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Résistance politique: analyse du dernier livre de Raoul Vaneigem et réflexions sur l’autogestion de la vie quotidienne…

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Lecture de circonstance tout à fait approprié à la dynamique du mouvement national des Gilets Jaunes. Rappelons-nous sans cesse que l’action sans la réflexion n’est souvent qu’activisme et que réflexion et action doivent aussi être simultanées…

~ Résistance 71 ~

Contribution à l’émergence de territoires libérés de l’emprise étatique et marchande

 

vendredi 30 novembre 2018, par Ernest London

Raoul Vaneigem

 

Contribution à l’émergence de territoires libérés de l’emprise étatique et marchande
Réflexions sur l’autogestion de la vie quotidienne

Rivages, « Bibliothèque », 2018

184 pages

Source: 

https://www.lavoiedujaguar.net/Contribution-a-l-emergence-de-territoires-liberes-de-l-emprise-etatique-et

 

Fort du constat que « jamais la terre et la vie n’ont été dévastées, avec un tel cynisme, pour un motif aussi absurde que cette course au profit », Raoul Vaneigem se prête au jeu du « que faire ? » [1]. Il tente d’échapper aux vaines injonctions au « devoir de lucidité » en livrant ses proposions : réunir « la conquête du pain et la conquête de la vie authentique » par l’émergence de territoires libérés de l’emprise étatique et marchande.

Raoul Vaneigem commence par un traditionnel état des lieux, dézingue à tout va : la dictature du profit et le culte de l’argent, le totalitarisme démocratique qui a « si bien gangrené les mentalités que personne ne refuse de payer à l’État des impôts qui, loin d’améliorer le sort des citoyens, servent désormais à renflouer les malversations bancaires », la désertification de la terre et de la vie quotidienne, la colonisation consumériste, le capitalisme spéculatif et financier et la résignation qui entérine le tout. Le capitalisme moderne a réduit la valeur d’usage à zéro tandis que la valeur marchande tend vers l’infini : « La valeur spectaculaire est une valeur marchande. » Une « fausse abondance » a mis à mal la conscience de classe du prolétariat (et sa conscience humaine) qui n’a pas résisté à « l’offensive de la colonisation consumériste ». « Diminuer salaires, allocations, retraites et exorciser la grisaille de l’ennui par la frénésie de consommer, c’est double bénéfice pour les manœuvriers de la finance. » « L’emprise tentaculaire de l’économie est une machine prédatrice » qui vide les consciences, « vidange l’existence » et assèche ce qui subsiste de substance humaine. « Les restes du socialisme trempent dans la soupe néolibérale, le conservatisme se prend les pieds dans le tapis troué du néofascisme, les rétrobolchéviques en sont encore à célébrer l’ouvriérisme alors qu’il s’est, pour une bonne part, égaré dans les égouts de la xénophobie et du racisme. » La mondialisation est une « criminalité banalisée » reposant sur un clientélisme fait de subordination et de chantage, « couverture politique aux procédés mafieux mis en œuvre par les instances multinationales et financières ». « La plèbe est une proie pour le populisme. C’est le fumier où les hommes et les femmes politiques nourrissent et réchauffent leurs froides ambitions. »

Il met la faillite des idéologies sur le compte d’une séparation de la pensée avec le vivant, produit de la division du travail. Dès lors, la confusion sert d’autant plus le pouvoir. « Séparé de la vie, le projet et l’intention d’un bonheur à propager sont des leurres, des espérances mensongères. » Il met en garde contre les réformes et abrogations de loi, aumône concédée par l’État aux mouvements contestataires, « ruses et atermoiements », « prélude à de nouvelles offensives ». Il reproche aux « débordements » de ne pas dépasser le stade émotionnel. Par contre, il reconnaît aux militants en lutte contre l’exclusion des migrants, contre l’expulsion d’une zone à défendre, « une radicalité capable d’essaimer bien au-delà du geste et du mobile initiaux » : « Toute collectivité animée par la volonté de faire primer l’humain sur l’économie inaugure une terre d’où la barbarie est bannie, une terre que fertilise la joie de vivre. »

Son constat n’est pas une fin en soi mais « une plate-forme de dépassement, une invitation à aller au-delà ». Il refuse de « tomber dans la stratégie du désespoir qui désarme et décourage dès le départ les tentatives d’émancipation ». Il se propose de « démanteler le mur des lamentations que l’économie parasitaire consolide avec le ciment de notre désespoir ».

La civilisation est donc arrivée à une impasse que Raoul Vaneigem propose d’envisager plutôt comme carrefour. Il invite à l’exploration de la vie et de l’immensité des possibles, plutôt que la poursuite de « l’expérience labyrinthique d’une survie où nous n’avons plus rien à apprendre ». Il prône un « retour à la base », quête et redécouverte de « la racine des choses et des êtres », un « dépassement de la survie » vers « l’autogestion de la vie quotidienne » où la créativité se substituerait à l’activité laborieuse. La création de biens de qualité en abondance et gratuits rendent « obsolète, rétrograde, ridicule la frénésie consumériste ». Il préconise un apprentissage pour tous et à tout âge, abolissant l’école, lui substituant le projet d’être enseigné et d’enseigner son savoir, tel que l’a mis en œuvre l’Université de la Terre, à San Cristóbal de Las Casas. Il appelle la violence insurrectionnelle à « s’affiner, non à s’assouvir en débordements sans lendemain » : « La construction d’un monde nouveau et la résolution de ne jamais y renoncer démantèleront plus sûrement le vieux monde que l’affrontement rituel des lacrymogènes et du pavé. »

Jusqu’à présent l’autogestion, c’est « substituer à une économie privative une économie collective ». Au contraire, « l’autogestion de la vie quotidienne implique un renversement de perspective. À l’être inféodé à l’avoir succédera une prééminence de l’être qui mettra l’avoir à son service ». Déjà de « simples nids de résistance aux nuisances se transforment en lieux de vie et, parfois, sans en être parfaitement conscients, inventent une nouvelle société ». Envisagée comme un défi, la création d’une société radicalement nouvelle est vouée à l’échec, alors qu’il suffit de se laisser guider par la curiosité, de retrouver « l’innocence de l’enfant, affranchi du carcan scolaire » : « Fertiliser un bout de terrain et un coin de penser, au profit de soi et de tous, contribue à jeter à bas le Léviathan plus sûrement que la rage et le désespoir. Il y a dans la simplicité du retour à la base une puissance poétique qu’aucun pouvoir n’est à même de réprimer. » Il s’agit de s’affranchir « du contrat social forgé de toutes pièces selon son prototype : le contrat commercial ».

Cependant, « ni l’autoritarisme étatique ni la cupidité des mafias internationales ne toléreront en aucune façon l’émergence de territoires où la liberté de vivre abolit la seule liberté qu’ils reconnaissent et pratiquent : celle d’exploiter, de gruger, de terroriser, de tuer. Les libertés du commerce. Le droit de vivre est pour nos ennemis héréditaires une zone de non-droit ». « Consolider un réseau de résistance, mettre en place un plan d’autodéfense, voire tenter une offensive exigent des mesures dont seules les circonstances particulières de l’affrontement peuvent décréter le bien-fondé. » Toutefois il précise que la lutte armée, bien souvent inefficace face à un ennemi rompu à l’art de la guerre, a amplement démontré ses dangers, avec des conséquences bien pires en cas de victoire. De la Révolution espagnole, il tire la leçon que la révolution doit être gagnée sur le plan social et non sur le terrain militaire. Résolument, il affirme la légitimité du sabotage des machines « que les hordes du profit dressent en batterie pour araser un paysage, bâtir une monstruosité, dévaster le sol et le sous-sol, polluer un lieu de vie humaine, animale, végétale ». Il déconseille tout dialogue avec l’État et préconise de conforter « les bases d’un lieu de vie authentique », « propagande de notre société expérimentale », pour se prémunir de l’urgence à laquelle nous accule la tactique de l’ennemi : « Une communauté attachée à la pratique sociale du sens humain est plus invincible, moins facilement attaquable, qu’un groupe armé dont la violence faussement libératrice se borne à concurrencer la violence répressive du capitalisme — lequel se connaît en matière de concurrence. » C’est pourquoi il conseille de ne pas « s’aventurer sur le terrain de l’ennemi » mais de rester sur le terrain de bataille de la vie, de donner sens au slogan « Vous détruisez, nous construisons ».

Il croit en « l’obsolescence de l’argent » car, s’il n’existe pas de solutions préétablies, un style de vie fondé sur le don, bien plus sûrement que l’éthique, « éliminera cette pratique de l’échange, du donnant, donnant que le commerce a implantée partout dans les mœurs et dans les mentalités » : « L’usage de la gratuité, la pratique du don, le règne du qualitatif jettent les bases d’une société qui mettra fin à l’échange, au sacrifice, à la réduction de l’être humain à un objet. »

Viscéralement, il pousse à œuvrer à l’émergence de sociétés autogérées : « Que croissent et multiplient les terres affranchies de la tyrannie étatique et marchande ! »

D’aucuns trouveront qu’il n’y a là rien de très inédit mais loin d’être des lieux communs, ces idées ne méritent-elles pas justement d’être répétées, débattues ? Qui plus est lorsqu’elles sont exprimées, comme ici, avec autant de clarté que de poésie.

Ernest London,

le bibliothécaire-armurier

Bibliothèque Fahrenheit 451

21 novembre 2018.

Raoul Vaneigem offre en annexe les paroles de Terre libre, une chanson qu’il a écrite et qui résument plutôt bien son propos.

Notes

[1] « Au piège du “que faire ?” dans lequel une impatiente instigation — au demeurant sans malice — aurait voulu m’engager, j’opposai la fin de non-recevoir de Scutenaire : “Prolétaires de tous les pays, je n’ai rien à vous conseiller.” Je rappelai qu’un certain Lénine avait donné un ton aussi utilitaire que pressant aux directives jadis placées sous l’objurgation de “décréter le salut commun”. » (Raoul Vaneigem, Contribution à l’émergence de territoires libérés de l’emprise étatique et marchande, p. 11-12 — citation et note de “la voie du jaguar”.)

Réflexion politique sur un nouveau paradigme avec Cornelius Castoriadis et Murray Bookchin

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La démocratie directe et l’écologie: Bookchin et Castoriadis

 

Yavor Tarinski

 

url de l’article

https://robertgraham.wordpress.com/2016/06/25/direct-democracy-ecology-castoriadis-and-bookchin/

 

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

 

A lire également: « L’appel au socialisme » de Gustav Landauer, un raisonnement pour l’avènement de la Société des sociétés.

La charte de la Fédération Socialiste (Gustav Landauer 1908)

 

“La menace principale pour la nature et les Hommes aujourd’hui provient de la centralisation et de la monopolisation du pouvoir et des moyens de contrôle.” ~Vandana Shiva ~

De nos jours on nous rabâche constamment depuis le haut de la pyramide que nous n’avons pas le choix, que nous devons nous conformer au statu quo. Les institutions dominantes du pouvoir font tout ce qu’elles peuvent pour nous convaincre que la solution à nos problèmes sociaux et environnmentaux se trouvent dans les mêmes politiques qui les ont créé en première instance. Le fameux “TINA” (There Is No Alternative thatchérien) continue de dominer le narratif et le discours de masse ; la culture consumériste généralisée, en combinaison avec la crise de représentation de longue date, infectent l’imaginaire des gens et le contaminent avec un certain cynisme, un conformisme généralisé et une grande apathie.

Mais des sens d’une autre façon de penser et de vivre essaient de percer la passivité du moment et sa logique. Un nouveau sens qui va bien au-delà du discours capitaliste bureaucratique contemporain, offrant de nouvelles raisons et valeurs pour naviguer la vie sociétale et nous diriger hors de la destruction générée par une croissance économique constante et une apathie des plus cyniques.

Avec la disastisfaction populaire grandissante concernant l’ordre actuel des choses, nous pouvons distinguer deux sens qui offrent une cassure radicale avec la norme actuelle:

D’un côté, il y a un intérêt croissant pour la participation politique et la démocratie directe. De nos jours, il est devenue presqu’impensable de penser à des troubles populaires en dehors du cadre général de la démocratie: d’abord, la demande réside presque toujours dans l’implication toujours plus citoyenne d’une forme ou d’une autre, puis la façon d’organiser la lutte populaire depuis longtemps a surpassé le centralisme des organisations politiques traditionnelles, insistant au contraire sur la collaboration et l’auto-organisation.

D’un autre côté, l’écologie émerge comme une préoccupation majeure et comme une réponse au modèle politico-économique fondé sur la croissance qui est responsable d’une crise tangible de l’environnemnt. Ceci s’exprime sous la forme de luttes populaires contre les projets capitalistes extra-activistes, dangereux pour l’environnement, la santé publique et l’autonomie locale. Ceci prend aussi la forme d’une résistance à la culture consumériste, ce qui pousse de nouvelles théories inovatives comme celle impliquant la décroissance.

