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Résistance politique avec Ricardo Flores Magon, journaliste, anarchiste et révolutionnaire mexicain (1874-1922) ~ 5ème partie ~

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1ère partie

2ème partie

3ème partie

4ème partie

5ème partie

6ème partie

 

A quoi sert l’autorité ?

Ricardo Flores Magon

1914

Ce jour là, Juanito et Luisita, les enfants de Rosa, ne purent quitter le lit : la fièvre les dévorait. Rosa se tordait les mains de désespoir face à la douleur de ces morceaux de sa chair. Voilà trois semaines qu’on l’avait licenciée de l’usine : il y avait trop de bras sur le marché du travail. Elle raclait en vain le fond des tiroirs et renversait ustensiles et récipients : pas un centime dans les uns, rien de valeur dans les autres. Sur la table, il n’y avait même pas un morceau de pain ou une tasse de café et les enfants, rougis par la fièvre, agitaient leurs petits bras hors des draps, en quête de nourriture. La porte s’ouvrit brusquement et des individus vêtus de noir, avec des liasses de papier sous le bras, pénétrèrent dans la pièce sans autre cérémonie. C’était le notaire, accompagné de ses clercs et de ses aides. Ils venaient faire respecter la loi. Rosa n’avait pas payé au bourgeois le loyer de son taudis, car elle était dans la misère et les représentants de l’Autorité allaient la jeter à la rue. Que répondrait Rosa si on lui demandait si l’autorité est bonne pour les pauvres ?

Au milieu de l’agitation et de la confusion de la rue commerçante, soudainement, un bourgeois agite les bras et crie : « au voleur ! au voleur ! » Une chaîne sans montre pend à la boutonnière de son gilet. La foule s’agglutine ; les représentants de l’Autorité, bâton à la main, s’ouvrent un passage au milieu de la multitude ; mais où est le voleur ? Tous ceux qui se trouvent près du bourgeois sont vêtus avec élégance. Pedro, après avoir cherché en vain du travail tout le matin, vient à passer dans les parages. Il s’approche de la foule, cherchant à savoir le pourquoi de toute cette excitation. C’est alors qu’une main vigoureuse l’attrape par le col et qu’une voix hautaine lui crie : « Suis-moi, voleur ! » C’est un policier. Pedro pourrait-il dire que l’Autorité est bonne pour les pauvres ?

José se sent fatigué. Il a marché toute la journée pour atteindre la ville à la recherche d’un travail. Épuisé, il s’assoit sur un banc, dans un parc. Dès que ses membres sont au repos, il s’endort. Une violente secousse le réveille : c’est un représentant de l’Autorité qui le rappelle à l’ordre. Il a commis un « délit » en s’endormant. Pedro s’excuse du mieux qu’il peut et le fonctionnaire de police lui ordonne de sortir du parc. José marche et marche encore jusqu’à ce que la fatigue le pousse à s’asseoir au bord d’un trottoir, dans une rue écartée.

Il s’endort de nouveau et, pour la deuxième fois, en guise de bienvenue, un représentant de l’Autorité le secoue, lui ordonnant de se lever et de circuler. José explique sa situation au flic : voilà trois mois qu’il ne travaille plus car il y a abondance d’esclaves et il a été forcé de se mettre en route pour trouver un bourgeois qui accepte de l’exploiter. Le représentant de l’Autorité lui répond que seuls les paresseux ne trouvent pas de travail. Il lui passe les menottes et le conduit à la prison, où on le mettra au travail, au service de l’Autorité. Pendant ce temps, les parents de José et sa famille meurent de fin dans le village qu’il a quitté. José pourrait-il dire que l’Autorité est bonne pour les pauvres ?

Un tramway a écrasé les jambes de Simon, alors qu’il se rendait à son travail. Simon se met d’accord avec un avocat pour le payer s’il réussit à obtenir une indemnisation de la compagnie pour les préjudices subis. L’indemnisation que Simon aurait dû percevoir est importante, mais les avocats de la compagnie se sont mis d’accord avec celui de Simon et avec les flics qui furent témoins de l’accident pour dépouiller la victime et se répartir l’argent. Simon et sa famille devront vivre de la mendicité ou de la prostitution sous peine de périr. Simon pourrait-il penser que l’Autorité est bonne pour les pauvres ?

La vie à la hacienda est invivable pour Lucas et sa famille. Le patron veut lui voler l’amour de sa compagne ; le fils du patron veut abuser de sa fille ; les contremaîtres redoublent d’insolence ; il gagne un salaire de misère. Lucas décide de partir avec sa famille, mais il faut le faire en cachette du patron qui, comme chacun sait, est le maître des vies et des haciendas. Ils réussissent à partir, mais pour tomber entre les griffes de l’Autorité, avertie par le patron de la « fugue » des esclaves. Les femmes sont rendues à la hacienda, où elles seront à la merci des appétits du patron et de son fils pendant que Lucas est envoyé en prison, comme récidiviste, selon les dires du patron. Lucas pourrait-il dire que l’Autorité est bonne pour les pauvres ?

Les chemins se sont effondrés avec les pluies torrentielles. Pour les bourgeois, il faut absolument que les chemins soient restaurés le plus vite possible pour que leurs camions, leurs automobiles et leurs marchandises puissent transiter facilement. Alors, l’Autorité met la main sur tous les mâles de la classe laborieuse de la région et les oblige à travailler à la réparation de ponts et à la construction de digues, sans aucun salaire, afin que les bourgeois puissent continuer leur commerce.

Pendant ce temps, les familles des prolétaires sont rongées par la faim. Comment ces prolétaires pourraient-ils dire que l’Autorité est bonne pour les pauvres ?

