Ingérence occidentale et « printemps arabe »: Washington est-il au bout du bout du banc ?… Suite…

Seconde tentative de réponse avec Thierry Meyssan du Réseau Voltaire, qui voit la défaite de Washington dans sa politique du double-jeu et une reprise en main potentielle par les forces vives populaires, ce qui aura des répercussions directes sur la politique en Tunisie et bien sûr en Syrie. Nous sommes tout à fait d’accord avec l’analogie de Meyssan disant que « Les Frères musulmans sont à l’islam ce que les Trotskistes sont à l’occident : un groupe de putschistes, travaillant pour des intérêts étrangers au nom d’un idéal toujours remis au lendemain ».

Analyse lucide qui ne manque pas de finesse. Où va l’Egypte ? Où va le Moyen-Orient ? Où va le monde ? A suivre avec grand intérêt…

— Résistance 71 —

 

Le sort de Morsi préfigure t’il celui des frères musulmans ?

 

Thierry Meyssan

 

8 Juillet 2013

 

url de l’article:

http://www.voltairenet.org/article179268.html

 

 

Bien que surpris par la rapidité des événements, Thierry Meyssan célèbre la destitution du gouvernement des Frères musulmans. Alors que la presse atlantiste soutenait Mohamed Morsi et conspuait Bachar el-Assad, il tenait le discours opposé et dénonçait le « printemps arabe » comme une manipulation. Le peuple égyptien et son armée ont tranché.

A l’issue de cinq jours de manifestations géantes réclamant le départ du président Morsi, l’Armée égyptienne l’a destitué et a désigné le président du Conseil constitutionnel pour assurer l’intérim jusqu’à la convocation de nouvelles élections.

Pour mesurer l’importance de l’événement, il convient de le resituer dans sa propre narration.

Une agitation politique a gagné une partie de l’Afrique, puis du monde arabe, à partir de la mi-décembre 2010. Les deux principaux pays concernés ont été la Tunisie et l’Égypte. Ce phénomène s’explique d’abord par des causes profondes : un changement générationnel et une crise alimentaire. Si l’aspect démographique échappe largement au contrôle humain, l’aspect économique a été partiellement provoqué en pleine connaissance de cause, en 2007-08, puis à nouveau en 2010.

En Tunisie et en Égypte, les États-Unis avaient préparé la « relève de la garde » : des leaders neufs à son service à la place de leaders démonétisés. Le département d’État avait formé de jeunes « révolutionnaires » pour qu’ils se substituent au pouvoir en place. Aussi, lorsque Washington a constaté que ses alliés étaient dépassés par la rue, il leur a intimé l’ordre de céder la place à l’opposition qu’il avait préfabriquée. Ce ne sont pas la rue, mais les États-Unis qui ont chassé Zine el-Abidine Ben-Ali et le général Hosni Moubarak. Et ce sont toujours les États-Unis qui ont installé les Frères musulmans pour leur succéder. Ce dernier point est moins évident puisque les deux pays ont organisé des élections, mais la tenue d’un scrutin ne signifie pas sa sincérité. Cependant, une étude minutieuse montre que les dès étaient pipés.

Il ne fait aucun doute que ces événements avaient été anticipés par Washington et qu’ils ont été guidés par lui, même s’ils auraient pu aussi survenir dans d’autres États, comme au Sénégal et en Côte d’Ivoire.

Précisément, des troubles surviennent alors en Côte d’Ivoire à l’occasion de l’élection présidentielle. Mais ils ne sont pas reliés dans l’imaginaire collectif au « printemps arabe » et s’achèvent par une intervention militaire française sous mandat de l’ONU.

Une fois l’instabilité installée en Tunisie et en Égypte, la France et le Royaume-Uni ont lancé un mouvement de déstabilisation de la Libye et de la Syrie, en application du Traité de Lancaster. Si quelques micro-manifestations pro-démocratie se sont tenues et ont été grossies par les médias occidentaux, les troubles étaient organisés par des Forces spéciales occidentales avec l’appui de meneurs takfiristes.

À grand renfort de manipulations, l’opération en Côte d’Ivoire a été exclue du « printemps arabe » (il n’y a pas d’arabes dans ce pays au tiers musulman), tandis que la Libye et la Syrie y ont été inclus (alors qu’il s’agit d’opérations coloniales). Ce tour de passe-passe a été d’autant plus facile à réaliser que des manifestations survenaient au Yémen et au Bahreïn dont les conditions structurelles sont bien différentes. Les commentateurs occidentaux les ont d’abord inclues sous l’étiquette « printemps arabe », puis les ont escamotées de leur raisonnement, tant les situations sont peu comparables.

