Rejoignez le mouvement pour la répudiation des bulles papales colonialistes, plus nous mettrons de pression sur la hiérarchie cléricale jusqu’au Vatican et plus ces diktats papaux auront de chance à être répudiés.
— Résistance 71 ~
Question pour les chrétiens: Demander pardon sera t’il suffisant ?
Peter d’Errico
29 Juillet 2015
url de l’article original:
http://indiancountrytodaymedianetwork.com/2015/07/29/question-christians-will-saying-sorry-be-enough
~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~
La demande de “pardon” du pape François 1er le 9 Juillet 2015, pour les “crimes commis contre les peuples natifs durant la soi-disante conquête des Amériques” indique combien a évolué la discussion sur la complicité chrétienne dans la domination coloniale (de l’occident), éperonnée par la critique croissante de la doctrine chrétienne de la découverte.
En 1993, lorsque Birgil Kills Straight, Steven Newcomb et Maria Braveheart Jordan envoyèrent une “lettre ouverte” au pape Jean-Paul II, appelant pour la révocation de la bulle papale vieille de 500 ans qui mettait en œuvre la doctrine chrétienne de la découverte (NdT: Inter Caetrera, pape Alexandre VI, Mai 1493), leur action paraissait être don quichotesque pour le moins. Beaucoup de gens (ré)agirent comme si les documents de l’ère coloniale étaient en quelque sorte sans importance dans le monde moderne.
Maintenant, près d’une génération plus tard, la révocation de la doctrine chrétienne de la découverte est passée d’un projet utopiste à une cible largement comprise et entendue dans le mouvement de libération des peuples et nations indigènes des Amériques (NdT: et d’ailleurs) comme ayant des effets continus et permanents incluant des programmes de domination. Aux Etats-Unis par exemple, la doctrine chrétienne de la découverte est sous-jacente à la loi fédérale sur les Indiens jusqu’à ce jour.
Le pape François n’a pas mentionné la doctrine chrétienne de la découverte, mais il a été plus loin que le pape Jean-Paul II, dont “les excuses” de l’an 2000 blâmaient en fait des individus, plutôt que l’église elle-même, pour la violence contre les peuples et nations indigènes et autres. François a demandé le “pardon” pour “les offenses de l’église elle-même”. Notez également que François a parlé de “crimes” ; il ne s’est pas limité à la douce rhétorique des “pêchés”.
Le pape François a également contribué à une importante clarification au sujet du rôle de la doctrine de l’église dans la colonisation lorsqu’il s’est référé à une “soi-disant conquête” de l’Amérique. Comme la Cour Suprême des Etats-Unis l’a déclaré dans sa décision dans l’affaire Johnson contre McIntosh de 1823, la doctrine chrétienne de la découverte sert de “prétention” à la conquête. Là où une conquête réelle possède des implications légales de domination justifiable, la doctrine chrétienne de la découverte n’est justifiable que pour ceux qui placent la discrimination religieuse contre les païens non-chrétiens comme fondation même de la loi.
D’après le New York Times, “les excuses pour la complicité de l’église dans l’ère coloniale a reçu une ovation immédiate de la foule présente”, foule qui était constituée “d’environ 200 activistes sociaux, fermiers, éboueurs et activistes de voisinages”, à Santa Cruz en Bolivie.
Comment les gens autochtones qui se considèrent chrétiens vont-ils répondre à la critique de la domination coloniale chrétienne ? Vont-ils demeurer satisfaits avec une demande du pape pour le pardon ? Ou vont-ils insister pour qu’une demande de pardon soit suivie par une action démontrant un changement réel, comme une révocation papale des décrets pontificaux offensants ?
Beaucoup de gens ont critiqué la canonisation plannifiée de Junipero Serra, le moine du XVIIIème siecle qui fut une force vive de la colonisation espagnole sur la côte ouest de l’amérique du Nord (Californie). Serra organisa l’effort de conquête spirituelle et temporelle de la conquête des peuples natifs en “Nouvelle Espagne”. Il fut responsable de la plupart de la violence qui eut lieu pour l’évangélisation au nom du christ alors qu’il cornaquait la force de travail native pour remplir les demandes de tributs et de trésors de la couronne espagnole.