Parmi le spectre divers de penseurs qui dévelopent de nos jours ces nouveaux sens, on peut distinguer Cornelius Castoriadis et Murray Bookchin comme deux des plus influents. Tous deux ont émergé de la gauche et par leur pensée tout autant que par leur militantisme , ont réussi à dépasser les dogmes idéologiques et à développer leurs propres projets politiques , incorporant et avançant plus avant sur le chemin de la démocratie directe et de l’écologie. Il n’est pas du tout surprenant qu’ils aient tous deux collaboré avec le journal “Society & Nature”, puis plus tard avec son successeur “Democracy & Nature”, et ce jusqu’en 1996, lorsqu’un conflit érupta entre les deux penseurs. [http://www.democracynature.org/vol3/biehl_bookchin.htm].

De nos jours, leurs héritages respectifs sont portés par les mouvements sociaux et par les luttes qui placent ces deux sens au cœur de leur politique et de leurs activités. La pensée de Castoriadis a été revitalisée par le soulèvement populaire en Europe de ces dernières années, spécifiquement avec ce qui fut appeléle “mouvement des places” (alias mouvement des “Indignados”), qui fut piloté non pas par des idéologies “pures” mais par la passion pour l’action politique et l’esprit critique, tandis que le projet de Bookchin est de nouveau partiellement mis en application au travers du mouvement de libération kurde au cœur du Moyen-Orient, ce le plus notoirement dans la province syrienne du Rojava, influençant le mouvement à un tel degré que celui-ci (le PKK) a complètement abandonné son orientation de départ marxiste-léniniste.

On doit noter que la cible de ce texte n’est pas d’établir une comparaison analytique profonde entre les travaux de Castoriadis et de Bookchin, mais plutôt est un effort de souligner ces deux éléments de leur pensée qui sont si spécifiquement actuels dans notre conjoncture et qui sont chargés d’un énorme potentiel de changement.

La démocratie directe

Castoriadis et Bookchin ont tous deux vu un grand potentiel libérateur dans la démocratie directe et l’ont placé au cœur même de leurs projets politiques respectifs. Ils ont développé une grande partie de leur pensée et de leurs écrits à ce sujet, développant cette notion au-delà des cadres conventionnels des idéologies traditionnelles. En contraste définitif avec les visions de la gauche autoritaire (étatique), ne faisant pas confiance à la société et appelant ainsi à son assujettissement à des mécanismes hiérarchiques et extra-sociaux d’un côté, et de l’autre, avec de telles visions rejetant toute forme de lois, de droit ou d’institutions, les deux penseurs ont proposé l’établissement de structures et d’institutions qui permettraient l’interaction publique directe tout en maintenant la cohésion sociale au travers du flot horizontal du pouvoir.

D’après Castoriadis, la majorité des sociétés humaines furent établies sur une base d’hétéronomie, qu’il décrit comme une situation dans laquelle les règles de la société sont établies par une source extra-sociale (comme un parti politique, un dieu, une nécessité historique, etc…). Les institutions des société hétéronomes sont conçues comme évidentes par elles-mêmes et en cela ne peuvent pas être remises en cause, elles sont en l’occurence incompatibles avec une interaction populaire. Pour lui, l’organisation structurelle du monde occidental, tout en étant généralement caractérisé comme étant “démocratique”, est en fait une oligarchie libérale comportant quelques libertés pour les peuples, mais dont la gestion générale de la vie sociale se trouve entre les mains d’une toute petite élite (Castoriadis, 1989).

Pour Castoriadis, la démocratie est un élément essentiel de l’autonomie individuelle et sociale (le peuple doit établir ses propres règles et institutions), ce qui est à l’opposé de l‘hétéronomie. Ce qu’il appelle le projet autonome implique un style de démocratie directe et d’auto-institutionalisation par la société, qui consiste en un amalgame de citoyens conscients, qui comprennent qu’ils sont en charge de leur propre destinée et que celle-ci ne dépend en rien d’une quelconque force extra-sociale ou métaphysique (Castoriadis, 1992). Ainsi, c’est dans les mains de la société même que repose le plus grand pouvoir qui soit: celui de se donner les lois et les institutions sous lesquelles vivre.

Castoriadis dérive sa compréhension de la démocratie du sens classique du terme, originaire de l’Athène antique (demos/peuple, kratos/pouvoir). Sur cette base, il constate que les régimes libéraux actuels ne sont pas démocratiques car ils sont fondés sur l’élection de représentants et non pas sur la participation directe des citoyens. D’après lui, la démocratie ne peut être que directe et elle est ainsi incompatible avec la bureaucratie, l’expertisme en tout genre, l’inégalité économique et autres caractéristiques de notre système politique moderne (Castoriadis, 1989).

A un niveau plus concret, il suggéra l’établissement d’unités territoriales ayant des populations de l’ordre de 100 000 personnes qui s’auto-géreraient au travers d’assemblées générales (AG). Pour la coordination entre les différentes unités, il a proposé la formation de conseils et de comités auxquels les corps décisionnaires locaux enverraient des délégués temporaires et révocables (Castoriadis 2013: pages 42-43) ; de façon à ce que le pouvoir demeure dans les mains des peuples, permettant la coordination non-étatique sur une bien plus grande échelle.

Note de Résistance 71: Nous sommes très proche de cette approche organisationnelle de la société, que nous pensons être la seule solution viable sur le long terme. Resterait à résoudre en pratique le problème de l’égalité économique qui passe à notre avis par l’abolition de l’argent et du salariat ainsi que de la propriété privée à but lucratif (chacun garde ses possessions pourvu que cela ne puisse pas exploiter autrui). Tout comme l’État ne dusparaîtra pas “dans le temps”, la propriété privée et l’échange monnétaire ne le feront pas non plus, il faut s’en débarrasser dans la foulée des institutions étatiques et ce non pas par un processus violent de mis à bas (révolution), mais par la constitution et la croissance d’une société parallèle rendant obsolète toutes les lois et institutions actuelles étatiques et corporatistes, un progressisme sociétal menant à l’avènement de la société des sociétés organique…

Pour Bookchin aussi, la caractérisation du système politique actuel comme étant une démocratie fut une erreur, un oxymore. Il nous rappelle qu’il y a juste deux cents ans, le terme de “démocratie” était étiqueté par les dirigeants comme étant un système de la “règle de la foule”, un prélude au chaos, tandis que de nos jours il est utilisé pour masquer un régime représentatif, qui dans son essence même est une oligarchie républicaine depuis qu’une petite clique de personnes choisies dirige la très vaste majorité sans pouvoir (Bookchin, 1996).

Tout comme Castoriadis, Bookchin a fondé sa compréhension de la démocratie sur l’expérience politique de l’Athène antique ; c’est une des raisons pour lesquelles il plaça tant d’attention sur le rôle de la ville (Bookchin, 1964). Il décrit le comment avec la montée de l’étatisme, les citoyens actifs, profondément et moralement impliqués dans leurs villes, furent remplacés par des consommateurs passifs assujettis à la règle parlementaire, dont le temps libre est utilisé à errer dans les galeries marchandes et les grands magazins.

Après bien des années d’implication dans différents mouvements politiques (NdT: Bookchin fut membre des jeunesses communistes américaines, il fut un marxiste-léniniste militant, avant de prendre une orientation anarchiste devant la réalité des choses…) avant de développer son propre projet olitique qu’il appela le communalisme. Fondé sur la démocratie directe, il tourne essentiellement autour de la question du pouvoir, rejetant les pratiques de fuite en avant. Le Communalisme se focalise au contraire sur un centre de pouvoir qui pourrait être soumis à la volonté du peuple, le conseil municipal, au travers duquel on peut créer et coordonner les assemblées locales. Il a insisté sur le caractère antagoniste envers l’appareil d’état que possèdent ces institutions et la possibilité pour celles-ci de devenir les sources exclusives de pouvoir dans leurs villages, leurs villes et leurs agglomérations.

Les municipalités démocratisées, suggéra Bookchin, se confédéreraient les unes les autres et enverraient des délégués révocables aux assemblées populaires et aux conseils confédéraux, défiant ainsi le besoin d’un pouvoir centralisé étatique. Ce modèle tout à fait concret que Bookchin nomma le Municipalisme Libertaire (Bookchin 1996), a influencé grandement le leader kurde de la lutte sociale de libération Abdullah Ocalan et son PKK (NdT: qui depuis la fin des années 1990 a abandonné sa ligne politique marxiste, pour une ligne politique de Confédéralisme Démocratique inspiré de Bookchin, ce système est en place au Rojava syrien depuis 2005)

Une caractéristique remarquable de la vision de Bookchin sur la démocratie directe dans son communalisme, fut l’élément du vote majoritaire qu’il considérait comme étant le seul moyen équitable pour un grand nombre de personnes de prendre des décisions (Bookchin 2002). D’après lui, le consensus, par lequel une simple personne peut mettre un veto sur chaque décision prise, représente un danger pour le démantèlement de la société. Mais, d’après lui, tous les membres de la société possèdent la connaissance et la mémoire, donc la collectivité sociale n’a aucun intérêt à brimer des “minorités” du moment et de les priver de leurs droits. Pour lui, les vues de la minorité sont une source potentielle de nouvelles visions et de vérités, qui sont de grandes sources de créativité et de progrès pour la société dans son ensemble. (NdT: Nous ne sommes ici pas d’accord avec Bookchin, considérant la “règle de la majorité” comme une règle dictatoriale d’imposition imposant de facto une division de la société. Nous pensons que sur un très grand nombre de points politiques et sociaux, il y aurait un consensus décisionaire unanime et que seuls quelques points nécessiteraient plus de débat mais finiraient le plus souvent par enporter à terme une unanimité consensuelle. La règle de la majorité triomphante est la recette qui entretient la division de la société sur laquelle surfe les “leaders” d’une oligarchie en place ou à venir…)

Ecologie

L’écologie a joué un rôle majeur dans la pensée de ces deux grands philosophes. Les deux ayant une vision en contraste marqué avec celle des environnementalistes de leur époque (et d’aujourd’hui…). A l’encontre de la compréhension généralisée de la nature comme étant une commodité, comme quelque chose de séparé de la société, Castoriadis et Bookchin la percevait comme en relation directe avec la vie sociale, les relations et les valeurs, l’incorporant ainsi dans leurs projets politiques respectifs.

Castoriadis argumente que l’écologie est, par essence, une affaire politique. C’est au sujet de choix politiques de mettre en place certaines limites et objectifs dans la relation entre l’humanité et la nature (Castoriadis, 1993). Cela n’a rien à voir avec la science, car cette dernière est au sujet de l’exploration des possibilités et de fournir des réponses à des questions spécifiques, elle n’est pas concernée par l’auto-limitation. Quoi qu’il en soit, Castoriadis insiste grandement sur le fait que les ressources de la science soient mobilisées pour explorer la nature et notre impact sur elle, néanmoins il reste ferme sur ce que le choix à faire au bout du compte est par essence un choix politique.

Ainsi, les solutions qui devraient être données à toute crise environnementale et écologique devraient être politiques. Castoriadis demeure très critique en ce qui concerne les partis politiques verts et le système parlemantaire en général, dans la mesure où au travers des processus électoraux, cela pousse à “libérer” le peuple de la politique, l’incite en fait à quitter la politique, pour laisser le décisionnaire entre les mains de “représentants” professionnels. Ceci a pour résultat que les gens voient la nature de manière dépolitisée, seulement en tant que commodité et c’est pour cela que la plupart des mouvements écologiques contemporains ne traitent quasiment exclusivement ces questions au sujet de l’environnement que de manière détachée des affaires politiques et sociales.

Suivant cette ligne de pensée, ce n’est donc pas une surprise de savoir que Castoriadis demeure très critique envers les rares occasions où les partis politiques écolos/verts en viennent à des propositions politiques pour résoudre la crise de l’environnement (Castoriadis 1981). C’est ainsi parce que dans la plupart des cas, bien que leurs propositions politiques tournent autour de plus de participation populaire, par exemple des partis écolos qui ont proposé une rotation de leurs députés, plus de referendums, etc… sont toujours engoncés dans les âffres du régime parlementaire (NdT: et donc du lobbyisme rampant..). En tant qu’avocat de la démocratie directe, Castoriadis croit que de simples éléments, intégrés dans un système représentatif, y perdront leur sens.

De manière similaire, Bookchin relie également la sphère écologique avec celle du politico-social en général. Pour lui, pratiquement tous les problèmes écologiques actuels résultent de problèmes profondément enracinés dans l’ordre social, c’est pour cela qu’il parla d’écologie sociale (Bookchin, 1993). Les crises écologiques ne peuvent pas être comprises et encore moins résolues si elles ne sont pas reliées à la société, car de fait, les conflits économiques, culturels et autres en son sein, ont été la source de sérieuses disfonctionnements écologiques.