Pourquoi nous, les pauvres aurions- nous besoin de l’Autorité ? Elle nous jette dans des casernes pour que nous défendions, fusil en main, les intérêts des riches, comme c’est le cas en ce moment à Cananea, où les soldats gardent les propriétés de la compagnie pour empêcher que les grévistes les mettent en pièces. Elle nous fait payer des impôts pour entretenir présidents, gouverneurs, députés, sénateurs, flics de toutes sortes, petits employés en tous genres, juges, magistrats, soldats, geôliers, bourreaux, diplomates et toute une bande de parasites qui servent uniquement à nous opprimer au bénéfice de la classe capitaliste. Nous, les pauvres, n’avons pas besoin de cette vermine. Nous devons secouer l’épaule pour que le système bourgeois roule à terre, et prendre possession de la terre, des maisons, des machines, des moyens de transport et de subsistance et déclarer que tout est à tous, hommes et femmes selon ce qui est exposé dans le manifeste du 23 septembre 1911.

A bas l’Autorité, frères déshérités !

= = =

Tout pour tous !

Ricardo Flores Magon

1914

Il est absurde de croire que le riche détient le droit à accumuler entre ses mains la richesse. Le riche n’a pas le droit de posséder la terre puisqu’elle n’est pas son oeuvre, il ne l’a pas fabriquée de ses mains. La terre doit être, pour cette raison la propriété de tous les êtres humains. N’importe quel titre qui protège la possession d’une partie déterminé de terre, pour une personne, est un titre qui soutient l’inégalité, parce que cela prive le reste des gens du droit d’user des choses qui appartiennent à tous. La terre est notre mère, la mère de tous les êtres humains, et c’est pour cette raison, qu’aucun d’entre nous ne peut la réclamer pour un usage personnel qui engendrerait l’exclusion des autres. Comme la vrai mère qu’elle est, elle appartient en entier à tous ses enfants, les humains. Il est inutile d’alléguer que ceux qui possèdent la terre l’ont acheté; celui qui l’a vendue a vendu quelque chose qui ne lui appartenait pas. Tout autant inutile d’alléguer qu’elle a été acquise à travers un héritage; celui qui l’a légué en héritage a légué une chose qui ne lui appartenait pas, puisqu’elle appartient à tous les humains. Inutile aussi d’argumenter qu’elle a été obtenue dans une guerre de conquête, étant donné que ce serait justifier le crime qu’on nomme conquête.

Personne ne peut s’approprier les mines, les carrières, les forêts, les sources, parce que tout cela forme une partie intégrante de la terre, et doit être propriété de tous les êtres humains.

Personne ne peut profiter, en excluant les autres, des maisons, des machines, des trains et des autres moyens de transport, ainsi que des marchandises de toutes sortes accumulées dans les entrepôts, les greniers, les magasins etc., étant donné que tout doit être considéré pour ce qu’il est : le résultat du travail des générations passées et de la présente. Puisque tous les humains ont coopéré dans la production de cette richesse, celle-ci doit être propriété de tous sans exception; autant de l’ingénieur que du manoeuvre, de l’astronome que du boulanger, de l’artiste et du savant comme du menuisier et du maçon. Il est impossible pour l’ingénieur de déclarer qu’il doit obtenir la majeur partie des bénéfices parce que sans ses calculs mathématiques il aurait été impossible de monter les ponts, de percer les tunnels, de construire les édifices etc., puisque s’il en était ainsi, le travailleur manuel pourrait alléguer, et ce avec raison, que sans ses bras et son cerveau toute la science de l’ingénieur serait impuissante pour terminer les oeuvres entreprises, l’agriculteur et le meunier pourraient dire à l’ingénieur que sans eux il n’aurait pas obtenu de viande, de légumes, de lait ou d’oeuf et ainsi il n’aurait pas pu faire ses calculs et sans le tailleur et le cordonnier il n’aurait aucun vêtement à porter et ses pieds ne seraient pas aussi confortables dans une paire de souliers.

Personne ne peut réclamer de privilèges exclusifs pour lui-même en se basant sur sa participation dans la production de la richesse sociale. Le travail de l’ingénieur, du médecin, du savant et de l’artiste est aussi bon et aussi utile que celui du manoeuvre, du maçon, du menuisier, du métallurgiste, du mineur, du tailleur, etc. Tous ont le droit de jouir des richesses sociales qui aujourd’hui se retrouvent entre les mains de certains bandits que l’on nomme riches ou bourgeois.

Nous devons faire table rase des bourgeois, des autorités, des militaires, des policiers et du clergé en même temps qu’exproprier la richesse sociale pour en faire enfin la propriété de tous et la révolution sociale aura triomphé, mes frères déshérités. Mettons en pratique les principes du manifeste du 23 septembre 1911, mes frères enchaînés et arrêtons de nous sacrifier à vouloir élever quelqu’un à la présidence de la république. À celui qui nous demande notre vote, répondons-lui avec nos balles!

= = =

“La question sociale est une question agraire…”
~ Gustav Landauer ~

“La terre ne nous appartient pas, nous appartenons à la terre.”
“La terre ne nous appartient pas, nous l’empruntons à nos enfants et à tous les non-nés.”
~ Proverbes amérindiens ~

Résistance politique: propositions de l’EZLN pour un Réseau de Résistance et de Rébellion international contre la société marchande…

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Résistance 71 se joint à la proposition de l’EZLN du Chiapas d’internationaliser et de coordonner les mouvements de résistance à la dictature de la marchandise qui croît de jour en jour dans sa répression et sa violence systémique partout dans le monde. 

Nous traduirons, publierons et agirons en accord avec le Réseau de Résistance et de Rébellion et participerons à notre humble niveau à l’éveil de la conscience politique du plus de personnes possible dans nos entourages et au-delà. 

