Comprendre le colonialisme actuel: « Païens en Terre Promise », décoder la doctrine chrétienne de la découverte (Steven Newcomb) ~ Conclusion ~
“Nous sommes un empire maintenant et quand nous agissons, nous créons notre propre réalité. Tandis que vous passez votre temps à étudier cette réalité, comme vous le ferez si judicieuseent, nous agirons encore, créant ainsi de nouvelles réalités, que vous pourrez étudier également. C’est de cette façon que les choses vont aller. Nous sommes les acteurs de l’histoire… et vous, vous tous, ne pourrez juste qu’étudier ce que nous faisons.”
~ Karl Rove, conseiller du président George W. Bush, 2002 ~
“… les uns sont plus grands que les autres de par le droit divin de l’inspiration ; ce qui constitue aussitôt une inégalité fixe, constante, pétrifiée. Les plus inspirés doivent être écoutés par les moins inspirés et les moins inspirés par les pas du tout inspirés. Voilà le principe de l’autorité bien établi et avec lui les deux insitutions fondamentales de l’esclavage: l’Église et l’État.”
~ Michel Bakounine ~
“Les pères fondateurs des Etats-Unis sont un gang d’esclavagistes qui a voulu être libre, pour pouvoir continuer à mettre en esclavage l’homme noir , massacrer et voler l’homme rouge.”
~ George Carlin ~
Pagans in the Promised Land, Decoding the Doctrine of Christian Discovery de Steven Newcomb ~ Conclusion ~
Éditions Fulcrum, 2008
Traduction du titre: “Païens en terre promise, décoder la doctrine de la découverte chrétienne”
~ Traduit de l’anglais par Résistance 71 ~
Mars 2015
Conclusion
Un regard sacré sur tout être vivant
Lorsque le juge de la cour suprême des Etats-Unis John Marshall a appliqué les concepts de Peuple Chrétien et de Païens au sujet de l’indépendance des Amérindiens et du titre de propriété foncier indien sur la terre, il a tissé ces catégories religieuses avec celles des idées de la découverte chrétienne et de la domination, dans le tissu conceptuel de la loi américaine.
Expliquant le concept de la “découverte”, l’érudit et universitaire respecté Hunkpapa Lakota Vine Deloria Jr dit que “avec l’approbation du pape, dans le traité de Tordesilla en 1494 (entre l’Espagne et le Portugal), la doctrine de la découverte fut élargie de façon à ce que toute nation chrétienne puisse “découvrir” des terres auparavant inconnues des Européens et ceux-ci se retrouver immédiatement investis du titre légal de propriété et ce sans aucun regard emvers les droits des habitants existant de l’endroit.” Deloria a très certainement raison avec toutefois une petite retouche nécessaire, petite mais importante: Dans la bulle papale Inter Caetera de 1493, le pape Alexandre VI n’a pas employé le terme d’Européens pour exprimer le “droit de découverte”, mais il a utilisé le terme de “chrétien”. D’après le décret du pape, tout roi, prince ou nation chrétiens peut “découvrir” et assumer la dominantion sur toutes terres auparavant inconnues des chrétiens même si connues des habitants non-chrétiens.
[…] Ainsi le document fut écrit afin de protéger les droits de propriété terrienne de tout monarque chrétien, comme par exemple le roi du Portugal, mais pas les droits de propriété terrienne des non-chrétiens qui devaient être “subjugués” afin de “propager l’empire chrétien”.
[…] La doctrine de la découverte est maintenant très bien établie et est une partie intrinsèque de la loi américaine qu’on ne peut donc pas altérer. Il serait de plus, selon l’establishment, “trop tard” pour nous, peuples indiens originels pour nous faire les avocats et partisans du retrait de ce cadre théologique de la “découverte chrétienne” de la loi fédérale indienne. Bien sûr pour la société états-unienne, avancer de tels arguments est prétendre que les nations indigènes à cette terre doivent tout simplement acquiescer à ce précédent de la cour suprême datant de 184 ans et qui a affirmé sur la base de l’histoire (la mythologie) du peuple élu sur la terre promise et sur une croyance vieille de 500 ans qui voudrait que le peuple chrétien possède le droit divin de subjuguer les “païens” et d’assumer contrôle et domination sur leurs terres.
