« Le plan de colonisation de l’Ouest des Etats-Unis fut mis en œuvre les trois décennies suivant la guerre de sécession. Sous la loi du Homestead Act de 1862, du Morrill Act, le gouvernement des Etats-Unis a saisi plus de 800 000 km2 de terres collectives indigènes et les a ensuite privatisé… Avec ces saisies massives de territoires, le gouvernement des Etats-Unis brisa bon nombre des multiples traités établis avec les nations autochtones. »
~ Roxanne Dunbar-Ortiz, professeur d’histoire, Cal State U ~
Le “Canada” et les “Etats-Unis” sont sur l’Île de la Grande Tortue
Steven Newcomb
30 Septembre 2011
url de l’article original:
http://indiancountrytodaymedianetwork.com/2011/09/30/canada-and-united-states-are-turtle-island
~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~
Il est de nature typique de se référer à nos nations et peuples originels comme étant “au” Canada ou “aux” Etats-Unis impliquant de la sorte qu’ils sont sujets aux jurisdictions de ces deux constructions politiques que sont le “Canada” et les “Etats-Unis”, ces “États” aux yeux de la “loi internationale”. Ce que nous évoquons peu en revanche, est le point de vue bien plus profond qui veut que ces deux entités politiques (et commerciales) occidentales se trouvent de fait sur l’Île de la Grande Tortue,l’Amérique du Nord pour les peuples et nations originels.
Depuis bien trop longtemps avons-nous été conditionnés à accepter l’idée que les nations indiennes sont sujettes et soumises à la jurisdiction légale des Etats-Unis et du Canada. Nous n’avons pas passé beaucoup de temps à conceptualiser le fait que nos nations et peuples originels sont toujours libres et indépendants de droit et que ces entités inventées occidentales sont de fait sur l’Île de la Grande Tortue. Exprimer une telle idée semble même être une folie à cause justement du conditionnement que nous avons reçu depuis un très jeune âge nous disant que nous, les nations indigènes sont inquestionablement sujets des diktats des sociétés dominantes.
Dans son remarquable livre Imperialism, Sovereignty, and the Making of International Law (2004), le professeur Antony Anghie argumente que la loi internationale est un produit de la confrontation coloniale entre les Européens et les non-européens. La loi internationale est, en d’autres termes, une excroissance de l’impérialisme occidental et fut ainsi conçue et opère sur la base d’une structure de domination et de subordination. Dans la préface du livre, l’éminent universitaire James Crawford réfère aux “relations de domination.”
Pour aller plus loin dans la perspective d’Anghie, il n’a pas été bien compris que dans le contexte de la loi internationale, “les peuples indigènes” sont compris comme étant des peuples dominés ou des peuples qui ont été contraints de vivre sous des formes de domination variées. Dans le livre Indigenous Peoples: A Global Quest for Justice (1987), publié par la Commission des Affaires Humanitaires, nous trouvons une “définition” de l’expression: “peuples indigènes”:
“Les populations indigènes sont composées des descendants existants des peuples qui habitaient le territoire présent d’un pays en totalité ou en partie au temps où des personnes de culture ou d’origine ethnique différentes sont arrivés là en provenance d’autres parties du monde, les ont submergé et, par conquête, colonisation ou toutes autres moyens, les ont réduit à une situation non-dominante ou colonisée.”
Les mots clefs de ceci qui indiquent la domination sont “les ont submergé”, “conquête”, “les ont réduit”, “non-dominant”, et “situation colonisée”. Avec ces termes, la phrase “venus d’autres parties du monde” peut être sensiblement rephrasée de la sorte: “envahis par d’autres parties du monde”.
Il n’y a évidemment aucune claire doctrine dans la loi internationale par laquelle les “peuples indigènes” qui ont été et continuent à être forcés ou contraints de vivre sous des régimes de domination, ont le droit de se libérer de cette condition. Ce fut cette condition et les effets de la domination qui inspirèrent les leaders spirituels amérindiens, les anciens, les universitaires et les activistes d’entrer dans l’arène internationale à la fin des années 1970 dans un effort de redresser les torts de cette domination s’étant exercée depuis des siècles.
Maintenant, plus de trois décennies plus tard,, la Déclaration des Droits des Peuples Indigènes de l’ONU a été formellement adoptée par l’AG des Nations-Unies. Etant donné que la domination a été clairement identifiée comme étant la racine du problème de tous les peuples étiquetés “indigènes”, la question se transforme maintenant de la sorte: “De quelle manière la DDPI de l’ONU fournit-elle les moyens pour nos peuples et nations de se libérer de la domination ?” Car si ce document ne nous donne pas un chemin pour nous libérer de toute domination alors nous devons bouger vers la phase suivante afin de trouver ce chemin pour les peuples de l’Île de la Grande Tortue.
Les états du Canada et des Etats-Unis qui se sont érigés eux-mêmes sur l’Île de la Grande Tortue, sur la base conceptuelle de la doctrine chrétienne de la découverte et de la domination, désirent maintenir leur affirmation illégitime de domination sur nos nations et peuples originellement libres et indépendants. Maintenant que le Forum Permanent de l’ONU pour les Affaires Indigènes va avoir une demie-journée de session sur la doctrine de la découverte en Mai prochain, il y a eu une réponse agile pour rediriger la discussion vers le thème de la “réconciliation”.
Ainsi, la question vue de la perspective des nations originelles de la Grande Tortue devient: “Qu’est-ce que veut dire ce terme de “réconciliation” dans le contexte d’une domination toujours affirmée de fait par les états du Canada et des Etats-Unis ?” Cela veut évidemment dire ceci: “Comment allons-nous les faire se réconcilier eux-mêmes avec et envers la domination inquestionable (souveraineté ultime) de l’État ?” En d’autres termes, le problème de la “réconciliation” n’est rien d’autre qu’une trappe qui mène immanquablement de retour au cycle sans fin de la domination coloniale occidentale.