Résistance au colonialisme: l’anarchisme africain… 2ème partie: Les précédents anarchistes en Afrique…

L’anarchisme africain, histoire d’un mouvement (Extraits)

 

Sam Mbah & I.E. Igariwey

 

Extraits traduit de l’anglais par Résistance 71 du livre “African Anarchism, the History of a Movement”, éditions See Sharp Press, 1997.

 

Juin 2015

 

1ère partie

2ème partie

3ème partie

4ème partie

 

Chapitre 3 Les précédents anarchistes en Afrique

L’Afrique continentale couvre environ 18,4 millions de km2 (NdT: les auteurs écrivent 11,5 millions de square miles.. La superficie de l’Afrique, îles comprises est de 30,4 millions de km2), de la Méditerrannée au Cap de Bonne Espérance, de la pointe Ouest du Sénégal à la corne orientale de la Somalie.

Ce vaste territoire est celui de bien des variétés de peuples, des Wolor et Tukulor du Sénégal et de la Gambie au Masaï du bassin de Haute Volta en passant par les Soninke, Mandigo, Khran, Touareg, Ashanti, Banbara et Djoula de l’entre Gambie et vallée du Niger, les Hausa Fulani du centre et du nord du Nigéria et les Kanouri au nord-est ; puis plus au sud et s’étalant vers l’Est on trouve les Igbo, Yoruba, Kikuyu, Luo, Shona, Ndebele, Xhosa, Bantous, Zoulous et vers le nord au delà du Sahara, l’Egypte et la région du Maghreb peuplés d’Arabes africains et de Berbères.

D’une manière plus ou moins importante, toutes ces sociétés traditionnelles africaines ont manifesté des “éléments anarchistes”, qui vu de près, donne toute crédibilité au truisme historique disant que les gouvernements étatiques n’ont pas toujours existé. Qu’ils ne sont qu’un phénomène récent et qu’ils ne sont donc pas en conséquence, inévitables à la société humaine. Tandis que certaines caactéristiques “anarchistes” des sociétés traditionnelles africaines existaient très largement dans les étapes passées des sociétés, certaines demeurent prononcées et persistent jusqu’à aujourd’hui.

Ce que cela veut dire est que les idéaux soulignant le concept de l’anarchisme en tant que mouvement social peuvent très bien ne pas être nouveaux dans le contexte africain. Ce qui est nouveau en revanche est le concept de l’anarchisme comme mouvement social ou comme idéologie (mais pas comme mode de vie). L’anarchie dans sa manière abstraite peut-être assez éloignée des Africains, mais elle n’est pas du tout inconnue comme façon de vivre, comme mode d’existence. Ceci est assez mal apprécié parce qu’il n’y a pas encore de mode de pensée anarchiste typiquement africain. Nous allons voir dans ce chapitre la manière dont ces “éléments anarchistes” sont de fait indigènes à l’Afrique et aux Africains.

Le communalisme africain

Les sociétés traditionnelles africaines étaient fondées pour leur vaste majorité, sur le communalisme. Le terme a ici deux sens: En premier lieu, il dénote un mode défini de production ou de formation sociale qui vient généralement, bien que pas inévitablement, sous la forme des sociétés des chasseurs-cueilleurs et précède le féodalisme (NdT: ceci est une interprétation structuraliste évolutionniste à laquelle nous n’adhérons pas. Il n’y a pas de “développement” d’une société du stade dit “primitif” ou originel au stade élaboré et considéré “mature” de société étatique, cf notre dossier Pierre Clastres à ce sujet sur ce blog…). Le communalisme est aussi utilisé dans un second sens relié au premier qui dénote un mode de vie africain particulier et distinct. Cette façon de vivre peut-être aperçue dans la structure collectiviste des sociétés africaines dans lesquelles:

  • Des communautés différentes jouissent d’une indépendance quasi sans partage les unes des autres
  • Les communautés gèrent leurs affaires et sont autonomes et autogérées en toute circonstance pratique
  • Tous les individus sans exception prennent part directement ou indirectement à la gestion des affaires de la communauté et ce à tous les niveaux

En contraste avec l’Europe et l’Asie, la plupart de l’Afrique est demeurée au stade communaliste (NdT: là encore une remarque structuraliste hiérarchisant les sociétés. Le communalisme, l’étatisme ne sont pas des “étapes de développement” mais des choix fondamentaux sociétaires comme l’a bien démontré Pierre Clastres, en cela les sociétés primitives au sens d’originelles, sont des sociétés pleinement développées au sens social et politique…). Malgré le développement indigène au féodalisme puis plus tard l’imposition du capitalisme, les caractéristiques communalistes persistent dans la société jusqu’à aujourd’hui, parfois de manière pervasive et ce dans la majorité des sociétés africaines résidant hors des grandes villes et des banlieues. Essentiellement, la plupart de l’Afrique est communaliste à la fois au sens culturel (mode de production/formation sociale) et descriptif (structurel).

Une des caractéristiques la plus importante du communalisme africain est l’absence de classes, c’est à dire l’absence de stratification sociale, l’absence de relations sociales d’exploitation ou antagonistes, l’existence d’un accès égal et équitable à la terre et aux autres éléments de production, l’égalité au niveau de la distribution du produit social et le fait que de fortes relations familiales et de parentés se forment et sont le ciment de la vie sociale dans les sociétés communalistes africaines. Au sein de ce cadre, chaque foyer était capable de satisfaire ses besoins de base. Sous le communalisme et en vertu d’être membre d’une famille et d’une communauté, chaque Africain était assuré d’obtenir suffisamment de terre pour subvenir à ses besoins.

[…] Des communautés variées produisaient un surplus de commodités qui étaient alors échangées par le moyen du troc afin d’obtenir les choses manquantes. La situation faisait que personne ne mourrait de faim tandis que d’autres s’empiffraient et jetaient l’excédent à la poubelle. […] Ainsi dans bien des parties de l’Afrique une symbiose se développa entre les groupes qui fructifiaient de manière différente, ils échangeaient des biens et coexistaient pour leur avantage mutuel.

L’organisation politique sous le communalisme était horizontale dans sa structure, caractérisée par un haut niveau de diffusion des fonctions et du pouvoir. Le leadership politique et non pas l’autorité, prévalait et le leadership (la chefferie) n’était pas fondé sur l’imposition, la coercition ou la centralisation; cela provenait d’un consensus commun ou d’un besoin mutuellement ressenti.

Le leadership s’est développé sur la base de liens familiaux ou de parenté tissés autours des anciens de villages; cela n’était conféré que par l’âge, un facteur qui, comme nous allons le voir, est très profond dans le communalisme. En Afrique, l’âge avancé était et demeure le plus souvent associé avec la possession de la sagesse et du jugement rationnel. Les anciens présidaient les réunions et les résolutions de disputes, mais pratiquement jamais dans un sens de supériorité, leur position ne leur conférait pas une autorité socio-politique étendue associée avec celle du système étatique moderne ou celui des états féodaux.

