Réflexions sur une émancipation post-anarchiste vers notre humanité enfin réalisée (Anarqxista Goldman)
Emancipation post-anarchiste
Anarqxista Goldman
Avril 2022
~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~
Novembre 2022
“L’Anarchie est ce qui se produit lorsque vous faites les choses de manière non-coercitive…”
Imaginez une société comme une prison à ciel ouvert géante. Vous ne devriez pas avoir beaucoup de mal à le faire dans un monde capitaliste qui a été arbitrairement découpé en territoires appelés “pays” dont nous ne pouvons pas traverser les frontières légalement sans une documentation administrative appropriée qui nous identifie et nous trace. Ces pays sont le plus souvent sub-divisés en provinces, contés, préfectures , villages et villes, qui ont tous leur propre bureaucratie de contrôle. Encore plus microscopique, la plupart des gens travaillent toujours pour des employeurs qui maintiennent leurs propres petits royaumes et qui observent le travail que vous faites tant en quantité qu’en qualité… ou pas, ordonnent et contrôlent chacun de vos mouvements d’après leurs diktats économiques et leurs avantages.
Oui, la société, spécifiquement dans ses parties les plus contrôlées par le Capital, est une prison gigantesque à ciel ouvert qui a sa police, officielle avec badges, numéros et flingues et non officielle. La société telle qu’agencée fonctionne sur l’autorité et sur le slogan du “faites ce qu’on vous dit de faire !” Mais plus que cela, ce ne fut pas assez, elle fonctionne comme un système de maillage qui vous empêche de fonctionner de quelque autre façon que ce soit, vous devez y prendre part. On a besoin d’argent pour acheter des choses, on doit adhérer à un certain concept de propriété comme possession, qui est intimement garantie par la force du gouvernement ; on doit accepter de vivre dans une société qui vous a été imposée et pour laquelle votre consentement ou votre désapprobation n’ont même jamais été demandés.
Mais il y a mieux bien sûr, mais cette prison dont je parle, je m’en réfère souvent comme étant le “capitalisme autoritaire”. Le terme est au confluent de deux idées , la première est celle de l’autoritarisme, primairement un concept politique, cette idée que des leaders politique gouvernent selon une autorité qu’ils imaginent avoir, ou avoir gagné, peut-être par quelque processus politique par lequel ils le justifient, mais peut-être que non ; le second est le capitalisme lui-même, un set de relations économiques d’exploitation par lequel les ressources sont exploitée et forcées par le profit particulier de quelques-uns, riches et qui sont inévitablement créées au détriment de la masse qui est aussi exploitée et forcée à créer de la richesse à cette poignée de personnes. De manière inévitable, les quelques riches et les autorités politiques s’allient, leurs intérêts s’alignent et ensuite vous en convenez avec la raison de cette gigantesque prison à ciel ouvert qui nous enferme, parce que vous faites mieux de croire que les riches et les puissants ne veulent pas abandonner cet avantage, ce sans se soucier de ce qui vous arrive.
Certains cependant ont noté, comme on me l’a aussi spécifiquement fait remarquer, que les idées de ces personnes, que cette “prison gigantesque à ciel ouvert”, en fait dépend de la coopération de la masse des personnes qui contribue à sa perpétuation. Les riches et puissants après tout, sont bien peu nombreux (NdT : mais répartis à des postes clef de contrôle des leviers sociétaux…) en comparaison de la “masse”. Même si vous y ajoutez leur police (car celle-ci n’est certainement pas notre police, encore moins une police de service du bien commun), is sont toujours une goutte d’eau dans la mer comparés à la masse des peuples. Si cette masse comprenait ne serait-ce qu’une seconde le pouvoir qu’elle a dans une action unie et concertée, sans parler de mettre en pratique cette compréhension, cette minorité disparaîtrait si rapidement que tout le monde se demanderait comment elle a même pu tenir une telle importance en premier lieu. Mais comment cela s’est-il produit en première instance ? Les peuples, sur une période de siècles en sont venus à admettre et accepter des idées qui étaient des insultes à leur intelligence et leurs intérêts, ils furent bernés dans des formations politiques, économiques et sociales, qui deviennent “la norme” et qu’ils acceptèrent paresseusement jusqu’à ce qu’ils s’y retrouvent totalement piégés, lobotomisés, dans l’acceptation de sa nécessité minute par minute. Pas de sortie possible. Mis en cage à perpétuité.