Nous avons dit et avons répété depuis bien longtemps que l’avenir de l’humanité passe par la prise de conscience définitive occidentale de la criminalité du système qu’elle a contribué à mettre en place et à faire perdurer au fil des siècles, pour que “l’Homo occidentalis” se tienne enfin main dans la main avec ses compagnons natifs opprimés, afin d’œuvrer dans la complémentarité culturelle et mettre en place une société des sociétés seule capable de servir l’intérêt général en éradiquant  la possibilité d’existence même d’une société politiquement divisée et donc intrinsèquement inégalitaire et oppressive.

Il n’y a pas de solutions au sein du système, il n’y en a jamais eu et ne saurait y en avoir, c’est devenu une évidence. Agissons en conséquence, ensemble, au-delà de la division et de l’antagonisme induits et entretenus par l’oligarchie transnationale du culte de la marchandise.

Nous sommes tous inter-reliés et complémentaires dans le fonctionnement du grand tout naturel planétaire. L’heure est à l’Union et au lâcher-prise de l’illusion étatico-capitaliste qui ne fait que nous diviser et ne pourra que continuer à nous diviser !

~ Résistance 71 ~

« En point de départ, je suggèrerais de conceptualiser ce qu’on pourrait appeler l’anarcho-indigénisme […] Le mot indigène qui évoque l’enracinement spirituel et culturel dans cette terre et la lutte pour la justice et la liberté d’Onkwe’hon:weh ; combiné au mouvement politique et philosophique qui est fondamentalement anti-institutionnel, radicalement démocratique et dévoué à prendre action afin d’amener le changement: l’anarchisme. »
~ Taiaiake Alfred, professeur de science politique, Université Victoria, 2005 ~

“Sur le continent des Amériques et en Europe, l’oppression que nous subissons est la même.
Les couleurs, les langues et les cultures varient, mais l’oppression est constante.
C’est pour cela que nous, Zapatistes, sommes avec vous aujourd’hui.
C’est pour cela que vous êtes avec nous aujourd’hui.
Parce que nous ne voulons plus de ce type de monde.
Nous ne voulons plus que le crime soit célébré.
Nous ne voulons plus que le mensonge soit traité somme une vertu.
Parce que nous ne voulons plus que d’autres nous imposent leur façon d’être et leur mode de pensée.
Nous voulons être libres.
Et le seul moyen de l’être est de l’être ensemble. Voilà pourquoi nous voulons de la liberté dans la solidarité…
Nous ne nous en irons pas.
Nous ne serons plus silencieux.
Nous nous tiendrons debout.
Nous lutterons.
Nous construirons un autre monde.
Bien meilleur.
Bien plus vaste.
Un monde dans lequel tous les mondes trouveront leur place.
Rebelles, frères et sœurs d’Europe…
Nous sommes heureux de marcher avec vous aujourd’hui.
Nous vous remercions de l’espace et de la voix que vous donnez aux Zapatistes.
Le pont que vous avez construit de vos cœurs a franchi l’océan…
Vos rêves sont entendus bien loin d’ici.
Nous nous en faisons l’écho, tous ceux en lutte et en rébellion s’en font l’écho.
Parce qu’à travers le monde, tous les partagent.”
~ SCI Marcos, septembre 1997 ~

 

 

Pour un Réseau de Résistance et Rébellion 

propositions de l’EZLN

 

EZLN

 

mardi 25 septembre 2018, par EZLN, SCI Galeano, SCI Moisés

 

Source en français:

https://www.lavoiedujaguar.net/Pour-la-construction-d-un-Conseil-qui-integre-les-luttes-de-tous-les-opprimes

 

Lors de la Rencontre des réseaux d’appui au Conseil indigène de gouvernement, dans le caracol de Morelia, en août 2018, l’EZLN a présenté un long texte en trois parties développant une analyse de la situation au Mexique et dans le monde. Dans sa partie finale, il formule des propositions de portée internationale pour poursuivre et amplifier le processus engagé avec le Conseil indigène de gouvernement.

C’est cet extrait qui est traduit ici.

(…)

Nous pensons que nous devons continuer aux côtés des peuples originaires.

Peut-être que certains parmi les réseaux [d’appui au Conseil indigène de gouvernement (CIG)] pensent encore que nous apportons un appui aux peuples originaires. Ils vont se rendre compte, à mesure que le temps va passer, que c’est le contraire : ce sont eux qui vont nous aider avec leur expérience et leurs formes d’organisation, c’est-à-dire que c’est nous qui allons apprendre. Car si quelqu’un est expert en matière de tourmentes ce sont bien les peuples originaires — ils ont été attaqués de tant de manières et ils sont toujours là, ou plutôt, nous sommes toujours là.

Mais nous pensons aussi — et vous le disons très clairement, compañer@s — que cela ne suffit pas, que nous devons intégrer à notre horizon l’ensemble de nos réalités avec leurs douleurs et leurs rages, c’est-à-dire que nous devons cheminer vers l’étape suivante : la construction d’un Conseil qui intègre les luttes de tous les opprimés, ceux qui sont traités comme des déchets, les disparues et les assassinées, les prisonniers politiques, les femmes agressées, l’enfance prostituée, de tous les calendriers et de toutes les géographies qui tracent une carte impossible pour les lois des probabilités, les enquêtes et les votes : la carte contemporaine des rébellions et des résistances sur la planète entière.

Si vous et nous, ensemble, allons défier la loi des probabilités qui dit qu’il n’y a aucune chance, ou très peu, que nous réussissions, si nous allons défier les enquêtes, les millions de votes, et tous ces chiffres que le Pouvoir accumule pour que nous nous rendions ou pour que nous nous évanouissions, alors nous devons faire que le Conseil devienne plus grand.

Pour le moment, ce n’est qu’un point de vue que nous exprimons ici, mais nous voulons construire un Conseil qui n’absorbe ni n’annule les différences, et qui au contraire permette de les renforcer dans le cheminement avec d’autres qui partagent le même effort.