Bookchin, tout comme Castoriadis, est fortment en désaccord avec les environnementalistes qui ont recherché à déconnecter l’écologie de la politique et de la société, l’identifiant au lieu de cela à la préservation de la vie sauvage, de la nature ou d’une écologie profondément marquée par la malthusianisme, etc (Bookchin, 1988). Il a insisté sur l’impact sur la nature qu’a eu et a toujours notre société capitaliste hiérarchisée par ses grands projets extra-activistes à grande échelle motivés par le seul profit, ainsi rendant la chose très claire: on ne peut pas sauver la planète sans résoudre nos problèmes politico-sociaux.

Pour Murray Bookchin la mentalité hiérarchique et l’inégalité économique qui ont pénétré notre société sont les sources principales de l’idée même que l’Homme devrait dominer la nature. Partant, la lutte écologique ne peut avoir aucun espoir de succès à moins qu’elle ne s’intègre dans un projet politique holistique qui mette au défi la source même de la crise socio-environnementale actuelle, c’est à dire de défier la hiérarchie et l’inégalité (Bookchin, 1993).

Conclusion

Malgré les différences et les désaccords entre les deux hommes, Castoriadis et Bookchin ont bien des points en commun, spécifiquement la façon dont ils envisionnaient la démocratie directe et l’écologie. Leurs contributions dans ces domaines a fourni un sol très fertile pour une avancée théorique et pratique. Ce n’est pas par hasard que dans une période où les questions de démocratie et d’écologie attirent une attention accrue, que nous entendons encore plus parler de ces deux philosophes.

Ces concepts prouvent être d’un grand intérêt pour un nombre croissant de gens dans un âge de privations continues de nos droits, du remplacement féroce du citoyen par le consommateur décérébré, les inégalités économiques croissantes et la dévastation sans précédent de notre monde naturel. La démocratie directe et l’écologie contiennent les germes d’un autre monde possible. Elles paraissent être les deux meilleures significations que la base de la société a pu créer et articuler comme un substitut potentiel à celles complètement pourries de la hiérarchie et de la commodification des choses qui continuent à dominer et à détruire notre monde aujourd’hui plus que jamais.

Démocratie directe: Société organique et assemblées de communauté…

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Assemblées de communauté

Robert Graham

19 Avril 2016

url de l’article original:

https://robertgraham.wordpress.com/2016/04/19/community-assemblies/

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

L’idéal contractuel cherche à réduire toute relation à des relations contractuelles, éliminant à terme le besoin de tout processus politique public. Murray Bookchin a argumenté du contraire, qu’il y a, ou devrait y avoir, une véritable sphère publique dans laquelle tous les membres d’une communauté sont libres de participer et capables de prendre des décisions collectives en regard de la politique qui devra ietre suivie par la communauté. Les assemblées de communauté en contraste avec les conseils ouvriers, donnent une voix à tout le monde dans le processus de prise de décision collectif et non pas seulement à ceux qui sont directement onmpliqués dans le processus de production. De telles assemblées fonctionneraient de la même manière peu ou prou que les “collectifs anarchistes” durant le révolution espagnole de 1936-39 comme documenté par Gaston Leval.

Quoi qu’il en soit, des questions se posent en regard de la relation entre les assemblées de communautee et les autres formes d’organisaton, que ce soit les conseils ouvriers d’usine, les syndicats ou les assemblées de communauté dans d’autres domaines ou même des associations volontaires en général. En plus de rejeter la règle de la majorité, les anarchistes ont historiquement non seulement soutenus le droit des individus et des groupes de s’associer, de former des réseaux et de se fédérer avec d’autres individus ou groupes, mais également de faire sécession ou de se désassocier d’eux. On ne peut pas avoir d’associations volontaires fondées sur une appartenance obligatoire.

Ne considérant pas les difficultés à déterminer la “volonté” d’une assemblée (que ce soit par le vote à la majorité simple de ceux présents, comme Bookchin le préconisait, ou par des moyens plus sophistiqués), sauf dans de rares cas d’unanimité, on s’attendrait à ce que des désaccords sincères et réels sur des décisions publiques continuent à se produire et ce même après l’abolition des intérêts de classe. La mise en application (forcée) des décisions des assemblées n’exacerberait pas seulement le conflit, mais encouragerait aussi le factionalisme, avec des gens partageant le même type d’idées et d’intérêts se réunissant pour s’assurer que leurs vues et positions prédominent dans les assemblées. En de telles circonstances, “l’altruisme positif et l’attitude de coopération volontaire” tendent à s’atrophier, tandis que le point de focalisation de l’action collective devient la réalisation de moyens de coercition légaux pour faire prévaloir une vision au lieu de solliciter la coopération des autres.

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Note de Résistance 71: C’est pour cela que nous pensons que les décisions prises en assemblée ne doivent pas être prise “à la majorité”, ce qui crée automatiquement une division du groupe entre ceux qui sont “majoritaires” sur tel point et les autres ; mais que les décisions doivent être prise à l’unanimité. Le collectif doit parvenir à un consensus décisionnaire. C’est en fait bien plus facile qu’on le croit pourvu qu’une chose essentielle soit réalisée: qu’il n’y ait plus de raison de faire triompher des intérêts particuliers au détriment de l’intérêt général. Comment ? En supprimant d’emblée la possibilité de l’exploitation de quiconque par autrui, c’est à dire en supprimant la possibilité de propriété privée et de l’accumulation de pouvoir comme de richesses.

Résistance politique: Changer la relation notre relation à la société mène à la disparition de l’état, pour que ne reste que la nation…

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« Anarchisme: Le nom donné à un principe de théorie et de conduite de la vie sous lequel la société est conçue sans gouvernement, l’harmonie dans une telle société étant obtenue non pas par la soumission à la loi ou par l’obéissance à l’autorité, mais par les consentements libres conclus entre des groupes territoriaux et professionnels variés, librement constitués pour les fonctions simples de production et de consommation et également pour la satisfaction d’une variété infinie de besoins et d’aspirations d’être civilisé. Dans une société développée selon ces lignes de conduite, les associations volontaires qui commencent déjà à couvrir tous les secteurs de l’activité humaine, prendraient une plus grande extension pour finir par se substituer elles-mêmes pour l’état et de ses fonctions. »

– Pierre Kropotkine (début de la définition de l’anarchisme qu’il écrivit pour la 11ème édition de L’Encyclopedia Britannica, 1910) –

 

L’anarchisme sans adjectifs

 

Fernando Tarrida del Marmól

 

Barcelone, 1890, publié dans “La Révolte”

 

url de l’article original:

http://robertgraham.wordpress.com/2015/08/11/anarchism-without-adjectives-1890/

 

~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~

 

Notre étoile polaire est l’anarchie, le but que nous essayons d’atteindre et vers lequel nous dirigeons nos pas. Mais notre chemin est bloqué par tout un tas de différentes classes d’obstacles et si nous devons les démolir, nous devons utiliser le moyen qui semble être le plus approprié. Si nous ne pouvons pas adapter notre attitude à nos idées, nous le faisons savoir et tendons à nous tenir le plus proche possible de l’idéal. Nous faisons ce qu’un voyageur ferait lorsqu’il désire aller dans un pays au climat tempéré, mais qui pour y parvenir, devrait traverser des zones tropicales et très froides: ils partiraient avec des habits légers mais aussi très chauds, habits qu’il abandonnerait une fois à destination. Ce serait à la fois stupide et ridicule de vouloir se battre à mains nues contre un ennemi si bien armés.

Nos tactiques dérivent de ce qui a été dit. Nous sommes des anarchistes et nous faisons une promotion de l’anarchie sans adjectifs atenants. L’anarchie est un axiome et la question économique est secondaire. Certains nous dirons que c’est à cause de la question économique que l’anarchie est une vérité ; mais nous pensons qu’être anarchiste veut dire être l’ennemi de toute autorité et imposition et en conséquence, quelque soit le système proposé doit être considéré comme la meilleure défense de l’anarchie et ne pas chercher à l’imposer à ceux qui ne veulent pas l’accepter.

Ceci ne veut pas du tout dire que nous ignorrons la question économique, au contraire, nous en discutons avec plaisir, mais seulement comme contribution à une ou des solutions définitives. Bien d’excellentes choses ont été dites par Cabet, Saint Simon, Fourier, Robert Owen et d’autres; mais tous leurs systèmes ont disparu parce qu’ils voulaient verrouiller la société dans les conceptions de leurs cerveaux, malgré le fait qu’ils avaient beaucoup contribué à élucider la grande question.

Rappelez-vous que dès que vous décidez de dessiner les lignes générales de la société future, d’un côté il y a des objections et des questions provenant des adversaires et de l’autre côté, le désir naturel de produire un travail complet et parfait qui nous mènera à inventer et à dessiner un système qui, nous en sommes persuadés, disparaîtra comme les autres.

Il y a un fossé entre l’anarchisme individualiste d’un Spencer et des autres penseurs bourgeois et celui des anarchistes-socialistes (je ne peux trouver une autre expression…), comme il y en a un entre les collectivistes espagnols d’une région à l’autre, entre les mutualistes anglais et nord-américains ou entre les libertaires-communistes. Kropotkine par exemple, nous parle des “villes-industrielles”, réduisant ce système ou ce concept si on préfère, au rassemblement de petites communautés qui produisent ce qu’elles veulent, rendant si on veut ainsi réel le concept biblique de “paradis sur terre” de l’état présent de la civilisation. Tandis que Malatesta, qui est aussi un communiste-libertaire, pointe vers la constitution de grandes organisations qui échangent leurs produits entre elles et qui augmentent ce pouvoir créatif toujours plus, cette superbe activité qui s’est développée au XIXème siècle, purgée de toute action injurieuse.

Chaque puissante intelligence donne ses indications et crée de nouveaux chemins vers la société du futur, gagnant des soutiens au travers d’un pouvoir hypnotique, si on peut dire, suggérant ces idées aux autres, chacun en général formulant son propre plan particulier.

Mettons nous d’accord donc, comme la plupart d’entre nous l’a fait en Espagne, de ne simplement nous appeler qu’anarchistes. Dans nos conversations, dans nos conférences, dans notre presse, nous discustons de questions économiques, mais ces questions ne devraient jamais devenir la cause d’une division entre anarchistes.

Pour que la promotion de nos idées ait du succès, pour la préservation de l’Idée, nous devons nous connaître et nous voir et pour cette raison, nous devons nous organiser en groupes. En Espagne, ces groupes existent dans chaque localité où il y a des anarchistes et ils sont la force directrice de tout le mouvement révolutionnaire. Les anarchistes n’ont pas d’argent, ni un moyen facile d’en trouver. Pour y circonvenir, la plupart d’entre nous font de petites contributions hebdomadaires ou mensuelles, de façon à pouvoir maintenir les relations nécessaires entre tous les membres. Nous pouvons auss maintenir le contact avec le monde entier si d’autres pays ont une organisation comme la notre. (NDT: La société espagnole a été très imprégnée des idées anarchistes entre 1868 et aujourd’hui. Au moment de la révolution sociale espagnole de 1936-39, les syndicats ouvriers anarchistes CNT-AIT avaient plus d’un million de membres sur le territoire. Le marxisme était quasiment inexistant en Espagne en 1936…)

Il n’y a aucune autorité régissant le groupe: un camarade est nommé pour agir comme trésorier, un autre comme secrétaire pour faire face à la correspondance etc. Les réunions ordinaires (assemblées générales) se tiennent chaque semaine ou chaque deux semaines, les réunions extraordinaires se réunissent lorsque le besoin s’en fait sentir. Afin d’économiser sur les dépenses et le travail fournis et aussi en mesures de prudence en cas de persécution politique, une commission des relations est créée à un niveau national. Mais cette commission ne prend aucune initiative: ses membres doivent retourner à la base de leur groupe respectif s’ils veulent faire des propositions. Sa mission est de communiquer les résolutions et les propositions qui lui parvienennent d’un ou de plusieurs groupes, de maintenir des listes de contacts et les fournir à rtout groupe qui devrait les demander et aussi d’entrer en contact direct avec les autres groupes.

Telles sont les lignes générales de l’organisation qui furent acceptées au congrès de Valence et au sujet duquel vous avez écrit dans le journal “La Révolte”. Les bénéfices sont immenses et c’est ce qui a entretenu le feu des idées anarchistes tout ce temps. Restez assurés que si nous devions réduire l’action de l’organisation anarchiste, nous obtiendrions très peu de résultat. Nous finirions par la transformer en une association de penseurs qui discutent d’idées et qui dégénéreraient sans aucun doute en une société de métaphysiciens débattant de mots. Ceci n’est pas sans rappeler la situation à laquelle vous avez à faire face en France. Utilisez votre activité exclusivement pour discuter de l’idéal, vous finissez par ne plus débattre que de mots et de leur signification. Certains sont appelés “égoïstes” et d’autres “altruistes”, bien que tous deux veulent la même chose. Certains sont appelés communistes-libertaires, d’autres “individualistes”, mais à la racine même, ils expriment les mêmes idées.