Il y avait un sens prononcé d’égalité au sein de tous les membres de la communauté. Le leadership focalisait sur les intérêts du groupe plutôt que sur l’autorité sur ses membres. Invariablement, les anciens partageaient le travail avec le reste de la communauté et recevaient la même valeur partagée du produit social total que tout le monde, souvent au travers de mécanismes de tribut/redistribution.

De manière générale, les anciens présidaient sur l’administration de la justice, le règlement des disputes et l’organisation des activités communales, des fonctions qu’ils partageaient nécessairement avec des membres élus de leurs communautés, ceci dépendant du type de disputes et de modes de résolution impliqués.

De telles réunions n’étaient aucunement guidées par une loi écrite, car il n’y en avait aucune. Cela était fondé sur le droit coutumier et les systèmes de croyance, le respect mutuel et les principes indigènes de la loi naturelle et de la justice. Des sanctions sociales existaient pour des transgressions variées comme le vol, l’adultère, la sorcellerie, l’homicide, le viol etc… Lorsqu’un individu commettait une offense, le plus souvent sa famille entière, proche et étendue, soufrait avec lui et parfois pour lui.

Dans les sociétés traditionnelles africaines, les décisions majeures étaient prises par consensus et non pas par le vote (NdT: très similaire de la prise de décision chez la nations indigènes des Amériques).

[…]

Plusieurs changements socio-politiques dans l’économie communale accompagnèrent l’augmentation de la production. L’émergence d’une caste de travailleurs du fer très habiles et expérimentés créa une augmentation de la spécialisation et de la division du travail, tandis que les surplus de production créaient des opportunités pour le commerce, la spéculation et l’accumulation d’une richesse disproportionnée en très peu de mains. Avec des activités de commerce en croissance, le troc commença à faire place à l’utilisation d’objets métalliques comme moyen standardisé d’évaluer la valeur d’autres biens. Une des conséquences néfastes de tous ces changements fut le remplacement de certaines caractéristiques du communalisme et la montée d’une stratification sociale, même si ceci demeura de très bas niveau. Au XVème siècle, plusieurs sociétés africaines passèrent du communalisme au système de classe. La stratification sociale devint la base de la montée éventuelle des classes et du développement antagoniste des relations sociales, culminant dans l’établissement d’états empires avec des formes centralisées de gouvernement dans certaine parties de l’Afrique.

Nous devons ici insister sur une chose, bien que l’esclavage existant dans certaines parties de l’Afrique, spécifiquement dans les zones qui subirent la plus grande érosion de leur égalité communaliste, la société africaine n’a jamais connu une époque où l’esclavage devint un mode de production. Le féodalisme exista en certains endroits, mais comme Rodney l’a démontré: “En Afrique. Il n’y a aucun doute sur le fait que les sociétés qui passèrent à un mode féodal furent très peu nombreuses.” En conséquence, des caractéristiques certaines du communalisme continuèrent à avoir une grande importance dans bien des sociétés africaines, comme elles le font toujours de nos jours au sein des États capitalistes. Ceci démontre les racines anciennes et très profondes du mode de vie communaliste en Afrique…

Les manifestations d’”élements anarchistes” dans le communalisme africain, comme nous l’avons vu ci-dessus, furent (et sont toujours d’une certaine manière) pervasives. Elles incluent l’absence palpable de structures hiérarchiques, d’appareils de gouvernement et de commodification du travail. Pour mettre ceci en termes positifs, les sociétés communalistes étaient (et sont toujours) très largement autogérées, égalitaires et “républicaines” par nature.

Malgré l’égalité marquée et l’égalitarianisme généralement associés avec le communalisme africain, il existait un degré de privilège et de différentiation interne dans certaines communautés, rendu parfois pire par le système traditionnel de caste. De plus, le haut degré de liberté et d’égalité achevé sous le régime communaliste fut rendu possible par les bas niveaux de production (NdT: maintenus volontairement bas selon les recherches des anthropologues Marshall Sahlins et Pierre Clastres, car les sociétés originelles sont des sociétés contre l’économie et contre l’État…).

Ainsi donc le communalisme n’était pas une utopie anarchiste.

[…]

Il y eut quelques sociétés communales matrilinéaires, qui furent célèbres pour leur tradition de femmes leaders. […

Le système communaliste est un système de “mode de production villageois”… Similairement, la propriété des moyens de production était collective, tout comme le produit social était consommé universellement. Le surplus social était bas et le surplus disponible était utilisé en don réciproque, servant à la fois de système de redistribution de la “richesses accumulée” et de ciment à la cohésion sociale (NdT: Les nations améridiennes du nord-ouest ont cette tradition toujours existante du “potlach”, qui consiste au don et à la redistribution des surplus. Inutile de dire que cette tradition fut bannie par les autorités coloniales, car innaceptable et inconcevable dans le modèle capitaliste… Elle est toujours pratiquée, souvent clandestinement…). Les familles étant en contrôle de leur surplus, car elles sont les forces vives de la production communale.

Les sociétés sans état en Afrique

Certains historiens et universitaires ont fait la différence entre deux grands groupes de sociétés dans l’Afrique pré-coloniale: les communautés qui ont établi des états empires et celles qui ne l’ont pas fait.

[…]

L’expression “sociétés sans état” a été utilisée de manière assez péjorative par certains universitaires et érudits européens, qui dénotaient un certain arrièrisme des sociétés africaines et leur inhabilité (apparente) de former leurs propres états (NdT: structuralistes et marxistes faisant partie de cette catégorie d’arrogants…). La formation étatique en Afrique, dit la “théorie hamitique”, devait être attribuée à l’influence étrangère, qui croyait aussi que les Africains laissés livrés à eux-mêmes n’auraient jamais été capables de produire plus qu’un “bas niveau” d’organisation politique. Parmi les sociétés sans état qui existèrent sur ce continent citons les: Igbo, Birom, Angas, Idoma, Ekoi, Nbembe, les peuples du delta du Niger,, les Tiv (au Nigéria), les Shiona au Zimbabwe, les Lodogeo, Lowihi, Bobo, Dogon, Konkomba, Birifor (du Burkina Faso et du Niger), les Bate, Kissi, Dan, Logoli, Gagu et peuples Kru, les Mano, Bassa Grebo et Kwanko (Côte d’Ivoire, Guinée et Togo), les Tellensi, Mamprusi, Kusaasi (Ghana), les Nuer (sud-Soudan) etc… Ces peuples constituent, aujourd’hui encore, une réserve démographique de plus de 200 millions de personnes.

Afin de mieux saisir rétrospectivement ce que sont ces sociétés sans état, nous présenterons ici trois études sur les sociétés Igbo, le peuple du Delta du Niger (aujourd’hui partie du Nigéria) et les Tallensi du Ghana. Les sociétés sans état avaient la tendance générale d’être des sociétés agricoles, sédentaires et à caractère homogène.