Selon un tel raisonnement, ces paramètres ne devraient pas avoir pour limite la géographie imposée par les frontières et les drapeaux : il faudrait donc viser qu’il devienne international.

Ce que nous proposons, c’est non seulement que le Conseil indigène de gouvernement cesse d’être indigène, mais aussi qu’il cesse d’être national.

C’est pourquoi, nous les zapatistes — hommes, femmes et différents — proposons de soumettre à une consultation, outre l’ensemble des propositions formulées durant cette rencontre, ce qui suit :

1. Réaffirmer notre appui au Congrès national indigène et au Conseil indigène de gouvernement.

2. Créer et maintenir des canaux de communication ouverts et transparents entre nous qui nous sommes connus durant le cheminement du Conseil indigène de gouvernement et de sa porte-parole.

3. Commencer ou continuer l’analyse-évaluation de la réalité dans laquelle nous nous mouvons, en produisant et en partageant ces analyses et évaluations, ainsi que les propositions d’action coordonnées qui en découlent.

4. Nous proposons le dédoublement des réseaux d’appui au CIG afin que, sans abandonner l’appui aux peuples originaires, notre cœur s’ouvre aussi aux rébellions et résistances qui émergent et persévèrent là où chacun se trouve, dans les campagnes ou dans les villes, sans qu’importent les frontières.

5. Commencer ou continuer la lutte qui vise à rendre plus grandes les revendications et la nature du Conseil indigène de gouvernement, de façon à ce qu’il ne se limite pas aux peuples originaires et incorpore les travailleurs des campagnes et des villes, ainsi que tous ceux qui sont traités comme des déchets mais qui ont une histoire et une lutte propres, c’est-à-dire une identité.

6. Commencer ou continuer l’analyse et la discussion qui vise à faire naître une coordination ou une fédération de réseaux, qui évite toute direction centralisée et verticale, et qui fortifie l’appui solidaire et la fraternité entre ceux qui la forment.

7 et dernier. Célébrer une réunion internationale de réseaux, quelle que soit la façon dont ils s’appellent — quant à nous, nous proposons que, pour le moment nous nous appelions Réseau de Résistance et Rébellion… et, à la suite, chacun son nom —, en décembre de cette année, après avoir analysé et évalué ce que décideront et proposeront le Congrès national indigène et le Conseil indigène de gouvernement (lors de leur réunion, en octobre prochain) et aussi afin de connaître les résultats de la consultation à laquelle la présente réunion appelle. Pour cette rencontre, nous mettons à disposition, si cela vous paraît pertinent, un espace dans l’un des caracoles zapatistes.

Notre appel n’est pas seulement adressé aux peuples originaires, mais à toutes celles, à tous ceux et à toutes celleux qui se rebellent et résistent dans tous les recoins du monde. À ceux qui défient les schémas tout faits, les règles, les lois, les préceptes, les chiffres et les pourcentages.

(…)

Depuis les montagnes du Sud-Est mexicain,
sous-commandant insurgé Moisés, sous-commandant insurgé Galeano
Mexique, août 2018.

Lectures complémentaires:

Marshall-Sahlins-La-nature-humaine-une-illusion-occidentale-2008

James_C_Scott_L’art_de_ne_pas_être_gouverné

Manifeste pour la Société des Sociétés

L’anarchisme-africain-histoire-dun-mouvement-par-sam-mbah-et-ie-igariwey

Comprendre-le-systeme-legal-doppression-coloniale-pour-mieux-le-demonter-avec-steven-newcomb1

Que faire ?

Effondrer le colonialisme

40ans_Hommage_Pierre_Clastres

Un_manifeste_indigène_taiaiake_alfred

6ème_déclaration_forêt.lacandon

petit_precis_sur_la_societe_et_letat

Païens en terre promise, décoder la doctrine chrétienne de la découverte

Appel au Socialisme Gustav Landauer


SCI Marcos/Galeano

 

Résistance politique avec Ricardo Flores Magon, journaliste, anarchiste et révolutionnaire mexicain (1874-1922) ~ 3ème partie ~

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Ricardo & Enrique Magon

 

La servitude volontaire

 

Ricardo Flores Magon*

1911

 

1ère partie

2ème partie

3ème partie

4ème partie

5ème partie

6ème partie

= L’autre « servitude volontaire » de 1548 =

 

Juan et Pedro arrivèrent à l’âge où il est nécessaire de travailler pour vivre. Tous deux fils de travailleurs, ils n’eurent pas l’opportunité d’acquérir une instruction leur permettant d’échapper à la chaîne du salariat. Mais Juan était courageux. Il avait lu dans les journaux comment des hommes issus d’un milieu modeste étaient arrivés, à force de travail et d’épargne, à devenir les rois de la finance et à dominer les marchés et même les nations. Il avait lu mille anecdotes sur les Vanderbilt, les Rockfeller, les Rotschild, les Carnegie. Ces derniers, selon la presse et même selon les livres scolaires grâce auxquels on abrutit la jeunesse actuelle, étaient à la tête de la finance mondiale pour une seule raison : leur acharnement au travail et leur dévotion pour l’épargne (vil mensonge !).

Juan se livra au travail avec une ardeur sans pareille. Il travailla pendant un an et se retrouva aussi pauvre qu’au premier jour. Au bout d’une autre année, il en était toujours au même point. Il s’acharna au travail sans désespérer. Cinq ans passèrent, au bout desquels — au prix de nombreux sacrifices — il put économiser un peu d’argent. Pour y parvenir, il dut réduire ses dépenses alimentaires au strict minimum, ce qui affaiblit ses forces. Il se vêtit de guenilles : la chaleur et le froid le tourmentèrent, épuisant son organisme. Il vécut dans de misérables taudis, dont l’insalubrité l’affaiblit encore plus.

