De l’antagonisme à la complémentarité : Nietzsche et la tradition anarchiste 5ème partie
Friedrich Nietzsche
Guy A. Aldred
Extrait du livre “I am not a man, I am dynamite, Friedrich Nietzsche and the anarchist tradition”, 2004
~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~
Juillet 2021
5ème partie
La fascination exercée sur un toujours plus grand nombre de suiveurs par ce génie brillant bien que quelque peu imprévisible, Friedrich Nietzsche, sert à faire sortir non seulement plusieurs points d’attraction répulsion caractérisant sa philosophie de la révolte, mais aussi l’extension du fait qu’il ait été si mal compris. […]
L’instinct d’auto-préservation que tout le monde reconnaît comme étant la première loi de la nature est montrée par Nietzsche être la dernière loi de la morale. Entre le droit d’auto-assertion, intellectuellement exprimé et l’auto-réalisation sociale au service de tous, il ne trace aucune ligne de démarcation. Pour lui, ils sont un et identiques. L’indépendance absolue de toute autorité extérieure, l’être sans dieu ni maître, la souveraineté de “l’être” sur le “faire”, sont les défis qu’il lance aux médiocres qui souffrent eux-mêmes d’être les victimes du désordre légalisé. Il n’hésite pas non plus à attaquer les phases variées de l’expertisme. Avec lui, les droits prennent la place des devoirs, puisque pour le surhumain, la performance des devoirs sera le droit le plus haut.
Beaucoup ne comprennent pas l’essence de cette philosophie d’individualisme communiste, “l’égoïsme” nietzschéen a été confondu avec un individualisme spencérien décadent (NdT: d’Herbert Spencer, l’ex-anarchiste devenu darwiniste social et eugéniste au XIXème siècle). Tour à tour adepte de Schopenhauer, Wagner et Auguste Comte, Nietzsche fonda un système qui n’était pas tant une réaction contre les idées de ses anciens maîtres qu’un développement et une unification de leurs thèses respectives, et seulement opposées en apparence à leurs enseignements initiaux d’égoïsme philosophique et nirvanique. Où il y a une différence, celle-ci est plus de caractérielle qu’autre chose. Nietzsche a mis l’accent sur l’ultime détachement de l’être comme Schopenhauer, l’élévation de l’humanité est une partie toute aussi importante de son système comme ce le fut pour Comte, mais Nietzsche y apporta des caractéristiques de tempérament à soutenir une fois les deux systèmes réunis. En d’autres termes, essentiellement un enseignant religieux et apôtre de de l’iconoclasme, opposé au monde métaphysique érigé par des théologiens mais aussi par de nombreux scientifiques et philosophes, le système philosophique de Nietzsche était néanmoins fondé sur une conservation inconsciente des enseignements des philosophes auxquels son système était supposé s’opposer.
L’humain tel qu’on le connaît, avec son respect des conventions morales et contrôlé par des règles de conduite externes, était quelque chose qui devait être surmonté. Les espoirs de surnaturalité, qu’ils soient scientifiques, théologiques ou philosophiques, qui animent l’humain dans la phase de transition devaient être consignés dans le vortex de l’oubli. Le conseil du philosophe ou du scientifique à l’Homme de se préserver de la misère de ceux qui l’entourent en regardant le monde de l’art et de la science comme des aspirations élévatrices, le monde subjectif idéal, comme pacificateur des maux du monde objectif, était vu par Nietzsche comme une amélioration infime sur le paradis objectif du théologien. Ce n’est pas que Nietzsche réprouvait ce monde idéal subjectif, mais il voulait que tout homme se hisse à ce niveau, associé à une assertion de son individualité. Son système de pensée était basé sur une extension et une conservation des idéaux qui trouvèrent leur expression dans ce monde subjectif. Mais son égoïsme était à l’opposé de celui de tels philosophes. Ceux-ci demandaient aux hommes de faire avec leurs conditions de vie sordides, de continuer à être les esclaves des autres, aussi loin qu’ils pouvaient faire l’expérience des “réalités” de ce monde subjectif de l’idéalisme.
Mais Nietzsche ne pouvait voir de réalité dans cet idéalisme subjectif s’il était séparé de l’auto-assertion de l’individu ou opposé à son bien-être physique. Le scientifique qui faisait partie de cette école de philosophie séparait connaissance et vérité du bonheur de l’individu et voudrait vous voir ne pas croire en son être auto-contenu. Si Nietzsche embrasse le pessimisme de Schopenhauer, il insista néanmoins sur la réalité de l’être de l’homme. La vérité et la connaissance par conséquent, n’avaient de valeur que lorsqu’elles devenaient soumises à la réalité de l’être auto-contenu, seulement utiles dans la mesure où elles administraient la liberté individuelle contre l’oppression des autres ou par les autres.