En définitive, ce qui fait le « printemps arabe » (Tunisie, Égypte, Libye, Syrie), ce n’est pas l’instabilité, ni la culture, mais la solution prévue par les puissances impérialistes : l’accès au pouvoir des Frères musulmans.

Cette organisation secrète, prétendument anti-impérialiste, a toujours été politiquement contrôlée par Londres. Elle était représentée au cabinet d’Hillary Clinton, par le biais d’Huma Abedin (épouse du député sioniste démissionnaire Antony Weiner), dont la mère Saleha Abedin dirige la branche féminine mondiale de la confrérie. Le Qatar a assuré le financement des opérations (plus de 15 milliards de dollars par an !) et la médiatisation de la confrérie auquel elle a confié la chaîne Al-Jazeera depuis fin 2005. Enfin, la Turquie a fourni le savoir-faire politique avec des conseillers en communication.

Les Frères musulmans sont à l’islam ce que les Trotskistes sont à l’occident : un groupe de putschistes, travaillant pour des intérêts étrangers au nom d’un idéal toujours remis au lendemain. Après avoir tenté quantité de coups d’État dans la majorité des pays arabes au cours du XXe siècle, ils ont été surpris de leur « victoire », en 2011. Ils ne disposaient en effet d’aucun programme de gouvernement en dehors des instructions anglo-saxonnes. Ils se sont donc rattachés aux slogans islamistes : « La solution, c’est le Coran », « Nous n’avons pas besoin de constitution, nous avons la Charia », etc…

En Égypte, comme en Tunisie et en Libye, leur gouvernement a ouvert leur économie au capitalisme libéral. Il a confirmé l’entente avec Israël sur le dos des Palestiniens. Et a cherché à imposer, au nom du Coran, un ordre moral, jamais inscrit dans ce livre.

Les privatisations thatchériennes de l’économie égyptienne devaient atteindre leur apothéose avec celle du Canal de Suez, joyau du pays et source de revenus, qui devait être vendu au Qatar. Face à la résistance de la société égyptienne, Doha finança un mouvement séparatiste de la région du Canal, comme jadis les États-Unis avaient créé le mouvement d’indépendance du Panama en Colombie.

En définitive, la société égyptienne n’a pas supporté ce traitement de choc. Comme je l’écrivais dans ces colonnes, il y a trois semaines, elle a ouvert les yeux en observant la révolte des Turcs contre le Frère Erdogan. Elle s’est rebellée et a lancé un ultimatum au président Morsi. Après s’être assuré par téléphone auprès du secrétaire US à la Défense, Chuck Hagel, que les États-Unis ne tenteraient rien pour sauver l’agent Morsi, le général al-Sissi a annoncé sa destitution.

Ce point mérite une explication : Mohamed Morsi s’est présenté, lors de son avant-dernier discours à la Nation, comme un « savant ». C’est en effet un ingénieur spatial ayant fait carrière aux USA, ayant acquis la nationalité états-unienne, ayant travaillé à la NASA et disposant d’une accréditation US secret-Défense. Cependant, si Morsi a été lâché par le Pentagone, il a par contre été soutenu —jusqu’à son arrestation— par le département d’État, que ce soit par l’ambassadrice au Caire Anne Patterson, par les porte-parole Patrick Ventrell et Jan Psaki, ou par le secrétaire d’État John Kerry. Cette incohérence manifeste le désarroi de Washington : d’un côté la raison interdisait toute possibilité d’intervention, d’un autre les liens trop étroits de Morsi avec les Frères musulmans l’ont privé de toute solution de rechange.

La chute de Mohamed Morsi marque la fin de la prééminence des Frères musulmans dans le monde arabe. Et ce, d’autant plus, que l’Armée a annoncé sa destitution en s’entourant des forces vives de la société, incluant les « savants » de l’Université al-Azhar.

L’échec de Morsi est un coup dur pour l’Occident et ses alliés, le Qatar et la Turquie. Dès lors, on peut logiquement se demander si elle ne marque pas la fin du « printemps arabe » et de nouveaux bouleversements en Tunisie, en Libye, et bien sûr en Syrie.

8 Réponses to “Ingérence occidentale et « printemps arabe »: Washington est-il au bout du bout du banc ?… Suite…”

  1. Intéressant d’apprendre que Morsi est ingénieur de la Nasa, de double nationalité Zunienne, comme d’apprendre que la « Confrérie » des F-M a été suscitée depuis les Zunis, par une femme membre du cabinet d’Hitléry Clinton, Huma Abedin.
    Certes, les Zunis sont un des socles du NWO, et une terre conquise par les « loges » franc-maçonniques (et par les organisations Sionistes).
    Donc ce qui s’est passé semble, d’une manière occulte, provenir du « gouvernement secret » et de ses « pantins » du gouvernement « visible » Zunien.
    Ceci dit, il me semble que le « coup d’état militaire » (après demande de « feu vert aux Zunis !!!) risque fort d’installer aux commandes de nouveaux « pantins » au service des Zunis et du NWO, comme El Baradei…Bonnet blanc et blanc bonnet, à tous les coups « ils » gagnent.