Les Igbo

La tradition orale nous dit que les Igbos et leurs ancêtres (aussi référés comme Ibo) ont leur origine quelque part au Moyen-Orient. Les premières occupations des sols des Igbos furent à Awka et Orlu ; ils s’étendirent plus au sud à partir de là, poussant les Ibibios vers la zone côtière du Delta du Niger. Les Igbo suivaient un schéma segmentaire d’organisation politique et sociale. Contre de grandes unités politiques centralisées, La société Igbo construisit de petites unités, souvent référés comme unités politiques des “villages”, qui n’avaient ni roi ni chefs pour les diriger ou administrer leurs affaires. “Dans la société Igbo, chacun se réfère au village où il est né, mais une fois en dehors, chaque personne se dit juste ‘Igbo’…” Parmi le peuple Igbo il y a un dicton célèbre qui dit: “Igbo enwehg Eze”, ce qui veut dire: “Les Igbos n’ont pas de rois”.

La plus petite unité politique de ce système segmentaire était la famille et la famille étendue ayant une linéarité commune ; plusieurs familles formaient un voisinage et plusieurs voisinages un village. Les affaires de la communauté d’un village étaient régies par quatre institutions majeurs: l’assemblée générale de tous les citoyens du village, le conseil des anciens, les conseils par tranches d’âge et les sociétés secrètes, qui agissaient comme instruments de contrôle social.

Il y avait aussi le Umu-ada, un corps parallèle de femmes soit mariées dans le village ou nées dans le village. Le Umu-ada jouait un rôle essentiel dans la prise de décision et la mise en place des processus, ainsi que pour le maintien des valeurs sociales de la société. Il était par exemple totalement impossible de prendre une décision affectant directement les femmes et les enfants sans le consentement express de l’Umu-ada.

Jusqu’à aujourd’hui, la prise de décision en assemblée générale de tous les villageois est une caractéristique commune de la société Igbo. C’est le devoir du “crieur du village” (NdT: équivalent de nos regrettés gardes-champêtre) que de parcourir le village avec son gong une fois les villageois rentrés des champs pour les convoquer à l’assemblée générale sur la place du village dans la soirée. Le but de l’assemblée est soigneusement cité. Sur la place, les anciens expriment les données de l’affaire de manière précise et concise et les villageois sont invités à débattre de manière la plus ouverte possible, ce jusqu’à ce qu’un consensus émerge. Ni les conseils des anciens, ni les sociétés secrètes, ni les conseils de groupes d’âge ne pourraient amener la société, le village, dans un conflit armé sans avoir consulté l’assemblée générale des villageois, qui seule prend une décision par consensus. La petite échelle de la segmentation Igbo rend la véritable démocratie directe possible. (NdT: l’extension n’est pas un problème en soi, il faut avoir recours à une confédération de “communes libres” régie par une charte commune écrite par les peuples concernés… C’est ce qu’est la Grande Loi de la Paix de la confédération iroquoise par exemple, régissant 6 nations et leurs alliés depuis le XIIème siècle…)

Un visiteur français a dit que la véritable liberté existait au pays Igbo, bien que le nom de “liberté” ne soit inscrit sur aucun monument…

Malgré le système de lignage segmentaire des Igbo, il existait des liens qui liaient plusieurs groupes ensemble comme un peuple. Les deux éléments majeurs de ces liens étaient le mariage et le commerce. La tradition et la coutume Igbo encourageaient les mariages inter-villages. Une des façons de sceller des liens fut aussi au travers des oracles Igbo qui faisaient se rencontrer les gens sur des lieux sacrés communs.

Etant un peuple de la forêt, les Igbo faisaient pousser suffisamment de nourriture pour se nourrir eux-même largement en utilisant le travail communal et le système d’extension familial. L’organisation sociale Igbo, comme celle des peuples du Delta du Niger, des Tiv et des Tallensi, manifestait une tendance affirmée pour le leadership sans chef, en opposition à la chefferie autoritaire et l’autorité per se. Il y eut néanmoins quelques exceptions en pays Igbo comme les communautés Onitsha et Nri, qui avaient une chefferie affirmée.

Les peuples du Delta du Niger

Les peuples du Delta du Niger peuvent être scindés entre les Ibibios, Ijaws, Urhobos etc… Le commerce des esclaves étaient très important dans cette zone aux XVIIème et XVIIIème siècles. Les gens étaient essentiellement des fermiers et des commerçants. La base de l’organisation politique et sociale dans cette zone était faite de petites unités, appelés système de “maison”, complet avec la famille au sens large, les groupes d’âge et les sociétés secrètes. Ces dernières jouèrent un plus grand rôle parmi les Ibbios particulièrement, car le contrôle des institutions politiques passait par les sociétés secrètes plutôt que par les groupes d’âge comme c’était le cas en pays Igbo.

Une “maison” consistait en un fermier ou un commerçant, ses esclaves, ses propres descendants et ceux de ses esclaves. Un nombre de “maisons” formait une cité-état. Les disputes entre les “maisons” étaient légiférées par une assenblée de ville consitutée de chefs de maisons et présidée par un chef élu.

Les Ijaws étaient divisés en quatre clans ou cités-états majeurs: Nembe, Kalabari, Brass, et Warri. L’assemblée de ville était responsable de la mise en place de la politique communale. La société secrète “Sakapu” exerçait des fonctions tant administratives que judiciaires. Le mode d’organisation des Urhobos étaient très très similaire de celui des Ijaws. Un groupe ethnique du Delta du Niger avait une forme de gouvernement centralisé, les Itsekiri et fonctionaient de la même manière que les Bini et les Yoruba.

[…]

Les Tallensi

Ils occupaient les territoires du nord de la vieille Côte d’Or (aujourd’hui le Ghana). Aujourd’hui ils sont essentiellement des fermiers engagés dans la culture de céréales. Leur agriculture traditionnelle implique des occupations des sols permanents et stables, ce qui a profondément influencé l’organisation sociale basée sur le système de clans. […]

Les droits et les devoirs, privilèges et obligations étaient investis dans des unités corporatrices et tout membre autorisé pouvait agir pour l’unité ou le clan. Chaque lignée était dirigée par un membre masculin, qui avec les anciens du clan constituaient le socle social et les responsabilités rituelles.

Les clans dépendaient du travail communal. Il était possible pour de grandes lignées au sein des clans d’accumuler de la richesse en fonction de leur taille, quoi qu’il en soit il n’y avait aucun privilège social attaché à la plus grande richesse. Ainsi, les Tallensi étaient socialement et politiquement une société égalitaire, homogène et sédentaire.

Ce qui apparaît immédiatement comme important dans notre considération des sociétés sans état africaines, est l’absence totale de centralisation et de concentration du pouvoir et de l’autorité. Dans les grandes largeurs, il est difficile voire impossible de pointer un individu comme chef ou leader régnant sur les différentes communautés. L’exercice du pouvoir par un leadership, une chefferie dans le sens d’une autorité pleine, complète et permanente était de manière similaire tout à fait inconnu. Le peu d’autortité qui pouvait exister n’avait que peu ou pas d’influence sur la vie de tout à chacun au quotidien ; de la même manière n’y avait-il pas de classes, de stratification sociale à proprement parler dans ces sociétés traditionnelles. Il est du reste très douteux qu’il existe un équivalent de langage pour le mot “classe” dans quelque langue africaine que ce soit et le langage reflète les pensées et les valeurs de ceux qui le parlent. (NdT: tout comme il n’y a pas non plus de mot ou d’équivalent pour les mots “classe” ou “guerrier” par exemple, dans les langues indigènes d’Amérique du Nord…).