Mais Juan continua à économiser tant et plus, au prix de sa santé. En contrepartie de chaque centime mis de côté, il perdait une partie de ses forces. Il acheta un bout de terrain et construisit une petite maison afin d’épargner le prix du loyer. Par la suite, il se maria. L’État et le curé ponctionnèrent ses économies, fruit de nombreux sacrifices.

Plusieurs années s’écoulèrent. Le travail n’était pas régulier. Les dettes commencèrent à s’accumuler.

Un jour, un de ses fils tomba malade. Le médecin refusa de le soigner car on ne payait pas ses honoraires. Au dispensaire public, on le traita si mal que l’enfant en mourut.

Malgré cela, Juan ne s’avouait pas vaincu.

Il se souvenait de ses lectures vantant les fameuses vertus de l’épargne et autres sornettes du même acabit. Il était évident qu’il deviendrait riche car il travaillait et économisait. N’était-ce pas ce qu’avaient fait Rockfeller, Carnegie et beaucoup d’autres dont les millions laissent bouche bée l’humanité inconsciente ?

Entre-temps, les produits de première nécessité augmentaient de façon inquiétante. Les rations alimentaires diminuaient de jour en jour dans le foyer du pauvre Juan et, malgré tout, les dettes s’accumulaient et il ne pouvait plus économiser le moindre sou. Pour comble de malheur, son patron décida d’employer de nouveaux travailleurs, à moindre coût. Notre héros, comme beaucoup d’autres, fut licencié du jour au lendemain. De nouveaux esclaves occupaient les postes des anciens. Comme leurs prédécesseurs, ils rêvaient aux richesses qu’ils amasseraient à force de travail et d’épargne.

Juan dut hypothéquer sa maison, espérant maintenir à flot la barque de ses illusions, qui s’enfonçait, s’enfonçait irrémédiablement.

Il ne put payer ses dettes et dut laisser entre les mains des créanciers le produit de son sacrifice, le peu de bien amassé à la sueur de son front.

Obstiné, Juan voulut encore travailler et épargner, mais en vain. Les privations qu’il s’imposait en économisant et le dur labeur qu’il avait accompli dans sa jeunesse avaient épuisé ses forces. Partout où il demandait du travail, on lui répondait qu’il n’y avait rien pour lui. Il était une machine à produire de l’argent pour les patrons, mais une machine délabrée : les vieilles machines, on les met au rebut. Pendant ce temps, la famille de Juan mourait de faim. Dans son sombre taudis, il n’y avait pas de feu, il n’y avait pas de couvertures pour combattre le froid. Les enfants, désespérés, réclamaient du pain.

Juan partait tous les matins à la recherche d’un travail. Mais qui accepterait de louer ses vieux bras affaiblis ? Après avoir parcouru la ville et les champs, il rentrait chez lui, où l’attendaient les siens, tristes et affamés : sa femme et ses enfants pour qui il avait rêvé les richesses de Rockfeller et la fortune de Carnegie.

Un après-midi, Juan s’attarda à contempler le défilé de riches automobiles occupées par des personnes grassouillettes sur le visage desquelles on pouvait deviner la satisfaction d’une vie sans soucis. Les femmes bavardaient joyeusement et les hommes, mielleux et insignifiants, les courtisaient avec des phrases sirupeuses, qui auraient fait bailler d’ennui d’autres femmes que des bourgeoises.

Il faisait froid. Juan frissonna en pensant aux siens qui l’attendaient dans le taudis, véritable refuge du malheur. Comme ils devaient trembler de froid en ce moment ! Ils devaient souffrir les intolérables tortures de la faim ! Comme leurs larmes devaient être amères en cet instant !

L’élégant défilé continuait. C’était l’heure de la parade des riches, de ceux qui — selon le pauvre Juan — avaient su travailler et épargner comme les Rothschild, comme les Carnegie, comme les Rockefeller. Un riche monsieur arrivait dans un luxueux équipage. Son apparence était magnifique. Il avait les cheveux blancs, mais son visage restait jeune. Juan se frotta les yeux, croyant être victime d’une illusion. Non : ses vieux yeux ne le trompaient pas. Ce grand monsieur était Pedro, son camarade d’enfance !

En voilà un qui a dû savoir travailler et épargner, pensa Juan, pour avoir pu ainsi sortir de la misère, pour arriver à cette hauteur et gagner autant de distinction !

Ah ! Pauvre Juan ! Il n’avait pas pu oublier les histoires imbéciles des grands vampires de l’humanité. Il n’avait pas pu oublier ce qu’il avait lu dans les livres d’école où l’on abrutit volontairement le peuple !

Pedro n’avait pas travaillé. Homme sans scrupules et doté d’une grande malice, il avait compris que ce qu’on appelle honneur n’est pas source de richesses. Par conséquent, il s’évertua à tromper ses semblables. Dès qu’il put réunir quelques fonds, il installa des ateliers et loua de la main d’œuvre à bas prix, de sorte qu’il commença à s’enrichir. Il agrandit ses affaires, loua de plus en plus de bras, au point de devenir millionnaire et grand seigneur, grâce aux innombrables Juan qui prenaient au pied de la lettre les conseils de la bourgeoisie.

Juan continua à contempler le défilé de ces fainéants.

Au coin de la rue la plus proche, un homme s’adressait au public. À vrai dire, son auditoire était maigre. Qui était-il ? Que prêchait-il ? Juan s’approcha pour écouter.