Alors que j’ère dans cette métaphore de prison (qui est quoi qu’il en soit un fait matériel de la relation humaine), il m’apparaît que cela peut être aussi décomposé. Il n’est pas difficile de se figurer qui est le directeur de cette prison et qui en sont les gardiens. Mais quid des prisonniers ? Il y en a de plusieurs types. Ceux qui ne pensent jamais à leur situation dans la prison et acceptent les choses telles qu’elles leur sont dictées et qui mènent simplement la vie qui leur a été assignée. Il y a ces prisonniers qui essaient de se faire bien voir des gardes et font du mieux qu’ils peuvent à leur avantage, peut être simplement pour en tirer le meilleur profit possible. Il y a ceux qui n’aiment pas être en prison mais ne font as vraiment grand chose contre cet état de fait mis à part la grogne occasionnelle et leur attitude de grogne générale à propos de la vie dans cette prison. Mais il y a aussi les plus passionnés et les plus extrêmes. Il y a les collabos qui deviennent amis avec les gardes et espère devenir ami avec le directeur et qui ont la volonté de renforcer le régime carcéral même dans les relations entre les prisonniers eux-mêmes.
Qui sait pourquoi ils le font ? Peut-être espèrent-ils une rédemption personnelle ou des faveurs spéciales ? Peut-être sont-ils juste vindicatifs et sans courage. Peut-être ne savent-ils pas mieux et n’ont pas l’imagination de faire quoi que ce soit d’autre. Mais dans cette prison, il y a aussi les rebelles, les insurgés, les gens qui, se voyant en prison, veulent en sortir. Et ils font des plans pour ce faire. Ils essaient de s’évader. Ils peuvent imaginer la vie au delà des murs et des points de vue non enfermés derrière des barreaux. Ces gens et bien d’autres peuvent-être trouvés en prison et aussi maintiennent le système carcéral en place ; s’ils se révoltaient, un certain nombre d’entre eux parviendraient à s’enfuir et la prison serait une ruine en flamme, le directeur et ses gardes seraient décimés, ce qui fait aussi partie de la propagande systémique : vous avec besoin de la prison, sans elle, vous n’avez plus rien ! Vous avez besoin de nous et de la prison !
La prison bien sûr, est celle de capitalisme autoritaire et du grand nombre en son sein qui le perçoivent comme étant tellement inévitable, qu’ils continuent à aller faire ces boulots qu’ils détestent et contribuent à la destruction de la planète et qui propagent la misère humaine toujours un peu plus chaque jour qui passe. Ils sont ceux qui maintiennent la capitalisme autoritaire par leur obéissance aveugle, que celle-ci soit accordée librement ou forcée sur eux n’a pas d’importance. Acquiescer aux gardiens de la prison et à leur violence est en fait tout ce qui importe (le capitalisme autoritaire étant par essence violent). Vous pourriez alors même dire que cette prison est en fait auto-infligée dans son acceptation et auto-maintenue en place par tous ceux qui continuent à se pointer à leurs boulots. Voilà la théorie du moins de ceux qui, dans le passée, ont parlé de cette “servitude volontaire”. Celle-ci n’est pas seulement mauvaise pour vous dans la mesure où vous donnez votre obéissance, mais aussi parce qu’au plus vous obéissez et au plus difficile il devient pour quelqu’un d’autre de désobéir, car ils vont se retrouver esseulés. Ceci est exactement ce que veulent le directeur et les gardes, car les détracteurs désobéissants sont plus faciles à gérer en petit nombre. Plus la masse est soumise et obéissante et plus il est difficile pour d’autres de se révolter.
Le post-anarchiste prend tout cela, d’après l’interprétation de l’idée de Max Stirner de “l’Unique” et alignée sur les valeurs profondes de l’anarchisme qui évite (qui a toujours de fait évité) la légitimité de l’État et de ses lois et affirme que nous ne devons pas donner du tout au capitalisme autoritaire notre servitude, volontaire ou autre. Nous retrouvant dans cette prison, les anarchistes devraient être en première ligne de la rébellion, des comploteurs et tenter de complètement se libérer, instillant une insurrection contre les gardes et la direction administrative ce faisant. Ils méprisent ces ordres de “vivez selon les diktats” dans des associations sur lesquelles ils n’ont aucun contrôle. Ils insistent alors à former des relations d’association libre dans un dehors émancipé.
Ceci, en fait, est le point qu’ils pensent que chaque autre prisonnier doit atteindre, intellectuellement, socialement, moralement, politiquement, un point de non retour qui ne verra pour satisfaction que leur émancipation de cette prison pour parvenir à la seule vraie liberté au-delà de ses murs. Pour y parvenir, ces gens comprennent qu’ils vont devoir embrasser un processus d’illégalité insurrectionnelle, le point d’un rejet délibéré et planifié de toute autorité, le rejet de cette autorité étant une idée en elle-même. Ils doivent devenir ceux qui inventent et chérissent une habitude de désobéissance civile et politique afin de mieux rendre toute obéissance de plus en plus impossible. Ils doivent devenir des bandits enthousiastes et des vagabonds volontaires, des saboteurs du système carcéral sociétal qui ne cherche qu’à les maintenir en dedans et obéissant.