[…]

Colonialisme et l’incorporation de l’Afrique dans l’économie capitaliste mondiale

L’incorporation de l’Afrique dans l’économie capitaliste mondiale fut précédée par une pénétration systématique des influences capitalistes sur le continent avant le colonialisme, mais la colonisation a accéléré et solidifié le processus d’incorporation.

Les influences capitalistes se sont d’abord faites sentir en Afrique pendant la quête de l’expansion économique qui a accompagnée et suivie la première révolution industrielle en Europe. Une des toutes premières de ces influences fut la traite des noirs.

La vitesse d’incorporation ne fut pas homogène, dans les sociétés musulmanes, l’Islam fut une caractéristique importante du processus d’incorporation, mais fut aussi une figure de résistance. D’un côté l’Islam produisit une source d’inspiration à la résistance au capitalisme, d’un autre côté il construisit la base de la collaboration entre les aristocrates musulmans et les administrateurs coloniaux.

Partout en Afrique, le nouvel évangile du libre-échange donna un fondement idéologique à l’expansion du commerce britannique, français et allemand dans les zones côtières. Après la conférence de Berlin en 1884-85, s’ensuivit un décollage violent de la partition de l’Afrique entre les grandes puissances européennes, marquant le début de la véritable domination coloniale et le règne des intérêts impérialistes sur ceux des sociétés tradtionnelles. L’imposition de gouvernement coloniaux fut une expression de cette domination et de ses motifs économiques pour une quête insatiable de marchés et de matières premières. Ceci fut sa raison d’être.

Il y eut deux étapes au processus d’incorporation pour lequel l’état servit de véhicule pour la pénétration du capitalisme dans les sociétés africaines et l’englobement ultime de la production et de la distribution dans les colonies.

La première étape fut une conquête violente, la seconde une domination économique et une mise en esclavage des populations indigènes. Le travail forcé était monnaie courante comme mécanisme adopté par les puissances coloniales afin d’éliminer l’organisation économique traditionnelle.

En plus de l’action militaire, la conquête impliquait l’expulsion violente des indigènes de leurs terres, qui étaient ensuite saisies par les colons (NdT: Amérique bis-repetita 400 and plus tard…). La saisie des terres fut protégée par la supression violente de toute dissidence et contestation au moyen du système coercitif de l’état colonial.

La période de conquête fut suivie par l’introduction de nouveaux processus de production. Le but était l’introduction d’une restructuration pour l’incorporation dans l’économie mondiale. Les armes employées furent l’introduction des monnaies, du commerce monnétarisé, du salariat, de l’impôt, de l’investissement le tout couplé avec le développement des institutions sociales appropriées. […]

Un système monnétaire fut introduit, non seulement pour l’échange mais aussi afin d’élever l’argent à un tel niveau de prépondérance, que cela dominait tout.

[…]

Une économie capitaliste demande l’établissement d’institutions sociales et politiques qui reproduisent et régulent les relations de classe. Le système éducatif colonial servait cet objectif. Avec l’église, un autre agent de socialisation, ils donnaient la justification idéologique pour un mode capitaliste de production émergent en Afrique. Un système intégré de soutien politique de l’idéologie pour le capitalisme/colonialisme était nécessaire et à cet effet le parlementarisme politique devenait le résultat inévitable d’une telle éducation et d’une telle idéologie. […]

L’impact de l’incorporation

Le résultat ultime de l’incorporation de l’Afrique dans l’économie capitaliste mondiale fut le destruction du mode de production communal pré-colonial. Tandis que le modèle capitaliste se développait, il entrait en conflit avec le modèle non-capitaliste, transformant violemment bien des communautés, transformant leurs terres, leurs ressources et leurs produits en commodités. Des dizaines de milliers de jeunes hommes furent déracinés de leurs villages pour travailler dans l’entreprise capitaliste et le reste de la population était forcée de ne faire pousser que ces cultures qui possédaient une valeur marchande, les “cash crops” ou “cultures à fric”.

Le point le plus important est que la destruction de la société et du mode de production traditionnels n’ont pas mené à l’avènement d’une économie capitaliste florissante. Le résultat final fut plutôt une structure capitaliste déformée, tronquée, en déséquilibre permanent. Ceci se produisit parce que l’incorporation de l’Afrique au système capitaliste global ne fut que périphérique.

[…]

Ainsi, la pénétration capitaliste et l’intégration subséquente des sociétés africaines au système capitaliste global a généré une culture de la dépendance (planifiée), une dépendance de la périphérie (l’Afrique) envers le centre (les pays capitalistes développés). Les bénéfices et la valeur ajoutée étant constamment transférés de la périphérie vers le centre (NdT: à plus forte raison avec le système de Franc CFA dans les ex-colonies françaises d’Afrique qui perdure…).

De fait, la participation de l’Afrique à l’économie capitaliste globale a mené à la création d’une classe locale de privilégiés qui s’approprie les surplus du produit social, parce que le capitalisme ne peut pas fonctionner sans l’existence d’une classe locale exploiteuse et parasite. Dans le monde dit post-colonial, les intérêts de cette classe locale sont subordonnés à ceux des capitalistes étrangers, essentiellement ceux de grandes entreprises transnationales. Ceci a provoqué une alliance de classe entre les deux, la classe de privilégiés indigènes assumant le rôle d’agent pour le capital international. Ses membres vivant grassement des commissions payées par ces transnationales.

La domination de cette classe sociale parasite, couplée avec l’absence d’autonomie du rôle de l’Afrique dans l’économie mondiale, a essentiellement transformé les états africains en fiefs soumis à leurs suzerains.

Formation de classe dans l’Afrique post-coloniale

[…] Le colonialisme a laissé des états africains indépendants ayant une économie néo-coloniale, avec le mode de production capitaliste remplaçant le mode pré-capitaliste, ceci impliqua nécessairement la subjugation du travail local et des ressources aux besoins du capitalisme.

Les classes qui se sont développées après l’intégration ne sont pas le reflet d’une économie autonome, mais d’une économie dépendante, elles montrent des signes d’une version tronquée et artificielle de la structure de classe des économies de l’occident capitaliste. La structure de classe en Afrique post-coloniale n’est pas celle de la division classique en la classe capitaliste, la petite bourgeoisie, la classe travailleuse (ouvrière ou paysanne), mais plutôt une division simplifiée en une classe administrative et une classe ouvrière/paysanne. Ceci veut dire que les classes dans les anciennes colonies sont simplement composées de ceux qui bénéficient du néo-colonialisme et ceux qui en souffrent.