Nous ne devrions pas oublier que la grande masse prolétaire est forcée de travailler un nombre excessif d’heures, qu’elle vit dans la pauvreté et qu’en conséquence, ele ne peut pas acheter les livres de Buchner, Darwin, Spencer, Lombroso, Max Nordau etc… ces noms dont ils n’ont pas entendu parler du reste. Et même si le prolétaiat pouvait obtenir ces livres, il lui manque les études préliminaires en science qui serait nécessaire pour bien comprendre ce qu’il lit. Il n’a pas le temps d’étudier la méthode, son esprit n’est pas non plus entraîné à assimiler cette connaissance. Il y a bien sûr des exceptions comme cet Esteban dans le “Germinal” de Zola, ceux dont la soif de connaissance les amène à dévorer tout ce qui leur tombe sous la main, bien que souvent très peu ne soit retenu et assimilé.

Notre champ d’action donc, ne doit pas demeurer avec ces groupes, mais avec les masses prolétaires.

C’est dans les sociétés de résistance où nous étudions et préparons notre plan de lutte. Ces sociétés existeront sous un régime bourgeois. Les travailleurs ne sont le plus souvent pas des écrivains et se préoccupent peu de savoir s’il y a une liberté de la presse, les travailleurs ne sont pas des orateurs et se soucient peu de la liberté d’assembée et de créer des réunions publiques, ils considèrent les libertés politiques comme secondaires, mais ils cherchent tous à améliorer leur situation économique et ils recherchent tous à se débarrasser du joug de la bourgeoisie. Pour cette raison, il y aura des syndicats de travailleurs et des sociétés de résistance même tandis qu’il existe toujours l’exploitation d’un homme par un autre. C’est là qu’est notre place.

En les abandonnant, comme vous l’avez fait en France, cela deviendra le lieu de rendez-vous des charlatans qui parlent aux travailleurs de “socialisme scientifique” ou de practicalité, de possibilisme, de coopération, d’accumulation de capital pour maintenir des grèves pacifiques, des requêtes pour une aide et un soutien des autorités etc, de telle façon que cela endormira les travailleurs et restreindra leurs urgences révolutionnaires. Si les anarchistes faisaient partie de ces sociétés, au moins ils empêcheraient les “sédatifs” de perpétrer leur propagande contre nous. (NdT: Regardons la justesse de ce propos à l’aune du syndicalisme “réformiste” de tout poil ayant cours depuis la fin des années 1950, bouffant au ratelier de la grande bourgeoisie, ayant abandonné toute velléité révolutionnaire, juste pour en croquer, vivre des subsides de l’État et arrondir les angles pour leurs maîtres de la haute finance et de la grande industrie transnationale… A gerber, mais ces propos de del Marmól étaient bel et bien visionnaires, même si la situation était par trop prévisible…)

De plus, si, comme c’est le cas en Espagne, les anarchistes sont les membres les plus actifs de ces sociétés (de résistance), ceux qui accomplissent tout travail nécessaire pour la gloire, à l’encontre des fourbes qui les exploitent, alors ces sociétés seront toujours de notre côté. En Espagne, ce sont ces sociétés qui achètent toujours un grand nombre de journaux anarchistes chaque semaine pour les distribuer gratuitement à leurs membres. Ce sont ces sociétés qui donnent de l’argent pour le support de nos publications et qui aident les prisonniers et tous ceux qui sont persécutés. Nous avons montré par notre travail dans ces sociétés que nous luttons pour la gloire de nos idées. De plus, nous allons partout où il y a des travailleurs, même là où il n’y en a pas, si nous pensons que notre présence peut y être utile pour la cause de l’anarchie.

 

Telle est la situation en Catalogne (et de manière croissante dans le reste de l’Espagne), où il y a à peine une municilaité qui n’a pas créé ou au moins aidé à créer des groupes, qu’on les appelle des cercles, des sociétés littéraires, des centres de travailleurs etc… qui sympathisent avec nos idées sans se décrire eux-mêmes comme anarchistes, sans même qu’ils soient réellement anarchistes. Dans ces endroits, nous donnons des conférences purement anarchistes, mélangeant notre travail révolutionnaire avec les autres réunions musicales et littéraires. Là, assis autour d’un café, nous débattons, nous nous rencontrons chaque soir, ou nous étudions dans la bibliothèque. (NdT: Il faut lire les récits des centres culturels anarchistes dans l’Espagne révolutionnaire de 1936-39 à Barcelone et ailleurs, pour comprendre la ferveur et la soif de connaissance qui y étaient assouvies… Ceci fut le résultat d’une mise en place datant de 1868. C’est ce qu’il manque aujourd’hui, même si l’internet est une énorme source d’information, il manque les réunions-débats, formatrices politiques. Ceci devraient se généraliser dans les espaces publics…)

 

C’est là où nos journaux ont leur bureau d’édition et où nous envoyons les journaux que nous recevons ensuite dans la salle de lecture ; ceci est pratiquement organisé gratuitement à un moindre coût. Par exemple dans le cercle de Barcelone, il n’est même pas requis de devenir membre. Ceux qui veulent devenir membres le peuvent et la contribution de 25 centimas est aussi optionnelle. Des 2 à 3000 travailleurs qui fréquentent le cercle, seuls environ 300 sont membres actifs. Nous pouvons dire que ces endroits sont le point de focalisation de nos idées. Quoi qu’il en soit, bien que le gouvernement ait toujours cherché un prétexte pour les faire fermer, il ne l’a jamais fait parce qu’ils ne se décrivent pas eux-mêmes comme anarchistes et les réunions publiques, assemblées, ne se tiennent pas là. Rien ne se fait dans ces endroits qui ne pourrait se faire dans un café, mais parce que bien des éléments actifs s’y rendent, bien souvent de grandes choses et idées émergent et y sont discutées devant un café ou un verre de Cognac.

N’oublions pas les sociétés coopératives pour la consommation. Dans presque toutes les villes de Catalogne, sauf Barcelone où cela est impossible dû aux grandes distances impliquées et aussi au mode de vie, les coopératives de consommation ont été créées pour que les travailleurs y trouvent des denrées alimentaires de meilleure qualité et bien moins chères que chez les détaillants, dont des membres ne considère pas les coopératives comme une fin en soi, mais comme un moyen de profiter. Il y a des sociétés qui font de grands achats et qui ont des crédits de l’ordre de 60 000 pesetas, qui ont été bien utiles lors des grèves, donnant du crédit aux ouvriers. Dans les sociétés littéraires des “gentilshommes” (ou des “sages” comme ils sont souvent connus), ils discutent de socialisme; deux camarades s’enregistrent comme membres (s’ils n’ont pas d’argent, le groupe y veillera) et y vont représenter nos idées.

La même chose avec notre presse. Elle ne laisse jamais de côté les idées anarchistes, mais elle fait de la place pour les manifestes, les déclarations et les informations, qui même si elles sont de peu d’importance, n’en servent pas moins pour notre journal et avec celui-ci, nos idées, de pénétrer dans des villes ou des zones où elles ne sont pas beaucoup répandues. Ceci correspond à nos tactiques et je pense que si elles étaient adoptées dans d’autres pays, les anarchistes verraient bientôt leur champ d’action s’élargir.

Rappelez-vous qu’en Espagne, la plupart des gens ne savent pas lire (NdT: en cette fin XIXème siècle), mais malgré cela, six périodiques anarchistes, des pamphlets, des livres et beaucoup de prospectus sont imprimés. Il y a continuellement des réunions et même sans de grands noms pour promouvoir les idées, de grands résultats sont atteints.

En Espagne, la bourgeoisie est sans pitié et rude et ne permettra pas à quelqu’un de sa classe de sympathiser avec nous. Quand quelqu’un de position importante prend notre défense, tout moyen est déchaîné contre lui pour le forcer à nous abandonner, ceci est fait de telle façon, qu’il ne peut alors plus que nous soutenir de manière privée, en catimini. En revanche, la bourgeoisie lui donne tout ce qu’il veut s’il s’écarte de nous. Ainsi, tout le travail fait en faveur de l’anarchie repose sur les épaules des travailleurs manuels, qui doivent lui sacrifier leurs heures de repos…

 

Vivre autrement… L’autogestion et les collectifs espagnols 1936-39 ~ 1ère partie ~

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Si la révolution sociale espagnole a fait des erreurs et fut vaincue par la coalition étatique tout azimut (fascismes bruns, fascisme rouge stalinien, monarchies et république dite « modéré »), elle ne nous en a pas moins laissé de superbes exemples d’autogestion populaire ouvrière et paysanne dans un climat de guerre civile.

Apprenons des collectifs espagnols et de l’organisation autogérée car c’est la seule solution viable pour l’humanité future. Ils nous ont montré une certaine voie qu’il faudra adapter à la vie moderne, mais les fondements sont universels et appliqués depuis des millénaires.

— Résistance 71 —

 

Collectivisations industrielles durant la révolution espagnole 1936-39 (1ère partie)

 

Deirdre Hogan

 

7 Mai 2015

 

url de l’article en français:

http://www.autogestion.asso.fr/?p=5158

 

1ère partie

2ème partie

 

Même si c’est dans les campagnes que les socialisations anarchistes les plus systématiques ont eu lieu, la révolution a aussi été une réalité dans les villes. En Espagne à cette époque, au moins deux millions de personnes, sur une population totale de 24 millions, travaillaient dans l’industrie, 70 % de celle-ci étant concentrée sur une seule région, la Catalogne. Ici, dans les heures qui ont suivi l’offensive fasciste, les travailleurs ont pris le contrôle de 3000 entreprises. Ceci incluait tous les services de transport, de livraison, d’électricité et d’énergie, de gaz et de traitement des eaux, les usines d’automobiles et de mécanique, les mines, les cimenteries, les usines de textile et de papiers, les centrales chimiques et électriques, les usines de bouteilles en verre, les parfumeries, l’agro-alimentaire et les brasseries.

C’est dans les zones industrielles que les premières collectivisations ont eu lieu. La veille du putsch militaire, une grève générale avait été appelée par la CNT. Une fois la période des premiers combats passée, il était clair que l’étape suivante consistait à s’assurer que la production allait se maintenir. Une bonne partie de la bourgeoisie favorable au général Franco a fui après la défaite de l’insurrection des forces armées. Les usines et ateliers possédés par ceux-ci furent immédiatement saisis et remis en route par leurs travailleurs. D’autres secteurs de la bourgeoisie refusaient de maintenir les usines en fonctionnement et les fermaient, ce qui revenait à aider indirectement Franco. La fermeture des usines et ateliers augmentait le chômage et la pauvreté, ce qui faisait le jeu de l’ennemi. « Les travailleurs l’ont instinctivement compris et ont mis en place dans presque tous les ateliers des comités de contrôle qui avaient comme objectif de surveiller la progression de la production et de vérifier la situation financière des propriétaires de chaque établissement. Dans de nombreux cas, le contrôle était transféré à un comité de direction dans lequel les patrons étaient traités de la même façon que les travailleurs et payés de façon identique. C’est ainsi qu’un nombre significatif d’usines et d’ateliers de Catalogne passèrent dans les mains des travailleurs présents. » 1

Il était de la plus haute importance de créer, sans tarder, une industrie de guerre capable de fournir le front et de remettre en fonctionnement les systèmes de transport afin d’acheminer les milices et les munitions sur le front. C’est ainsi que les premières expropriations d’industries et de services publics ont eu lieu afin d’assurer une victoire sur le fascisme, permettant aux militants anarchistes de profiter de la situation pour avancer dans leurs objectifs révolutionnaires.

Le rôle de la CNT

Cette révolution sociale se comprend mieux si elle est replacée dans le contexte d’une histoire relativement longue de traditions ouvrières et de luttes sociales. La CNT, qui était la force motrice des collectivisations, existait depuis 1910 et rassemblait 1,5 million de membres en 1936. Le mouvement anarcho-syndicaliste a existé en Espagne depuis 1870. De sa naissance à la réalisation, certes partielle, de son idéal ultime durant cette révolution sociale, il avait une histoire d’engagements permanents dans des luttes sociales intenses, « grèves partielles et générales, sabotages, manifestations publiques, rassemblements, luttes contre les casseurs de grève, emprisonnements, déportations, procès, soulèvements, lock-outs et même quelques attentats. » 2

Les idées anarchistes étaient très répandues en 1936. La diffusion des publications anarchistes de cette époque nous en donne une idée : il y avait deux quotidiens anarchistes, l’un à Barcelone, l’autre à Madrid, tous deux organes de la CNT avec une diffusion comprise entre 30 000 et 50 000. S’y rajoutaient dix périodiques en plus de quelques revues anarchistes dont la diffusion pouvait aller jusqu’à 70 000. Dans tous les papiers, pamphlets et livres anarchistes, comme dans leurs syndicats et réunions de groupe, la question de la révolution sociale était continuellement et systématiquement débattue. Ainsi, la nature radicale de la classe ouvrière espagnole, politisée par la confrontation et les luttes, conjuguée à l’influence des idées anarchistes signifiait que dans une situation révolutionnaire, les anarchistes étaient capables d’obtenir un soutien populaire massif.