  2. Cette vidéo n’existe pas en français malheureusement. Mais ce qui y est dit est tout à fait digne d’intérêt. Les auteurs prennent même pour exemple la confédération iroquoise comme exemple de pouvoir populaire non centralisé et non étatique ayant fonctionné parfaitement du XIIIème siècle à aujourd’hui.

    a voir et diffuser sans modération pour ceux qui peuvent comprendre l’anglais:

  3. Christiane Says:

    Toutes les machinations même parfaitement programmées, montées, organisées, préparées peuvent échouer à cause du grain de sable inattendu qui se met dans les rouages et empêche le bon déroulement des affaires avant de les faire complètement échouer. Le grain de sable en question serait-ce l’arrivée au Parlement de Bruxelles d’un nombre conséquent de députés nationaux anti-mondialiste, anti-européiste, qui feront émerger cette Europe du camp anti-impérialiste pour le remplacer par l’ Europe des Nations ?

    • Non! Il n’y a pas de solutions au sein du système ! Ceci devrait maintenant être l’évidence même. Il faut boycotter cette fumisterie totale de « représentation » pseudo-démocratique et créer le contre-pouvoir autogestionnaire des communes libres confédérées.
      C’est la seule solution ! Plus d’intermédiaires, le peuple gère lui-même car il est tout simplement le seul à pouvoir le faire justement et décemment.
      Tout le reste n’est que pisser dans un violon !
      Voter pour remplacer Bozo par Kiri est un leurre qui entretient le consensus du statu quo oligarchique.
      continuer à voter et à entretenir le système aristocratique et dictatorial par essence c’est être complice des oligarques.
      De plus concernant l’UE, les députés ne servent absolument à rien, ils ne sont que des larbins qui entérinent à la commande sans les lire, les lois et règlementation pondues par des commissaires politiques (non élus) eux-mêmes les exécuteurs des basses œuvres des cartels banquiers et industriels qui règnent en maitres absolus.
      Penser que voter pour changer cette situation est une solution est risible en l’état actuel de décrépitude et de totalitarisme montant.
      La solution est en nous, unis, pas dans ce barnum politicard parasite.

      • Christiane Says:

        J’entends bien ce que vous dîtes, mais avant d’arriver à ce que vous proposez, qui est plus ou moins la renaissance de la démocratie grecque antique, si demain l’ Europe des Nations remplace l’ européisme, les députés de Bruxelles disparaîtront pour faire place au système pré-Europe, non ?
        D’autre part, Pierre Hillard dit, et il n’est pas le seul, que ce système s’écroulera de lui-même, il renferme en lui-même les
        semences de sa destruction. C’est probablement à ce moment-là que pourra émerger la société dont vous parlez, mais, tout système a besoin d’un chef pour garantir l’unité de son peuple et de ses institutions.

        • Non pas de chef! que des leaders de terrain, sans pouvoir décisionnaire, pouvoir totalement décentralisé, assemblées générales, vie organisée sur la base de communes libres autogérées, Nous ne prônons pas la « république grecque » qui n’était qu’une aristocratie élargie, les femmes n’avaient aucun droit, société patriarcale forcenée, société à esclaves.
          Le système que nous encourageons est un « non-système » non étatique, sans leader (chef au sens occidental, impérialiste du terme), autogéré, non coercitif.
          Un mélange savamment dosé selon les endroits entre la Commune de Paris, l’anarchisme espagnol de 1936-39 dans une structure qui se pourrait empruntée et adaptée de la confédération iroquoise.
          Envoyer des « députés », quels qu’ils soient, ne fait que renforcer le système étatique de corruption oligarchique.
          boycott du vote, boycott des institutions étatiques et commerciales obsolètes, organisation citoyennes en communes libres et autogérées.

        • État et « chef » au sens étatique sont des illusions, des leurres. Ils ne sont ni utiles ni inéluctables… Merci de réfléchir à cela .

  4. patrice sanchez Says:

    Mis à part que les gens sont des moutons dans leur grande majorité et que nous nous dirigeons tout droit vers un état mondial fasciste, une société orwellienne avec des poches de résistances anarchistes et barbares à sa périphérie !

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