[…] Dire que nous, en tant que peuples indigènes contemporains, ne pourront pas réussir à défier le droit de la découverte chrétienne et de domination dans la loi états-unienne sur le terrain religieux ou autre, est en fait suggérer que la loi fédérale indienne reposera toujours sur une idéologie de subjugation religieuse et que “l’État” (dans ce cas-ci le gouvernement fédéral des Etats-Unis et les États de l’Union) peuvent ainsi considérer les ténets religieux du livre de l’ancien testament biblique (ex: Génèse 1:28 et psaumes 2:8) comme partie intégrante du contexte de fond de la “loi suprême de la terre” aux Etats-Unis.
[…] Pourtant, lorsque vu d’une perspective indigène, comment pouvons-nous en tant que peuple natif, considérer les idées et les pensées appelées loi fédérale indienne avoir une signification légitime pour nous déposséder de nos terres et de nos territoires de manière légitime et de détruire les modes de vie ancestraux et traditionnels de nos peuples et nations respectifs ? Pourquoi devrions-nous accepter tout ceci comme légal ? Pourquoi devrions-nous considérer la bulle papale Inter Caetera et autres édits papaux, être des fondements légitimes de la “loi” des Etats-Unis en relation avec les nations amérindiennes, surtout en considérant l’assomption de la séparation de l’église et de l’État aux Etats-Unis et que le christianisme est supposé ne pas êtte préféré à d’autres religions dans la loi américaine ?
[..] Dans cette perspective, les nations indiennes qui ont accepté la protection des Etats-Unis (par traité) sont autorisées à conserver leur existence libre et indépendante ainsi que leur pleine intégrité territoriale […] Mais les Etats-Unis ont tacitement interprété tous les traités signés avec les Indiens comme partie intégrante du contexte de la doctrine de la découverte et du verdict de l’affaire Johnson. Ainsi la découverte chrétienne et la dominiation résultante servent de contexte dans ce que le gouvernement fédéral utilise pour interpréter les traités entre les Indiens et les Etats-Unis.
Ce livre n’a seulement traité que quelques cas parmi les milliers de décisions légales et statutaires qui ont été prises par le gouvernement fédéral en ce qui concerne les affaires indiennes. Comme Vine Deloria Jr l’a si bien noté: “Tous les efforts de réviser, de systématiser et de comprendre les cas légaux et statutaires concernant les peuples et nations indigènes des Etats-Unis, ont été passés et décidés dans l’ombre de cette doctrine de la découverte.”
[…] Dans ce livre, mon but était d’utiliser des résultats de la théorie cognitive pour comprendre et interpréter la mentalité d’empire et de domination, qui a résultée de l’assomption que les peuples et nations originels libres et indépendants au départ sont maintenant sujets au pouvoir plénier et à la domination du gouvernement des Etats-Unis.
Cette même mentalité a aussi occasionné le fait que le peuple indien a perdu devant la cour suprêmes des Etats-Unis plus de 80% des affaires présentées, bien plus souvent que des criminels de droit commun condamnés et cherchant à inverser le verdict à leur encontre.
[…] Comme le dit Mark Johnson avec grande clareté dans son ouvrage “Law Incarnate”: “L’application de la science cognitive au droit repose sur l’assomption suivante: Le droit est une création humaine, de l’esprit humain vivant dans des corps humains, des sociétés humaines, opérant au sein de pratiques culturelles humaines. Et donc, pour comprendre comment fonctionne la loi, on doit savoir comment tous ces aspects de l’expérience et de la pensée humaines fonctionnent. Pour grandement simplifier l’affaire, nous devons savoir comme “l’esprit” fonctionne, et ceci est précisément l’objectif des sciences cognitives.”