La CNT avait comme fondement une profonde tradition démocratique. Les décisions concernant tout sujet local et immédiat tel que les salaires et conditions de travail étaient dans les mains des adhérents locaux qui se rencontraient régulièrement en assemblée générale. L’aide mutuelle et la solidarité entre les travailleurs était encouragée et présentée comme le facteur essentiel du succès d’une grève.  La CNT organisait tous les travailleurs sans distinction de qualifications. En d’autres termes, les travailleurs étaient encouragés à ne former qu’un seul syndicat avec des sections pour chacune des industries plutôt que des syndicats différenciés par métier à l’intérieur d’une industrie. Autant la tradition démocratique que la nature industrielle du syndicat ont fortement influencé les structures des collectifs révolutionnaires, qui généralement, sont nés à partir et formés par les syndicats de l’industrie déjà en place.

Un autre aspect important de la CNT qui a pesé en faveur de la révolution était l’utilisation de l’action directe. « La CNT a toujours préconisé ‘l’action directe par les travailleurs eux-mêmes’ comme moyen de résolution des conflits. Cette politique encourageait la réciprocité et la confiance en soi à l’intérieur du syndicat et de ses membres, ce qui formait une culture de type ‘si on veut quelque chose, mieux vaut le faire soi-même’ » 3. Au final, la structure fédérale de la CNT qui était basée sur l’autonomie locale et avait créé une forme stable tout en étant fortement décentralisée, a encouragé les initiatives et la confiance en soi, qualités indispensables qui ont grandement contribué au succès de la révolution.

Gaston Leval souligne l’importance qu’a cette culture de la démocratie directe et de la la réciprocité lors des situations révolutionnaires lorsqu’il compare le rôle de la CNT à celui de l’UGT lors de la collectivisation des chemins de fer. Décrivant la manière hautement organisée, efficace et responsable avec laquelle les transports ferroviaires ont été remis en service sous contrôle révolutionnaire en seulement quelques jours, il écrit « Tout ceci a été réalisé sur la seule initiative des syndicats et militants de la CNT. Ceux de l’UGT qui prédominaient parmi les personnels administratifs sont restés inactifs, tellement habitués qu’ils étaient à obéir aux ordres émanant d’en haut, qu’ils attendaient. Ne recevant ni ordre, ni contre-ordre, et voyant nos camarades aller de l’avant, ils ont fini par suivre la puissante vague qui nous a tous portés. » 4

Cette histoire de luttes et d’organisation ainsi que la nature anarcho-syndicaliste de leur syndicat a donné aux militants de la CNT l’expérience nécessaire d’auto-organisation et d’initiatives qui a pu naturellement et effectivement être réutilisée le moment venu dans la réorganisation d’une société selon les principes anarchistes. « Il est clair que la révolution sociale qui a eu lieu n’est pas venue d’une décision des organes de direction de la CNT… Elle est arrivée spontanément, naturellement et pas… parce que ‘le peuple’ en général aurait soudainement été capable de miracles, grâce à une vision révolutionnaire qui les aurait soudainement inspirés, mais parce que, et il faut le répéter, parmi ces personnes, il y a avait une minorité importante qui était active, forte, guidée par un idéal qui s’est inscrit dans des années de lutte qui ont débuté à l’époque de Bakounine et de la Première Internationale. » 5

Démocratie anarchiste en action dans les collectifs

Les collectifs étaient les organes d’autogestion des travailleurs sur les lieux de travail. Augustin Souchy écrit : « Les collectifs organisés durant la guerre civile espagnole étaient des associations économiques de travailleurs sans propriété privée. Le fait que des usines collectives étaient gérées par ceux qui y travaillaient ne signifiait pas que celles-ci étaient devenues leur propriété privée. Le collectif n’avait aucun droit de vendre ou de louer tout ou partie de l’usine ou de l’atelier collectivisé. Le dépositaire était la CNT, la Confédération Nationale des Associations de Travailleurs. Mais même la CNT n’avait pas le droit de faire ce qu’elle voulait. Tout devait être décidé et ratifié par les travailleurs eu-mêmes au travers de conférences et de congrès. » 6

En conservant cette tradition démocratique de la CNT, les collectifs industriels avaient une structure d’organisation de délégués partant de la base pour aller vers le sommet. L’unité de base de prises de décision était l’assemblée des travailleurs, qui élisait des délégués aux comités de gestion qui supervisaient le fonctionnement quotidien de l’usine. Le comité de gestion élu était chargé d’appliquer le mandat décidé dans les assemblées, devait rendre compte et était responsable devant l’assemblée des travailleurs. Le comité de gestion communiquait ces observations au comité administratif central.

Généralement, chaque industrie avait un comité administratif central constitué par un délégué de chaque branche de travail ou de travailleurs de cette industrie. Par exemple, à l’industrie textile d’Alcoy, il y avait cinq branches : tissage, filage, tricotage, bonneterie et cardage. Les travailleurs de chacun de ces métiers élisaient un délégué pour les représenter dans le comité administratif de l’industrie. Le rôle de ce comité, qui intégrait quelques experts techniques, était, entre autres, de diriger la production en fonction des instructions reçues à l’Assemblée générale des travailleurs, de compiler les rapports et les statistiques sur l’avancement des travaux et de s’occuper des questions de financement et de coordination. Selon Gaston Leval, « l’organisation générale reposait ainsi sur la division du travail tout en étant industriellement structurée. » 7

À tout moment, l’assemblée générale du Syndicat des travailleurs était l’instance de décision ultime. « Toutes les décisions importantes [étaient] prises par les assemblées générales de travailleurs… [qui] étaient largement suivies et régulièrement tenues… si un administrateur faisait quelque chose que l’assemblée générale n’avait pas autorisé, il y a avait de fortes chances qu’il soit destitué à la prochaine réunion. » 8 Les rapports des différents comités devaient être examinés et discutés à l’assemblée générale pour être finalement mis en œuvre si la majorité l’estimait utile. « Nous ne faisions donc pas face à une dictature administrative, mais plutôt à une démocratie fonctionnelle, dans laquelle chaque type de travail avait son rôle à jouer qui avait été défini après examen par l’assemblée. » 9

Avancer dans le cadre de la Révolution

La socialisation totale de l’industrie ne s’est pas faite en un jour mais a été un processus graduel et permanent. Tout comme les collectifs industriels n’ont pas procédé partout de la même façon, le degré de socialisation et la méthode exacte d’organisation variaient d’un endroit à l’autre. Comme cela a été mentionné en introduction, alors que certains lieux de travail ont été immédiatement saisis par les travailleurs, dans d’autres, ils se sont appropriés leurs lieux en commençant par créer un comité de contrôle dont l’objectif était de s’assurer de la poursuite de la production. À partir de là, l’étape suivante était la prise de contrôle du lieu de travail.

Au début, lorsque la poursuite de la production était la tâche la plus urgente, il n’y avait que peu de coordination entre les différents ateliers et usines. Ce manque de coordination a posé différents problèmes que Leval a pointé : « Les industries locales sont passées dans des étapes identiques dans cette révolution… au départ, les comités nommés par les travailleurs employés dans celles-ci [ont été organisés]. La production et la vente continuaient dans chacune. Mais très vite, il devenait clair que cette situation générait de la concurrence entre les usines… créant des rivalités qui étaient incompatibles avec la perspective socialiste et libertaire. Ainsi, lorsque la CNT a lancé le mot d’ordre ‘Toutes les industries doivent être organisées par les syndicats, totalement socialisées, alors le régime de solidarité que nous avons toujours préconisé s’est installé une fois pour toutes » 10

Le besoin de résoudre cette situation – dans laquelle les travailleurs avaient établi le contrôle des lieux de travail alors que ces différents lieux opéraient indépendamment et en concurrence entre eux -, de compléter le processus de socialisation et d’éviter les dangers d’une collectivisation partielle était une tâche pour laquelle de nombreux travailleurs étaient préparés. Un manifeste du syndicat de l’industrie du bois publié en décembre 1936 soulignait que le manque de coordination et de solidarité entre travailleurs de différentes usines et industries pouvait mener à une situation dans laquelle les travailleurs des industries les plus favorisées et performantes deviendraient les nouveaux privilégiés, laissant les autres à leur difficultés et sans ressources, ce qui en retour pouvait conduire à la formation de deux classes : « les nouveaux riches et les plus pauvres des pauvres. » 11

Ainsi, des efforts supplémentaires ont été réalisés par les collectifs pour ne pas se concurrencer en terme de profits mais au contraire, pour partager le surplus au sein de toutes les industries. Par exemple, les tramways de Barcelone, qui étaient particulièrement rentables, ont contribué financièrement au développement des autres systèmes de transport de la ville et les ont aidé à passer leurs difficultés passagères. Il y eu aussi d’autres exemples de solidarité entre les industries. À Alcoy, par exemple, lorsque le syndicat de l’impression, des papiers et des cartons a eu des difficultés, les 16 autres syndicats qui formaient la Fédération locale d’Alcoy ont apporté une assistance financière qui a permis au syndicat de survivre.

Alors qu’il était question d’avancer vers une société anarchiste, il était aussi important d’avoir une organisation industrielle efficace. Dans le manifeste publié par le Syndicat des industries du bois, il était indiqué que « Le syndicat du bois souhaitait non seulement avancer sur la voie de la Révolution, mais aussi l’orienter dans l’intérêt de notre économie, de l’économie du peuple. » 12 En décembre 1936, un plénum de syndicats s’est rencontré et a fait l’analyse qu’il était indispensable de réorganiser le système industriel capitaliste inefficace et d’avancer vers une socialisation totale. Le compte-rendu de ce plénum indiquait :

« Le principal défaut de la plupart des petites unités de fabrication est la fragmentation et le manque de préparation technique et commerciale. Ceci empêche leur modernisation et leur regroupement dans des unités de production plus performantes, avec de meilleurs équipements et une coordination plus efficace… Pour nous, la socialisation doit corriger les carences de ces systèmes d’organisation dans toutes les industries… Pour socialiser une industrie, nous devons consolider les différentes unités de chaque branche en accord avec un plan directeur et général qui évitera la concurrence et d’autres difficultés empêchant  une bonne et efficace organisation de la production et de la distribution… » 13

Les efforts réalisés pour s’occuper des petits ateliers et des usines coûteuses et en mauvaise santé étaient une caractéristique importante du processus de collectivisation. Comme pour la culture des champs, il était ressenti qu’avec le fonctionnement des ateliers et des usines  « la dispersion des forces représentait une énorme perte d’énergie, une utilisation irrationnelle du travail humain, des machines et des intrants, une redondance sans intérêt des efforts » 14 Par exemple, dans la ville de Granollers, « Toutes les initiatives tendant à améliorer le fonctionnement et la structure de l’économie locale pouvaient être attribuées au… [syndicat]. Ainsi, en une période très brève, sept salons de coiffure collectivisés ont été créés à travers ces efforts, remplaçant un nombre important d’établissements miteux. Tous les ateliers et petites usines de production de chaussures ont été remplacés par une grande usine dans laquelle seules les meilleures machines étaient en fonctionnement et dans laquelle des conditions sanitaires respectant la santé des travailleurs étaient respectées. Des améliorations similaires ont été réalisées dans l’industrie métallurgique où de nombreuses fonderies, petites, sombres et étouffantes ont été remplacées par quelques grandes unités de production dans lesquelles l’air et le soleil pouvaient pénétrer. La socialisation allait de pair avec la rationalisation. » 15

 

Notes:

  1. Gaston Leval, Collectives in Spain, http://dwardmac.pitzer.edu/Anarchist_Archives/leval/collectives.html
  2. Gaston Leval, Collectives in the Spanish Revolution, Freedom Press, 1975, chapter 2, pg54.
  3. Kevin Doyle, The Revolution in Spain, http://www.struggle.ws/talks/spain_feb99.html
  4. Gaston Leval, Collectives in the Spanish Revolution, Freedom Press, 1975, ch 12, pg 254
  5. ibid, chapitre 4, p. 80.
  6. Flood et al, Augustin Souchy cité dans I.8.3, http://www.geocities.com/CapitolHill/1931/secI8.html#seci83
  7. Gaston Leval, Collectives in the Spanish Revolution, Freedom Press, 1975, ch 11, pg234.
  8. Robert Alexander cité dans The Anarchist FAQ, I.8.3, http://www.geocities.com/CapitolHill/1931/secI8.html#seci83
  9. Gaston Leval, Collectives in Spain, http://dwardmac.pitzer.edu/Anarchist_Archives/leval/collectives.html
  10. Gaston Leval cité dans The anarchist FAQ, I.8.4
  11. Extrait du Manifeste du syndicat CNT de l’industrie du bois, cité dans Gaston Leval, The Spanish Revolution, Freedom Press, 1975, ch 11, pg231.
  12. ibid, ch 11, pg230.
  13. Cité par Souchy, mentionné dans the Anarchist FAQ, section I.8.3, http://www.geocities.com/CapitolHill/1931/secI8.html#seci83
  14. Gaston Leval, Collectives in the Spanish Revolution, Freedom Press, 1975, ch 12, pg259

Ibid, ch 13, pg287

1er Mai: Pas d’autogestion sans VRAI socialisme…

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Retour sur “l’autogestion” yougoslave (1950-1965) ~ Extraits ~

 

Guillaume Davranche

AL, 1983

 

Résumé de l’historique communiste yougoslave:

La Yougoslavie lutta avec acharnement contre les nazis durant la seconde guerre mondiale avec à la tête de la résistance le maréchal Tito. Après la victoire en 1945, la Yougoslavie embrasse le modèle du “grand-frère” soviétique.

