Resistance politique: « Le gouvernement est l’ennemi du peuple » nous disait l’ami du peuple…
“Nous croyons que le journal de Marat [“L’Ami du Peuple”] est le document le plus précieux, le plus indispensable qu’on puisse consulter pour une histoire de la Révolution française.”
~ Alfred Bougeart, historien et biographe de Marat ~
“Marat a formulé sa défiance à l’égard du régime représentatif d’assemblée et de ce qui le menace: la corruption, l’accaparement du pouvoir par les riches ou par les suppôts du prince. Le thème du nécessaire contrôle des élus par leurs mandants, leitmotiv sous sa plume de journaliste, est déjà en place.”
~ Michel Vovelle, historien ~
Épitaphe sur la tombe de Marat au club des Cordeliers:
“Ci-gît Marat, l’ami du peuple, assassiné par les ennemis du peuple le 13 juillet 1793.”
Textes de Jean Paul Marat
“L’Ami du Peuple” (extraits 1789-1792)
Le gouvernement est l’ennemi du peuple
Il est une vérité éternelle dont il est important de convaincre les hommes : c’est que le plus mortel ennemi que les peuples aient à redouter est le gouvernement. A la honte éternelle des princes de la terre et de leurs ministres, presque toujours les chefs qu’une nation se choisit pour assurer sa liberté ne songent qu’à lui forger des fers ; presque toujours les mains auxquelles elle a remis le soin de sa félicité ne s’occuppent qu’à consommer son malheur. Telle est l’ardeur de la soif de dominer que les hommes les mieux famés lui sacrifient jusqu’à leur réputation. Vous l’avez vu ce monstre autrefois populaire, jaloux de commander, oublier la justice, le devoir, l’honneur, presser continuellement le travail sur les impositions et le rétablissement du pouvoir exécutif, c’est-à-dire du pouvoir de la tyrannie, pousser le prince à n’accorder qu’à cette condition son consentement aux décrets de l’Assemblée nationale et à se montrer en despote. Vous les avez vus pareillement, ces hommes petits et vains que nous avons honorés de notre confiance, oublier au bout de quelques jours qu’ils dépendent de nous, s’ériger en tyranneaux, et pousser la folie jusqa’à vouloir maltraiter leur maître avant que l’Ami du peuple les remît à leur place.
O mes concitoyens, hommes frivoles et insouciants, qui n’avez de suite ni dans vos idées, ni dans vos actions, qui n’agissez que par boutades, que pour chasser un jour avec intrépidité les ennemis de la patrie, et qui le lendemain, vous abandonnerez aveuglément à leur foi, je vous tiendrai en haleine, en dépit de votre légèreté, vous serez heureux, ou je ne serai plus.
=*=
Corruption de l’Assemblée Nationale
C’est une maxime bien fausse, de croire qu’il faille toujours dissimuler les maux de l’Etat et cacher la profondeur de ses plaies ; car si ceux qui tiennent les rênes du gouvernement sont toujours intéressés à combler la mesure des calamités publiques ; si les représentants de la nation sacrifient prêsque toujours ses intérêts à leur ambition ou à leur cupidité, et si le peuple seul veut toujours le bien, comment le porter à chercher le remède à ses maux, quand on lui dissimule les dangers de son état ? Je n’aurai donc point de secret pour le public, et quoi qu’il arrive, je déchirerai le voile dont on couvre l’abîme où l’on cherche à nous précipiter. (Note de R71: C’est bien pour cela que Marat fut assassiné…)
Tout ce qui s’est fait à l’Assemblée nationale depuis huit jours peut être contenu dans une page, aux règlements près qui fixent le traitement des ministres de la religion. A l’ouverture de chaque séance, ce sont toujours de ridicules adresses d’adhésion aux augustes décrets, suivis du serment de les défendre jusqu’au dernier soupir; indiscrète adhésion, serment téméraire d’une aveugle multitude, incapable de distinguer dans l’ouvrage du législateur ce qui est digne d’éloges, de ce qui est digne de blâme. Sans doute les décrets faits pour le bonheur public doivent être maintenus au prix de tout notre sang, mais ceux qui enlèvent aux citoyens leurs droits sacrés, et ceux qui sacrifient au monarque la souveraineté de la nation, doivent être proscrits avec la même ardeur.