La classe commerçante (partie normale de la petite bourgeoisie) devint une classe d’intermédiaires, d’agents et d’hommes de paille pour les intérêts étrangers. Comme l’a si bien expliqué Frantz Fanon, la bourgeoisie nationale des sociétés sous-développées n’est pas engagée dans la production ou dans quelque activité, entreprise créatrices que ce soit, mais dans des activités d’intermédiaires. Les rôles de la classe d’affaire locale et étrangère dans l’Afrique post-coloniale sont des rôles complémentaires avec la dernière décidant des activités de la première.

[…] Ainsi les conflits d’intérêt entre les capitalistes indigènes et leur contre-partie étrangère se résolvent souvent eux-mêmes par des arrangements qui sont des délimitations des sphères d’influence. […]

Le socialisme africain

[…] L’aube de l’indépendance politique dans les différents états africains a forcé la classe politique indigène nominément socialiste de venir à terme avec la tâche d’essayer de construire le socialisme sur le continent. Les phares du mouvement dans cette période furent des gens comme Kwame Nkrumah (Ghana), Sékou Touré (Guinée), Patrice Lumumba (Congo), Tom Mboya et Jomo Kenyatta (Kenya), Sedar Senghor (Sénégal), Modibo Keïta (Mali) et Julius Nyerere (Tanzanie).

Ces leaders furent par la suite rejoints dans leur socialisme romantique par une seconde génération d’acteurs politiques tels Mouamar el Kadhafi (Libye), Gamel Abdel Nasser (Egypte), Augustino Neto (Angola), et d’autres, qui tout comme la première génération presque invariablement proclamèrent leur pays respectif socialiste et s’attachèrent à instituer un “socialisme” en matière de politique d’état.

[…]

Le socialisme en Afrique, en tout objectif pratique, était fondé sur le modèle soviétique et de l’Europe de l’Est et il démontrait toutes les caractéristiques essentielles de ce modèle. Le modèle africain fut peut-être un peu particulier dans la mesure où l’état hérité à l’indépendance politique était un état de fait néo-colonial dans ses structures. Les attentes que le socialisme quelque part allait altérer tout cela ne se sont jamais réalisées. Le socialisme le plus souvent tronqua le développement et renforça le néo-colonialisme. La paupérisation de pays comme la Guinée sous Sékou Touré, le Bénin sous Mathew Kerekou, l’éthiopie sous Menghistou Mariam etc alla la main dans la main avec une répression massive et une auto-suffisance autoritaire. Quelques-uns des régimes les plus sanguinaires et arriérés jamais vus sur le continent africain furent des régimes socialistes, certains menés par des officiers de l’armée qui flinguèrent dare-dare pour parvenir au pouvoir. […]

Y a t’il un anarchisme africain ?

Y a t’il un corps systémique développé de pensée sur l’anarchisme qui soit d’origine africaine ? Parce que l’anarchisme, dans son concept de mode de vie est dans une très grande mesure, indigène au continent africain, cela semble à peu près certain que les Africains ont, à un moment ou à un autre, formulé des idées créatives sur cette façon d’organiser la société. Mais, quelques soient ces idées, elles n’ont pas été enregistrées sous forme écrite. Cela n’est donc pas surprenant que bon nombre de ces idées ne furent pas préservées. La plus grande partie de la littérature existante sur le communalisme africain et les sociétés traditionnelles africaines est basée sur les derniers travaux et écrits des anthropologues, historiens, archéologues, sociologues européens et plus récemment de leurs contre-parties africains.

[…]

Dans l’euphorie de l’indépendance du Nigéria en 1960, à la fois le gouvernement occidental et oriental énoncèrent un programme de création de fermes afin de:

  • Étendre la frontière de liberté et d’initiative que le fermier moyen devait amener dans son travail.
  • Libérer la production agricole de l’ennui et de la monotonie
  • Instaurer la fondation pour l’émergence d’industries agro-alliées de taille moyenne

Le programme, idée chérie de la faction radicale de la gauche dominante nigérianne, pour qui l’indépendance voulait dire plus que l’opportunité d’autogestion, fut modelé sur le système populaire israélien des kibboutzim et avait pour intention de recréer le mode de vie traditionnel africain basé sur l’économie communale, le tout complet avec l’égalité et la liberté. Sous cet arrangement, les fermiers vivaient avec leur familles dans des collectifs et partageaient les moyens de production qui étaient collectivisés, incluant l’outillage de ferme ainsi que les facilités et l’infrastructure. Le produit social était distribué équitablement parmi les fermiers et leurs familles. Le surplus étaient échangés au travers de coopératives fermières.

Les implantations devaient être autogérées. Les communautés locales fournissaient la terre, le gouvernement garantissait aux fermiers le crédit et alouait la terre à des individus ou à des groupes. La décision finale de ce qui devait être cultivé résidait dans les groupes.

Eparpillés dans de nombreux villages et communautés, les implantations fermières furent très efficaces et virent une énorme augmentation de la production, le temps que cela dura. Bientôt, les principes égalitaires du programme original s’érodèrent par une corruption émanant d’une bureaucratie aussi étroite qu’un goulot de bouteille ; le déclenchement de la guerre civile au Nigéria en 1967 signifia l’effondrement de cette très belle et efficace expérience.

Des éléments anarchistes similaires sont perceptibles à un moindre degré dans le célèbre “Livre Vert” de Mouammar Kadhafi. Ceci fut la base de la Jamarrhiriyah libyenne, les collectifs populaires enracinés dans les campagnes, néanmoins ceci paraît bien sur le papier, mais dans la pratique, cela fut moins scintillant.

[…]

Au final, ce sont les pensées très importantes de Julius Nyerere (Tanzanie) que nous sélectionnons comme un corps de pensées systémique sur le socialisme, indiscutablement anarchiste dans sa logique et son contenu. La notion de socialisme de Nyerere tourne autour du concept d’Ujamaa, qui est la “villagisation”, où le village devient un incubateur, une pouponnière du socialisme du futur. Ujamaa qui se traduit simplement par “lien familial”, représente l’économie rurale et les communautés sociales où les gens vivent ensemble, travaillent ensemble pour le bien de toutes et tous, leurs gouvernements sont choisis et gérés par les paysans et les travailleurs eux-mêmes.

Le concept d’Ujamaa de Nyerere était fondé sur la simplicité, l’égalité et la liberté qui étaient les marques de fabrique des sociétés traditionnelles africaines. Par exemple, l’organisation de sociétés communales, spécifiquement celle de la production et de la distribution du produit social, était telle qu’il n’y avait pas de place pour le parasitisme: dans la société traditionnelle africaine, chacun était un travailleur. Il n’y avait pas d’autre moyen de vivre dans la communauté ; même l’ancien qui paraît toujours se la couler douce sans rien faire de tangible a en fait travailler très dur dans sa jeunesse… Dans notre société traditionnelle, nous sommes des individus au sein d’une communauté. Nous prenons soin de notre communauté et la communauté prend soin de nous. Nous n’avons ni besoin ni n’éprouvons aucun désir d’exploiter notre semblable, chaque membre de la famille devait avoir assez à manger, de quoi avoir quelques choses de base, un endroit pour dormir protégé, avant que quiconque (même le chef de famille) ait quelque chose en plus.