Ils le font essentiellement par eux-mêmes car tout ceci représente une auto-éducation, une auto-réalisation, une auto-actualisation. Ils le font parce qu’ils le doivent, parce que ce “point de non retour” est atteint alors qu’ils observent les conditions sous lesquelles ils sont forcés d’exister et de les rejeter de manière égoïste. Pourtant, ils savent aussi que se rebeller contre les conditions carcérales dans lesquelles ils et tout le monde ont été forcés, profitera au plus grand nombre plus qu’à eux-mêmes si les portes des cellules sont ouvertes, les gardes vaincus et les murs défoncés. Ils s’en réjouissent, mais ce n’est pas le but. Si on doit être libre, si on doit être émancipé des conditions forcées et arbitraires qui oppriment, exploitent et contraignent, alors on doit être libre sans égard de savoir si quelqu’un d’autre ressent la même chose qu’eux ils le ressentent. On trouve des associés et des complices quand c’est possible, mais on ne doit pas se reposer là-dessus. On doit aussi faire attention aux faux-amis, faux alliés et les collabos directs du statu quo (il y en aura toujours beaucoup…)
Il est évident qu’on ne peut essentiellement compter que sur soi-même et que de véritables complices n’émergeront que lorsqu’ils démontreront que eux aussi sont consumés par la flamme éternelle de l’émancipation, quelque soit le nom qu’ils se donnent et où qu’ils/elles puissent être trouvés. Ces gens sont ceux qui œuvrent pour bannir le concept même de “servitude” de leur vocabulaire, le remplaçant avec passion par les termes d’amour et de liberté, de cet amour qui aime ceux qui l’aiment tout autant qu’eux. Ils veulent des complices et des amoureux dans le combat pour l’autonomie personnelle et l’association libre mais ils laissent venir à eux ces gens et ne les forcent en rien. L’Anarchie est ce qui se produit lorsque vous faites les choses de manière non coercitive ; ils réfléchissent et font leurs affaires de saboter le fonctionnement régulier de la prison et de mettre en œuvre leur plan d’évasion afin de sortir et de demeurer en dehors de ses murs.
En oubliant la métaphore, que cela veut-il dire ? Cela veut en fait dire SORTIR DU CAPITALISME si nous disons être anarchistes. Cela veut dire la fin de créer des excuses pour justifier du pourquoi nous continuons à nous pointer à ces satanés boulots. Cela veut dire que si ce ne sont pas les anarchistes qui montre le chemin de l’Anarchie… QUI VA LE FAIRE ? Cela veut dire ETRE ILLEGAUX si c’est cela que ça implique. Cela veut dire ETRE UNE INSURRECTION morale, sociale, politique économique et intellectuelle. Cela veut dire FORGER DE NOUVELLES RELATIONS qui ne soient pas des reproductions de celles du capitalisme autoritaire (NdT : n’est -ce pas les adeptes des “ateliers citoyens constituants” de “réécriture de constitution”… ce traître réformisme de continuité du système…) et de la prison, mais de nouvelles relations d’amour émancipé. Cela veut aussi dire ETRE SERIEUX au sujet de défoncer les murs carcéraux et de s’échapper de l’espace contigu où nous avons été forcés de vivre. Ceci ne veut en rien dire que ce sera facile. Bien sûr que cela ne l’est pas. Pourtant le passage d’une condition a une autre dépend de notre activité, ce n’est pas une raison pour abandonner tout ce qu’un anarchiste a toujours cru. Ce n’est pas une raison pour abandonner les valeurs anarchistes d’autonomie, d’agencement, d’association libre ou de vie décentralisée. C’est au sujet d’atteindre ce point de non retour dans lequel l’idée même de SERVITUDE est définitivement rejetée et, en en ayant conscience, mettre le cap sur un endroit au delà du bien et du mal, au delà de la loi et de l’État, au delà de la coercition et du gouvernement, où toute servitude est rendue complètement impossible.
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Il n’y a pas de solution au sein du système ! (Résistance 71)
Comprendre et transformer sa réalité, le texte:
Paulo Freire, « La pédagogie des opprimés »
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4 textes modernes complémentaires pour mieux comprendre et agir:
Guerre_de_Classe_Contre-les-guerres-de-l’avoir-la-guerre-de-l’être
Francis_Cousin_Bref_Maniffeste_pour _un_Futur_Proche
Manifeste pour la Société des Sociétés
Pierre_Clastres_Anthropologie_Politique_et_Resolution_Aporie
¡Ya Basta!
This entry was posted on 10 novembre 2022 at 4:55 and is filed under 3eme guerre mondiale, actualité, altermondialisme, autogestion, crise mondiale, démocratie participative, gilets jaunes, guerres hégémoniques, média et propagande, militantisme alternatif, néo-libéralisme et paupérisation, neoliberalisme et fascisme, pédagogie libération, politique et social, politique française, résistance politique, société des sociétés, terrorisme d'état with tags anarchie émancipation, anarchie révolution sociale, anarqxista Goldman émancipation post-anarchiste, Anarqxista Goldman post-anarchisme, désobéissance civile, dissidence a l'oligarchie, dissidence au nouvel ordre mondial, guerre contre le terrorisme d'état, politique française, résistance politique, société état et démocratie, terrorisme d'état. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, or trackback from your own site.
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