Très bonne analyse de l’affaire du « changement climatique anthropique » publiée dans le numéro spécial COP21 du Monde Libertaire. Nous nous réjouissons de cette analyse d’autant plus que cela marque une espèce de tournant dans le courant anarchiste. En effet, depuis bien des années, les compagnes et compagnons ont toujours eu une tendance à sauter les yeux fermés dans le train écolo en marche, or tout ce qui est vert n’est pas pré bio, c’est bien connu… Il est bon de voir les yeux s’ouvrir et la fumée se dissiper pour qu’enfin l’agenda politico-économique se dévoile au grand jour. L’analyse ci-dessous descend profond dans le terrier du lièvre et lève un coin du voile jeté depuis bien longtemps sur cette supercherie climatique anthropique.
— Résistance 71 —
La géopolitique de la COP21 et le capitalisme vert
Philippe Pelletier
Groupe Makhno de la Fédération Anarchiste
Décembre 2015
Source: Le Monde Libertaire, Numéro Spécial COP21
http://www.mediafire.com/view/ftgewnkyo938z0a/Anti+cop+21.pdf
L’objectif proclamé de la COP 21 est de
« lutter contre le réchauffement clima-
tique ». Mais qu’en est-il réellement ?
Du « refroidissement global »
au « réchauffement global »
La COP 21 s’appuie sur le GIEC qui,
comme son nom l’indique (Groupe
Intergouvernemental sur l’Evolution du
Climat), est un organisme politique, lequel
demande des expertises à des savants de
son choix. Or, contrairement à ce qui est
régulièrement avancé, il n’y a pas consen-
sus scientifique sur la question climatique.
Et les désaccords ne se situent pas sur les
mêmes plans, ce qui rend le dossier d’au-
tant plus complexe.
Le seul constat partagé par tous les
savants est l’augmentation du CO2 dans
l’atmosphère depuis un siècle. Tout le
reste n’est qu’hypothèses et difficultés
d’interprétation. Le rapport entre CO2 et
effet de serre additionnel n’est pas simple.
Dans les années 70, des scientifiques
(Stephen Schneider, John Holdren, l’Aca-
démie nationale des sciences améri-
caine…) annonçaient qu’un nouvel âge
glaciaire était proche : le global coo-
ling. A l’époque, on observait en effet
un refroidissement des températures dans
certaines régions de l’hémisphère boréal
(de 1940 à 1973, en gros). Holdren, qui
deviendra le « conseiller scientifique et
technologique en chef » du président
Obama, admet désormais le global war-
ming, mais il n’a pas varié sur un point :
son soutien à l’électro-nucléaire.
Pas d’uniformité et des situations
géographiques contrastées
La réalité de ce « réchauffement global »
est complexe. Même l’élévation du niveau
des océans est sujette à interrogation.
Au-delà des problèmes de mesure et
d’interprétations, il ne faut pas perdre de
vue que nous sommes dans un système
concurrentiel – le capitalisme – et que la
compétition (pour les budgets, la noto-
riété, l’oreille du politique…) est égale-
ment vive entre savants, lesquels sont
réciproquement instrumentalisés par la
politique et la géopolitique.
L’avant-garde du capitalisme vert :
le Club de Rome
À la fin des Trente Glorieuses, l’avant-
garde de la bourgeoisie comprend qu’il
ne faut pas scier la branche écologique
sur laquelle sont assis ses profits. Elle
mène dès lors une campagne active
pour influer sur les politiques de gestion
des ressources, en appuyant l’idée d’une
gouvernance mondiale – dont elle serait
évidemment le principal prescripteur –, et
via une sensibilisation des masses à coups
de catastrophisme.
Le Club de Rome deviendra une de ses
plateformes d’action privilégiées. Fondé
en 1968, ses membres ne sont pas de
doux écologistes, de gentils natura-
listes ou de farouches révolutionnaires,
mais des dirigeants de haute volée. On y
compte des industriels, des diplomates, le
secrétaire de la Communauté Européenne
Charbon-Acier, l’un des fondateurs de la
Trilatérale, le responsable français de la
Commission des Opérations de bourse…
Oligarchie cooptée et non démocra-
tique, le Club de Rome fonctionne avec
d’autres clubs du même genre (Trilatérale,
Groupe Bilderberg, Forum de Davos…). Ils
agissent, très ouvertement, dans le sens
de leurs seuls intérêts : ce sont tous de
farouches partisans de l’électro-nucléaire.