En 1948, Tito rompt avec Staline et le modèle économique soviétique. Comme la Yougoslavie s’est libérée quasiment seule du joug allemand, elle ne doit rien à personne. A partir de 1950, la Yougoslavie se lance dans une forme de socalisme “autogestionnaire” néanmoins dirigé par l’état. Ce sera à partir de 1965 que le titisme inventera, avant les Chinois des années 1990, le nouveau concept de “socialisme de marché”. Celui-ci sous la houlette étatique ne fit que creuser des écarts sociaux et des inégalités entre les salariés et les régions yougoslaves. A la mort de Tito, le pays sombrera avec les montées des nationalismes entretenues par l’Europe et l’OTAN ne désirant que briser et morceler le pays pour mieux le contrôler, ce qui fut fait à terme.

~ Résistance 71 ~

[…]

Conclusion de Davranche sur l’expérience “autogestionnaire” yougoslave:

Pas d’autogestion sans un vrai socialisme

L’échec du socialisme yougoslave est riche en enseignements. Il conclut à l’inanité d’un projet autogestionnaire déconnecté de l’abolition du salariat. Comme en URSS, en Yougoslavie, les rapports de production sont restés des rapports salariaux: la force de travail a continué à faire l’objet d’un échange, les travailleuses et les travailleurs n’ayant pas de maîtrise sur les moyens de production et pas de pouvoir sur la répartition de la plus-value créée par leur travail. Les choix de société en matière de développement n’appartenaient pas aux travailleurs en tant que citoyens, mais à la planification bureaucratique, comme dans le capitalisme ces choix appartiennent en théorie au “marché”. Au sein même de l’entreprise, aucun programme ne fut mis en œuvre pour refondre les métiers et les tâches dans le sens d’égalisation des compétences intellectuelles et manuelles.

Un socialisme authentique impliquera d’articuler l’autogestion dans “l’entreprise” (les citoyens en tant que travailleurs) à l’autogestion politique (les travailleurs en tant que citoyens). Les modèles marxiste-léniniste ou autogestionnaire réformiste, qui supposent une séparation entre gouvernants et gouvernés, sont incompatibles avec la démocratie directe. Leur prétention de bâtir un socialisme de la liberté est caduque. Du côté anarchiste libertaire, la prise en compte d’une expérience telle que “l’autogestion yougoslave” nous aide à penser la transformation sociale au-delà du mythe et avec la rigueur intellectuelle indispensable à un courant révolutionnaire.

 

 

Les quatre piliers de la résistance au Nouvel Ordre Mondial…

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“Soyez le changement que vous voulez pour le monde.”

~ Mahatma Gandhi ~

 

Les quatre piliers d’une résistance collective efficace au Nouvel Ordre Mondial

 

Résistance 71

 

3 Juillet 2014

 

Nous n’allons pas ici revenir sur les détails du comment nous en sommes arrivés à cette conclusion, car depuis maintenant plus de quatre ans, nous publions, analysons, réfléchissons sur le comment et le pourquoi notre société en est arrivée là où elle en est aujourd’hui.

Nous suggérons à tous nos nombreux lecteurs (que nous remercions au passage de leur fidélité et de leur volonté de comprendre avant d’agir) de lire ou de relire plus avant la nombreuse documentation socio-politique de nos archives (plus de 2500 articles, traductions et analyses essayistes depuis 2010) que vous trouverez sur la page d’accueuil en haut à droite sous la rubrique “pages”. En ce qui concerne les articles originaux de Résistance 71, sont archivés sur la page “articles résistance 71”. Vous y trouverez au fil de la lecture les éléments qui nous ont permis d’arriver à cette ébauche de stratégie collective afin de rendre au peuple une égalité, une solidarité (fraternité) sans lesquelles la liberté n’est pas possible.

Nous l’avions dit dès janvier de cette année, s’il est toujours bien sûr important de continuer à fouiller l’information non dite, de divulguer les turpitudes de l’empire dans sa quête incessante d’instauration de son Nouvel Ordre Mondial fasciste transnational, il est aussi devenu plus important de réellement commencer à penser solution alternative. Il est bien beau de dire que la dissidence gronde, monte et amplifie, mais au bout du compte, lorsqu’on regarde le paysage médiatique alternatif qu’il soit francophone ou anglophone et que l’on observe ce que propose comme solution la “dissidence” au Nouvel Ordre Mondial, que trouve t’on ? Essentiellement les sempiternelles inepties de la classique voie conformiste de la “réforme” ou de ce que l’on pourrait appeler la “radicalité encadrée”. Quelles sont-elles ? Les classiques du genre:

  • Réformons de l’intérieur. C’est à dire, votons pour d’autres Bozo pour remplacer les clowns Kiri déjà en poste. Vous savez… voter pour ces honnêtes politiciens (antinomie absolue) qui croient “vraiment” au changement par les urnes ? Ceux qui amènent toujours tant de changement à l’aristocratie… Pas d’erreur ici, la “république” est conçue comme une aristocratie, relisez l’inénarable Platon.
  • Passons par les extrêmes: droite ou gauche mon colonel ? c’est du kif. On ressort Marx, Lénine et Trotsky (ces bons vieux agents de Wall Street et de la City de Londres) des placards, et le système relance en parallèle le bon vieux nationalisme patriotique crétin d’extrême droite, histoire de continuer à jeter de l’huile sur le feu politico-social et à maintenir la division politique et sociale sans laquelle les oligarques seraient déjà passés à la trappe depuis bien longtemps.
  • Un peu plus nouveau tout en demeurant pathétique: la résurgence catho-monarchiste, ramenons le roitelet Dagobert et sa floppée de curetons, sentez-vous ce parfum fétide montant des cachots inquisitoriaux ? Ce sera comme maintenant en fait, mais avec ce petit côté rétro féodal sans le préfixe “néo” que le N.O.M veut appliquer à sa société post-industrielle tout aussi féodale…
  • Mettons l’ultra-libéralisme forcené à la barre, celui cher à l’école “économique de Vienne” (Friedriech Hayek et Carl Menger), celui prôné par le mouvement dit “libertarien”, qu’il ne faut pas confondre avec libertaire qui veut dire anarchiste. Libertaire c’est nous… Libertarien, ce sont ceux qui disent sans rire: aux chiottes le gouvernement et l’état (jusque là on est d’accord), c’est maintenant que çà se gâte: et… accrochez-vous bien… laissons faire les marchés. Ces braves bêtes s’auto-régulent comme des grands, s’ajustent et la libre-entreprise capitaliste gérée par les “lois naturelles du marché” va nous mener à la réalisation du bonheur sur terre. La ligne de gens comme Alex Jones au pays du goulag levant, pour qui la solution au marasme oligarchique actuel qu’il a si bien dénoncé et analysé depuis plus de 15 ans, c’est de voter Ron Paul le libertarien, qui est en retraite mais a mis son fils à sa place, qui pédale pour… le parti républicain, comme son père avant lui. Bref… Votons une fois de plus pour le “politicien honnête et visionnaire”… Dude ! T’as rien d’autre en stock ??
  • Réécrivons citoyennement la constitution. De loin l’approche la plus positive que nous ayons vu, mais qui à notre sens ne pourrait fonctionner qu’en tant que texte fondateur d’une confédération de communes libres. Sans abandonner l’État, coercitif et anti-réformiste par essence et par construction, une telle initiative est vouée à l’échec, car l’État ne validera jamais une réécriture citoyenne de la constitution, c’est l’évidence même. Il faut d’abord sortir de l’État, pour ce faire une seule solution: le détruire, car il ne laissera rien lui faire de l’ombre… N’oublions jamais que l’État n’est que l’outil coercitif de l’oligarchie, qui avec le temps est devenu le gardien du statu quo.

Qu’ont en commun ces quelques exemples principaux que nous avons cité ? Évident non ? Tous, demeurent ancrés dans un système étatique plus ou moins fort ou centralisé, mais néanmoins, aucune de ces “solutions” ne remet en cause la hiérarchie, la pyramide du pouvoir, le consensus du statu quo oligarchique. C’est pourtant cela qu’il faut non seulement briser, mais empêcher qu’il puisse revenir. Comment ?

En attaquant collectivement, de concert ce que nous avons identifié comme les quatre piliers porteurs du système hiérarchique oppresseur et coercitif en place. De ces quatre piliers, deux sont d’ordre socio-politique, deux autres d’ordre économique. Notons brièvement au passage ici que nous n’avons abolument aucune prétention de penser que nous avons raison à 100% et que ce que nous avançons est la seule marche à suivre possible. Ceci n’est qu’une réflexion, une ébauche, résultant de quelques années d’analyse et de pratique. Tout ce qui sera dit à partir de maintenant n’est en rien définitif, est parfaitement discutable, ce n’est qu’un os à ronger…

Les quatre piliers à attaquer par voie d’information et de boycott:

 

  • Les Institutions: “Concluons sans crainte que la formule révolutionnaire ne peut plus être ni législation directe, ni gouvernement direct, ni gouvernement simplifié, elle est: Plus de gouvernement du tout.”
    ~Pierre-Joseph Proudhon~