[…] Les Etats-Unis ont contextuellement été fondés comme “l’empire américain” en se séparant de l’empire britannique. “Nous avons creusé les fondations d’un empire” avait dit George Washington. Il déclara aussi: “Ce n’est que dans notre caractère unifié en tant qu’empire que notre indépendance est reconnue, que notre puissance peut-être reconnue ou notre crédit soutenu au sein des nations étrangères.”
Comprendre que les Etats-Unis ont été fondés en tant qu’entreprise impérialiste nous permet de comprendre pourquoi la loi fédérale indienne, commençant avec le verdict de l’affaire Johnson, est plus correctement comprise en termes de modèle du conquérant et en termes des valeurs imbriquées dans des conceptions impériales romaines telles que imperium, dominatio, occupatio, domo, dominus etc…
[…] De 1783 jusqu’à la fin du XIXème siècle, l’empire américain s’est concentré sur l’extension de son contrôle territorial des nations indiennes dans les zones qu’il clâmait en Amérique du Nord. Cela ne fut qu’un amuse-gueule. Les Etats-Unis ont ensuite ardememnt travaillé à saisir une bonne partie du territoire du Mexique, puis s’est étendu dans le Pacifique pendant la guerre américano-espagnole. La politique étrangère américaine se tourna vers le désir de prendre le contrôle de Cuba, de Puerto Rico, des Philippines, de Guam, des Iles Vierges, Hawaii etc… Au cours du XXème siècle, les Etats-Unis ont étendu leur influence impérialiste autour du monde d’une telle manière, qu’il y a maintenant (NdT: en 2008 lorsque fut publié ce livre, bien plus maintenant…) quelques 725 bases militaires américaines réparties en territoires étrangers.
[…] En septembre 2000, un grand changement se fit jour quant à la doctrine avec le Project for a New American Century (PNAC), un think tank localisé à Washington D.C, qui publia un long rapport intitulé: “Rebuilding America’s Defense: Strategy, Forces and Resources for a New Century.” Le projet déclara: “Alors que le XXème siècle tire à sa fin, les Etats-Unis sont la seule super-puissance, combinant une puissance militaire prominente, un leadership technologique mondial et la plus grande économie au monde. Les Etats-Unis n’ont plus de rival et donc leur grande stratégie devrait être de préserver et d’étendre leur position avantageuse aussi loin dans le futur que possible.”
[…] Le rapport notait également que “le processus de transformation, même s’il amène des changements révolutionnaires, sera sûrement très long à défaut d’un évènement catastrophique de l’ampleur d’un nouveau Pearl Harbor.” Les attaques sur le WTC et le Pentagone juste un an exactement après que le rapport du PNAC fut publié (Septembre 2000), furent l’évènement catalyseur qui mit en branle une série de changements de grande envergure. Nous en subissons toujours les effets aujourd’hui.
[…] Il y a ce vieux cliché disant que les choses deviennent noires avant l’aube et le retour de la lumière. La voie de sortie de cette sombre période dans laquelle nous nous trouvons en ce moment doit impliquer un changement positif de paradigme cognitif en s’éloignant de la mentalité et des attitudes d’empire et de domination, réflectrices du modèle du Conquérant et du modèle du peuple élu/terre promise de l’ancien testament, incluant la doctrine chrétienne de la découverte et de la domination énoncée dans le verdict de l’affaire Johnson contre McIntosh.
[…] En tant que peuples et nations originels de l’Île de la Grande Tortue, nous devons inviter le monde à marcher avec nous côte à côte sur ce merveilleux chemin de la vie en restant centré sur l’enseignement de la loi indigène: Respectez la Terre comme votre mère et portez un regard sacré sur tout être vivant.