Nyerere explique le concept de la terre ainsi:

Pour nous en Afrique, la terre a toujours été reconnue comme appartenant à la communauté. Chaque individu au sein de notre société a le droit à l’utilisation de la terre, parce que sans cela, il ne pourrait pas survivre et personne ne peut avoir le droit de vivre et ne pas avoir le droit de se maintenir en vie. Mais le droit africain à la terre était simplement le droit de l’utiliser: il n’a aucun autre droit dessus et il ne lui vient du reste pas à l’esprit de clâmer quoi que ce soit d’autre (NdT: ce concept est en adéquation totale avec celui des Amérindiens sur le sujet…).”

Nyerere contraste cela avec la société capitaliste, qui en rien ne donne à ses citoyens les moyens de travailler, empêche l’obtention d’une part équitable des produits de leur labeur. “Ujamaa est opposé au capitalisme, qui cherche à construire une société heureuse sur la base de l’exploitation de l’homme par l’homme et Ujamaa est également opposé au socialisme doctrinaire.” Sous le régime d’Ujamaa, les biens de base étaient tenus en commun, partagés par tous les membres de l’unité.

Il y avait un fait accepté de tous qui était que quoi que ce soit une personne avait comme nécessité de base, tout le monde l’avait, personne ne pouvait avoir faim alors que d’autres engrangeaient la nourriture et personne ne pouvait nier à quelqu’un un abri s’il avait de l’espace à partager… Une société dans laquelle tous les membres ont des droits égaux et les mêmes opportunités, dans laquelle tout le monde peut vivre en paix avec ses voisins sans souffrir ou sans imposer une quelconque injustice, être exploité ou exploiter autrui, et dans laquelle tout le monde a un niveau croissant de son niveau de vie basal avant que quiconque ne puisse vivre dans une sorte de luxe.

Nyerere continue:

Dans une Tanzanie socialiste, notre organisation agricole serait alors de manière prédominante une coopérative de vie et de travail pour le bien de tous. Ceci veut dire que la plupart de notre fermage sera effectué par des groupes de gens qui vivent et travaillent en communauté. Ils vivront ensemble dans un village, ils cultiveront ensemble, et prendrons en charge les services de la communauté ainsi que les petites contraintes de la localité. Leur communauté sera le groupe familial traditionnel ou quelque autre groupe de personnes vivant sous les principes d’Ujamaa, une communauté suffisamment grande pour prendre en compte les méthodes modernes pour subvenir aux besoins de l’Homme du XXème siècle.

La terre que cette communauté cultive sera appelé “notre terre” par tous les membres, les récoltes produites seront appelées “nos récoltes” et ceci sera “notre magazin”, qui fournit aux membres les choses de la vie quotidienne et ceci sera “notre atelier”, qui produit les outils et les brtiques de nos maisons et de nos bâtiments, etc, etc…

L’élément primordial que l’on trouvera dans les Ujamaa serait la qualité des membres de la communauté ainsi que l’autogestion de ces membres en tout domaine qui ne concerne que leurs propres affaires. Un village socialiste élirait ses propres officiels et représentants qui demeureraient des membres égaux aux autres, toujours sujets aux désirs des gens de la communauté.

Nyerere savait pertinemment que cette société qu’il avait à l’esprit ne pourrait pas être établie par la force brute. “Des communautés socialistes viables ne peuvent être établies que par des membres le désirant.” Il reconnaissait l’importance de l’action et de l’exemple, la persuasion morale n’était pas suffisante.

Il serait très idiot de s’attendre à ce que des fermiers établis soient convaincus par des mots seuls, même s’ils sont persuasifs. Les fermiers devront voir pour eux-mêmes l’avantage de travailler ensemble et de vivre ensemble avant qu’il ne fasse confiance et abandonne leur futur à ce type d’organisation de la vie. Ainsi, avant d’abandonner leurs lopins de terre, ils voudront voir que le système de travailler tous ensemble bénéficie vraiment à tout le monde.

De plus, la démocratie directe de village doit être ouverte d’entrée de jeu, il n’y a pas d’autre alternative si on veut que cela fonctionne.

Le fait qu’Ujamaa fut éventuellement un échec ne doit pas divertir de l’argumentation de Nyerere. Ses pensées sont profondes, et elles transcendent la platitude du socialisme d’état marxiste. (nous verrons dans le chapitre 5 pourquoi Ujamma fut un échec…)

Il y a aussi eu des mouvements anarchistes purs et durs en Afrique du Sud, ceux-ci existent toujours aujourd’hui comme l’Anarchist Revolutionnary Movement de Johannesbourg la la Brigade en Colère (Angry Brigade) de Durban. L’organisation anarcho-syndicaliste pionnière d’Afrique du Sud fut l’IWA ou Industrial Workers of Africa, elle ne dura que de 1915 à 1922.

Il y a aussi une branche anarchiste active au Nigéria, the Axe, créée dans les années 1980. Il précéda The Awareness League existante depuis 1990 comme mouvement socialiste anarchiste et libertaire.

Il existe des mouvements anarchistes au Zimbabwe, en Egypte, au Ghana et dans d’autres pays africains.

A suivre… dans la 3ème partie nous verrons le développement du socialisme en Afrique

6 Réponses vers “Résistance au colonialisme: l’anarchisme africain… 2ème partie: Les précédents anarchistes en Afrique…”

  1. L’Afrique est un continent couvrant 6 % de la surface terrestre et 20 % de la surface des terres émergées. Sa superficie est de 30 415 873 km2 avec les îles. Avec plus de 1,1 milliard d’habitants, l’Afrique représente 16 % de la population mondiale en 2014. Le continent est bordé par la mer Méditerranée au nord, le canal de Suez et la mer Rouge au nord-est, l’océan Indien au sud-est et l’océan Atlantique à l’ouest. Depuis l’accession à l’indépendance du Soudan du Sud en 2011, l’Afrique compte 54 États souverains (non inclus la RASD et le Somaliland).