Et comme le nucléaire est faiblement
producteur de gaz à effet de serre, si on
promeut la théorie d’un réchauffement
global – en médiatisant les travaux des
scientifiques qui soutiennent cette
thèse ou, comme le GIEC, en finançant
leurs travaux.. –, on peut légitimer et pro-
mouvoir le nucléaire…
Bert Bolin, météorologue suédois, premier
président du GIEC fondé en 1988 grâce
au G7 était un défenseur acharné du
nucléaire. Avec son ami Maurice Strong,
premier président du PNUE (Programme
des Nations-Unies pour l’Environnement),
comme lui membre du Club de Rome,
il participe à la Commission Brundtland
(1987) qui, outre le « développement
durable », entérine le global warming.
La bataille pour les énergies
et la puissance industrielle
La problématique du secteur nucléaire
et celle du secteur pétrolier ne se super-
posent pas, ni géographiquement, ni
politiquement, ni géopolitiquement, en
fonction des gisements, des stratégies
techno-industrielles et des enjeux milita-
ro-diplomatiques. Cela rend sa géogra-
phie complexe, et nous éloigne de toute
explication simpliste (théories du com-
plot, les Américains contre les Chinois,
les méchantes multinationales contre les
gentils écologistes, etc.).
Les États-Unis constituent le grand ter-
rain d’affrontement entre les compagnies
pétrolières historiques et les nouveaux
venus de l’électro-nucléaire, d’où les hési-
tations analytiques aussi bien chez les
scientifiques que chez les dirigeants poli-
tiques. Mais la situation change déjà avec
l’exploitation des gaz de schiste. La Chine
productrice de charbon et importatrice de
pétrole ne fait pas du nucléaire une prio-
rité et investit massivement dans les éner-
gies renouvelables
Des trois grandes puissances ancienne-
ment industrielles de l’Union européenne,
deux sont pro-nucléaires (la France et le
Royaume-Uni), l’autre non (l’Allemagne).
Des pays ont renoncé au nucléaire (outre
l’Allemagne : la Suède, la Confédération
helvétique, l’Autriche, l’Italie). Un cherche
son chemin de Damas (le Japon)…
Autrement dit, l’enjeu climatique qui
oppose l’industrie nucléaire et l’industrie
pétrolière, les anciens pays industrialisés
et le pays « émergents » fait s’affronter des
firmes multinationales entre elles (parfois
provenant du même pays), des secteurs
politiques à l’intérieur d’un même pays ou
entre États rivaux.
L’entrée en bourse du marché du car-
bone et les échanges géopolitiques de
quotas de gaz à effet de serre alimentent
la machine du capitalisme vert. Le pro-
metteur secteur des énergies renouve-
lables qui s’y ajoute est traversé par les
batailles technologiques et les conquêtes
de marché.
Le succès ou l’échec des sommets inter-
nationaux consacrés au climat comme
la COP 21 doit être jugé à l’aune de ce
contexte.
À bas le capitalisme vert
Le Club de Rome, le GIEC et la COP 21
prônent le principe d’une gouvernance
mondiale appuyée sur des experts, non
démocratiquement élus, sinon indirec-
tement par des systèmes pyramidaux de
délégations de pouvoir, et fonctionnant
en réseaux consanguins.
Cette gouvernance constitue ce qu’il faut
bien appeler « l’écolocratie » ou « l’écolo-
crature ». Elle ne vit que grâce aux sub-
sides et aux ambitions de pouvoir, poli-
tique ou symbolique. Ses armes sont bien
connues : simplification démagogique et
abêtissante des faits, rhétorique de peur
et de culpabilisation, mélange de vraies
problématiques et de faux diagnostics,
catastrophisme.
Il serait pour le moins curieux que les
libertaires marchent dans cette vaste com-
bine… Il ne s’agit pas de se battre pour le
climat, mais contre ce système, de rompre
avec le capitalisme et son monde.
Philippe Pelletier
Groupe Makhno
Fédération anarchiste
Auteur de Climat et capitalisme vert (Nada éditions)