« Camarades, disait l’homme, le moment est venu de réfléchir. Les capitalistes sont des voleurs. C’est uniquement par de mauvaises actions que l’on peut gagner des millions. Nous, les pauvres, nous nous décarcassons au travail et quand nous ne sommes plus capables de travailler, les bourgeois nous jettent dehors et nous laissent sans ressources, de la même façon qu’ils se débarrassent d’un cheval vieilli sous le harnais. Prenons les armes pour conquérir notre bien être et celui de notre famille ! »

Juan lança un regard méprisant à l’orateur, cracha par terre avec colère et rentra dans son taudis où l’attendaient, affligés, affamés et frigorifiés, ceux qu’il aimait. L’idée que le travail et l’épargne faisaient la richesse de l’homme vertueux ne pouvait s’éteindre en lui. Même devant le malheur immérité des siens, l’âme de ce misérable élevé pour être esclave ne pouvait se révolter.

(*) Ricardo Flores Magon (1874-1922) était un journaliste et activiste anarchiste mexicain, influencé par les pensées de Bakounine, Reclus et surtout Kropotkine dont l’ouvrage “La conquête du pain” fut une grande source d’éveil politique pour lui. A partir des années 1910, il fut impliqué avec la révolution sociale mexicaine d’Emiliano Zapata et Pancho Villa. En exil aux Etats-Unis, il fut un farouche opposant à a première guerre mondiale. Il fut arrêté pour sédition et condamné à 20 ans de réclusion sous la loi scélérate contre “l’espionnage” de 1917. Il mourut des mauvaises conditions de sa détention sur sa santé fragile dans un pénitencier du Kansas en 1922 à l’âge de 48 ans.

= = =

Lectures complémentaires:

Manifeste pour la Société des Sociétés

Appel au Socialisme Gustav Landauer

Résistance politique avec Ricardo Flores Magon, journaliste, anarchiste et révolutionnaire mexicain (1874-1922) ~ 1ère partie ~

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, canada USA états coloniaux, colonialisme, démocratie participative, documentaire, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, ingérence et etats-unis, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, police politique et totalitarisme, politique et social, résistance politique, terrorisme d'état with tags , , , , , , , , , , , , , , , on 19 septembre 2018 by Résistance 71


Ricardo F. Magon et son frère Enrique

Nous allons publier une douzaine de textes de Magon qui ont pour la plupart l’avantage d’être courts dans un style puncheur rappelant la prose d’un autre grand militant anarchiste italien celui-là: Errico Malatesta.
En voici les deux premiers…
~ Résistance 71 ~

 

1ère partie

2ème partie

3ème partie

4ème partie

5ème partie

6ème partie

 

Je ne veux pas être tyran !

Ricardo Flores Magon*

1910

Je ne lutte pas pour un poste au gouvernement.

J’ai reçu des propositions de beaucoup de madéristes de bonne foi -car il y en a, et en assez grand nombre- pour que j’accepte un poste dans ce qu’on appelle le Gouvernement « provisoire », et le poste que l’on m’offre est celui de vice-président de la République. Avant tout, je dois dire que les gouvernements me répugnent. je suis fermement convaincu qu’il n’y a pas, qu’il n’y aura jamais de bon gouvernement. Tous sont mauvais, qu’ils s’appellent monarchies absolues ou républiques constitutionnelles. Le gouvernement c’est la tyrannie parce qu’il limite la libre initiative des individus et sert seulement à soutenir un état social impropre au développement intégral de l’être humain. Les gouvernements sont les gardiens des intérêts des classes riches et éduquées, et les bourreaux des saints droits du prolétariat. je ne veux donc pas être un tyran. je suis un révolutionnaire et le resterai jusqu’à mon dernier soupir. je veux être toujours aux côtés de mes frères, les pauvres, pour lutter avec eux, et non du côté des riches ni des politiciens, qui sont les exploitants des pauvres. Dans les rangs du peuple travailleur je suis plus utile à l’humanité qu’assis sur un trône, entouré de laquais et de politicards. Si le peuple avait un jour la très mauvaise idée de me demander d’être son gouverneur, je lui dirai: Je ne suis pas né pour être bourreau. Cherchez-en un autre !

Je lutte pour la liberté économique des travailleurs. Mon idéal est que l’homme arrive à posséder tout ce dont il a besoin pour vivre, sans qu’il ait à dépendre d’un quelconque patron, et je crois, comme tous les libéraux de bonne foi, qu’est arrivé le moment où nous, les hommes de bonne volonté, devons faire un pas vers la vraie libération, en arrachant la terre des griffes du riche, Madero inclus, pour la donner à son propriétaire légitime: le peuple travailleur. Dès qu’on aura obtenu cela, le peuple sera libre.

Mais il ne le sera pas s’il fait de Madero le Président de la République, parce que, ni Madero, ni aucun autre gouverneur, n’aura le courage de faire un pas dans ce sens et que s’il le faisait, les riches se soulèveraient et une nouvelle révolution suivrait la présente. Dans cette révolution, celle que nous sommes en train de contempler et celle que nous essayons de fomenter, nous devons enlever la terre aux riches.

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Je ne veux pas être esclave !

Ricardo Flores Magon

1912

Note de R71: Il faut replacer ce texte dans son contexte politico-social de 1912. La révolution sociale a échoué là-bas comme ailleurs parce que la conjoncture politico-économique n’était pas propice. Elle l’est aujourd’hui mais les peuples n’ont plus de conscience politique affermie. De plus la révolution violente a historiquement montré ses limites. Il conviendra mieux de remplacer les institutions par les associations libres confédérées et créer la base de la société des sociétés, sans haine, ni armes, ni violence.

Camarades, Je ne veux pas être esclave ! crie le Mexicain, et, prenant le fusil, il offre au monde entier le spectacle grandiose d’une vraie révolution, d’une transformation sociale qui est en train de secouer les fondations mêmes du noir édifice de l’Autorité et du Clergé.