    Boycott des institutions tant que faire se peut. Quelles institutions ? Toutes, celles de l’État menant à la désobéissance civile organisée dès que possible, avoir des comités citoyens organisés localement qui se dressent contre toute incartade du système, qui sont légions à l’échelon local d’une ville et qui demandent des comptes en permanence avec suivi et celles des institutions privées comme les banques et tous les parasites avenant.
    Dans le même temps, il convient de mettre en place des structures locales organisées par les citoyens cherchant à en impliquer toujours plus. Le but étant pas à pas, de créer un contre-pouvoir par la solidarité, la communication et l’échange. Ce contre-pouvoir, qui se voudra auto-gestionnaire, égalitaire, non-hiérarchique, devra veiller à remplir des fonctions de bien commun et à ne pas se laisser subvertir, coopter par le système qui avant la répression brutale possible de dernière instance essaiera avant tout de pervertir, de diviser le mouvement. Il est essentiel à ce niveau de fonctionner sans hiérarchie, sans chef, de façon à n’offrir rien ni personne sur quoi s’aggriper. A ce niveau, il est essentiel de se méfier des infiltrations d’agents de l’état et des organisations de “gauche”, surtout trotkistes et de leurs infiltrateurs professionnels, dont le but est toujours le même: instaurer la tactique du diviser pour mieux régner. Ceci se situe sur le plan politico-social local, de loin le plus important. Le changement radical de société doit venir de la base, de nous, avant tout dans un élan individuel et collectif de reprise de contrôle de nos vies, de nos lieux de travail et d’habitation. Arrêtons de croire les fadaises de l’ingénierie sociale oligarchique nous expliquant depuis des générations jusqu’à plus soif que nous ne sommes que des idiots, des incapables, des fainéants, que nous ne pouvons fonctionner que dirigés par une “élite” (auto-proclamée bien évidemment) éclairée qui nous mènera sur le chemin de la lumière et du bonheur sur terre et que sans eux et leurs institutions faites pour notre bien commun, il n’y aura que chaos, mort, maladie et désolation sur terre. Il est vrai que lorsque l’on observe le monde d’aujourd’hui et d’hier… On se demande vraiment pourquoi nous voudrions tant être “livrés à nous-mêmes” ?
  • L’idéologie et la pratique coloniale: “L’infériorisation est le corrélatif indigène de la supériorisation européenne. Ayons le courage de le dire: C’est le raciste qui crée l’infériorisé.” ~ Frantz Fanon ~
    Le colonialisme est le bras expansionniste et hégémonique de l’occident raciste et dominateur depuis le XVème siècle. Il lui sert à piller le monde et à l’asservir pour assoir son hégémonie raciste et eurocentriste sur laquelle règne sans partage une petite clique d’oligarques, les fameux 1%, plus proches en fait de 0,0001% de la population.
    Nous l’avons déjà évoqué à maintes reprises sur ce blog, l’empire anglo-américain sévissant sur le monde depuis le XIXème siècle, dont la dominante actuelle est américaine, repose sur un territoire volé, usurpé depuis l’implantation des premières colonies anglaises (et françaises) sur le “nouveau monde”, particulièrement en Amérique du Nord, au XVII ème siècle. A l’avenant, les satellites impérialistes de la “couronne” (lire la City de Londres et la Banque d’Angleterre) comme le Canada, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, sont tous aussi édifiés sur des terres volées et usurpées. Ainsi, priver un empire de son territoire, à plus forte raison si ce territoire est purement fictif car usurpé, résulterait immanquablement son effondrement de facto.
    Est-ce réalisable ? La réponse est oui. Comment ? En soutenant activement les mouvements de résurgence indigène qui fleurissent dans tous les territoires autochtones au pays du goulag levant, au Canada, en Australie en Nouvelle-Zélande, sans oublier bien sûr en Palestine occupée, toute aussi occupée que le sont les terres ancestrales des nations amérindiennes du nord et du sud, des aborigènes d’Australie et des Maoris de Nouvelle-Zélande et leurs cousins ethniques de l’archipel hawaiïen.
    Nous sommes de ceux qui pensent que l’avenir de l’humanité passe par les occidentaux libérés de l’idéologie colonialiste, se tenant côte à côte de leurs frères autochtones pour l’édification d’un monde libre et juste, fondé sur l’égalité et la solidarité inter-ethnique, car nous sommes tous embarqués dans le même navire et il en va de notre intérêt commun à tous de fonctionner fraternellement, sans division politique générant inégalités, troubles et chaos perpétuels comme l’a historiquement prouvé la société hiérarchique étatique occidentale.
    Il y a en ce moment même une grande résurgence autochtone au pays du goulag levant, au Mexique et au Canada. Nous essayons de relayer l’information au mieux afin d’éveiller l’attention. Parlons-en, soutenons-les, ils luttent pour leur autonomie, leurs terres ancestrales, la fin du génocide dont ils sont les victimes depuis 1492.
    La véritable lutte contre le terrorisme commence par là: Les Indiens luttent contre le terrorisme occidental depuis 1492, depuis la venue de Cristobal Colòn, littéralement “le colon porteur de la croix”, le génocidaire dûment mandaté par l’église romaine criminelle et ses laquais royaux.
    Émancipons-nous de l’idéologie colonialiste qui nous opprime aussi à un degré différent certes et tenons-nous debout aux côtés de nos frères autochtones où qu’ils soient. Ils luttent pour la Terre-Mère que nous ne faisons qu’emprunter aux générations futures…
  • Les dogmes de la pseudoscience: “L’unique mission de la science, c’est d’éclairer la route… La science étant appelée désormais à représenter la conscience collective de la société, doit vraiment devenir la propriété collective de tout le monde.” ~ Michel Bakounine ~
    Pour imposer sa volonté hégémonique, l’oligarchie doit pervertir la science, la façonner à son image, celle du mensonge, de la déception, de la veulerie et de la partialité doctrinaire. Alors bien évidemment tous les scientifiques, universitaires et ingénieurs ne font bien évidemment pas partie d’un vaste complot. Beaucoup sont intègres et font leur métier avec passion et objectivité… dans le cadre qui leur a été imparti. Là réside toute l’astuce: il ne sert à rien de corrompre tout le monde, ce ne serait d’ailleurs pas possible, mais corrompre par le haut, corrompre par la source nécessaire à la recherche scientifique, le nerf de la guerre en toute chose dont il faudra se départir à un moment donné: l’argent et corrompre quelques personnes clefs mises en place aux bons endroits stratégiques est suffisant. Les directeurs de laboratoires, les recteurs, directeurs de recherches universitaires, les maisons d’édition qui publient les ouvrages “références”, les journaux et magazines scientifiques, les médias, les commissions “scientifiques” institutionnelles nationales et internationales, etc…
    De quoi parlons-nous ? Qu’est-ce qui a été falsifié ? La réponse facile serait: Tout ! Tenons-nous en à ce qui nous concerne dans le monde d’aujourdhui: les sciences sociales recherches et enseignement (histoire, ethnologie, anthropologie, socio-biologie…), corrompus par les dogmes pervasifs du malthusianisme, du darwinisme-social, de l’histoire tronquée, biaisée, édulcorée ; la médecine: les scandales des vaccins, celui du cancer, comment croire une science dont les cadres formateurs au pays du goulag levant entre autres, dans les écoles de médecine et les écoles de médecine elles-mêmes ont été achetés par la Fondation Rockefeller (versée dans la chimie depuis le départ, tiens, tiens…) dès le début du XXème siècle…
    La génétique: qui est l’activité de remplacement de l’eugénisme après que celui-ci ait eu mauvaise presse après la seconde guerre mondiale et pour cause. Que dire de l’empire du mal et du mensonge Monsanto, Sygenta, DuPont, Dow Chemical, BASF, Bayer, entreprises (dont certaines résultantes du démantèlement de convénience d’I.G Farben après 1945) ?
    La géologie partie intégrante de la science pétrolière et son escroquerie de l’origine biotique, “fossile” du pétrole et du gaz naturel ainsi que de sa résultante induite: le dogme quasi-religieux du “pic pétrolier” de cet ingénieur de la Shell Hubbard datant de 1955…
    Ceci nous amène immanquablement à la nouvelle religion pseudo-scientifique mais véritablement économico-politique: l’escroquerie du réchauffement climatique anthropique, rebaptisé “changement climatique (anthropique)” depuis l’affaire du ClimateGate de Novembre 2009. La falsification de données, le mensonge permanent des entités politique du GIEC et pseudo-scientifique de l’université d’East Anglia, ont fait de la climatologie la risée de la science moderne.
    Faisons sauter les verrous, boycottons et dénonçons ces dogmes d’une science relevant plus de la magie noire et reprenons les rênes pour permettre aux honnêtes scientifiques, chercheurs, ingénieurs et techniciens d’œuvrer pour un véritable progressisme dans un monde bien meilleur.
    Des quelques exemples enumérés ci-dessus, nos lecteurs savent que nous sommes particulièrement sensibles au sujet du pétrole pour la simple et bonne raison qu’il est, avec le contrôle de la nourriture, le cheval de bataille le plus important de l’oligarchie. En effet, si une petite clique de parasites arrivent à contrôler les ressources énergétiques et alimentaires de la planète, que croyez-vous qu’il se passera ? Qu’essaie de faire l’oligarchie depuis plus de 30 ans ? Contrôler la nourriture et les ressources énergétiques planétaires, par les OGM (Organismes Génétiquement Modifiés), la destruction de l’agriculture paysanne partout au profit de l’agro-alimentaire de masse de préférence OGM et de contrôler les ressources énergétiques (pétrole et gaz) par monopole et contrôle des prix par l’astuce du dogme du “pic pétrolier”, qui est une fraude supplémentaire. Le pétrole brut est abiotique et inépuisable à l’échelle humaine. Il est à notre sens des plus important de le faire plus savoir afin de mettre un terme à cette dictature de la rareté d’un produit qui est partout, absolument partout et dont les réserves ne dépendent que des éléments primordiaux inclus à la formation de la Terre il y a plus de 4 milliards d’années. Faire admettre cette vérité scientifique, largement prouvée et documentée, fera chuter les prix, mènera les pétroliers à la banqueroute, forcera les énergies alternatives à sortir des tiroirs et placards, résoudra bien des problèmes de pollution et mettra fin aux guerres permanentes pour le contrôle de cette saloperie, guerres qui ont tuées des millions de personne jusqu’à ce jour.
    Double effet: Retirer la terre usurpée à l’empire et lui retirer dans le même temps sa source la plus importante de revenus et de pouvoir: le pétrole et le gaz… Ouch ! Là on commence à causer sérieusement !
  • La société de consommation et ses piliers économiques:
    “La propagande est de plus en plus utilisée en raison de son efficacité reconnue pour obtenir l’adhésion du grand public… Un stimulus souvent répété finit par créer une habitude, une idée souvent réitérée se traduit par une conviction.” ~ Edward Bernays ~
    La société de consommation est l’arme psychologique la plus subversive jamais inventée par l’Homme. Elle remplit deux objectifs en un: Elle remplit les poches des oligarques et elle réduit en esclavage les populations. Au XXIème siècle, le règle du jeu est celle des monopoles économiques qui achètent le politique (ceci a été mis en place depuis la 1ère révolution industrielle et a été peaufiné depuis). Les monopolistes sont parfaitement identifiables dans tous les domaines. Ce sont eux qu’il faut faire souffrir et attaquer là où çà fait le plus mal: au porte-feuille. Identification des pontes du CAC40 et des leaders des places boursières et boycott tant que faire se peut, dans TOUS LES DOMAINES possible. Il nous faut décider en masse, collectivement de boycotter les grosses boîtes et favoriser le commerce localisé avec les produits les plus locaux possibles. Depuis plusieurs mois par exemple en Espagne, un énorme effort de boycott a été fait contre Coca-Cola, qui a vu ses ventes baisser en Espagne de plus de 48%… çà fait mal et les oligarques le sentent. Généralisons ces pratiques contre les grosses boîtes industrielles et renforçons le contre-pouvoir local en créant la substitution. Très vite les populations s’organisent de manière efficace pour palier à certains manques. On peut parfaitement vivre sans une grande partie de la merdouille offerte par la société de consommation à outrance, on vit même mieux et on recentre les pôles d’intérêts et les priorités. C’est salvateur à terme.
    Ceci nous refait toucher du doigt les éléments de notre pilier #1, ce qui veut dire que… la boucle est bouclée.

“Qu’ai-je appris au cours de ma vie ? Que les plus petits actes de résistance à l’autorité, s’ils sont persistants, peuvent mener à de larges mouvements sociaux. Que les personnes du commun sont capables d’actes extraordinaires de courage… Peut-être la chose la plus importante que j’ai apprise fut au sujet de la démocratie. Que la démocratie n’est pas nos gouvernements, nos constitutions, nos structures légales ; que bien trop souvent ceux-ci sont de fait, les ennemis de la démocratie.”
~ Howard Zinn
, “On ne peut pas être neutre dans un train en marche”, autobiographie, 1994 ~ Historien, professeur de science politique, Université de Boston.

Nous l’avons déjà dit sur ce blog: Compagnons ! La balle est dans notre camp. Elle l’est en fait depuis un moment… A nous de jouer, ensemble, à un jeu dont NOUS ferons les règles cette fois, car nous n’avons besoin de personne pour le faire !

Fraternellement vôtre !

 

Quelle mesure prendre pour notre société ?… Ctrl + Alt + Del sur un nouveau logiciel libre

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« La politique est la science de la liberté. Le gouvernement de l’Homme par l’Homme (sous quelque déguisement que ce soit) est oppression. La société trouve son plus haut degré de perfection dans l’union de l’ordre et de l’anarchie. »
~ Pierre Joseph Proudhon ~

 

L’alternative, c’est l’anarchisme

 

Paul (groupe Regard Noir, Fédération Anarchiste)

 

2 Juillet 2014

 

url de l’article:

http://www.monde-libertaire.fr/autogestion/17234-lalternative-cest-lanarchisme

 

L’anarchisme est une théorie révolutionnaire de lutte des classes. C’est une pratique au quotidien, qui conduit l’individu à lutter contre les injustices sociales et sociétales en s’organisant collectivement avec d’autres individus. Sur tous les lieux de vie, l’anarchisme est une méthode de lutte efficace, un outil d’éducation et de formation, donc également une éthique et une philosophie. Il s’agit d’abolir toutes les oppressions systémiques et les sous-oppressions qui en découlent : capitalisme, sexisme et racisme. La question des moyens et de leur rapport avec la fin est donc au centre de cet objectif et a été historiquement à l’origine des différentes tendances plus ou moins distinctes de l’anarchisme. Il en est une récente par sa forme et sa dangerosité qui plaît et traverse les tendances historiques : l’alternativisme.

« Alternatifs » et « alternatives »

Les partisans de cette tendance dans l’anarchisme défendent la construction ici et maintenant « d’alternatives autogestionnaires en actes » au capitalisme comme moyen de transformation sociale. Il s’agit de produire ces alternatives (Amap, boulangeries autogérées, centres sociaux, librairies et écoles « libertaires », etc.) localement puis de les fédérer pour construire au nez et à la barbe du système un contre-système qui prendra sa place. Cela présente un double intérêt : d’abord, il est possible de construire la nouvelle société tout de suite dans ces alternatives, ensuite, le fait d’y participer confère à l’alternatif un caractère révolutionnaire permanent vu qu’il est lui-même en rupture avec le vieux monde.

Si la thèse des alternativistes est exacte, alors elle est révolutionnaire (sans ironie). Plus besoin d’organisations, de syndicats, de pratiques collectives de luttes pour l’émancipation. Il suffit d’exhorter les individus à s’alternativer dans les alternatives pour construire ensemble et par soi-même l’anarchie. La question de la rupture nette avec le capitalisme n’apparaît plus comme décisive. La répression du système est bien moins pesante car il se fera de toute façon enfumer par la fédération déterminée des alternatifs actifs. La révolution n’est plus à penser, à définir et à préparer vu qu’elle a déjà commencé dans le panier bio du mardi, l’atelier vélo du vendredi et la boxe ou la chorale autogérée du week-end. Plus besoin même de se dire anarchiste, on peut l’être sans le savoir par la pratique de son alternativité. C’est dans cette pensée que les alternativistes déduisent le « renouveau » de l’anarchisme qui aurait déjà débuté. On passe ainsi d’une lutte collective à de l’agitation individuelle et culturelle souvent pertinente mais pas au point de se substituer au militantisme volontariste.