Peuple inconsidéré, ce n’était donc pas assez pour ruiner ta cause et t’arracher le fruit de tes victoires, de l’avarice, de la rapacité, de l’ambition, de la haine, de la rage, de la fureur dévorent le sein des députés des ordres abolis ; ce n’était pas assez de leurs intrigues, de leurs menées, de leurs complots, de leurs trames odieuses ; ce n’était pas assez de la vénalité, de l’astuce, de la perfidie, de la trahison de tes propres représentants; il fallait encore que ta crédulité, que ta sotte confiance, que tes adulations, que ton idolâtrie encourageassent au crime et poussassent aux derniers attentats une lâche majorité prostituée à la cour ; il fallait êncore que son ingratitude envers tes fidèles représentants te fît compter pour rien leurs généreux efforts et leurs réclamations. Ah ! je le vois trop, c’en est fait des intérêts de la liberté pendant le reste de cette législature. Sourd à la voix des remords et de la pudeur, elle suit avec opiniâtreté ses noirs projets ; n’attendez plus d’elle que fausses promesses, bienfaits illusoires, pièges, prévarications et perfidies ; sans cesse des comités vendus forgeront des projets de décrets funestes qu’elle adoptera avec acclamation; sans cesse elle entraînera le peuple de chute en chute jusqu’au moment de sa dissolution …
Jugeons de l’avenir par le présent et le passé. Vous la verrez cette assemblée rien moins qu’auguste, au moment où elle cherchera à organiser le pouvoir judiciaire, mettre tous ses soins à éviter l’institutition d’un vrai tribunal d’Etat, et se donner garde de le composer d’un petit nombre de patriotes distingées comme l’exigerait le salut de la patrie … Vous la verrez, imposant silence aux spectateurs témoins de prévarications, enlever aux électeurs le droit de surveiller le pays, le droit de déstituer ceux qui seront suspêcts, le droit de punir ceux qui seront corrompus.
Vous la verrez aussi, l’Assemblée nationale, au moment où elle cherchera à organiser l’armée, mettre tous ses soins à enlever aux soldats le droit incontestable qu’ils ont de nommer leurs officiers, de les surveiller, de les contrôler, de les déstituer; ou si elle craint de le leur enlever, vous la verrez affranchir les troupes de ligne du pouvoir civil, attribuer à un conseil de guerre la reconnaissance des délits qui n’appartiennent qu’aux tribunaux, soumettre à l’état-major le jugement des actes d’indiscipline et des abus d’autorité, qui n’appartient qu’à un conseil nommé par le régiment et remettre dans les mains du ministre le dur joug sous lequel le soldat gémit depuis si longtemps.
C’est ainsi que, dans l’organisation des municipalités, elle s’est étudiée à enlever à la commune le droit incontestable qu’elle a de toujours rester assemblée ou de s’assembler toutes les fois qu’elle juge à propos pour s’occuper des affaires publiques; le droit de surveiller, de contrôler, de destituer, de réprimer, de punir ses mandataires, droit essentiel, sans lequel tous les autres ne sont qu’illusoires. Le moyen d’en être sur pris ! Elle s’êst bien attribué à elle-même ceux que la nation a sur ses représentants.
=*=
Lire “Les chaînes de l’esclavage” de Jean-Paul Marat (1774) sur Résistance 71,
Les assemblées communales sous la révolution: 1789-1793
L’anti-“Prince” de Machiavel
Dans son “Prince”, Niccolo Machiaveli écrivait le modus operandi de la domination tyrannique du prince au service de celui-ci. Dans ses “chaînes de l’esclavage”, Marat écrit, dénonce les mécanismes tyranniques étatiques pour instruire le peuple sur le plan de domination politique dont il est victime. Écrit en 1774, soit 15 ans avant la révolution française, “Les chaînes de l’esclavage” est un essai visionnaire et compréhensif de la tyrannie non seulement des “princes” d’état, mais de l’État tout court.