La présente révolution n’est pas la révolte mesquine de l’ambitieux qui a faim de pouvoir, de richesse et de commandement. Celle-ci est la révolution de ceux d’en bas; celle-ci est le mouvement de l’homme qui dans les ténèbres de la mine sentit une idée jaillir de son crâne et cria:  » Ce métal est à moi! « ; c’est le mouvement du péon qui, courbé sur le sillon, épuisé par la sueur de son front et les larmes de son infortune, sentit que sa conscience s’illuminait et cria:  » Cette terre est à moi, ainsi que les fruits que je lui fais produire! « ; c’est le mouvement de l’ouvrier qui, contemplant les toiles, les habits, les maisons, se rend compte que tout a été fait par ses mains et s’exclame ému: « Ceci est à moi! « ; c’est le mouvement des prolétaires, c’est la révolution sociale.

C’est la révolution sociale, celle qui ne se fait pas d’en haut vers le bas, mais d’en bas vers en haut; celle qui doit suivre son cours sans chefs et malgré les chefs; c’est la révolution du déshérité qui dresse la tête dans les festins des repus, réclamant le droit de vivre. Ce n’est pas la révolte vulgaire qui finit par le détrônement d’un bandit et la montée au pouvoir d’un autre bandit, mais une lutte de vie ou de mort entre les deux classes sociales: celle des pauvres et celle des riches, celle des affamés contre les satisfaits, celles des prolétaires contre les propriétaires, dont la fin sera, ayons foi en cela, la destruction du système capitaliste et autoritaire par la poussée formidable des courageux qui feront offrande de leur vie sous le drapeau rouge de Terre et Liberté !

Eh bien, cette lutte sublime, cette guerre sainte, qui a pour but de libérer le peuple mexicain du joug capitaliste, a des ennemis puissants qui, à tout prix et par tous les moyens, veulent empêcher son développement. La liberté et le bien-être – justes aspirations des esclaves mexicains – sont choses gênantes pour les requins et les vautours du Capital et de l’Autorité. Ce qui est bon pour l’opprimé est mauvais pour l’oppresseur. L’intérêt de la brebis est diamétralement opposé à celui du loup. Le bien-être et la liberté du Mexicain, de la classe ouvrière, signifie la disgrâce et la mort pour l’exploiteur et le tyran. C’est pour cela que lorsque le Mexicain met vigoureusement la main sur la loi pour détruire, et arrache des mains des riches la terre et les machines, des cris de terreur s’élèvent du camp bourgeois et autoritaire, et on demande que soient noyés dans le sang les généreux efforts d’un peuple qui veut son émancipation.

Le Mexique a été la proie de la rapacité d’aventuriers de tous les pays, qui se sont installés sur sa belle et riche terre, non pas pour faire le bonheur du prolétariat mexicain, comme le prétend continuellement le Gouvernement, mais pour exercer l’exploitation la plus criminelle qui ait existé sur la terre. Le Mexicain a vu passer la terre, les forêts, les mines, tout, de ses mains à celles des étrangers, ceux-ci appuyés par l’Autorité, et maintenant que le peuple fait justice de ses propres mains, désespéré de ne pouvoir la trouver nulle part, maintenant que le peuple a compris que c’est par la force et par lui-même qu’il doit retrouver tout ce que les bourgeois du Mexique et de tous les pays lui ont volé; maintenant qu’il a trouvé la solution au problème de la faim; maintenant que l’horizon de son avenir s’éclaircit et lui promet des jours de bonheur, d’abondance et de liberté, la bourgeoisie internationale et les gouvernements de tous les pays poussent le Gouvernement des Etats-Unis à intervenir dans nos propres affaires, sous le prétexte de garantir la vie et les intérêts des exploiteurs étrangers. Ceci est un crime ! C’est une offense à l’humanité, à la civilisation, au progrès ! On veut que quinze millions de Mexicains souffrent de la faim, des humiliations, de la tyrannie, pour qu’une poignée de voleurs vivent satisfaits et heureux !

Ainsi, le Gouvernement des États-Unis prête main forte à Francisco Madero pour étouffer le mouvement révolutionnaire, en permettant le passage des troupes fédérales par le territoire de ce pays, pour aller battre les forces rebelles, et exercer une persécution scandaleuse sur nous, les révolutionnaires, à qui on applique cette législation barbare qui a pour nom « lois de neutralité « . Eh bien : rien ni personne ne pourra arrêter la marche triomphale du mouvement révolutionnaire. La bourgeoisie veut la paix ? Elle n’a qu’à se convertir en classe ouvrière ! Ils veulent la paix ceux qui la font autoritairement ? Ils n’ont qu’à enlever leurs redingotes et empoigner, comme des hommes, la pelle et la pioche, la charrue et la bêche !

Parce que tant qu’il y aura inégalité, tant que quelques-uns travailleront pour que d’autres consomment, tant qu’existeront les mots bourgeoisie et plèbe, il n y aura pas de paix: il y aura guerre sans trêve, et notre drapeau, le drapeau rouge de la plèbe, continuera à provoquer la mitraille ennemie, soutenu par les braves qui crient: Vive Tierra y Libertad !

Au Mexique, les révolutions politiques sont passées à l’histoire. Les chasseurs de postes ne sont plus de ce temps. Les travailleurs conscients ne veulent plus de parasites. Les Gouvernements sont des parasites, c’est pour cela que nous crions : Mort au Gouvernement! Camarades, saluons notre drapeau.