Récupération ou répression : l’avenir des alternatives

Le souci sous-jacent au fait de voir les alternatives comme une fin en soi, c’est d’être totalement crédule quant à la capacité du capitalisme à neutraliser ces prémices de la nouvelle société. Dans nos sociétés plutôt libres sur le plan politique (du fait des luttes et des victoires passées), la première neutralisation et aussi la plus efficace, c’est la récupération. Elle n’est pas nouvelle mais redoutable, elle n’est pas frontale et, dans le cas de nos alternatives, elle est un désastre. Le fait que les collectivités puissent allouer des subventions à ces alternatives, les médiatiser et les aider sur d’autres plans, est le signe le plus incontestable qu’elles ne sont pas révolutionnaires. La conséquence de cette récupération, c’est d’abord, d’amoindrir jusqu’à couper les liens des alternatives avec les militants révolutionnaires, ensuite d’en faire une réalisation du capitalisme lui-même et donc de se faire aimer. Le système est parfaitement capable de s’adapter et d’utiliser la coopération, l’entraide, voire l’autogestion, quand cette méthode est jugée efficace par rapport aux bénéfices estimés.

À l’inverse, quand les alternatives maintiennent un caractère para-étatique, la répression n’est jamais loin. Elle s’opère par la force parfois, par de la nuisance quotidienne de la part des institutions locales et donc affaiblit le lien social suscité et produit par l’alternative.

Dans le premier cas, les alternatives finissent par toucher un public essentiellement bourgeois ou du haut prolétariat (ce qui est souvent le cas avant même la récupération), dans le second, le lien rompu avec les organisations politiques et les militants volontaristes ne permet souvent pas de résister à la répression.

Du rôle des bases arrières dans le soutien aux anarchistes

Ce qu’il nous faut effectivement construire et fédérer, ce sont des structures de soutien aux luttes sociales avant tout, et aux anarchistes dans ces luttes plus particulièrement. Ces bases arrières sont définies avant tout plus par leur subordination à la lutte des classes que par leur caractère spécifique. Leur rôle est double : soutenir en matériel et en propagande les luttes locales ou plus lointaines et afficher clairement une identité anarchiste (contrairement à bien des « alternatives autogestionnaires en actes ») dans une activité qui n’a pas vocation à le faire de prime abord (cela va d’une boulangerie à un cours de danse, peu importe). Selon leurs formes, les bases arrières peuvent aussi constituer des espaces d’organisation pour les prolétaires comme les bourses du travail qui ont joué un rôle majeur dans le syndicalisme français en apportant une structure à la base horizontale et interprofessionnelle par essence.

Cependant aucune base arrière ne saurait se substituer au militantisme anarchiste et au syndicalisme. L’outil pour les luttes qu’elle représente n’a plus de sens sans la participation à ces luttes et un projet de rupture avec le capitalisme. Les bases arrières ne sont pas l’alternative mais font partie du projet alternatif, non pas tant comme élément précurseur d’une société nouvelle que comme une pièce de base du parcours graduel vers la révolution sociale. Que doivent dans ces structures être pratiqués les fonctionnements anarchistes, c’est une évidence. Que l’on appelle cela l’autogestion, soit, mais cette dernière reste contrainte par les règles du capitalisme dans lesquelles elle évolue. D’où l’intérêt et même la nécessité que ces bases arrières ne soient jamais détachées d’une organisation anarchiste, voire y soient fédérées.

En outre, il nous faut être modeste, et ne pas se voir comme une structure hors pair. Le travail d’implantation locale des bases anarchistes ne peut se faire qu’en lien avec les éléments associatifs du secteur. Ne pas vouloir leur apprendre mais apprendre de leur pratique et de leur expérience pour y apporter la volonté révolutionnaire. Ce n’est qu’avec ce travail de liaison long et complexe que nous pouvons apparaître de plus en plus dans la vie des prolétaires et ainsi perfectionner, crédibiliser le projet de transformation sociale.

Maintenir nos fondamentaux pour maintenir le mouvement anarchiste

La raison de l’alternativisme est évidente. L’échec de plusieurs révolutions au XXe siècle, même lorsque les anarchistes étaient conséquents, la difficulté d’esquisser un projet alternatif et la faible importance numérique de notre mouvement remettent en cause pour bien des camarades l’idée même de la révolution, que l’on pourrait juger dépassée. Il est certain que notre période apporte des enjeux inédits et nous oblige à repenser un certain nombre de nos pratiques et de nos analyses. S’adapter à l’essor des nouvelles technologies, théoriser la place d’internet dans une société libertaire, redéfinir notre analyse de classe en admettant que la classe ouvrière n’est plus hégémonique au sein du prolétariat, c’est tant de chantiers qui peuvent nous plomber ou nous catalyser.

Ces chantiers ont déjà commencé, l’alternativisme est une manifestation de ce processus en cours. Il ne peut mener qu’à un abandon des organisations, à une négation plus ou moins pensée de la lutte des classes et à la dissolution du mouvement anarchiste dans le capitalisme sans jamais le renverser. C’est un danger certain. Face à lui, il nous faut réaffirmer les fondamentaux de l’anarchisme : lutte des classes, volontarisme et la fin contenue dans les moyens. Construire les bases arrières nécessaires à la pérennisation du mouvement anarchiste pour devenir une minorité nombreuse capable de proposer une rupture dans les luttes sociales.

Ne pas fantasmer la révolution mais la préparer en parcourant un chemin gradué d’étapes. Réaffirmer la nécessité de l’organisation anarchiste et de l’engagement syndical dans une perspective insurrectionnelle, sans surtout tomber dans des travers spontanéistes et incantatoires.

Vision politique pour un véritable changement…

Posted in actualité, altermondialisme, autogestion, démocratie participative, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, philosophie, politique et social, politique française, résistance politique, société libertaire, terrorisme d'état, Union Europeenne et nouvel ordre mondial with tags , , , , , , , , , , , , , , , on 21 mai 2014 by Résistance 71

Un  peu plus de grain à moudre pour le votards de dimanche…

— Résistance 71 —

 

Petit plaidoyer pour la démocratie directe

 

CNT-AIT, collection stratégie

Reposté par Résistance 71

Mai 2014

 

Un des soucis majeurs et constants de la bourgeoisie, depuis son accession au pouvoir à la fin du XVIIIème siècle, a été de faire croire au bon peuple que la démocratie représentative parlementaire était le nec plus ultra, le « must » dans le genre organisation sociétale : un aboutissement historique d’une indépassable modernité (l’échec récent et patent des démocraties dites « populaires » venant à point nommé pour corroborer ce discours), le stade ultime et Ô combien sublime d’une lente et douloureuse évolution de l’humanité vers un monde toujours plus juste quoique encore imparfait, mais, sans conteste le meilleur possible.

C’est la démocratie représentative qui permet à la bourgeoisie d’optimiser ses chances de garder le pouvoir pendant encore longtemps : en effet, quel système institutionnel saurait mieux faire passer la défense des intérêts particuliers d’une classe pour ceux de l’ensemble de la société ? Aucun autre assurément !

Faussement démocratiques et réellement oligarchiques, nos républiques demandent en fait à leurs citoyens d’acquiescer à leur assujettissement, à leur aliénation, en choisissant eux-mêmes leurs maîtres : dérisoire liberté qui éclaire chichement ce monde.

Par le truchement magico-virtuel du bulletin, le citoyen est invité à saisir sa chance pour faire entendre sa voix (condamné à un mutisme comateux le reste du temps, il est sommé d’en émerger à intervalle régulier, tous les cinq ou sept ans). La délégation de pouvoir, réalisée par le moyen du vote, n’est pas ressentie comme dépossession, mais au contraire vécue comme participation au pouvoir, alors qu’il s’agit beaucoup plus prosaïquement d’exercer un humble pouvoir/devoir de participation.

Le caractère mensonger de la démocratie représentative

C’est là que réside justement le caractère mensonger de la représentation démocratique. C’est au moment même ou le citoyen— légèrement grisé par l’exercice de son pouvoir participatif — pense parvenir à influer sur la gestion de la société qu’il renonce de fait, à tout contrôle réel sur l’emploi qui va être fait de l’expression de sa volonté. Une fois élu, le parlementaire ou l’édile n’a plus de compte à rendre à ses électeurs durant toute la durée de son mandat. Rapidement l’élu prend conscience de la promotion sociale que lui confère son mandat : il appartient désormais à la hiérarchie, le voilà homme de pouvoir et de privilège, retrouver la place qu’il occupait naguère, au sein du menu peuple, ne lui sourit que fort peu, il s’accrochera désormais avec la ténacité de certains parasites capillaires à sa place de « représentant du peuple ».

Du communisme primitif à la démocratie directe

Bien avant l’apparition tragique de l’économie marchande et du travail forcé, bien avant le règne mortifère et destructeur de la bourgeoisie, l’humanité des temps premiers a vécu pendant des dizaines de millier d’années au sein de sociétés sans Etat, sans hiérarchie et où les décisions concernant la vie commune étaient prises par l’assemblée générale des membres de la communauté. Des ethnologues réputés, Pierre Clastres, Jean Malaury ou Marshall Sahlins, pour ne citer qu’eux, se sont penchés sur les civilisations contemporaines de chasseurs- cueilleurs (tribus indiennes d’Amérique du sud ou Inuit d’Amérique du nord) et ont mis en lumière leurs modes de fonctionnement : propriété collective, entre aide et solidarité, « assemblées générales décisionnelles ».

Sans vouloir idéaliser ni magnifier le communisme primitif, qui n’était pas exempt de défauts (inconvénient majeur : le patriarcat est plus présent dans ces sociétés que le matriarcat), il est quand même bon de rappeler que les pratiques de démocratie directe et d’assembléïsme sont issues (par cousinage) de ce très lointain passé.

Cette tradition assembléïste a perduré jusqu’à nos jours, et les rebelles et révolutionnaires de toutes les époques ont cherché à renouer avec cette pratique, tout simplement parce qu’elle est la seule à tourner le dos à toute oppression, la seule possibilité donnée à une communauté de fonctionner sur un mode réellement humain. Communards de 71, révoltés russes de 1905, 1917, 1921, conseillistes allemands et italiens des années 20, libertaires espagnols de 36, hongrois rebelles de 56 et émeutiers de 68, tous ont cherché, avec des fortunes diverses à rester maîtres de leur combat, de leur parole et de leur vie.

Fonctionnement de la démocratie directe

La démocratie directe empêche la confiscation de la parole de tous au profit d’un seul ou de quelques uns : le porte-parole ou le délégué n’est effectivement que le porteur, le vecteur de la parole des autres : l’assemblée qui l’a choisi peut à tout moment le révoquer s’il s’avère que le mandat confié n’est pas respecté.

La délégation dans le « système démocratie directe » n’engendre donc pas de prise de pouvoir : non seulement le mandaté est constamment soumis au contrôle de ses mandants, mais encore sa délégation est limitée dans le temps et dans son objet. Pour éviter toute amorce de création d’un corps de « délégués spécialistes », la démocratie directe veille à ce que chacun puisse être à même de porter à tour de rôle la parole des autres, encourage la prise de responsabilité (alors que la démocratie bourgeoise pousse le citoyen à la décharge et à la déresponsabilisation pour le plus grand bénéfice des oligarques). Chacun, en démocratie directe, est donc responsable de tous et inversement.

La bourgeoisie et toutes les classes dominantes qui l’ont précédée ont toujours cherché à justifier leur oppression en prétendant que les sociétés humaines n’avaient jamais fonctionné sur d’autre mode et que donc elles ne pouvaient échapper à cette damnation de la domination ; l’argument ne tient pas la route, l’humanité a vécu beaucoup plus longtemps sans joug que sous les fers. Elle saura sans nul doute retrouver les chemins de la liberté. Souhaitons simplement que ce soit un peu avant l’an 10 000 cher à notre copain Léo …

Gargamel, du syndicat des fonds des bois.

 

POUR EN SAVOIR PLUS :

-Pierre Clastres, « La société contre l’Etat, recherches d’anthropologie politique », éditions de Minuit, Le Seuil, 1980.

-Jean Malaury, « Les derniers roi de Thulé », collection Terres humaines, Plon, dernière édition 1989.

-Marshall Sallins, « Age de pierre, âge d’abondance », Gallimard, 1976.

Pierre Clastres sur Résistance 71

 

Pour ceux qui veulent en savoir plus sur les anarchistes dans la révolution russe :

-Alexandre Skirda « Les anarchistes russes, les soviets et la révolution de 1917 », édition de Paris, Max Chaleil, 2000.