    L’Afrique chevauche l’équateur et présente de nombreux climats : tempérés au nord et au sud, chauds et désertiques le long des tropiques, chauds et humides vers l’équateur. En raison du manque de précipitations régulières, d’irrigation et de l’absence de glaciers ou de systèmes montagneux aquifères, il n’y existe pas de moyen de régulation naturelle du climat à l’exception des côtes.etc…..je ne compends pas votre Afrique continentale d e 7, 3 millions de Kmˇ » ?
    Pouvez vous m’expliquer ? Merci a vous

    • Merci de la précision, nous avons traduit ce qui est écrit dans le bouquin… en miles: 11 500 000 square miles, il y a eu effectivement une erreur de conversion de notre part, cela fait environ 18 400 000 km2.
      Les auteurs parlent du continent sans les îles apparemment (Madagascar est grande). Le livre a été écrit en 1997, mais la superficie n’a bien sûr pas changé (la population si), nous allons corriger en indiquant ce que les auteurs ont écrit dans la première phrase du 3ème chapitre page 27.
      La référence des auteurs pour cette info est la suivante (p.52):
      Rubin, L. and Winstein, B. Introduction to African politics: A Continental Approach, New York, Praeger, 1974 (p.5-7)
      Horton, R. in Ade Ajayi, J.E and Crowder, M. History of West Africa, Volume 1. Second Edition, Longman, 1976, p.75

      Merci de votre vigilance, nous allons mettre le chiffre corrigé avec une note indiquant le chiffre que vous mentionnez que nous avons trouvé sur plusieurs référence.
      fraternellement

    • C’est fait, merci encore…

  2. Bonjour et merci pour votre attention en ayant introduit le lien dans le commentaire pour l’article, ça a été pratique vu que ses derniers jours j’ai un peu de mal à suivre les infos :o)

    Très riche article que nombre de personne devrait lire, avec assiduité, afin de mieux saisir ce que les colonisateurs d’hier ( et ceux d’aujourd’hui) ont détruit. Et apprendre que les mouvements anarchistes occidentaux n’ont rien inventé…
    Un grand merci pour cette suite passionnante d’articles consacrés à l’Afrique. Nombres de personnes que je connais, sur le continent africain, vont être ravis de pouvoir accéder, en français, à l’histoire prodigieuse de ce continent concernant l’anarchie !! Justement (via la Guinée) j’essaye de transmette l’idéal anarchiste à un ami qui développe un projet ( pour lequel je voulais m’impliquer mais hélas ! …) avec des handicapés, des artistes etc. et dont nombres d’entre eux cherchent à établir un nouveau paradigme politique au sein des communautés. :o)

    Il me semble que l’auteur a oublié, comme principe majeur destructeur des sociétés communaliste, la destruction méticuleuse des productions vivrières des nations africaines. Ceci a été un désastre et celui-ci perdure toujours, savamment entretenu, entre autre, par les régimes coloniaux occidentaux.

    Pour infos :

     » Dans les sociétés traditionnelles africaines, les décisions majeures étaient prises par consensus et non pas par le vote (NdT: très similaire de la prise de décision chez la nations indigènes des Amériques). »

    Vous avez commis une petite faute : « La nations indigènes … »

    Et là aussi dans le passage  » Nyerere continue  »

     » et ceci sera “notre magazin”

    Et là aussi, un peu plus loin :

     » qui produit les outils et les brtiques de nos maisons et de nos bâtiments, etc, etc… »

    Afrique du Sud : Le mouvement syndicale fut plus proche du marxisme/léninisme, que soulevé par un idéal l’anarchiste, avec, il est vrai, quelques groupuscules anarchiste (ou qualifié comme tels par le pouvoir en place et là nous savons pourquoi…) en son sein mais qui furent surtout impliqué dans la lutte contre le régime fasciste, colonial, racialiste, de l’apartheid.

    Voir aussi H. Glasse ou H. Glass ? Mémoire non infaillible…

    Le mouvement socialiste et « anarchiste » de Cap Town. (J’ai vécu à Kommejie, juste à côté de Cap Town)
    (The Social Democratic Federation ou SDF)

    Voir du côté du Lesotho et Kwazulu Natal, aussi..

    D’hier à aujourd’hui :

    International Socialist League (1915–1921)
    Industrial Workers of Africa (1917–1920)
    Industrial Socialist League (1918–1921)
    Anarchist Revolutionary Movement (1993–1995)
    Workers’ Solidarity Federation (1995–1999)
    Bikisha Media Collective (1999–2007)
    Zabalaza Books (1999–2007)
    South African chapter of the Anarchist Black Cross (2002–2007)
    Zabalaza Anarchist Communist Federation (2003–2007)
    Zabalaza Anarchist Communist Front (2007–)

    Et pour un partages de mots…

    « Le jour où nous commencerons d’oublier tous les principes que nous abons évoqués avec l’anarchie, c’est parce que nous aurons redécouvert – dans les temps anciens – et appliqueront de nouveaux – dans les temps présent et futur – les dits principes de ce que nous nommons l’idéal anarchiste qui n’est, finalement, qu’un retour au source de ce que nombre de sociétés qualifiées  de « tribales » – ce que jamais elles ne furent, cependant, seulement dénomées ainsi afin de mieux les réduire au silence ou, les exterminer sans faire de bruit -, connaissaient et appliquaient naturellement puisque leur communauté – naturelle – était, avant tout, fondé sur le lien fraternel entre individus et le partage des productions entre eux, dans le sein fécond d’une vie proche et respectueuse de la Nature.
    Nul n’avait inventé le désastre d’exploiter un autre que lui.
    Nul n’avait imaginé être le maître d’un quelconque pouvoir.
    Nul n’avait l’intention de posséder plus qu’un autre. 
    Il fallait être né en dehors du monde pour inventer une telle chimére sociale, si ce n’est, improprement arrogant, afin d’imaginer pouvoir vivre aux dépends des autres en pillant les peuples et la terre de leurs dons respectif.
    Et l’occident se targue d’être le continent ayant apporté la civilisation. Certain même, des « penseurs » de notre siècle, imaginent, toujours aujourd’hui, que la colonisation à été un bien sans précédent pour toutes ces nations. Quelle ré-écriture de l’histoire ou méconnaissance de celle-ci ! La colonisation fut, est, et restera le plus grand drame de l’histoire, pour toutes ces nations, si ce n’est, le plus grand crime de cette inhumanité.»

    T.D.R. / Isilys / SNAC

    Je me réserve l’article trois pour demain… :o)

    A tout cœur
    W.

    • merci bien, la dernière citation est excellente en effet !
      On va corriger les « coquilles » merci.
      Le 4ème partie et la conclusion de Mbah et Igariwey est très très proche, tu verras. Très bien, ce petit livre est une perle ! traduit en espagnol en 2000 bien sûr jamais en français, nous en avons traduit nous pensons l’essentiel !
      Merci de nous suivre et de diffuser sans modération.
      Notre but est d’etablir la connexion naturelle entre les peuples, les similitudes entre les sociétés traditionnelles africaines et amérindiennes sont époustoufflantes dans la pratique de la gestion politico-sociale, bien sûr la culture diffère, mais à des continents de distance, sans aucun contact, nous voyons la véritable nature humaine à l’œuvre, c’est la direction que nous devons (re)prendre … ENSEMBLE.
      Le dernier volet pour nous sera d’essayer de trouver une connexion identique avec les sociétés originelles européennes, notamment avec les sociétés celtes pré-gauloises, sans doute vers 200 ou 300 Av le mythe de JC 😉 si tu as des infos, articles là-dessus on est vraiment preneur !
      merci
      fraternellement

      • wolfen Says:

        Désolé de répondre en décalé mais ce n’est pas simple en ce moment. Là, le corps se fait sentir de tous son poids alors du coup j’en profite pour me connecter à autre chose que ce qui me lance et m’oppresse trop souvent ces derniers temps.

