile était superbement représentée, les défendants également :

http://www.youtube.com/watch?v=Gx6QQOn4dQE&playnext=1&list=PLCDC1BC7FB9607794&feature=results_main