Tous les chemins mènent à Rome et tous les aphorismes de Nietzsche mènent à une finalité, la supériorité du surhumain. Mais celle-ci demande un nouveau système social et est autant une régénération sociale qu’une avancée individuelle. tant que la domination de l’Homme sur l’Homme continue, le surhumain ne peut pas être. Le surhumain sera supérieur à l’humain car il sera placé de telle façon qu’il ne soit ni esclave ni maître. Libéré du désir et du pouvoir économique de domination, il ne sera ni dominateur ni dominé. Mais dans la mesure où une hérédité différente produit des traits différents, les spécificités de chacun varieront et ce manque d’officialité s’appellerait liberté, variété et génie conséquent. Car là où il y a liberté et variété, il y a aussi génie. Ainsi l’humain sera heureux indépendamment de canons de moralité extérieurs, servant ses semblables de manière si saine que rien ne sera vu comme “service”, bénéficiant le reste de ses semblables en simplement osant être lui-même.
Telles sont la qualité et la grandeur de la philosophie propagée par Nietzsche, une philosophie qui rattache l’Homme à être vrai envers lui-même et de cesser d’être soit l’exploiteur ou l’exploité de la science, d’une industrie fourvoyée et d’un luxe bestial.
Pour ceux qui n’ont pas maîtrisé la pensée de Nietzsche, il est regardé comme cet individualiste décadent, mais pour ceux qui apprennent toujours, il est le héraut des plus hautes principes socialistes, le héraut de la révolte et de la liberté, le penseur profond qui réalisa que le socialisme doit inévitablement être identique à la liberté individuelle absolue. Ainsi, sa mémoire sera toujours chère à tous ceux qui, mariant l’éthique de la liberté de pensée avec une économie socialiste, affirme la combinaison “anarcho-communisme”, la fraternité de l’humanité qui dépend pour son bonheur du totalitarisme de personne. Et quel plus haut socialisme pourrait l’Homme avoir que celui qui leur demande en tout temps d’être eux-mêmes et de servir les hommes non pas à cause de pressions variées des circonstances, mais parce que de tels actes bénéficieraient la communauté d’un principe interne supérieur de l’être véritable ?
[Cet écrit est originellement apparu dans, “The Message of Nietzsche,” in Freedom, June 1907, and as the pamphlet Nietzsche—Apostle of Individualism (London: Bakunin Press, nd).]
This entry was posted on 4 juillet 2021 at 3:05 and is filed under actualité, altermondialisme, gilets jaunes, militantisme alternatif, pédagogie libération, philosophie, politique et social, politique française, résistance politique, société des sociétés, terrorisme d'état with tags de l'antagonisme a la complémentarité nietzsche, friedrich nietzsche le surhumain, guerre contre le terrorisme d'état, nietzsche et la tradition anarchiste, philosophie friedrich nietzsche, résistance politique, société état et démocratie. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, or trackback from your own site.
4 Réponses vers “De l’antagonisme à la complémentarité : Nietzsche et la tradition anarchiste 5ème partie”
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4 juillet 2021 à 3:27
Vu l’accélération du processus de domination finale dans nos vies quotidiennes, la mise en place de la grille de contrôle de la dictature technotronique planétaire dont la « crise COVID » fabriquée n’est qu’un outil, il est plus que grand temps d’accélérer notre processus de réflexion critique et d’aller à l’essentiel pour une action directe qui nous mènera à l’avènement de la société des sociétés.
Plus on y réfléchit et plus nous sommes persuadés que cette société des sociétés que l’humanité mettra en place pour sa sauvegarde finale, n’est autre que ce que Nietzsche appelait le surhumain.
Complémentarité et convergence vers l’explosion harmonieuse de la réconciliation avec notre humanité et donc la Nature. Une communion osmotique avec l’univers réalisé en nous et nous en lui.
Nous nous rapprochons de cet instant de vérité ultime, celui qui définit notre humanité profonde.
N’en ayons pas peur, invoquons le !…
11 juillet 2021 à 8:52
[…] 5ème partie […]
17 septembre 2021 à 3:05
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18 octobre 2021 à 1:57
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