        Mais je répondrai toujours même si quelques jours s’égrainent dans le champs de la semaine. Si je ne réponds pas c’est que la connexion s’est définitivement rompue. ;o)

        Ce « petit livre » semble effectivement très grand par son contenu
        et la traduction en français que vous faites est une perle pour tous ceux qui n’ont pas accès à une autre langue que le français.
        Encore un beau travail que vous réalisez. :o)

        Il est amusant que vous évoquiez les nations celte et leurs peuples ; c’est à elle que je pensais également lorsque je lisais l’article.
        C’est très certainement pour cela que leur histoire a été largement « oublié »…
        Hélas ! Ce que je sais « du peuple Celte » ne fait pas partie de l’histoire officielle et n’est écrit nulle part…
        Du côté des sociétés cosaque de l’est nous pouvons retrouver une sorte de liens avec les sociétés africaines et amérindiennes..
        Bien que de l’Irlande à la Turquie, de l’Europe de l’ouest et de l’est, en passant par l’Asie etc. les Celtes et leur mode de vie ont inspirées nombres de peuplades sur pratiquement tout les continents.
        D’ailleurs, dans le mensonge historique, nous avons celui de la langue française dont nous disons qu’elle est d’origine latine or cela est faux ; elle est d’origine italique, langue issue elle même d’une culture celte et de l’un de ces dialectes, et non romaine…

        Je vous post ce lien, avec cet article, mais certainement connaissez-vous déjà le site.

        http://www.anarchisme-ontologique.net/2025/le-manifeste-de-la-ligue-de-l-epine-noire/

        Je ne suis pas en total accord – mais on s’en moque – avec l’idée de « race celte » (Il faudrait alors remonter aux origines des 4 races majeurs ayant vécu sur terre mais hélas ! en ce lieu d’interprétations historiques, pour l’instant, rien ne peut être affirmer, preuves à l’appui. Elles arrivent…) et sur l’origine des nations celtes mais ça peut interpeler et peut-être vous offrir des directions supplémentaire où chercher.

        L’histoire de Jésus n’est pas réellement un mythe ; c’est une histoire ré-écrite avec des morceaux d’histoire puisé ici et là et dont certains des dits morceaux sont sous scellés…

        vers  -1400 avant JC
        Culte de Krishna ou Christna, huitième incarnation de Visnu : (Krishnaïsme) des Védas hindous qui donnera son nom à Jésus-Christ (Jezeus Krishna):
        * Son épithète personnelle était, » « le fils éternel », » le « Père »., « KRST », « Krishna », « Christna »
        * Sa naissance était attendue par des sages, des hommes sages et des bergers
        * Il se présenta avec de l’or, de l’encens et de la myrrhe
        * Il s’appelle dieu des bergers
        * Il fut persécuté par un tyran (Kamsa) qui ordonna le meurtre de milliers d’enfants en bas âge.
        * Il était de naissance royale
        * Il fut baptisé dans un fleuve (le Gange).
        * Il effectua miracles et merveilles.
        * Il ressuscitait les morts et guérissait les lépreux, les sourds et les aveugles.
        * Il utilisait des paraboles pour enseigner au peuple la charité et l’amour.
        * Il fut transfiguré devant ses disciples.
        * Dans certaines traditions, il fut crucifié entre deux voleurs
        * Il ressuscita d’entre les morts et monta au ciel
        * Il est appelé « le Dieu-Berger » et le « Seigneur des Seigneurs », et était considéré comme « le rédempteur, le premier-né, le Libérateur, le Mot Universel ».
        * Il est la seconde personne de la trinité et s’est proclamé lui-même « la résurrection » et « la voie vers le Père ». * Ses disciples lui donnèrent le nom de « Jezeus » qui signifie « pure essence »

        Sources : « Encyclopædia Universalis », « La Bible dans l’Inde » Jacolliot, « The light and islamic review october-december 2004, The Argument from the Bible (1996) By Theodore M. Drange

        L’un des morceaux utilisé…

        Le texte posté n’est que l’ébauche pas la totalité… Mais si vous avez apprécié celui-ci (avec ses fautes et ses manques) vous pourriez en apprécier bien d’autres, je pense. :o)

        Du style…

        « Vous pouvez lire le courrier de ma boîte à lettre, ouvrir les colis, écouter les conversations téléphoniques, décrypter tous mes mails, vous ne trouverez rien qui puisse me condamner pour avoir enfreins telle loi ou telle autre.
        Non pas parce que je m’y soumets, pas davantage, parce que je les approuves, je ne les approuves pas, vos lois n’étant que les supplétifs de la supercherie qu’est devenue l’idée de État, n’invitant, elles-mêmes, qu’à n’être votées pour mieux être détournées par vos représentants corrompus et corruptible à volonté, dès lors, que la leur s’évanouie devant l’appât du gain et l’ivresse de la reconnaissance, dont tout homme, non accomplie humainement, à nécessairement besoin pour s’honorer, par le regard d’autrui porter sur lui, avec des valeurs qu’il n’ a point développer dans sa nature intrinséque, à savoir la Vertu, ce que d’aucun appelle « l’Amour » et l’art du don de soi-même, ce que d’autres nomment « Altruisme ».

        Si, je n’offusque pas vos lois, tant que celles-ci ne nous invitent pas à la résistance, face à l’oppression – devoir premier de tout Homme se respectant et là, la constitution y consent également, le tout étant de bien comprendre ou, s’entendre, sur ce que nous nommons « oppression » – face à l’oppression, écrivais-je, c’est uniquement afin de ne pas avoir affaire à cet autre mensonge que vous appelez force publique – ou farce publique ? -, en fait, privé et au service, exclusivement, de votre pouvoir et non à celui de chacun et de tous, qui, si dès lors respecté – le pouvoir de chacun -, nul n’inventerez un pretexte pour entretenir ces légions, ayant pour exercice de maintenir la paix, puisque en un tels contexte de vie social et, de justice sociale, la paix commune ne saurait être troublée par quelques-uns, chacun, avec sa qualité humaine, et non sa négation, individu doué de respect, au service du bien commun, ne saurait être une objection à l’ordre naturel, l’Harmonie, que vous tyrannisez, dès lors, pour ce qu’Elle Est, vétitablement, bien que vous et vos lois qui faîtes semblant de maintenir la paix, lorsque la paix ne se maintient pas, c’est elle qui s’invite en chacun et se conscent mutuellement, par tous, avec tous, les forces des uns au service des faiblesses des autres, les faiblesses des autres au service des forces de l’Un, mais encore et toujours, entre ce choix sociétale fraternelle et l’anomie perpetuelle proposée, vos lois infantiles, vos lois asservissantes, vos lois qui assassinent la puissance de la qualité suprême de chacun, le respect, avec, son envers qui est pour Soi et son endroit qui est mutuel.

        ….

        T.D.R. / Isilys / SNAC  » L’anarchisme évolutionnaire  »

        A tout cœur,
        (J’écris « vous » puisqu’il me semble que vous êtes plusieurs à gérer le site, pas de raison autre :o)
        W.

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