Fin
Le livre se termine par 31 pages de notes de chapitres et 11 pages de références bibliographiques.
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Notre conclusion
L’analyse de Newcomb est unique en son genre et nous permet de réellement bien comprendre le cœur du problème colonialiste. Depuis le XVème siècle, la racine profonde de la domination eurocentrique sur le monde est d’ordre religieux même si dans le temps, essentiellement au XIXème siècle et l’expansion de l’empire français sous la IIIème république, et celui de l’empire britannique sous le règne de la reine Victoria, ont vu les objectifs de la conquête glisser du religieux à “l’humanitaire” et à l’universalisme de la culture occidentale “supérieure” s’étant octroyée un devoir de rayonner non plus sur un monde “barbare et païen” mais sur un monde “barbare et ignorant”. La belle affaire !
La notion de conquête, de domination européenne du monde prend sa source dans les bulles papales du XVème siècle qui divisèrent le monde pour sa possession par l’empire de la chrétienté. Il est effarant en effet de constater que l’empire américain actuel est fondé sur une appropriation arbitraire, un vol de terres ne lui appartenant pas, vol qui s’est vu enterriner au fil du temps par la passation de la domination fondée sur des principes fondamentalement racistes d’un empire à un autre. Toujours plus effarant de constater que cette domination ordonnée par des édits du Vatican, a été intégrée dans la loi américaine (et canadienne) par le jeu de la reconnaissance et donc de la validation soi-disant légale d’édits religieux d’un autre temps, le tout dans la logique suprématiste d’une nation qui s’auto-déclare “indispensable” et ayant une “destinée manifeste” de rayonner sur le monde dans le plus pur esprit sectaire des puritains anglicans du Mayflower s’établissant sur la côte Est du “nouveau monde”, créant en Nouvelle-Angleterre, cette “cité sur la colline destinée à rayonner sur le monde”.
La réalité, comme exposé par Newcomb dans cet ouvrage qui fera date, est que tout ceci n’est qu’un leurre, une vaste supercherie criminelle et que l’empire est fondé sur un territoire volé, usurpé au prix du plus grand génocide de l’histoire de l’humanité (les chiffres oscillant entre 50 et 100 millions de morts depuis 1492 selon les sources). Cet empire est “sans terre”, il est nécessaire de déconstruire la fabrication pseudo-légale de son existence pour le forcer à disparaître. Les nations et peuples natifs du continent peuvent le faire, mais ils ont besoin de l’aide d’occidentaux eux-mêmes émancipés de l’idéologie colonialiste qui leur est inculquée et martelée depuis des générations. Notre position est que l’avenir de l’humanité passe par la coopération des peuples occidentaux libérés de l’idéologie mortifère colonialiste se tenant la main dans la main avec leurs frères des peuples indigènes de tous les continents pour se débarrasser du paradigme politique dominant, totalitaire, inégalitaire et fondamentalement raciste actuel pour reconstruire un nouveau paradigme sociétal égalitaire, non-coercitif, non-hiérarchique, au pouvoir dissout dans le peuple, fondé sur le respect des uns pour les autres. L’humain est capable de choses merveilleuses pourvu que l’environnement soit propice. Créons ensemble cet environnment en mettant le modèle politico-économique de l’État et du capitalisme aux oubliettes de l’Histoire, leur seule place légitime et en créant la société des sociétés, l’organisme collectif égalitaire où la véritable préoccupation sera le bonheur harmonieux et partagé sur terre. Rêve, utopie ! Hurlerons certains… Non, un projet politique et social réaliste si on s’en donne VRAIMENT les moyens, ensemble !
10 avril 2015 à 4:23
Je valide complétement votre conclusion.
C’est tout à fait possible, réalisable.
Je sauvegarde tout sous word.
Merci à vous R71 ; A +
10 avril 2015 à 5:20
oui et merci de diffuser tout çà à toute partie intéressée. 😉