Les autochtones chrétiens seront-ils capables de voir et de comprendre que Junipero Serra ne peut pas être un “saint” si ce qu’il fit est un crime ? Les natifs chrétiens lèveront-ils leurs voix pour défier la canonisation et verront-ils la “sainteté” de Serra comme la continuation des mêmes actes pour lesquels le pape François et d’autres papes ont demandé pardon ?
Y aura t’il plus de natifs chrétiens qui appelleront l’église à prendre l’étape suivante après la demande de pardon et qui est d’officiellement révoquer les bulles papales vieilles de 500 ans, qui ont autorisées la violence et la domination contre les peuples et nations indigènes ?
L’histoire de la résistance indigène au colonialisme espagnol en Amérique du Sud ne laisse aucun doute sur la capacité des peuples indigènes à aller au-delà de l’allégeance à l’église dans leur lutte pour l’auto-détermination.
Lorsque Tupac Amaru a commencé sa campagne contre le joug espagnol dans le Pérou du XVIIIème siècle, il croyait que l’église soutiendrait son mouvement de libération des peuples Incas de l’oppression des officiels coloniaux et des grands propriétaires terriens, qui maintenaient des communautés entières de peuples autochtones dans des conditions d’esclavage. Les demandes initiales de Tupac Amaru pour la fin de la domination espagnole étaient souvent faites depuis les marches des églises où il appelait ses suiveurs à respecter les prêtres tandis qu’il défiait les autorités séculières.
Malgré la volonté de quelques prêtes d’œuvrer avec les leaders natifs, la hiérarchie de l’église prit alors un rôle définitivement antagoniste. L’évêque Moscoso de Cuzco ordonna aux prêtres de prêcher contre les forces indigènes. Moscoso prit le rôle de leader dans l’assistanat de la réponse militaire espagnole à la rébellion. Il excommunia Tupac Amaru dans un effort de le dépeindre comme un païen plutôt qu’un héros.
Lorsque Tupac Amaru réalisa que les plus hautes instances de l’église ne lui étaient pas acquises et complotaient avec les officiels séculiers pour détruire la révellion incas, il fut abassourdi. L’excommunication l’affaiblit autant qu’elle le rendit fou de rage, car elle minimisait le soutien parmi les indigènes convertis, qui se distancièrent de la rébellion et rejoignirent mêmes pour certains, des milices espagnoles.
Dans un livre récent: “— »The Tupac Amaru rebellion« , l’auteur Charles F. Walker écrit ceci: “Hautement religieux, les leaders rebelles ne pouvaient pas concevoir le monde sans l’église et ne pouvaient pas parvenir à réduire au silence des leaders de l’église comme l’évêque Moscoso.”
Walker écrit aussi: “Le plus grand ou du moins, le défi le plus inattendu auquel durent faire face les chefs rebelles fut de savoir comment réconcilier leur religiosité avec les efforts intensifs contre-révolutionnaires…. de l’église.”
Aujourd’hui, les critiques de la doctrine chrétienne de la découverte ont le vent en poupe, atteignant même l’ONU et son Forum Permanent pour les Affaires Indigènes dont “l’étude” sur les impacts de la doctrine de la découverte appelle pour “des mécanismes, des processus et des instruments de redressement des torts” infligés aux peuples indigènes.
Comme l’a écrit Steven Newcomb, la pape François 1er “a pris un premier pas très important vers la révocation des bulles papales d’empire et de domination”. Newcomb mérite de recevoir les plus grandes accolades et le plus grand crédit pour avoir tant aider à forger les fondations de ce travail. Il fit suivre son rôle de co-auteur de la “lettre ouverte” au pape de 1993 avec un livre publié en 2008: “Païens en terre promise, décoder la doctrine chrétienne de la découverte”, ouvrage qui met à nu la fondation religieuse chrétienne toujours active de la loi fédérale sur les Indiens des Etats-Unis.
Le pape François 1er semble parfaitement au courant de la non-viabilité ou tout au moins de l’inacceptabilité de régimes fondés sur le schéma de la domination chrétienne. Il faudra voir si l’église, ses leaders et ses membres, sauront faire face à l’énorme tâche de construire un monde sans de tels schémas.