Marat, “L’Ami du Peuple”, du nom de son journal révolutionnaire, était un visionnaire, proche des hébertistes et des “sections” populaires municipales sans-culottes, il avait la confiance du peuple et aurait vraisemblablement amené un élan politique menant la république française à devenir une confédération de communes dirigées de facto par ses citoyens. En cela, il était un ennemi mortel de l’oligarchie, des spéculateurs, des accapareurs, des corrupteurs et donc de la bourgeoisie dirigeant la nation depuis 1789 et ayant relégué le peuple au rang d’administrés se devant être serviles. Celle-ci le savait et devait se débarrasser de ce trublion politique.
Dès lors, Marat devait mourir. Personne n’aurait osé le guillotiner. L’assassinat politique fut de mise.
On pourra spéculer longtemps, mais il est plus que probable que Marat vivant, la France révolutionnaire n’aurait jamais connu Napoléon ni l’empire et que sa destinée aurait été toute autre.
De toutes les figures de la révolution française, de Danton l’escroc à Robespierre le gourou du culte de “l’être suprême”, Marat est sans aucun doute celui qui fut le plus diabolisé et sali afin que son héritage politique s’efface devant la république oligarchique du pouvoir commercial et financier, celle du pouvoir de l’argent et de la corruption institutionnalisée qui a atteint au XXIème siècle des sommets inégalés.
Relire, comprendre et réhabiliter Marat, c’est aussi et sûrement être l’ami du peuple…
~ Résistance 71 ~
This entry was posted on 29 octobre 2016 at 12:05 and is filed under actualité, altermondialisme, démocratie participative, guerres hégémoniques, guerres imperialistes, militantisme alternatif, pédagogie libération, police politique et totalitarisme, politique et lobbyisme, politique et social, politique française, résistance politique, société libertaire, terrorisme d'état with tags dégradation sociale france, désobéissance civile, dissidence a l'oligarchie, gouvernement ennemi du peuple, guerre contre le terrorisme d'état, jean paul marat l'ami du peuple, jean paul marat les chaînes de l'esclavage, jean paul marat libertaire, jean paul marat politicien visionnaire, jean paul marat révolution française, oligarchie financiere, politique française, république française dictature, république française terrorisme d'état, résistance politique, société état et démocratie, société libertaire, terrorisme d'état. You can follow any responses to this entry through the RSS 2.0 feed. You can leave a response, or trackback from your own site.
19 Réponses vers “Resistance politique: « Le gouvernement est l’ennemi du peuple » nous disait l’ami du peuple…”
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29 octobre 2016 à 12:45
La guerre est engagée par chaque groupe dirigeant contre ses propres sujets, et l’objet de la guerre n’est pas de faire ou d’empêcher des conquêtes de territoires, mais de maintenir intacte la structure de la société. 1984 G. Orwell
29 octobre 2016 à 2:31
Exact, il disait aussi: « La guerre n’est pas faite pour être gagnée mais pour durer. »
Prenons l’empire yankee: 240 ans d’existence et plus de 220 en guerre…
Orwell avait encore raison.
29 octobre 2016 à 3:31
Quelle pépite !
Et votre argumentaire conclusif d’une justesse…
Cette lecture aussi m’a foutue les poils… Et donc, je le relaye, tant ça participe à nous permettre d’effacer les dogmes fantasmagoriques car à n’en pas douter, c’est une « pépite de vérité historique » aussi non ? JBL
29 octobre 2016 à 4:14
Absolument. Marat était très minutieux, ses écrits dans « L’Ami du Peuple », son journal entre 1789 et 1792 sont effectivement des archives exceptionnelles de cette période.