Ce n’est pas le drapeau d’un seul pays, mais du prolétariat entier. Il contient toutes les douleurs, tous les supplices, toutes les larmes, ainsi que toutes les colères, toutes les protestations, toute la rage des opprimés de la Terre. Et ce drapeau ne renferme pas que des douleurs et des colères; il est le symbole de souriants espoirs pour les humbles et de tout un nouveau monde pour les rebelles. Dans les humbles demeures, le travailleur caresse la tête de ses enfants, rêvant ému que ces créatures vivront une vie meilleure que celle qu’il a vécue; ils ne traîneront plus de chaînes; ils n’auront plus besoin de louer leurs bras au bourgeois voleur, ni de respecter les lois de la classe parasitaire, ni les ordres des fripouilles qui se font appeler Autorité. Ils seront libres sans le patron, sans le curé, sans l’Autorité, l’hydre à trois têtes qui en ce moment, au Mexique, traquée, convulsée par la rage et la terreur, a encore des griffes et des crocs que nous libertaires lui arracherons pour toujours.

Voilà notre tâche frères de chaînes, écraser le monstre par le seul moyen qui nous reste : la violence ! L’expropriation par le fer, par le feu et par la dynamite !

Eh bien: cette lutte sublime, cette guerre sainte, qui a pour but de libérer le peuple mexicain du joug capitaliste, a des ennemis puissants qui, à tout prix et par tous les moyens, veulent empêcher son développement. La liberté et le bien-être – justes aspirations des esclaves mexicains – sont choses gênantes pour les requins et les vautours du Capital et de l’Autorité. Ce qui est bon pour l’opprimé est mauvais pour l’oppresseur. L’intérêt de la brebis est diamétralement opposé à celui du loup. Le bien-être et la liberté du Mexicain, de la classe ouvrière, signifie la disgrâce et la mort pour l’exploiteur et le tyran. C’est pour cela que lorsque le Mexicain met vigoureusement la main sur la loi pour détruire, et arrache des mains des riches la terre et les machines, des cris de terreur s’élèvent du camp bourgeois et autoritaire, et on demande que soient noyés dans le sang les généreux efforts d’un peuple qui veut son émancipation.

Le Mexique a été la proie de la rapacité d’aventuriers de tous les pays, qui se sont installés sur sa belle et riche terre, non pas pour faire le bonheur du prolétariat mexicain, comme le prétend continuellement le Gouvernement, mais pour exercer l’exploitation la plus criminelle qui ait existé sur la terre. Le Mexicain a vu passer la terre, les forêts, les mines, tout, de ses mains à celles des étrangers, ceux-ci appuyés par l’Autorité, et maintenant que le peuple fait justice de ses propres mains, désespéré de ne pouvoir la trouver nulle part, maintenant que le peuple a compris que c’est par la force et par lui-même qu’il doit retrouver tout ce que les bourgeois du Mexique et de tous les pays lui ont volé; maintenant qu’il a trouvé la solution au problème de la faim; maintenant que l’horizon de son avenir s’éclaircit et lui promet des jours de bonheur, d’abondance et de liberté, la bourgeoisie internationale et les gouvernements de tous les pays poussent le Gouvernement des Etats-Unis à intervenir dans nos propres affaires, sous le prétexte de garantir la vie et les intérêts des exploiteurs étrangers.

Ceci est un crime ! C’est une offense à l’humanité, à la civilisation, au progrès !

On veut que quinze millions de Mexicains souffrent de la faim, des humiliations, de la tyrannie, pour qu’une poignée de voleurs vivent satisfaits et heureux !

L’hypocrite bourgeoisie des États-Unis dit que nous, Mexicains, sommes en train de faire une guerre de sauvages. Ils nous appellent sauvages parce que nous sommes résolus à ne pas nous laisser exploiter ni par les Mexicains, ni par les étrangers, et parce que nous ne voulons pas de Présidents, ni blanc ni métis. Nous voulons être libres, et si un monde se met en travers de notre route, nous détruirons ce monde pour en créer un autre. Nous voulons être libres et si toutes les puissances étrangères se jettent sur nous, nous lutterons contre toutes ces puissances comme des tigres, comme des lions. je le répète, c’est une lutte de vie ou de mort. Les deux classes sociales sont face à face: les affamés d’un côté, de l’autre les satisfaits, et la lutte se terminera lorsque l’une des deux classes sera écrasée par l’autre. Déshérités, nous sommes les plus nombreux; nous triompherons !

En avant !

Nos ennemis tremblent; il faut être plus exigeants et plus audacieux; que personne ne se croise les bras : levez-vous tous ! Camarades !

Rien ne pourra parvenir à écarter les Mexicains du combat : ni la duperie du politicien qui promet monts et merveilles « après le triomphe », pour qu’on l’aide à prendre le Pouvoir : ni les menaces des sbires de ce pauvre clown qui s’appelle Francisco Madero, ni l’aide militaire des États-Unis. Cette lutte doit être menée jusqu’à son terme: l’émancipation économique, politique et sociale du peuple mexicain, qui se fera lorsqu’auront disparu de cette belle terre le bourgeois et l’Autorité, et flottera triomphant, le drapeau de Tierra y Libertad. Vive la Révolution Sociale !

(*) Ricardo Flores Magon (1874-1922) était un journaliste et activiste anarchiste mexicain, né à Oaxaca, influencé par les pensées de Bakounine, Reclus et surtout Kropotkine dont l’ouvrage “La conquête du pain” fut une grande source d’éveil politique pour lui. A partir des années 1910, il fut impliqué avec la révolution sociale mexicaine d’Emiliano Zapata et Pancho Villa. En exil aux Etats-Unis, il fut un farouche opposant à a première guerre mondiale. Il fut arrêté pour sédition et condamné à 20 ans de réclusion sous la loi scélérate contre “l’espionnage” de 1917. Il mourut des mauvaises conditions de sa détention sur sa santé fragile dans un pénitencier du Kansas en 1922 à l’âge de 48 ans.

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Lectures complémentaires:

Manifeste pour la Société des Sociétés

Appel au Socialisme Gustav Landauer

Les 6 parties de cette publication réunies en PDF
par Jo de JBL1960:

Ricardo_Flores_Magon_Textes_Choisis_1910-1916