Quand on voit sur quel piedestal on a mis Danton, cet escroc, accapareur, qui a fait fortune sur des commissions de la vente des biens nationaux et des communes en cheville avec une clique d’agioteurs, spéculateurs et comment on a diabolisé la conscience révolutionnaire du peuple qu’était Marat, on comprend bien ce qu’était et est la « république », ce que Marat avait bien compris du reste. On t’encourage à te (re)plonger dans « Les chaînes de l’esclavage » qu’il a écrit rappelons-le à Londres en 1774, soit 15 ans avant la révolution !
Marat était le Orwell de l’époque ! Aussi visionnaire !…
29 octobre 2016 à 4:20
Oui, très bien trouvé le « Marat était le Orwell de l’époque ». Ce texte de Marat est vraiment ce qu’il nous faut, ici et maintenant, surtout en ce moment où l’on voit le Barnum pour 2017 monter son chapiteau et en plein Potus 2016 qui vire à la farce, jour après jour et dont veulent nous farcir les Zélites…
Connaissez-vous cette chanson des Frères Jacques « Le Cirque » ? Mise à part leur poésie musicale qui me fait frémir le grotesque de la situation y est parfaitement décrite.
29 octobre 2016 à 4:24
Tout à fait… Tiens vas-y met le lien de la vidéo du « Cirque » des Frères Jacques si tu l’as sous la main… c’est toujours un grand plaisir de les revoir ! 😉
29 octobre 2016 à 4:29
Et bien figurez-vous qu’avant on le trouvait sur YT et que depuis un petit moment déjà, impossible de le retrouver ! C’est comme la chanson de Francis Cabrel « Tôt ou Tard s’en aller… » il n’en existait qu’une version avec un clip qui a été bloqué par YT pour DDA si je le trouve, je vous le collerait ! 😉
29 octobre 2016 à 4:56
Tenez, j’ai trouvé la chanson le cirque dans cet album, c’est à 00:34:03 et dans les plus pour avoir le titre = https://www.youtube.com/watch?v=azS2GHi9Db4
29 octobre 2016 à 5:22
ok merci.
29 octobre 2016 à 5:23
De rien !
29 octobre 2016 à 5:31
[…] Url de l’article = https://resistance71.wordpress.com/2016/10/29/resistance-politique-le-gouvernement-est-lennemi-du-pe… […]
29 octobre 2016 à 5:35
Tenez le résultat final et tant je me suis régalée à le relayer = https://jbl1960blog.wordpress.com/2016/10/29/aucun-gouvernement-nest-un-ami/
29 octobre 2016 à 8:08
Avez-vous lu cette info incroyable, suite au séisme en Italie du 26/10, un député israélien prétend que c’est une punition divine suite au vote de l’Italie à l’UNESCO, ce gonze était d’ailleurs en visite au Vatican ce jour-là (source Russia Today) https://francais.rt.com/international/28213-seismes-italie-sont-punition-apres-vote-unesco-selon-depute-israelien
Y’en a qui doute vraiment de rien 😦
30 octobre 2016 à 12:50
mythologie quand tu les tient…
30 octobre 2016 à 9:51
Ouais ! ratuma me faisait remarquer, qu’on pourrait lui posait la question « et vous, durant la 2nde guerre mondiale, c’était quoi… » et c’est pas faux non ?
30 octobre 2016 à 10:27
poser la question à qui ? on n’a pas suivi le fil de la discussion…
30 octobre 2016 à 10:43
Poser la question à ce Député israélien, s’il considère les tremblements de terre comme une punition divine suite au vote à l’Unesco sur Jérusalem (et il y a eut un autre tremblement de terre ce matin) ratuma suggère qu’on lui demande juste ce que fut l’extermination de son peuple pendant la 2nde guerre… Bon on comprend bien que ça ne sera pas pareil dans ce cas…
30 octobre 2016 à 10:53
la différence est dans « l’élection », on reste dans la mythologie… 😉
30 octobre 2016 à 11:45
Aussi…